dt-24 - la simulation... - CDEF

Transcription

dt-24 - la simulation... - CDEF
n°24
2012
DOCTRINE
TAcTIQUE
R EVUE D ’ INFORMATION ET DE RÉFLEXION
L a SimuLation
des outils modernes au service de la formation,
de la préparation et de l’engagement opérationnels
SOMMaIRE
L
a publication «Doctrine Tactique» est une revue d’information et de
réflexion. Elle vise à présenter, sur un thème choisi, et à partir de
témoignages individuels, la façon dont la doctrine de niveau
tactique est appréhendée ou appliquée au sein de l’armée de Terre.
Elle n’est pas un document réglementaire de doctrine.
La formation, l’entraînement, la préparation opérationnelle, l’engagement sur
les théâtres d’opérations, en représentent les principaux domaines d’intérêt.
Des aspects internationaux sont également abordés.
La Rédaction
TRIBuNE
èDITORIaL
3 «Du bac à sable aux outils numériques»
33 La simulation, outil stratégique de formation
Général commandant le CDEF
Col. Bruno RIVIERE (DRHAT/SDFE)
36 Le futur commence aujourd’hui
DOCTRINE
LCL Eric MERCK (COMALAT)
4 Du brouillard de la guerre... à la doctrine
Col. Philippe COSTE (CDEF/Chef DSRO)
8 De l’entraînement en garnison à l’évaluation des CONOPS
42 Enjeux et perspectives de l’intéropérabilité des systèmes de
simulation
Lionel KHIMECHE (DGA/CATOD)
48 L’aide à la décision
GDI Arnaud SAINTE CLAIRE DEVILLE (CEM/CFT)
11 Préparer l’engagement opérationnel des GTIA SCORPION
Col. Bruno GUIBERT (EMAT B.PLANS)
LCL Sylvain SECHERRE (CDEF/DSRO/BRO)
INTERNaTIONaL
53 Au-delà du Volapük intégré
LCL Pascal FLORIN (chef du bureau simulation de la CDEF/DSRO)
TéMOIGNaGES
55 La communauté JANUS France
14 L’apport de la simulation pour les exercices
Col. François FATZ (CSFEE)
Col. Georges HAYEK (Chef du centre JANUS libanais)
59 La simulation au sein des forces terrestres néerlandaises
LCL Peter VAN SORGEN (OLI Pays Bas au CDEF)
18 Le concept des centres de préparation des forces
Col. Emmanuel POUCET,
Chef d’Escadron François FARRA (CCPF)
25 Apport de la simulation pour l’analyse
des exercices de type AURIGE
DE L’auTRE CôTé DE L’éCRaN
62 La prospective et veille technologie (PVTC)
LCL Christian VALLY (officier coordination des études de la CDEF/DSRO)
GDI (2S) Alain TARTAINVILLE (CDEF/DREX)
29 L’évaluation tactique d’APLET
65 Les enjeux et défis de la modélisation de la zone urbaine
LCL Rodolphe QUEMERAIS (chef du projet JANUS France de la CDEF/DSRO)
LCL Philippe LE CARFF (bureau emploi plans de l’EM/2e BB)
69 Du jeu vidéo à la simulation : L’âge de maturité ?
Emmanuel CHIVA (Président de HPC Project SA)
Directeur de la publication : Colonel (R) Georges Michel - Rédactrice en chef : Capitaine Gwenaëlle Denonin  : 01 44 42 35 91 - PNIA : 821.753.35.91
Maquette : Christine Villey  : 01 44 42 59 86 - PNIA : 821.753.59.86 - Schémas & 1re de couverture : Nanci Fauquet  : 01 44 42 81 74
Traductions : CDEF
Crédits photos : 1re de couverture : @Armée de Terre - 4ème de couverture : @COMALAT - diffusion & relations avec les abonnés : Major Claudine Vacquier  : 01 44 42 43 18 PNIA : 821.753.43.18 - Impression : Imprimerie BIALEC -95 boulevard d’Austrasie - BP 10423 - 54001 Nancy cedex - Diffusion : établissement de diffusion, d’impression et
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réservés - Revue trimestrielle : Conformément à la loi «informatique et libertés» n° 78-17 du 6 janvier 1978, le fichier des abonnés à DOCTRINE TaCTIquE a fait l’objet d’une
déclaration auprès de la CNIL, enregistrée sous le n° 732939. Le droit d’accès et de rectification s’effectue auprès du CDEF. Centre de Doctrine d’Emploi des Forces - 1, place Joffre
- Case 53 75700 PARIS SP 07 - WEB : www.cdef.terre.defense.gouv.fr - Mel : pub-dad.cdef@terre net.defense.gouv.fr
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
2 AVRIL 2012
© Armée de Terre/© COMALAT
éditorial
“ Du B ac à sa B le aux outils numérique s ”
a préparation réaliste des soldats et unités au combat est,
depuis des siècles, le préalable essentiel de l’efficacité de
l’action militaire. Autrefois effectuée notamment à l’aide de
bacs à sable, elle repose aujourd’hui sur les formidables
possibilités des technologies numériques.
L
La simulation met en effet de nombreux outils à disposition des
forces terrestres et des écoles pour la formation des cadres et la
préparation opérationnelle des unités. Elle s’est imposée dans
les centres, écoles et garnisons parce qu’elle offre de larges
capacités, tant pour l’instruction individuelle ou collective,
l’entraînement en régiment ou en centre spécialisé, que pour les
déploiements lors d’exercices ou même en opération.
Au delà de l’environnement «virtuel» ou «instrumenté», utilisé
par les équipages de blindés ou d’hélicoptères, ou encore des
«jeux de guerre» numériques destinés à entraîner et évaluer les
états-majors opérationnels, la simulation voit émerger de
nouveaux domaines. Ils s’appuient sur la numérisation de
l’espace de bataille (NEB), comme par exemple «la simulation
distribuée», permettant à des entraînés situés en des lieux
distincts de participer à un même exercice.
La simulation s’applique à la préparation opérationnelle, car elle
restitue des environnements complets et cohérents. Elle
permet également de réduire certaines contraintes
matérielles, humaines et financières, et aussi de mener des
expérimentations tactiques virtuelles. En opération, enfin, elle
peut, par exemple, aider à la décision par la confrontation de
modes d’actions.
“ From sand tables to digital tools ”
F
or centuries, realistic training of soldiers and units for
combat has been the essential prerequisite for
effective military action. It used to be done, among
others, with sand tables, but today it is based on the
tremendous capabilities of digital technologies.
Simulation provides indeed land forces and schools with
many tools for leaders’ development and unit readiness. It is
now to be found everywhere, in centers, schools and home
stations because it offers awesome capabilities, for both
individual and collective training, training in battalions or
specialized centers as well as for deployments during
exercises or even in operations.
Demain, la simulation sera l’outil prépondérant de la
préparation à l’engagement opérationnel des futurs
groupements tactiques interarmes (GTIA) SCORPION1. En outre,
son domaine d’emploi sera élargi à l’appui direct à
l’engagement opérationnel des GTIA, que ce soit par la
généralisation de l’entraînement sur le théâtre ou par
l’exploitation de ses capacités de répétition et de préparation
de missions réelles.
Vous constaterez, à la lecture de cette livraison de «Doctrine
Tactique» combien la simulation contribue au continuum
formation, préparation opérationnelle et même engagement
des forces de l’armée de Terre.
Complément incontournable de la numérisation, la simulation
permettra à terme l’atteinte de «l’infovalorisation», c'est-à-dire
l’usage optimal de données numériques issues du monde réel.
Général de division Olivier TRAMOND,
commandant le Centre de doctrine d’emploi des forces
1 Programme de cohérence majeur de l’armée de Terre.
(aBstract)
On the face of this delivery of Tactical Doctrine you will find
out how much simulation contributes to the continuum of
Army forces - training, readiness, and even commitment.
Simulation is an unavoidable addition to digitization – it will
make it eventually possible to achieve “network-centric
valorization ”, i.e. the optimal use of digital data from the
real world.
Major General Olivier TRAMOND,
Commander, Forces Employment Doctrine Center
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
3 AVRIL 2012
Du
brouillard
de
la
guerre...
à
la
doctrine
:
Les autres atouts de la simulation
CoLonEL PhILIPPE CoStE, ChEf DSRo/CDEf
La simulation dispose d’autres atouts
que ceux bien connus des économies
réalisées ou de l’amélioration de
l’entraînement. Elle permet aussi une
mise en situation exceptionnelle qui
accroît les performances individuelles et
collectives mais aussi offre des situations
de commandement remarquables dans
un contexte pédagogique très favorable.
En outre, l’apport croissant de
l’intelligence artificielle intégrée dans
les outils de simulation autorise une
représentation réaliste de la phase de
stabilisation et permet d’envisager une
variété plus large de l’emploi de la
simulation.
e l’instruction individuelle jusqu’à l’entraînement des
états-majors, les atouts de la simulation sont bien
connus : économie des moyens et du personnel mais
également optimisation de l’emploi des forces comme de leurs
systèmes d’arme et de leur environnement opérationnel.
D
En outre, l’outil de simulation répond à l’exigence
pédagogique. Son intérêt réside en effet dans la mise en
situation des entraînés. Motivation, stress, capacité d’analyse
après action sont tout autant de facteurs que la simulation
peut prendre en compte. De plus, l’outil de simulation permet
de développer singulièrement les facultés d’adaptation de
l’entraîné. Ce sont ces bénéfices particuliers que cet article
propose de présenter.
1. Une mise en situation optimale
Dans le cadre de sa mission de veille technologique en matière
de simulation, la Division Simulation et Recherche Opérationnelle (DSRO) du CDEF a relevé plusieurs expérimentations
qui mettent en exergue les avantages opérationnels et
pédagogiques de ce type d’entraînement.
1 Expérience menée à l’Old Dominion University de Norfolk.
2 Ce qui confirme la prépondérance du facteur physique !
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
4 AVRIL 2012
Simulation has benefits other than
the well-known ones, such as cost
savings or training improvement. It also
makes it possible to display situations in
such a way as to enhance individual and
collective performance, but also to
provide outstanding command
situations in a very supportive educational environment. Besides, the
increasing contribution of artificial
intelligence integrated in simulation
tools permits a realistic replication of
the stabilization phase and may allow
considering a wider variety of
employment for simulation.
Premier constat : il améliore les performances collectives pour
l’accomplissement d’une action donnée. La simulation
virtuelle en réseau permet aux membres d’une unité
constituée de manœuvrer ensemble pour accomplir une
mission dans un même lieu virtuel face à un même
adversaire. A cet égard, une expérience menée aux ÉtatsUnis1 a démontré par comparaison de missions effectuées
directement dans un environnement réel ou à l’issue d’un
exercice virtuel équivalent que si les performances dans le
monde virtuel sont moindres2 :
- le niveau de cohésion optimal d’une unité est obtenu dès
l’exercice en monde virtuel,
- les résultats opérationnels sont équivalents au final mais
l’adaptation au réel est beaucoup plus rapide après un
exercice virtuel.
Ces résultats sur la valeur de l’entraînement dans un monde
virtuel indiquent tout l’intérêt d’utiliser la simulation pour la
mise en situation des membres d’une unité. Ils confirment
aussi le gain opérationnel à coût réduit apporté par les
systèmes de simulation utilisés par l’armée de Terre, tels que
SYSIMEV au CENTAC ou le STP pour le tir. © US ARMY
doctrine
L'outil DARWARS AMBUSH utilisé pour l'expérience menée au profit des capitaines de l'infanterie. C'est un système d'entraînement initialement conçu pour une
mise en situation des convois pris en embuscade en Irak.
The DARWARS AMBUSH tool used for the experiment conducted for infantry captains. It is a training system initially designed for scenarios of
ambushed convoys in Iraq.
Cependant, la principale critique à l’encontre de ce type
d’exercice est le caractère prévisible et peu réaliste du
comportement des entités générées par ordinateur. Une
étude a ainsi été réalisée par l’US Army Research Institute
visant à évaluer dans quelle mesure une utilisation de la
simulation pourrait être pertinente pour la formation des
capitaines d’unité d’infanterie. Deux scenarii ont été conçus :
le premier consistait en une attaque en zone boisée, le second
en une mission de contre rébellion en zone urbaine.
Après analyse de l’expérimentation, le réalisme global a été
jugé faible, non pas celui du graphisme mais celui des
situations qui s’inscrivaient dans un enchaînement d’évènements non conforme à la réalité. Cependant, il est aussi
apparu que l’outil de simulation offrait au commandant
d’unité de réelles opportunités de commandement et de
réaction. Ainsi ce second constat confirme bien que si la simulation ne
reproduira jamais la densité des situations réelles, elle permet
néanmoins une excellente mise en condition opérationnelle. L’intérêt de ce type d’outil réside surtout dans la motivation
(voire le stress) qu’il suscite chez les entraînés et dans les
formidables capacités pédagogiques qui l’accompagnent.
2. L’apport déterminant de l’intelligence
artificielle
La nécessité d’améliorer le réalisme de situation passe par
la suppression des réactions stéréotypées que l’on voit
dans les jeux du commerce. A cet effet, les simulations
destinées à la formation ou à l’entraînement disposent de
modules d’intelligence artificielle. Leurs capacités sont loin
d’avoir atteint leurs limites mais d’ores et déjà ces modules
offrent les fonctionnalités suivantes :
- le comportement collectif des pions simulés ;
- la réaction de ces pions face à une nouvelle situation ce
qui implique que l’entité simulée dispose d’une
connaissance de son environnement et d’une
compréhension des effets de ses propres actions sur cet
environnement ;
- l’apprentissage de l’expérience des pions simulés. Cette
faculté d’adaptation est en effet essentielle car caractéristique de l’asymétrie des engagements actuels.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
5 AVRIL 2012
L’intelligence artificielle peut alors caractériser des
comportements individuels qui seront utilisés par des
simulations virtuelles telles qu’OPOSIA3 afin d’entraîner
face à un adversaire réactif et affranchi des stéréotypes.
Les applications actuellement suivies par la DSRO sont
cependant plutôt caractérisées par des comportements de
groupe (SCIPIO, JANUS). Attachons-nous ainsi à l’exemple
fourni par SCIPIO, l’outil d’entraînement des états-majors
mis en œuvre au centre d’entraînement des postes de
commandement à Mailly.
L’intelligence artificielle y correspond à une approche dite
motivationnelle. Elle procure une autonomie de prise de
décision à des automates de niveau compagnie en
fonction à la fois des savoir-faire des pions qui les
composent, des remontées d’informations tactiques et de
la configuration du terrain. Le comportement de ces pions
de niveau section est issu de leur motivation qui évolue
selon des variables qui l’amplifient (par exemple la peur)
ou la modifient selon la perception de l’environnement
(par exemple le stress). Ces variables d’état identifient des
besoins selon des indices physiologiques ou psychologiques ou des
effets : surprise, énervement… A partir
de ceux-ci, la motivation déclenche un
comportement qui est une restitution
de la doctrine d’emploi des pions
considérés. Les pions agissent alors
selon la configuration terrain et
l’ambiance tactique. C’est ainsi que des
actions peuvent aboutir à des résultats
qui ne correspondent pas forcément à ce
qui était attendu. Il est à noter que bien
que ce ne soit pas retenu pour SCIPIO,
certains comportements pourraient être
erratiques.
Exemple : une unité qui a subi des
pertes, ne bénéficie pas d’appui et
manque de vivres aura tendance à
refuser le contact même si sa mission
est d’attaquer.
Représentation de l'intelligence artificielle par approche motivationnelle. Les actions représentées par
la simulation sur le terrain découlent directement de la doctrine intégrée dans l'outil. Sa mise en œuvre
dépend des motivations produites par l'intelligence artificielle.
Display of artificial intelligence by motivational approach. Actions replicated by simulation in the field
stem directly from the doctrine integrated in the tool. Its implementation depends on the incentives
produced by artificial intelligence.
Ainsi par le biais de l’intelligence
artificielle, une représentation de
l’incertitude due au brouillard de la
guerre et de son impact psychologique
est intégrée à la tactique des pions
simulés. Une telle capacité de l’outil de
simulation est un atout majeur dans le
contexte des engagements les plus
probables. En effet, la phase de
stabilisation et la zone urbaine qui sont
par ailleurs prises en compte dans la
prochaine version de SCIPIO avec une
adéquation incomparable, nécessitent
que les facultés d’adaptation et de
réaction des unités soient les plus
développées. Il faut relever du reste que
cet atout dépasse le simple cadre de
l’utilisation de la simulation pour la
préparation opérationnelle mais qu’il
peut également servir efficacement à
l’aide à la planification ou à la décision
et à l’appui aux études doctrinales.
3 OPOSIA : Outil de Préparation Opérationnelle des Sous-groupements InterArmes qui sera déployé au CENTAC en 2012 en remplacement de SYSIMEV.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
6 AVRIL 2012
doctrine
Cartographie actuelle des outils de simulation au sein de l’armée de Terre
Mapping of current locations of simulation tools in the Army.
En outre, une lacune de l’utilisation des outils classiques
de simulation est la propension des opérateurs de
l’animation basse à « jouer » plutôt qu’à appliquer
rigoureusement les ordres reçus. Or, la présence
d’automates dans la simulation interdit une telle dérive et
permet que l’action soit conforme au raisonnement
tactique du chef et des états-majors grâce à la restitution
fidèle de la doctrine.
Un autre intérêt de l’intelligence artificielle réside dans la
compréhension du « langage ». Elle permet aux automates
d’interpréter les ordres et de faire des comptes rendus.
L’interopérabilité des outils de simulation avec les SIOC
est alors possible auto-matiquement. Cet aspect est
primordial car l’entraîné ne doit avoir qu’à maîtriser
son outil habituel (l’écran SIT, SIR ou SICF) lors d’un
exercice avec simulation. Le système autorise alors une
animation complète des SIOC qui contribue autant à leur
appropriation qu’à un entraînement dans un environnement infovalorisé optimal.
En considérant que le combat demeure plus une lutte
morale que le choc physique entre deux masses, les outils
de simulation peuvent désormais dépasser la simple
restitution de celui-ci pour permettre de susciter celle-là.
Le modèle « attritionniste » qui alimentait ces outils à
l’origine ne reflète d’ailleurs aucunement la réalité
historique et le Center for Army Analysis estime que seules
20 % des batailles ont une issue liée à l’attrition.

L’avancée technologique dont bénéficie la simulation
permet donc de fournir un environnement toujours plus
riche mais aussi de dépasser le cadre strict de
l’entraînement. Quels moyens pourraient offrir un cadre
opérationnel reproduisant un environnement urbain
complet, la numérisation de toutes les unités tactiques,
la gestion des différentes ressources matérielles et
humaines et l’impact tactique et psychologique de tous
ces aspects ? De tels outils permettent d’appréhender la
complexité des conflits actuels pour servir aussi à
l’évaluation de crise, à la planification et à la préparation
d’engagements probables et non passés
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
7 AVRIL 2012
«De l’entraînement en garnison à l’évaluation
des CONOPS1, un champ d’action à consolider»
Général de division arnaud sainte Claire deville, Chef d’état-major/Cft
Instruction individuelle ou collective,
entraînement en garnison ou centre
spécialisé, déploiement en exercices
ou en opérat ions, la préparat ion
opérationnelle des forces terrestres ne
peut plus se concevoir sans simulation. Si
la simulation ne doit pas devenir une fin
en soi, elle demeure une nécessité qui
permet d’optimiser l’entraînement et les
désormais trop rares grands déploiements
d’unités sur le terrain. A ce titre, il faut
poursuivre et accélérer son adaptation
aux conditions actuelles d’engagement
des unités. Un chantier majeur doit
désormais être ouvert : il s’agit de celui
de l’interopérabilité des systèmes.
es noms d’exercices qui résonnent aux oreilles de tous
les états-majors comme de riches expériences –
GUIBERT, AURIGE, FLANDRES, FTSIC,…–, des systèmes
aux acronymes désormais bien familiers – JANUS, SCIPIO,
JTLS,…– mais qui inquiètent encore souvent les concepteurs
d’exercices, l’emploi de la simulation s’ancre de façon très
prégnante dans la préparation des forces terrestres, n’oubliant
en chemin aucune fonction opérationnelle.
D
Indéniablement liés à l’appropriation de l’emploi de la NEB
par toutes les unités de l’armée de Terre, les efforts dans le
domaine ont été jusqu’à présent principalement consentis
au profit des systèmes de PC. L’arrivée de la PEGP, la mise en
place du cycle à 5 temps et le taux d’occupation élevé des
centres spécialisés font que les attentes des forces sont
désormais très importantes quant aux apports attendus de
la simulation dans l’entraînement à partir de la garnison.
Dans un autre domaine, tous les RETEX récents soulignent le
chantier majeur qui doit désormais être ouvert en matière
d’interopérabilité des systèmes. Relever ce défi reviendrait à
s’ouvrir des capacités interarmées et interalliées qui
pourraient révolutionner la conduite des opérations.

1 Pour les sigles, se référer au glossaire en fin d’article.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
8 AVRIL 2012
Be it individual or collective training,
training at home stations or in a
specialized center, deployment for
exercises or in operations, the readiness
of land forces can no longer be conceived
without simulation. Although simulation
should not become an end in itself, it
remains a necessity to optimize training
and large deployments of units in
the field, now too rare. As such, one
should continue and speed up its
adaptation to the current conditions of
unit commitments. A major project should
now be started – the interoperability of
systems.
Une simulation d’ores et déjà omniprésente
Depuis plus d’une décennie, la simulation fait partie intégrante
de la préparation opérationnelle des unités, et notamment des
PC. Elle se retrouve à toutes les étapes de l’instruction
collective, de l’entraînement au contrôle, sans oublier les MCP.
Son importance est toujours plus croissante car :
- les avancées technologiques offrent désormais des
capacités qui permettent à la fois de reproduire très
fidèlement la réalité et de jouer « virtuellement » des
situations qu’il ne serait pas possible de créer dans un
environnement réel ;
- les déploiements réels sont aujourd’hui comptés et rares ; il
s’agit donc d’une part de compenser en s’entraînant par
d’autres moyens, et d’autre part d’optimiser ces moments
privilégiés par une préparation irréprochable, notamment
en terme d’animation ;
- la généralisation de la NEB a mis en exergue le besoin
impératif des unités de s’entretenir régulièrement et
fréquemment aux procédures NEB, en particulier pour les
PC. Or le meilleur moyen de « stimuler » les CO par une
situation tactique et logistique réaliste, variée et
complexe est d’avoir recours à la simulation.
doctrine
© COMALAT
garnisons offrent assurément des potentialités
que notre imagination
collective doit s’empresser
de débrider.
Pour satisfaire pleinement
les besoins des forces, les
outils doivent toutefois
évoluer dans certaines de
leurs caractéristiques afin
de s’adapter aux conditions actuelles des opérations. Certaines simulations, en particulier constructives, ont été développées dans la seule logique
de confrontation massive
de forces. Elles doivent
désormais pouvoir représenter les conditions
actuelles des conflits, au
moins dans leurs phases de
haute intensité :
OPOSIA : Outil de préparation opérationnelle des sous-groupements Interarmes qui contribuera à l’entraînement en garnison.
OPOSIA: Tool of readiness for combined arms company teams, which will contribute to training at home stations.
Au niveau des unités, par le biais de la simulation
instrumentée, l’effort est porté sur le niveau du SGTIA à
travers l’emploi des capacités des CENTAC, CENZUB et CEB.
Pour les hommes engagés sur l’exercice, on atteint alors le
niveau ultime de l’emploi de la simulation en utilisant un
système réel dont on ne simule que les effets.
Dans le cadre de l’entraînement et du contrôle des PC, le
besoin des forces terrestres est alors clairement de simuler
une situation réaliste, tout en limitant le nombre
d’acteurs impliqués. Cela passe donc par un recours très
fréquent à la simulation constructive (JANUS, SCIPIO ou
ROMULUS) ou à la simulation virtuelle (actuellement
SYSIMEV et bientôt OPOSIA).
Une montée en puissance dans l’entraînement
à partir de la garnison
La préparation opérationnelle des unités se déroule en majeure
partie entre la garnison, les camps d’entraînement et les
centres. L’emploi de la simulation doit impérativement être
adapté à cette triple situation. Si le cas des centres a déjà été
évoqué précédemment, il faut impérativement poursuivre la
montée en puissance au sein des garnisons. Il en va de la
valorisation du cycle à 5 temps, récemment mis en place.
Par le biais du déploiement des ECI NEB SIMU, la mise en
place coordonnée de la simulation en garnison est donc un
chantier fondamental qui répond au besoin d’auto-entraînement des régiments. Au-delà des enjeux primordiaux
visant à leur fournir des outils leur permettant de mener
autrement leur instruction collective et de préparer en amont
(et donc valoriser) leur déploiement en centres spécialisés,
d’autres pistes sont d’ores et déjà explorées. Ainsi, la
réalisation d’un ANTARES de régiment a pu être conduit sur
une plateforme ROMULUS et la simulation distribuée entre
-
adversaires asymétriques,
présence des populations,
importance des zones urbaines,
contre insurrection, etc.
Enfin, il parait sage actuellement de ne pas chercher à tout
modéliser car se lancer dans la représentation des domaines
« INFO OPS » ou « CIMIC » risquerait d’être vain et coûteux
pour des résultats potentiellement contestables.
Le défi majeur de l’interopérabilité
La convergence des moyens SIC et SIMU est une nécessité.
Du chef de groupe, ou d’engin, au CO de la grande unité,
chacun dispose désormais de moyens numérisés avec
lesquels la simulation doit pouvoir échanger ou qu’elle doit
pouvoir représenter.
Cette « fusion » SIC-SIMU doit assurément revêtir plusieurs
aspects :
- pour permettre aux PC de travailler sans avoir recours à des
ressources, humaines ou matérielles trop conséquentes,
l’émulation des SIOC par la SIMU doit impérativement se
faire dans les deux sens, c’est-à-dire que les SIOC doivent en
particulier pouvoir «donner des ordres» à la SIMU. C’est
l’orientation prise dans l’évolution de SCIPIO ;
- le réalisme des simulateurs d’engins passe forcément par
l’intégration de la représentation des outils de la NEB, et
notamment des systèmes terminaux ;
- l’amélioration du processus de contrôle effectué dans les
centres du CCPF nécessite de se doter d’une capacité
visant à suivre de façon permanente les échanges SIOC
d’une unité numérisée, à l’instar du suivi des réseaux
radios autrefois.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
9 AVRIL 2012
Toutes ces évolutions ne resteront que des vœux pieux si des
efforts ne sont pas consentis pour rendre les outils toujours
plus modulaires. Ils doivent pouvoir s’adapter aux conditions
d’engagement des unités, que ce soit pour l’utilisation des
bases de données terrain, pour intégrer les comportements
des acteurs, de nouveaux armements,… Dans le même esprit,
les exercices de PC, particulièrement dans le cadre de MCP,
s’attachent de plus en plus à reproduire des actions très
précises, déjà vécues, qui nécessitent souvent de «mettre à
mal la simulation » qui a son propre déroulement. La
convergence des outils de MEL-MIL, utilisés pour créer les
scénarios, et ceux de la simulation est primordiale pour
répondre aux besoins actuels d’entraînement des PC.
De surcroît, la continuité de l’emploi des outils entre
entraînement et opération est également de plus en plus
demandée. Cela peut aller du «simple» déploiement d’un
système d’entraînement en OPEX pour conserver un savoir
faire spécifique (exemple des ETT Leclerc au LIBAN), au besoin
plus complexe de déploiement d’outils d’entraînement à des
fins de «répétition de mission», en y intégrant notamment
les bases de données du théâtre (terrain, ennemi, environnement,…). Le «pré-jeu» d’une mission sur un terrain qui aura
été virtualisé en 3D à partir de photos satellites ne doit plus
être bien loin d’être envisageable. La capacité à «tester» en
amont des ordres d’opération, de façon distante du CO ou non,
est un objectif plus lointain, mais accessible comme en
témoigne l’expérimentation conduite dans certains PC de
brigade du logiciel APLET.
Enfin, le défi de l’interopérabilité serait «trop facile» à relever
s’il ne relevait que du seul périmètre de l’armée de Terre.
L’enjeu suprême vise à obtenir que, jusqu’aux plus bas
niveaux, les simulateurs ou systèmes d’entraînement puissent
se connecter «simplement » et interagir dans un environnement interarmées et multinational. En effet, à l’heure
des exercices communs (FLANDRES, CITADEL,…) et de la
mutualisation des moyens d’entraînement, il n’est plus
envisageable de mettre en œuvre des simulateurs
« incompatibles » avec les SIOC étrangers ou inadaptables sur
leur armement. C’est trop souvent le cas actuellement.
Espérons que les normes qui se mettent en place par le biais
des agences de l’OTAN favoriseront cette interopérabilité.
Couplée alors avec une simulation « distribuée », qui offre la
capacité de connecter entre elles des simulations distantes
ou d’en distribuer les « produits » à travers les réseaux
informatiques, et dans la continuité de l’étape FLANDRES avec
l’expérimentation de SAFIR, l’interopérabilité dessine des
perspectives intéressantes, que l’exercice ROCHAMBEAU 2014
pourrait concrétiser.
