Paul de Forges
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Paul de Forges
Paul de Forges Paul de Forges est né le 28 juin 1912 à Nantes (Loire-Inférieure) - (Loire-Atlantique en 1957). Son père, le comte Jacques de Forges, né en 1885 (qui décédera fin 1918 dès suites de la guerre), a épousé en 1910 mademoiselle Charlotte de Castellan. La famille de Forges est une très vieille famille bretonne, originaire de la région de Rieux – Allaire (Morbihan), dans le Pays de Redon. Fortune familiale considérable, appartement à Neuilly, villas à Cannes et à Biarritz, Paul connait une enfance douillette surprotégée : nurse, domestiques, neige et Côte d’Azur ; il y a des êtres qui sont bénis des dieux ! Très tôt, Paul se passionne pour l’aéronautique. N’ayant pas encore 17 ans, il s’engage dans l’aviation par devancement d’appel en mars 1929, puis intègre l’école pratique d’aviation d’Istres en juin 1930. Affecté au 1er GAA (groupe d’aviation d’Afrique) à Alger en novembre 1930, il est nommé sergent en février 1931 et breveté pilote militaire en mars suivant. Son chef, le colonel Pierre Weiss décèle immédiatement en Paul de Forges le jeune pilote exceptionnellement doué. Foi inébranlable, sang-froid imperturbable, poigne, coup d’œil décisif, adresse, endurance, intelligence des circonstances, Paul de Forges possède les qualités qui font l’aviateur de race et détient tous les leviers du succès. A côté de sa vie militaire, il mène de front pendant ses loisirs et permissions, celle de touriste impénitent, passionné d’Afrique et d’espace. Ce qui rend particulièrement sympathique sa jeune audace et ses initiatives d’aviateur, c’est qu’elles sont secondées à bord par un passager charmant et délicat, qui n’est autre que la comtesse de Forges, sa mère. Cette composition d’équipage enchante l’entourage du pilote. Madame de Forges apporte sur les terrains une grâce et un charme incomparables. D’une grande beauté, d’une grande distinction, elle semble avoir abdiqué tous les préjugés, toutes les précautions, toutes les inquiétudes dont s’enveloppe une femme pour ne plus songer qu’à son fils et à la mission aéronautique qu’il s’est donné. Ce n’est pas seulement une mère pleine de tendresse, c’est aussi un compagnon, un ami, un réel second, capable d’observer et de se dévouer pour aider à l’accomplissement de la mission. Paul de Forges et sa mère ont été conquis, comme tous les aviateurs d’Afrique, par la puissance du bled, patrie de la lumière et du silence. Son service militaire terminé, Paul de Forges échappe par goût et par volonté à la vie ennuyeuse de fils de famille désœuvré à Paris. Il est à 20 ans, titulaire du brevet de pilote de tourisme et propriétaire d’avions civils. Il se pose régulièrement avec son appareil personnel sur la plage de Fréhel, près de la commune d’Erquy, dans les Côtes-du-Nord (aujourd’hui Côtes-d’Armor), où il possède une maison familiale. Paul de Forges a résolu de porter le fardeau de sa jeunesse dorée très haut et très loin, comme on porte un drapeau. Il décide de se consacrer entièrement à l’aviation. De nombreuses navettes entre Alger et Paris, ainsi que plusieurs voyages au Sahara. Un weekend en Pologne, pendant lequel, en quarante-huit heures il boucle 4.000 km, passant au retour par l’Autriche. Puis, de nouveau l’Afrique, où il commence une navigation tellement généralisée qu’il faut renoncer à le suivre dans ses déplacements. En janvier 1935, le colonel Weiss présente à Paul de Forges le célèbre pilote détenteur de plusieurs records : Maurice Finat. Les deux aviateurs décident de s’attaquer au record de liaison Paris – Madagascar. Le 19 mars 1935 à 12 h 15, à bord du Farman 359 (F-ALMK), Paul de Forges et Maurice Finat décollent de Marseille-Marignane