Histoire littéraire du 16ème siècle mouture 2016 - e

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Histoire littéraire du 16ème siècle mouture 2016 - e
UEO LM4.2 (Histoire de la littérature française du XVIème
au XXème siècle)
COURS N°1
XVIème siècle
I. Condition de l’écrivain
a) naissance du sentiment national
Le XVIe siècle se caractérise, entre autres, par l’émergence d’un fort sentiment national. En
effet, alors que le Moyen Âge se caractérisait par la division de l’État en domaines où
régnaient de grands seigneurs féodaux, le début du XVIe siècle voit la naissance de grands
états. Ainsi, la France va s’unifier, former un vaste territoire, et organiser son administration
autour du pouvoir politique royal (centralisation de ce pouvoir). L’usage exclusif de la langue
française, en lieu et place des nombreux dialectes que l’on retrouvait dans les différentes
régions de France, a puissamment contribué à cette unification du territoire.
Les querelles féodales intestines ayant cessé, les guerres se font contre l’étranger (contre
l’Espagne, ou les Habsbourg). Le peuple français est parfaitement conscient d’appartenir à un
grand ensemble, et il est également attaché à son roi. Cette conscience de l’unité nationale
joue un rôle important dans les conflits religieux. L’ingérence de l’église dans les affaires du
royaume devient difficilement supportable, notamment pour les pays protestants qui rejettent
la papauté. L’écrivain se trouve engagé dans cette mouvance : il fréquente le pouvoir royal, et
se trouve par conséquent impliqué dans un certain nombre de débats (défense de la langue
française, débat religieux…). C’est le cas pour Rabelais, Agrippa d’Aubigné, ou encore
Marot…
Avec les grandes découvertes, le négoce prend une dimension nouvelle. Bien que la
population réside majoritairement dans les campagnes, on voit émerger un certain nombre de
villes telles Paris, Marseille, Montpellier, Toulouse ou encore Lyon. Ces villes qui avoisinent
toutes les 100 000 habitants vont concentrer un certain nombre de professions (banquiers,
commerçants, riches artisans, armateurs) qui détiennent incontestablement un pouvoir
économique. C’est donc dans ces villes que l’on retrouvera les écrivains, là où le
développement économique permet la floraison des arts et de la culture.
b) mutation culturelle
L’extension des villes modifie le niveau d’instruction et les centres d’intérêt culturels. Le
Moyen Âge ne connaissait que l’enseignement religieux, dispensé par l’Eglise et fondé sur la
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théologie. Les citadins de la Renaissance ont le désir de s’informer de manière plus concrète
(géographie, technique, commerce…). Partout se développent en France des collèges, lieux de
rencontres par excellence des auteurs.
Mais le grand bouleversement culturel de l’époque tient à la diffusion du livre. L’imprimerie
(inventée par Gutenberg en 1448) s’implante en France dès 1470 à Paris et surtout à Lyon.
Les hommes les plus riches disposent de bibliothèques. Guillaume Budé (1468 – 1540)
secrétaire et bibliothécaire de François Ier organise un véritable réseau de soutien aux
traducteurs et aux éditeurs. Il accorde aussi des pensions à des érudits. Le statut de l’écrivain
se modifie donc : son œuvre est mieux protégée et plus largement distribuée.
c) statut de l’écrivain
Grâce à sa meilleure diffusion, l’œuvre littéraire acquiert une importance nouvelle. L’auteur
se met à jouer un rôle social important. À la cour de France, le roi attire autour de lui des
artistes qui embellissent son cadre de vie, et surtout célèbrent sa gloire : c’est l’avènement du
poète-courtisan. Ainsi, le grand Léonard de Vinci fera-t-il partie de la cour du roi François
Ier. Celui-ci permet aux écrivains et aux artistes de vivre mieux par le biais du mécénat. C’est
pour cette raison que le roi François Ier sera surnommé « le père des Lettres ». Jouissant
d’un statut privilégié, l’écrivain contribue à influencer le goût royal, tout comme il joue un
rôle important dans la diffusion des connaissances nouvelles (les sciences, le Nouveau
Monde, les théories religieuses, les philosophies mystiques…).
d) les genres littéraires du siècle
L’humanisme est essentiellement une théorie de la littérature (retour aux sources antiques,
italianisme, goût des idées). Les écrivains doivent donc inventer en français des genres
nouveaux qui permettront l’expression de cet humanisme. Ainsi, le roman moderne (avec
Rabelais) prendra son essor à ce moment-là. De même, Marot inaugure des formes poétiques
nouvelles (le sonnet). Le théâtre commence à prendre forme et Montaigne crée un genre
unique : « l’essai ».
Étant donné le statut de l’écrivain-courtisan, c’est surtout une poésie aristocratique qui se
développe au milieu du siècle. Cependant, écrite dans une langue simple et imitant les
humeurs amoureuses de tout un chacun, elle devient rapidement populaire (c’est-à-dire
dépasser le cadre étroit de la cour). Dans la seconde partie du siècle, cette tendance raffinée
cède le pas à une inspiration plus tourmentée. À cause des guerres civiles, le tragique prend
son essor mais aussi le scepticisme et la condamnation de l’horreur ambiante.