Instruction individuelle ou collective, entraînement en garnison
ou centre spécialisé, déploiement en exercices ou en
opérations, la préparation opérationnelle des forces terrestres
ne peut plus se concevoir sans simulation. Son intégration est
d’ailleurs un facteur d’appréciation des choix d’organisation
qui sont faits chaque année, notamment sous l’angle des
équipements pour leur répartition dans les différents parcs de
la PEGP.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
10 AVRIL 2012
Si l’emploi de la simulation ne doit pour autant pas devenir une
fin en soi, il demeure une nécessité qui permet d’optimiser
l’entraînement et les désormais trop rares grands déploiements d’unités sur le terrain. A ce titre, il faut poursuivre et
accélérer son adaptation aux conditions actuelles d’engagement des unités et se focaliser sur le rapprochement de
standards interarmées et interalliés, tout en gardant bien à
l’esprit les apports envisageables à moyen terme dans la
conduite des opérations
GLOSSAIRE
APLET
Aide à la Planification de l’Engagement Tactique
CCPF
Commandement des Centres de Préparation
des Forces
CIMIC
Civil MIlitary Cooperation
CO
Centre Opérations
CONOPS
Concept of operations
ETT
Entraîneur de Techniques de Tourelle
EPSA
Entraîneur de Pilotage et de systèmes d’armes
INFO OPS INFOrmation OPérationnelle
JANUS
Simulation constructive destinée à l’entraînement
des PC deGTIA ou des états major de brigade
MCP
Mise en Condition avant Projection
MEL-MIL
Main Event List / Main Incident List
NEB
Numérisation de l’Espace de Bataille
OPEX
Opération extérieure
PC
Poste de Commandement
PEGP
Politique d’Emploi et de Gestion des Parcs
ROMULUS Simulation constructive destinée à la formation
des chefs de peloton ou des commandants
d’escadron de l’arme blindée
SAFIR
Support anglo french interoperability and
readiness (simulation distribuée pour un
entraînement multisites). Le programme SAFIR
développé par la DGA et son homologue
britannique vise à rendre interopérable les
simulateurs d’entraînement tactique des deux
armées.
SGTIA
Sous-Groupement Tactique InterArmes
SIC
Systèmes d’Information et de Commandement
SIMU
SIMUlation
doctrine
Préparer l’engagement opérationnel
1
des GTIA SCORPION :
virtualité et réalité
Colonel Bruno GuiBert (eMAt B.PlAnS)
La simulation constituera demain l’outil prépondérant de
la préparation à l’engagement opérationnel des GTIA
SCORPION. Elle redonnera aux unités la capacité de
conduire leur instruction collective dans les garnisons, et
de maîtriser ainsi les savoir-faire induits par les nouvelles
capacités de SCORPION. Son domaine d’emploi sera
élargi à l’appui à l’engagement opérationnel des GTIA,
par la capacité de maintenir les savoir-faire des servants
de systèmes d’armes sur les théâtres, voire de les adapter
aux évolutions des opérations en cours, d’aider à la prise
de décisions des postes de commandement du GTIA et
des SGTIA2, de préparer les équipages, les pelotons et les
sections aux missions qu’ils conduiront. Ainsi, la capacité
de l’armée de Terre de se doter d’outils de simulation
adaptés devient-elle un enjeu majeur de la conservation
du niveau de préparation opérationnelle des forces
terrestres.
Tomorrow, simulation will be the main readiness
tool for the operational commitment of Scorpion
combined arms task forces. It will make it possible
for units to again conduct collective training
at home stations, and thus control the skills
induced by the new capabilities of Scorpion.
Its employment will be expanded to support
the operational commitment of combined arms
task forces, by the capability to maintain the skills
of weapons’ crews in theatres, even to adapt them
to changes during current operations, to assist in
decision-making in combined arms task forces’
and company teams’ command posts, to prepare
crews and platoons for the missions that they will
be expected to conduct. Thus, the capacity of
the Army to field appropriate simulation tools
becomes a major issue in order to keep up
the level of readiness in land forces.
"Le rempart de la Cité, ce sont les Hommes" Périclès.
u processus de transformation capacitaire des forces
terrestres qu’est SCORPION, il convient dorénavant
d’y ancrer la simulation en tant que fonction
démultiplicatrice de la compétence opérationnelle des
hommes et des unités.
A
également d’adapter la politique de préparation à
l’engagement opérationnel des forces terrestres. A titre
d’exemple, les unités d’infanterie devront être capables de
s’engager indifféremment sur VBCI4 et sur VBMR5.
Outre la réorganisation en cours, l’armée de Terre connaît
une transformation profonde du cadre de sa préparation
opérationnelle : mise en place de la PEGP3, nouveau cycle de
préparation opérationnelle à cinq temps et principe de
préparation opérationnelle différenciée, en adaptant la
phase de mise en condition avant projection au théâtre
d’opération et aux équipements employés. La polyvalence
des unités, et tout particulièrement des unités des fonctions
« combat débarqué » et « combat embarqué », nécessite
Les capacités attendues du GTIA SCORPION – maîtrise et
précision des effets, infovalorisation6, TAVD7 - nécessiteront
également d’adapter leur préparation à l’engagement
opérationnel. L’une des conséquences de l’infovalorisation
sera le besoin de coopération interarmes aux plus bas
échelons tactiques, à savoir les équipages. Par ailleurs, la
logique d’équipement des nouvelles plates-formes de
combat par kit, tourelleau télé opéré, protection active,
robot, capteur, etc. - combinée à la PEGP, ne permettra plus
aux unités de détenir la totalité des équipements et de
disposer de l’ensemble des capacités offertes par ces kits
pour leur instruction collective.
Face à ces impératifs et à ces contraintes, quelles peuventêtre les réponses apportées par la simulation ?
1 GTIA : Groupement Tactique InterArmes.
2 SGTIA : Sous-Groupement Tactique InterArmes.
3 PEGP : Politique d’Emploi et de Gestion des Parcs.
4 VBCI : Véhicule Blindé de Combat d’Infanterie.
5 VBMR : Véhicule Blindé Multi-Rôles.
6 Infovalorisation : exploitation optimale des ressources opérationnelles autorisée
par les nouvelles technologies de l’information et de la communication.
7 TAVD : Tir Au-delà de la Vue Directe.
1. Un changement de paradigme pour les
forces terrestres.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
11 AVRIL 2012
2. L’importance croissante de la fonction
simulation dans la préparation à l’engagement opérationnel.
La capacité d’instruction reposera sur la combinaison offerte
par ces trois pôles : C2, tir/mise en œuvre et combat. Sa
caractéristique principale sera sa modularité permettant un
emploi adapté au(x) niveau(x) instruit(s).
La formation et l’entraînement ont bénéficié d’un effort
important en matière de simulation. Les écoles disposent de
centres tactiques pour la formation au C28 et de centres de
simulation pour la formation au tir et à la mise en œuvre des
systèmes d’armes. Quant aux centres de préparation des
forces, ils mettent en œuvre des outils de simulation depuis
la formation des pilotes jusqu’à l’entraînement des PC de
brigade ou de division, en passant par l’entraînement des
SGTIA tant en zone ouverte qu’en zone urbaine. En revanche,
les régiments en garnison possèdent encore peu d’outils
de simulation d’instruction collective et d’auto entraînement,
à l’exception des fonctions opérationnelles « combat
embarqué » et « aérocombat ».
Pour assurer une continuité entre la formation et
l’entraînement, l’effort devra être porté sur les unités en
mettant à leur disposition un système d’instruction, dont la
modularité permettra de répondre aux évolutions des
conditions de préparation à l’engagement opérationnel
décrites précédemment.
Le pôle C2 succédera à l’EIC9 NEB-SIMU en cours de
déploiement dans les régiments. Il renforcera l’auto
entraînement au commandement des unités infovalorisées,
notamment en environnement interarmes. Afin d’accroître
le réalisme de l’instruction, la visualisation en 3D du terrain
sera disponible.
La maîtrise des savoir-faire techniques liés au tir et à la mise
en œuvre devra être complétée par l’emploi des systèmes
d’armes dans un cadre tactique. Ce pôle devra accueillir
indistinctement, les AIF10, FELIN, le MMP11 successeur du
MILAN et de l’ERYX, la future roquette NG, ou bien encore les
capteurs comme les jumelles SOPHIE ou les désignateurs laser.
Mais un des axes majeurs sera l’intégration de la simulation
dans les systèmes d’armes afin d’instruire puis d’entraîner
les équipages dans la dernière version disponible du
système. A minima des simulateurs seront développés en
containeurs afin d’assurer leur mise en place dans les unités
© Armée de Terre
Ce système assurera l’instruction et l’auto entraînement au :
• C2 pour les niveaux 4 à 7 (du niveau PC de GTIA au niveau
groupe ou équipage) ;
• tir et à la mise en œuvre des systèmes d’armes pour les
niveaux 6 à 7 (du niveau peloton section au niveau groupe
ou équipage) ;
• combat pour le niveau peloton ou section sur le terrain.
Ce pôle permettra également l’acquisition des procédures de
mise en œuvre des systèmes d’armes en plaçant chaque
servant ou membre d’équipage derrière des écrans et des
interfaces homme-machine représentant leur poste de
combat. C’est la capacité de représenter l’ensemble des
systèmes d’armes et des équipements possibles, ainsi que
l’analyse après action qui confèrent à la simulation sa
première plus-value.
L’instruction et l’auto entraînement des niveaux 4 à 7 seront assurés dans les pôles C2.
Initial and self-training for Levels 4 to 7 will be conducted in C2 centers.
8 C2 Command & Control.
9 EIC : Espace d’Instruction Collective.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
12 AVRIL 2012
10 AIF : Armement Individuel Futur.
11 MMP : Missile Moyenne Portée.
doctrine
en fonction de leur cycle de préparation opérationnelle et du
type de système d’armes qu’elles emploieront en opération.
Enfin, les STC12, étendus aux intervenants dans la
3ème dimension, permettront de valoriser les exercices avec
les systèmes d’armes réels en représentant les effets des
armes et en arbitrant les confrontations.
La nécessité de coopérer et d’agir conjointement sur le même
théâtre implique de connecter ces pôles. Les équipages au sein
du pôle tir et mise en œuvre ou du pôle combat pourront
bénéficier de l’enrichissement de leur environnement tactique
par les chefs de section instruits au sein du pôle du C2. A
l’inverse, le capitaine instruit au pôle C2 avec ses chefs de
section, bénéficiera d’un réalisme accru grâce à une section
déployée au sein du pôle tir et mise en œuvre ou du pôle
combat. C’est aussi la possibilité d’instruire simultanément
un groupe débarqué et l’appui des VBMR qui sera permise
par un même scénario sur un même théâtre virtuel. Ainsi
donc, l’entraînement simultané de deux niveaux sur un
même scénario virtuel constitue un objectif réaliste, même
en garnison.
A plus long terme, la préparation à l’engagement
opérationnel par la simulation sera conduite à partir de sites
distants : les fantassins, les cavaliers, les artilleurs et les
sapeurs demeureront dans leur garnison respective, mais
s’entraîneront sur le même théâtre virtuel des opérations à
partir d’un même scénario.
Mais ces outils de simulation ne seront pas cantonnés à la
préparation à l’engagement opérationnel.
3. Vers un emploi de la simulation en
opération.
Les équipements développés dans le cadre de la préparation
opérationnelle pourront également être utilisés en
opérations, selon les modes de réalisation des outils de
simulation et les conditions des théâtres d’opérations. On
entrevoit sans peine les possibilités offertes par des
équipements de simulation mobiles ou intégrés dans les
systèmes d’armes pour maintenir les savoir-faire en
opérations. Ne nous méprenons pas. Il ne s’agit pas de
réaliser sur le théâtre ce qui n’a pas pu être entrepris en
métropole, mais bien de maintenir le niveau acquis lors de la
MCP tout au long du déploiement. En fonction de la nature et
de la durée des opérations, les procédés tactiques peuvent
évoluer. Là encore, le recours aux outils de simulation
permettra de s’assurer de la diffusion, à l’ensemble de la
force, de ces procédés tactiques adaptés.
12 STC : Simulateur de Tir de Combat.
13 PC : Poste de Commandement.
14 APLET : Aide à la Planification de L’Engagement Tactique.
Quant aux PC13, le développement d’outils d’aide à la
décision leur permettra d’optimiser leur cycle décisionnel.
Ces outils, préfigurés par APLET14 qui permet la
confrontation des modes d’action amis (MA) avec les modes
d’action ennemis (ME), seront à terme un service disponible
au sein des systèmes d’information opérationnels (SICS15,
SIA16). Particulièrement adaptés à la phase de planification des
opérations, ces outils pourraient utilement être employés en
phase de conduite en identifiant les dérives par rapport à la
planification initiale.
Enfin, les équipements utilisés pour le maintien des savoirfaire en opérations pourront également permettre aux
équipages de préparer leurs missions, en identifiant les
points clés du terrain, en précisant les réactions possibles de
l’ennemi et en facilitant les mesures de coordination. A
l’instar des unités aéromobiles, les équipages des platesformes de combat SCORPION pourront se concentrer sur
l’exécution de leurs missions, étant moins accaparés par leur
navigation. Cette capacité pourra, bien sûr, être étendue à
l’ensemble du peloton ou de la section, voire du DIA17. Cet
emploi sera rendu possible à condition d’être capable
de produire rapidement les données d’environnement
(représentation en 3D du terrain) du théâtre d’opération, ce
qui constitue un enjeu majeur pour les forces terrestres dans
le cadre de la simulation future.
A l’heure où la supériorité technologique des armées
occidentales tend à se réduire et où l’emploi combiné des
systèmes d’armes en phase d’entraînement s’effectue sous
contraintes croissantes, il demeure indéniable que le
principal facteur de supériorité continuera de reposer sur le
niveau de préparation opérationnelle des hommes et des
unités. Dans ce cadre, la simulation révolutionnera vraisemblablement les conditions de cette préparation future,
notamment en garnison.
Enfin, s’il était besoin de convaincre encore, un des enjeux
actuels et futurs de notre armée de Terre sera sa capacité à
recruter et surtout fidéliser nos hommes. Baignant dès leur
plus jeune âge dans l’univers numérique, la fidélisation de
nos soldats de demain passera aussi par la conviction de
disposer d’outils modernes, performants et adaptés,
connectés en réseau, permettant d’améliorer leur niveau de
préparation opérationnelle, en continu au sein des garnisons,
afin de mieux rentabiliser l’indispensable mise en condition
réelle sur le terrain
15 SICS : Système d’Information et de Combat de Scorpion.
16 SIA : Système d’Information des Armées.
17 DIA : Détachement InterArmes.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
13 AVRIL 2012
L’apport de la simulation pour les exercices
de niveau opératif ou interarmées
Colonel Jean Fatz, Centre de simulation pour la Formation, l’entraînement et l’expérimentation (CsFee)
L’
emploi de la simulation est
généralement considéré comme incontournable pour la formation et l’entraînement à la mise en œuvre des systèmes
d’armes, ou lorsqu’il s’agit d’entraîner des
PC de forces à des niveaux tactiques.
Lorsque l’on envisage des exercices pour les
niveaux opératifs ou interarmées la question
reste en débat.
Simulation use is generally deemed essential
Après avoir rapidement présenté le CSFEE,
organisme de simulation interarmées, cet
article expose les réticences que certains ont
à l’emploi de la simulation pour les exercices
de « haut niveau ». Il souligne enfin la réelle
plus-value qu’elle apporte à la préparation
opérationnelle aux exercices de haut niveau.
simulation agency, this article elaborates on
1) le centre de simulation pour la
formation, l’entraînement et
l’expérimentation (CsFee)
C
réé en 2006 à partir de la cellule de simulation de l’Ecole de
guerre (à l’époque Collège interarmées de défense), le CSFEE
met en œuvre la simulation JTLS (Joint Theater Level
Simulation) comme outil principal d’animation des exercices. Cette
simulation est un produit développé par une société américaine
sous le contrôle de l’US Joint Force Command (USJFCOM1). JTLS
est un outil qui regroupe des modèles terrestres, navals et aériens.
Il permet donc l’animation de toutes les forces des composantes
terre, air, mer et forces spéciales, en offrant un rendu cohérent
des interactions entre elles ainsi que des domaines spécifique-
for initial and advanced training on weapons
systems, or when it comes to train Forces CPs
at tactical levels. When considering exercises
at operational or joint level, the question
remains open.
After a short overview of the CSFEE, a joint
the
reluctance
that
14 AVRIL 2012
have
with
simulation for “high-level ” exercises. Finally,
it highlights the real added value it brings to
high-level exercises as regards readiness.
ment interarmées comme le renseignement et la logistique. JTLS
est utilisé par une vingtaine de pays différents ; il est réputé
pour être l’outil de simulation du Joint Warfare Center (JWC),
centre de préparation des forces OTAN à Stavanger en Norvège.
Le CSFEE appuie l’Ecole de Guerre pour son exercice annuel de
synthèse COALITION au profit des stagiaires. Depuis 2009, il
participe également à des exercices d’entraînement des forces
quand ceux-ci ont une forte connotation interarmées2 ou sont au
profit d’un PC de théâtre3.
Le CSFEE est armé par 18 cadres (4 officiers, 12 sous-officiers
et 2 cadres civils). Il est situé à l’École militaire organiquement
dépendant de l’Ecole de guerre et rattaché pour emploi à la
division Emploi de l’EMA.
1 Ce commandement a disparu au 1er août 2011, intégré dans le Joint Chief of staff (J7).
2 Exercices CITADEL-GUIBERT du CRR-FR en 2011 et 2012.
3 Exercice C2NATEX en 2009 avec l’EMIA-FE, le CRR-FR, le FR-JFACC et une composante logistique armée par la 1re brigade logistique.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
some
teMOIGNAGES
2) la simulation pour les exercices de
niveau opératifs ou interarmées
des réticences…
L
es outils de simulation actuels restent majoritairement des
outils dont les modèles sont de niveau tactique. Les modèles
de JTLS sont hautement agrégés (surtout les modèles
terrestres appliqués à une unité agrégée de la taille d’un bataillon
idéalement alors que les modèles Air ou Marine sont d’une
granularité plus fine) mais ils n’en demeurent pas moins des
modèles tactiques.
C’est pourquoi, plus le niveau de commandement des exercices
est élevé, plus le champ d’action du ou des PC joueurs s’éloigne
du domaine direct d’application des modèles. Un PC de niveau
opératif ne conduit pas directement la manœuvre tactique et un
PC de composante ne commande que très rarement les unités
du niveau où les modèles s’appliquent.
Cet écart entre modèles et champ d’action conduit assez souvent à des réticences pour l’utilisation de la simulation dans le
cadre des exercices de «niveaux hauts».
Ces réticences sont de trois ordres :
 Réticences culturelles.
Quoiqu’on en dise, de nombreux cadres de nos armées jettent
encore un œil suspicieux sur la simulation pour l’entraînement
des PC. Bien acceptée pour la formation et l’entraînement à la
mise en œuvre des systèmes d’armes, la simulation est encore
trop souvent considérée comme la confrontation de l’intelligence
humaine avec une machine pleine de défauts au comportement
parfois irréaliste. Il est frappant de voir certains s’enflammer sur
des résultats en criant à l’injustice ou à l’incohérence, alors que
ces mêmes personnes acceptent sans sourciller des événements
ou incidents beaucoup plus loin de la réalité, mais venant
d’injections de la MEL/MIL4. Ces mêmes personnes sont aussi
tout à fait bienveillantes lorsque les «incohérences» sont à leur
profit ou que la simulation corrige leurs propres erreurs
d’appréciation, voire de manœuvre.
 Réticences liées à la préparation de l’exercice.
La préparation des données de simulation pour un exercice est
un travail complexe qui demande de la précision. Ce travail est
d’autant plus important que le niveau de l’exercice s’élève et
que les forces impliquées sont nombreuses et variées. Pour les
exercices de niveau opératif ou interarmées, souvent à caractère
multinational, le cycle de préparation est long (18 mois généralement). Le recours à une simulation oblige à fixer les forces
participantes, les éléments principaux de scénario et d’animation suffisamment tôt dans le processus pour que la collecte des
données et la constitution de la base de données se fassent correctement. A cette fin une « Data Management team » doit être
constituée au plus tard lors de la MPC5 soit environ 6 à 8 mois
avant le début de l’exercice6.
Le taux d’activité et le rythme élevé de rotation des cadres dans
les états-majors sont des entraves au travail de fond que représente la préparation des données, travail qui est vu comme une
contrainte lourde, donc souvent négligé au profit d’activités plus
urgentes. Il est alors souvent reporté à plus tard, au détriment
alors de la qualité de la préparation et donc de l’exercice.
A cela s’ajoute une préparation technique complexe au
regard de la réglementation liées à la sécurité des systèmes
d’information (SSI). Introduire une simulation pour un
exercice impose de prendre en compte son interconnexion
avec des systèmes d’information déployés sur des réseaux
de classification élevée et variés dans un environnement
international.
Ainsi, cette nécessité de préparation amont supplémentaire
qu’impose la simulation est parfois mal perçue et modère
l’enthousiasme initial.
© Armée de Terre
 Réticences liées au poids de la simulation en cours
d’exercice.
Un PC : s’entraîner, comme on combat.
In a CP: train as you fight.
Enfin, lors de l’exercice, au-delà de son aspect mobilisateur
(meilleure concrétisation des actions), on assiste toujours au
syndrome du «je me bats contre une machine», machine que je
dois surveiller. Si le ou les PC entraînés n’arrivent pas à prendre
du recul par rapport à cette animation par une simulation,
l’effet radical est de voir les préoccupations de planification de
plus en plus accaparées par le niveau tactique, comme aimantées par la simulation. Cette critique envers la simulation de trop
tirer le focus vers la tactique lors des exercices de haut niveau
(opératif, interarmées) revient souvent.
4 Main Events List, Main Incidents List: Animation qui fonctionne par injections d’incidents autour d’événements afin de faire réagir les cadres du PC entraîné.
5 Main Planning Conference: réunion principale dans le cycle de préparation d’un exercice.
6 Pour plus de précisions sur le montage d’un exercice le lecteur est renvoyé à la PIA 7.3 promulguée le 27 octobre 2010.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
15 AVRIL 2012
mais des apports réels…
Face à ces réticences, quels sont donc les arguments qui militent
pour utiliser une simulation lors des exercices de niveau haut ?
Il est indéniable que la simulation apporte une réelle plus-value
pour les raisons majeures suivantes :
 La simulation garantit une parfaite cohérence spatio-temporelle du déroulement avec toutes les forces mises en jeu.
Véritable référence du terrain (terrain virtuel), elle en rappelle
le poids et les contraintes, si facilement oubliés – contraintes
de déplacement notamment – et elle permet d’éviter des incohérences dans l’animation (par exemple le déclenchement
d’un incident IED là où aucune troupe n’est présente).
 La simulation permet à l’EXCON7 de disposer d’une COP8,
image en temps réel des positions et actions des forces en
présence. Cette COP est capable de présenter la vision totale (vision générale) mais surtout la vision réelle perçue9 par
chaque camp (c’est cette vision réelle perçue pour un camp
qu’il est intéressant de comparer avec la vision perçue au sein
du PC joueur – la COP des joueurs – afin de mesurer les écarts
et d’en déterminer la cause).
 La simulation soulage l’animation de l’exercice en tant
qu’elle se comporte en arbitre pour pratiquement toutes
les interactions entre les forces représentées dans la
simulation (détection, combat) et qu’elle permet d’animer
automatiquement la chaîne logistique pour la consommation des ressources principales (eau, vivres,
carburants, munitions). Elle permet aussi de suivre les
pertes en hommes et matériels. Cet arbitre est impartial,
et surtout réversible, ce qui laisse toujours à l’animation
le loisir de corriger des interactions jugées non
représentatives de la réalité ou pénalisantes pour le
déroulement futur du scénario.
 La simulation est le seul moyen pour fournir en flot
continu des informations dans les systèmes d’information des joueurs. Elle décharge en grande partie les
LOCON10 de la saisie manuelle de données d’entrées dans
ces systèmes. Ce point est maintenant capital et peut être
l’argument majeur militant au recours à la simulation. Les
systèmes d’information ont pris une telle importance
dans les PC que faire un exercice sans eux est impossible
et inintéressant si ces systèmes ne sont pas
suffisamment alimentés en données. Certes, préparer les
bases de données, connecter la simulation aux systèmes
d’information ne sont pas des tâches aisées (d’où une
des réticences citées plus haut) mais ce travail amont
indispensable, s’il est conduit en synergie avec l’équipe
de projet de l’exercice, permet également d’aborder les
questions de cohérence en termes de scénario, de
génération de forces, de déploiement et de logistique au
plus tôt. On peut ainsi éviter des adaptations et
modifications importantes à quelques semaines du début
de l’exercice.
Bien évidemment, la simulation pour tous ces points possède
ses propres limites et imperfections. Ces limites sont la conséquence de la modélisation proprement dite (granularité,
finesse de rendu, incapacité à rendre tous les effets et l’enchaînement des effets, ...), ou la conséquence de défauts de paramétrage de ces modèles. Cependant, en dépit de ses limites
propres, la simulation soulage l’animation qui serait incapable
de gérer toutes les interactions avec uniquement les capacités
humaines. Le réalisme dans le rendu et la dynamique apportée
surpassent de fort loin ce qu’il est possible de faire avec une
animation limitée aux cartes papier et aux tableurs Excel avec
comme seul arbitre l’homme.
3) Conclusion
U
n exercice interarmées pour un PC de niveau opératif
ou pour un PC de composante est toujours complexe
à monter et à conduire. Utiliser la simulation en
complément d’une animation « scriptée » (la fameuse
MEL/MIL) enrichit considérablement un tel exercice et
apporte une réelle plus value en terme de cohérence du
scénario et d’utilisation des systèmes d’information
déployés dans les PC. Le prix à payer pour cette qualité
accrue est surtout un investissement humain en amont pour
préparer cet emploi de la simulation.
Les exercices s’améliorent à chaque nouvelle édition, mais
les efforts ne doivent pas être relâchés. La compétence
nécessaire est longue à acquérir mais peut se perdre
rapidement.
Le réel intérêt que des organismes extérieurs aux armées
montrent pour nos exercices avec simulation prouve que la
simulation est gage de qualité accrue
7 Exercice Control: cellule qui contrôle l’exercice et qui dirige notamment toute l’animation.
8 Common Operational Picture.
9 La vision réelle perçue est ce que dans l’absolu les unités aux ordres d’un PC voient à un instant donné. Cette vision est toujours en décalage de ce que le PC établit grâce
aux comptes-rendus et par interprétation.
10 Low Control: Cellule réponse qui agit en interface entre la simulation et les joueurs et qui porte une très grande part de l’animation.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
16 AVRIL 2012
teMOIGNAGES
Le commandement des centres de préparation
des forces (CCPF) : un concept homogène
Le CCPF inclut :
Colonel emmanuel PouCet
et
Chef d’esCadron françois farra (CCPf)
C
lef de voûte du système de préparation et de mise
en condition opérationnelle de l’armée de Terre,
le commandement des centres de préparation des
forces offre aux unités des niveaux 2 à 5 des moyens
optimisés pour que l’intégralité de leurs séjours dans
ses centres tende vers l’atteinte des objectifs
d’entraînement que leur ont fixés leurs chefs. Parmi
ces centres qui fournissent aux forces des
entraînements réalistes, livrés clefs en main par des
experts de la préparation opérationnelle, en totale
adéquation avec les buts recherchés, dans un cadre
interarmes, interarmées, et au besoin interalliés ou
interministériel, trois utilisent la simulation de
manière privilégiée. Il s’agit du CENTAC, du CENZUB
et du CEPC. La simulation est devenue centrale dans
leur fonctionnement et leur confère une indéniable
plus-value, en particulier grâce à la valeur et à
l’expérience des hommes qui l’emploient. Elle leur
permettra encore de relever de nouveaux défis,
comme ceux induits par la numérisation de l’espace
de bataille.
I - CENTAC
II - CENZUB
III - CEPC
As the cornerstone of the Army system of training
and readiness, the Command of Force Readiness
Centers offers units from Levels 2 to 5 optimized
ways so that their entire stays in those centers make
it possible for them to achieve the training objectives
set them by their commanders. Among the centers
which provide realistic training to forces, turn-key
delivered by combat-seasoned experts, in total
adequacy with the desired goals, in a combined
arms, joint, and if necessary, interallied or
interagency environment, three use simulation in a
privileged way – the Force-on-Force Training Center
(CENTAC), the MOUT Training Center (CENZUB)
and the Command Post Training Center (CEPC).
Simulation has become essential in their operations
and gives them an unquestionable added value, in
particular thanks to the merit and experience of their
personnel. It will make it possible for them to face
new challenges, such as those induced by battlespace
digitization.
Le concept des centres de préparation des forces
ubordonné au commandement des forces terrestres, le CCPF est devenu l’organe de mise en œuvre de la
politique de préparation opérationnelle et de mise en condition opérationnelle de l’armée de Terre en
concentrant les investissements, les moyens, les ressources, les expertises sur des espaces d’entraînement
dont il a la responsabilité.
Au service des forces, il offre aux états-majors et aux unités des brigades des exercices « clés en main », c’est-àdire un thème, une animation, un adversaire conçus par les centres et adaptés aux besoins exprimés par les chefs
interarmes tout en tenant compte des enseignements issus des théâtres d’opérations. Il fournit également un
environnement interarmes, interarmées voire interministériel ou international que les unités ne peuvent
constituer en garnison.
S
Dans le but d’approcher au plus près de la réalité, les centres proposent aux unités des outils de simulation
adaptés à chaque niveau de commandement. On les trouve au CENTAC et au CENZUB pour l’entraînement des
SGTIA, et au CEPC pour l’entraînement des PC de niveaux 2 à 4.