en direction de Tunis. Dans la nuit du 22, les deux aviateurs sont confrontés à un orage d’une telle violence, qu’ils sont dans l’obligation de rebrousser chemin et de revenir au terrain de Malakal (Soudan). La tentative de record Paris – Madagascar est vouée à l’échec, mais les deux pilotes décident de poursuivre leur raid. Ils sont retardés à Mozambique, du 23 mars au 2 avril, par des ennuis mécaniques. Le 3 avril à midi, Paul de Forges et Maurice Finat se posent sur le terrain d’Ivato-Tananarive. Leur itinéraire a été le suivant : Marseille, Ajaccio, Tunis, Tripoli, Syrte, Tobrouk, Amseat, Assouan, Wadi-Halfa, Khartoum, Malakal, Juba, Kisumu, Dar-Es-Salam, Mozambique, Tananarive. Pour le retour en France, Paul de Forges et Maurice Finat quittent Tananarive le 19 avril. Le lendemain, peu après le décollage de Moshi au Tanganika, par très mauvais temps, le Farman qui vole à basse altitude est brusquement rabattu vers le sol par un violent courant descendant et s’écrase dans la forêt. Maurice Finat est tué sur le coup et Paul de Forges est grièvement blessé. Quand il revient à lui, il voit sortir un os de la jambe gauche de son pantalon et son pied pendre en-dessous, presque arraché. L’os de son bras gauche également cassé sort de son poignet. Mais c’est surtout l’estomac qui lui fait horriblement mal et il a l’impression d’étouffer, avant de perdre une seconde fois connaissance. Paul de Forges est secouru par des indigènes et un missionnaire protestant, le Révérend Becker, qui lui donne les premiers soins et le réconforte. Il est ensuite transporté à l’hôpital européen de Moshi pour être opéré. Un chirurgien anglais, le docteur Sanderson, décide de surseoir à l’amputation de la jambe gauche et réussit une opération des plus délicates. Pendant plusieurs jours les médecins croient Paul de Forges perdu et ce n’est qu’au bout de quinze jours qu’ils peuvent répondre de lui conserver la jambe. Après six semaines pendant lesquelles il a beaucoup souffert, il quitte l’hôpital de Moshi pour Monbasa. Désormais, il marchera en permanence avec une canne… Le 14 juin 1935, en compagnie de sa mère venue le rejoindre par avion, Paul de Forges embarque à Monbasa à bord du « Bernardin de Saint-Pierre », à destination de la France. Son nom passe de la rubrique mondaine aux colonnes des faits divers. Le public le plus modeste aime les seigneurs qui savent dilapider héroïquement la fortune de naissance. Surtout au profit du renom des Ailes françaises qui, en ce milieu des années 1930, n’a jamais été aussi grand. Convalescent, Paul de Forges se rétablit auprès de sa mère, au château familial de La Bousselaie, en Rieux. Il profite de ce repos forcé pour relater l’extraordinaire odyssée de son raid. Celle-ci sera publiée l’année suivante, sous le titre : « Vers la grande île avec Finat ». Le 7 avril 1936, sur le Farman 190 baptisé « Paris », Paul de Forges, accompagné de Philippe d’Estailleur-Chanteraine, du docteur Richou et du mécanicien Vernas, s’envole de Paris à destination des Indes. Le chef de mission, Philippe d’Estailleur-Chanteraine, a décidé de vivre trois mois loin de la Métropole, au service d’une grande cause de propagande et de liaison coloniale, à bord de son avion comme à bord d’un yacht. Pour ce voyage de grand tourisme il a eu l’heureuse chance de s’associer Paul de Forges pour pilote. Après des escales en Tunisie, en Tripolitaine (Libye italienne), en Egypte, l’équipage du « Paris » met le cap sur la Syrie. Avant d’atteindre Damas, une panne d’alimentation brutale force Paul de Forges à se poser en campagne sans moteur. Le terrain est effroyable, l’avion survole des collines et des ravins. Au prix d’un atterrissage acrobatique, Paul de Forges sauve l’appareil et ses