Le modèle culturel dominant est l’Antiquité ; la création passe souvent par l’imitation ou,
comme on la nommera plus tard, « l’innutrition ». À part la poésie amoureuse, toute pensée
s’élabore en se situant par rapport à la religion. Tous les grands esprits de l’époque se font
d’abord connaître pour leurs travaux d’ordre religieux : Rabelais, Montaigne, débattent sans
cesse d’idées philosophiques et religieuses. Marot est d’abord connu comme traducteur des
Psaumes. Ronsard et Agrippa d’Aubigné sont engagés dans la querelle de la Réforme…
II. Sources et formes de l’humanisme
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a) un certain retour à la prospérité
Lorsque cesse la guerre de Cent ans, la France retrouve une forme de prospérité. Le royaume
s’unifie (entre 1460 et 1550), les grands fléaux reculent et l’essor démographique reprend. Les
villes s’agrandissent, le commerce et la banque s’organisent. La découverte de nouveaux
mondes favorise également ce développement économique. La prise de Constantinople par
les Turcs en 1453 a contraint les grecs à se replier vers l’Italie : ils y apportent une tradition
nouvelle tournée vers l’Antiquité. De ce fait, l’Occident redécouvre les auteurs anciens.
Par ailleurs, les expéditions des rois François Ier et Louis XII en Italie, pour faire valoir
leurs droits sur Naples et Milan ont obligé la noblesse française à passer les Alpes : elle
découvre la beauté des arts italiens qui vont influencer la musique, la peinture, la sculpture, la
décoration ou encore l’architecture. L’influence de cet italianisme est donc aussi considérable
sur le poète ou l’écrivain.
b) qu’est-ce que l’humanisme ?
La Renaissance ne veut pas faire table rase du passé. Au contraire, elle cherche à revenir aux
sources antiques en pratiquant une lecture directe et personnelle des grands textes de la
civilisation antique. Les humanistes de la Renaissance vont rédiger des traités de vulgarisation
tout en mettant au service des étudiants et des amateurs les ouvrages grecs et latins en langue
originale avec traduction. De même, les humanistes s’intéressent aux premiers écrits chrétiens
et cherchent à retrouver le pur message évangélique. Ce courant, appelé l’évangélisme (refus
des dogmes, retour au texte) va provoquer un mouvement de rénovation de l’Eglise. Ce
courant nouveau séduit aussi les esprits éclairés comme Marguerite de Navarre, sœur de
François Ier. Les diverses traductions de la Bible notamment celle de Luther (1521) et de
Lefèvre d’Etaples (1523) vont contribuer à l’essor de la religion réformée (religion réformée
= protestantisme = religion huguenote) et à la critique de la corruption de l’Eglise. La rupture
définitive entre protestants et catholiques sera avérée vers 1445, avec le concile de Trente.
D’une manière générale, l’humanisme a retrouvé confiance dans l’Homme. Les humanistes
croient l’homme capable de dominer le monde et de le comprendre. La dignité humaine
consiste à exercer la raison dans une démarche à la fois collective (la civilisation) et
individuelle (la culture). L’idée de progrès commence à apparaître. Des notions essentielles
telles que « droits naturels » « civilisation », « liberté individuelle » apparaissent dans les
textes. L’étude de l’Histoire ou de l’Archéologie est revalorisée. La curiosité scientifique
s’exerce notamment dans les domaines de la médecine et de l’astrologie.
c) de nouvelles donnes
Cette effervescence culturelle, accentuée par la diffusion rapide des idées nouvelles grâce à
l’imprimerie, aboutit forcément à des remises en cause. Le monde change de perspectives
géographiques, culturelles et cosmologiques. L’unité religieuse disparaît. Dans ce contexte,
puisque tout est remis en cause, l’écrivain va porter une plus grande attention à son « moi ».
Chacun s’interroge et cherche à trouver sa voie soit en se raidissant (Calvin) en recherchant le
plaisir (Marot, Ronsard) ou en doutant méthodiquement (Montaigne). La littérature du moi
commence vraiment.
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Nous avons parlé auparavant d’un certain nombre de découvertes : les travaux de Copernic,
de Galilée ou encore de Newton permettent de revenir sur quelques certitudes.
Mais la Terre change aussi de dimensions : Christophe Colomb, Vasco de Gama,
Magellan, Hernan Cortés, Amerigo Vespucci, Pizarro ou encore Jacques Cartier ont
favorisé une bien meilleure connaissance de la planète.
De même, l’Europe change en partie de religion. Martin Luther (1483--1546) est
excommunié en 1520. Son idéal est de faire revenir l’Eglise au principe du christianisme
primitif, en la débarrassant des superstitions et des traditions multiples de l’appareil
ecclésiastique. La fois luthérienne, après divers conflits, s’impose en Allemagne et dans
l’Europe du Nord. En France, c’est Calvin (1509--1564) qui propage la Réforme sous
François Ier. Contraint à l’exil, il s’installe finalement à Genève en 1536. Sa doctrine est la
suivante : seul Dieu est souverain (refus de reconnaître le pape et son église), le culte est
exprimé en langue vulgaire. Les élus et les réprouvés sont prédestinés. La confession, le
célibat des prêtres, les pèlerinages, le culte des saints, les indulgences… sont supprimés. En
Angleterre, Henri VIII se sépare de Rome en 1531. L’anglicanisme va peu à peu s’installer.
d) vers l’homme nouveau ?
L’humanisme apparaît véritablement comme une manière de vivre. Il s’agit de donner à
l’homme plus de sagesse. C’est la raison pour laquelle les préoccupations pédagogiques sont
si importantes au XVIe siècle. Il convient donc de renoncer à tout ce qui s’apprend sottement
par cœur. Faire progresser l’enfant à son rythme, dialoguer avec lui, favoriser son esprit
critique tout en ne négligeant pas la musique et la danse, tels sont les préceptes de
l’humanisme.