Dans tous les centres, ces entraînements donnent lieu à des contrôles permettant au chef interarmes d’évaluer
l’aptitude des unités à s’engager, aptitude ainsi évaluée tout au long de leur parcours de préparation
opérationnelle.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
17 AVRIL 2012
© Armée de terre
I - LE CENTRE D’ENTRAÎNEMENT AU COMBAT
(CENTAC)
Entraînement au combat au CENTAC.
Combat training at the CENTAC.
ans le cadre de sa mission d’entraînement et de contrôle des sous-groupements tactiques interarmes, le
CENTAC, implanté sur le camp de Mailly, conduit annuellement une vingtaine de rotations en terrain ouvert
d’une durée de deux semaines au profit des forces terrestres et de quelques unités étrangères.
D
Pouvant faire manœuvrer simultanément trois sous-groupements tactiques interarmes, le CENTAC élabore et conduit
des exercices à double-action dans le cadre de scénarios correspondant aux engagements potentiels ou actuels des
forces terrestres.
Disposant de deux compagnies de forces adverses (FORAD), d’une zone de manœuvre d’environ 100 km2, et des
moyens de simulation instrumentée, le CENTAC est un outil adapté et performant. Il permet aux unités de s’entraîner
dans un environnement interarmes, face à une FORAD réaliste, constituée de véritables professionnels de la force
adverse pouvant représenter une force régulière, des milices, des réfugiés voire des prisonniers, et ce dans le cadre
d’exercices se rapprochant le plus possible des conditions d’engagement réelles. La FORAD est en soi une forme de
simulation. Elle est elle-même équipée des simulateurs de façon à mesurer l’effet de l’adversaire sur les forces amies.
Les simulateurs du centre, suivant au plus près les évolutions des armements et systèmes d’armes, permettent aux
hommes de s’entraîner sur un plan tactique mais aussi sur le plan de la technique du tir. Ils prennent en compte la
quasi-totalité des systèmes d’armes (Artillerie, génie, NRBC…). Les plus modernes d’entre eux reproduisent
exactement les effets des armes en portée, efficacité, sur tous types de cibles. Cela oblige donc les unités à mettre en
œuvre leurs armements avec réalisme. Le système central CENTAURE permet une remontée automatique des
événements «terrain». L’exploitation de ces données, des vidéos et des extraits radio, le travail des analystes, offrent
ainsi une remarquable pertinence des séances 3A. Cela permet d’inscrire les unités en rotation dans une démarche
pédagogique de progrès.
La cellule d’analyse pédagogique apprécie les méthodes de raisonnement, les tactiques et procédures mises en œuvre
par les commandants de SGTIA. Le niveau chef de section est également contrôlé. En fin de rotation, les SGTIA se
voient attribuer une notation de leur niveau. La simulation permet ainsi de pousser l’unité dans toutes ses capacités et
révèle les forces et faiblesses.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
18 AVRIL 2012
teMOIGNAGES
Le CENTAC est aussi équipé d’une plateforme de deux systèmes de simulation SYSIMEV-IA.
Simulation mi-constructive, mi-virtuelle. SYSIMEV-IA permet de faire travailler les procédures internes au SGTIA,
répéter les composantes des missions du niveau UE, donner des ordres en cours d’action, travailler la discipline radio
et les comptes-rendus tactiques et répartir les rôles au sein de l’équipe de commandement du SGTIA (CDU, OA, OA1,
OA2, ADU et éventuellement des renforts GEN, ALAT etc...).
Ces systèmes permettent d’effectuer au cours de la première semaine :
- un «exercice de chauffe» pour le CDU avec ses subordonnés dont les appuis interarmes donnés en
renforcement ;
- un entraînement en libre-service pour les unités qui viennent s’auto-entraîner en bénéficiant de l’appui des
spécialistes du CENTAC.
En service depuis octobre 2004, il sera remplacé en 2012 par le simulateur OPOSIA qui apportera surtout les
améliorations nécessaires en termes de confort technique et de réalisme par :
- l’utilisation des systèmes d’information opérationnels (SIO) ;
- l’utilisation des moyens de communication radio de commandement ;
- une meilleure visualisation graphique du terrain et du personnel entraîné.
OPOSIA reprendra le concept de SYSIMEV-IA. Cet outil d’entraînement apportera un saut qualitatif majeur en
permettant d’optimiser la capacité des forces dans des conditions proches de la réalité.
Le CENTAC offre ainsi aux unités la possibilité de s’entraîner avec des moyens réalistes et dans des conditions
quasi réelles. Soucieux de reproduire au mieux les conditions des engagements actuels et à venir, le CENTAC
intègre en outre de plus en plus la composante aérienne à ses exercices (drones, close air support de l’Armée de
l’Air et de la Marine et action des hélicoptères), offrant ainsi la possibilité aux commandants d’unité de travailler,
non seulement dans un environnement interarmes, mais aussi de se préparer à la coopération interarmées
II - LE CENTRE D’ENTRAÎNEMENT AUX ACTIONS
EN ZONE URBAINE (CENZUB)
e CENZUB est un centre en constante évolution qui simule une ville générique et se voit doté progressivement
d’un système de simulation en zone urbaine.
L
La simulation au CENZUB : un outil indispensable encore en pleine évolution
Le CENZUB de SISSONNE est prioritairement dédié à l’entraînement aux actions en zone urbaine par le biais de
rotations de deux semaines au profit des SGTIA. Une deuxième composante se développe peu à peu,
complémentaire de la première : le tir en zone urbaine. Ces deux domaines concourent tout deux à la mise en
œuvre de la politique AZUR.
La simulation instrumentée1 répond aux principaux besoins des acteurs en fournissant des possibilités supérieures
à celles disponibles en garnison. Toutefois à SISSONNE, elle est encore à ses débuts quant au suivi de situation.
Ainsi les perspectives sont nombreuses et les champs d’application de la simulation devraient largement s’étendre
au CENZUB dans les années à venir.
1 Concerne des systèmes réels mis en œuvre par des opérateurs réels. Elle consiste à mettre en œuvre des matériels réels sur le terrain. Ainsi les véhicules, les
systèmes d’armes et les personnels sont équipés de systèmes permettant de reproduire et d’arbitrer des situations de duels. Cette simulation repose sur les
simulateurs de tir de combat (STC) qui se déclinent aujourd’hui sur toutes les armes légères d’infanterie, les systèmes d’armes antichar, les canons des engins
blindés (DX) et bientôt les différents canons et armes de bord des véhicules (STC B2M).
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
19 AVRIL 2012
Un apport indéniable de la simulation instrumentée
La capacité d’équipement en simulation (deux SGTIA infanterie ou un SGTIA infanterie et un blindé en plus du
SGTIA FORAD) et la capacité d’adaptation selon les matériels en dotation dans ces SGTIA permettent d’atteindre
un bon niveau d’instrumentation des rotations s’entraînant à l’action en zone urbaine (AZUR). La complémentarité
interarmes et l’effet conjugué des armes sont globalement bien rendus et représentent une aide sensible à la
pédagogie du centre.
Toutefois, certains pans des effets des armes qui ne sont pas restitués (armement de bord des véhicules de combat
d’infanterie (VCI), armes coaxiales des engins blindés, armes à effet de zone) obligent les instructeurs à consacrer
un temps important à l’arbitrage des duels, ce qui réduit le temps consacré à l’effort de pédagogie.
Des conditions privilégiées pour la mise en œuvre de la simulation
Le CENZUB permet l’équipement, l’instruction et le soutien de matériels de simulation à un degré difficilement
réalisable en garnison. En effet, grâce à l’expertise du personnel servant au pôle simulation, aux infrastructures et
soutien dédiés, la simulation instrumentée peut être mise en œuvre dans des conditions optimales.
© CENZUB
Le volet instruction sur la simulation n’est pas négligeable car la part de connaissance des utilisateurs est très
faible : certains matériels ne sont pas en dotation en garnison et lorsqu’ils le sont, leur utilisation irrégulière rend
nécessaire une reprise de l’instruction au CENZUB.
Entraînement au combat en zone urbaine au CENZUB.
MOUT training at the CENZUB.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
20 AVRIL 2012
teMOIGNAGES
Des évolutions nécessaires pour répondre à celles de la préparation opérationnelle
La figuration de tous les tirs directs
La figuration de tous les tirs directs sera désormais possible avec l’entrée en service du STC B2M qui reproduira les
tirs de la mitrailleuse de 12,7 au canon de 25 mn sur véhicules de combat d’infanterie ou engins blindés. L’attrition
subie par le véhicule sera répercutée sur les combattants, équipés de gilets de simulation, se trouvant à bord ou
autour du véhicule. Ainsi une part importante de l’arbitrage humain sera désormais prise en compte par la
simulation.
L’intégration de la simulation virtuelle
La simulation virtuelle permettra notamment de travailler les procédures internes au SGTIA, de répéter les
composantes des missions du niveau unité élémentaire, de donner des ordres en cours d’action, de travailler la
discipline radio et les comptes-rendus tactiques, de répartir les rôles au sein de l’équipe de commandement du
SGTIA (CDU, OA1, OA2, EO, CDP ABC, CDS GEN).
Elle permettra lors de la première semaine de rotation des unités au CENZUB d’effectuer un «exercice de chauffe»
pour le commandant d’unité avec ses subordonnés, dont les appuis interarmes donnés en renforcement.
Pour l’instant cet exercice est mené sous forme de « carré vert». Pour ce faire le CENZUB devrait s’inscrire dans la
phase 2 de déploiement d’OPOSIA qui présente comme intérêt d’intégrer la numérisation des réseaux de
commandement.
L’instrumentation du site d’entraînement de JEOFFRECOURT (projet ISEJ)
Cette instrumentation intègrera tous les simulateurs existants et permettra une avancée significative dans
l’allègement de la charge d’arbitrage pour les instructeurs : elle permettra la remontée des informations
(localisation, pertes et destructions, tirs fratricides), elle restituera les effets des armes à effets de zone (sur les
combattants, les véhicules et le bâtit). Ainsi le panel complet des armes sera simulé et toutes les données pourront
être exploitées en temps réel mais aussi a posteriori dans le cadre des analyses après action. Ainsi la simulation
rendra son rôle premier de conseiller à l’instructeur et fournira des données pédagogiques tangibles et
incontestables.
La simulation 3D
Les contraintes environnementales2 et la difficulté d’obtenir des moyens aériens conduisent à une réflexion sur
l’utilisation et le développement de la simulation 3D au CENZUB. Pour l’instant aucun moyen de simulation
n’existe : un projet de fonction cible (type CMT) est à l’étude pour les hélicoptères de manœuvre et GAZELLE, une
version du STC B2M est prévue pour le TIGRE qui confèrera à la fois la fonction cible et feu.
La simulation mise en œuvre au CENZUB permet le contrôle des unités dans un cadre pédagogique d’excellent
niveau, en réduisant au maximum la fonction arbitrage des instructeurs. Les prochains défis que devra
prochainement aborder le centre seront l’intégration des réseaux de communication et la gestion des moyens
radioélectriques rayonnants
2 Suite au Grenelle de l’environnement, l’aéroport de Roissy étend ses approches au-dessus de Sissonne et il est dorénavant acquis que l’appui aérien rapproché
ne sera plus possible sur le centre, imposant donc de recourir à la simulation.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
21 AVRIL 2012
III - LE CENTRE D’ENTRAÎNEMENT AUX POSTES
DE COMMANDEMENT (CEPC)
réé en 1997 à Mailly, le CEPC a dès l’origine
utilisé la simulation. SCIPIO est le système
central sur lequel le centre s’appuie.
SCIPIO est constamment l’objet d’évolutions
et d’améliorations pour améliorer le rendu et intégrer
des fonctions opérationnelles telles que la logistique et
le renseignement. Alors qu’il a été conçu avant la NEB
et dans un cadre type guerre haute intensité, le
challenge est désormais de coupler SCIPIO à la NEB et
de réaliser des exercices de maîtrise de la violence.
Au minimum, pour les seconds, dans le domaine de la
NEB, le CEPC reproduit à l’identique le système de
commandement et de diffusion des informations des
théâtres. Mais, dans une démarche proactive facilitée
par les reconnaissances qu’il effectue avant tout
exercice préparatoire, il est à même, après analyse, de
proposer ou de conseiller le relevant sur son futur
déploiement NEB. Ce déploiement peut alors, avec son
accord, être mis en œuvre lors de l’exercice
préparatoire.
La NEB au CEPC
Cependant, c’est lors des CAX que la NEB est la plus
prégnante car l’architecture des réseaux y est réalisée
conformément à la doctrine.
C
La Numérisation de l’Espace de Bataille (NEB) est une
priorité de l’armée de Terre. Le Centre d’Entraînement
des Postes de Commandement (CEPC) doit évidemment
maitriser cet outil et intégrer sa mise en œuvre dans le
cadre de sa mission d’appui à l’entraînement des
postes de commandement.
1 COMPUTER ASSISTED EXERCISE
© CCPF
Le CEPC appuie ou conduit deux catégories
d’exercices : les CAX1 (entraînement à «une» guerre via
les exercices Aurige, Poney Express et Guibert) et les
exercices de préparation à la projection (entrainement
à la «guerre»).
Les processus de préparation des exercices Poney
Express (PE) ou Aurige sont globalement similaires. En
effet, le CEPC est soit leader soit soutien proactif pour
l’armement des cellules nécessaires à l’environnement
tactique. En outre, il fournit la plus grande partie des
matériels et réseaux nécessaires, la brigade n’étant
responsable que de la mise en œuvre des matériels de
son propre poste de commandement.
Un poste SCIPIO mis en place pour un exercice AURIGE au CEPC.
A SCIPIO position set up for an AURIGE exercise at the CEPC.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
22 AVRIL 2012
teMOIGNAGES
Structurées par le travail d’adaptation de l’ordre de
bataille au simulateur SCIPIO, les Données Quasi
Permanentes (DQP) sont produites et vérifiées au
CEPC, avant la mise à disposition de la brigade et des
unités d’animation. Elles sont alors déployées dans les
différents systèmes (SIR, SICF, ATLAS) à l’identique de
qui se trouve dans le simulateur, donnant ainsi une
cohérence électronique d’ensemble à l’exercice CAX.
Dans le cas d’un exercice utilisant SCIPIO, le
caractère globalisant de la NEB, contraint (mais l’on
pourrait également écrire favorise) le déploiement
numérisé de tous les niveaux de commandement, de
la division jusqu’au SGTIA. Les ordres et les comptesrendus irriguent le réseau et permettent à chacun
d’avoir une claire et interactive compréhension de
l’environnement, favorisant par là la coordination
interarmes et l’exécution des missions.
La simulation, animée au niveau 5 permet, par effet de
nombre, de créer une réalité suffisante et l’on
pourrait dire réaliste, pour l’entraînement des PC de
brigade et/ou de division mais également des PC de
GT ou GTIA subordonnés devenant, de fait, des
entraînés de 2e niveau. En raison du concept «train as
you fight» qui ordonne le déploiement, ces entrainés
n’ont aucun contact avec le simulateur. Il est donc
nécessaire de créer un pont entre la «réalité » de la
simulation et la NEB qui innerve les postes de
commandement.
Actuellement ce passage est réalisé par un processus
de recopie d’écran. Les commandants d’unités
élémentaires, regroupés dans la station SCIPIO
référée à leur PC hiérarchique (GTIA, EASD, Zones
logistiques, etc.), intègrent par ce procédé le champ
de bataille virtuel de la simulation en «réalité » NEB.
Ce processus manuel est consommateur de potentiel
humain : par exemple il est nécessaire de déployer
trois opérateurs SIOC et SCIPIO pour représenter
deux unités élémentaires dans une station SCIPIO
d’un GTIA de la brigade entrainée. Aussi, en réaction,
la version dite STAB de SCIPIO devrait, à l’horizon
2012, émuler dans le même poste de travail
simulateur et SIOC. Cette intégration NEB/simulation
permettra à un seul officier d’exporter vers son PC de
bataillon la réalité SCIPIO de deux unités
élémentaires.
Afin de répondre au mieux à ces besoins, le CEPC a
créé à l’été 2009 une cellule NEB qui, maintenant
arrivée à maturité, agit dans ce domaine comme
facilitateur entre les bureaux du centre mais
également entre le CEPC et les entraînés
GlOSSAIrE
3A/AAA
Analyse Après Action (souvent prononcé 3-alpha)
CCPF
Commandement des Centres de Préparation
des Forces
CENZUB
Centre d’Entraînement aux actions
en Zone Urbaine
CENTAC
Centre d’ENTraînement Au Combat
CENTAURE
Centre d’Entraînement au combat
et de Restitution d’Engagements
CEPC
Centre d’entraînement aux Postes
de Commandement
FORAD
Force Adverse
OPOSIA
Outil de Préparation Opérationnelle
des Sous-groupements InterArmes
SCIPIO
Simulation de Combat Interarmes
pour la Préparation Interactive des Opérations
SGTIA
Sous-Groupement Tactique InterArmes
SIO
Systèmes d’Information Opérationnels
SIOC
Systèmes d’Information Opérationnelle
et de Commandement
STC B2M
Simulateur de Tir de Combat de nouvelle
génération pour Blindés Moyens et Mitrailleuses
SYSIMEV-IA Système de SIMulation et d’Entraînement
Virtuel -InterArmes
VBCI
Véhicule Blindé de Combat de l’Infanterie
VCI
Véhicule de Combat de l’Infanterie
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
23 AVRIL 2012
Apport
deerxercices
la simulation
pour l’analyse des
de type AURIGE
Général de division (2s) alain TarTainville CdeF/dreX
L’
article présente l’intérêt de la simulation pour
l’analyse après action des exercices d’entraînement
en s’appuyant sur l’exemple du simulateur SCIPIO.
SCIPIO est un simulateur adapté à la coercition de
forces, il apporte du réalisme dans les mouvements et
les confrontations et oblige la brigade entraînée à
manœuvrer. Il permet de réduire le nombre
d’opérateurs ANIBAS. L’analyse après action s’appuie
sur la simulation en temps réel par affichage des
situations tactiques (copie d’écran) ou en léger différé
pour comprendre et corriger certaines erreurs. Elle
permet de qualifier la manœuvre tactique à travers des
critères d’un mémento d’analyse dont la mesure par la
simulation garantie l’objectivité. Le rejeu permet de
mettre en évidence la réussite ou l’échec de la
manœuvre tactique.
L’article présente enfin le besoin d’une analyse après
action s’appuyant sur une simulation plus performante
dans la lisibilité des écrans (manœuvre respectives des
différents camps, dispositifs des appuis…) dans
l’obtention des bilans logistiques (pertes, réparations…)
et dans la présentation de l’efficacité des confrontations
par fonctions opérationnelles.
This article explains how to use simulation for
the after action reviews (AARs) of training exercises,
relying on the example of the SCIPIO simulator.
SCIPIO is a simulator tailored for the coercion of
forces; it brings realism in movements and
confrontations, and forces the brigade being trained to
maneuver. It makes it possible to reduce the number
of LOCON operators. AARs are based on real time
simulation by displaying tactical situations
(screenshots) or in batch mode to understand and
correct some errors. They make it possible to
characterize the tactical maneuver through criteria
drawn from a handbook whose simulation-based
assessment guarantees the objectivity. The replay
function makes it possible to highlight the tactical
maneuver’s success or failure.
Finally, the article highlights the need for AARs based
on a more efficient simulation as regards the legibility
of screens (respective maneuver of the opposing
forces, the disposition of combat support assets…), in
obtaining logistics reports (casualty lists, repairs…)
and in the efficient replication of confrontations by
operational functions.
L
es PC de brigades effectuent régulièrement des exercices
d’évaluation AURIGE au CEPC de Mailly. Cet article montre
comment l’équipe d’analyse après action utilise la
simulation.
ercredi 2 juillet 1902, le
premier coup de canon
retentit sur le nouveau
Camp de Mailly. Le CEPC y est créé le
1er septembre 1994. Plusieurs exercices de validation sont organisés
avec la 10° DB toute proche avant
que le centre ne reçoive ses
premiers états-majors «clients». A
l’époque, le centre utilise un
système de simulation d’origine
américaine «BBS» très largement
« francisé » et complété d’un
M
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
24 AVRIL 2012
remarquable outil d’analyse après
action nommé «Cassini». En 2004 ce
système est remplacé par le système
SCIPIO développé par THALES.
Initialement tourné vers l’évaluation
des PC de niveau 3 (brigades) à
travers les exercices de type AURIGE
que les brigades doivent normalement effectuer au moins une fois
tous les trois ans selon un protocole
établi en 2001 et révisé en 2004, le
rôle du CEPC est élargi tant au profit
des brigades(exercices d’auto-
entraînement PONEY EXPRESS et
exercices de préparation avant
projection) que des EMF (GUIBERT)
et du CRR-FR (CITADELLE).
Globalement, un système de simulation offre de nombreux avantages
pour l’entraînement des PC. Il
permet notamment de l’entraîner à
la manœuvre interarmes en optimisant la complémentarité et la coordination des différentes fonctions
opérationnelles du «battlefield operating system» (BOS). Il permet aussi
de tester ses procédures (SOI) et ses
techniques d’état-major, de valider
les SOP, d’affiner son processus
décisionnel, de vérifier son système
d’élaboration et de diffusion des
teMOIGNAGES
ordres, d’améliorer la coordination
interne et la circulation de l’information, de développer la confiance
entre l’équipe de commandement
et l’état-major.
Il est aussi intéressant de s’interroger dans quelle mesure les
systèmes de simulation et notamment SCIPIO améliorent les possibilités d’investigation de l’équipe
d’analyse après action (3A) et facilitent son travail. Pour cela nous
examinerons successivement l’intérêt et les limites actuelles de SCIPIO,
avant de voir comment la 3A
s’appuie sur la simulation lors des
exercices puis de voir quels outils
devraient être développés pour
renforcer le soutien de la simulation
à l’analyse après action.
1° partie : le système actuel
de simulation du CePC :
sCiPio intérêt et limites
Le protocole de passage des
brigades au CEPC stipulait clairement en 2001 comme en 2004 que
les exercices AURIGE devaient être
«fondés sur un mode opératoire
principal : la coercition de forces»,
essentiellement en terrain ouvert.
Le système de simulation a donc été
conçu dans cette optique. Il faut
rappeler qu’à l’époque, marquée par
les opérations de basse et moyenne
intensités en ex-Yougoslavie, les
directives d’entraînement mettaient
clairement l’accent sur l’entraînement au combat « classique » de
haute inten-sité, considéré comme
le socle à partir duquel il était facile
de s’adapter aux opérations extérieures du moment. Le simulateur
SCIPIO était bien adapté à ce type
d’opération. Comme ses prédécesseurs BBS et JANUS, il apporte un
réalisme dans les mouvements et
les confrontations qu’aucun «carré
vert» ne saurait fournir. La modélisation du terrain permet de tirer le
meilleur parti des possibilités des
armes et de la coordination des
obstacles et des appuis. Bref, il
oblige le joueur à réellement
manœuvrer d’autant qu’à cette
époque les exercices étaient à
double action et que l’adversaire
restait relativement libre de sa
manœuvre. La brigade avait donc en
face d’elle un ennemi cohérent et
réaliste montant et jouant une
manœuvre d’ensemble en utilisant
au mieux le terrain et ses appuis.
Un simulateur reste cependant un
simulateur. SCIPIO, quoique bien
adapté à cette confrontation de
haute intensité, comporte aussi
quelques lacunes plus ou moins
pénalisantes : pertes très élevées
dues à une confrontation sans merci,
pas de modélisation du terrain
urbain, pas de manœuvre des SIC,
certaines fonctions (ASA, aéromobilité, appui aérien) perfectibles.
SCIPIO comporte aussi un avantage
considérable sur les autres simulateurs de niveau brigade ou
bataillon : la présence d’automates
d’unité élémentaire, dont les logiciels ont été développé à partir des
documents de doctrine des écoles
d’armes. Ces automates permettent
de réduire très sensiblement le
nombre d’opérateurs en ANIBAS et
d’éviter des erreurs tactiques à ce
niveau. Cependant, ce système ne
fonctionne qu’avec des unités
organiques. La manœuvre du SGTIA
n’est donc possible qu’en débrayant
l’automate ce qui, compte tenu du
nombre d’opérateurs ne doit être
utilisé qu’exceptionnellement.
Ainsi un SGTIA blindé s’engageant
en zone urbaine est-il rapidement
détruit par un adversaire même
faible car son infanterie n’est pas
prise en compte. Il en est de même
pour un SGTIA à base infanterie en
terrain ouvert ou même pour le
combat débarqué. La logistique, qui
peut fonctionner en mode automatique, était bien adaptée à notre
doctrine où la brigade n’est pas un
échelon logistique et où l’essentiel
réside dans la cohérence tacticologis-tique plus que dans la conduite
fine des opérations de ravitaillement
ou d’évacuation.
Le durcissement et la complexité
des engagements opérationnels
notamment en Afghanistan et la
gestion de plus en plus difficile du
budget «temps» avec la réduction
constante du format des armées,
ont amené le CEMAT à réorienter
plus explicitement la préparation
opérationnelle vers le combat du
moment, essentiellement marqué
par des opérations de contreinsurrection (COIN) en rase campagne comme en ville dans un environnement interarmées et multinational. Les exercices AURIGE, qui
restent au cœur de la préparation
opérationnelle des PC de brigade et
de GTIA/GTA se sont donc adaptés
et s’appuient désormais sur le thème
générique de l’armée de terre qui
permet de placer les unités dans un
environnement réaliste : entrée en
premier (IEF), intervention, stabilisation etc. Les simulateurs et notamment SCIPIO se sont trouvés un peu
décalés dans ce nouveau contexte.
Un énorme travail a été fait par le
CEPC, en liaison avec les industriels
pour adapter la simulation à la
manœuvre globale. Ainsi, le nombre
des acteurs a été sensiblement
accru : nation hôte et ses capacités
logistiques et militaires, forces spéciales, milices, réfugiés, populations
plus ou moins hostiles ont été
modélisés. La menace IED est prise
en compte, la sécurité des convois
logistiques peut être testée, des
actions CIMIC peuvent être réalisées. Néanmoins tout ne peut pas
être simulé et la présence d’une
«White Cell» suffisamment étoffée
reste le seul moyen de reproduire la
complexité de l’environnement politico humanitaire des opérations
actuelles. De même, la mise en
œuvre du SAER par les brigades
exigerait-elle des bases de données
renseignement d’exercice qui font
encore défaut.
Enfin les versions initiales de
SCIPIO se sont avérées mal
adaptées à la numérisation totale
des unités. Ainsi, les animateurs bas
doivent-ils recopier intégralement
les éléments donnés par SCIPIO
dans leur SIR alors que la plupart
d’entre elles, notamment celles
concernant les positions et situations amies seraient incrémentées
automatiquement depuis SITEL. En
outre, les DQP SCIPIO très différentes de celles des unités réelles
introduisent un décalage entre les
situations dans SIR/SICF et SCIPIO
qui rend difficile sinon impossible
l’établissement de bilans logistiques
fiables.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
25 AVRIL 2012
© CCPF
La mise en service de la version V1
STAB de SCIPIO va très sensiblement réduire ces inconvénients.
En effet, cette version en cours de
validation permet la recopie automatique dans SIR. Elle permet
surtout de reproduire de façon plus
réaliste et fiable l’environnement
multinational et interarmées, les
actions de maîtrise de la violence, le
contrôle de foule, les opérations
humanitaires et prend mieux en
compte les actions en zone urbaine.
Ainsi malgré une évolution rapide
du style d’engagement, le simulateur SCIPIO du CEPC permet-il
d’offrir aux joueurs et notamment à
la brigade un environnement réaliste d’entraînement qui contraint
les PC à exploiter au mieux toutes les
capacités des différentes fonctions
opérationnelles de leurs des unités
et de les combiner pour obtenir
une manœuvre globale de leurs
effets. Comment les analystes de la
«3A» utilisent-il les possibilités du
simulateur ?
disposition une équipe de spécialistes pour l’aider à analyser la
situation reproduite dans le simulateur. Les analystes utilisent d’abord
la simulation en temps réel. Par
exemple, des copies d’écran sont
faites au même moment sur SCIPIO
et sur la STR affichée dans les PC de
GTIA/GTA et au PC de brigade. Ces
copies permettent de mettre en
exergue et souvent d’expliquer
des distorsions entre la situation
«réelle» sur le terrain et celle perçue
par les PC de niveau 3 et 4. L’équipe
va aussi utiliser le simulateur en
léger différé pour découvrir certaines erreurs. Ainsi la comparaison
des parties vues et cachées du terrain
avec le dispositif des DLOC a pu
expliquer l’incapacité de l’artillerie
bleue à interdire la mise en place
d’un point de franchissement ennemi. De même, le suivi en temps réel
d’un mouvement complexe d’une
brigade a-t-il permis de sanctionner immédiatement le manque de
coordination que l’absence de pa-
SCIPIO, comporte des automates d’unité élémentaire dont le comportement a été développé à partir de documents
de doctrine. La prochaine version intègrera l’environnement complet de la phase de stabilisation.
SCIPIO is made up of programmable controllers for company-size units whose behavior has been developed
from doctrinal documents. The next version will include the complete environment of the stabilization phase.
2° partie : Comment
la 3a s’appuie-t-elle
sur la simulation ?
