dt-24 - la simulation... - CDEF
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n°24 2012 DOCTRINE TAcTIQUE R EVUE D ’ INFORMATION ET DE RÉFLEXION L a SimuLation des outils modernes au service de la formation, de la préparation et de l’engagement opérationnels SOMMaIRE L a publication «Doctrine Tactique» est une revue d’information et de réflexion. Elle vise à présenter, sur un thème choisi, et à partir de témoignages individuels, la façon dont la doctrine de niveau tactique est appréhendée ou appliquée au sein de l’armée de Terre. Elle n’est pas un document réglementaire de doctrine. La formation, l’entraînement, la préparation opérationnelle, l’engagement sur les théâtres d’opérations, en représentent les principaux domaines d’intérêt. Des aspects internationaux sont également abordés. La Rédaction TRIBuNE èDITORIaL 3 «Du bac à sable aux outils numériques» 33 La simulation, outil stratégique de formation Général commandant le CDEF Col. Bruno RIVIERE (DRHAT/SDFE) 36 Le futur commence aujourd’hui DOCTRINE LCL Eric MERCK (COMALAT) 4 Du brouillard de la guerre... à la doctrine Col. Philippe COSTE (CDEF/Chef DSRO) 8 De l’entraînement en garnison à l’évaluation des CONOPS 42 Enjeux et perspectives de l’intéropérabilité des systèmes de simulation Lionel KHIMECHE (DGA/CATOD) 48 L’aide à la décision GDI Arnaud SAINTE CLAIRE DEVILLE (CEM/CFT) 11 Préparer l’engagement opérationnel des GTIA SCORPION Col. Bruno GUIBERT (EMAT B.PLANS) LCL Sylvain SECHERRE (CDEF/DSRO/BRO) INTERNaTIONaL 53 Au-delà du Volapük intégré LCL Pascal FLORIN (chef du bureau simulation de la CDEF/DSRO) TéMOIGNaGES 55 La communauté JANUS France 14 L’apport de la simulation pour les exercices Col. François FATZ (CSFEE) Col. Georges HAYEK (Chef du centre JANUS libanais) 59 La simulation au sein des forces terrestres néerlandaises LCL Peter VAN SORGEN (OLI Pays Bas au CDEF) 18 Le concept des centres de préparation des forces Col. Emmanuel POUCET, Chef d’Escadron François FARRA (CCPF) 25 Apport de la simulation pour l’analyse des exercices de type AURIGE DE L’auTRE CôTé DE L’éCRaN 62 La prospective et veille technologie (PVTC) LCL Christian VALLY (officier coordination des études de la CDEF/DSRO) GDI (2S) Alain TARTAINVILLE (CDEF/DREX) 29 L’évaluation tactique d’APLET 65 Les enjeux et défis de la modélisation de la zone urbaine LCL Rodolphe QUEMERAIS (chef du projet JANUS France de la CDEF/DSRO) LCL Philippe LE CARFF (bureau emploi plans de l’EM/2e BB) 69 Du jeu vidéo à la simulation : L’âge de maturité ? Emmanuel CHIVA (Président de HPC Project SA) Directeur de la publication : Colonel (R) Georges Michel - Rédactrice en chef : Capitaine Gwenaëlle Denonin : 01 44 42 35 91 - PNIA : 821.753.35.91 Maquette : Christine Villey : 01 44 42 59 86 - PNIA : 821.753.59.86 - Schémas & 1re de couverture : Nanci Fauquet : 01 44 42 81 74 Traductions : CDEF Crédits photos : 1re de couverture : @Armée de Terre - 4ème de couverture : @COMALAT - diffusion & relations avec les abonnés : Major Claudine Vacquier : 01 44 42 43 18 PNIA : 821.753.43.18 - Impression : Imprimerie BIALEC -95 boulevard d’Austrasie - BP 10423 - 54001 Nancy cedex - Diffusion : établissement de diffusion, d’impression et d’archives du commissariat de l’armée de Terre de Saint-Etienne - Tirage : 2 500 exemplaires - Dépôt légal : à parution - ISSN : 2110-7386 - Tous droits de reproduction réservés - Revue trimestrielle : Conformément à la loi «informatique et libertés» n° 78-17 du 6 janvier 1978, le fichier des abonnés à DOCTRINE TaCTIquE a fait l’objet d’une déclaration auprès de la CNIL, enregistrée sous le n° 732939. Le droit d’accès et de rectification s’effectue auprès du CDEF. Centre de Doctrine d’Emploi des Forces - 1, place Joffre - Case 53 75700 PARIS SP 07 - WEB : www.cdef.terre.defense.gouv.fr - Mel : pub-dad.cdef@terre net.defense.gouv.fr DOCTRINE TACTIQUE N° 24 2 AVRIL 2012 © Armée de Terre/© COMALAT éditorial “ Du B ac à sa B le aux outils numérique s ” a préparation réaliste des soldats et unités au combat est, depuis des siècles, le préalable essentiel de l’efficacité de l’action militaire. Autrefois effectuée notamment à l’aide de bacs à sable, elle repose aujourd’hui sur les formidables possibilités des technologies numériques. L La simulation met en effet de nombreux outils à disposition des forces terrestres et des écoles pour la formation des cadres et la préparation opérationnelle des unités. Elle s’est imposée dans les centres, écoles et garnisons parce qu’elle offre de larges capacités, tant pour l’instruction individuelle ou collective, l’entraînement en régiment ou en centre spécialisé, que pour les déploiements lors d’exercices ou même en opération. Au delà de l’environnement «virtuel» ou «instrumenté», utilisé par les équipages de blindés ou d’hélicoptères, ou encore des «jeux de guerre» numériques destinés à entraîner et évaluer les états-majors opérationnels, la simulation voit émerger de nouveaux domaines. Ils s’appuient sur la numérisation de l’espace de bataille (NEB), comme par exemple «la simulation distribuée», permettant à des entraînés situés en des lieux distincts de participer à un même exercice. La simulation s’applique à la préparation opérationnelle, car elle restitue des environnements complets et cohérents. Elle permet également de réduire certaines contraintes matérielles, humaines et financières, et aussi de mener des expérimentations tactiques virtuelles. En opération, enfin, elle peut, par exemple, aider à la décision par la confrontation de modes d’actions. “ From sand tables to digital tools ” F or centuries, realistic training of soldiers and units for combat has been the essential prerequisite for effective military action. It used to be done, among others, with sand tables, but today it is based on the tremendous capabilities of digital technologies. Simulation provides indeed land forces and schools with many tools for leaders’ development and unit readiness. It is now to be found everywhere, in centers, schools and home stations because it offers awesome capabilities, for both individual and collective training, training in battalions or specialized centers as well as for deployments during exercises or even in operations. Demain, la simulation sera l’outil prépondérant de la préparation à l’engagement opérationnel des futurs groupements tactiques interarmes (GTIA) SCORPION1. En outre, son domaine d’emploi sera élargi à l’appui direct à l’engagement opérationnel des GTIA, que ce soit par la généralisation de l’entraînement sur le théâtre ou par l’exploitation de ses capacités de répétition et de préparation de missions réelles. Vous constaterez, à la lecture de cette livraison de «Doctrine Tactique» combien la simulation contribue au continuum formation, préparation opérationnelle et même engagement des forces de l’armée de Terre. Complément incontournable de la numérisation, la simulation permettra à terme l’atteinte de «l’infovalorisation», c'est-à-dire l’usage optimal de données numériques issues du monde réel. Général de division Olivier TRAMOND, commandant le Centre de doctrine d’emploi des forces 1 Programme de cohérence majeur de l’armée de Terre. (aBstract) On the face of this delivery of Tactical Doctrine you will find out how much simulation contributes to the continuum of Army forces - training, readiness, and even commitment. Simulation is an unavoidable addition to digitization – it will make it eventually possible to achieve “network-centric valorization ”, i.e. the optimal use of digital data from the real world. Major General Olivier TRAMOND, Commander, Forces Employment Doctrine Center DOCTRINE TACTIQUE N° 24 3 AVRIL 2012 Du brouillard de la guerre... à la doctrine : Les autres atouts de la simulation CoLonEL PhILIPPE CoStE, ChEf DSRo/CDEf La simulation dispose d’autres atouts que ceux bien connus des économies réalisées ou de l’amélioration de l’entraînement. Elle permet aussi une mise en situation exceptionnelle qui accroît les performances individuelles et collectives mais aussi offre des situations de commandement remarquables dans un contexte pédagogique très favorable. En outre, l’apport croissant de l’intelligence artificielle intégrée dans les outils de simulation autorise une représentation réaliste de la phase de stabilisation et permet d’envisager une variété plus large de l’emploi de la simulation. e l’instruction individuelle jusqu’à l’entraînement des états-majors, les atouts de la simulation sont bien connus : économie des moyens et du personnel mais également optimisation de l’emploi des forces comme de leurs systèmes d’arme et de leur environnement opérationnel. D En outre, l’outil de simulation répond à l’exigence pédagogique. Son intérêt réside en effet dans la mise en situation des entraînés. Motivation, stress, capacité d’analyse après action sont tout autant de facteurs que la simulation peut prendre en compte. De plus, l’outil de simulation permet de développer singulièrement les facultés d’adaptation de l’entraîné. Ce sont ces bénéfices particuliers que cet article propose de présenter. 1. Une mise en situation optimale Dans le cadre de sa mission de veille technologique en matière de simulation, la Division Simulation et Recherche Opérationnelle (DSRO) du CDEF a relevé plusieurs expérimentations qui mettent en exergue les avantages opérationnels et pédagogiques de ce type d’entraînement. 1 Expérience menée à l’Old Dominion University de Norfolk. 2 Ce qui confirme la prépondérance du facteur physique ! DOCTRINE TACTIQUE N° 24 4 AVRIL 2012 Simulation has benefits other than the well-known ones, such as cost savings or training improvement. It also makes it possible to display situations in such a way as to enhance individual and collective performance, but also to provide outstanding command situations in a very supportive educational environment. Besides, the increasing contribution of artificial intelligence integrated in simulation tools permits a realistic replication of the stabilization phase and may allow considering a wider variety of employment for simulation. Premier constat : il améliore les performances collectives pour l’accomplissement d’une action donnée. La simulation virtuelle en réseau permet aux membres d’une unité constituée de manœuvrer ensemble pour accomplir une mission dans un même lieu virtuel face à un même adversaire. A cet égard, une expérience menée aux ÉtatsUnis1 a démontré par comparaison de missions effectuées directement dans un environnement réel ou à l’issue d’un exercice virtuel équivalent que si les performances dans le monde virtuel sont moindres2 : - le niveau de cohésion optimal d’une unité est obtenu dès l’exercice en monde virtuel, - les résultats opérationnels sont équivalents au final mais l’adaptation au réel est beaucoup plus rapide après un exercice virtuel. Ces résultats sur la valeur de l’entraînement dans un monde virtuel indiquent tout l’intérêt d’utiliser la simulation pour la mise en situation des membres d’une unité. Ils confirment aussi le gain opérationnel à coût réduit apporté par les systèmes de simulation utilisés par l’armée de Terre, tels que SYSIMEV au CENTAC ou le STP pour le tir. © US ARMY doctrine L'outil DARWARS AMBUSH utilisé pour l'expérience menée au profit des capitaines de l'infanterie. C'est un système d'entraînement initialement conçu pour une mise en situation des convois pris en embuscade en Irak. The DARWARS AMBUSH tool used for the experiment conducted for infantry captains. It is a training system initially designed for scenarios of ambushed convoys in Iraq. Cependant, la principale critique à l’encontre de ce type d’exercice est le caractère prévisible et peu réaliste du comportement des entités générées par ordinateur. Une étude a ainsi été réalisée par l’US Army Research Institute visant à évaluer dans quelle mesure une utilisation de la simulation pourrait être pertinente pour la formation des capitaines d’unité d’infanterie. Deux scenarii ont été conçus : le premier consistait en une attaque en zone boisée, le second en une mission de contre rébellion en zone urbaine. Après analyse de l’expérimentation, le réalisme global a été jugé faible, non pas celui du graphisme mais celui des situations qui s’inscrivaient dans un enchaînement d’évènements non conforme à la réalité. Cependant, il est aussi apparu que l’outil de simulation offrait au commandant d’unité de réelles opportunités de commandement et de réaction. Ainsi ce second constat confirme bien que si la simulation ne reproduira jamais la densité des situations réelles, elle permet néanmoins une excellente mise en condition opérationnelle. L’intérêt de ce type d’outil réside surtout dans la motivation (voire le stress) qu’il suscite chez les entraînés et dans les formidables capacités pédagogiques qui l’accompagnent. 