En ce qui concerne la question des idées, l’humanisme s’intéresse surtout aux débats
religieux, principal enjeu intellectuel du siècle. Toutefois, les humanistes sont aussi des
réformistes et des pacifistes ; ce sont des cosmopolites, qui se sentent au-dessus des querelles
nationalistes étroites. Il existe donc un idéal politique humaniste que l’on pourrait qualifier de
modéré. Ce rêve d’une société idéale apparaît aussi bien dans le Gargantua (1535) de
Rabelais que chez Montaigne, ou encore chez Érasme notamment dans son Eloge de la folie
(1529).
III. Clément Marot : un champion de l’esprit nouveau
a) L’évolution du goût
Les grands poètes de la fin du XVe siècle composaient une poésie compliquée et souvent
érudite. La tendance générale, dès le début du XVIe siècle est de revenir au naturel, en
insistant sur une communication plus directe avec le lecteur. D’où le développement des
genres que sont l’épître ou l’épigramme.
Entre 1510 et 1540 seul Clément Marot (1496--1544), va vraiment arriver à s’imposer en
réussissant à faire la synthèse des traditions. Homme d’esprit et de cour, ouvert, cordial,
insolent, il a le tempérament d’un inventeur. On lui attribue aussi l’invention du sonnet.
À la cour de François Ier, où le jeune roi et sa sœur Marguerite ne dédaignent pas de rimer des
vers, les poèmes qui s’échangent ne brillent guère par leur originalité, mais ils prétendent
plutôt exprimer des sentiments naturels. La poésie cesse donc d’être une recherche
compliquée pour devenir une distraction mondaine et sentimentale, un passe-temps, un jeu de
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l’esprit. Clément Marot comprend très bien cela : sa poésie va répondre à ce nouveau goût.
On préfère la forme brève et brillante à des poèmes interminables et obscurs. Le pédantisme
laisse la place à l’esprit, en prenant s’il le faut des exemples chez les Italiens, tel Pétrarque.
b) l’œuvre de Marot
Il faut retenir quatre grands aspects de son œuvre :
-une poésie personnelle et lyrique, où le poète exprime ses sentiments.
-une poésie satirique. En effet, il a eu maille à partir avec toutes les institutions de son temps.
Suspecté pour ses idées favorables à la Réforme, il sera même poursuivi pour divers péchés
mortels.
-une poésie de courtisan. Il ne faut pas oublier que Marot vit de la faveur du prince. Il
cherche donc constamment à lui plaire, soit pour se tirer d’un mauvais pas et éviter ainsi la
prison, soit pour refaire sa fortune dilapidée.
-une œuvre de traducteur. En bon humaniste, malgré des condamnations et des avertissements
répétés, il a voulu traduire les Psaumes, chose que le tribunal ecclésiastique de la Sorbonne
trouvait impie.
D’un point de vue plus technique, il convient d’ajouter que Marot parvint à imposer des
strophes et des poèmes à formes fixes.
c) un exemple de l’inventivité du poète : le blason
Marot est l’initiateur d’un jeu littéraire, le blason. À l’origine, « blasonner» consiste à
déterminer les armoiries d’un écu. Le poète s’amuse à l’appliquer à un élément anatomique
(les yeux, le sourcil, le nombril….). La description devient alors énumération. On ressasse les
aspects et les contours de l’objet. Le blason illustre un besoin fondamental de la Renaissance,
celui de dévoiler et de satisfaire un appétit incessant de curiosité. Exilé en Italie, Marot écrira
en 1535 Le Blason du beau tétin, qui sera du reste l’occasion pour lui de lancer un concours
auprès de tous les poètes…
IV. L’exubérance humaniste : Rabelais
a) incarnation de l’ardeur encyclopédique de la Renaissance
Rabelais (1494--1553) commença sa vie comme moine. Son passage dans divers ordres
religieux lui permit d’acquérir une immense culture. Lorsqu’il quitte les ordres en 1530, il se
tourne vers la médecine, tout en entamant une œuvre littéraire originale et puissante.
Les écrits de Rabelais illustrent bien l’effervescence humaniste qui suppose un idéal de
connaissances universelles. Il s’agit de toucher tous les temps (écrivains grecs, latins,
Hébreux, Bible…) et tous les domaines (histoire, philosophie antique, médecine, astrologie,
géographie, botanique…). Comme homme d’église, il a donc analysé les différents systèmes
métaphysiques et religieux. De plus, comme voyageur et homme engagé il a réfléchi à des
conceptions nouvelles concernant la vie en collectivité. Rabelais est un esprit contestataire et
inventif. Ses livres se moquent de la guerre, des puissants, de la hiérarchie, de l’Eglise, de
l’éducation pratiquée au Moyen Âge. Ses héros cherchent le bonheur des hommes, discutent
de la meilleure organisation économique possible, modifient la loi. Sa religion enfin est
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inspirée par l’évangélisme qui prône le retour au texte et au message du Christ, l’abandon des
dogmes et des superstitions inutiles, la distance face à la papauté, le refus de l’hypocrisie etc.
À ce titre, l’œuvre de Rabelais peut être considérée comme une œuvre « à message ».
Afin de vulgariser ses idées, Rabelais choisit le grossissement : ses héros sont des géants et
ils traversent des situations énormes ou absurdes. Il en résulte une force comique qui
ridiculise les comportements humains et donne à réfléchir. Rabelais ne recule devant aucune
folie ni aucune grossièreté pour faire rire son lecteur. Il laisse exalter la joie de vivre, celle du
corps, des appétits humains les plus crus.
