Blogs : expression d`une passion, d`une citoyenneté ou nouveau

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Blogs : expression d`une passion, d`une citoyenneté ou nouveau
Blogs: expression d’une
passion, d’une citoyenneté
active ou nouveau métier ?
Partie 4 :
Des blogs et des médias
Action et Recherche Culturelles
Analyse
2012
Des
blogs
et des médias
Des blogs
et des médias
Après avoir décrié et accordé peu de crédit aux blogueurs, les journalistes
les ont courtisés et se sont eux aussi appropriés cet outil. Le médiablog
journalistique soufflant un vent de fraîcheur sur une presse en phase de
sclérosite aigüe, il remet aussi en question le fonctionnement des médias.
Blogs et médias : une relation de passion destructrice ?
Les médias traditionnels se sont très rapidement emparés de l’outil blog dès le début
Dans la presse francophone, Libération et Le Monde sont les premiers à proposer à
leurs journalistes de se lancer dans l’aventure, dès 2004. Ces médiablogs permettent
de booster l’audience des médias traditionnels ! Mais ils sont également empreints
d’une liberté d’expression qui souffle un vent de fraîcheur dans ce secteur et apporte
de surcroît une certaine expertise dans différents domaines, alors que le journaliste
contemporain est devenu un généraliste.
Comme l’explique François Heinderyckx, « certains blogs sont devenus des médias à part
entière. D’autres ont permis aux journalistes d’aller plus loin dans la divulgation de certaines
informations que l’on ne retrouve pas forcément dans les médias print ou en-ligne. Ils peuvent
s’y permettre une certaine subjectivité qui ne cadre pas forcément avec la forme classique du
journalisme ».
Des propos confirmés par Dorian de Meeûs, Rédacteur en chef de la Libre.be et
responsable des blogs du quotidien belge. « Les blogs de journaux octroient une liberté de
ton que l’on n’a pas toujours sur le journal papier ou le site web, notamment grâce à
l’ouverture de forums. C’est par exemple le cas pour les critiques artistiques pour lesquelles les
journalistes bénéficient d’une plus grande liberté d’expression, sur le fond comme sur la forme.
Le blog créant une plus grande dynamique et insufflant une créativité qui permet de se poser
d’autres questions. Evidemment, nous devons quand même veiller à conserver une certaine
ligne éditoriale commune avec celle du journal », ajoute-t-il.
Mais comme le souligne aussi Annabelle Klein, directrice du GRICI (Groupe de
recherche interdisciplinaire en communication & Internet) l’engouement pour les
médiablogs trouve peut-être une partie de son explication dans le mal-être dont
souffre cette profession, qui vit de plus en plus mal une liberté d’expression mise sous
surveillance. Dans son livre publié sur les blogs, la Directrice affirme aussi que les
journalistes indépendants d’une rédaction, peuvent jouir d’une véritable liberté
d’expression, sans conflit d’intérêt avec la ligne éditoriale d’un média ou avec les
pressions des annonceurs ou autres personnes influentes dans les médias. Cela en dit
long sur l’état de la presse !
Le Directeur du Département des sciences de l’information et de la communication de
l’ULB souligne, lui aussi, cette difficulté pour les éditeurs de presse d’accepter une
dichotomie de discours entre le blog du journaliste, ses propos et la question de
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Des blogs et des médias
l’engagement de l’image du média pour lequel on travaille. La question s’est notamment
posée pour le journaliste Jean Quatremer, correspondant de Libération à Bruxelles et
auteur du blog les Coulisses de Bruxelles1, dont les propos tenus sur son blog se
distancient régulièrement de ceux rédigés pour le quotidien.
Blogs sous enseigne médiatique
A côté des blogs des professionnels de la presse, un certain nombre de journaux
proposent aussi au citoyen lambda de créer son blog thématique, hébergé sous leur
enseigne, avec une terminaison référente comme geeko.lesoir.be ou
artcontemporainchaquejour.blogs.lalibre.be. Les blogs sont en quelque sorte autogérés
par leurs auteurs, mais il existe des alertes vers la rédaction lorsque des dérapages
surgissent. La liberté d’expression est donc maintenue, dans les limites de la loi.
Mais pourquoi cette « association » avec des contenus produits par des personnes
externes aux rédactions ? « Cela permet aux internautes de se sentir valorisés, du fait d’être
liés à notre journal. On retrouve en effet dans les blogs une recherche de l’égo, car on peut
facilement mesurer le nombre de gens qui consultent ce que l’on écrit. De plus, cela revient un
peu à être le rédacteur en chef de son blog, d’être maître de sa ligne éditoriale. De notre côté,
nous avons aussi besoin de ‘pages vues’, de faire bouger notre site, d’inciter le lecteur à passer
d’un blog à l’autre », explique le Rédacteur en chef de la Libre.be. Diversifier les sources
informatives, multiplier les sujets susceptibles d’attirer l’attention des internautes, et
donc générer du trafic vers les médias du journal, est l’une des raisons expliquant ces
« arrangements internautiques ». Pour les journalistes, les blogs constituent également
une nouvelle source informative précieuse, puisqu’ils sont souvent tenus par des
experts dans leur domaine. Mais ces spécialistes n’étant pas des journalistes, ils n’ont
pas toujours le réflexe de vulgarisation et de hiérarchisation de l’importance de
l’information à diffuser, inhérente au fonctionnement des médias traditionnels. D’où
l’intérêt de favoriser une interconnexion entre ces deux sphères de compétences.