2. L’apport déterminant de l’intelligence artificielle La nécessité d’améliorer le réalisme de situation passe par la suppression des réactions stéréotypées que l’on voit dans les jeux du commerce. A cet effet, les simulations destinées à la formation ou à l’entraînement disposent de modules d’intelligence artificielle. Leurs capacités sont loin d’avoir atteint leurs limites mais d’ores et déjà ces modules offrent les fonctionnalités suivantes : - le comportement collectif des pions simulés ; - la réaction de ces pions face à une nouvelle situation ce qui implique que l’entité simulée dispose d’une connaissance de son environnement et d’une compréhension des effets de ses propres actions sur cet environnement ; - l’apprentissage de l’expérience des pions simulés. Cette faculté d’adaptation est en effet essentielle car caractéristique de l’asymétrie des engagements actuels. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 5 AVRIL 2012 L’intelligence artificielle peut alors caractériser des comportements individuels qui seront utilisés par des simulations virtuelles telles qu’OPOSIA3 afin d’entraîner face à un adversaire réactif et affranchi des stéréotypes. Les applications actuellement suivies par la DSRO sont cependant plutôt caractérisées par des comportements de groupe (SCIPIO, JANUS). Attachons-nous ainsi à l’exemple fourni par SCIPIO, l’outil d’entraînement des états-majors mis en œuvre au centre d’entraînement des postes de commandement à Mailly. L’intelligence artificielle y correspond à une approche dite motivationnelle. Elle procure une autonomie de prise de décision à des automates de niveau compagnie en fonction à la fois des savoir-faire des pions qui les composent, des remontées d’informations tactiques et de la configuration du terrain. Le comportement de ces pions de niveau section est issu de leur motivation qui évolue selon des variables qui l’amplifient (par exemple la peur) ou la modifient selon la perception de l’environnement (par exemple le stress). Ces variables d’état identifient des besoins selon des indices physiologiques ou psychologiques ou des effets : surprise, énervement… A partir de ceux-ci, la motivation déclenche un comportement qui est une restitution de la doctrine d’emploi des pions considérés. Les pions agissent alors selon la configuration terrain et l’ambiance tactique. C’est ainsi que des actions peuvent aboutir à des résultats qui ne correspondent pas forcément à ce qui était attendu. Il est à noter que bien que ce ne soit pas retenu pour SCIPIO, certains comportements pourraient être erratiques. Exemple : une unité qui a subi des pertes, ne bénéficie pas d’appui et manque de vivres aura tendance à refuser le contact même si sa mission est d’attaquer. Représentation de l'intelligence artificielle par approche motivationnelle. Les actions représentées par la simulation sur le terrain découlent directement de la doctrine intégrée dans l'outil. Sa mise en œuvre dépend des motivations produites par l'intelligence artificielle. Display of artificial intelligence by motivational approach. Actions replicated by simulation in the field stem directly from the doctrine integrated in the tool. Its implementation depends on the incentives produced by artificial intelligence. Ainsi par le biais de l’intelligence artificielle, une représentation de l’incertitude due au brouillard de la guerre et de son impact psychologique est intégrée à la tactique des pions simulés. Une telle capacité de l’outil de simulation est un atout majeur dans le contexte des engagements les plus probables. En effet, la phase de stabilisation et la zone urbaine qui sont par ailleurs prises en compte dans la prochaine version de SCIPIO avec une adéquation incomparable, nécessitent que les facultés d’adaptation et de réaction des unités soient les plus développées. Il faut relever du reste que cet atout dépasse le simple cadre de l’utilisation de la simulation pour la préparation opérationnelle mais qu’il peut également servir efficacement à l’aide à la planification ou à la décision et à l’appui aux études doctrinales. 3 OPOSIA : Outil de Préparation Opérationnelle des Sous-groupements InterArmes qui sera déployé au CENTAC en 2012 en remplacement de SYSIMEV. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 6 AVRIL 2012 doctrine Cartographie actuelle des outils de simulation au sein de l’armée de Terre Mapping of current locations of simulation tools in the Army. En outre, une lacune de l’utilisation des outils classiques de simulation est la propension des opérateurs de l’animation basse à « jouer » plutôt qu’à appliquer rigoureusement les ordres reçus. Or, la présence d’automates dans la simulation interdit une telle dérive et permet que l’action soit conforme au raisonnement tactique du chef et des états-majors grâce à la restitution fidèle de la doctrine. Un autre intérêt de l’intelligence artificielle réside dans la compréhension du « langage ». Elle permet aux automates d’interpréter les ordres et de faire des comptes rendus. L’interopérabilité des outils de simulation avec les SIOC est alors possible auto-matiquement. Cet aspect est primordial car l’entraîné ne doit avoir qu’à maîtriser son outil habituel (l’écran SIT, SIR ou SICF) lors d’un exercice avec simulation. Le système autorise alors une animation complète des SIOC qui contribue autant à leur appropriation qu’à un entraînement dans un environnement infovalorisé optimal. En considérant que le combat demeure plus une lutte morale que le choc physique entre deux masses, les outils de simulation peuvent désormais dépasser la simple restitution de celui-ci pour permettre de susciter celle-là. Le modèle « attritionniste » qui alimentait ces outils à l’origine ne reflète d’ailleurs aucunement la réalité historique et le Center for Army Analysis estime que seules 20 % des batailles ont une issue liée à l’attrition. L’avancée technologique dont bénéficie la simulation permet donc de fournir un environnement toujours plus riche mais aussi de dépasser le cadre strict de l’entraînement. Quels moyens pourraient offrir un cadre opérationnel reproduisant un environnement urbain complet, la numérisation de toutes les unités tactiques, la gestion des différentes ressources matérielles et humaines et l’impact tactique et psychologique de tous ces aspects ? De tels outils permettent d’appréhender la complexité des conflits actuels pour servir aussi à l’évaluation de crise, à la planification et à la préparation d’engagements probables et non passés DOCTRINE TACTIQUE N° 24 7 AVRIL 2012 «De l’entraînement en garnison à l’évaluation des CONOPS1, un champ d’action à consolider» Général de division arnaud sainte Claire deville, Chef d’état-major/Cft Instruction individuelle ou collective, entraînement en garnison ou centre spécialisé, déploiement en exercices ou en opérat ions, la préparat ion opérationnelle des forces terrestres ne peut plus se concevoir sans simulation. Si la simulation ne doit pas devenir une fin en soi, elle demeure une nécessité qui permet d’optimiser l’entraînement et les désormais trop rares grands déploiements d’unités sur le terrain. A ce titre, il faut poursuivre et accélérer son adaptation aux conditions actuelles d’engagement des unités. Un chantier majeur doit désormais être ouvert : il s’agit de celui de l’interopérabilité des systèmes. es noms d’exercices qui résonnent aux oreilles de tous les états-majors comme de riches expériences – GUIBERT, AURIGE, FLANDRES, FTSIC,…–, des systèmes aux acronymes désormais bien familiers – JANUS, SCIPIO, JTLS,…– mais qui inquiètent encore souvent les concepteurs d’exercices, l’emploi de la simulation s’ancre de façon très prégnante dans la préparation des forces terrestres, n’oubliant en chemin aucune fonction opérationnelle. D Indéniablement liés à l’appropriation de l’emploi de la NEB par toutes les unités de l’armée de Terre, les efforts dans le domaine ont été jusqu’à présent principalement consentis au profit des systèmes de PC. L’arrivée de la PEGP, la mise en place du cycle à 5 temps et le taux d’occupation élevé des centres spécialisés font que les attentes des forces sont désormais très importantes quant aux apports attendus de la simulation dans l’entraînement à partir de la garnison. Dans un autre domaine, tous les RETEX récents soulignent le chantier majeur qui doit désormais être ouvert en matière d’interopérabilité des systèmes. Relever ce défi reviendrait à s’ouvrir des capacités interarmées et interalliées qui pourraient révolutionner la conduite des opérations. 1 Pour les sigles, se référer au glossaire en fin d’article. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 8 AVRIL 2012 Be it individual or collective training, training at home stations or in a specialized center, deployment for exercises or in operations, the readiness of land forces can no longer be conceived without simulation. Although simulation should not become an end in itself, it remains a necessity to optimize training and large deployments of units in the field, now too rare. As such, one should continue and speed up its adaptation to the current conditions of unit commitments. A major project should now be started – the interoperability of systems. Une simulation d’ores et déjà omniprésente Depuis plus d’une décennie, la simulation fait partie intégrante de la préparation opérationnelle des unités, et notamment des PC. Elle se retrouve à toutes les étapes de l’instruction collective, de l’entraînement au contrôle, sans oublier les MCP. Son importance est toujours plus croissante car : - les avancées technologiques offrent désormais des capacités qui permettent à la fois de reproduire très fidèlement la réalité et de jouer « virtuellement » des situations qu’il ne serait pas possible de créer dans un environnement réel ; - les déploiements réels sont aujourd’hui comptés et rares ; il s’agit donc d’une part de compenser en s’entraînant par d’autres moyens, et d’autre part d’optimiser ces moments privilégiés par une préparation irréprochable, notamment en terme d’animation ; - la généralisation de la NEB a mis en exergue le besoin impératif des unités de s’entretenir régulièrement et fréquemment aux procédures NEB, en particulier pour les PC. Or le meilleur moyen de « stimuler » les CO par une situation tactique et logistique réaliste, variée et complexe est d’avoir recours à la simulation. doctrine © COMALAT garnisons offrent assurément des potentialités que notre imagination collective doit s’empresser de débrider. Pour satisfaire pleinement les besoins des forces, les outils doivent toutefois évoluer dans certaines de leurs caractéristiques afin de s’adapter aux conditions actuelles des opérations. Certaines simulations, en particulier constructives, ont été développées dans la seule logique de confrontation massive de forces. Elles doivent désormais pouvoir représenter les conditions actuelles des conflits, au moins dans leurs phases de haute intensité : OPOSIA : Outil de préparation opérationnelle des sous-groupements Interarmes qui contribuera à l’entraînement en garnison. OPOSIA: Tool of readiness for combined arms company teams, which will contribute to training at home stations. Au niveau des unités, par le biais de la simulation instrumentée, l’effort est porté sur le niveau du SGTIA à travers l’emploi des capacités des CENTAC, CENZUB et CEB. Pour les hommes engagés sur l’exercice, on atteint alors le niveau ultime de l’emploi de la simulation en utilisant un système réel dont on ne simule que les effets. Dans le cadre de l’entraînement et du contrôle des PC, le besoin des forces terrestres est alors clairement de simuler une situation réaliste, tout en limitant le nombre d’acteurs impliqués. Cela passe donc par un recours très fréquent à la simulation constructive (JANUS, SCIPIO ou ROMULUS) ou à la simulation virtuelle (actuellement SYSIMEV et bientôt OPOSIA). Une montée en puissance dans l’entraînement à partir de la garnison La préparation opérationnelle des unités se déroule en majeure partie entre la garnison, les camps d’entraînement et les centres. L’emploi de la simulation doit impérativement être adapté à cette triple situation. Si le cas des centres a déjà été évoqué précédemment, il faut impérativement poursuivre la montée en puissance au sein des garnisons. Il en va de la valorisation du cycle à 5 temps, récemment mis en place. Par le biais du déploiement des ECI NEB SIMU, la mise en place coordonnée de la simulation en garnison est donc un chantier fondamental qui répond au besoin d’auto-entraînement des régiments. Au-delà des enjeux primordiaux visant à leur fournir des outils leur permettant de mener autrement leur instruction collective et de préparer en amont (et donc valoriser) leur déploiement en centres spécialisés, d’autres pistes sont d’ores et déjà explorées. Ainsi, la réalisation d’un ANTARES de régiment a pu être conduit sur une plateforme ROMULUS et la simulation distribuée entre - adversaires asymétriques, présence des populations, importance des zones urbaines, contre insurrection, etc. Enfin, il parait sage actuellement de ne pas chercher à tout modéliser car se lancer dans la représentation des domaines « INFO OPS » ou « CIMIC » risquerait d’être vain et coûteux pour des résultats potentiellement contestables. Le défi majeur de l’interopérabilité La convergence des moyens SIC et SIMU est une nécessité. Du chef de groupe, ou d’engin, au CO de la grande unité, chacun dispose désormais de moyens numérisés avec lesquels la simulation doit pouvoir échanger ou qu’elle doit pouvoir représenter. Cette « fusion » SIC-SIMU doit assurément revêtir plusieurs aspects : - pour permettre aux PC de travailler sans avoir recours à des ressources, humaines ou matérielles trop conséquentes, l’émulation des SIOC par la SIMU doit impérativement se faire dans les deux sens, c’est-à-dire que les SIOC doivent en particulier pouvoir «donner des ordres» à la SIMU. C’est l’orientation prise dans l’évolution de SCIPIO ; - le réalisme des simulateurs d’engins passe forcément par l’intégration de la représentation des outils de la NEB, et notamment des systèmes terminaux ; - l’amélioration du processus de contrôle effectué dans les centres du CCPF nécessite de se doter d’une capacité visant à suivre de façon permanente les échanges SIOC d’une unité numérisée, à l’instar du suivi des réseaux radios autrefois. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 9 AVRIL 2012 Toutes ces évolutions ne resteront que des vœux pieux si des efforts ne sont pas consentis pour rendre les outils toujours plus modulaires. Ils doivent pouvoir s’adapter aux conditions d’engagement des unités, que ce soit pour l’utilisation des bases de données terrain, pour intégrer les comportements des acteurs, de nouveaux armements,… Dans le même esprit, les exercices de PC, particulièrement dans le cadre de MCP, s’attachent de plus en plus à reproduire des actions très précises, déjà vécues, qui nécessitent souvent de «mettre à mal la simulation » qui a son propre déroulement. La convergence des outils de MEL-MIL, utilisés pour créer les scénarios, et ceux de la simulation est primordiale pour répondre aux besoins actuels d’entraînement des PC. De surcroît, la continuité de l’emploi des outils entre entraînement et opération est également de plus en plus demandée. Cela peut aller du «simple» déploiement d’un système d’entraînement en OPEX pour conserver un savoir faire spécifique (exemple des ETT Leclerc au LIBAN), au besoin plus complexe de déploiement d’outils d’entraînement à des fins de «répétition de mission», en y intégrant notamment les bases de données du théâtre (terrain, ennemi, environnement,…). Le «pré-jeu» d’une mission sur un terrain qui aura été virtualisé en 3D à partir de photos satellites ne doit plus être bien loin d’être envisageable. La capacité à «tester» en amont des ordres d’opération, de façon distante du CO ou non, est un objectif plus lointain, mais accessible comme en témoigne l’expérimentation conduite dans certains PC de brigade du logiciel APLET. Enfin, le défi de l’interopérabilité serait «trop facile» à relever s’il ne relevait que du seul périmètre de l’armée de Terre. L’enjeu suprême vise à obtenir que, jusqu’aux plus bas niveaux, les simulateurs ou systèmes d’entraînement puissent se connecter «simplement » et interagir dans un environnement interarmées et multinational. En effet, à l’heure des exercices communs (FLANDRES, CITADEL,…) et de la mutualisation des moyens d’entraînement, il n’est plus envisageable de mettre en œuvre des simulateurs « incompatibles » avec les SIOC étrangers ou inadaptables sur leur armement. C’est trop souvent le cas actuellement. Espérons que les normes qui se mettent en place par le biais des agences de l’OTAN favoriseront cette interopérabilité. Couplée alors avec une simulation « distribuée », qui offre la capacité de connecter entre elles des simulations distantes ou d’en distribuer les « produits » à travers les réseaux informatiques, et dans la continuité de l’étape FLANDRES avec l’expérimentation de SAFIR, l’interopérabilité dessine des perspectives intéressantes, que l’exercice ROCHAMBEAU 2014 pourrait concrétiser. Instruction individuelle ou collective, entraînement en garnison ou centre spécialisé, déploiement en exercices ou en opérations, la préparation opérationnelle des forces terrestres ne peut plus se concevoir sans simulation. Son intégration est d’ailleurs un facteur d’appréciation des choix d’organisation qui sont faits chaque année, notamment sous l’angle des équipements pour leur répartition dans les différents parcs de la PEGP. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 10 AVRIL 2012 Si l’emploi de la simulation ne doit pour autant pas devenir une fin en soi, il demeure une nécessité qui permet d’optimiser l’entraînement et les désormais trop rares grands déploiements d’unités sur le terrain. A ce titre, il faut poursuivre et accélérer son adaptation aux conditions actuelles d’engagement des unités et se focaliser sur le rapprochement de standards interarmées et interalliés, tout en gardant bien à l’esprit les apports envisageables à moyen terme dans la conduite des opérations GLOSSAIRE APLET Aide à la Planification de l’Engagement Tactique CCPF Commandement des Centres de Préparation des Forces CIMIC Civil MIlitary Cooperation CO Centre Opérations CONOPS Concept of operations ETT Entraîneur de Techniques de Tourelle EPSA Entraîneur de Pilotage et de systèmes d’armes INFO OPS INFOrmation OPérationnelle JANUS Simulation constructive destinée à l’entraînement des PC deGTIA ou des états major de brigade MCP Mise en Condition avant Projection MEL-MIL Main Event List / Main Incident List NEB Numérisation de l’Espace de Bataille OPEX Opération extérieure PC Poste de Commandement PEGP Politique d’Emploi et de Gestion des Parcs ROMULUS Simulation constructive destinée à la formation des chefs de peloton ou des commandants d’escadron de l’arme blindée SAFIR Support anglo french interoperability and readiness (simulation distribuée pour un entraînement multisites). Le programme SAFIR développé par la DGA et son homologue britannique vise à rendre interopérable les simulateurs d’entraînement tactique des deux armées. SGTIA Sous-Groupement Tactique InterArmes SIC Systèmes d’Information et de Commandement SIMU SIMUlation doctrine Préparer l’engagement opérationnel 1 des GTIA SCORPION : virtualité et réalité Colonel Bruno GuiBert (eMAt B.PlAnS) La simulation constituera demain l’outil prépondérant de la préparation à l’engagement opérationnel des GTIA SCORPION. Elle redonnera aux unités la capacité de conduire leur instruction collective dans les garnisons, et de maîtriser ainsi les savoir-faire induits par les nouvelles capacités de SCORPION. Son domaine d’emploi sera élargi à l’appui à l’engagement opérationnel des GTIA, par la capacité de maintenir les savoir-faire des servants de systèmes d’armes sur les théâtres, voire de les adapter aux évolutions des opérations en cours, d’aider à la prise de décisions des postes de commandement du GTIA et des SGTIA2, de préparer les équipages, les pelotons et les sections aux missions qu’ils conduiront. Ainsi, la capacité de l’armée de Terre de se doter d’outils de simulation adaptés devient-elle un enjeu majeur de la conservation du niveau de préparation opérationnelle des forces terrestres. Tomorrow, simulation will be the main readiness tool for the operational commitment of Scorpion combined arms task forces. It will make it possible for units to again conduct collective training at home stations, and thus control the skills induced by the new capabilities of Scorpion. Its employment will be expanded to support the operational commitment of combined arms task forces, by the capability to maintain the skills of weapons’ crews in theatres, even to adapt them to changes during current operations, to assist in decision-making in combined arms task forces’ and company teams’ command posts, to prepare crews and platoons for the missions that they will be expected to conduct. Thus, the capacity of the Army to field appropriate simulation tools becomes a major issue in order to keep up the level of readiness in land forces. "Le rempart de la Cité, ce sont les Hommes" Périclès. u processus de transformation capacitaire des forces terrestres qu’est SCORPION, il convient dorénavant d’y ancrer la simulation en tant que fonction démultiplicatrice de la compétence opérationnelle des hommes et des unités. A également d’adapter la politique de préparation à l’engagement opérationnel des forces terrestres. A titre d’exemple, les unités d’infanterie devront être capables de s’engager indifféremment sur VBCI4 et sur VBMR5. Outre la réorganisation en cours, l’armée de Terre connaît une transformation profonde du cadre de sa préparation opérationnelle : mise en place de la PEGP3, nouveau cycle de préparation opérationnelle à cinq temps et principe de préparation opérationnelle différenciée, en adaptant la phase de mise en condition avant projection au théâtre d’opération et aux équipements employés. La polyvalence des unités, et tout particulièrement des unités des fonctions « combat débarqué » et « combat embarqué », nécessite Les capacités attendues du GTIA SCORPION – maîtrise et précision des effets, infovalorisation6, TAVD7 - nécessiteront également d’adapter leur préparation à l’engagement opérationnel. L’une des conséquences de l’infovalorisation sera le besoin de coopération interarmes aux plus bas échelons tactiques, à savoir les équipages. Par ailleurs, la logique d’équipement des nouvelles plates-formes de combat par kit, tourelleau télé opéré, protection active, robot, capteur, etc. - combinée à la PEGP, ne permettra plus aux unités de détenir la totalité des équipements et de disposer de l’ensemble des capacités offertes par ces kits pour leur instruction collective. Face à ces impératifs et à ces contraintes, quelles peuventêtre les réponses apportées par la simulation ? 1 GTIA : Groupement Tactique InterArmes. 2 SGTIA : Sous-Groupement Tactique InterArmes. 3 PEGP : Politique d’Emploi et de Gestion des Parcs. 4 VBCI : Véhicule Blindé de Combat d’Infanterie. 5 VBMR : Véhicule Blindé Multi-Rôles. 6 Infovalorisation : exploitation optimale des ressources opérationnelles autorisée par les nouvelles technologies de l’information et de la communication. 7 TAVD : Tir Au-delà de la Vue Directe. 1. Un changement de paradigme pour les forces terrestres. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 11 AVRIL 2012 2. L’importance croissante de la fonction simulation dans la préparation à l’engagement opérationnel. La capacité d’instruction reposera sur la combinaison offerte par ces trois pôles : C2, tir/mise en œuvre et combat. Sa caractéristique principale sera sa modularité permettant un emploi adapté au(x) niveau(x) instruit(s). La formation et l’entraînement ont bénéficié d’un effort important en matière de simulation. Les écoles disposent de centres tactiques pour la formation au C28 et de centres de simulation pour la formation au tir et à la mise en œuvre des systèmes d’armes. Quant aux centres de préparation des forces, ils mettent en œuvre des outils de simulation depuis la formation des pilotes jusqu’à l’entraînement des PC de brigade ou de division, en passant par l’entraînement des SGTIA tant en zone ouverte qu’en zone urbaine. En revanche, les régiments en garnison possèdent encore peu d’outils de simulation d’instruction collective et d’auto entraînement, à l’exception des fonctions opérationnelles « combat embarqué » et « aérocombat ». Pour assurer une continuité entre la formation et l’entraînement, l’effort devra être porté sur les unités en mettant à leur disposition un système d’instruction, dont la modularité permettra de répondre aux évolutions des conditions de préparation à l’engagement opérationnel décrites précédemment. Le pôle C2 succédera à l’EIC9 NEB-SIMU en cours de déploiement dans les régiments. Il renforcera l’auto entraînement au commandement des unités infovalorisées, notamment en environnement interarmes. Afin d’accroître le réalisme de l’instruction, la visualisation en 3D du terrain sera disponible. La maîtrise des savoir-faire techniques liés au tir et à la mise en œuvre devra être complétée par l’emploi des systèmes d’armes dans un cadre tactique. Ce pôle devra accueillir indistinctement, les AIF10, FELIN, le MMP11 successeur du MILAN et de l’ERYX, la future roquette NG, ou bien encore les capteurs comme les jumelles SOPHIE ou les désignateurs laser. Mais un des axes majeurs sera l’intégration de la simulation dans les systèmes d’armes afin d’instruire puis d’entraîner les équipages dans la dernière version disponible du système. A minima des simulateurs seront développés en containeurs afin d’assurer leur mise en place dans les unités © Armée de Terre Ce système assurera l’instruction et l’auto entraînement au : • C2 pour les niveaux 4 à 7 (du niveau PC de GTIA au niveau groupe ou équipage) ; • tir et à la mise en œuvre des systèmes d’armes pour les niveaux 6 à 7 (du niveau peloton section au niveau groupe ou équipage) ; • combat pour le niveau peloton ou section sur le terrain. Ce pôle permettra également l’acquisition des procédures de mise en œuvre des systèmes d’armes en plaçant chaque servant ou membre d’équipage derrière des écrans et des interfaces homme-machine représentant leur poste de combat. C’est la capacité de représenter l’ensemble des systèmes d’armes et des équipements possibles, ainsi que l’analyse après action qui confèrent à la simulation sa première plus-value. L’instruction et l’auto entraînement des niveaux 4 à 7 seront assurés dans les pôles C2. Initial and self-training for Levels 4 to 7 will be conducted in C2 centers. 