Enfin, au moment où la langue française se met en place et se généralise, il participe au
mouvement en jouant avec les mots, et en mélangeant les registres de langue : médical,
juridique, érudit, populaire, scolastique… Son écriture s’apparente à une sorte d’exploration
des pouvoirs du langage et de la richesse du vocabulaire français.
b) une œuvre touffue
Encouragé par le goût de ses contemporains pour les contes paillards et pour les chroniques
(collage d’anecdotes joyeuses) Rabelais fait paraître à Lyon en 1532 son Pantagruel. Comme
il le prévoyait, Rabelais fut aussitôt censuré par la Sorbonne. Il choisit de se défendre par
l’attaque. Publié avec la protection de la cour, Gargantua (1534) est une mise en cause encore
plus nette de ceux qui refusent l’esprit nouveau. Le prologue de Gargantua sert de mode
d’emploi : Rabelais invite le lecteur à saisir, derrière les apparences et le rire, le sens profond
et caché de son texte. Lire, c’est ronger l’os, pour en tirer « la substantifique moelle ».Cet
ouvrage est donc un conte amusant, mais aussi une revue des théories humanistes.
Du fait des allusions très directes qu’il contient, Gargantua est également censuré. À la suite
de l’affaire des placards (des affiches pour les idées réformées sont placardées sur la porte de
la chambre du roi François Ier !) celui-ci commence à persécuter les protestants. Rabelais, par
prudence sans doute, n’écrit plus pendant 11 ans. Protégé par le cardinal Jean du Bellay, il
achève ses études de médecine et se fait oublier. Sa situation sociale restaurée, il reprend ses
écrits. C’est ainsi que paraîtra en 1546 le Tiers livre, puis en 1552 le Quart livre prolongé par
le Cinquième livre (posthume, dont l’authenticité est discutée).
c) le comique de Rabelais. : du grotesque au profond
Le XVIIe et XVIIIe siècle se sont montrés peu favorables à l’œuvre de Rabelais. En effet,
celui-ci est très souvent désigné comme un auteur grossier, ne reculant devant aucune allusion
scatologique ou sexuelle. Ce n’est qu’au XIXe siècle (grâce, entre autres, à Victor Hugo) que
le rire rabelaisien sera interprété comme une conception globale du monde. Le comique de
Rabelais est vu comme un prolongement de l’esprit de carnaval, où toutes les valeurs
s’inversent. Ainsi peut-il confondre dans une même vision la naissance et la mort, ou insister
sur la vie sexuelle et sur les combats. Selon lui, le corps est image du monde, du cosmos, en
perpétuel mouvement, en métamorphose. Le rire insiste sur le bas corporel pour abaisser les
illusions spirituelles et pour réhabiliter un appétit euphorique de l’existence et de ses instincts.
d) un style torrentiel : dénonciation ou exaltation du langage ?
L’écriture de Rabelais repose d’abord sur une imagination verbale sans égale. L’imagination
jaillit d’un foisonnement de jeux langagiers. Il ne cesse de forger des mots, de multiplier les
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calembours et les coq-à-l’âne. Le lecteur, emporté dans un mouvement torrentiel, ne sait plus
trop si cette abondance est une manière de révéler la gratuité du langage, ou au contraire de
traquer partout la vérité, en se montrant particulièrement créatif.
e) les idées de Rabelais : mystification et /ou «engagement» ?
L’auteur à beau nous indiquer qu’il faut dépasser les apparences burlesques de son œuvre
pour y chercher le sens caché, l’impression première du lecteur est celle d’une énorme
plaisanterie pour ne pas dire une mystification ! Cependant, son œuvre s’adresse à ceux qui
lisent c’est-à-dire à une élite cultivée. Lorsque Rabelais se livre à la parodie, il ne peut être
compris que de ceux qui connaissent le modèle tourné en dérision (université, justice,
littérature…). Dès lors, cette œuvre a un statut ambigu, entre mystification fantaisiste et
engagement sérieux. On peut relever trois domaines dans lesquels les idées de Rabelais sont
discernables :
-la confiance en la Nature
-le désir de réformer l’Homme
-l’évangélisme et le refus de tous les excès dans le domaine religieux
Il faut également souligner que l’auteur n’avait qu’à regarder autour de lui pour voir les
tensions monter partout : son œuvre est donc à la fois une réflexion sur l’idéal humaniste et
une dérision de cette illusion. Le public populaire de Rabelais devait surtout retenir ce
deuxième aspect. Cette dualité de l’œuvre explique sans doute pourquoi elle fut condamnée
par tous les bords, catholiques et calvinistes au XVIe siècle. Mais elle a aussi assuré à l’œuvre
une certaine pérennité tant il est vrai qu’elle fut, depuis sa création, sans cesse relue
réinterprétée et commentée. Totalement originale, elle offre à chaque lecteur un sens non
donné mais à construire…
V.
Marguerite de Navarre
a) le conte : un genre qui prend forme
Comme son nom l’indique, le conte appartient à la tradition du récit oral. Il implique une
situation de communication particulière : le conteur reste présent dans l’acte de narration, il
ménage ses effets pour plaire et intriguer son auditoire. Du fait de ses origines populaires, le
conte emprunte beaucoup à la vie quotidienne. Mais il peut aussi se faire l’écho de récits
fabuleux ou imaginaires, reflets des croyances ou des hantises communes. Pendant tout le
Moyen Âge, en attendant que la littérature écrite prenne ses formes modernes, le conte
connaît une grande vitalité. Il transmet les légendes, et se nourrit de merveilleux. Mais il
cherche surtout à faire rire. De plus, il est facilement grivois.
C’est ainsi que le compte devient, au début du XVIe siècle, un champ littéraire à part. Ce ne
sont plus des conteurs de foire ni des gens du peuple qui le composent, mais des humanistes,
des lettrés, qui comprennent que ce genre littéraire peut à la fois amuser et instruire. Ils
s’efforcent de pratiquer une écriture simple, de supprimer la rhétorique, de faire allusion à
l’actualité. À la fois psychologique et moralisateur, le conte décrit les hommes et en tire une
morale : un peu comme le fera la fable au XVIIe siècle.