compagnons de bord, en se posant au flanc d’une colline. Mais il ne peut être question d’en repartir qu’en déchargeant à l’extrême l’appareil. Pendant que ses compagnons se dirigent avec les bagages en caravane vers Damas, Paul de Forges arrache du minuscule terrain l’avion vide dans lequel on n’a laissé que quelques litres d’essence. Tout se termine bien grâce à la maîtrise du pilote. La mission visite Bagdad, Bassorah, les terrains du sud de la Perse (Iran) et arrive à Karachi le 20 avril. Le lendemain, atterrissage à Bombay et, le 22, le « Paris » survole l’Inde française et vire autour de la statue de Dupleix qui se dresse sur la grande place de Pondichéry, au bord de la mer. Le 16 mai, le « Paris » est à Chandernagor où il prend congé de l’Inde française au bord du Gange. Par Agra, Jodhpur, Allahabad, il reprend la route de la France. Le 26 mai il est à Karachi et le 1er juin à Bouchir. La visite de la Perse est décidée et la mission d’Estailleur-Chanteraine fait escale à Chiraz, Ispahan et Téhéran. De Téhéran à Paris, la mission brûle les étapes, et après une magistrale trajectoire entre Damas et Athènes, par- dessus l’Asie Mineure et la Mer Egée, elle traverse l’Europe pour se poser à Paris le 22 juin 1936, au milieu d’une foule d’admirateurs et d’amis à la tête de laquelle se trouvent les représentants qualifiés du ministre de l’Air et du ministre des Colonies. Cette liaison avec l’Inde française a mis en lumière cet étonnant chef de mission, d’une haute culture, qu’est Philippe d’Estailleur-Chanteraine et le pilote de grande classe qu’est Paul de Forges, dont l’esprit d’initiative, le désintéressement et le courage doivent être donnés en exemple à toute sa génération. Le 29 avril 1937, à Paris, Paul de Forges épouse mademoiselle Christiane de Mauri de Lapeyrouse-Vaucresson. Fille du comte Roger de Vaucresson, qui fut longtemps maire de la Baule, Christiane est par sa mère, l’une des héritières de la banque suisse Sulzbach. Pilote de valeur, elle possède, elle aussi, son avion personnel. De ce mariage d’amour et de passion partagée naîtront : Yveline, en décembre 1939, Alain, en 1941 et Yann, en 1942. Paul de Forges connaîtra les deux premiers au cours de permissions, mais non le troisième, Yann, « né un mois après son dernier départ pour l'Angleterre... et pour la mort », écrit sa grand-mère, la comtesse de Forges. Ajoutons : Et pour la gloire, car mourir pour sa Patrie, dit le poète (Abbé Henri Le Breton), « c'est s'immortaliser par une belle mort ». Rappelé comme officier de réserve en décembre 1937, Paul de Forges est affecté à la 33ème Escadre de reconnaissance à Nancy et nommé sous-lieutenant. Il sert au G.R. I/33 équipé successivement de Potez 542, 540 et 637. Il est promu lieutenant le 11 novembre 1939. Ce même mois de novembre 1939, le G.R. I/33 touche des Potez 63/11. Le 20 décembre 1939, au cours d’une mission entre Mayence et Francfort, Paul de Forges est attaqué par un Messerschmitt 109 et blessé d’une balle à un bras. Il réussit cependant à ramener son avion au sol avec son observateur, le lieutenant Novellet, et son mitrailleur, l’adjudant Tourel. (1) Tous trois sont faits prisonniers. En mars 1940, Paul de Forges est interné à l’Oflag de Lagluft. Souffrant toujours de sa blessure à l’épaule, les Allemands qui l’ont fait prisonnier le renvoient mourir dans ses foyers. Attitude chevaleresque pour un pair qui s’est illustré dans des raids internationaux ? Peu importe. Le lieutenant de Forges s’en moque. Il a 28 ans, il ne veut pas mourir, il se bat pour se battre encore. Chez les de Forges, si l’on est conscient, et fier, de son rang social, si l’on fait tout le conserver il est une chose avec laquelle on ne badine pas : le patriotisme. A peine