8 C2 Command & Control. 9 EIC : Espace d’Instruction Collective. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 12 AVRIL 2012 10 AIF : Armement Individuel Futur. 11 MMP : Missile Moyenne Portée. doctrine en fonction de leur cycle de préparation opérationnelle et du type de système d’armes qu’elles emploieront en opération. Enfin, les STC12, étendus aux intervenants dans la 3ème dimension, permettront de valoriser les exercices avec les systèmes d’armes réels en représentant les effets des armes et en arbitrant les confrontations. La nécessité de coopérer et d’agir conjointement sur le même théâtre implique de connecter ces pôles. Les équipages au sein du pôle tir et mise en œuvre ou du pôle combat pourront bénéficier de l’enrichissement de leur environnement tactique par les chefs de section instruits au sein du pôle du C2. A l’inverse, le capitaine instruit au pôle C2 avec ses chefs de section, bénéficiera d’un réalisme accru grâce à une section déployée au sein du pôle tir et mise en œuvre ou du pôle combat. C’est aussi la possibilité d’instruire simultanément un groupe débarqué et l’appui des VBMR qui sera permise par un même scénario sur un même théâtre virtuel. Ainsi donc, l’entraînement simultané de deux niveaux sur un même scénario virtuel constitue un objectif réaliste, même en garnison. A plus long terme, la préparation à l’engagement opérationnel par la simulation sera conduite à partir de sites distants : les fantassins, les cavaliers, les artilleurs et les sapeurs demeureront dans leur garnison respective, mais s’entraîneront sur le même théâtre virtuel des opérations à partir d’un même scénario. Mais ces outils de simulation ne seront pas cantonnés à la préparation à l’engagement opérationnel. 3. Vers un emploi de la simulation en opération. Les équipements développés dans le cadre de la préparation opérationnelle pourront également être utilisés en opérations, selon les modes de réalisation des outils de simulation et les conditions des théâtres d’opérations. On entrevoit sans peine les possibilités offertes par des équipements de simulation mobiles ou intégrés dans les systèmes d’armes pour maintenir les savoir-faire en opérations. Ne nous méprenons pas. Il ne s’agit pas de réaliser sur le théâtre ce qui n’a pas pu être entrepris en métropole, mais bien de maintenir le niveau acquis lors de la MCP tout au long du déploiement. En fonction de la nature et de la durée des opérations, les procédés tactiques peuvent évoluer. Là encore, le recours aux outils de simulation permettra de s’assurer de la diffusion, à l’ensemble de la force, de ces procédés tactiques adaptés. 12 STC : Simulateur de Tir de Combat. 13 PC : Poste de Commandement. 14 APLET : Aide à la Planification de L’Engagement Tactique. Quant aux PC13, le développement d’outils d’aide à la décision leur permettra d’optimiser leur cycle décisionnel. Ces outils, préfigurés par APLET14 qui permet la confrontation des modes d’action amis (MA) avec les modes d’action ennemis (ME), seront à terme un service disponible au sein des systèmes d’information opérationnels (SICS15, SIA16). Particulièrement adaptés à la phase de planification des opérations, ces outils pourraient utilement être employés en phase de conduite en identifiant les dérives par rapport à la planification initiale. Enfin, les équipements utilisés pour le maintien des savoirfaire en opérations pourront également permettre aux équipages de préparer leurs missions, en identifiant les points clés du terrain, en précisant les réactions possibles de l’ennemi et en facilitant les mesures de coordination. A l’instar des unités aéromobiles, les équipages des platesformes de combat SCORPION pourront se concentrer sur l’exécution de leurs missions, étant moins accaparés par leur navigation. Cette capacité pourra, bien sûr, être étendue à l’ensemble du peloton ou de la section, voire du DIA17. Cet emploi sera rendu possible à condition d’être capable de produire rapidement les données d’environnement (représentation en 3D du terrain) du théâtre d’opération, ce qui constitue un enjeu majeur pour les forces terrestres dans le cadre de la simulation future. A l’heure où la supériorité technologique des armées occidentales tend à se réduire et où l’emploi combiné des systèmes d’armes en phase d’entraînement s’effectue sous contraintes croissantes, il demeure indéniable que le principal facteur de supériorité continuera de reposer sur le niveau de préparation opérationnelle des hommes et des unités. Dans ce cadre, la simulation révolutionnera vraisemblablement les conditions de cette préparation future, notamment en garnison. Enfin, s’il était besoin de convaincre encore, un des enjeux actuels et futurs de notre armée de Terre sera sa capacité à recruter et surtout fidéliser nos hommes. Baignant dès leur plus jeune âge dans l’univers numérique, la fidélisation de nos soldats de demain passera aussi par la conviction de disposer d’outils modernes, performants et adaptés, connectés en réseau, permettant d’améliorer leur niveau de préparation opérationnelle, en continu au sein des garnisons, afin de mieux rentabiliser l’indispensable mise en condition réelle sur le terrain 15 SICS : Système d’Information et de Combat de Scorpion. 16 SIA : Système d’Information des Armées. 17 DIA : Détachement InterArmes. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 13 AVRIL 2012 L’apport de la simulation pour les exercices de niveau opératif ou interarmées Colonel Jean Fatz, Centre de simulation pour la Formation, l’entraînement et l’expérimentation (CsFee) L’ emploi de la simulation est généralement considéré comme incontournable pour la formation et l’entraînement à la mise en œuvre des systèmes d’armes, ou lorsqu’il s’agit d’entraîner des PC de forces à des niveaux tactiques. Lorsque l’on envisage des exercices pour les niveaux opératifs ou interarmées la question reste en débat. Simulation use is generally deemed essential Après avoir rapidement présenté le CSFEE, organisme de simulation interarmées, cet article expose les réticences que certains ont à l’emploi de la simulation pour les exercices de « haut niveau ». Il souligne enfin la réelle plus-value qu’elle apporte à la préparation opérationnelle aux exercices de haut niveau. simulation agency, this article elaborates on 1) le centre de simulation pour la formation, l’entraînement et l’expérimentation (CsFee) C réé en 2006 à partir de la cellule de simulation de l’Ecole de guerre (à l’époque Collège interarmées de défense), le CSFEE met en œuvre la simulation JTLS (Joint Theater Level Simulation) comme outil principal d’animation des exercices. Cette simulation est un produit développé par une société américaine sous le contrôle de l’US Joint Force Command (USJFCOM1). JTLS est un outil qui regroupe des modèles terrestres, navals et aériens. Il permet donc l’animation de toutes les forces des composantes terre, air, mer et forces spéciales, en offrant un rendu cohérent des interactions entre elles ainsi que des domaines spécifique- for initial and advanced training on weapons systems, or when it comes to train Forces CPs at tactical levels. When considering exercises at operational or joint level, the question remains open. After a short overview of the CSFEE, a joint the reluctance that 14 AVRIL 2012 have with simulation for “high-level ” exercises. Finally, it highlights the real added value it brings to high-level exercises as regards readiness. ment interarmées comme le renseignement et la logistique. JTLS est utilisé par une vingtaine de pays différents ; il est réputé pour être l’outil de simulation du Joint Warfare Center (JWC), centre de préparation des forces OTAN à Stavanger en Norvège. Le CSFEE appuie l’Ecole de Guerre pour son exercice annuel de synthèse COALITION au profit des stagiaires. Depuis 2009, il participe également à des exercices d’entraînement des forces quand ceux-ci ont une forte connotation interarmées2 ou sont au profit d’un PC de théâtre3. Le CSFEE est armé par 18 cadres (4 officiers, 12 sous-officiers et 2 cadres civils). Il est situé à l’École militaire organiquement dépendant de l’Ecole de guerre et rattaché pour emploi à la division Emploi de l’EMA. 1 Ce commandement a disparu au 1er août 2011, intégré dans le Joint Chief of staff (J7). 2 Exercices CITADEL-GUIBERT du CRR-FR en 2011 et 2012. 3 Exercice C2NATEX en 2009 avec l’EMIA-FE, le CRR-FR, le FR-JFACC et une composante logistique armée par la 1re brigade logistique. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 some teMOIGNAGES 2) la simulation pour les exercices de niveau opératifs ou interarmées des réticences… L es outils de simulation actuels restent majoritairement des outils dont les modèles sont de niveau tactique. Les modèles de JTLS sont hautement agrégés (surtout les modèles terrestres appliqués à une unité agrégée de la taille d’un bataillon idéalement alors que les modèles Air ou Marine sont d’une granularité plus fine) mais ils n’en demeurent pas moins des modèles tactiques. C’est pourquoi, plus le niveau de commandement des exercices est élevé, plus le champ d’action du ou des PC joueurs s’éloigne du domaine direct d’application des modèles. Un PC de niveau opératif ne conduit pas directement la manœuvre tactique et un PC de composante ne commande que très rarement les unités du niveau où les modèles s’appliquent. Cet écart entre modèles et champ d’action conduit assez souvent à des réticences pour l’utilisation de la simulation dans le cadre des exercices de «niveaux hauts». Ces réticences sont de trois ordres : Réticences culturelles. Quoiqu’on en dise, de nombreux cadres de nos armées jettent encore un œil suspicieux sur la simulation pour l’entraînement des PC. Bien acceptée pour la formation et l’entraînement à la mise en œuvre des systèmes d’armes, la simulation est encore trop souvent considérée comme la confrontation de l’intelligence humaine avec une machine pleine de défauts au comportement parfois irréaliste. Il est frappant de voir certains s’enflammer sur des résultats en criant à l’injustice ou à l’incohérence, alors que ces mêmes personnes acceptent sans sourciller des événements ou incidents beaucoup plus loin de la réalité, mais venant d’injections de la MEL/MIL4. Ces mêmes personnes sont aussi tout à fait bienveillantes lorsque les «incohérences» sont à leur profit ou que la simulation corrige leurs propres erreurs d’appréciation, voire de manœuvre. Réticences liées à la préparation de l’exercice. La préparation des données de simulation pour un exercice est un travail complexe qui demande de la précision. Ce travail est d’autant plus important que le niveau de l’exercice s’élève et que les forces impliquées sont nombreuses et variées. Pour les exercices de niveau opératif ou interarmées, souvent à caractère multinational, le cycle de préparation est long (18 mois généralement). Le recours à une simulation oblige à fixer les forces participantes, les éléments principaux de scénario et d’animation suffisamment tôt dans le processus pour que la collecte des données et la constitution de la base de données se fassent correctement. A cette fin une « Data Management team » doit être constituée au plus tard lors de la MPC5 soit environ 6 à 8 mois avant le début de l’exercice6. Le taux d’activité et le rythme élevé de rotation des cadres dans les états-majors sont des entraves au travail de fond que représente la préparation des données, travail qui est vu comme une contrainte lourde, donc souvent négligé au profit d’activités plus urgentes. Il est alors souvent reporté à plus tard, au détriment alors de la qualité de la préparation et donc de l’exercice. A cela s’ajoute une préparation technique complexe au regard de la réglementation liées à la sécurité des systèmes d’information (SSI). Introduire une simulation pour un exercice impose de prendre en compte son interconnexion avec des systèmes d’information déployés sur des réseaux de classification élevée et variés dans un environnement international. Ainsi, cette nécessité de préparation amont supplémentaire qu’impose la simulation est parfois mal perçue et modère l’enthousiasme initial. © Armée de Terre Réticences liées au poids de la simulation en cours d’exercice. Un PC : s’entraîner, comme on combat. In a CP: train as you fight. Enfin, lors de l’exercice, au-delà de son aspect mobilisateur (meilleure concrétisation des actions), on assiste toujours au syndrome du «je me bats contre une machine», machine que je dois surveiller. Si le ou les PC entraînés n’arrivent pas à prendre du recul par rapport à cette animation par une simulation, l’effet radical est de voir les préoccupations de planification de plus en plus accaparées par le niveau tactique, comme aimantées par la simulation. Cette critique envers la simulation de trop tirer le focus vers la tactique lors des exercices de haut niveau (opératif, interarmées) revient souvent. 