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b) l’exemple de Marguerite de Navarre
Sœur (1492--1549) de François Ier, elle semble avoir été déçue par ses deux mariages.
L’échec sentimental de cette femme, très cultivée et profonde, est compensé par l’ardeur du
seul amour de sa vie, celui qu’elle vouait à son frère. Cet attachement étroit et passionné
explique le rôle qu’elle a pu jouer auprès du roi comme protectrice des poètes, dès
humanistes, des novateurs. Elle accueillit dans sa cour de Nérac les plus fins esprits de son
temps.
Comme la plupart des intellectuels de la Renaissance, elle est passionnée par les débats
religieux. Son tempérament mystique et idéaliste la pousse à comprendre les principes
réformateurs. Cette position est difficile pour la sœur du roi. Retirée dans son royaume de
Navarre, elle se consacre à l’écriture d’un recueil de contes, l’Heptaméron. Cet ouvrage imite
en sept jours les 10 journées du Décaméron de l’italien Boccace (1313--1375).
L’Heptaméron peut être considéré comme une revue des différentes amours possibles. Les
faits racontés par les 10 participants sont toujours extrêmes : suicides violents, incestes,
passions raffinées ou violentes… Le recueil montre donc les différentes métamorphoses du
sentiment amoureux. Marguerite refuse le point de vue unique et fait dialoguer des
contradictions où l’on s’aime pour le meilleur et pour le pire.
c) Bonaventure Des Périers
Marguerite exerça un protectorat efficace et discret sur les lettres françaises. Dans son
entourage immédiat, outre son cher valet de chambre Marot dont nous avons déjà dit un mot,
on trouve divers conteurs dont Bonaventure Des Périers (1510--1543).
Né en Bourgogne, il mène une vie vagabonde et difficile, avant qu’il ne rencontre la reine.
Tandis que celle-ci rédige L’Heptaméron, il compose ses Nouvelles récréations et joyeux
devis en 1558. Ce recueil eut un grand succès pendant tout le XVIe siècle et fut plusieurs fois
réédité. Comme Rabelais, il jongle avec les mots et les dialectes, et son écriture est le reflet de
la liberté humaniste pleine d’ironie et de gaieté. Ses anecdotes, prises sur le vif, sont brèves et
drôles. La Fontaine lui empruntera d’ailleurs l’histoire de Perrette et le pot au lait.
d) un conteur-ethnologue : Noël du Fail
Né en Bretagne (1520--1591), il fait de bonnes études à Paris, avant de mener une existence
turbulente. Il séjourne en Italie et fait divers voyages avant de se fixer enfin dans sa région
natale. Une belle carrière de juriste et de parlementaire lui laisse toutefois le temps de publier
ses Propos rustiques (1548). Cet ouvrage emprunte au style rabelaisien. Noël du Fail est un
nostalgique, un réactionnaire. Dans le climat troublé de la seconde moitié du XVIe siècle, il
évoque les valeurs d’autrefois, dans une sorte d’utopie rétrograde. Il raconte la vie d’une
communauté harmonieuse avec ses labeurs réguliers, ses mœurs simples et pures. On peut lui
opposer la vitalité brouillonne de Pierre de Bourdeilles, seigneur de Brantôme (1537-1614), mémorialiste coquin des Dames galantes.
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VI. Le foyer littéraire lyonnais
a) Lyon, carrefour économique et culturel
Dès le début du XVIe siècle, la ville de Lyon est un important lieu d’échanges. Intermédiaire
obligé entre l’Italie et Paris, elle sert de plaque tournante pour le commerce et organise de
nombreuses foires internationales chaque année. Les banquiers italiens puis flamands qui s’y
sont installés sont très soucieux de leur indépendance.
Cette intense activité économique permet aussi la circulation des idées, d’autant que Lyon se
trouve à la croisée des chemins. L’esprit de la Réforme souffle de Genève. Les traditions des
troubadours du pays d’Oc (tout le sud) sont très proches. Les idées esthétiques ou
philosophiques de l’Italie remontent la vallée du Rhône. Mais surtout Lyon est une capitale de
l’imprimerie grâce à la compagnie des libraires lyonnais. Les éditeurs, munis de privilèges
royaux, font progresser la diffusion du livre en imposant le petit format in octavo (c’est-à-dire
le huitième d’une grande feuille) et en utilisant des caractères plus lisibles que le gothique.
Citons deux grands imprimeurs lyonnais : Étienne Dolet (Rabelais, Marot) et Jean de
Tournes (Marguerite de Navarre, Louise Labé).
Ce milieu a permis un épanouissement exceptionnel aux gens de lettres. Les cercles lyonnais
s’intéressent à la pensée religieuse à l’astrologie. Les commerçants, parce qu’ils sont
pragmatiques, sont favorables aux idées de libre circulation, à la paix, à la tolérance. Dans les
salons des riches familles lyonnaises s’organisent des cercles où la poésie et la musique
servent à la fois de divertissement et d’approfondissement des idéaux humanistes. Les plus
grands esprits du temps s’y retrouvent, parfois avec la cour du roi de France, qui y fait de
fréquents séjours, notamment durant la période des guerres d’Italie. Lyon est un foyer culturel
fécond, ouvert et foisonnant, sans rival dans tout le royaume.
b) une personnalité secrète et influente : Maurice Scève
De son vivant, Maurice Scève (1501--1564) passait déjà pour obscur, tant sa poésie paraissait
concise et difficile. Cette réputation fut entretenue par lui, en particulier grâce au mystère dont
il entoura sa vie privée. Cet homme secret est issu d’une famille lyonnaise de notables
cultivés. Il semble avoir été assez riche pour se consacrer exclusivement aux études et à la
création, entouré d’un petit groupe de fidèles sur lesquels il exerça un puissant ascendant.