Pendant tout l’exercice, l’équipe 3A
dispose d’une console affichant en
temps réel la situation complète
dans SCIPIO et le CEPC met à sa
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
26 AVRIL 2012
ragraphes « commandement »,
« contrôle » et « logistique » du
MOVORDER laissait craindre ! La 3A
travaille à partir d’un mémento
d’analyse qui énumère plus de
80 critères eux-mêmes divisés en
plus de 750 sous-critères qui sont
autant de questions élémentaires
couvrant toute les fonctions opérationnelles. La simulation fournit
souvent une réponse rapide à la
plupart de ces sous-critères. Ainsi en
est-il pour la gestion de l’espace
terrestre (GESTER), la coordination
des plans de feux et d’obstacles ou
encore l’emploi des capteurs de la
BRB. Depuis 2004 la qualité de la
manœuvre tactique est aussi
analysée par l’équipe 3A. Initialement laissée à l’appréciation du
général directeur de la 3A, cette
appréciation a, dès 2005, été normalisée dans le mémento d’analyse
à travers 8 critères de base et
77 sous-critères détaillés. Le
nombre et la précision des critères
sont les garants de l’objectivité de la
mesure et le simulateur apporte le
plus souvent des éléments de
réponse concrets à la plupart des
questions tactiques notamment
celles relatives à l’emploi des Armes,
à l’utilisation du terrain, à l’efficacité
des appuis
ou encore à la
compréhension de la manœuvre
ennemie. Enfin le « re-jeu» en
accéléré d’une phase de la
manœuvre s’avère souvent très instructif car il permet de découvrir la
ou les principales raisons de sa
réussite ou de son échec. Ainsi la 3A
a-t-elle pu voir la qualité d’une
manœuvre de contrôle et de cloisonnement des quartiers ethniques
d’une grande ville, la saisie d’une
opportunité pour lancer une attaque
blindée ou, a contrario, l’échec d’une
manœuvre héliportée ou la mauvaise coordination des feux. Cependant, les possibilités offertes par
l’application 3A de SCIPIO restent
encore incomplètes, parfois fausses
ou inexploitables et généralement
trop peu pédagogiques pour être
projetée directement aux joueurs
lors de la séance de restitution à
chaud «hot wash up» qui clôt l’exercice AURIGE. Il est donc souhaitable
de l’améliorer sensiblement.
3° partie : nécessité d’une
application, 3a performante
En effet, les fonctions spécifiquement «3A» de SCIPIO restent encore
embryonnaires et en tout cas très en
deçà de celles qu’offrait jadis le
logiciel «Cassini» qui tournait sur
teMOIGNAGES
BBS. A cet effet, les concepteurs de l’outil devraient
l’améliorer dans trois directions principales : la lisibilité de
l’écran, l’obtention de bilans logistiques et la présentation
de l’efficacité des fonctions opérationnelles.
GlOSSAIrE
La lisibilité de l’écran devrait permettre de mieux discerner
et présenter le dispositif et le contour de chaque pion de
manœuvre (GTIA, BRB, appuis). Ainsi l’évolution du
dispositif d’un GTIA, ses unités de manœuvre, ses appuis
(DLOC) et ses moyens de renseignement devraient-il
être parfaitement visibles. On devrait pourvoir comparer les zones d’application effective des feux amis et
ennemis avec les manœuvres respectives des différents
camps. On devrait pouvoir faire apparaître le dispositif
d’appui feux (batteries, DLOC), l’évolution de la
préparation du terrain ou encore le positionnement des
capteurs. Bref, les rejeux doivent permettre de mieux
identifier les pions tactiques sur le terrain et la façon dont
ils ont évolué dans l’espace et dans le temps. Cette
meilleure lisibilité de l’écran «3A» pourrait aussi être
utilisée lors du «hot wash up» en appui des principales
conclusions tirées par les analystes. Des bilans logistiques
existent mais ne sont, en l’état actuel, pas exploitables
voire inexacts. L‘application «3A» devrait permettre de
présenter à tout moment le bilan des pertes (personnels et
matériels majeurs) et la situation logistique des entités.
Dans le domaine santé, cette application devrait permettre
de mieux repérer les défauts dans la conduite du
ramassage et des évacuations, non seulement en
dénombrant les blessés «morts» faute d’avoir été traités
dans les délais imposés par l’urgence de leur blessure mais
en déterminent les causes de ce dépassement (élongations, engorgements au PSR…).
3A ou AAA : Analyse après action
(ou encore AAR: After action review)
Enfin l’application 3A devrait permettre de mieux
comprendre le rôle joué par les appuis en établissant des
bilans spécifiques de leur «coût/efficacité» (feux directs
et indirects, emploi du génie en contre-mobilité,
répartition des moyens CIMIC…).
SAER : Solution d’aide à l’exploitation du renseignement.
En conclusion, même imparfaite ou incomplète, la
simulation apporte aux exercices AURIGE des brigades un
réalisme irremplaçable qui contraint les PC à monter et
conduire une véritable manœuvre globale combinant
réellement les effets de toutes les fonctions opérationnelles
mises à leur disposition sur un terrain et face à des acteurs
donnés. La version V1 STAB de SCIPIO devrait encore
renforcer cette situation. Les analystes chargés d’apporter
des éléments d’évaluation au directeur d’exercice utilisent
déjà largement les possibilités offertes par le simulateur.
Reste cependant à développer une application 3A
nettement plus élaborée qui renforcera les capacités
d’analyse et servira d’outil pédagogique lors du bilan final
de l’exercice. La manœuvre globale est par essence
complexe. L’art de la «3A» est bien de déterminer, comme
le disaient nos amis britannique dans le RETEX de leur
opération TELIC en 2003 si «much of the apparent complexity
of modern war stems in practice from the self-imposed
complexity of modern HQs1 »
BBS: Brigade and Battalion Simulation.
BBS was developed for brigade and battalion commanders to
train their battle staffs in combat and battlefield operating
procedures.
BOS: Battlefield Operating Systems: Manœuver, Fire Support,
Air Defense, Command and Control, Intelligence, Mobility and
Survivability, Combat Service Support.
BRB : Batterie de renseignement de brigade.
COIN: Counter insurgency.
DQP : Données quasi permanentes. Il s’agit des données de
bases, notamment logistiques (effectifs, carburant,
munitions) qui caractérise chaque entité.
GTA : Groupement tactique d’appui.
GTIA : Groupement tactique interarmes.
HQ: Headquarters.
IEF: Initial entry force.
MOVORDER : Ordre de mouvement.
SCIPIO : Simulation de Combat Interarmes pour la
Préparation Interactive des Opérations.
SGTIA : Sous-groupement tactique interarmes.
SICF : Système d’information et de commandement des
forces.
SIR : Système d’information régimentaire.
SITEL : Système d’information terminal élémentaire.
SOI: Standing Operating Instruction.
SOP: Standing Operating Procedure.
STR : Situation tactique de référence. C’est la carte
numérisée utilisée par les PC pour planifier et conduire les
opérations.
En termes anglo-saxons, on parlera de COP (common
operational picture) au niveau opératif interarmées (joint) ou
RGP (recognized ground picture) au niveau tactique
interarmes (combined).
1 Ndlr : «une grande partie de l’apparente complexité de la guerre moderne découle en pratique de la complexité auto-imposée dans les états-majors modernes».
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
27 AVRIL 2012
L’évaluation tactique d’APLET
(Aide à la PLanification d’Engagement Tactiques terrestres)
LiEuTEnAnT-coLonEL PhiLiPPE LE cARFF, chEF du buREAu EmPLoi PLAns dE L’éTAT-mAjoR dE LA 2 bb
è
A
PLET (Aide à la Planification
d’Engagement Tactiques terrestres) est un
logiciel qui permet la confrontation des
modes d’action. L’état-major de la 2e brigade
blindée a mené l’évaluation tactique de cet
outil, notamment au cours de l’exercice
multinational NEMESIS SWORD en 2010.
APLET présente les qualités attendues d’une
application d’aide à la décision : simplicité de
l’ergonomie, réalisme de la simulation et
calcul rapide des résultats des confrontations.
Néanmoins, sa fonction de confrontation des
modes d’action basée sur un calcul d’attrition,
trouve vite ses limites lors d’une opération de
stabilisation ou de maintien de la paix. Il n’en
demeure pas moins un outil particulièrement
utile à la cellule manœuvre future.
A
PPLET (planning aid for land tactical
commitments) is a software which
makes it possible to compare courses of
action. The staff of the 2d Armored Brigade
conducted a tactical assessment of this tool,
in particular during the multinational
exercise NEMESIS SWORD in 2010. APPLET
demonstrates the qualities expected from a
decision-aid application – easy ergonomics,
simulation realism and fast processing of
the results of comparisons. However, its
function of comparing courses of action based
on attrition calculations quickly finds its limits
in a stabilization or peacekeeping operation.
Nevertheless, it is a particularly useful tool for
the “future maneuver ” cell.
état-major de la 2e brigade blindée a reçu le mandat du commandement des forces terrestres de mener
l’évaluation tactique (EVTA) du logiciel APLET (Aide à la PLanification d’Engagement Tactiques
terrestres) de mai à novembre 2010 dans le cadre des travaux des systèmes d’information opérationnels
futurs. Il s’agissait d’évaluer, à l’occasion d’exercices ou de déploiements opérationnels, le logiciel consolidé en
donnant un avis sur :
L’
- l’opportunité de disposer d’un tel outil dans la conception et l’élaboration des ordres ;
- le réalisme de la simulation dans l’exécution des missions ;
- l’ergonomie, la facilité de mise en œuvre et l’interopérabilité avec le SICF ;
- la rapidité des temps de réponse et leur compatibilité avec le rythme de la manœuvre.
Enfin, d’éventuels axes d’amélioration devaient être aussi proposés.
Le logiciel avait déjà été testé par la 2e brigade blindée sur une courte période lors de l’exercice BACCARAT du
1er au 5 mai 2010. Ce premier contact avait permis de poser les jalons de l’évaluation tactique et de tirer les
premiers enseignements.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
28 AVRIL 2012
teMOIGNAGES
1. PRésEnTATion du LogiciEL ET du cAdRE dE son ExPéRimEnTATion
PLET est un outil d’aide à la décision tactique. Il permet d’évaluer des modes d’action définis par l’officier
«manœuvre future» et l’aide dans le choix de ses propositions. Le logiciel permet principalement de
réaliser une confrontation de modes d’action amis et ennemis par une simulation «déterministe»
d’actions que réaliseraient sur un terrain donné des unités intégrées au sein d’une force de niveau brigade.
Couplé au système de commandement et d’information des forces (SICF), le logiciel importe les modes d’action
définis sur le SICF et en exporte ses résultats. Il peut aussi être utilisé de façon autonome.
A
La confrontation nécessite un paramétrage initial pour évaluer la pertinence et/ou la valeur de modes d’action.
Les résultats restitués par le système sont des informations quantitatives et en particulier s’agissant de l’attrition
des moyens dans le temps.
L’expérimentation a été conduite aux cours de deux exercices : un exercice d’auto entraînement BISON du 20 au
23 septembre 2010 et l’exercice multinational NEMESIS SWORD du 18 octobre au 1er novembre 2010 à BERGEN en
Allemagne.
Durant la rédaction de l’ordre d’opération n° 1 de l’exercice BISON correspondant à la phase de coercition de
l’exercice, deux modes d’action ennemi et trois modes d’action amis ont été réalisés. L’étude de cas nonconformes a également été jouée. Ayant trouvé toute sa mesure durant la phase de déroulé de la méthode
d’élaboration d’une décision opérationnelle (MEDO) de l’ordre d’opération n° 1, le logiciel a été moins utile
durant la rédaction de l’ordre d’opération n° 2 qui avait pour cadre d’action une mission de stabilisation.
Toutefois, afin de mieux s’approprier l’outil, un certain nombre de modes d’action tant amis qu’ennemis ont été
modélisés et confrontés.
L’exercice multinational NEMESIS SWORD avait pour but d’entraîner les postes de commandement de deux
divisions au «continuum des opérations» dans le cadre d’une opération de «soutien de la paix» de
l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, sous mandat de l’Organisation des Nations Unies.
Le critère principal de la manœuvre de la division (« every casualty is a failure »), associé à un effectif réduit du
centre des opérations de la brigade, armé simplement en cellule réponse, n’a pas permis de mettre pleinement
en œuvre APLET. Seule une manœuvre artificielle créée dans le cadre d’études de cas non-conformes a
réellement permis de tester les capacités du logiciel. Ont été réalisés deux modes d’action ennemis et trois
modes d’action amis qui ont été confrontés.
2. EnsEignEmEnTs
2.1. Par rapport au mandat
2.1.1. Opportunité de l’outil
Au delà des petits outils qui permettent de sortir rapidement, de manière formalisée, des conclusions de la
méthode d’élaboration d’une décision opérationnelle, APLET est un bon outil pour la cellule «manœuvre
future». Il permet ainsi de mettre en évidence une incohérence éventuelle de la manoeuvre qui pourrait mener
à l’échec de la mission. La construction des modes d’action, conjuguée au réalisme de la simulation permet
également d’anticiper d’éventuels problèmes de coordination ou de synchronisation de la manœuvre entre les
différents groupements tactiques interarmes de la brigade.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
29 AVRIL 2012
Enfin, APLET peut permettre, lors du jeu des modes d’action, de faire ressortir les points clés du terrain ou des
moments particuliers de la manœuvre (bascule de rapport de force). Si APLET ne remplace pas et ne doit pas se
substituer à ce processus, il lui permet néanmoins de donner une image démonstrative d’une décision tactique
rendue souvent un peu abstraite par le simple plaquage de flèches rouges et bleues sur une carte. Le fait que
le paramétrage des normes d’engagement et des comportements est prédéfini, permet, en théorie, d’obtenir un
résultat identique quel que soit le rédacteur. Cette capacité offre un gage d’objectivité et une constance
indispensable à la prise de décision.
2.1.2. Réalisme
La modélisation des unités, de la section à la brigade, est pertinente et prend en compte l’évolution des tableaux
uniques des effectifs et des matériels (TUEM) des unités.
En tant qu’outil de simulation, APLET a pris en compte une grande partie des caractéristiques des matériels
(vitesse, portée des armes, capacité de franchissement, etc.). Durant l’exercice BISON, la simulation a permis de
vérifier la cohérence de ces paramètres notamment en ce qui concerne la portée des armes ou leur puissance.
Les incohérences notées lors de l’EVTA ont été modifiées au fur et à mesure par l’industriel.
De même, le rythme de progression des unités est bien modélisé et permet ainsi de détecter d’éventuelles
erreurs dans le phasage et la coordination de la manœuvre entre deux unités dotées de matériels différents.
Matrice de synchronisation du mode d’action ami. On remarque la mise en évidence (en rouge sur l’écran) d’une des missions du tableau sous la carte,
ainsi que l’affichage des ordres de bataille (ici ennemi) dans la fenêtre de droite.
Synchronization matrix of the friendly course of action. Please note that one of the missions of the table under the map is highlighted in red on the screen,
and the display of the orders of battle (here for the enemy) in the right window.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
30 AVRIL 2012
teMOIGNAGES
2.1.3. Ergonomie
L’un des principaux points forts d’APLET est son ergonomie. La formation assurée par l’industriel CASSIDIAN
sur une journée a permis très rapidement de prendre en main l’outil. Simple d’utilisation, ne demandant pas
une connaissance poussée en informatique et en bureautique, il reprend des fonctions simples qui permettent
notamment de modifier rapidement un ordre de bataille (ODB) en faisant simplement glisser une unité d’un
régiment à un autre. De même, la navigation sur les cartes et la mise en place des unités par « drag and drop »
rend la préparation des modes d’action, tant amis qu’ennemis, rapide et aisée.
Concernant la compatibilité avec le SICF, il convient, dès le début de la manœuvre, d’importer la cartographie
RASTER et vectorielle, de construire les ordres de bataille adéquats, et de les entretenir au cours de l’opération.
Il faut également rendre ces ordres de batailles compatibles avec ceux des autres systèmes censés interagir, tel
que le SICF. Une mise en cohérence des données quasi-permanentes (DQP) du SICF et d’APLET doit être
réalisée avant chaque utilisation. Il reste difficile d’intégrer des unités non décrites au départ qui pourraient être
données en renfort. Il faut donc prévoir un ordre de bataille du théâtre élargi.
2.1.4. Rapidité de réponse et compatibilité avec la manœuvre
Bien que cela dépende de la puissance de la machine utilisée, la vitesse de calcul de l’outil de confrontation des
modes d’action permet d’obtenir des résultats dans les cinq à dix minutes.
Son ergonomie permet une utilisation dans le temps imparti au déroulé de la méthode d’élaboration d’une
décision opérationnelle lors de la phase de confrontations des modes d’action. Outil de manœuvre future et
notamment d’élaboration de cas non-conformes, il permet ainsi une planification à froid de la manœuvre.
Son utilisation dans la conduite de la manœuvre semble plus difficile car sa manipulation demande de distraire
une ressource comptée au sein des cellules «opérations» et «renseignement». Cela n’a pas été expérimenté.
2.2. Améliorations
La principale amélioration à apporter concerne la cartographie et la modélisation du terrain. La génération du
terrain de simulation est un processus trop lourd qui fait appel à l’industriel. Le chargement d’une carte
vectorielle à jour issue de la base de données du SICF permettrait au centre des opérations de se retourner plus
rapidement en cas de changement de zone d’action. Il faudrait également pouvoir enrichir les données à partir
de l’analyse effectuée par la cellule 2D de l’état-major.
2.3. Limites
La confrontation des modes d’action du logiciel APLET est basée sur un calcul d’attrition entre deux forces. Bien
adapté à un scénario de coercition, il atteint ses limites dans un scénario de stabilisation où les effets recherchés
ne portent pas principalement sur l’ennemi mais plus sur l’environnement de la force (population, information,
terrain, politique, etc.). Le scénario de l’exercice NEMESIS SWORD et la seconde phase de l’exercice BISON ont
montré le peu d’intérêt que l’on peut retirer de la simulation des confrontations de modes d’action dans ce
cadre. Il semble toutefois difficile de modéliser les paramètres et de les rendre quantifiables pour profiter des
capacités de calcul du logiciel qui, il faut le souligner, n’a pas été conçu pour cela.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
31 AVRIL 2012
3. concLusion
En conclusion, le bilan de l’EVTA du logiciel APLET est positif. APLET est un outil qui s’avère utile à la cellule
manœuvre future dans la mesure où sa modélisation de la manœuvre permet de bien faire ressortir les
moments particuliers et permet d’étudier les cas non-conformes assez rapidement.
S’il s’est avéré être un outil d’aide à la décision aux qualités ergonomiques certaines, sa fonction de
confrontation des modes d’action basée sur un calcul d’attrition trouve vite ses limites lors d’une opération de
stabilisation ou de maintien de la paix.
e
A l’issue de l’évaluation, la 2 brigade blindée s’est prononcé pour un plan d’équipement réduit afin d’obtenir
un retour d’expérience élargi venant d’autres grandes unités et d’organismes de formation (école d’état-major,
cours supérieur d’état-major). Ceci permettra probablement de développer un produit de qualité au profit des
forces 
APLET : La visualisation d’un mode d’action AMI (MA).
APPLET: Display of a friendly course of action.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
32 AVRIL 2012
TRIBUNE
La
simulation,
outil stratégique de formation
Colonel Bruno rivière (DrHAT/SDFe)
L
e bien fondé de l’utilisation de la simulation
dans les organismes de formation est
unanimement reconnu. Les forces ressentent
désormais ce besoin de simulation. Un projet
en cours vise à déployer dans les garnisons un
système de simulation qui permettra de
s’entraîner à l’utilisation de la NEB et des cadres
d’ordres. D’autres projets sont envisagés, tels
que la mise en place de simulateurs distants,
pour la mise en œuvre de chaînes de
commandement complètes. L’arrivée de la
« génération internet » doit conduire à adapter
la pédagogie et la simulation ne pourra
que se développer en ce sens. La simulation
est amenée à s’inscrire dans une continuité
formation, entraînement, répétition de mission
et retour d’expérience. Centrée actuellement
sur la tactique, elle touchera demain tous les
domaines de la formation.
L
a simulation a commencé à réellement se
développer dans les écoles il y a une
quinzaine d’années. L’apparition de nouvelles
technologies, la disparition des régiments école, la
difficulté pour manœuvrer en terrain libre puis la
nécessité de baisser les coûts de formation ont été
les facteurs qui ont favorisé le développement de
cet outil. Dix ans après, le bilan est particulièrement positif, la formation assistée par ordinateurs a pénétré tous les domaines.
Représentant 61 000 heures de cours dans les
écoles, la part de la simulation dans la formation a
été multipliée par deux en 5 ans. Pouvant paraître
peu élevé, ce chiffre devient significatif si l’on
s’intéresse aux activités les plus onéreuses :
The validity of simulation use in training
organizations is unanimously recognized.
Forces now feel the need for simulation. An
ongoing project aims to deploy a simulation
system that will make it possible to train at
home stations as regards the use of
battlespace digitization and frameworks of
orders. Other projects are envisaged, such
as the establishment of remote simulators,
for the implementation of complete chains
of command. The arrival of the “ internet
generation ” should lead to tailored
teaching methods and simulation can only
be developed in that direction. Simulation
is to be seen in continuity – initial and
advanced training, mission rehearsal, and
lessons learned. Currently focused on
tactics, it is bound to affect all areas of
training tomorrow.
- 40% de la formation tactique à l’Ecole de
Cavalerie repose sur la simulation ;
- 65% de la formation pilote TIGRE se fait par
simulateur ;
- 70% de la formation initiale des équipages VBCI
se fait par simulation ;
- Demain, 80% de la formation NH90 se fera sur
simulateur.
Les stages LECLERC illustrent bien cette montée en
puissance : des EAO permettent aux membres
d’équipage de découvrir leurs postes de travail ; un
simulateur de conduite et un simulateur de tir
complètent cette instruction individuelle. Des outils
plus ambitieux, les simulateurs d’entraînement
d’équipages, permettent l’instruction collective au
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
33 AVRIL 2012
niveau du char puis, reliés en réseau, au niveau du
peloton. Enfin, l’apprentissage de la manœuvre et
l’utilisation des cadres d’ordres reposent eux aussi
sur deux simulateurs : Opération French Point et
ROMULUS. Jadis, le militaire apprenait dans son
véhicule, aujourd’hui, il doit monter dans son char
en sachant déjà l’utiliser.
Les domaines techniques comme la maintenance
bénéficient aussi de ces nouvelles technologies.
L’informatique permet la visualisation de moteurs
en trois dimensions, de circuits électriques,
hydrauliques, voire la génération de pannes. Les
mécaniciens peuvent, avec des illustrations claires,
comprendre leurs moteurs avant de les découvrir
dans l’atelier. Les effets des pannes sont visualisés,
les aides en ligne permettent à l’élève de ne pas être
bloqué. La formation est ainsi particulièrement
efficace tout en évitant aux écoles de monopoliser
trop de matériels réels.
Au bilan, la simulation s’est imposée dans la
formation. Elle ne remplace pas le terrain ni le
matériel réel. Elle permet de maîtriser des savoirfaire techniques, de répéter des procédures
tactiques à moindre coût, sans casser de matériel,
sans consommer de potentiel.
La simulation est néanmoins insuffisante si elle
n’est pas systématiquement suivie par une utilisation réelle du matériel et/ou la mise en
pratique des savoir-faire acquis sur le terrain, en
condition réelle. Apprendre en simulateur ne
restitue pas le bruit, la fatigue, le stress ou les
impondérables du terrain. Le défi de la formation
reste donc le main-tien d’un équilibre entre
simulation et matériels réels, afin de réussir
l’alchimie difficile entre une formation à moindre
coût et une formation efficace et réaliste.
Ce besoin de simulation arrive maintenant dans les
forces. La diminution des budgets, la mise en place
de la Politique d’Emploi et de Gestion des Parcs
(PEGP), amènent les régiments dans la même
problématique que les écoles. Il leur faut, sans
matériels majeurs, se former autrement et
continuer à maîtriser leurs savoir-faire tactiques.
L’EMAT a demandé à la SDFE d’appuyer cette
formation en garnison ; le but est d’adapter pour
les régiments des outils dont disposent les écoles.
La mise en place des Espaces d’Instruction
Collective NEB Simulation (EIC NEB Simu) est le
projet qui doit répondre à cette volonté.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
34 AVRIL 2012
Ce projet consiste à déployer dans les garnisons un
système de simulation permettant aux niveaux
section, compagnie, voire poste de commandement
de GTIA, de s’entraîner à l’utilisation de la NEB et
des cadres d’ordres. Ces ensembles, pour chaque
régiment une trentaine d’ordinateurs en réseau
local, permettent aux joueurs de s’appuyer sur une
situation tactique fournie par la simulation : les
animateurs, devant leurs écrans simulation,
transmettent aux joueurs les comptes rendus
tactiques via une messagerie reproduisant celle
des SIT ; les joueurs, isolés de la simulation, voient
la situation et donnent leurs ordres via le SIR
renseigné par cette simulation. L’ensemble des
participants manipulent ainsi leur système
d’information opérationnel.
Actuellement, les régiments de Cavalerie sont
équipés de ces salles, bâties autour de leur
simulateur ROMULUS ; les régiments d’infanterie,
après une expérimentation réussie au 21ème RIMa,
sont en cours d’équipement. Les autres domaines
expérimentent ou vont très prochainement
expérimenter le concept. Le but est d’avoir fini le
déploiement de ces salles dans tous les régiments
d’ici 2015.
Si la simulation est maintenant un concept admis
et apprécié, de nombreux chantiers restent en cours
pour les prochaines années. Les progrès
technologiques, la nécessité de réduire encore les
coûts, l’arrivée de la «génération internet» dans les
régiments, sont autant de facteurs qui vont faire
évoluer le domaine de la simulation ou, plus
généralement, de la formation assistée par
ordinateur.
La mise en réseau de simulateurs distants, la
montée en puissance des ordinateurs, qui permet
d’augmenter le nombre et l’intelligence des
personnages ou unités simulées dans le jeu,
ouvrent des possibilités importantes. Les écoles
travaillent actuellement sur ces évolutions,
s’appropriant des simulateurs plus performants ou
mettant en œuvre à distance des outils de
simulation pour les régiments. Plus généralement,
il est tentant d’imaginer des exercices mettant en
œuvre des chaînes complètes de commandement
reposant sur des simulations manipulées par du
personnel travaillant depuis sa garnison. Les
premières expérimentations ont montré une
certaine faisabilité technique de ce concept mais
aussi ses limites humaines : les cadres laissés en
© Armée de Terre
TRIBUNE
La simulation virtuelle pour l’acquisition des procédures tactiques.
Virtual simulation for the acquisition of tactical procedures.
garnison pour l’exercice ont eu tendance à se
laisser accaparer par leurs activités courantes et,
plus généralement, les joueurs ont regretté
l’absence de contact, la simulation à distance
empêchant les briefings réguliers et les liaisons qui
auraient naturellement eu lieu sur le terrain.
Même si ces outils de simulation permettent des
gains très significatifs, ils impliquent encore un
coût de possession, en termes de compétence et
de ressource humaine, trop lourd dans le contexte
d’effectifs contraints que nous connaissons. La
génération d’outils actuellement utilisés (JANUS,
ROMULUS…) est le résultat d’une époque où nous
pouvions acquérir des simulations sur mesure,
développées spécifiquement, parfois redondantes.
La prochaine génération des simulateurs de la
formation, en cours de définition, devra être proche
des jeux vidéos que nous connaissons dans le
monde civil : simples à utiliser, intuitifs, aussi
fiables que les jeux vidéos du commerce. Cette
simplification constitue le challenge majeur actuel
de la formation par ordinateur.
Enfin, l’arrivée de la «génération internet» doit
amener à se poser des questions. Nos élèves qui
arrivent en école militaire sont des jeunes marqués
par internet et les ordinateurs. L’accès libre à la
connaissance, des outils de formation plus
ludiques que les livres leur semblent naturels.
Demain, leurs instructeurs seront aussi de cette
génération. Les écoles doivent adapter leur
pédagogie à cette population. Il est logique dans ce
cadre que la simulation se développe et atteigne de
nouveaux domaines. Comme les banques forment
leur personnel par des «serious games1 », l’armée
de Terre aura sûrement ce besoin demain ; les
mécaniciens voudront avoir accès dans leurs
ateliers aux schémas 3D vus en école ; enfin, le
combattant voudra sur un théâtre d’opérations
utiliser le simulateur vu en école pour répéter sa
future mission réelle.
Ainsi, les simulateurs ont de beaux jours devant
eux. Actuellement spécifiques à la formation, ils
s’inscrivent probablement demain dans une
continuité formation, entraînement, révision, répétition de mission ou retour d’expérience. Centrés
actuellement sur la tactique, ils atteindront demain
toutes les spécialités, leurs aspects «ludiques» et
réalistes intéressant de plus en plus de domaines.
On peut enfin imaginer un programme SCORPION,
dans lequel une politique systématique d’EAO et de
simulateurs, mise en place en cohérence avec les
matériels majeurs, permettrait à l’armée de Terre
d’avoir une politique de formation et de remise à
niveau plus globale, gagnant ainsi en souplesse, en
réactivité et en efficacité

1 mini simulateurs
mettant les élèves
devant des cas
concrets.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
35 AVRIL 2012
LE
FUTUR
COMMENCE
AUJOURD’HUI
Lieutenant-coLoneL eric MercK, coordonnateur de La siMuLation pour La fonction aéroMobiLité
adjoint du bureau études et prospective du coMMandeMent de L’aviation Légère de L’arMée de terre
P
our l’ALAT, la simulation est le lien
de cohérence entre la formation,
la préparation opérationnelle et la mise en
condition avant projection. Conçue suivant
la satisfaction du juste besoin, la politique
de simulation permet néanmoins à l’ALAT
de faire preuve de dynamisme et de
s’adapter aux objectifs de préparation.