4 Main Events List, Main Incidents List: Animation qui fonctionne par injections d’incidents autour d’événements afin de faire réagir les cadres du PC entraîné. 5 Main Planning Conference: réunion principale dans le cycle de préparation d’un exercice. 6 Pour plus de précisions sur le montage d’un exercice le lecteur est renvoyé à la PIA 7.3 promulguée le 27 octobre 2010. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 15 AVRIL 2012 mais des apports réels… Face à ces réticences, quels sont donc les arguments qui militent pour utiliser une simulation lors des exercices de niveau haut ? Il est indéniable que la simulation apporte une réelle plus-value pour les raisons majeures suivantes : La simulation garantit une parfaite cohérence spatio-temporelle du déroulement avec toutes les forces mises en jeu. Véritable référence du terrain (terrain virtuel), elle en rappelle le poids et les contraintes, si facilement oubliés – contraintes de déplacement notamment – et elle permet d’éviter des incohérences dans l’animation (par exemple le déclenchement d’un incident IED là où aucune troupe n’est présente). La simulation permet à l’EXCON7 de disposer d’une COP8, image en temps réel des positions et actions des forces en présence. Cette COP est capable de présenter la vision totale (vision générale) mais surtout la vision réelle perçue9 par chaque camp (c’est cette vision réelle perçue pour un camp qu’il est intéressant de comparer avec la vision perçue au sein du PC joueur – la COP des joueurs – afin de mesurer les écarts et d’en déterminer la cause). La simulation soulage l’animation de l’exercice en tant qu’elle se comporte en arbitre pour pratiquement toutes les interactions entre les forces représentées dans la simulation (détection, combat) et qu’elle permet d’animer automatiquement la chaîne logistique pour la consommation des ressources principales (eau, vivres, carburants, munitions). Elle permet aussi de suivre les pertes en hommes et matériels. Cet arbitre est impartial, et surtout réversible, ce qui laisse toujours à l’animation le loisir de corriger des interactions jugées non représentatives de la réalité ou pénalisantes pour le déroulement futur du scénario. La simulation est le seul moyen pour fournir en flot continu des informations dans les systèmes d’information des joueurs. Elle décharge en grande partie les LOCON10 de la saisie manuelle de données d’entrées dans ces systèmes. Ce point est maintenant capital et peut être l’argument majeur militant au recours à la simulation. Les systèmes d’information ont pris une telle importance dans les PC que faire un exercice sans eux est impossible et inintéressant si ces systèmes ne sont pas suffisamment alimentés en données. Certes, préparer les bases de données, connecter la simulation aux systèmes d’information ne sont pas des tâches aisées (d’où une des réticences citées plus haut) mais ce travail amont indispensable, s’il est conduit en synergie avec l’équipe de projet de l’exercice, permet également d’aborder les questions de cohérence en termes de scénario, de génération de forces, de déploiement et de logistique au plus tôt. On peut ainsi éviter des adaptations et modifications importantes à quelques semaines du début de l’exercice. Bien évidemment, la simulation pour tous ces points possède ses propres limites et imperfections. Ces limites sont la conséquence de la modélisation proprement dite (granularité, finesse de rendu, incapacité à rendre tous les effets et l’enchaînement des effets, ...), ou la conséquence de défauts de paramétrage de ces modèles. Cependant, en dépit de ses limites propres, la simulation soulage l’animation qui serait incapable de gérer toutes les interactions avec uniquement les capacités humaines. Le réalisme dans le rendu et la dynamique apportée surpassent de fort loin ce qu’il est possible de faire avec une animation limitée aux cartes papier et aux tableurs Excel avec comme seul arbitre l’homme. 3) Conclusion U n exercice interarmées pour un PC de niveau opératif ou pour un PC de composante est toujours complexe à monter et à conduire. Utiliser la simulation en complément d’une animation « scriptée » (la fameuse MEL/MIL) enrichit considérablement un tel exercice et apporte une réelle plus value en terme de cohérence du scénario et d’utilisation des systèmes d’information déployés dans les PC. Le prix à payer pour cette qualité accrue est surtout un investissement humain en amont pour préparer cet emploi de la simulation. Les exercices s’améliorent à chaque nouvelle édition, mais les efforts ne doivent pas être relâchés. La compétence nécessaire est longue à acquérir mais peut se perdre rapidement. Le réel intérêt que des organismes extérieurs aux armées montrent pour nos exercices avec simulation prouve que la simulation est gage de qualité accrue 7 Exercice Control: cellule qui contrôle l’exercice et qui dirige notamment toute l’animation. 8 Common Operational Picture. 9 La vision réelle perçue est ce que dans l’absolu les unités aux ordres d’un PC voient à un instant donné. Cette vision est toujours en décalage de ce que le PC établit grâce aux comptes-rendus et par interprétation. 10 Low Control: Cellule réponse qui agit en interface entre la simulation et les joueurs et qui porte une très grande part de l’animation. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 16 AVRIL 2012 teMOIGNAGES Le commandement des centres de préparation des forces (CCPF) : un concept homogène Le CCPF inclut : Colonel emmanuel PouCet et Chef d’esCadron françois farra (CCPf) C lef de voûte du système de préparation et de mise en condition opérationnelle de l’armée de Terre, le commandement des centres de préparation des forces offre aux unités des niveaux 2 à 5 des moyens optimisés pour que l’intégralité de leurs séjours dans ses centres tende vers l’atteinte des objectifs d’entraînement que leur ont fixés leurs chefs. Parmi ces centres qui fournissent aux forces des entraînements réalistes, livrés clefs en main par des experts de la préparation opérationnelle, en totale adéquation avec les buts recherchés, dans un cadre interarmes, interarmées, et au besoin interalliés ou interministériel, trois utilisent la simulation de manière privilégiée. Il s’agit du CENTAC, du CENZUB et du CEPC. La simulation est devenue centrale dans leur fonctionnement et leur confère une indéniable plus-value, en particulier grâce à la valeur et à l’expérience des hommes qui l’emploient. Elle leur permettra encore de relever de nouveaux défis, comme ceux induits par la numérisation de l’espace de bataille. I - CENTAC II - CENZUB III - CEPC As the cornerstone of the Army system of training and readiness, the Command of Force Readiness Centers offers units from Levels 2 to 5 optimized ways so that their entire stays in those centers make it possible for them to achieve the training objectives set them by their commanders. Among the centers which provide realistic training to forces, turn-key delivered by combat-seasoned experts, in total adequacy with the desired goals, in a combined arms, joint, and if necessary, interallied or interagency environment, three use simulation in a privileged way – the Force-on-Force Training Center (CENTAC), the MOUT Training Center (CENZUB) and the Command Post Training Center (CEPC). Simulation has become essential in their operations and gives them an unquestionable added value, in particular thanks to the merit and experience of their personnel. It will make it possible for them to face new challenges, such as those induced by battlespace digitization. Le concept des centres de préparation des forces ubordonné au commandement des forces terrestres, le CCPF est devenu l’organe de mise en œuvre de la politique de préparation opérationnelle et de mise en condition opérationnelle de l’armée de Terre en concentrant les investissements, les moyens, les ressources, les expertises sur des espaces d’entraînement dont il a la responsabilité. Au service des forces, il offre aux états-majors et aux unités des brigades des exercices « clés en main », c’est-àdire un thème, une animation, un adversaire conçus par les centres et adaptés aux besoins exprimés par les chefs interarmes tout en tenant compte des enseignements issus des théâtres d’opérations. Il fournit également un environnement interarmes, interarmées voire interministériel ou international que les unités ne peuvent constituer en garnison. S Dans le but d’approcher au plus près de la réalité, les centres proposent aux unités des outils de simulation adaptés à chaque niveau de commandement. On les trouve au CENTAC et au CENZUB pour l’entraînement des SGTIA, et au CEPC pour l’entraînement des PC de niveaux 2 à 4. Dans tous les centres, ces entraînements donnent lieu à des contrôles permettant au chef interarmes d’évaluer l’aptitude des unités à s’engager, aptitude ainsi évaluée tout au long de leur parcours de préparation opérationnelle. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 17 AVRIL 2012 © Armée de terre I - LE CENTRE D’ENTRAÎNEMENT AU COMBAT (CENTAC) Entraînement au combat au CENTAC. Combat training at the CENTAC. ans le cadre de sa mission d’entraînement et de contrôle des sous-groupements tactiques interarmes, le CENTAC, implanté sur le camp de Mailly, conduit annuellement une vingtaine de rotations en terrain ouvert d’une durée de deux semaines au profit des forces terrestres et de quelques unités étrangères. D Pouvant faire manœuvrer simultanément trois sous-groupements tactiques interarmes, le CENTAC élabore et conduit des exercices à double-action dans le cadre de scénarios correspondant aux engagements potentiels ou actuels des forces terrestres. Disposant de deux compagnies de forces adverses (FORAD), d’une zone de manœuvre d’environ 100 km2, et des moyens de simulation instrumentée, le CENTAC est un outil adapté et performant. Il permet aux unités de s’entraîner dans un environnement interarmes, face à une FORAD réaliste, constituée de véritables professionnels de la force adverse pouvant représenter une force régulière, des milices, des réfugiés voire des prisonniers, et ce dans le cadre d’exercices se rapprochant le plus possible des conditions d’engagement réelles. La FORAD est en soi une forme de simulation. Elle est elle-même équipée des simulateurs de façon à mesurer l’effet de l’adversaire sur les forces amies. Les simulateurs du centre, suivant au plus près les évolutions des armements et systèmes d’armes, permettent aux hommes de s’entraîner sur un plan tactique mais aussi sur le plan de la technique du tir. Ils prennent en compte la quasi-totalité des systèmes d’armes (Artillerie, génie, NRBC…). Les plus modernes d’entre eux reproduisent exactement les effets des armes en portée, efficacité, sur tous types de cibles. Cela oblige donc les unités à mettre en œuvre leurs armements avec réalisme. Le système central CENTAURE permet une remontée automatique des événements «terrain». L’exploitation de ces données, des vidéos et des extraits radio, le travail des analystes, offrent ainsi une remarquable pertinence des séances 3A. Cela permet d’inscrire les unités en rotation dans une démarche pédagogique de progrès. La cellule d’analyse pédagogique apprécie les méthodes de raisonnement, les tactiques et procédures mises en œuvre par les commandants de SGTIA. Le niveau chef de section est également contrôlé. En fin de rotation, les SGTIA se voient attribuer une notation de leur niveau. La simulation permet ainsi de pousser l’unité dans toutes ses capacités et révèle les forces et faiblesses. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 18 AVRIL 2012 teMOIGNAGES Le CENTAC est aussi équipé d’une plateforme de deux systèmes de simulation SYSIMEV-IA. Simulation mi-constructive, mi-virtuelle. SYSIMEV-IA permet de faire travailler les procédures internes au SGTIA, répéter les composantes des missions du niveau UE, donner des ordres en cours d’action, travailler la discipline radio et les comptes-rendus tactiques et répartir les rôles au sein de l’équipe de commandement du SGTIA (CDU, OA, OA1, OA2, ADU et éventuellement des renforts GEN, ALAT etc...). Ces systèmes permettent d’effectuer au cours de la première semaine : - un «exercice de chauffe» pour le CDU avec ses subordonnés dont les appuis interarmes donnés en renforcement ; - un entraînement en libre-service pour les unités qui viennent s’auto-entraîner en bénéficiant de l’appui des spécialistes du CENTAC. En service depuis octobre 2004, il sera remplacé en 2012 par le simulateur OPOSIA qui apportera surtout les améliorations nécessaires en termes de confort technique et de réalisme par : - l’utilisation des systèmes d’information opérationnels (SIO) ; - l’utilisation des moyens de communication radio de commandement ; - une meilleure visualisation graphique du terrain et du personnel entraîné. OPOSIA reprendra le concept de SYSIMEV-IA. Cet outil d’entraînement apportera un saut qualitatif majeur en permettant d’optimiser la capacité des forces dans des conditions proches de la réalité. Le CENTAC offre ainsi aux unités la possibilité de s’entraîner avec des moyens réalistes et dans des conditions quasi réelles. Soucieux de reproduire au mieux les conditions des engagements actuels et à venir, le CENTAC intègre en outre de plus en plus la composante aérienne à ses exercices (drones, close air support de l’Armée de l’Air et de la Marine et action des hélicoptères), offrant ainsi la possibilité aux commandants d’unité de travailler, non seulement dans un environnement interarmes, mais aussi de se préparer à la coopération interarmées II - LE CENTRE D’ENTRAÎNEMENT AUX ACTIONS EN ZONE URBAINE (CENZUB) e CENZUB est un centre en constante évolution qui simule une ville générique et se voit doté progressivement d’un système de simulation en zone urbaine. L La simulation au CENZUB : un outil indispensable encore en pleine évolution Le CENZUB de SISSONNE est prioritairement dédié à l’entraînement aux actions en zone urbaine par le biais de rotations de deux semaines au profit des SGTIA. Une deuxième composante se développe peu à peu, complémentaire de la première : le tir en zone urbaine. Ces deux domaines concourent tout deux à la mise en œuvre de la politique AZUR. La simulation instrumentée1 répond aux principaux besoins des acteurs en fournissant des possibilités supérieures à celles disponibles en garnison. Toutefois à SISSONNE, elle est encore à ses débuts quant au suivi de situation. Ainsi les perspectives sont nombreuses et les champs d’application de la simulation devraient largement s’étendre au CENZUB dans les années à venir. 1 Concerne des systèmes réels mis en œuvre par des opérateurs réels. Elle consiste à mettre en œuvre des matériels réels sur le terrain. Ainsi les véhicules, les systèmes d’armes et les personnels sont équipés de systèmes permettant de reproduire et d’arbitrer des situations de duels. Cette simulation repose sur les simulateurs de tir de combat (STC) qui se déclinent aujourd’hui sur toutes les armes légères d’infanterie, les systèmes d’armes antichar, les canons des engins blindés (DX) et bientôt les différents canons et armes de bord des véhicules (STC B2M). DOCTRINE TACTIQUE N° 24 19 AVRIL 2012 Un apport indéniable de la simulation instrumentée La capacité d’équipement en simulation (deux SGTIA infanterie ou un SGTIA infanterie et un blindé en plus du SGTIA FORAD) et la capacité d’adaptation selon les matériels en dotation dans ces SGTIA permettent d’atteindre un bon niveau d’instrumentation des rotations s’entraînant à l’action en zone urbaine (AZUR). La complémentarité interarmes et l’effet conjugué des armes sont globalement bien rendus et représentent une aide sensible à la pédagogie du centre. Toutefois, certains pans des effets des armes qui ne sont pas restitués (armement de bord des véhicules de combat d’infanterie (VCI), armes coaxiales des engins blindés, armes à effet de zone) obligent les instructeurs à consacrer un temps important à l’arbitrage des duels, ce qui réduit le temps consacré à l’effort de pédagogie. Des conditions privilégiées pour la mise en œuvre de la simulation Le CENZUB permet l’équipement, l’instruction et le soutien de matériels de simulation à un degré difficilement réalisable en garnison. En effet, grâce à l’expertise du personnel servant au pôle simulation, aux infrastructures et soutien dédiés, la simulation instrumentée peut être mise en œuvre dans des conditions optimales. © CENZUB Le volet instruction sur la simulation n’est pas négligeable car la part de connaissance des utilisateurs est très faible : certains matériels ne sont pas en dotation en garnison et lorsqu’ils le sont, leur utilisation irrégulière rend nécessaire une reprise de l’instruction au CENZUB. Entraînement au combat en zone urbaine au CENZUB. MOUT training at the CENZUB. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 20 AVRIL 2012 teMOIGNAGES Des évolutions nécessaires pour répondre à celles de la préparation opérationnelle La figuration de tous les tirs directs La figuration de tous les tirs directs sera désormais possible avec l’entrée en service du STC B2M qui reproduira les tirs de la mitrailleuse de 12,7 au canon de 25 mn sur véhicules de combat d’infanterie ou engins blindés. L’attrition subie par le véhicule sera répercutée sur les combattants, équipés de gilets de simulation, se trouvant à bord ou autour du véhicule. Ainsi une part importante de l’arbitrage humain sera désormais prise en compte par la simulation. L’intégration de la simulation virtuelle La simulation virtuelle permettra notamment de travailler les procédures internes au SGTIA, de répéter les composantes des missions du niveau unité élémentaire, de donner des ordres en cours d’action, de travailler la discipline radio et les comptes-rendus tactiques, de répartir les rôles au sein de l’équipe de commandement du SGTIA (CDU, OA1, OA2, EO, CDP ABC, CDS GEN). Elle permettra lors de la première semaine de rotation des unités au CENZUB d’effectuer un «exercice de chauffe» pour le commandant d’unité avec ses subordonnés, dont les appuis interarmes donnés en renforcement. Pour l’instant cet exercice est mené sous forme de « carré vert». Pour ce faire le CENZUB devrait s’inscrire dans la phase 2 de déploiement d’OPOSIA qui présente comme intérêt d’intégrer la numérisation des réseaux de commandement. L’instrumentation du site d’entraînement de JEOFFRECOURT (projet ISEJ) Cette instrumentation intègrera tous les simulateurs existants et permettra une avancée significative dans l’allègement de la charge d’arbitrage pour les instructeurs : elle permettra la remontée des informations (localisation, pertes et destructions, tirs fratricides), elle restituera les effets des armes à effets de zone (sur les combattants, les véhicules et le bâtit). Ainsi le panel complet des armes sera simulé et toutes les données pourront être exploitées en temps réel mais aussi a posteriori dans le cadre des analyses après action. Ainsi la simulation rendra son rôle premier de conseiller à l’instructeur et fournira des données pédagogiques tangibles et incontestables. La simulation 3D Les contraintes environnementales2 et la difficulté d’obtenir des moyens aériens conduisent à une réflexion sur l’utilisation et le développement de la simulation 3D au CENZUB. Pour l’instant aucun moyen de simulation n’existe : un projet de fonction cible (type CMT) est à l’étude pour les hélicoptères de manœuvre et GAZELLE, une version du STC B2M est prévue pour le TIGRE qui confèrera à la fois la fonction cible et feu. La simulation mise en œuvre au CENZUB permet le contrôle des unités dans un cadre pédagogique d’excellent niveau, en réduisant au maximum la fonction arbitrage des instructeurs. Les prochains défis que devra prochainement aborder le centre seront l’intégration des réseaux de communication et la gestion des moyens radioélectriques rayonnants 2 Suite au Grenelle de l’environnement, l’aéroport de Roissy étend ses approches au-dessus de Sissonne et il est dorénavant acquis que l’appui aérien rapproché ne sera plus possible sur le centre, imposant donc de recourir à la simulation. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 21 AVRIL 2012 III - LE CENTRE D’ENTRAÎNEMENT AUX POSTES DE COMMANDEMENT (CEPC) réé en 1997 à Mailly, le CEPC a dès l’origine utilisé la simulation. SCIPIO est le système central sur lequel le centre s’appuie. SCIPIO est constamment l’objet d’évolutions et d’améliorations pour améliorer le rendu et intégrer des fonctions opérationnelles telles que la logistique et le renseignement. Alors qu’il a été conçu avant la NEB et dans un cadre type guerre haute intensité, le challenge est désormais de coupler SCIPIO à la NEB et de réaliser des exercices de maîtrise de la violence. Au minimum, pour les seconds, dans le domaine de la NEB, le CEPC reproduit à l’identique le système de commandement et de diffusion des informations des théâtres. Mais, dans une démarche proactive facilitée par les reconnaissances qu’il effectue avant tout exercice préparatoire, il est à même, après analyse, de proposer ou de conseiller le relevant sur son futur déploiement NEB. Ce déploiement peut alors, avec son accord, être mis en œuvre lors de l’exercice préparatoire. La NEB au CEPC Cependant, c’est lors des CAX que la NEB est la plus prégnante car l’architecture des réseaux y est réalisée conformément à la doctrine. C La Numérisation de l’Espace de Bataille (NEB) est une priorité de l’armée de Terre. Le Centre d’Entraînement des Postes de Commandement (CEPC) doit évidemment maitriser cet outil et intégrer sa mise en œuvre dans le cadre de sa mission d’appui à l’entraînement des postes de commandement. 1 COMPUTER ASSISTED EXERCISE © CCPF Le CEPC appuie ou conduit deux catégories d’exercices : les CAX1 (entraînement à «une» guerre via les exercices Aurige, Poney Express et Guibert) et les exercices de préparation à la projection (entrainement à la «guerre»). Les processus de préparation des exercices Poney Express (PE) ou Aurige sont globalement similaires. En effet, le CEPC est soit leader soit soutien proactif pour l’armement des cellules nécessaires à l’environnement tactique. En outre, il fournit la plus grande partie des matériels et réseaux nécessaires, la brigade n’étant responsable que de la mise en œuvre des matériels de son propre poste de commandement. Un poste SCIPIO mis en place pour un exercice AURIGE au CEPC. A SCIPIO position set up for an AURIGE exercise at the CEPC. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 22 AVRIL 2012 teMOIGNAGES Structurées par le travail d’adaptation de l’ordre de bataille au simulateur SCIPIO, les Données Quasi Permanentes (DQP) sont produites et vérifiées au CEPC, avant la mise à disposition de la brigade et des unités d’animation. Elles sont alors déployées dans les différents systèmes (SIR, SICF, ATLAS) à l’identique de qui se trouve dans le simulateur, donnant ainsi une cohérence électronique d’ensemble à l’exercice CAX. Dans le cas d’un exercice utilisant SCIPIO, le caractère globalisant de la NEB, contraint (mais l’on pourrait également écrire favorise) le déploiement numérisé de tous les niveaux de commandement, de la division jusqu’au SGTIA. Les ordres et les comptesrendus irriguent le réseau et permettent à chacun d’avoir une claire et interactive compréhension de l’environnement, favorisant par là la coordination interarmes et l’exécution des missions. La simulation, animée au niveau 5 permet, par effet de nombre, de créer une réalité suffisante et l’on pourrait dire réaliste, pour l’entraînement des PC de brigade et/ou de division mais également des PC de GT ou GTIA subordonnés devenant, de fait, des entraînés de 2e niveau. En raison du concept «train as you fight» qui ordonne le déploiement, ces entrainés n’ont aucun contact avec le simulateur. Il est donc nécessaire de créer un pont entre la «réalité » de la simulation et la NEB qui innerve les postes de commandement. Actuellement ce passage est réalisé par un processus de recopie d’écran. Les commandants d’unités élémentaires, regroupés dans la station SCIPIO référée à leur PC hiérarchique (GTIA, EASD, Zones logistiques, etc.), intègrent par ce procédé le champ de bataille virtuel de la simulation en «réalité » NEB. Ce processus manuel est consommateur de potentiel humain : par exemple il est nécessaire de déployer trois opérateurs SIOC et SCIPIO pour représenter deux unités élémentaires dans une station SCIPIO d’un GTIA de la brigade entrainée. Aussi, en réaction, la version dite STAB de SCIPIO devrait, à l’horizon 2012, émuler dans le même poste de travail simulateur