Nourri de culture grecque ou latine, fasciné par les idées néoplatonicienne, il entre en poésie
comme d’autres entrent en religion. Son œuvre principale parut en 1544 : il s’agit de Délie,
objet de plus haute vertu. C’est un recueil complexe écrit avec des décasyllabes, qui raconte
la quête désordonnée et tourmentée d’un anxieux vers une perfection et un au-delà dont la
femme aimée est l’image. On s’accorde à considérer que celle-ci n’est autre que Pernette du
Guillet, dont l’auteur s’éprit vers 1536. Sa poésie exprime donc une douleur nécessaire à une
jouissance supérieure. Mallarmé ou Valéry admireront plus tard la forme très contraignante
de cette poésie qui exige une certaine virtuosité.
c) l’inspiratrice de Maurice Scève : Pernette du Guillet
Née dans une famille noble de Lyon, Pernette du Guillet (1520--1545) a été
unanimement louée de son vivant pour sa beauté comme pour son savoir. Il s’agissait
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d’une véritable érudite, ce qui explique sans doute le coup de foudre de Scève pour elle.
Âgée d’à peine 16 ans, alors que celui-ci en a 35, elle partage pourtant son amour, alors
qu’elle est promise à une autre union. La tendresse amoureuse qui les lie se transforme en
une correspondance poétique. La jeune fille compose ses propres vers au jour le jour,
d’une manière juvénile, joyeuse et modeste. Quand elle meurt subitement à 25 ans, son
mari décide de recueillir ses poèmes et de les publier en 1545 sous le titre de Rimes.
d) Le phénomène Louise Labé
Louise Labé (1524--1566) est la plus grande poétesse de la Renaissance. Mais c’est avant
toute une étrange personnalité, qui fit jaser de son vivant. Comment une bourgeoise, fille et
femme d’un artisan cordier a-t-elle pu si vite s’imposer comme un écrivain excellent dans les
milieux aristocrates et raffinés de Lyon ? De même, comment se fait-il qu’on la voie en train
de participer à des tournois, en compagnie de son frère, écuyer et maître d’armes comme
elle ? Cette femme, par sa beauté et sa force de caractère, ne pouvait laisser indifférent.
Ses œuvres présentent un double aspect : d’une part un féminisme qui invite les femmes à
participer à l’essor humaniste de la Renaissance et à refuser d’être « femme-objet ». D’autre
part, une forte sensualité, revendiquant par ses poèmes l’ardeur des amours charnelles. Tant
de franchise attira sur la poétesse des jugements sévères. On lui reprochait son impudeur et on
lui fit même une réputation de courtisane. Pourtant il n’y a guère de scandale dans cette œuvre
qui exprime sans provocation ni outrance la maladie d’amour, entre le plaisir et le manque.
VII. La vitalité poétique du milieu du siècle
a) un moment d’apogée
À la mort de François Ier en 1547, après 32 ans de règne, la France atteint à une forme
d’apogée. Le pays est pacifié, unifié. Les grandes villes (Paris ou Lyon) sont des foyers de
culture importants. Les beaux-arts et l’humanisme triomphent. C’est dans ce contexte très
favorable que la génération des années 1530 a participé à un essor littéraire inventif et brillant,
qui sera décisif pour toute l’histoire de notre littérature, notamment dans le domaine de la
création poétique.
L’exemple vient de haut. La cour protège les artistes. Les constructions royales (les châteaux
de la Loire, le Louvre puis les Tuileries) attirent des architectes, des sculpteurs et des peintres.
Les rois ont conscience que les poètes ennoblissent le prestige royal, et ils protègent donc les
gens de lettres. Sous le règne d’Henri II (1548--1559), François II (1559--1560) et Charles
IX (1560--1574), le culte des modèles antiques (via l’Italie) influence durablement le goût et
les formes de la création. La génération de la Pléiade rejette les formes poétiques du Moyen
Âge et réclame l’imitation de l’Antiquité. Les grands humanistes français comme les
traducteurs Jacques Amyot ou Henri Étienne modifient l’enseignement et la pensée :
Ronsard ou Joachim du Bellay leur devront beaucoup.
Une intense production prend alors son essor : poésie, théâtre, littérature d’idées et textes
engagés. De nouvelles conditions économiques y contribuent. La bourgeoisie, grâce à
l’activité commerciale favorable s’enrichit vite et devient commanditaire ou utilisatrice des
œuvres culturelles. Le public s’élargit, ce qui offre un meilleur statut social à l’écrivain. Un
homme comme Ronsard, à la fin de sa vie, est lu et connu dans tous les milieux et dans la
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France entière. C’est peut-être notre premier grand écrivain « populaire » même si, pour une
immense partie, la population n’accède pas à la lecture.
b) un manifeste : La défense et illustration de la langue française
Ce manifeste, préparé par un groupe de jeunes lettrés réunis autour de Ronsard porte la
signature de Du Bellay. Il s’agit d’une nouvelle théorie littéraire qui vise à épanouir et
enrichir la langue. Ce manifeste reflète toutes les aspirations de l’époque. Le débat de fond,
créer une littérature qui soit vraiment française et originale, va conditionner toute l’évolution
de la poésie jusqu’à nos jours. Il s’agit de dire le pouvoir des mots. Chaque langue possède un
pouvoir particulier et intraduisible. C’est en elle que se trouve toute beauté et toute vérité
transmissibles. Si la langue imite, se répète, s’affadit, si personne ne l’élabore ne la réveille ni
ne l’enrichit, ce n’est pas seulement la communication entre les hommes qui s’affaiblit mais le
génie d’un peuple. Tout l’art poétique va viser à déceler et cultiver la force et la beauté du
français tout en le réanimant et en le diversifiant : il faut exploiter toutes les possibilités qui
rendront à la langue française sa lumière, son énergie, son âme et son ardeur.