Ainsi, elle réalise des exercices en simulation
distribuée, vise à se donner les moyens de
participer aux exercices en simulation
instrumentée, à s’intégrer dans le projet
SCORPION, et poursuit son chemin vers
l’innovation pour atteindre un but :
l’aptitude opérationnelle immédiate.
F
or Army Aviation, simulation provides
a consistent link between training,
readiness, and pre-deployment exercises.
Although the simulation policy was conceived
according to the satisfaction of the right need,
it nevertheless makes it possible for Army
Aviation to demonstrate a dynamic approach
and to adapt to the objectives of readiness.
Therefore, it has been conducting exercises
in distributed simulation, aims to find ways
to participate in instrumented simulation
exercises, to become an integral part of
the SCORPION project, and continues its
path towards innovation to achieve the goal
of immediate readiness.
"L’aLat dispose maintenant d’un continuum de la simulation
depuis la formation jusqu’à la mise en condition avant projection "
entraînement en vraie grandeur avec ses
hommes et ses moyens réunis dans le
contexte opérationnel complexe de la
réalité des engagements n’est plus possible en
permanence. La simulation est, avec la
substitution1, une des solutions permettant de
réunir les conditions nécessaires pour offrir le
réalisme suffisant au profit de la formation et de
l’entraînement.
opérationnelle et la mise en condition avant la
projection. Elle s’interface maintenant de plus en
plus avec d’autres domaines comme la numérisation de l’espace de bataille. Ainsi elle pourrait
même, dans un avenir proche, s’intégrer à la
préparation de mission, voire à l’amélioration des
capacités opérationnelles des systèmes d’armes
grâce à la réalité augmentée dans le contexte
SCORPION.
La simulation du combat aéroterrestre a été
pensée, au juste besoin, à l’aune du continuum
de la formation. Elle est dorénavant le fil rouge
reliant par l’outil la formation, la préparation
*
L’
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
36 AVRIL 2012
1 La substitution
consiste à remplacer
un hélicoptère
système d’armes par
un hélicoptère moins
coûteux présentant
la même capacité
en préparation
opérationnelle ciblée
sur un exercice
précis (exemple :
une Gazelle peut
remplacer un Tigre
pour une navigation
à la carte).
TRIBUNE
Dès à présent, la simulation répond pour les
armées au besoin d’un système global optimisé
depuis la formation jusqu’à l’emploi opérationnel
en complément ou en substitution des moyens
opérationnels réels pour améliorer l’aptitude
opérationnelle et générer des économies.
Les nouveaux systèmes de simulation prennent
toute leur valeur par leur capacité à répondre dans
les domaines de la formation et de la préparation
opérationnelle à une conflictualité changeante. Ils
agissent efficacement en préparation ou en
complément d’une formation pratique sur les
systèmes d’armes, d’information ou de commandement réels.
Pour décrire en un document fondateur ces
objectifs et ces capacités multiples, il est apparu
nécessaire à l’ALAT de rédiger une politique de
simulation pour la fonction aéromobilité. Il
s’agissait d’exposer une stratégie explicitant
pourquoi, comment et avec quelles ressources il
est possible de rationaliser le besoin permanent en
matériels réels par l’utilisation de moyens de
simulation et de substitution. Pour honorer ce
besoin, il a donc fallu l’analyser selon un
continuum depuis la sélection jusqu’à la mise en
condition avant projection. La réalisation du besoin
complet doit donc être la combinaison la plus
efficiente possible des différents moyens pour
remplir l’objectif recherché : l’aptitude
opérationnelle immédiate.
© LCL MERCK
La simulation permet de mettre en cohérence de
nombreuses politiques comme celles traitant du tir
ou de la numérisation. Mais ces nouveaux
systèmes sont coûteux en main d’œuvre et en
investissement financier pour leur acquisition et
leur développement. Il importe donc particulièrement d’en justifier le besoin précis et avéré,
d’en décrire l’utilisation planifiée et d’en programmer le coût tant humain que financier. Il reste
alors à investir dans une montée en puissance
progressive selon une logique d’économie globale.
Dans ces conditions, à moyen ou long terme, selon
les coûts et les investissements nécessaires, ces
systèmes de simulation engendrent des économies et des améliorations notoires des niveaux
d’instruction et d’entraînement.
L’entraîneur de pilotage et de systèmes d’armes (EPSA) ici au cours d’un exercice de nuit, qui permet des mises en situations variées.
Flying and weapons systems trainer (EPSA), seen here during a night exercise, which makes it possible to be trained in various situations.
A realistic display of the environment.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
37 AVRIL 2012
- certains exercices ne sont pas réalisables en vol
réel car ils engendrent un risque trop élevé pour
les équipages et les hélicoptères opérationnels.
Ces exercices qui font toute la différence en cas
de panne réelle ou de conflit (tir missile ou RPG
juste avant le poser ou au décollage) doivent être
pratiqués en simulateur de vol sauvant ainsi des
vies et pérennisant le parc aérien ;
- la simulation doit être placée au plus près des
utilisateurs dans la mesure où les coûts
d’acquisition et de possession le permettent car
la rentabilité d’un simulateur est conditionnée
par un emploi maximum2. La projection et
l’emploi des équipages sont tels que des
simulateurs éloignés des bases ne pourraient
être utilisés que 2 à 3 semaines par an ;
- l’utilisation efficiente de simulateurs complexes
repose sur des spécialistes de l’emploi de
moyens synthétiques. Pour l’ALAT, la filière
Instructeur Sol du Personnel Navigant (ISPN)
permettra, lorsqu’elle aura rejoint sa cible en
effectif, de faire fonctionner les simulateurs au
mieux de leurs capacités ;
- tous les moyens de simulation tactique de l’ALAT
doivent pouvoir s’intégrer dans le maillage de la
simulation du combat numérisé interarmes et
interarmées. Les simulateurs de l’ALAT intègrent
nativement les standards internationaux nécessaires à une interconnexion des simulateurs ;
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
38 AVRIL 2012
- les effets de la simulation doivent enfin être
contrôlés afin de progresser avec volontarisme
mais pragmatisme vers l’équilibre optimal dans
l’utilisation des moyens réels ou simulés et le
respect de la sécurité des vols.
A partir de la description quantifiée de ce juste
besoin décrit dans la politique d’entraînement des
équipages, la politique de simulation de la
fonction aéromobilité a permis de cadencer et de
développer des moyens de simulation en
harmonie avec l’arrivée des nouveaux systèmes et
des nouvelles réglementations tout en s’intégrant
dans une planification financière.
*
Il est ainsi essentiel de considérer ce qu’une
politique de simulation peut apporter à une
fonction opérationnelle. Lorsqu’il s’agit de préparer
la guerre, il est possible de mettre en place des
bases de données d’environnement du théâtre
considéré. Développée avec EDITH3 V3.3, l’armée
de Terre dispose maintenant d’une base de
données représentant très précisément notre zone
d’engagement en Afghanistan. De la modélisation
de la ville de Kaboul à la représentation de la
Kapisa, le réalisme de cette zone permet déjà aux
équipages de se préparer et de partager l’information recueillie par les différents détachements
sur la connaissance du milieu, de la population
locale et des procédures. Cette base de données
sera bientôt portée sur OPOSIA4 et d’autres
moyens de simulation au sein des armées5.
Les autres bases de données disponibles sur les
moyens de simulation de l’ALAT permettent aussi
de s’entraîner à une guerre générique. En effet,
même en préparant l’opération principale actuelle,
il est indispensable de poursuivre l’entraînement
aux autres savoir-faire, aux autres types d’engagement qui surgiront forcément au moment le plus
inattendu (opération Harmattan par exemple).
Les simulateurs permettent en cela de répéter à
l’envi des exercices qui vont développer
l’intelligence tactique, faire vivre les connaissances
acquises en école qu’il est essentiel de maintenir
en fond de sac culturel avec les autres
fondamentaux.
© LCL MERCK
Pour satisfaire les objectifs fixés à l’ALAT, il est
nécessaire de doter ses bases du juste besoin en
simulation pour pouvoir former, instruire individuellement et collectivement puis entraîner le
personnel en vue de la projection des hélicoptères
dans le strict respect de la sécurité des vols.
Le juste besoin repose selon l’ALAT sur six
principes :
- la combinaison des moyens de formation doit
être utilisée de manière progressive et adaptée à
l’objectif pédagogique. Ainsi, un entraîneur de
vol (sur base fixe) ne permettra que des
apprentissages de savoir faire techniques et de
procédures alors qu’un simulateur de vol mobile
permettra d’acquérir une gestuelle complexe de
pilotage de combat dans laquelle le dosage, la
visualisation et les sensations corporelles
apportent des éléments de décision capitaux ;
2 3 000 h/an pour un
simulateur de vol,
1 800 à 2 000 h/an
pour un entraîneur
de procédures.
3 Entraîneur didactique
interactif tactique
hélicoptères.
4 Outil de Préparation
Opérationnelle de
SGTIA.
5 Elle est à disposition
des autres armées
auprès de la DGA/UM
TERRE.
TRIBUNE
Une représentation réaliste de l’environnement.
A realistic display of the environment.
6 NMSG 71 NATO
Modelisation &
Simulation Group n°71.
7 Espace collectif
d’instruction ayant
pour but dans
les régiments de
l’armée de Terre de
s’entraîner par le biais
de la simulation et de
mettre ainsi en œuvre
la numérisation de
l’espace de bataille.
8 Close Combat Attack
L’OTAN6 développe maintenant des terrains
synthétiques génériques sur lesquels tous les
types d’environnement sont représentés. Dans le
continent fictif dénommé « Mission Land», les
environnements désertiques, tropicaux, montagneux, campagnards et même urbains sont
modélisés. Ce terrain imaginaire mais réaliste
permettra de réaliser des exercices communs à
différentes nations. Il a également vocation à être
enrichi par chaque nation utilisatrice au profit de
tous. Une synergie de développement est donc
ainsi initiée.
De plus, les environnements ainsi modélisés sont
tous des interfaces de milieu, ils permettent donc
nativement des entraînements interarmées.
L’ensemble des missions de l’aérocombat, même à
partir d’une plateforme maritime peut être pratiqué
sur des simulateurs qui disposent d’avions, de
porte-aéronefs, d’unités terrestres et même de
drones. C’est pourquoi le centre de formation des
équipages et des maintenanciers du CAIMAN
(NH90) verra ses moyens de simulation développés
en interarmées avec la Marine Nationale tout
comme les moyens de simulation du TIGRE l’ont
été en international avec l’Allemagne.
La simulation (associée à la substitution) confère
toute la souplesse nécessaire à l’entraînement
mais aussi à la mise en condition avant projection.
Elle permet de se former à une guerre mais aussi à
la guerre en interarmes, interarmées et interalliés.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
39 AVRIL 2012
Dans la possibilité qu’elle donne à l’ALAT de
soutenir la formation de nombreuses nations
amies, la simulation présente également un aspect
d’ouverture sur l’extérieur non négligeable.
*
Pour l’ALAT comme pour l’armée de Terre, le futur
commence aujourd’hui car la simulation s’étend
également par sa capacité de distribution et son
embarquement à bord des systèmes d’armes.
Pour l’ALAT, au sein de son armée de Terre, ces
évolutions devront pouvoir apporter une capacité
plus forte à s’entraîner en interarmes et en
interarmées.
La simulation distribuée permet déjà de réunir sur
un même exercice des joueurs distants de plusieurs
centaines voire milliers de kilomètres sans avoir à
les déplacer. L’expérimentation menée fin 2009
entre l’entraîneur tactique EDITH et le simulateur
d’entraînement des pelotons LECLERC a permis
d’ouvrir des voies de réflexion pour des exercices
en simulation vir tuelle distante. Cer tes
l’économie en frais de déplacement est alors
importante mais il est primordial de voir
l’accroissement de la connaissance interarmes,
cœur de la manœuvre tactique, que représente ce
type d’exercice. Il sera nécessaire pour les
valoriser d’investir les économies réalisées dans
des moyens de vidéoconférences qui permettront
de mener une analyse après action commune, point
clé de tout exercice simulé ou réel.
Il s’agit alors de distinguer deux modes
d’utilisation de la simulation distribuée selon le
besoin de chacun. Si l’exercice réunit des
participants du même niveau, la simulation est dite
horizontale. Elle a alors pour but de connaître par la
pratique les procédures interarmes ou interarmées puis de s’y entraîner ensemble à moindre
coût. Si l’exercice a pour but de regrouper une
chaîne de commandement complète, une
intégration verticale est alors réalisée pour
permettre de vérifier et de valider le bon
fonctionnement de toute la chaine puis l’améliorer
par l’entraînement.
La simulation horizontale permet de travailler des
procédures de proximité comme celles qui
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
40 AVRIL 2012
doivent se partager entre des unités voisines sur
le terrain ou devant coopérer sur une même
action lors d’un exercice. Par exemple, un chef de
section ou un chef de groupe doit pouvoir depuis
l’ECI7 NEB-SIMU de son régiment venir fournir des
briefings de procédures CCA8 pour des
hélicoptères manœuvrant dans EDITH au profit
d’un sous-groupement interarmes s’exerçant sur
OPOSIA tout en étant appuyé par des LECLERC
dans leur simulateur de tir peloton.
La simulation verticale permet d’améliorer la
qualité du rendu des procédures. Une chaîne
complète du renseignement peut être recréée, par
exemple, en partant du chef de section d’infanterie
qui, sur un serious games comme INSTINCT9, rend
compte de son observation vers le sous-GTIA qui
joue sur OPOSIA et qui lui-même rend compte au
PC de GTIA qui joue sur Janus. Le GTIA transmet
alors ses informations par ses SIOC10 vers le PC de
brigade qui joue sur SCIPIO. Le PC de brigade
donne alors son ordre de destruction à des
hélicoptères qui vont sur EDITH prendre contact
avec le chef de section d’infanterie pour la
procédure CCA. La chaîne verticale de traitement du
renseignement est alors reconstituée sur plusieurs
moyens connectés pour cet exercice.
La capacité technique à pratiquer de tels
exercices existe. Il importe de la tester comme
cela vient d’être fait lors des universités d’été de
la Défense entre SCIPIO11 et un simulateur TIGRE
du CEV. La plus grande difficulté pour ce type
d’exercice réside dans sa planification et dans
l’établissement ponctuel des moyens de communication suffisants pour préparer, conduire et
analyser l’exercice en temps réel ou en temps
différé. Il est en effet possible d’enregistrer en
parallèle toutes les simulations et de les présenter
à des analystes qui, eux aussi, sont restés dans
leur garnison.
La simulation vivante de l’ALAT va également
se développer. Les intervenants dans la 3ème dimension, présents dans les centres d’entraînement, ne
peuvent pas encore bien interagir avec les forces au
sol. Cette nouvelle capacité va venir renforcer dans
les années à venir la capacité interarmes des
centres d’entraînement. L’évolution des simulateurs de tir de combat, la modélisation des
trajectoires et des positions et l’analyse d’images
9 Jeu du commerce
utilisé par l’école de
l’infanterie et l’ENSOA
dans la formation.
10 Système d’information
opérationnelle et de
commandement.
11 Simulateur de combat
interarmes pour la
préparation interactive
des opérations.
TRIBUNE
en temps réel permettent maintenant d’intégrer
des trajectoires rapides comme celles des avions,
des drones et des hélicoptères dans les calculateurs comme CENTAURE utilisé au CENTAC12.
L’étude technico-opérationnelle 2I3D13 permettra
de définir un chemin critique vers l’interopérabilité
de tous les acteurs de la 3ème dimension au sein
des centres d’entraînement. Les limites de distance
de tir liées au laser seront palliées par le positionnement permanent et l’analyse d’images. Des entraînements combinés entre des moyens de simulation vivante et des aéronefs virtuels seront
réalisés dès la semaine d’échauffement par
des exercices de simulation virtuelle connectant
OPOSIA et EDITH.
Les simulateurs de tir de combat (STC) évoluent
vers une intégration native sur le système d’armes.
Les STC permettront bientôt aux avions, aux drones
et aux hélicoptères de délivrer des feux virtuels qui
les intégreront dans la simulation vivante. De
même, des capacités embarquées permettront à
ces appareils de savoir lorsqu’ils auront été
endommagés ou détruits par des tirs venus des
autres acteurs (au sol ou en vol).
12 Centre
d’entraînement
au Combat.
13 Intégration des
intervenants dans
la troisième
dimension.
L’étape suivante se produira pour l’ALAT par
l’intégration dans le cadre du programme SCORPION. Les évolutions du système d’information et
de combat de SCORPION (SICS) permettront
d’augmenter les échanges d’informations et les
synergies entre combattants et systèmes. Ainsi, au
sein du GTIA, les informations perçues par un ami
pourront être présentées à tous les autres
membres du GTIA en leur donnant par une vision
de réalité dite augmentée, les informations sur la
présence d’un ennemi derrière le coin de la rue ou
la détection d’un IED perçu par un drone ou un
hélicoptère. Pour que ce partage permanent de
l’information soit efficace, il sera alors primordial
que tous les moyens s’entraînent ensemble car leur
coopération étroite sera la clé du succès en
opération. Mais un système qui peut réaliser cette
prouesse au combat doit bien évidemment pouvoir
la réaliser dès la formation, pendant l’entraînement
et plus encore lors de la MCP. En toute logique, les
systèmes d’armes inclus dans SCORPION auront
donc tous une capacité à s’intégrer à une simulation commune.
*
* *
Hier, la simulation de l’aviation légère de l’armée
de Terre a eu la chance de pouvoir s’inspirer de
l’exemple fourni par l’arme blindée. Aujourd’hui,
elle ajoute sa pierre à l’œuvre commune de la
simulation grâce à une analyse systémique de
son emploi opérationnel qui a permis de
développer une meilleure complémentarité dans
l’utilisation des moyens qui lui sont confiés.
L’objectif a été fixé dans la politique de
simulation de l’armée de Terre et la planification
établie dans son schéma directeur. Il est
essentiel que la communauté militaire, en
s’impliquant activement dans les exercices de
simulation, investisse dans l’amélioration
permanente de ces outils.
Une simulation qui ne progresse plus devient
obsolète et inefficace, c’est pourquoi il importe
tant de faire vivre, en fonction des besoins
actuels et futurs, une politique de simulation
ambitieuse mais réaliste qui permette de
prioriser et donc de financer des moyens choisis.
Générateurs d’économies substantielles sur le
long terme et capables plus encore d’accroître
encore l’efficacité opérationnelle de nos forces,
ces moyens de simulation représentent déjà un
atout majeur dans la préparation au combat
interarmes et interarmées

DOCTRINE TACTIQUE N° 24
41 AVRIL 2012
Enjeux
et
perspectives
de l’interopérabilité des systèmes
de simulation entre eux et avec les SIOC
MOnSIEur LIOnEL KHIMECHE - DGA - CATOD
L
a connexion des SIOC et des simulations est
un enjeu majeur pour rendre plus efficace
la préparation des unités numérisées. Les
efforts portent aujourd’hui sur la standardisation du contenu des échanges (C-BML) et
de la définition des forces et scénarios
(MSDL). Les expérimentations conduites
jusqu’à présent dans le cadre de l’OTAN ou de
coopérations bilatérales montrent la pertinence opérationnelle des solu t i o n s
techniques encore en cours de conception.
Connecting SIOC and simulations is a major
challenge in order to improve the effectiveness
of preparing digital units. Efforts are now being
made on the standardization of the content of
exchanges (C-BML) and the definition of forces
and scenarios (MSDL). Experiments conducted
so far in the framework of NATO or bilateral
cooperation have demonstrated the operational
relevance of the technical solutions still under
development.
epuis plus de vingt ans, la préparation opérationnelle s’appuie sur des outils de simulation afin de
réduire les coûts et les risques, accroître la performance des hommes ou des équipages, en vue
d’agir plus efficacement au sein de structures complexes. Sans conteste, la simulation est devenue
aujourd’hui un moyen incontournable non seulement pour l’instruction (EDITH), la formation (STES VBCI)
et l’entraînement des forces (SCIPIO) mais également pour l’appui aux opérations (APLET) et la préparation
de l’avenir (DOSAGE). Aussi, le ministère de la Défense s’est doté depuis 2009 de structures de
gouvernance pour valoriser l’emploi de la simulation1. Les contraintes pesant sur les forces les conduisent
à rationaliser de plus en plus leurs activités opérationnelles. L’enjeu consiste donc à créer les conditions
d’un emploi optimisé de la simulation afin de rendre plus efficaces et moins coûteuses les activités
opérationnelles évoquées plus haut. Cela se traduit par :
• la mise en place d’un ensemble d’outils de simulation décentralisés pour la préparation des forces infovalorisées en national et en international ;
• l’amélioration de l’interopérabilité et l’interconnexion entre simulations et systèmes d’information.
D
La préparation des forces info-valorisées
1 Schéma directeur de la
simulation opérationnelle 2009 – 2020,
N°290/DEF/EMA/PLAN
S/DR du 10 juillet 2009.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
Les opérations en réseau se fondent sur une maîtrise accrue de l’information pour prendre la bonne
décision, au bon niveau, au bon moment. Elles visent à mettre à disposition des forces la totalité des
informations qui leur sont nécessaires. Ainsi, les systèmes d’information opérationnels et de
communication (SIOC) sont conçus pour manipuler des masses d’information qu’il faut traiter dans des
délais contraints car elles conditionnent la conception et la conduite des opérations.
42 AVRIL 2012
TRIBUNE
L’échange d’information pour une exploitation automatisée nécessite de formaliser la connaissance. Celleci est représentée au travers des modèles de données et à l’aide de dictionnaire pour constituer ensuite
des messages formatés et libellés afin d’identifier l’information selon le besoin d’en connaître. Les SIOC ne
sont pas tous interopérables au même degré. Selon leur niveau d’interopérabilité l’information reçue sera
traitée avec plus ou moins d’automatisme. En effet, les données structurées pourront être dégradées voire
perdues lors du passage d’un modèle de données à un autre.
Le tableau ci-dessous récapitule les degrés d’intéropérabilité applicables entre différents systèmes.
Degré
d’interopérabilité
Définition
1
Échange de données non structurées
Exemple : phonie, messagerie.
2
Échange de données structurées
Exemple : document Word.
3
Partage de données sans interruption
Exemple : message structuré respectant un modèle pivot
d’échange.
4
Partage d’information sans interruption
Exemple : chaque système partage le même modèle de
données.
A ce jour, la chaîne de commandement numérisée, SIT – SIR – SICF permet l’exploitation de l’information
selon le degré 3 d’interopérabilité.
Pour la préparation des forces numérisées et quelque soit le niveau, la simulation doit stimuler et animer
les SIOC avec de l’information cohérente à partir de données issues de scénarios d’exercice. Egalement, les
SIOC doivent produire de l’information vers la simulation afin d’agir sur des forces info-valorisées et
simulées. Pour cela, trois solutions sont envisageables :
1. Absence d’interopérabilité entre SIOC et simulation : la cellule d’animation de l’exercice est chargée
de jouer le rôle de passerelle entre le SIOC de l’animation et la simulation. Pour cela un opérateur
recopie sur le SIOC de l’animation les informations fournies par la simulation (degré 0
d’interopérabilité). Egalement, il retranscrit sur le poste de simulation les ordres provenant de la
cellule réponse. Cette solution permet d’entraîner des forces numérisées avec des simulations exclues
de la fédération des SIOC. Le nombre important d’opérateurs requis est un inconvénient majeur qui
rend cette solution coûteuse.
Organisation actuelle pour l’entraînement d’un PC de brigade
Current organization for training a brigade CP
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
43 AVRIL 2012
2. a) Interopérabilité SIOC – Simulation : la simulation dispose des interfaces ad-hoc permettant
l’échange d’information automatisé avec les SIOC. La cellule réponse émet ordres et requêtes à
l’attention du modèle de subordonné numérisé et joué par la simulation. En retour, la simulation
génère des comptes-rendus (SITREP, LOGREP, …) vers le SIOC de la cellule réponse. Cette solution
permet de réaliser des économies en réduisant le nombre d’opérateurs. Toutefois, le métier et
l’expérience opérationnels des opérateurs doivent être remplacés par des automates éventuellement
débrayables modélisant la doctrine et la tactique.
Organisation possible pour l’entraînement d’un PC de brigade (SIOC – Simulation)
Possible organization for training a brigade CP (SIOC - Simulation)
b) Interopérabilité SIOC – Simulation et optimisation des ressources : la fiabilité et la confiance accrues
dans les modèles de simulation permettent de soustraire la cellule réponse chargée de masquer aux
joueurs les imperfections de la simulation. Cette solution requiert des automates de haut niveau
réalistes et autonomes.
Organisation possible pour l’auto-entraînement d’un PC de brigade (SIOC – Simulation)
Organization for self-training of a brigade CP (SIOC - Simulation)
Les solutions 2a) et 2b) nécessitent un degré d’interopérabilité de niveau 3 ou 4 entre les SIOC et la
simulation. Pour cela, les automates traduisent une représentation de la formalisation des connaissances
qui doit être compatible avec celle des SIOC sans quoi l’échange d’information n’est pas envisageable.
L’amélioration de l’interopérabilité entre simulations
2 Il suffît d’imaginer
l’accroissement du
nombre de tests de
validation les valeurs
de la table des Ph/Pk
(Probability of Heat /
Probability of Kill).
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
La nécessité de connecter les systèmes de simulation entre eux est ancienne. Elle est née du constat que
les simulations ne sont valides qu’au sein d’un périmètre d’emploi bien défini. Dès lors, pour élargir leur
champ d’application, la solution retenue a été de rendre plusieurs systèmes interopérables, plutôt que de
tenter de compléter exhaustivement un système unique. En effet, l’intégration de nouveaux modèles au
sein d’un système de simulation existant peut s’avérer coûteux. Par exemple, la combinatoire des
confrontations possibles augmente d’une telle manière qu’il devient difficile de mener correctement des
tests de qualification2.
La première norme d’interopérabilité DIS (Distributed Interoperability Simulation) est apparue à la fin des
années 80. Elle a été depuis supplantée par le standard HLA (High Level Architecture) qui est aujourd’hui
la seule norme de référence admise pour l’acquisition de nouvelles simulations. La transition opérée par le
44 AVRIL 2012
TRIBUNE
monde de la simulation est comparable à celle entreprise par les SIOC avec quelques années de retard. En
effet, la norme DIS s’appuie sur un ensemble de messages formatés comparables aux messages ADat-P3
(Automatic Data Processing Publication number 3). Le concept HLA est quant à lui similaire au MIP
(Multinational Interoperability Program). Il repose sur la notion de publication et d’abonnement à des
informations catégorisées par type que les modèles consomment ou produisent. HLA permet aux
simulations d’atteindre le degré 4 d’interopérabilité.
Sur le plan opérationnel, le besoin conditionne la
solution. L’interconnexion de simulations se justifie dans
les cas suivants :
1. Entraînement interarmées : il s’agit de mettre en
commun les simulations dédiées aux forces
navales, terrestres et aériennes pour l’entraînement du niveau interarmées. Chaque simulation
de composante modélise avec fidélité son
domaine. La réunion de ces simulations au sein
d’une fédération interarmées assure la flexibilité
requise selon les objectifs recherchés lors des
exercices.
Architecture de l’entraînement interarmées
Architecture of joint training
2. Entraînement interarmes : l’interconnexion
des moyens de simulation virtuelle déployés
pour l’entraînement tactique des pelotons et
sections sur char Leclerc (SEP, Simulateur
d’entraînement du peloton), VBCI (STES,
Simulateur de tir, d’équipage et de section),
hélicoptères (EDITH, Entraineur didactique
interactif pour hélicoptère) offrent des
perspectives nouvelles pour l’entraînement
des SGTIA (Sous-Groupement Tactique
Architecture possible de l’entraînement interarmes
Interarmes). Les acteurs de la chaîne de
Possible architecture of combined arms training
commandement peuvent ainsi être entraînés
simultanément. Ces derniers évoluent dans
leur environnement simulé qui restitue fidèlement les interfaces avec le monde extérieur.
3. Entraînement hétérogène : la combinaison
des diverses formes de simulation,
constructive de type jeux de guerre (JANUS,
SCIPIO), virtuelle (STES, OPOSIA) et vivante
(CENTAURE, STC, simulateur de combat)
enrichit le réalisme des exercices d’entraînement. L’expérimentation franco-britannique
SAFIR a notamment démontré en juin 2011 le
bénéfice d’une fédération hétérogène
Principe de l’entraînement en environnement hétérogène
composée d’une simulation constructive
Principle of training in a heterogeneous environment
(SCIPIO) et virtuelle (UAV3). La simulation
UAV produit des films et photos qui sont ensuite exploités par le renseignement.
Sur le plan technique, des progrès restent à réaliser. En effet, il n’existe pas de standard permettant aux
automates des simulations de se coordonner.
3 Unmanned Air Vehicle
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
45 AVRIL 2012
L’amélioration de l’interopérabilité entre SIOC et simulation
Au début des années 2000, les premières expériences (ESTHER, ALLIANCE) ont consisté à émettre depuis
la simulation des comptes-rendus au format des SIOC. Pour cela, il a été nécessaire de développer des
interfaces ad-hoc pour chaque simulation. Cette interface collecte la matière produite par les modèles
(position des unités simulées, état logistique) afin d’élaborer des comptes-rendus formatés (SITREP,
PTSITU, INTSUM, LOGREP). Cette solution facile à réaliser présente l’inconvénient d’être fortement
dépendante des SIOC. Elle nécessite d’être maintenue régulièrement pour rester compatible avec les
évolutions de format et de protocole des SIOC.