et SIOC. Cette intégration NEB/simulation permettra à un seul officier d’exporter vers son PC de bataillon la réalité SCIPIO de deux unités élémentaires. Afin de répondre au mieux à ces besoins, le CEPC a créé à l’été 2009 une cellule NEB qui, maintenant arrivée à maturité, agit dans ce domaine comme facilitateur entre les bureaux du centre mais également entre le CEPC et les entraînés GlOSSAIrE 3A/AAA Analyse Après Action (souvent prononcé 3-alpha) CCPF Commandement des Centres de Préparation des Forces CENZUB Centre d’Entraînement aux actions en Zone Urbaine CENTAC Centre d’ENTraînement Au Combat CENTAURE Centre d’Entraînement au combat et de Restitution d’Engagements CEPC Centre d’entraînement aux Postes de Commandement FORAD Force Adverse OPOSIA Outil de Préparation Opérationnelle des Sous-groupements InterArmes SCIPIO Simulation de Combat Interarmes pour la Préparation Interactive des Opérations SGTIA Sous-Groupement Tactique InterArmes SIO Systèmes d’Information Opérationnels SIOC Systèmes d’Information Opérationnelle et de Commandement STC B2M Simulateur de Tir de Combat de nouvelle génération pour Blindés Moyens et Mitrailleuses SYSIMEV-IA Système de SIMulation et d’Entraînement Virtuel -InterArmes VBCI Véhicule Blindé de Combat de l’Infanterie VCI Véhicule de Combat de l’Infanterie DOCTRINE TACTIQUE N° 24 23 AVRIL 2012 Apport deerxercices la simulation pour l’analyse des de type AURIGE Général de division (2s) alain TarTainville CdeF/dreX L’ article présente l’intérêt de la simulation pour l’analyse après action des exercices d’entraînement en s’appuyant sur l’exemple du simulateur SCIPIO. SCIPIO est un simulateur adapté à la coercition de forces, il apporte du réalisme dans les mouvements et les confrontations et oblige la brigade entraînée à manœuvrer. Il permet de réduire le nombre d’opérateurs ANIBAS. L’analyse après action s’appuie sur la simulation en temps réel par affichage des situations tactiques (copie d’écran) ou en léger différé pour comprendre et corriger certaines erreurs. Elle permet de qualifier la manœuvre tactique à travers des critères d’un mémento d’analyse dont la mesure par la simulation garantie l’objectivité. Le rejeu permet de mettre en évidence la réussite ou l’échec de la manœuvre tactique. L’article présente enfin le besoin d’une analyse après action s’appuyant sur une simulation plus performante dans la lisibilité des écrans (manœuvre respectives des différents camps, dispositifs des appuis…) dans l’obtention des bilans logistiques (pertes, réparations…) et dans la présentation de l’efficacité des confrontations par fonctions opérationnelles. This article explains how to use simulation for the after action reviews (AARs) of training exercises, relying on the example of the SCIPIO simulator. SCIPIO is a simulator tailored for the coercion of forces; it brings realism in movements and confrontations, and forces the brigade being trained to maneuver. It makes it possible to reduce the number of LOCON operators. AARs are based on real time simulation by displaying tactical situations (screenshots) or in batch mode to understand and correct some errors. They make it possible to characterize the tactical maneuver through criteria drawn from a handbook whose simulation-based assessment guarantees the objectivity. The replay function makes it possible to highlight the tactical maneuver’s success or failure. Finally, the article highlights the need for AARs based on a more efficient simulation as regards the legibility of screens (respective maneuver of the opposing forces, the disposition of combat support assets…), in obtaining logistics reports (casualty lists, repairs…) and in the efficient replication of confrontations by operational functions. L es PC de brigades effectuent régulièrement des exercices d’évaluation AURIGE au CEPC de Mailly. Cet article montre comment l’équipe d’analyse après action utilise la simulation. ercredi 2 juillet 1902, le premier coup de canon retentit sur le nouveau Camp de Mailly. Le CEPC y est créé le 1er septembre 1994. Plusieurs exercices de validation sont organisés avec la 10° DB toute proche avant que le centre ne reçoive ses premiers états-majors «clients». A l’époque, le centre utilise un système de simulation d’origine américaine «BBS» très largement « francisé » et complété d’un M DOCTRINE TACTIQUE N° 24 24 AVRIL 2012 remarquable outil d’analyse après action nommé «Cassini». En 2004 ce système est remplacé par le système SCIPIO développé par THALES. Initialement tourné vers l’évaluation des PC de niveau 3 (brigades) à travers les exercices de type AURIGE que les brigades doivent normalement effectuer au moins une fois tous les trois ans selon un protocole établi en 2001 et révisé en 2004, le rôle du CEPC est élargi tant au profit des brigades(exercices d’auto- entraînement PONEY EXPRESS et exercices de préparation avant projection) que des EMF (GUIBERT) et du CRR-FR (CITADELLE). Globalement, un système de simulation offre de nombreux avantages pour l’entraînement des PC. Il permet notamment de l’entraîner à la manœuvre interarmes en optimisant la complémentarité et la coordination des différentes fonctions opérationnelles du «battlefield operating system» (BOS). Il permet aussi de tester ses procédures (SOI) et ses techniques d’état-major, de valider les SOP, d’affiner son processus décisionnel, de vérifier son système d’élaboration et de diffusion des teMOIGNAGES ordres, d’améliorer la coordination interne et la circulation de l’information, de développer la confiance entre l’équipe de commandement et l’état-major. Il est aussi intéressant de s’interroger dans quelle mesure les systèmes de simulation et notamment SCIPIO améliorent les possibilités d’investigation de l’équipe d’analyse après action (3A) et facilitent son travail. Pour cela nous examinerons successivement l’intérêt et les limites actuelles de SCIPIO, avant de voir comment la 3A s’appuie sur la simulation lors des exercices puis de voir quels outils devraient être développés pour renforcer le soutien de la simulation à l’analyse après action. 1° partie : le système actuel de simulation du CePC : sCiPio intérêt et limites Le protocole de passage des brigades au CEPC stipulait clairement en 2001 comme en 2004 que les exercices AURIGE devaient être «fondés sur un mode opératoire principal : la coercition de forces», essentiellement en terrain ouvert. Le système de simulation a donc été conçu dans cette optique. Il faut rappeler qu’à l’époque, marquée par les opérations de basse et moyenne intensités en ex-Yougoslavie, les directives d’entraînement mettaient clairement l’accent sur l’entraînement au combat « classique » de haute inten-sité, considéré comme le socle à partir duquel il était facile de s’adapter aux opérations extérieures du moment. Le simulateur SCIPIO était bien adapté à ce type d’opération. Comme ses prédécesseurs BBS et JANUS, il apporte un réalisme dans les mouvements et les confrontations qu’aucun «carré vert» ne saurait fournir. La modélisation du terrain permet de tirer le meilleur parti des possibilités des armes et de la coordination des obstacles et des appuis. Bref, il oblige le joueur à réellement manœuvrer d’autant qu’à cette époque les exercices étaient à double action et que l’adversaire restait relativement libre de sa manœuvre. La brigade avait donc en face d’elle un ennemi cohérent et réaliste montant et jouant une manœuvre d’ensemble en utilisant au mieux le terrain et ses appuis. Un simulateur reste cependant un simulateur. SCIPIO, quoique bien adapté à cette confrontation de haute intensité, comporte aussi quelques lacunes plus ou moins pénalisantes : pertes très élevées dues à une confrontation sans merci, pas de modélisation du terrain urbain, pas de manœuvre des SIC, certaines fonctions (ASA, aéromobilité, appui aérien) perfectibles. SCIPIO comporte aussi un avantage considérable sur les autres simulateurs de niveau brigade ou bataillon : la présence d’automates d’unité élémentaire, dont les logiciels ont été développé à partir des documents de doctrine des écoles d’armes. Ces automates permettent de réduire très sensiblement le nombre d’opérateurs en ANIBAS et d’éviter des erreurs tactiques à ce niveau. Cependant, ce système ne fonctionne qu’avec des unités organiques. La manœuvre du SGTIA n’est donc possible qu’en débrayant l’automate ce qui, compte tenu du nombre d’opérateurs ne doit être utilisé qu’exceptionnellement. Ainsi un SGTIA blindé s’engageant en zone urbaine est-il rapidement détruit par un adversaire même faible car son infanterie n’est pas prise en compte. Il en est de même pour un SGTIA à base infanterie en terrain ouvert ou même pour le combat débarqué. La logistique, qui peut fonctionner en mode automatique, était bien adaptée à notre doctrine où la brigade n’est pas un échelon logistique et où l’essentiel réside dans la cohérence tacticologis-tique plus que dans la conduite fine des opérations de ravitaillement ou d’évacuation. Le durcissement et la complexité des engagements opérationnels notamment en Afghanistan et la gestion de plus en plus difficile du budget «temps» avec la réduction constante du format des armées, ont amené le CEMAT à réorienter plus explicitement la préparation opérationnelle vers le combat du moment, essentiellement marqué par des opérations de contreinsurrection (COIN) en rase campagne comme en ville dans un environnement interarmées et multinational. Les exercices AURIGE, qui restent au cœur de la préparation opérationnelle des PC de brigade et de GTIA/GTA se sont donc adaptés et s’appuient désormais sur le thème générique de l’armée de terre qui permet de placer les unités dans un environnement réaliste : entrée en premier (IEF), intervention, stabilisation etc. Les simulateurs et notamment SCIPIO se sont trouvés un peu décalés dans ce nouveau contexte. Un énorme travail a été fait par le CEPC, en liaison avec les industriels pour adapter la simulation à la manœuvre globale. Ainsi, le nombre des acteurs a été sensiblement accru : nation hôte et ses capacités logistiques et militaires, forces spéciales, milices, réfugiés, populations plus ou moins hostiles ont été modélisés. La menace IED est prise en compte, la sécurité des convois logistiques peut être testée, des actions CIMIC peuvent être réalisées. Néanmoins tout ne peut pas être simulé et la présence d’une «White Cell» suffisamment étoffée reste le seul moyen de reproduire la complexité de l’environnement politico humanitaire des opérations actuelles. De même, la mise en œuvre du SAER par les brigades exigerait-elle des bases de données renseignement d’exercice qui font encore défaut. Enfin les versions initiales de SCIPIO se sont avérées mal adaptées à la numérisation totale des unités. Ainsi, les animateurs bas doivent-ils recopier intégralement les éléments donnés par SCIPIO dans leur SIR alors que la plupart d’entre elles, notamment celles concernant les positions et situations amies seraient incrémentées automatiquement depuis SITEL. En outre, les DQP SCIPIO très différentes de celles des unités réelles introduisent un décalage entre les situations dans SIR/SICF et SCIPIO qui rend difficile sinon impossible l’établissement de bilans logistiques fiables. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 25 AVRIL 2012 © CCPF La mise en service de la version V1 STAB de SCIPIO va très sensiblement réduire ces inconvénients. En effet, cette version en cours de validation permet la recopie automatique dans SIR. Elle permet surtout de reproduire de façon plus réaliste et fiable l’environnement multinational et interarmées, les actions de maîtrise de la violence, le contrôle de foule, les opérations humanitaires et prend mieux en compte les actions en zone urbaine. Ainsi malgré une évolution rapide du style d’engagement, le simulateur SCIPIO du CEPC permet-il d’offrir aux joueurs et notamment à la brigade un environnement réaliste d’entraînement qui contraint les PC à exploiter au mieux toutes les capacités des différentes fonctions opérationnelles de leurs des unités et de les combiner pour obtenir une manœuvre globale de leurs effets. Comment les analystes de la «3A» utilisent-il les possibilités du simulateur ? disposition une équipe de spécialistes pour l’aider à analyser la situation reproduite dans le simulateur. Les analystes utilisent d’abord la simulation en temps réel. Par exemple, des copies d’écran sont faites au même moment sur SCIPIO et sur la STR affichée dans les PC de GTIA/GTA et au PC de brigade. Ces copies permettent de mettre en exergue et souvent d’expliquer des distorsions entre la situation «réelle» sur le terrain et celle perçue par les PC de niveau 3 et 4. L’équipe va aussi utiliser le simulateur en léger différé pour découvrir certaines erreurs. Ainsi la comparaison des parties vues et cachées du terrain avec le dispositif des DLOC a pu expliquer l’incapacité de l’artillerie bleue à interdire la mise en place d’un point de franchissement ennemi. De même, le suivi en temps réel d’un mouvement complexe d’une brigade a-t-il permis de sanctionner immédiatement le manque de coordination que l’absence de pa- SCIPIO, comporte des automates d’unité élémentaire dont le comportement a été développé à partir de documents de doctrine. La prochaine version intègrera l’environnement complet de la phase de stabilisation. SCIPIO is made up of programmable controllers for company-size units whose behavior has been developed from doctrinal documents. The next version will include the complete environment of the stabilization phase. 