Le blogueur est-il un journaliste ?
Lors de l’apparition des remiers blogs début des années 2000, d’aucun y ont vu une
nouvelle forme de journalisme. Une concurrence au monopole des médias
traditionnels, qui sont régulièrement accusés de modéliser l’information. L’apparition
de nouveaux producteurs de contenu grâce aux blogueurs, sonnait pour certain le glas
du journalisme classique. Si l’on ne peut nier le vent de révolution apporté par ces
derniers, les assimiler à des journalistes ne va pas de soi. « Nous n’avons pas de
problème quant à l’expertise donnée par les blogueurs, mais ce ne sont pas des
journalistes », estime Dorian de Meeûs. « Par contre, si un blog fonctionne bien, on
propose parfois à son auteur de le relooker et de l’appuyer dans sa démarche. Parfois,
nous rachetons même certains blogs. Ce fut le cas récemment avec un blog consacré
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http://bruxelles.blogs.liberation.fr
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Des blogs et des médias
au hockey et qui était lu par tous les afficionados de ce sport. C’est un lectorat acquis
d’avance et dans ce cas, nous payons l’expertise de son auteur. Si c’est bien fait, c’est
normal que cela soit récompensé ». Le blogs deviendraient-ils des médiablogs dès lors
que le lectorat est au rendez-vous ? Ne serait-ce là que le critère propre à la
profession de journaliste ? Dans beaucoup de pays, notamment la Belgique, celle-ci
n’est pas protégée. Peut devenir journaliste qui le souhaite, pour autant qu’il soit
engagé ou collabore régulièrement comme pigiste avec un média. En l’occurrence, ces
blogs amateurs, rachetés par les médias, ne rentrent-ils pas dans cette catégorie ? Pas
forcément ! On peut tenir un bon blog, lu par de nombreuses personnes, en ne
respectant pas certaines règles inhérentes au journalisme qui relèvent de l’éthique : la
vérification et le recoupement de l’information, souci d’une certaine impartialité,
indépendance vis-à-vis de toute forme de pression (politique, publicité) en vue de
préserver la liberté d’expression, attachement aux valeurs démocratiques. Nonexhaustives, ces règles implicites au journalisme ne sont malheureusement pas toujours
respectées par la profession elle-même. Mais nombre de blogueurs publient certes des
contenus intéressants, mais qui ne sont aucunement journalistiques. A l’exception du
journalisme-citoyen, qui emprunte ses codes et motivations de base (souvent la
recherche de la vérité, la passion du débat d’idées) à la profession, la majorité des
blogueurs ne peuvent donc pas être assimilés à des journalistes.
S’exprimer n’est pas informer
On peut aussi se poser la question de la rentabilité de cette association presseblogueurs. Un récent article du Guardian révèle que 82% des revenus de Facebook
proviennent de la publicité, un pourcentage plus élevé que dans les médias
traditionnels, dont l’on sait qu’ils souffrent beaucoup des baisses de revenus
publicitaires en période de crise. Selon Dorian de Meeûs, les recettes publicitaires dans
le domaine des blogs des journaux, seraient pourtant encore anecdotiques. Ce ne
serait donc pas ce paramètre qui motiverait l’instrumentalisation des blogs par les
journaux, même si toutes recettes supplémentaires, sont toujours bonnes à prendre.
En revanche, le trafic généré vers le site du journal, grâce à ces blogs ne peut qu’être
bénéfique en termes de popularité, mais aussi pour attirer des annonceurs. Un journal
qui publie des blogs sur les voyages, sur la santé, le sport, les automobiles, multiplie ses
chances d’attirer de la publicité dans ces secteurs d’activités.
Enfin, outre les critères spécifiques définissant le métier de journaliste, s’exprimer
publiquement ne constitue pas forcément un but pour la plupart d’entre nous ! « On
entend souvent que grâce à ces technologies, il n’y a plus des diffuseurs et des
récepteurs, mais que les gens sont les deux à la fois. Ce qui est totalement faux ! Nous
pouvons créer des médias en-ligne, c’est aujourd’hui à la portée de tous. Mais la toute
grande majorité des gens ne le fait pas, car cela demande du temps et de la motivation.