Voici schématiquement quelques points développés par cet ouvrage :
-le français n’est ni barbare, ni inférieur aux langues anciennes ou à l’italien. Il a simplement
été négligé
-Les traductions certes sont utiles : elles prouvent l’habileté du français. Mais elles ne peuvent
à elles seules faire exister notre langue. D’autre part, traduire les poètes étrangers revient à les
trahir : il faut donc imiter et non traduire.
-En tous domaines, un homme du XVIe siècle peut égaler, voir surpasser, un homme de
l’Antiquité.
-Le français est mal étudié car on passe trop de temps à enseigner les langues anciennes
comme si elles étaient notre langue maternelle.
-La poésie française est à inventer car les exemples actuels ne sont pas satisfaisants (c’est
surtout Clément Marot qui est visé).
-Le poète a besoin de don sans doute, mais encore plus de travail et de culture.
-Il faut s’essayer à tous les genres anciens (élégie, odes, satire), ou étrangers (le sonnet
italien), mais privilégier les sujets empruntés à notre Histoire nationale.
-Il faut enrichir la langue de mots nouveaux.
-Ainsi le poète atteindra la gloire nationale : il aura défendu le génie de son pays au même
titre que les guerriers ou les hommes politiques. Il faut mépriser les amuseurs frivoles et les
« rimailleurs », car le poète a une mission patriotique.
Il est clair que ce traité reprend des idées humanistes du début du siècle (utiliser la langue
française, s’inspirer de l’Antiquité) tout en invitant à des innovations comme enrichir la
langue de mots nouveaux, ou imposer de nouveaux genres poétiques (ode, hymne, sonnet).
C’est surtout dans le domaine du lexique que la Défense et illustration jouera un rôle définitif
et important.
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c) le poème d’amour et son langage codé
Comme nous l'avons signalé, la très riche production poétique des années 1550 présente une
unité thématique. En dépit des différences dues au génie propre de chacun, on retrouve trois
traditions constantes : la courtoisie, le pétrarquisme, le néo-platonisme.
- La courtoisie vient de la fin’amor du Moyen Âge. L’homme (le poète) courtise
la dame qui se veut inaccessible. Il en est le vassal et il doit, à force de patience
et d’écriture, atteindre sa merci (sa pitié). Le poème illustre alors, par ses
figures compliquées et ses métaphores, cette quête du désir pour une jeune
femme idéale.
- Dans son recueil de sonnets Canzoniere l’érudit italien Pétrarque raconte son
coup de foudre pour une dame mystérieuse, Laure, rencontré en 1327 à
Avignon. Sa poésie exprime une intimité douloureuse, entretenue
volontairement. La contemplation de la dame attise chez le poète son désespoir
de ne pas posséder l’harmonie et la sérénité incarnées par la beauté féminine.
L’amour est donc une souffrance et un manque, mais il donne la volupté d’être
sans cesse en état de désir. Le pétrarquisme a durablement nourri la poésie
italienne puis française tant pour la forme que pour les thèmes qui jouent
surtout sur l’antithèse (l’union des contraires : amour/angoisse beauté
fascinante/beauté déprimante), et sur l’exagération (hyperboles, images
violentes, langue affectée).
- Nous avons évoqué les deux premiers éléments, examinons à présent le
néoplatonisme. Sous l'influence de l'italien Marsile Ficin s'est développée à la
fin du XVIe siècle une relecture de Platon : nous ne percevons ici-bas que des
apparences. Les vérités pures, que Platon nomme les Idées, se trouvent dans un
monde éternel, sorte de paradis (monde idéal). Le poète est donc hanté par
l'aspiration à l'envol. L'amour doit être platonique, c'est-à-dire hautement
spirituels sans sexualité, d'où la nécessité de dominer les passions : on retrouve
donc ici un appel au perfectionnement cher aux humanistes.
d) Un groupe de créateurs : la Pléiade
Comment évidemment ne pas parler de la pléiade ? D’abord intitulé la Brigade, il s’agit d’un
regroupement de 7 jeunes poètes unis par l'amour de la poésie, travailleurs et enthousiastes et
dont La Défense et illustration sert de manuel littéraire. : Ronsard, Du Bellay, Pontus de
Tyard, Baïf, Peletier, Belleau, Jodelle. Selon eux, la poésie est un art supérieur inspiré par
les dieux.
Du Bellay (1522 -- 1560) : issu d'une famille puissante, fait paraître en 1549 un recueil de
sonnets appelé L'Olive, où l'auteur chante son amour pour une dame du même nom. Écrit
dans une langue stylisée et très savante, l'auteur reviendra bientôt à une poésie beaucoup plus
personnelle, notamment lors d'un séjour à Rome. Ainsi en 1558 paraîtront Les Regrets et Les
Antiquités de Rome où le poète évoque la Rome de jadis ainsi que ses propres misères dans la
ville papale. L'œuvre de Du Bellay est très marquée par la nostalgie et les déceptions ; c'est
pourtant une des plus mélodieuses de notre littérature. Il restera à cet égard le poète de l'exil.