Les progrès réalisés ces dernières années afin de rendre les simulations plus autonomes ou plus
intelligentes, par la réalisation d’automates, permettent d’envisager l’exploitation automatique des ordres
émis par les SIOC. La faisabilité a été démontrée lors de récentes expérimentations mais les trop nombreux
champs de texte libre dans les messages d’ordre sont un frein pour une utilisation plus intensive.
D’autre part, les données initiales ou données quasi-permanentes (DQP) doivent être partagées entre les
simulations et les SIOC et si besoin, être enrichies pour satisfaire les exigences d’initialisation des
simulations. Les DQP correspondent à l’ordre de bataille de théâtre, la situation initiale, les éventuels
calques terrain ainsi que les paramètres du réseau permettant de joindre chaque acteur numérisé.
L’enjeu pour améliorer l’interopérabilité entre
SIOC et simulation concerne dès lors l’élaboration de standards facilitant :
•
•
•
l’initialisation des données quasi
permanentes ;
l’exploitation par des unités simulées des
ordres émis depuis les SIOC ;
la génération de comptes-rendus ainsi que
de requêtes (demande d’appui) vers les
SIOC pour la conduite des opérations.
Echanges SIOC-Simulation
Exchanges SIOC - Simulation
Les difficultés pour aboutir à la définition de standards d’interopérabilité SIOC-Simulation sont
nombreuses :
• Les communautés SIOC et simulation sont cloisonnées. Il n’existe pas ou très peu d’experts à la double
compétence reconnue. Les connaissances restent très théoriques ;
• Les SIOC disposent de leur propre représentation de l’environnement sous la forme d’un modèle de
données, Joint Consultation Command and Control Information Exchange Data Model (JC3IEDM).
Les simulations ne disposent pas d’une telle représentation standardisée de l’environnement. Les
écarts sémantiques sont donc importants ;
• Les spécifications d’interface des SIOC évoluent. La définition d’un standard d’interopérabilité SIOCSimulation devra donc chercher à minimiser l’impact relatif aux évolutions de la norme d’échange
entre les SIOC, voire à s’y soustraire ;
• La rédaction des ordres obéit à des canevas desquels les informations utiles peuvent être extraites.
Toutefois, les champs de texte libre sont trop nombreux pour permettre une interprétation
automatique des ordres. La standardisation devra proposer des mécanismes pour lever cette
contrainte.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
46 AVRIL 2012
TRIBUNE
Actuellement, deux normes sont en cours d’élaboration pour satisfaire les exigences d’interopérabilité
SIOC-Simulation. MSDL (Military Scenario Definition Language) pour l’initialisation des DQP et CBML
(Coalition Battle Management Language) pour les échanges d’information. Ces standards sont préparés
par le SISO (Simulation Interoperability Standard Organization) et font l’objet d’évaluation par le groupe
OTAN MSG5-085 «C2-Simulation Interoperation», présidé par la France.
Le MSDL se présente sous la forme d’un schéma XML (eXtensible mark-up langage) permettant de
véhiculer les données d’initialisation propres à la simulation. MSDL n’ayant pas été conçu pour
l’initialisation des SIOC, les travaux en cours portent sur l’enrichissement du schéma et l’identification
des liens de correspondance avec le
JC3IEDM pour lesquels de nombreux
points de convergence existent. A
l’issue, le degré 3 d’interopérabilité
sera atteint.
Le CBML propose un schéma XML
permettant d’échanger entre les SIOC et
les simulations tout type d’ordre, de
requête et de compte-rendu opérationnels. Il est construit à partir du modèle
de données JC3IEDM pour la définition
d’expressions devant remplacer les
champs de texte libre des messages
Echanges normalisés entre SIOC et simulation
Standardized exchanges between SIOC and simulation
opérationnels. C’est un langage avec des
règles (syntaxe) et un vocabulaire. Des
expérimentations ont démontré le bon fonctionnement des principes mis en avant par le CBML dans le
domaine terrestre. Ce standard doit être enrichi pour fournir le même niveau de service au profit des SIOC
marine et air. Ces travaux permettront d’atteindre le degré 3 d’interopérabilité.
Analyses
Les normes ont pour vocation à faciliter l’interopérabilité ou à promouvoir des bonnes pratiques. Elles ne
sont pas garantes du bon fonctionnement des systèmes. Leur emploi est nécessaire mais pas suffisant. Si
à terme, les SIOC et les simulations devront se conformer aux standards CBML et MSDL, il faudra également
élaborer des spécifications d’interface suffisamment explicites pour que ces systèmes fonctionnent au
diapason. La norme assure le transport de ces données mais ne les impose pas. Les spécifications
d’interface seront donc le prochain jalon à franchir une fois les normes CBML et MSDL adoptées.
La norme HLA favorise l’interopérabilité entre les simulations. Elle peut-être utilisée par les automates de
simulation pour dialoguer entre eux. Toutefois, les automates n’étant qu’une formalisation de la doctrine
et de la tactique, la norme CBML semble mieux adaptée pour remplir ce rôle car plus proche
sémantiquement du langage opérationnel.
L’application des normes impose également de définir des méthodes de certification garantissant le
respect des standards pour les systèmes ayant vocation à être interopérables. Pour cela, des suites de
certification sont à prévoir autant pour HLA que MSDL ou CBML.
Lorsque les chantiers engagés aboutiront, la préparation des forces sera grandement améliorée.
L’orchestration des différentes normes entre elles est la clé de voute de cet édifice

5 MSG: modeling and
simulating group.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
47 AVRIL 2012
Interactions entre l’analyse
opérationnelle et la simulation
L’aide à la décision
LIeutenant-coLoneL SyLvaIn SecHeRRe, cHef du buReau d’étude en RecHeRcHe opéRatIonneLLe de La dSRo du cdef
E
xploiter au mieux la numérisation de
l’espace de bataille c’est permettre des
actions plus rapides, une meilleure
connaissance de l’ennemi, éviter les tirs
fratricides, etc. Cet outil de l’action est un
ensemble d’ordinateurs, de capteurs et de
moyens de transmission. Il traite des données
dont la valeur échappe de prime abord.
Utilement manipulées grâce au management
de l’information, leur importance est capitale
pour de multiples applications comme la
simulation, le RETEX « chiffré » et l’analyse
opérationnelle.
1 Définition de la NEB
(TTA 106, 2008) : Mise
en œuvre de procédés
opérationnels et
techniques, centrés sur
le commandement et
l’action, et fondés sur
l’intégration en réseau
de capacités opérationnelles bénéficiant
d’équipements
numériques.
2 Système d’information
opérationnel.
3 D’où le terme
« informatique » :
traitement de l’information, de la donnée.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
Making the most of battlespace
digitization allows for faster actions,
better knowledge of the enemy,
preventing fratricide, etc. The action tool
is a set of computers, sensors and
communications means. It deals with
data whose value is easy to miss at first
glance. Profitably handled through
information management, their importance is paramount for numerous
applications, such as simulation,
“ encrypted ” lessons learned and
operations analysis.
D
ans le paysage numérique de la Défense, la
simulation cohabite avec de nombreux
autres logiciels. Les quelques lignes qui
suivent ont pour but de montrer l’intérêt que
suscite la simulation, dans un domaine
opérationnel qui dépasse celui de l’entraînement.
De fait, la simulation a effectivement un lien intime
avec d’autres fonctions comme le RETEX, l’analyse
opérationnelle et le management de l’information.
Ce lien c’est la numérisation de l’espace de bataille
(NEB1), et plus précisément les données présentes
au sein de la NEB.
48 AVRIL 2012
La NEB repose sur l’emploi d’ordinateurs reliés
entre eux : les SIO2. Des logiciels y sont installés
pour offrir aux utilisateurs les fonctions
souhaitées : représentation tactique, messagerie,
conception et consultation des ordres, etc. Toute la
panoplie des logiciels disponibles sur un PC de
bureau sont donc, potentiellement, utilisables sur
un SIO. Or, fondamentalement, les logiciels offrent
des services en traitant des données3. Comme un
logiciel correctement conçu laisse à l’utilisateur la
pleine propriété de ces dernières, les données sont
disponibles pour diverses applications, en
particulier pour les quatre «fonctions» citées en
TRIBUNE
plus haut : la simulation, l’analyse opérationnelle,
l’acquisition d’informations par le retour d’expérience (RETEX) et le management de l’information.
En effet la simulation a besoin de données (ODB,
terrain, météorologie, etc.), l’analyse opérationnelle
et le RETEX ne peuvent rien produire sans données
et le management de l’information a justement pour
objet de gérer efficacement les données pour
qu’elles soient utiles.
Aussi, source majeure de données opérationnelles,
la NEB est-elle bien au centre de ces quatre
fonctions. Pour autant existent-t-elles dans nos
SIO ? Force est de constater que non. La simulation
s’entend encore trop souvent comme un outil de
formation et d’entraînement. Le RETEX utilise avant
tout des documents textuels, parfois même des
images de document4, et utilise peu de données
numériques. Le management de l’information est
un concept otanien récent dont une application a
minima consiste actuellement à archiver des
documents et à veiller au respect du secret. Quant
à l’analyse opérationnelle, elle est absente de nos
PC projetés. Pourtant ces fonctions sont capitales
et en mesure d’apporter l’info-valorisation tant
espérée de nos SIO. La NEB ne saurait se
restreindre à l’informatisation de nos procédures.
C’est une première étape indispensable mais qui
doit être complétée car les SIO peuvent aider la
décision grâce à leurs capacités particulières de
calcul.
aider la décision : la simulation,
l’analyse opérationnelle
Aider la décision n’est pas copier le raisonnement
humain. Saint-Exupéry nous rappelle à ce titre que
«[…] rien de ce qui concerne l’homme ne se compte
ni ne se mesure. L’étendue véritable n’est point
pour l’œil, elle n’est accordée qu’à l’esprit5.» L’outil
informatique ne prétend pas se substituer à
l’homme pour émettre un jugement, mais il peut l’y
aider. Les chefs s’appuient depuis longtemps sur
des aides diverses pour former leurs décisions :
une bonne connaissance du général adverse
permet d’anticiper ses décisions et une prévision
météo peut sonner l’heure d’un débarquement en
Normandie. Rassurons-nous donc, l’informatique
ne remplacera l’homme que si ce dernier le veut
bien, ce qui n’est évidemment pas souhaitable et
même difficilement imaginable. Un SIO est un
outil comme les autres : il accroît les capacités de
l’homme.
La simulation est un domaine vaste dont les
applications vont au-delà de l’instruction et de
l’entraînement. Le logiciel APLET6 peut préfigurer
ce que sera demain la simulation dans nos SIO :
une des fonctions d’un logiciel réalisant une
tâche particulière. APLET permet de confronter
automatiquement les modes d’actions amis et
ennemis élaborés en planification. Aussi, un
utilisateur pourrait demander à la machine : «que
©Armée de Terre
4 L’utilisation du scanner pour
numériser des documents est
un pis-aller. Elle interdit les
recherches simples au sein
des documents, s’oppose à
l’analyse croisée automatique
de plusieurs documents et
encombre les réseaux en
raison de la taille des images
générées. Aussi la présence
de documents numérisés par
scanner n’est absolument pas
souhaitable sur les réseaux de
la Défense.
Les données créent le lien entre la simulation et les autres domaines.
Data create the link between simulation and other areas.
5 Pilote de guerre, Poche 1962,
p105
6 APLET : Aide à la planification
d’engagement tactique.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
49 AVRIL 2012
se passerait-il si... ?». La simulation pourrait même
produire de nouvelles données nécessaires à la
planification, comme par exemple la consommation estimée en munitions, par tranche et par
unité, pour chaque mode d’action possible. Cette
information serait utile pour planifier la logistique,
voire établir la faisabilité d’un mode d’action.
7 Significant Activities :
base de données
américaine pour
l’enregistrement
systématique de toutes
activités significatives
sur théâtre.
8 Instructions et
données de base.
9 «Le management de
l’information est une
discipline qui consiste
à orienter et appuyer
le traitement de
l’information durant
son cycle de vie afin de
fournir une information
exacte, sous la forme
voulue, dans les délais
requis et d’une qualité
suffisante pour
répondre aux besoins
d’une organisatio» (the
NATO information
management policy,
2007, NATO/PFP
Unclassified).
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
L’analyse opérationnelle (AO) a été conçue pour
aider la décision. C’est son rôle. Elle peut
également contribuer à lutter contre le brouillard
de la guerre et à faire face à l’avalanche de données
issue de la numérisation et de l’approche globale.
Comme la simulation, c’est une science à plusieurs
facettes : analyse statistique de données,
représentation géo-référencées d’informations,
recherche de liens non évidents entre des
événements ou des faits, optimisation d’organisations, etc. Aussi ses applications sont très
diverses et visent exclusivement à fournir des
éléments d’appréciation chiffrés, voire proposer
des solutions, à ceux qui en ont besoin.
Si les données contribuent à la prise de décision,
elles peuvent également participer au retour
d’expérience chiffré. La transformation des
données numériques en informations est une mise
en œuvre particulière de l’analyse opérationnelle
décrite ci-dessus. Par exemple, à l’assertion «il y
a regain de violence en Afghanistan lors des
périodes de Ramadan» un analyste américain a
pu démontrer que cette idée reçue n’avait
scientifiquement aucun fondement grâce au relevé
systématique des incidents (base de données
américaine SIGACTS7). Suivant le même principe, le
relevé de données durant une opération permet de
mesurer son efficacité de façon objective et d’en
tirer des enseignements. L’opération HARPIE de
lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane est un
exemple caractéristique d’une opération mesurée
et dont l’efficacité a pu être ainsi analysée.
L’utilisation des données opérationnelles pourrait
également servir à la mise à jour des IDB8, outil
numérique indispensable au calcul des stocks
nécessaires à l’armée de Terre, si tant est que les
données adéquates soient disponibles.
Participant à l’aide à la décision numérique,
la simulation et l’AO sont deux disciplines
fondamentalement distinctes. Pourtant il existe
entre elles des liens puissants. Génératrice de
données, la simulation est fréquemment utilisée
50 AVRIL 2012
par nos alliés pour compléter les données
manquantes à une analyse. D’autre part, l’AO peut
aider à mieux interpréter les données fournies par
les simulations et à compléter les observations lors
des analyses après action. La simulation peut
également être employée pour tester et valider des
scénarios établis par l’AO. La section RO & SIM de
l’état-major de la Marine à Toulon valide ainsi ses
calculs de pose de bouées sonar pour la lutte antisous-marine. De même il serait tout aussi
envisageable de tester un dispositif logistique
minimisant les délais d’approvisionnement grâce à
JANUS.
Travaillant de concert, l’AO et la simulation se
complètent donc mutuellement et naturellement.
Elles s’appuient sur un même socle : les données.
Comme nous l’avons vu plus haut, celles-ci sont au
cœur des SIO, disponibles pour de multiples
usages. En la matière le tout vaut bien plus que la
somme des parties.
un processus pour gérer
les données : le management
de l’information (IM)
Aussi les données des systèmes d’information, et
en particulier des SIO, ont plus de valeur qu’il n’y
paraît. Leur gestion mérite donc une rigueur à la
hauteur de leur importance. Veiller aux données,
les « manager », est primordial. Organiser leur
saisie, leur classement, faciliter leur mise à
disposition pour les personnes ayant à en
connaître, etc., sont autant d’actes désormais
nécessaires au sein de tout PC numérisé. C’est
précisément le rôle du management de
l’information9 (IM), concept otanien qui vise à
faire face à l’afflux sans cesse croissant
d’informations dans les PC numérisés.
L’IM vise une meilleure exploitation des données,
or ces dernières restent trop souvent contenues
dans des documents textuels. Il est difficile
d’imaginer, ni même de suggérer, la disparition
complète de ces documents libres. Toutefois il
serait intéressant de réduire leur nombre et de
privilégier des documents formatés, comme le
cadre d’ordre qui est une suite de « cases » à
remplir en employant des termes standardisés.
Ainsi structuré, le cadre d’ordre laisse peu de place
©Armée de Terre
TRIBUNE
Gérer et interpréter les données : l’analyse opérationnelle et la simulation se complètent.
Managing and interpreting data: operations analysis and simulation complement each other.
à l’interprétation, ce qui est important au combat.
Nombre de documents textuels des SIO pourraient
sans doute être transformés en documents
formatés, ce qui faciliterait leur exploitation et leur
emploi pour des analyses croisées.
Ce besoin est réel, en particulier pour le
renseignement. La traduction des informations
contenues dans certain documents libres des SIO
en données est un processus manuel que certains
spécialistes RENS réalisent de nos jours, parfois
grâce à l’outil SAER10. Cette opération permet des
analyses plus fines, comme l’identification de
réseaux de personnes, mais est terriblement
chronophage et forcément incomplète car non
systématique.
Aussi, profitant des capacités de traitement et de
stockage des SIO modernes, il serait souhaitable
d’accroître significativement le nombre de données
disponibles en créant des documents modulaires,
à la façon d’un cadre d’ordre. Si nécessaire, la
transmission de l’esprit d’un ordre, d’un compte
rendu, est toujours possible grâce à l’emploi d’un
texte libre complémentaire. La masse des données
ainsi générées, correctement gérée grâce au
management d’information, et traitées grâce aux
méthodes de l’AO, pourra alors être une source
d’informations qui doit être identifiée et prise en
compte dans le processus RETEX.
en conséquence,
soignons nos données
Les données de nos SIO sont donc précieuses. Elles
constituent le socle vital de nos systèmes.
Uniformisées, contrôlées par l’exploitant des
systèmes, i.e. la Défense, elles sont garantes de
interopérabilité des logiciels puisqu’elles peuvent
constituer, de base, une bonne partie d’un langage
commun. L’ensemble des données doit faire l’objet
d’une historisation systématique et être
accessibles à tous logiciels, livrés avec les SIO ou
non, sous réserve des droits d’en connaître dont la
gestion relève de l’IM. Correctement exploitées,
ces données peuvent fournir de nouvelles
informations, initialiser plus rapidement les SIO et
les simulations et fournir aux décideurs des
éléments utiles et scientifiquement établis.
10 Système d’aide à
l’exploitation du
renseignement,
brique du futur SIO
RENS SORIA.
Toutefois, tout comme l’usage obligatoire du
cheval imposait, il n’y a pas si longtemps, des
compétences et des métiers spécifiques au sein de
l’armée de Terre, il est tout aussi indispensable de
se doter des moyens nécessaires à la gestion et à
l’exploitation de nos données. Il s’agit là d’une
bonne pratique qui permettra une meilleure
exploitation de nos systèmes, un meilleur dialogue
avec les industriels, une plus grande liberté de
manœuvre et la rationalisation de nos étatsmajors

DOCTRINE TACTIQUE N° 24
51 AVRIL 2012
Au-delà du Volapük intégré :
1
la simulation pour un entraînement
multinational réaliste
LieutenAnt-coLoneL PAscAL FLoRin, cheF du buReAu simuLAtion de LA dsRo du cdeF
L
es avancées techniques récentes
permettent désormais de réaliser des
exercices multinationaux distribués en
s’appuyant sur des outils de simulation,
chacun restant chez soi avec ses
équipements habituels.
Recent technical advances make it now
possible to conduct distributed
multinational exercises based on
simulation tools, each player remaining
at home with his customary equipment.
a plupart des opérations extérieures se déroulent aujourd’hui dans un cadre multinational. Aussi, le besoin
d’entraînement et de mise en condition en commun avec des forces alliées, en vue des projections, est désormais
croissant. L
Or, dans le cas d’exercices multinationaux, plusieurs paramètres compliquent souvent la tâche, dont le manque de temps,
les coûts financiers, humains, et l’éloignement géographique ne sont pas les moindres. La simulation permet de s’en
affranchir en partie ou de diminuer leur incidence, en offrant une efficience constante, voire parfois accrue par des capacités
qu’elle procure et qui lui sont spécifiques. La simulation est donc l’un des moyens privilégiés à mettre en œuvre lors des
exercices internationaux qui, s’il ne remplace pas les contacts directs, aide à les rentabiliser.
L’expérimentation SAFIR, conduite par la Direction générale de l’armement (DGA) et l’un de ses homologues britanniques,
le Defence science and technology laboratory (DSTL), ainsi que l’exercice FLANDRES 2011, sur lequel elle s’est adossée, ont
constitué un exemple de premier ordre pour établir l’inventaire de ce qu’il est possible de faire en matière de simulation au
profit des exercices internationaux, aujourd’hui et à moyen terme. Plusieurs modes de fonctionnement peuvent être retenus
en première approche en fonction du degré d’avancement de la préparation conjointe et des objectifs de préparation
opérationnelle : un entraînement effectué sur un lieu unique, partiellement distribué ou totalement distribué.
Pour en finir avec la technique…
De prime abord, il convient pour pouvoir envisager de conduire efficacement un exercice multinational fondé sur des moyens
de simulation (ou computer assisted exercise, CAX) d’assurer la compatibilité technique des moyens engagés, qu’il s’agisse
de simulations ou de systèmes d’information opérationnels et de commandement (SIOC). Ce qui suit a juste pour but
d’expliquer succinctement que cette interopérabilité est atteignable.
Cette interopérabilité technique peut être automatique (communication directe entre les systèmes sans intervention
humaine) ou semi-automatique (communication requérant un faible nombre d’opérations manuelles). Elle s’acquiert
généralement par le biais de standards plus ou moins complexes : MIP (multilateral interoperability program) pour faire
communiquer les SIOC de haut niveau entre eux, C-BML (coalition battle management language) pour connecter les SIOC et
1 Langage universel imaginé au XIXème siècle.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
52 AVRIL 2012
International
les simulations, ainsi que HLA (high level architecture) pour lier les simulations entre elles, mais aussi avec différents services
(éditeur de scenarii, outil d’analyse après action, gestionnaire d’évènements - MEL MIL ou main events list/master incidents
list). Certains de ces standards comme C-BML intègrent des notions élaborées, comme une sémantique, une grammaire et
des ontologies qui permettent de transmettre des ordres automatiquement depuis des SIOC vers des simulations dotées
d’agents intelligents sans trahir le sens de ces ordres. De telles capacités se révèlent utiles dans un contexte multinational
où les mêmes mots n’ont pas la même signification pour tous en fonction du contexte.
Les développements qui suivent partiront donc du principe que les pays qui souhaitent coopérer emploient des moyens
interopérables d’un point de vue technique, c’est-à-dire des SIOC et des simulations compatibles MIP, C-BML et HLA avec les
mêmes niveaux d’exigence.
modes opératoires possibles.
La conduite d’un CAX multinational peut, moyennant la satisfaction des conditions mentionnées plus haut, être envisagée de
trois manières différentes : tout le monde se regroupe au même endroit et utilise des outils plus ou moins connectés entre
eux, une partie seulement de l’audience est localisée dans un espace restreint, ou enfin chacun reste chez soi à l’exception
éventuellement de quelques personnes de la direction de l’exercice ou de la cellule d’analyse après action. Dans tous les cas,
la simulation apporte réalisme et économies (gain en personnel, déplacements de moindre ampleur). L’interconnexion des
outils de simulation peut offrir à chaque nation l’occasion de travailler avec ses moyens usuels tout en obtenant une situation
opérationnelle partagée avec des tiers qui ont des moyens différents.
Chacune de ces solutions a ses particularités :
- Le regroupement de l’ensemble des participants à un CAX au même endroit peut faciliter la conduite de l’exercice et le travail
des analystes chargés d’en tirer les enseignements. Les consignes sont aisées à faire circuler, les éventuelles défaillances
techniques peuvent être palliées plus facilement, et les réseaux locaux à haut débit sont moins onéreux que les réseaux
distants. En revanche, les infrastructures accueillant l’exercice doivent permettre l’installation de l’ensemble des systèmes,
en prenant en considération les aspects liés à la sécurité des systèmes d’information. C’est pourquoi il a été décidé en 2008
de n’utiliser qu’une seule simulation pour FLANDRES 2011, l’utilisation initialement souhaitée d’ABACUS et SCIPIO reliés
ensemble à MAILLY étant notamment trop peu en rapport avec les possibilités offertes par les infrastructures.
- L’utilisation de moyens distants, totalement interopérables, par le biais de réseaux assez bien dimensionnés, est fortement
tentante. La simulation permet alors le même partage de situation opérationnelle, elle confère les mêmes avantages du
point de vue du réalisme, et un tel entraînement totalement distribué peut générer davantage d’économies d’un point de
vue strictement financier. Ce mode d’opératoire reste cependant délicat à conduire et impose de disposer de réseaux
permettant d’avoir des liaisons permanentes non seulement pour les données de simulation et les SIOC, mais aussi,
voire surtout, pour les outils de visioconférence qui sont indispensable au dialogue entre chefs qui seraient normalement
amenés à avoir des contacts directs et réguliers sur le terrain. L’analyse après action est plus compliquée car l’obtention
d’une vision synoptique de l’ensemble des actions effectuées est potentiellement biaisée par des perceptions locales et
partielles. Ce mode opératoire nécessite en outre une certaine habitude de toutes les parties concernées.
- Un bon compromis peut en apparence être l’utilisation de moyens de simulation en partie déportés, les entraînés de premier
et deuxième niveau étant seuls à se regrouper en un lieu unique. Dans le cas d’un exercice comme FLANDRES par exemple,
cela revient à laisser les moyens de simulation nationaux à MAILLY et WARMINSTER, avec les opérateurs fournis par les
forces, et à déplacer les PC des régiments, des brigades et de la division dans l’un de ces camps, voire ailleurs. L’analyse
après action est plus en rapport avec ce qui est fait habituellement, toute défaillance technique des réseaux et de la
simulation peut être suppléée par la direction de l’exercice en carré vert, le temps de régler l’incident. De plus, les
contraintes relatives à l’infrastructure sont plus souples, et la possibilité d’avoir si nécessaire des contacts physiques entre
les états-majors est plus réaliste.
Chaque mode opératoire a donc ses avantages et ses inconvénients spécifiques au regard de l’emploi des moyens, de
l’organisation et de la conduite de l’exercice, des finances et de la technique. Il peut sembler judicieux, en première approche,
de procéder en adaptant le dispositif aux objectifs d’entraînements. Ainsi, pour faire un travail simplement fondé sur de la
procédure ou un auto-entraînement, un exercice totalement distribué peut être suffisant si l’on souhaite juste s’assurer de la
fluidité des échanges sans trop mettre l’accent sur leur pertinence. Ce peut être un stade intermédiaire avant un exercice de
plus grande ampleur. En revanche, pour certifier une grande unité multinationale ou préparer un engagement commun en
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
53 AVRIL 2012
© Armée de Terre
L’utilisation de moyens de simulation interopérables permet un entraînement réaliste et complet.
The use of interoperable simulation systems makes for realistic and comprehensive training.
opération, les niveaux d’interopérabilité technique et procédurale ne suffisent plus. Il peut alors être plus pertinent de
regrouper les entraînés de premier et second niveau ainsi que l’échelon hiérarchique supérieur au même endroit. Les
simulations et les échelons d’animation basse peuvent eux rester distants, ce qui limite d’autant les coûts et l’organisation
puisque chacun travaille sur des moyens nationaux auxquels il est accoutumé.
Regard vers le futur.
En matière de simulation distante (mettant en œuvre des moyens situés en des lieux différents) et distribuée (impliquant des
simulations différentes), SAFIR a montré qu’il était déjà possible d’interconnecter des simulations françaises et britanniques
distantes. Les liens encore expérimentaux établis entre une plate-forme SCIPIO située à MAILLY, une plate-forme de
simulation JSAF répartie entre MAILY et le Royaume-Uni, un poste SCIPIO localisé à PARIS, un simulateur de confrontation de
modes d’action APLET utilisé à MAILLY, un simulateur de vol mis en œuvre depuis ISTRES, un simulateur de drone opéré
depuis CRAWLEY sur un serveur établi à MAILLY, les systèmes d’information SICF, BCIP, SIR et SITEL, le tout avec une
situation mise à jour en temps utile par SCIPIO au rythme du déroulement de FLANDRES, ont montré que le futur était déjà
à portée de main !
Le réalisme accru qu’offre habituellement la simulation a été renforcé par la fourniture d’images de synthèse permettant de
voir la situation sur le terrain à partir de données fournies par SCIPIO, et donc d’entraîner aussi bien des observateurs
d’artillerie, des pilotes de drones que des spécialistes du renseignement d’origine humaine avec les postes de
commandement. Les exercices multinationaux, s’appuyant sur la simulation peuvent s’affirmer comme de véritables
laboratoires technico-opérationnels, utiles tant pour faire progresser l’interopérabilité (technique ou procédurale) que la
doctrine. Des unités projetées pourront par exemple s’entraîner en avance de phase avec un matériel uniquement déployé
sur le théâtre et qu’elles ne pourraient appréhender de façon aussi concrète sans simulation. On peut aussi envisager la
modélisation d’un équipement futur non disponible, même à l’état de démonstrateur, afin de profiter des expériences et
cultures des différents protagonistes de l’exercice. Il peut même, à l’extrême, être envisagé de s’entraîner avec les forces
déjà en place sur un théâtre, si la situation le permet. L’entraînement distribué, qui techniquement ne relève plus de la
chimère, apporte une véritable plus-value aux exercices multinationaux, FLANDRES 2011 en a été la démonstation

DOCTRINE TACTIQUE N° 24
54 AVRIL 2012
International
témoignage du Liban
CoLoneL GeorGes HAYeK, CHeF du Centre JAnus LibAnAis
F
ruit de la coopération franco-libanaise,
le centre JANUS de l’école de Commandement et d’État-major installée à Beyrouth,
a su s’imposer comme un outil indispensable
pour la formation des officiers. Après une
période d’acculturation, l’emploi de la
simulation a évolué, au sein des forces
armées et couvre désormais les activités
d’entraînement et d’évaluation prenant
en compte, en particulier, le RETEX des
derniers conflits. Derniers pays à avoir
intégré la communauté JANUS France en
2005, le centre JANUS libanais est devenu, au
fil des années, une référence au sein de la
communauté JANUS France.