Tout comme l’on croit que tout le monde s’exprime aujourd’hui sur le web, ce qui est
également faux ! Maintenant, certaines personnes ne tiennent pas de blogs, mais elles
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ont peut-être une page Facebook sur laquelle elles s’expriment quatre fois par jour, ce
qui relève bien d’une activité de blogueur. Les supports de blogs vont donc bien audelà de ce que l’on appelle effectivement un blog. Aujourd’hui, c’est une technologie
accessible à tous et certains médias créés ainsi ont même été par la suite intégrés à des
médias traditionnels. Que des blogueurs deviennent des repères d’opinions écoutés
dans l’espace public, au même titre que les grands éditorialistes de journaux, je trouve
cela plutôt rassurant et positif. Cela fait des voix en plus dans un contexte où l’on sait
que la diversité des points de vue est en chute libre à cause de la concentration des
médias et d’une série d’autres phénomènes qui favorisent l’uniformisation des opinions.
Les gens qui ont des opinions et qui ont envie de les partager, c’est en somme positif !
Ce sont des espaces d’expressions nouveaux qui sont privilégiés par moins d’obstacles
de diffusion et de partages d’idées », recadre François Heinderyckx.
Conclusion
Au-delà du débat idéologique sur les blogueurs journalistes ou les blogs monétisés,
l’outil a réellement permis le développement de nouveaux contenus éditoriaux et
démocratisé l’expression citoyenne.
Mais si l’engouement premier pour le blog, outil permettant la réappropriation du web
par les internautes est indéniable, en revanche, l’utopie du consommateur à la fois
producteur d’information, s’est quelque peu essoufflée. Non par manque d’intérêt de la
part des internautes, mais pour d’autres facteurs, souvent personnels. Le premier étant
celui du manque de temps : alimenter un blog sérieusement et avec un contenu
pertinent, exige une certaine disponibilité. D’une part pour se tenir au courant de
l’actualité du domaine sur lequel on s’exprime, d’autre part pour l’écriture en soi des
posts ou la réalisation du matériel audiovisuel. D’où la place croissante ‘volée’ par le
microblogging et les réseaux sociaux, qui de par leur format compact, permettent dans
certains cadres, de remplacer le concept de forum ou d’agora, proposés par les blogs.
Mais ces derniers continuent néanmoins à remplir leur fonction d’outil favorisant la
participation citoyenne et le débat public. Que ce soit au travers des blogs tenus par
les journalistes, que par ceux portés par des passionnés ou des experts dans leur
domaine, la liberté de ton et de production de contenu sont enrichissantes. Certains
comparant d’ailleurs l’apparition des blogs à l’émergence des radios libres durant les
années 70. Surtout que l’autorégulation naturelle du secteur a induit un tri sélectif vers
les blogs les plus qualitatifs : au niveau du fond, mais aussi quant à l’intérêt thématique
rencontré auprès d’internautes en quête d’expertise ou de partage d’informations
précises.
Sandra Evrard
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Des blogs et des médias
Parlez-vous Web ?
Followers : les personnes qui suivent une idée, un concept, dans ce cas-ci un blog.
Viralité : le taux de viralité exprime le pouvoir de diffusion d’une idée, d’un blog, sur
la toile
Buzz : ce terme anglo-saxon désigne le bruit fait par une information diffusée sur le
web.
Microblogging : Dérivé du mot blog, le microblog fait référence à des plates-formes
(comme Tweeter) qui permettent de publier des textes relativement courts.
Egoboo : Terme provenant de l’anglais (ego + boost) qui désigne un sentiment de
satisfaction lié à la reconnaissance d’un public, suite à une publication.
Web 2.0. : Désigne l’ensemble des techniques et fonctionnalités du web
contemporain, aux interfaces interactives et intuitives. Le web 2.0. favorise des
échanges plus fluide et collaboratifs d’informations entre les internautes, par exemple
via les réseaux sociaux.
Like : Bouton employé sur Facebook pour exprimer que l’on aime un message/une
photo publiés.
Share : De l’anglais “partagé”. Désigne le fait de partager des infos, photos, videos via
une plate-forme sociale comme Facebook.
Post : Désigne le ‘postage’ de commentaires, photos, videos, sur les réseaux sociaux
ou blogs.
Tutoriel : Désigne un guide d’apprentissage de style ‘tutorat’. En réalité, il s’agit
généralement de petites vidéos postées sur Internet pour apprendre quelque chose
aux Internautes.
Hashtag : Désigne un mot précédé d’un # publié sur Twitter, dans le but de
regrouper un message autour d’un thème ou d’un événement.
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Publié avec le soutien du service
de l’Éducation permanente de la
Fédération Wallonie-Bruxelles
Editeur responsable : Jean-Michel DEFAWE
© ARC a.s.b.l. - rue de l’Association 20 à 1000 Bruxelles
www.arc-culture.be
[email protected]
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