Sarah Trouche - Mathias Leboeuf
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Sarah Trouche - Mathias Leboeuf
luxe immo ARTSDESIGN Sarah Trouche Sarah Trouche, comment définiriez-vous votre travail ? Je me définis comme une performeuse mais venant des arts plastiques. J’ai fait les beaux arts de Paris, et je suis entrée dans cette école avec une performance, la première que j’ai faite : First. Sous le pont qui relie la cathédrale Notre Dame à Saint Michel, j’ai sauté de nuit, nue, attachée, et je suis restée suspendue à un mètre de l’eau. Il fallait éviter les bateaux mouches qui passent toutes les dix minutes. C’était déjà en collaboration avec Benjamin Herr, mon photographe et complice. La performance a donc été très tôt votre mode d’expression artistique ? Oui. J’ai suivi une formation académique aux beaux arts mais la performance était le mode d’expression artistique le plus complet : la préparation demande énormément de schémas, de mise en espace et la performance m’oblige également à fabriquer des objets. Je travaille aussi la photographie en prévoyant l’image précisément composée qui va en rester. Quelles sont vos performances les plus emblématiques ? Sarah Trouche est une artiste plasticienne française née en 1983. Elle poursuit ses études aux beaux arts de Paris d’où elle sort diplômée en 2007. Elle complète sa formation lors d’un Master Fine Art au Art Center College de los Angeles (2007), puis du Master Performance Art making à l’université Goldsmith de Londres en 2008. Son travail s’articule autour de nombreux voyages et expéditions qui l’amènent à la rencontre de groupes allant de la micro-société à des sociétés mondialisées. Elle y mène une réflexion critique qui révèle les anomalies, les ambigüités et contradictions sociales et politiques qui s’y développent. Ses supports d’expression sont principalement la performance, la photographie et la vidéo. Ses travaux ont été récemment vus à la fondation Brownstone, (Paris 2011), la Fountain Art Fair, (Miami 2011), Au Teda Art Museum, (Tianjin, 2011) expositions Du 9 au 11 mars 2012, Fountain Art Fair New York, New York, USA 23 février 2012, Open Studio in Tokyo, Gallery Hakusen, Tokyo, Japon Du 16 au 25 février 2012, Life Bloody Live, Galerie Moretti & Moretti, commissariat : Opie Boero Imwinkelried, Paris, France Du 8 au 23 décembre 2011, Résistance(s), Carte blanche à Mehdi Brit, Open studio, Fondation Brownstone, Paris, France Du 1er au 4 décembre 2011, Fountain Art Fair, Art Basel Miami, Miami, FL, USA Du 7 au 18 novembre 2011, « THIS IS IT », Bains connective, Bruxelles, Belgique Du 1er au 28 août 2011, Performance, TEDA museum, Tianjin, Chine Juillet 2011, Youth’s talking 2, coupole de la ligue arabe, commissariat : Yasmine Laraqui, Casablanca, Maroc. Après First, cela a certainement été Action for Rio Negro au Brésil. J’ai vécu un mois et demi dans la jungle en immersion dans une communauté, à une semaine de tout village. J’y ai découvert la légende d’un « enfant rouge » censé vivre dans l’eau et vous attraper si vous rentriez dedans. Cela évoque bien sûr les caïmans qui pullulent sur place. À la fin de ce séjour, je me suis immergée dans cette « eau noire », peinte en blanc avec les cheveux rouges, pour disparaître sous l’eau et mieux revenir. Finalement « l’enfant rouge » ne m a pas attrapé, il a été décidé que c’était l’arbre énorme à proximité qui m’avait protégé. Il y a donc eu un vrai échange autour de cette performance, comme dans toutes celles que je mets en place. Action for Cysjordania était également assez risquée, non ? Il y a souvent une part de risque et je l’assume quand il sert mon propos. Mais j’organise les choses de façon très sérieuses. En revanche, on ne sait jamais vraiment comment cela va se passer. Mais c’est ce que j’aime dans la performance : le glissement qui s’opère entre ce qu’on a pu projeter et ce qui se réalise vraiment. J’ai fait cette performance en Israël dans une zone militaire, nue, avec une canne d’huile d’olive, sorte de très large boite de conserve sur la tête, accompagnée d’une artiste israélienne. Nous marchions, sans aucune visibilité, sans savoir où nous allions. La seule consigne était d’avancer tout droit dans ce désert de pierre. Il faisait extrêmement chaud et, très vite, il y a une perte de repères. Un rapport très fort avec le territoire s’installe alors. C’est justement le propos. Vous avez également réalisé plusieurs actions en chine. Oui. C’est un pays très complexe qui m’attire beaucoup. La première fois, en 2010, j’étais invitée dans la ville de Lijiang, classée au patrimoine de l’Unesco. Une fois là bas, j’ai assisté à des inondations terribles : de la boue partout, des villages entiers rasés à cause des coulées. Cette situation m’a servi de point de départ : je me suis recouverte de cette boue rouge, épaisse, et j’ai décidé de faire une marche sur les toits de la ville. Chose importante : lorsque je