Ronsard (1524 -- 1585) : d'origine noble, il s'impose très rapidement au sein de la Pléiade.
Vraisemblablement un des auteurs qui ont le plus considérablement marqué cette époque. Ses
thèmes sont inspirés par l'épicurisme, sa poésie évoque la jeunesse qui fuit trop vite, la
Nature, l'Amour, qui contient tous les autres sentiments. Ses thèmes soulignant la victoire du
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temps et de la mort, la poésie se présente alors comme un moyen de compenser la fragilité des
choses de la vie : elle seule immortalise ce qu'elle chante. Poète de l'amour, Ronsard est
également poète politique ou philosophique. Citons comme œuvres Les Amours de
Cassandre (1552), Les Amours de Marie (1555) Les Amours d’Hélène (1578). Citons
également les Discours en faveur de Charles IX. Il fut considéré comme un poète officiel.
e)-la naissance du baroque en poésie
À partir de 1560, c'est le début des guerres de religion, qui vont déchirer les consciences :
l'humanisme voit donc ses certitudes s'effondrer. Les thèmes tragiques réapparaissent.
Il s'agit d'une tendance qui affecte les arts de la fin du XVIe siècle au début du XVIIe. Les
thèmes sont tous liés à l'idée de métamorphose. L'univers est instable, le monde n'est
qu'illusions et apparences. Face à cette inconstance généralisée, la mort est la seule certitude.
Le style baroque imite cette instabilité et se plaît dans le désordre en mélangeant les genres.
Citons ainsi l'exemple des Essais de Montaigne. De même l'écriture recourt à des figures
violentes, comme l'antithèse, ou encore à des images impressionnantes comme chez Agrippa
d'Aubigné (1552 -- 1630) qui rédige en 1577 Les Tragiques : il s'agit d'un témoignage sur
l'horrible chaos de l'époque où l'auteur a recours à une imagerie hallucinante (nature sauvage,
signes macabres, mort omniprésente).
VIII. Le théâtre : une redécouverte
Au moment où la nouvelle poésie s'impose vers 1550, le théâtre va rompre avec les traditions
héritées du Moyen Âge. Les humanistes souhaitent reprendre contact avec les auteurs antiques
de tragédie. Érasme traduira ainsi le grec Euripide. De même, les pièces du latin Sénèque
sont très admirées. La restauration de la tragédie, qui figure d'ailleurs au programme de la
Pléiade, prend surtout valeur de symbole. Le théâtre est donc plus une leçon politique, morale,
ou religieuse. Pourtant, le pouvoir se méfiait du théâtre et il n'y a pas un public véritable.
Cependant, ces pièces préparent la tragédie classique, notamment dans la structure en cinq
actes ou dans les sujets empruntés à la Bible ou à l'Antiquité ; ces pièces renouent avec les
grand(e)s héros/héroïnes de l'Antiquité comme Antigone ou Cléopâtre.
Deux dramaturges sont particulièrement importants :
-Robert Garnier (1545/1590)
Auteur de huit tragédies, il montre des choses funèbres en accord avec la réalité de son
temps. Citons Hippolyte, écrit en 1573 dont Racine s'inspirera. Lutte fratricide, attente d'un
dieu qui ramènera la paix, horreur du monde, tels sont les thèmes que l'on retrouve dans
l'œuvre de Robert Garnier. Citons une tragi-comédie Les Bradamantes (1582) ainsi que
Les Juives (1583). Le théâtre de Garnier est un très curieux mélange de cruauté et
d'optimisme.
-Theodore de Bèze (1519/1605)
Auteur protestant qui souhaitait évidemment développer une véritable littérature qui soit
propre à ses convictions religieuses : Abraham sacrifiant (1553) est une œuvre où l'on
retrouve des traits spécifiques : la langue sobre, le caractère religieux et austère.
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IX. Montaigne (1533-1592) et la publication des
Essais (1580)
Il n'a pas loin de 40 ans lorsqu'il décide de se retirer dans son château. Il cherche dans le
savoir une réponse au malaise que suscite en lui l'évolution du monde. Montaigne assume ses
contradictions ; son analyse se fonde sur l'expérimentation, c'est-à-dire sur l’essai. Son œuvre
doit recenser au jour le jour les idées, les sentiments, les humeurs, les hantises du protagoniste
principal, c’est-à-dire Montaigne lui-même. Par le sujet comme par la forme, il s'agit là d'un
motif éminemment baroque. Les Essais expriment un monde inconstant. Montaigne refuse de
se corriger ou de se relire, l’ouvrage, comme le monde, n’étant pas figé. L'œuvre est
condamnée à l'inachèvement et aux rebondissements perpétuels, seules marques authentiques
de la vérité d'une vie. Les essais passent donc du coq-à-l’âne.
Plan général et idées développées :
Les Essais sont divisés en 3 parties et 107 chapitres. Les titres ne recouvrent pas toujours le
contenu du chapitre.
La pensée de Montaigne est fondée sur le relativisme absolu (doctrine selon laquelle les
valeurs morales esthétiques sont relatives aux circonstances). Il se défie de tous ceux qui
prétendent imposer des lois immuables. Malgré leur apparent désordre, les Essais sont riches
en leitmotive.
-- l'art de parler de soi : nombreuses informations sur sa vie, ses goûts, sa nature
-- l'attente de la mort
-- l'instabilité des sociétés qui connaissent des formes différentes : interrogations sur les
modèles primitifs
Malgré son scepticisme, Montaigne n'est pas un désespéré. Il faut s'ouvrir à tous et s'essayer à
tout. La vie est, selon lui, un voyage, une perpétuelle formation.
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