© Armée libanaise
La communauté « JAnus1-France » :
Logo JAnus Liban
Athe JANUS Center of the Command and
result of French-Lebanese cooperation,
General Staff College in Beirut is now
deemed an essential tool for officer
training. After a period of acculturation,
the use of simulation has evolved in
the armed forces and now covers training
and assessment activities, incorporating,
in particular, the lessons learned from last
conflicts. The last country to enter
the French Janus community – it did so in
2005 – the Lebanese JANUS Center has
become, over the years, a reference among
the French Janus community.
L
a communauté JANUS France1 s’étoffe progressivement et le Liban est devenu l’un
de ses partenaires privilégiés. L’exemple libanais est particulièrement saisissant
dans la mesure où depuis le début de la mise en place du système, le pays a été
impliqué dans la guerre de l’été 2006 et dans les opérations anti-terroristes du camp
de NAHR el BARED en 2007. Aujourd’hui, grâce à l’outil JANUS, les unités des Forces
Armées libanaises (FAL) disposent désormais d’une gamme complète de scénarios
différents, reprenant pour certains les évènements cités plus haut.
1 «JANUS France : adaptation française du logiciel JANUS, d'origine américaine. Les développements opérés par la DSRO en font maintenant un logiciel à part entière, dénommé JANUS-FR.»
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
55 AVRIL 2012
une mise en place progressive.
L’implantation du système JANUS au Liban a été conduite en plusieurs étapes.
En 2003, le ministère libanais de la Défense décide de se doter du système après avoir été convaincu des avantages que pouvait
offrir la simulation au profit de l’entraînement opérationnel.
La première phase est initiée en 2004 par la mise en place d’un officier supérieur coopérant français, chargé de coordonner avec
le chef du centre le démarrage de la nouvelle structure, s’appuyant sur une convention bilatérale pour une durée de 5 ans.
© Armée libanaise
La seconde phase a commencé en 2009 avec le départ définitif du coopérant militaire français, conférant ainsi aux FAL
une autonomie totale de fonctionnement pour l’utilisation du système, tout en gardant une relation avec la communauté JANUS
France.
Visite du Général Jean KAHWAJI Commandant en Chef de l’Armée libanaise au centre JANUS.
Visit of General Jean KAHWAJI, Commander-in-Chief, Lebanese Army, to the JANUS Center.
Aujourd’hui le centre JANUS est localisé à l’Ecole Fouad Chéhab1 de Commandement et d’Etat-Major (EFCCEM), équivalent
libanais de l’Ecole de guerre française. Une trentaine de militaires, triés sur le volet, animent ce centre.
Tous les opérateurs, quel que soit le grade détenu, sont parfaitement francophones.
Appartenir à la communauté JANUS-France permet de garder un lien technique. Chaque année une réunion d’automne
permet de tirer un bilan de l’activité pédagogique et de partager l’expérience avec les autres représentants des nations
membres. Un climat de confiance s’est ainsi développé au sein de cette communauté JANUS, fondé sur la compétence et le
désir de progresser. Le système JANUS est évolutif : chaque année grâce aux évolutions techniques liées à la programmation
et à la modélisation, il est remis à jour.
1 Général Fouad CHEHAB : Premier commandant en chef de l’Armée libanaise, élu président de la république de 1958 à 1964.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
56 AVRIL 2012
© Armée libanaise
International
Les Officiers et les Opérateurs du Centre.
The Center’s officers and operators.
un outil considérable de simulation.
Depuis 1975, le Liban et les FAL ont traversé des épreuves très douloureuses entre les épisodes de guerre civile, les invasions
étrangères et fait nouveau, le combat anti-terroriste. Cette histoire récente a convaincu le commandement de la nécessité de
tirer les leçons du passé. Dans ce cadre, la simulation a donc un rôle essentiel à jouer.
Cette conviction a malheureusement été confirmée et renforcée par les événements majeurs évoqués plus haut : la guerre
de 2006 et l’affaire de Nahr el-Bared en 20072. Le centre JANUS, alors en pleine construction, a dû « mémoriser » ces
épisodes dramatiques.
Grâce au système JANUS, il est donc maintenant possible aux officiers de poursuivre l’entraînement sur des cas concrets
qu’ils ont souvent eux-mêmes vécus pour tirer toutes les leçons nécessaires afin d’utiliser au mieux le terrain et les
matériels.
La fréquence des exercices réalisés au centre est de un à deux par mois, de type offensif, défensif, et combat en zone urbaine
ou combat anti-terroriste, de niveau régiment, groupement tactique interarmes (GTIA) ou brigade.
La subordination du centre est double :
- ECEM pour la formation tactique des officiers stagiaires (6 exercices/an) ;
- Commandement de l’Armée pour l’entraînement des unités opérationnelles (brigades interarmes ou régiments) sur un
terrain modélisé correspondant à leur zone de responsabilité, à la visualisation et la mesure, sur le terrain, des
conséquences des décisions prises (6 états-majors de brigade ou régiments/an).
Par ailleurs le centre est amené à intervenir au profit des écoles militaires et autres centres de formation.
2 Les FAL ont consenti à de lourds sacrifices au service de l’intégrité du Liban : lors de l’opération de réduction de cellules terroristes au Camp de Nahr el-Bared en 2007,
les FAL ont perdu 172 hommes, tués en un mois et demi d’opérations, pour un effectif proche de 50 000 hommes.
57
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
57 AVRIL 2012
Montage des exercices
JANUS constitue un outil indispensable à l’Armée libanaise, car il permet d’identifier et analyser les erreurs commises durant
l’exercice afin de ne plus les reproduire sur le terrain.
Chaque exercice est constitué de la manière suivante : - définition du cadre pédagogique (objectifs) et du thème tactique (situations générale et particulière) ;
- rédaction des ordres d’opération ennemi et ami ;
- réalisation du terrain JANUS (carte numérique) ;
- réalisation du scénario JANUS (définition et organisation des forces) ;
- tests du terrain et du scénario.
C’est la raison pour laquelle, un dialogue s’instaure entre le demandeur (ECEM ou unité opérationnelle) et le chef du centre,
afin de valider les objectifs pédagogiques.
La prise en compte des cinq points précédemment énoncés facilite considérablement la rédaction du dossier d’exercice. La
cohérence et la transparence sont les mots clés pour que les joueurs puissent mener une séquence aussi réaliste que
possible.
La phase finale de l’exercice est l’Analyse Après Action (AAA) qui dure pour 3 heures et utilise deux outils : l’outil d’analyse
graphique des «runs » (rejeu et diapositives), et l’outil d’exploitation des données des «runs » (Janalyse). Elle répond à trois
questions :
- ce que vous deviez faire (les joueurs et l’ennemi expliquent pourquoi et comment ils ont préparé leur idée de manœuvre) ;
- ce que vous avez fait (comment les joueurs ont conduit leur manœuvre) ;
- si c’était à refaire ? (le chef du centre présente une explication détaillée basée sur les prises écrans de la DIREX et du
logiciel Janalyse.
Alors comme vous pouvez donc le constater, JANUS au Liban requiert du temps, beaucoup de temps… comme en France !
objectifs futurs
Si le centre fonctionne de manière satisfaisante, nous devons poursuivre notre effort d’anticipation et rester inventifs. Nous
sommes conscients que ce système sera toujours perfectible au gré des progrès technologiques et des évolutions tactiques
ou doctrinales. Là aussi réside l’intérêt de notre mission pour la préparation du futur : acquérir de nouveaux systèmes de
simulation de niveau opérationnel, et technique comme le Système d’Observation des Tirs de l’Artillerie (SOTA), et
ROMULUS pour l’infanterie et les blindés, afin de créer un centre de simulation global au profit de l’Armée libanaise.
Le bilan après seulement quelques années d’existence est à la fois riche et très encourageant. La première certitude acquise
est que cet outil a pleinement démontré son utilité pour préparer les FAL à la moyenne et haute intensité avec pour objectif
de réduire les pertes.
Pour nous, Armée libanaise, la simulation est devenue notre meilleure cuirasse !
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
58 AVRIL 2012
International
La
simulation
au
sein
des forces terrestres néerlandaises
Lieutenant-coLoneL Peter Van SorGen,
officier de LiaiSon (interarméeS) néerLandaiS auPrèS du cdef et cPco juSqu’à L’été 2011
L’
armée néerlandaise confirme sa
volonté de donner un rôle central à
la simulation pour la formation initiale,
l’entraînement et la préparation des
forces. Elle se dote du moyen de
rationnaliser et coordonner l’utilisation
d’un panel d’outils très complet, elle
prépare le futur, cherchant à intégrer la
simulation dès la conception des
programmes.
The Dutch Army has confirmed its
willingness to have simulation play a
major part in basic and advanced
training, and force readiness. It is
acquiring the capability to rationalize
and coordinate the use of a very
comprehensive panel of tools; it is
preparing the future, looking for ways to
integrate simulation from the design of
programs.
un jeu virtuel ou un modèle sérieux indispensable ?
E
© Requests and inquiries should be directed
to: Director-General, Simulation Australian
Defence Simulation Office - Russell Offices
[R1-3-B065]
Canberra ACT 2600 AUSTRALIA
n 2006, dans le numéro 10 de cette même revue, mon camarade et compatriote, le lieutenant-colonel Georges
Uilenbroek, avait déjà écrit un article sur le simulateur TACTIS, développé par THALES France pour l’entraînement
tactique intégré des unités mécanisées, du niveau équipe à celui de la compagnie. Ce système, véritable fleuron de la
simulation de l’armée de Terre néerlandaise, a été livré fin 2011 après une période de développement et de construction
d’environ 14 ans. Malgré de fortes réductions d’effectifs, décidées par le ministre de la Défense en début 2011, le
Commandement des forces terrestres néerlandaises (CLAS) a pu poursuivre ce projet prestigieux au coût total de 84,1 M€.
La volonté de conserver ce projet montre déjà que le CLAS attend beaucoup de ce système. De plus, une étude sur les
possibilités de le connecter à d’autres systèmes (FAC, STINGER, GILL, etc.) est en cours.
La maquette du nouveau bâtiment du système de simulation TACTIS à Amersfoort, Pays-Bas.
Scale model of the new building for the TACTIS simulation system in Amersfoort, the Netherlands.
L’importance que le CLAS donne au système TACTIS montre que, même si tout n’est pas parfait dans l’armée néerlandaise, il
y a une volonté certaine de donner un rôle central à la simulation pour la formation initiale, l’entraînement et la préparation
des forces.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
59 AVRIL 2012
Suite à l’annonce du 8 avril 2011 portant sur la réduction, pour la défense néerlandaise, d’un milliard d’euros et d’environ
12 000 hommes, il est évident que le CLAS cherche à rationaliser l’emploi de ses moyens. La simulation et les simulateurs
peuvent donc remplir le vide crée par les réductions, c’est pourquoi a été lancé un projet qui a pour but d’inventorier tous
les systèmes existants, leur application et les possibilités de les intégrer, voire de les connecter entre eux. Ce travail a
également entraîné le besoin de posséder une vision claire sur l’avenir de la simulation et sa raison d’être, sur son
intégration au sein du CLAS et son emploi pour l’enseignement, l’entraînement ainsi que la préparation des forces à
l’engagement.
Globalement, l’armée de Terre néerlandaise a la même approche que les autres partenaires internationaux : la simulation
doit permettre de réaliser des économies, améliorer les possibilités et réduire les risques.
Partant de là, le CLAS a défini quatre domaines dans lesquels la simulation doit se focaliser :
 Formation et entraînement (F&E);
 Développement conceptuel et expérimentation ;
 Acquisition basée sur la simulation ;
 Soutien du commandement.
En analysant l’utilisation des systèmes de simulation
actuels, on peut constater qu’on se focalise pour l’instant
surtout sur les domaines de la formation et de
l’entraînement, du soutien au commandement et dans une
moindre mesure sur les deux autres domaines, bien qu’il
existe une forte volonté de les appliquer également pour
ces fins. Ce constat peut être expliqué par le fait que
l’introduction de la simulation était basée jusque-là sur
une procédure incrémentale ou l’initiative était souvent
prise au sein des armes, sans coordination structurelle
avec les autres armes, voire armées. Ainsi actuellement, le
CLAS est doté de sept systèmes interarmées (Stinger,
NRBC, armes petit calibre, observation, etc.) et de 19
systèmes connectés aux forces terrestres. De plus, il existe
six projets en cours dont le « Command and Staff Trainer »
(CST) et le « Air Defence Operations Simulator » (ADOS). La
plupart des systèmes sont installés dans les différentes
écoles d’armes ou dans les brigades. Aussi, pour des
raisons tant de doctrine que de bonne gestion et dans le
but de créer une synergie et coordonner l’ensemble des
systèmes, un organisme a été créé en 2007 au sein du
CLAS. Il s’agit du Centre de simulation de l’action terrestre (SimCen Land) qui est centre d’expertise pour le domaine M&S
(modeling and simulation). Il est responsable de la politique de simulation et de son innovation. Au sein de la défense néerlandaise, on distingue trois types de simulateurs principaux : les simulateurs
virtuels, «live» et constructifs.
Les simulateurs virtuels se caractérisent par le fait que des hommes les équipent et conduisent et que l’infrastructure, le
terrain et les matériels sont simulés. Le système TACTIS en est un exemple, mais également les « Jeux Sérieux1 » appartiennent
à ce type là.
Dans un simulateur « live », le système opérationnel, comme par exemple le VBCI ou le char, est équipé par des hommes dans
un environnement réel. Les effets de leurs actions sont simulés et enregistrés (feu, contamination NRBC, etc.). Un exemple
d’un tel système est le Centre mobile d’entrainement de combat (MCTC2). Le simulateur constructif, simule des humains, le
terrain et l’infrastructure, ainsi que le matériel. On classe le système « Command and Staff Trainer » sous ce genre de
systèmes. La simulation constructive a pour but d’entraîner le chef et son état-major au processus de planification et à la
prise de décision. Les unités subordonnées ainsi que la logistique peuvent également être simulées.
1 En anglais : Serious Games.
2 En anglais : Mobile Combat Training Center.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
60 AVRIL 2012
International
A l’heure actuelle, les simulateurs jouent un rôle dans la formation et l’entraînement des militaires selon le principe du
« ramper-marcher-courir ». Ce principe est basé sur le fait que l’individu, pendant sa formation ou son entraînement, sera
confronté à des situations de plus en plus complexes. Il implique qu’au début, on utilise des systèmes de simulations
(souvent du type virtuel) avant de s’entraîner dans des situations réelles (champ de tir, MCTC). Cela vaut aussi pour un cadre
supérieur, qui avant de participer à un CAX soutenu par le Command and Staff Trainer, doit développer ses capacités
individuelles ainsi que celles à tenir sa place comme membre de l’état-major. Mais actuellement, l’utilisation des différents
simulateurs ainsi que leur rôle et place dans le processus de formation et d’entraînement ne sont pas bien définis. De plus,
l’utilisation est souvent confiée aux commandants d’unité, un aspect qui, allié au fait que les simulateurs sont souvent
utilisables seulement pour des tâches spécifiques, empêche un emploi efficace des simulateurs existants. C’est également la
raison pour laquelle on cherche à développer des simulateurs polyvalents et à interconnecter les différents simulateurs
existants. Bien que les simulateurs soient déjà utilisés pour la préparation des forces avant la mission, il y a peu de RETEX
concernant l’impact de la simulation, autre que des témoignages d’utilisateurs. Pour la préparation de la mission en
Afghanistan par exemple, les militaires ont été capables de s’adapter au terrain en Ourouzgan en utilisant le jeu
sérieux « Virtual Battle Space 2 » (VBS2). Dans le cadre de l’évolution de la mission, le CLAS est en train de créer un terrain
numérisé pour la région de Kunduz. Dans la plupart des camps d’entraînement aux Pays-Bas ainsi que dans celui de BergenHohne en Allemagne, existent déjà des « environnements géographiques spéci-fiques 3D » qui permettent de se préparer avec
VBS2 ou « Steelbeast-pro » avant d’exécuter un entraînement réel.
© Landmacht N° 4, juin 2011
Concernant l’avenir de la simulation au
sein de l’armée de Terre néerlandaise,
quelles tendances voit-on se dessiner ?
D’abord, une croissance explosive de
l’utilisation des jeux sérieux (serious
games) pour l’entraînement et la
préparation des forces. Cette tendance
répond aux attentes d’une jeunesse
familière du « numérique ».
« image numérique de Tarin Kowt, Ourouzgan ».
“Digital picture of Tarin Kowt, Uruzgan”.
Ensuite, une utilisation croissante de la
simulation dans les domaines du
« développement conceptuel et expérimentation » et celui de l’« acquisition ».
Toute nouvelle doctrine sera testée dans
un simulateur avant son application. De
même, l’aptitude de nouveaux matériels
sera évaluée avant acquisition.
Enfin, le nombre d’interconnexions entre systèmes différents, ira en s’accroissant, ce qui rendra l’utilisation de ces systèmes
plus efficace et permettra aux chefs de mieux entraîner leurs unités dans un cadre interarmes. Ainsi, on peut imaginer la
connexion entre TACTIS et le « Command and Staff Trainer » ou encore entre TACTIS et le simulateur des hélicoptères
d’attaques « Apache ». On peut également envisager la connexion entre les systèmes de simulation de la défense aérienne
(ADOS), celui du contrôle avancé aérien (FACsim), VBS, et enfin celui de coordination des tirs interarmées (JFTES).
Pour cela il est essentiel que les systèmes futurs puissent communiquer et partager les mêmes langages numériques, voire
les mêmes standards et architectures. Concernant les jeux sérieux, notons qu’il existe déjà une connexion entre Virtual Battle
Space (VBS) et le système de numérisation de l’espace de bataille (NEB3).
En conclusion, on peut dire que l’armée de Terre néerlandaise est bien armée dans le domaine de la simulation pour faire face
aux défis de l’avenir. Mais pour une utilisation plus efficace des systèmes de simulations, il faut que la simulation soit mieux
intégrée et ancrée dans les programmes génériques de formation, d’entraînement et de préparation opérationnelle et qu’il
existe un organisme responsable de la coordination de l’intégralité du domaine

3 En anglais : Battlefield management system (BMS)
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
61 AVRIL 2012
La Prospective et veille technologique :
un investissement utile
Lieutenant-coLoneL christian VaLLY, officier coordination des études de La dsro du cdef
L
a
division
simulation
recherche
opérationnelle de la DSRO a reçu pour
mission d’assurer, pour l’armée de Terre, la
mission de prospective, veille technologique
et capitalisation. Cette mission est remplie
grâce à la mise en place d’une démarche,
appuyée par des outils, permettant de
partager les connaissances. En effet,
l’activité de PVTC englobe de nombreux
domaines en vue d’anticiper les besoins des
forces pour l’entraînement et la préparation
opérationnelle. Il suffit de voir l’évolution
passée des systèmes de simulation pour être
convaincu de l’utilité de cet investissement
humain.
ous les ans, dans la ville d’Orlando, en Floride, se
tient le salon IITSEC (interservice industry training
simulation and education conference). Cet
évènement représente pour la simulation ce qu’est le salon
du Bourget pour le monde de l’aviation.
T
The Simulation and Operations Research
Division (DSRO) has been tasked to
conduct, at Army level, forecast,
technology watch and capitalization.
This mission is achieved through
the implementation of a tool-supported
approach which makes it possible to
share knowledge. These activities cover
in fact many areas in order to anticipate
the needs of the forces as regards
training and readiness. One has only to
consider the past evolution of simulation
systems to be convinced of the utility of
this human investment.
issues majoritairement du monde civil, au premier rang
desquelles on peut citer l’intelligence artificielle, le
développement logiciel ou le perfectionnement du matériel
informatique.
Outre l’impressionnant hall d’exposition, où tous les
industriels qui veulent tenir leur rang dans le monde de la
simulation exhibent leurs réalisations, de nombreux
exposés sont faits sur des sujets variés. Il peut y être
question de nouvelles architectures et de cycle de
développement, d’intelligence artificielle, ou bien de
l’évaluation de l’efficacité de l’entraînement d’un groupe
de combat de l’USMC avec simulation.
La DSRO participe à ce rendez-vous international au titre
de la mission qu’elle a reçue pour l’armée de Terre : assurer
la prospective et la veille technologique du domaine de la
simulation. C’est un travail permanent qui vise à faire le
lien entre les avancées technologiques et les besoins des
forces, pour l’entraînement, la préparation des missions ou
l’aide à la décision. La prospective résulte d’ailleurs d’une
démarche active qui l’amène parfois à devancer
l’expression du besoin.
Les thèmes qui y sont abordés ont une richesse permise
par la particularité de ce domaine. Les progrès y sont en
effet provoqués par les innovations dans des disciplines
Ainsi, en quelques jours, les participants rapportent une
abondante moisson de renseignements qu’il faut exploiter.
En effet, il ne s’agit pas seulement de savoir quels sont les
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
62 AVRIL 2012
« de l’autre côté de l’écran »
produits du dernier cri qui pourraient équiper nos salles
d’entraînement, mais plutôt de traduire ces observations
en enseignements. Devant un écran plat ultra-haute
définition, un simulateur d’évacuation de blindé
endommagé par un IED, ou à l’écoute de l’exposé des
derniers progrès de l’architecture de haut niveau, il faut se
poser chaque fois la même question : « et alors ? ». La
compréhension du phénomène observé n’est rien, si elle
n’est assortie d’un avis de spécialiste.
Celui-ci devra se prononcer sur des sujets divers : quelles
conséquences pour ceux qui s’entraînent, ceux qui
conçoivent et développent des systèmes de simulation ou
ceux encore qui les mettent en œuvre ? Quels
enseignements aussi pour ceux qui préparent les
exercices, les conduisent, ou mènent l’analyse après
action ? Quelle place donner à un exercice conduit sur
simulation dans le cycle de l’instruction, l’entraînement ou
la préparation de mission ? La vision ne doit pas se limiter
à l’aspect technique de l’outil, mais aussi porter sur la
manière dont pourra évoluer l’ensemble de la chaîne des
activités d’entraînement et de préparation des forces, pour
mieux répondre aux besoins opérationnels.
La démarche, la capitalisation
La prospective peut se faire suivant plusieurs démarches. Il
peut être choisi d’explorer l’éventail des possibilités à
partir de la granularité la plus fine et remonter vers le
système entier, ou au contraire avoir une approche globale
avant de ne détailler que certaines parties du système de
simulation. Il peut aussi être décidé de décrire d’abord ce
que l’on veut puis entamer les recherches, ou d’observer
tous azimuts, quasiment « le nez au vent », sans préjuger
de l’utilité des résultats, et faire un tri a posteriori.
Aucune des solutions ne convient parfaitement, un peu de
chacune est nécessaire. La DSRO a fait le choix du travail
d’équipe, regroupant différents profils qui doivent se
compléter : méthodique ou intuitif, adepte de l’approche
fonctionnelle ou passionné de nouveauté technologique1.
La veille technologique est alors l’affaire de tous, et les
actions sont soumises à une coordination qui doit ellemême répondre à deux objectifs contradictoires : être
efficace, car le temps est compté, tout en laissant une
certaine liberté à l’exploration.
1 Le mot exact serait «geek».
DSRO/CDEF
Les évolutions de JANUS.
JANUS evolutions.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
63 AVRIL 2012
Mais surtout, l’ensemble des observations et avis doit être
considéré comme un capital à faire fructifier. En effet, il ne
suffit pas de compiler les observations dans un compte
rendu, aussi précis et synthétique soit-il. Il faut pouvoir
retrouver une information, parfois quelques années plus
tard, ou sous un angle qui n’est pas celui initialement
prévu. Ainsi, des observations faites sur les architectures
techniques virtuelles, initialement destinées aux ateliers
de développement, peuvent être utiles à l’organisation des
exercices.
Le travail de capitalisation de la connaissance est le dernier
maillon de l’activité de veille technologique. Plus
qu’important, il est indispensable, sous peine de voir
dépensée en vain l’énergie pour des recherches.
La DSRO organise annuellement un séminaire, destiné à
extraire les chargés d’études de leurs tâches quotidiennes
pour se consacrer pleinement au sujet : partage des
observations, des connaissances, établissement des axes
de recherche pour l’année à venir sont au programme.
De plus, elle se dote des moyens simples et conviviaux
offerts par la technologie moderne. C’est ainsi qu’elle
dispose d’un outil dénommé WIKI2, qui permet à
l’ensemble de l’équipe d’apporter sa contribution, et à tout
chercheur, par le jeu du moteur et des liens, de retrouver la
connaissance sur un sujet.
Cet outil est un appui précieux, pour peu qu’il soit enrichi
et actualisé. Mais il reste que seul l’esprit humain est
capable de faire des rapprochements, des analogies et
surtout d’être créatif. L’expérience reste un atout. Ainsi, à
titre d’exemple, la DSRO s’est intéressée à un système de
reconnaissance vocale, initialement prévu pour enregistrer
des commandes de chambre d’hôtel, mais qui pourrait
permettre de commander à la voix des entités simulées. La
mise au point d’un tel outil reste toutefois longue.
Les réalisations, les perspectives.
Il est difficile d’exhiber une réalisation spectaculaire
directement issue de l’activité de veille technologique.
C’est plutôt dans la durée que se verra l’efficacité de ce
travail long, méthodique, parfois ingrat car ponctué de
leurres et de fausses pistes qui ne se révèlent comme telles
qu’une fois qu’on est arrivé au bout.
Pourtant, il suffit de voir l’évolution de l’interface JANUS
depuis 20 ans pour comprendre que si la veille
technologique ne produit rien, rien ne se produit sans elle.
2 Le site WIKIPEDIA, sur internet, en est l’exemple le plus emblématique.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
64 AVRIL 2012
De nombreux axes de recherche existent.
Ainsi, la DSRO s’investit dans les sessions de travail de la
SISO (simulation interoperability and standardization
organisation), au cours desquelles la communauté de la
simulation se retrouve. Utilisateurs, industriels,
chercheurs, représentants d’agences publiques ou
militaires font avancer les chantiers de l’interopérabilité
des simulations entre elles, du dialogue entre simulations
et systèmes d’information, de la réutilisation des modèles.
Ces travaux ouvrent la voie vers des systèmes de
simulation qui pourraient être construits à la demande, en
fonction du besoin de préparation opérationnelle d’une
unité.
La DSRO suit également les progrès de l’intelligence
artificielle qui devrait rendre l’animation encore plus
réaliste et immerger l’entraîné dans des situations
complexes. Ces progrès prennent en compte non seulement
les affrontements directs, mais aussi les luttes d’influence, le
jeu des alliances, la dimension médiatique, l’action d’un
individu isolé comme celle du groupe.
On peut aussi imaginer un produit futur qui permettra à
l’équipage d’un blindé, manœuvrant en terrain libre, de
détecter un objectif et de le traiter avec l’armement de
bord. Cela sera possible grâce à un moteur de simulation
qui, connaissant la situation tactique, relié à l’électronique
de bord et au système d’information opérationnel, fait
apparaître les objectifs dans la lunette de visée lorsque
l’ennemi se dévoile, prend en compte les tirs simulés et
anime l’environnement. Un tel système procurerait à la fois
réalisme et simplicité dans la réalisation d’exercice.
conclusion :
Loin de l’image idéalisée du savant génial isolé dans un
laboratoire, la veille technologique et la capitalisation des
connaissances sont des activités pour lesquelles patience
et longueur de temps sont les maîtres mots. Mais elles sont
indispensables à ceux qui contribuent à l’amélioration des
systèmes de simulation, car elles les arment de
connaissances qui tiennent en respect les charlatans,
assurent l’indépendance de leur jugement, et leur
permettent de faire valoir les intérêts des forces
« de l’autre côté de l’écran »
Les enjeux et défis de la modélisation
de la zone urbaine
et des actions de stabilisation
Lieutenant-coLoneL RodoLphe QueMeRaiS, chef du pRojet januS fRance de La dSRo du cdef
A
fin
de
pouvoir
proposer
des
environnements d’entraînement cohérents et adaptés aux nouveaux engagements,
la simulation a du s’adapter et prendre en
compte le RETEX des opérations récentes,
ainsi que le résultat des travaux doctrinaux
réalisés dans le domaine du combat en zone
urbaine. Créer de nouveaux modèles, les faire
valider par les opérationnels, trouver le juste
milieu entre le besoin et les possibilités
techniques, tels sont les principaux défis qu’il
nous faut relever. Aidé par les progrès
techniques réalisés principalement au profit
des jeux du commerce, les simulations
proposent désormais des solutions adaptées
aux actions de stabilisation et nécessaires à la
formation et l’entraînement de nos unités.
N
ul ne peut contester le rôle désormais
incontournable de la simulation pour la formation
du personnel et la préparation opérationnelle des
forces terrestres. Cependant, l’économie financière que
peut engendrer l’emploi de la simulation n’est pas l’unique
raison de sa généralisation. La simulation, moyen
complémentaire des méthodes classiques d’entraînement,
permet, dans bien des cas, d’offrir aux entraînés un
environnement d’animation plus riche et une mise en
situation impossible à reproduire sur le terrain lors d’un
exercice classique.
Toutefois, si les moyens de simulation ont atteint un
excellent niveau de maturité pour représenter les
affrontements conventionnels, la prise en compte dans ces
systèmes des contraintes liées aux engagements actuels
ou les plus probables, n’est qu’au mieux assez récente et
souvent partielle.