rétabli, Paul de Forges quitte Christiane qui a tant fait pour sa guérison. Objectif : rallier les Forces françaises libres. Le 2 décembre 1942, il passe la frontière au Val-d’Aran, puis traverse l’Espagne. Il parvient ensuite à gagner l’Angleterre. Arrivé à Londres, Paul de Forges signe le 27 janvier 1943 un engagement volontaire dans les Forces aériennes françaises libres (FAFL) sous le matricule n° 35346. D’abord affecté au Q.G. Air à Londres le 30 janvier, il rejoint ensuite le C.I. Air à Camberley le 19 février, puis enfin le C.A. n° 1 le 6 avril 1943. Quand il apprend que le commandant Pouyade recherche des pilotes de renfort pour le « Normandie » il se porte immédiatement volontaire. Les deux hommes sympathisent dès leur première rencontre. Pierre Pouyade est heureux de trouver en Paul de Forges un pilote et ami du même âge que lui. En compagnie de Pierre Pouyade et de huit autres pilotes, le capitaine de Forges rejoint sa nouvelle unité à Kationki en URSS le 9 juin 1943. Nommé adjoint au commandant du groupe, Paul de Forges obtient sa première victoire aérienne le 15 juillet 1943, en abattant un Messerschmitt 110 audessus de Krasnikovo. Il récidive le lendemain sur un Messerschmitt 109, puis trois jours plus tard sur un Junkers 88. Le 31 août 1943, le capitaine de Forges est engagé dans un combat aérien avec de nombreux Focke-Wulf 190 dans la région d’Ielnia, à 45 kilomètres au sud-est de Smolensk (Russie). Paul de Forges ne rentre pas au terrain avec ses camarades. Lors de ce même combat, disparaît également l’aspirant Jean de Sibour. Porté disparu, le capitaine Paul de Forges est déclaré « Mort pour la France » en opération aérienne. Chevalier de la Légion d’honneur, il est aussi titulaire de la Médaille militaire, la Croix de guerre 39-45, la Médaille des blessés et la Médaille de la Résistance française. Au cours de l’année 1991, une rumeur parvient aux oreilles de l’attaché de l’Air de l’ambassade de France à Moscou : « Il y a un pilote français dans le marais… ». L’histoire vient de Bivalka, un petit village perdu à 80 kilomètres de Smolensk… Il faut attendre septembre 1998, pour que des recherches sérieuses soient entreprises afin d’essayer d’identifier « le pilote inconnu de Bivalka ». Les pièces d’avion retrouvées sont attribuées sans ambiguïté grâce à leurs numéros. L’avion que pilotait Jean de Sibour, ce même 31 août 1943, étant un Yak 1, il ne peut plus y avoir de doute. Le marais a livré son secret ; le pilote enseveli a été identifié avec certitude, il s’agit du capitaine Paul de Forges. Mais hélas, les fouilles ne purent être menées à terme, en raison de la nature du terrain. Ces recherches firent l’objet d’un film documentaire intitulé « L’Inconnu du Normandie-Niémen » réalisé fin 1998. La partie arrière du Yak 9 de Paul de Forges fut exposée au « Mémorial Normandie-Niémen » des Andelys jusqu’à la fermeture de ce dernier en décembre 2010. (1) Ce 20 décembre 1939, Paul de Forges aura le triste privilège d’être le premier pilote français d’observation abattu au-dessus du territoire allemand durant la campagne de France. Son beau-frère, engagé sur un autre front, perdra une jambe pendant la campagne d’Italie. Biographie rédigée par Yves Donjon Auteur du livre « Ceux de Normandie-Niémen » Documentaliste du « Mémorial Normandie-Niémen » Sources bibliographiques : « Normandie-Niémen, un temps pour la guerre », par Yves Courrière, Editions Presses de la Cité, 1979 « Vers la grande île avec Finat », par Paul de Forges, Editions Roche d’Estrez, 1936 « Le Redonnais » (hebdomadaire régional) n° 52 du 26 décembre 1936 « Revue Aéronautique de France » n° 8 d’octobre 1936 « Du soleil sur la route » (Poèmes), par la comtesse de Forges, Editions La Déesse, 1935