me retrouve sur ce toit, je ne cherche pas la provocation. Le tirage photographique correspond exactement à ce que je voulais : comme une gargouille qui protège un territoire et dénonce ce qui s’y passe. Pouvez-vous nous parler d’Action for Great Wall réalisée sur la muraille de chine ? J’ai été invitée ensuite à Pékin par un collectionneur chinois. Et là, on me parle en permanence de la flamme olympique qui a été éteinte en France. Cela va me servir de point de départ improvisé et me donne l’idée de faire une marche nue, peinte en rouge sur la muraille de Chine avec du « feu à main » qui dégage une fumée abondante. Comment prépare-t-on une telle opération ? Je n’ai bien sûr pas demandé d’autorisation ! Je me lance avec les deux ou trois personnes qui m’entourent. Cela se passe au petit matin. Deux complices, en amont et en aval qui annoncent qu’il va se passer quelque chose. Lorsque www.luxe-immo.com / 23 j’arrive, des centaines de badauds sont là et se positionnent d’euxmêmes en me laissant le champ libre. J’allume les feux et une fumée énorme se dégage. Cela alerte très rapidement les gens de la sécurité. Je reçois là un premier avertissement. Le second interviendra sur la place Tien An Men où ma performance s’est terminée par une demande de quitter le territoire Chinois. Je tiens à préciser qu’aucuns des chinois avec qui je travaille n’étaient alors présents pour ne pas les mettre en difficulté. Dans vos performances, vous êtes souvent nue, le corps peint, pourquoi ? La nudité abolit tout code social. Je ne peux alors donner plus que ce que je suis en train de donner. Mon corps est vraiment utilisé comme outil, il est le lieu de mon discours. La couleur s’explique parce que je viens du monde de la peinture. Que j’utilise du bleu, du rouge, du jaune, la couleur va « impulser » une atmosphère et une énergie particulières. Elle est toujours liée à la composition de l’image. Même si je suis ancrée dans un réel, l’action puis la photographie vont se retrouver projetées dans une dimension picturale ou plastique. Cela produit aussi une « belle image » de l’action. Je suis effectivement attachée au côté esthétique qui restera de la performance. On m’a beaucoup demandé de faire des images plus trash mais je ne veux pas de « pathos » dans mon travail. Dans Action For Bordeaux, trois femmes sont sur l’eau au mois de décembre. Le bleu du lac est magnifique, le corps est blanc et les plantes de pied, ainsi que les chevelures sont rouges. Pourquoi ? Parce que ces deux touches de rouge viennent encadrer le corps agenouillé et plus particulièrement les fesses de ces femmes. Qu’est ce que les collectionneurs achètent lorsqu’ils achètent un « Sarah Trouche » ? Ils achètent une vidéo ou un tirage photographique contrecollé sur aluminium et encadré, édité à cinq exemplaires maximum. Ce sont des pièces quasiment uniques et je tiens à ce qu’en général il ne subsiste qu’une photo de chaque performance. Quand je n’arrive pas à avoir la photographie qui me satisfait pleinement, il ne reste aucune image. J’interviens également régulièrement lors de commandes de performances pour des lieux publics ou privés. Ceux sont des interventions éphémères et sites spécifiques. Est-ce qu’il y a des projets que vous n’avez pas pu monter ? Non, en général j’arrive toujours à mes fins, même si cela prend du temps (rires). Quels sont vos prochains projets ? J’aimerai réaliser un projet au Japon, où je devais partir en septembre dernier suite à Fukushima. Mais le fait d’avoir dû quitter la Chine ne m’a pas permis d’y aller car j’ai dû rentrer directement en France. Le voyage a donc dû être reporté... mais pas annulé ! J’ai besoin de m’immerger sur place pour avoir mon point de départ, je ne sais donc pas encore de quoi il s’agira… Je suis également exposée début mars à New York à la Fountain Art Fair pendant l’Armory Show. Mathias Leboeuf Chinese Opera, Act 1., Pékin, Chine, 2011, photographie contrecollée sur aluminium Chinese Opera, Act 2., Pékin, Chine, 2011, photographie contrecollée sur aluminium Action for Cisjordania, Cisjordanie, 2010, photographie contrecollée sur aluminium Action for Amazonia, Rio Negro, Brésil, 2006, photographie contrecollée sur aluminium 24 / www.luxe-immo.com luxe immo / ARTS-DESIGN / sarah trouche Action for Lijiang, Lijiang, Chine, 2010, photographie contrecollée sur aluminium Action for Great Wall, Pekin, Chine, 2011, photographie contrecollée sur aluminium www.luxe-immo.com / 25 luxe immo / ARTS-DESIGN / sarah trouche De haut en bas et de gauche à droite : Action for China Songzhuang, Chine, 2011, photographie contrecollée sur aluminium Action for Nice to be Dead Lancay, France, 2011, photographie contrecollée sur aluminium Action for Bordeaux Maubuisson, France, 2004, photographie contrecollée sur aluminium Action for the hôtel particulier Montmartre Paris, France, 2010, photographie contrecollée sur aluminium 26 / www.luxe-immo.com