In order to offer consistent training
environments which are tailored to the latest
commitments, simulation has had to adapt
and take into account the lessons learned
from recent operations, as well as the results
of doctrinal work in the field of military
operations on urbanized terrain (MOUT).
Create new templates, have them validated
by the operational side, strike the right
balance between needs and technical
capabilities – such are the main challenges
that we must meet. Aided by technical
progress mainly conducted for off-the-shelf
trade games, simulation now offers solutions
tailored to stabilization actions and
necessary for the initial and advanced
training of our units.
Le motif de cette adaptation encore incomplète résulte de
la complexité extraordinaire qui caractérise l’environnement dans lequel les forces terrestres doivent
désormais se projeter. Echouer dans la modélisation de
ces nouveaux environnements reviendrait cependant, pour
l’armée de Terre, à ne plus disposer d’outils de simulation
adaptés à la préparation opérationnelle de ses forces. Des
évolutions récentes qui touchent le monde de la
simulation permettent raisonnablement d’estimer que ce
défi pourra être relevé.
La modélisation au cœur de tous les enjeux.
Simuler une réalité consiste à en assurer une
représentation imparfaite mais acceptable aux yeux de ses
utilisateurs. Cette représentation s’obtient grâce à
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
65 AVRIL 2012
l’élaboration de modèles (la modélisation) qui sousentend une compréhension des phénomènes à
représenter et une capacité à les intégrer dans le système
de simulation.
Une simulation est donc bâtie sur un ensemble de
modèles. Leur nature est variable : elle peut être physique
(une arme factice), mathématique (un algorithme
décrivant la balistique d’un projectile) ou logique (un
schéma décrivant une organisation).
En fonction de la nature de la simulation, la complexité
d’un modèle peut être très variable. En première approche,
pour l’opérationnel, il pourrait paraître souhaitable de
disposer de modèles très complexes permettant d’obtenir
une grande précision dans la représentation des
phénomènes qu’ils décrivent. En pratique, des contraintes
techniques imposent de les simplifier pour, en particulier,
limiter les calculs qu’elles engendrent. La modélisation est
donc un compromis permanent entre le besoin de
l’utilisateur et les possibilités de la technique. Ainsi, pour
une simulation destinée à entraîner un état-major de
niveau 2, il sera nécessaire de s’interroger sur la pertinence
de modéliser individuellement chaque homme de cette
unité.
Tout officier ayant suivi le cours d’état-major a directement
été confronté à l’utilisation d’un modèle, comme, par
exemple, le tableau des pertes classiques qui fournit une
catégorisation des blessés (5% en extrême urgence, 25% en
1ère urgence, etc.) utilisé pour planifier les besoins en moyens
d’évacuation. Il s’agit bien d’un modèle, validé par le service
de santé des armées. Il peut être considéré comme valide. Il
est accepté comme tel par le stagiaire, néophyte dans le
domaine de la santé, pour caractériser les pertes globales
vues du niveau de la brigade. De fait, une simulation qui ne
reproduirait pas une telle répartition des blessés susciterait
la méfiance de ses utilisateurs dans ce domaine et
l’entraînement échouerait pour une part des objectifs.
La validité d’un modèle n’est pas nécessairement
perceptible par l’utilisateur. Dans ce cas, l’utilisation d’un
modèle invalide dans une simulation peut provoquer un
« entraînement négatif ». Cela se produirait par exemple
avec un simulateur de tir dans lequel le modèle balistique
de la munition tirée serait erroné et qui habituerait le tireur
à corrections inutiles. C’est bien pour limiter ce type de
risque que la préparation en simulateur ne se substitue
jamais intégralement aux tirs réels.
© DSRO/CDEF
Définir le juste niveau de simplification des modèles n’est
pas suffisant. Ceux-ci doivent être « valides1 » pour ne pas
offrir une représentation trop imparfaite de la réalité qu’ils
sont supposés traduire.
La validité des modèles conditionne le degré de confiance
que l’utilisateur de la simulation lui accordera. La prise en
compte de cet aspect psychologique est cruciale dans le
cadre de l’entraînement. La défiance de l’entraîné remettra
systématiquement en cause son adhésion lors des
exercices et l’atteinte des objectifs associés.
Capture d’écran de logiciel de modélisation 3D Blender (produit libre) et représentant un modèle simpliste de maison
(donnée libre issue du site turbosquid.com).
Screenshot of 3D Blender modeling software (freeware), displaying a basic model of house (free data from
the turbosquid.com website).
1 Terme consacré dans le domaine de la simulation pour décrire la validité d’un modèle.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
66 AVRIL 2012
« de l’autre côté de l’écran »
La modélisation, dans le respect des principes de juste
simplification et de validation, représente un véritable défi
pour l’adaptation et la conception de nos outils de
simulation aux engagements actuels et les plus probables.
Le défi de la modélisation des environnements
actuels.
La prise en compte des engagements en zone urbaine
(ZUB) ou d’actions de stabilisation dans la simulation est
de nature à introduire, pour la majorité de ses modèles, un
niveau de complexité bien supérieur à celui requis pour
les engagements conventionnels. Dans de nombreux cas, il
est impossible d’adapter convenablement les simulations
en service aux exigences de ces nouveaux environnements. De même, le développement de nouvelles
simulations intégrant la complexité de ces contraintes
constitue un véritable défi.
Deux exemples connus des opérationnels permettent
d’illustrer cette difficulté d’adaptation des systèmes actuels.
Un système de simulation instrumenté utilisant un
dispositif laser pour simuler des tirs présentait déjà des
limites dans le cadre d’un entraînement pour un
engagement conventionnel. Par exemple, le feuillage d’un
buisson arrêtera le laser se substituant au tir de l’arme
réelle. Cette limitation a pourtant été jugée globalement
acceptable pour un entraînement en terrain ouvert. Un
dispositif de ce type est pourtant loin de satisfaire aux
exigences du combat en ZUB. Un tir laser ne traversera pas
une simple vitre ou un mur de faible épaisseur
contrairement à la munition qu’il est censé simuler.
Jusqu’à présent, pour l’entraînement des postes de
commandement (PC) des niveaux GTIA et supérieurs, la
simulation constructive représentant une carte et des
unités en deux dimensions, à l’instar de la visualisation
offert par les SIOC, a donné une grande satisfaction. Ce
type de représentation offre l’avantage d’être techniquement facile à réaliser, même si les modèles sousjacents intègrent des données en trois dimensions (par
exemple, l’altitude des bâtiments ou des aéronefs2). Dans
le cadre des engagements actuels, et de plus en plus à
l’avenir, le PC dispose des images en temps réel fournies
par les capteurs des drones. Cette information vidéo est de
nature à améliorer le processus de décision. Pour être
complet, l’outil de simulation se doit de produire de telles
images avec un niveau de réalisme acceptable, ce qui dans
le cas d’une simulation constructive revient à introduire un
environnement en trois dimensions extrêmement complexe
à créer.
L’incapacité de certaines simulations à évoluer imposera
d’en concevoir de nouvelles capables de prendre en
compte de nouveaux environnements. Cette tâche n’en
représente pas moins un défi.
La modélisation d’une zone urbaine réaliste est particulièrement complexe, quel que soit le niveau de granularité
de la représentation retenu. Ainsi, pour modéliser un
bâtiment, il sera nécessaire de s’interroger sur la
pertinence des paramètres à intégrer comme l’épaisseur
des murs, la résistance des matériaux utilisés. Ces
paramètres n’ont aucun sens ou presque, si des calculs
physiques extrêmement précis ne permettent pas de les
prendre en compte pour déterminer par exemple si un
projectile donné pourra ou non traverser ce mur, comment
son énergie cinétique sera
modifiée après avoir traversé et
dans quelle mesure le bâtiment
sera endommagé.
© COMALAT
Le cas évoqué ci-dessus, même s’il
est complexe, fait appel à des
modélisations existantes. Il est
d’autres domaines connexes aux
engagements de type stabilisation
qui fait appel à des travaux de
recherche encore expérimentaux.
Le défi de la complexité du milieu urbain.
Complexity as a challenge in an urban environment.
Il est difficile de concevoir une
simulation future pour l’entraînement des forces ne représentant
pas le milieu civil qui peuple une
zone urbaine. Les modèles
préalablement conçus dans les
simulations pour représenter le
comportement des soldats ne
correspondent pas à celui des
figurants civils. Ceux-ci doivent
présenter un comportement aussi
bien individuel que collectif (une
2 On parle alors de simulation en 2,5D.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
67 AVRIL 2012
foule) et réagir de façon particulière aux évènements. Dans
ce cadre, une infinité de question peuvent alimenter les
travaux de conception d’une simulation répondant aux
nouvelles de la préparation opérationnelle des forces.
Typiquement, comment un groupe d’individu réagira à un
attentat à l’explosif, à un accident de la route provoqué par
les forces de stabilisation ? En quoi, les actions des affaires
civilo-militaires réalisées lors des semaines précédentes
influenceront favorablement ou défavorablement ces
actions ?
Il est alors évident que même les opérationnels à l’origine
du besoin exprimé seront bien en peine de donner des
éléments statistiques ou des règles permettant de décrire
de tels comportements qui pourraient être modélisés par
les simulations.
La réalisation des modèles décrivant les nouveaux
environnements est toujours soumise à des fortes
contraintes de performances. D’une manière générale, le
niveau de complexité de la modélisation croît plus vite que
les performances des systèmes informatiques. De plus, ce
travail nécessite une implication sans faille des
fonctionnels à l’origine du besoin et des connaissances
fondamentales bien souvent hors de portée des
concepteurs de simulation. Ce constat pourrait laisser
croire que de nombreux aspects de la modélisation de la
ZURB et des actions de stabilisation ne pourraient jamais
être modélisés. Il n’en est rien car le monde de la
simulation est en train de vivre une révolution.
La révolution prévisible du monde
de la simulation.
Le domaine de la simulation informatisée a accusé un
retard significatif par rapport aux sciences informatiques,
notamment dans le cadre de la conception d’applications.
La réutilisation des composants logiciels et l’interconnexion de ces derniers est un concept éprouvé de
longue date dans l’informatique de gestion. Il est à l’état
quasi-expérimental pour la simulation. Depuis peu, la
simulation connait néanmoins des progrès sensibles dans
ces domaines : amélioration des standards d’interconnexion
mais aussi commercialisation d’une offre sans cesse accrue
de composants «sur étagère » permettant par exemple la
modélisation de foules, de drones ou encore d’intelligence
artificielle, sans parler des moteurs de simulations prêts à
être adaptés pour répondre à tout type de besoin.
Il est par ailleurs nécessaire de rappeler le lien étroit qui lie
le monde du jeu vidéo et celui de la simulation. Leurs
objectifs diffèrent mais les technologies sont pour
l’essentiel partagées. Ainsi la modélisation d’environnements en trois dimensions qu’offrent certains
simulateurs est directement issue des progrès réalisés
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
68 AVRIL 2012
dans les jeux vidéo. La simulation bénéficie au moins
indirectement des importantes sommes investies
annuellement dans le marché du jeu, gage d’évolution
technologique rapide.
Enfin, la simulation bénéficie des progrès de la recherche.
Le milieu urbain et le facteur humain le caractérisant n’est
pas qu’une préoccupation de la Défense. Ce type de
modélisation est donc plus que jamais au cœur des
objectifs de la recherche. La simulation militaire tirera
nécessairement des bénéfices de ces travaux. Par
exemple, la modélisation des communications radio en
ZURB est particulièrement avancée grâce aux problèmes
rencontrés par les opérateurs lors des déploiements des
réseaux de téléphonie mobile.
Toutefois, il est impératif de se garder d’un optimisme béat
face aux progrès de la technologie et de la recherche.
Celle-ci a un coût considérable, soit financier, soit en
temps de développement. Il s’agit souvent des deux. Trois
principes pourraient être adoptés pour garantir à l’armée
de Terre des outils de simulation adaptés aux nouveaux
types d’engagement.
Premièrement, pour un besoin donné, il faut que le modèle
soit le plus simple possible, tout en étant acceptable. Ceci
doit rester la préoccupation majeure des concepteurs,
même s’il s’agit de modélisations complexes comme
l’environnement ZURB ou les actions de stabilisation. Ceci
vaut particulièrement pour les simulations d’entraînement
aux procédures et à la répétition des cadres d’ordres. Les
simulateurs de tirs quant à eux nécessiteront toujours une
haute fidélité pour leurs modèles.
Le deuxième principe consiste à ne pas tout vouloir
modéliser dans la simulation. Dans bien des cas, un
message réalisé par une cellule d’animation décrivant un
incident suffit pour faire travailler convenablement un
poste de commandement. Les efforts doivent se limiter au
développement des modèles les plus fréquemment
sollicités et dont les résultats sont important pour la
cohérence de la simulation (modification de l’environnement, interactions entre unités, etc.).
Enfin, pour suivre la révolution que vit actuellement le
monde de la simulation, la Défense doit pouvoir compter
sur un véritable corps d’experts. Ceux-ci doivent être en
mesure d’accompagner les opérationnels dans une
définition réaliste des besoins et dans la validation des
modèles réalisés. Ils devront pouvoir proposer, et dans
certain cas conduire les travaux d’adaptations des
systèmes de simulation et la réalisation de nouveaux
modèles. Ils devront parfois aussi tempérer les ardeurs
des ingénieurs qui pourraient mettre à la disposition des
forces des démonstrateurs technologiques qu’eux-seuls
savent mettre en œuvre
« de l’autre côté de l’écran »
Du
jeu
vidéo
à
la
Simulation
:
l’âge de Maturité ?
Dr EmmanuEl CHIVa, HPC ProjECt Sa
P
résident de HPC Project SA, Emmanuel
CHIVA est un éminent spécialiste de la
simulation, connu et reconnu au-delà de
nos frontières. Visionnaire, il nous offre son
appréciation de la simulation militaire,
actuelle et future, mettant l’accent sur le
lien étroit qui existe entre elle et le jeu. Son
analyse claire et pragmatique place le
« wargaming» au cœur de la préparation
opérationnelle des forces.
Chairman of HPC Project SA,
Emmanuel CHIVA is a distinguished
specialist of simulation, well-known
and recognized beyond our borders. A
visionary, he offers his assessment of
current and future military simulation,
focusing on the close link that exists
with games. His clear and pragmatic
analysis puts wargaming at the heart of
force readiness.
C
omme Platon l’affirmait : «On peut en savoir plus sur quelqu’un
en une heure de jeu qu’en une année de conversation». A la fois
formateur, révélateur des traits de caractère et moyen d’ouverture
et de communication, le jeu est et a toujours été un outil de choix pour
la formation, l’instruction et l’entraînement. Sans revenir sur les origines
de la simulation militaire et du kriegspiel, il est clair que l’évolution de la
société civile dans ce domaine a permis de mettre dans les mains des
opérationnels des univers virtuels remarquables de réalisme, du moins
dans leur dimension visuelle, et pour des coûts de plusieurs ordres de
grandeur inférieurs au budget nécessaire à la réalisation d’une
simulation traditionnelle. Il y a donc une synergie évidente entre le
monde de la simulation et celui du jeu, ainsi que de nombreux apports
mutuels. Au-delà des idées reçues, cet article a pour objectif de fournir
une vision pragmatique et prospective des échanges et apports entre ces
deux domaines, dans le contexte de la préparation des forces.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
69 AVRIL 2012
es technologies du monde du grand public et du jeu vidéo en particulier ont aujourd’hui colonisé le domaine
- jusqu’alors réservé aux experts - de la simulation militaire. Pour s’en convaincre, il suffit de constater l’essor
d’un produit comme VBS2, issu d’un studio de développement de jeu pour le grand public (Bohemia
Interactive Software), et qui est devenu aujourd’hui une référence incontournable dans le monde de la simulation
pour la défense. Il permet en effet, pour un coût relativement modique – avant déploiement ! -, de développer
rapidement une simulation virtuelle, d’un fort niveau de réalisme visuel. On trouve là tous les facteurs qui
contribuent au développement du domaine : efficacité économique, fort impact visuel, facilité d’emploi.
L
On peut citer, sans y revenir, des succès comme Operation Flashpoint, Flight Simulator, Doom ou Harpoon,
initialement conçus pour le grand public et qui ont tous donné naissance à des dérivés professionnels pour la
formation ou l’instruction, notamment pour l’acquisition d’actes élémentaires ou réflexes.
© tHalES land & joint (2007)
Il est vrai qu’aujourd’hui, si la simulation emploie des techniques du jeu, c’est en grande partie en raison de la
transformation des jeux en véritables simulations. Le degré de réalisme imposé par les attentes de joueurs toujours
plus exigeants a nécessité, pour les studios, de se doter de logiciels de modélisation performants : moteur de
terrain, moteur physique, moteur d’animation ou moteur d’intelligence artificielle. C’est donc la fin des jeux dits
scriptés, ou un immense arbre de décision, cauchemar des développeurs, imposait une programmation rigide
incompatible avec la fluidité nécessaire à l’immersion du joueur.
Simulation d’une vue par imagerie thermique d’un drone à l’aide du logiciel VBS2, lors de l’expérimentation HARFANG.
Simulation of a view by thermal imaging of a drone with the VBS2 software, during tests of the HARFANG system.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
70 AVRIL 2012
« de l’autre côté de l’écran »
Depuis quelques années fleurissent ainsi de véritables simulations « grand public » : citons par exemple le jeu
Crysis, qui a révolutionné le monde du jeu de rôle par une esthétique extrêmement soignée, et un moteur graphique
de très haute qualité baptisé CryEngine. Ce moteur est aujourd’hui commercialisé dans le but de fournir un
composant sur étagères, prêt à l’emploi pour les simulations de défense. A titre d’exemple, le futur simulateur
d’entraînement du fantassin débarqué (Dismounted Soldier Training System ou DSTS) a été réalisé sur la base du
CryEngine3, pour un programme d’environ 40 millions d’euros. Il permettra aux entraînés d’évoluer dans un monde
fortement immersif, à l’aide d’un casque à affichage virtuel et munis d’une veste équipée de capteurs et de
systèmes à retour de force.
Les exemples de ce type sont nombreux : les moteurs physiques ou moteurs d’intelligence artificielle issus de
moteurs de jeu trouvent leur place dans la « boîte à outils » du développeur de simulation.
l’essor des Serious Games
Le développement du domaine baptisé par l’oxymore «Serious Games » témoigne également des interactions et
échanges entre les deux domaines. On pourrait définir un Serious Game comme une application utilisant les savoirfaire, les techniques et technologies du jeu vidéo afin d’atteindre des objectifs pédagogiques.
Là encore, les avantages sont multiples : en premier lieu, l’efficacité, par l’immersivité – c’est l’avantage le plus
évident – mais également par la mise à disposition de l’utilisateur d’un système plus léger, fonctionnant
généralement sur un simple portable (donc permettant une appropriation plus rapide), et accordant un droit à
l’erreur d’autant plus effectif que l’apprentissage peut avoir lieu dans un cercle privé.
Il s’agit d’une approche très attractive permettant de susciter rapidement l’adhésion et l’implication des
utilisateurs, et par voie de conséquence, leur fidélisation. L’armée américaine qui avait développé le jeu «America’s
Army » à des fins de recrutement, a parfaitement bénéficié de ce facteur d’adoption. Le jeu a d’ailleurs tellement
« pris » qu’il a été réintégré pour la formation des cadets de West Point au combat d’infanterie.
Citons également, et c’est là sans doute un avantage essentiel qui explique la progression rapide du domaine, la
rentabilité de l’approche, tant en termes de coûts de développement que de facilité d’emploi des outils (et donc de
raccourcissement du cycle de développement).
une révolution économique autant que technique
La simulation, comme le souligne Roger Smith du PEO STRI1, est en effet dans une phase de transformation par
l’apport de technologies, mais aussi de concepts économiques. C’est en particulier l’apparition du principe du
« long tail 2 », qui caractérise une distribution économique incluant des modules légers, commercialisés en tant que
services, et directement mis à la disposition de l’utilisateur.
Prenons l’exemple concret d’un simulateur d’entraînement au pilotage d’un véhicule. L’approche traditionnelle
consiste à développer un simulateur complet sur vérins, avec une visualisation immersive, un poste de pilotage et
des instruments parfaitement restitués. Cela demande des investissements importants, souvent de plusieurs
millions d’euros, et ne peut être réalisé qu’en faisant appel à un nombre très restreint de fournisseurs qualifiés ;
c’est le modèle «short tail ».
1 PEO STRI: US Program Executive Office for Simulation, Training and Instrumentation.
2 Anderson, C. (2006). The Long tail: Why the future of business is selling less of more. New York: Hyperion Books.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
71 AVRIL 2012
Aujourd’hui, la réalité est plus complexe : chaque entraîné a accès à un ordinateur – souvent personnel -, connecté
à un réseau efficace. Des serveurs de simulation et de jeu sont disponibles en ligne 24h/24, et il devient donc
possible de télécharger des scenarii d’exercice, avec une interface utilisateur simplifiée, et destinés à approfondir
un aspect particulier de l’entraînement. L’essor de ces clients « légers », disponibles en ligne sur le même modèle
que la musique numérique, révolutionne donc le domaine : c’est le modèle « long tail » que l’on a vu émerger depuis
l’apparition du commerce en ligne. Les exemples de l’utilisation effective de cette approche sont nombreux :
apprentissage « culturel » ou linguistique, maintenance, etc.
Les simulateurs traditionnels sont évidemment toujours nécessaires – les serious games ne sont en effet pas un
substitut mais un complément, permettant une fidélisation et une appropriation de certains aspects du cursus
pédagogique. Dans ce domaine, le futur de la simulation passe par la réalisation de systèmes d’entraînement
uniques pour de petites niches d’utilisateurs.
Enfin, les jeux modernes sont souvent ouverts : l’utilisateur a accès aux différents paramètres des modèles utilisés,
de l’environnement, des comportements. Cela est dû à l’essor des jeux en ligne qui a favorisé l’émergence de
communautés. Dans ces dernières, les modifications (appelées « mods ») et créations – notamment de modèles 3Dsont possibles, et même encouragées par les éditeurs qui y voient un facteur important de croissance et de
pérennité du jeu. Cela présente deux avantages : utiliser des bibliothèques de modèles développées par des
joueurs passionnés, et créer des communautés « de circonstance », capables de travailler sur des projets virtuels
partagés. Citons par exemple le célèbre « mod » Chain of Command (pour Operation Flashpoint), intégrant une
dimension de type wargame à la simulation virtuelle initiale.
Des finalités différentes, des limites identifiées
Pour autant, il convient de rappeler ici quelques évidences : en premier lieu, un jeu vidéo est conçu pour divertir. A
ce titre, il peut utiliser des artifices à la seule fin d’être suffisamment prégnant pour le joueur. Ce qui compte alors,
c’est la dynamique du jeu, quitte à « faire semblant » lorsque le réalisme est trop complexe ou coûteux à obtenir.
A titre d’exemple, le centre de gravité d’un véhicule dans un jeu de course automobile est généralement situé sous
terre, pour assurer un pilotage plus aisé au joueur. Dans le même ordre d’idée, le personnage du joueur dans un
jeu de type FPS3 prendra dix fois moins de temps à traverser une rue que dans la réalité, le délai réel étant
insupportable pour un joueur.
Ces effets spéciaux se rapprochent donc davantage du spectacle que de la simulation. Il en va de même pour les
modèles physiques, ceux des effets des armes, et bien entendu, pour l’intelligence artificielle. Cette dernière est en
effet généralement cantonnée au bas niveau, en raison de limitations dues à la place prise par le graphisme,
forcément très consommateur de ressources. De ce fait, des comportements complexes liés à l’adaptation d’une
entité à son contexte opérationnel et à sa doctrine d’emploi ne sont pas implémentés, ce qui limite forcément le
réalisme comportemental.
De nombreux travaux ont montré que la perte de confiance et donc la distanciation de l’entraîné vis-à-vis de la
simulation sont un facteur essentiel d’échec de la formation. Cette perte de confiance peut être due à différents
facteurs. En premier lieu, le comportement tactique de l’ennemi joue un rôle majeur (notamment dans sa
composante collective), et sans doute davantage que le rendu graphique de chaque individu. La qualité du moteur
d’intelligence artificielle est donc un facteur essentiel pour le réalisme de l’entraînement.
3 First Person Shooter: jeu d’action dans lequel l’utilisateur est placé dans une vision subjective de ses actions.
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
72 AVRIL 2012
« de l’autre côté de l’écran »
Toutefois, toute imperfection visuelle est
également génératrice de perte de
confiance : dans le contexte d’un très
impressionnant réalisme visuel comme celui
permis par l’utilisation d’un moteur
graphique moderne, toute erreur d’animation ou d’affichage, voire de physique, est
immédiatement détectée par l’entraîné. Elle
provoque une distance entre l’utilisateur et
la simulation, préjudiciable à l’effet
pédagogique recherché.
© tHalES land & joint (2007)
Enfin, et notamment dans le cadre de
l’entraînement à la NEB, la connexion aux
systèmes d’information et de connexion est
centrale. Toutefois, si cette connexion n’est
pas nativement prévue dans le cadre de
l’utilisation d’outils issus du monde du jeu, il
est tout à fait possible de coupler de tels
modules avec des systèmes opérationnels
afin de fournir une vision « opérationnelle »
simulée. A titre d’exemple, la vision obtenue
par la caméra d’un drone peut être simulée,
des éléments virtuels peuvent stimuler une
caméra thermique réelle, afin d’en entraîner
les opérateurs.
Stimulation de systèmes opérationnels avec une imagerie générée
à l’aide du logiciel VBS2, lors de l’expérimentation HARFANG (2007).
une tendance pérenne
Simulation of operational systems with imaging generated by the VBS2 software,
during tests of the HARFANG system (2007).
Cette synergie, voire cette interdépendance entre les mondes du jeu vidéo et de la simulation militaire est une
tendance pérenne qui semble aller en s’accentuant. Les investissements colossaux réalisés par les différents
studios représentent de fait une opportunité majeure pour les concepteurs de simulation.
L’exemple du système Kinect® de Microsoft de contrôle/commande de jeu par la reconnaissance visuelle des
gestes de l’utilisateur, est à cet égard particulièrement représentatif. L’investissement nécessaire au
développement d’un tel système (plusieurs milliards de dollars) est aujourd’hui hors de portée d’un programme de
recherche dans le domaine de la simulation militaire. Qui pourrait aujourd’hui ignorer une telle opportunité ? De
fait, les grands intégrateurs de défense l’ont bien compris, qui ont d’ores et déjà entamé des démarches de rétroingénierie pour bénéficier de l’intégration d’un tel système pour des simulations virtuelles ou instrumentées.
De fait, la banalisation des composants nécessaires au développement d’une simulation complète permet au
marché de la simulation militaire d’intégrer des composants sur étagères, préférés aux solutions propriétaires, et
ce dans tous les domaines : CGF, moteur graphique, IA… Il s’agit sans nul doute d’un aspect directement dérivé
du monde du développement pour le grand public. La conjonction de ce facteur et du modèle économique « long
tail » précédemment évoqué conforte cette tendance.
De plus, la puissance informatique disponible représente aujourd’hui un facteur non négligeable d’accélération.
Pour un prix très faible (quelques centaines d’euros), il est possible aujourd’hui d’acquérir des cartes de calcul
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
73 AVRIL 2012
© nVIDIa 2011
La carte de calcul GPU NVIDIA Tesla, capable de fournir une puissance de calcul approchant le téraflop.
The GPU NVIDIA Tesla processor board is capable of providing processing performance approaching one TeraFlop.
dérivées des cartes graphiques (GPU: graphical processing units) initialement développées pour le monde du jeu
vidéo. Ces cartes sont de véritables co-processeurs parallèles, qui permettent d’atteindre des puissances de calcul
de l’ordre du téraflop (un millier de milliards d’opérations en virgule flottante par seconde), pour peu que l’on sache
les programmer. C’est ce que l’on nomme « GPU Computing ».
Les apports mutuels entre simulation et jeu video sont donc nombreux, et constants. Mais d’un point de vue plus
général, c’est en fait l’invasion des technologies du grand public vers le domaine jusque là réservé de la simulation
militaire qui est mise en évidence.
Citons enfin l’impact non négligeable sur la fidélisation des utilisateurs. Lorsqu’il devient difficile d’utiliser les
moyens organiques d’entraînement, ou même d’avoir accès aux « grands » simulateurs, le maintien des savoir-faire
peut passer par l’utilisation en auto-évaluation (ou non) de serious games, disponibles localement, ou par
l’intermédiaire d’Internet.
Pour autant, si le jeu vidéo s’intègre toujours plus avec le monde de la simulation militaire, on ne soulignera
jamais assez que la guerre n’est pas un jeu. Celui qui l’oublie, qu’il soit opérationnel ou, à plus forte raison,
industriel, devra un jour porter la responsabilité d’une préparation opérationnelle insuffisante
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
74 AVRIL 2012
page 5 l’outil darwars ambush
utilisé pour l’expérience
(US ARMY)
page 18 entraînement au combat
(CENTAC)
page 39 une représentation réaliste
de l’environnement.
(LCL MERCK)
page 67 le défi de la complexité
en milieu urbain.
(COMALAT)
page 73 Du jeu vidéo à la simulation
l’âge de maturité ?
(© THALES )
(
LA SIMULATI
O N ❝ E N I M AG
ES ❞
)
« La SIMULATION...»
DOCTRINE TACTIQUE N° 24
75 AVRIL 2012
DOCTRINE
TAcTIQUE
C.D.E.F
Centre de Doctrine
d’Emploi des Forces