2° partie : Comment la 3a s’appuie-t-elle sur la simulation ? Pendant tout l’exercice, l’équipe 3A dispose d’une console affichant en temps réel la situation complète dans SCIPIO et le CEPC met à sa DOCTRINE TACTIQUE N° 24 26 AVRIL 2012 ragraphes « commandement », « contrôle » et « logistique » du MOVORDER laissait craindre ! La 3A travaille à partir d’un mémento d’analyse qui énumère plus de 80 critères eux-mêmes divisés en plus de 750 sous-critères qui sont autant de questions élémentaires couvrant toute les fonctions opérationnelles. La simulation fournit souvent une réponse rapide à la plupart de ces sous-critères. Ainsi en est-il pour la gestion de l’espace terrestre (GESTER), la coordination des plans de feux et d’obstacles ou encore l’emploi des capteurs de la BRB. Depuis 2004 la qualité de la manœuvre tactique est aussi analysée par l’équipe 3A. Initialement laissée à l’appréciation du général directeur de la 3A, cette appréciation a, dès 2005, été normalisée dans le mémento d’analyse à travers 8 critères de base et 77 sous-critères détaillés. Le nombre et la précision des critères sont les garants de l’objectivité de la mesure et le simulateur apporte le plus souvent des éléments de réponse concrets à la plupart des questions tactiques notamment celles relatives à l’emploi des Armes, à l’utilisation du terrain, à l’efficacité des appuis ou encore à la compréhension de la manœuvre ennemie. Enfin le « re-jeu» en accéléré d’une phase de la manœuvre s’avère souvent très instructif car il permet de découvrir la ou les principales raisons de sa réussite ou de son échec. Ainsi la 3A a-t-elle pu voir la qualité d’une manœuvre de contrôle et de cloisonnement des quartiers ethniques d’une grande ville, la saisie d’une opportunité pour lancer une attaque blindée ou, a contrario, l’échec d’une manœuvre héliportée ou la mauvaise coordination des feux. Cependant, les possibilités offertes par l’application 3A de SCIPIO restent encore incomplètes, parfois fausses ou inexploitables et généralement trop peu pédagogiques pour être projetée directement aux joueurs lors de la séance de restitution à chaud «hot wash up» qui clôt l’exercice AURIGE. Il est donc souhaitable de l’améliorer sensiblement. 3° partie : nécessité d’une application, 3a performante En effet, les fonctions spécifiquement «3A» de SCIPIO restent encore embryonnaires et en tout cas très en deçà de celles qu’offrait jadis le logiciel «Cassini» qui tournait sur teMOIGNAGES BBS. A cet effet, les concepteurs de l’outil devraient l’améliorer dans trois directions principales : la lisibilité de l’écran, l’obtention de bilans logistiques et la présentation de l’efficacité des fonctions opérationnelles. GlOSSAIrE La lisibilité de l’écran devrait permettre de mieux discerner et présenter le dispositif et le contour de chaque pion de manœuvre (GTIA, BRB, appuis). Ainsi l’évolution du dispositif d’un GTIA, ses unités de manœuvre, ses appuis (DLOC) et ses moyens de renseignement devraient-il être parfaitement visibles. On devrait pourvoir comparer les zones d’application effective des feux amis et ennemis avec les manœuvres respectives des différents camps. On devrait pouvoir faire apparaître le dispositif d’appui feux (batteries, DLOC), l’évolution de la préparation du terrain ou encore le positionnement des capteurs. Bref, les rejeux doivent permettre de mieux identifier les pions tactiques sur le terrain et la façon dont ils ont évolué dans l’espace et dans le temps. Cette meilleure lisibilité de l’écran «3A» pourrait aussi être utilisée lors du «hot wash up» en appui des principales conclusions tirées par les analystes. Des bilans logistiques existent mais ne sont, en l’état actuel, pas exploitables voire inexacts. L‘application «3A» devrait permettre de présenter à tout moment le bilan des pertes (personnels et matériels majeurs) et la situation logistique des entités. Dans le domaine santé, cette application devrait permettre de mieux repérer les défauts dans la conduite du ramassage et des évacuations, non seulement en dénombrant les blessés «morts» faute d’avoir été traités dans les délais imposés par l’urgence de leur blessure mais en déterminent les causes de ce dépassement (élongations, engorgements au PSR…). 3A ou AAA : Analyse après action (ou encore AAR: After action review) Enfin l’application 3A devrait permettre de mieux comprendre le rôle joué par les appuis en établissant des bilans spécifiques de leur «coût/efficacité» (feux directs et indirects, emploi du génie en contre-mobilité, répartition des moyens CIMIC…). SAER : Solution d’aide à l’exploitation du renseignement. En conclusion, même imparfaite ou incomplète, la simulation apporte aux exercices AURIGE des brigades un réalisme irremplaçable qui contraint les PC à monter et conduire une véritable manœuvre globale combinant réellement les effets de toutes les fonctions opérationnelles mises à leur disposition sur un terrain et face à des acteurs donnés. La version V1 STAB de SCIPIO devrait encore renforcer cette situation. Les analystes chargés d’apporter des éléments d’évaluation au directeur d’exercice utilisent déjà largement les possibilités offertes par le simulateur. Reste cependant à développer une application 3A nettement plus élaborée qui renforcera les capacités d’analyse et servira d’outil pédagogique lors du bilan final de l’exercice. La manœuvre globale est par essence complexe. L’art de la «3A» est bien de déterminer, comme le disaient nos amis britannique dans le RETEX de leur opération TELIC en 2003 si «much of the apparent complexity of modern war stems in practice from the self-imposed complexity of modern HQs1 » BBS: Brigade and Battalion Simulation. BBS was developed for brigade and battalion commanders to train their battle staffs in combat and battlefield operating procedures. BOS: Battlefield Operating Systems: Manœuver, Fire Support, Air Defense, Command and Control, Intelligence, Mobility and Survivability, Combat Service Support. BRB : Batterie de renseignement de brigade. COIN: Counter insurgency. DQP : Données quasi permanentes. Il s’agit des données de bases, notamment logistiques (effectifs, carburant, munitions) qui caractérise chaque entité. GTA : Groupement tactique d’appui. GTIA : Groupement tactique interarmes. HQ: Headquarters. IEF: Initial entry force. MOVORDER : Ordre de mouvement. SCIPIO : Simulation de Combat Interarmes pour la Préparation Interactive des Opérations. SGTIA : Sous-groupement tactique interarmes. SICF : Système d’information et de commandement des forces. SIR : Système d’information régimentaire. SITEL : Système d’information terminal élémentaire. SOI: Standing Operating Instruction. SOP: Standing Operating Procedure. STR : Situation tactique de référence. C’est la carte numérisée utilisée par les PC pour planifier et conduire les opérations. En termes anglo-saxons, on parlera de COP (common operational picture) au niveau opératif interarmées (joint) ou RGP (recognized ground picture) au niveau tactique interarmes (combined). 1 Ndlr : «une grande partie de l’apparente complexité de la guerre moderne découle en pratique de la complexité auto-imposée dans les états-majors modernes». DOCTRINE TACTIQUE N° 24 27 AVRIL 2012 L’évaluation tactique d’APLET (Aide à la PLanification d’Engagement Tactiques terrestres) LiEuTEnAnT-coLonEL PhiLiPPE LE cARFF, chEF du buREAu EmPLoi PLAns dE L’éTAT-mAjoR dE LA 2 bb è A PLET (Aide à la Planification d’Engagement Tactiques terrestres) est un logiciel qui permet la confrontation des modes d’action. L’état-major de la 2e brigade blindée a mené l’évaluation tactique de cet outil, notamment au cours de l’exercice multinational NEMESIS SWORD en 2010. APLET présente les qualités attendues d’une application d’aide à la décision : simplicité de l’ergonomie, réalisme de la simulation et calcul rapide des résultats des confrontations. Néanmoins, sa fonction de confrontation des modes d’action basée sur un calcul d’attrition, trouve vite ses limites lors d’une opération de stabilisation ou de maintien de la paix. Il n’en demeure pas moins un outil particulièrement utile à la cellule manœuvre future. A PPLET (planning aid for land tactical commitments) is a software which makes it possible to compare courses of action. The staff of the 2d Armored Brigade conducted a tactical assessment of this tool, in particular during the multinational exercise NEMESIS SWORD in 2010. APPLET demonstrates the qualities expected from a decision-aid application – easy ergonomics, simulation realism and fast processing of the results of comparisons. However, its function of comparing courses of action based on attrition calculations quickly finds its limits in a stabilization or peacekeeping operation. Nevertheless, it is a particularly useful tool for the “future maneuver ” cell. état-major de la 2e brigade blindée a reçu le mandat du commandement des forces terrestres de mener l’évaluation tactique (EVTA) du logiciel APLET (Aide à la PLanification d’Engagement Tactiques terrestres) de mai à novembre 2010 dans le cadre des travaux des systèmes d’information opérationnels futurs. Il s’agissait d’évaluer, à l’occasion d’exercices ou de déploiements opérationnels, le logiciel consolidé en donnant un avis sur : L’ - l’opportunité de disposer d’un tel outil dans la conception et l’élaboration des ordres ; - le réalisme de la simulation dans l’exécution des missions ; - l’ergonomie, la facilité de mise en œuvre et l’interopérabilité avec le SICF ; - la rapidité des temps de réponse et leur compatibilité avec le rythme de la manœuvre. Enfin, d’éventuels axes d’amélioration devaient être aussi proposés. Le logiciel avait déjà été testé par la 2e brigade blindée sur une courte période lors de l’exercice BACCARAT du 1er au 5 mai 2010. Ce premier contact avait permis de poser les jalons de l’évaluation tactique et de tirer les premiers enseignements. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 28 AVRIL 2012 teMOIGNAGES 1. PRésEnTATion du LogiciEL ET du cAdRE dE son ExPéRimEnTATion PLET est un outil d’aide à la décision tactique. Il permet d’évaluer des modes d’action définis par l’officier «manœuvre future» et l’aide dans le choix de ses propositions. Le logiciel permet principalement de réaliser une confrontation de modes d’action amis et ennemis par une simulation «déterministe» d’actions que réaliseraient sur un terrain donné des unités intégrées au sein d’une force de niveau brigade. Couplé au système de commandement et d’information des forces (SICF), le logiciel importe les modes d’action définis sur le SICF et en exporte ses résultats. Il peut aussi être utilisé de façon autonome. A La confrontation nécessite un paramétrage initial pour évaluer la pertinence et/ou la valeur de modes d’action. Les résultats restitués par le système sont des informations quantitatives et en particulier s’agissant de l’attrition des moyens dans le temps. L’expérimentation a été conduite aux cours de deux exercices : un exercice d’auto entraînement BISON du 20 au 23 septembre 2010 et l’exercice multinational NEMESIS SWORD du 18 octobre au 1er novembre 2010 à BERGEN en Allemagne. Durant la rédaction de l’ordre d’opération n° 1 de l’exercice BISON correspondant à la phase de coercition de l’exercice, deux modes d’action ennemi et trois modes d’action amis ont été réalisés. L’étude de cas nonconformes a également été jouée. Ayant trouvé toute sa mesure durant la phase de déroulé de la méthode d’élaboration d’une décision opérationnelle (MEDO) de l’ordre d’opération n° 1, le logiciel a été moins utile durant la rédaction de l’ordre d’opération n° 2 qui avait pour cadre d’action une mission de stabilisation. Toutefois, afin de mieux s’approprier l’outil, un certain nombre de modes d’action tant amis qu’ennemis ont été modélisés et confrontés. L’exercice multinational NEMESIS SWORD avait pour but d’entraîner les postes de commandement de deux divisions au «continuum des opérations» dans le cadre d’une opération de «soutien de la paix» de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, sous mandat de l’Organisation des Nations Unies. Le critère principal de la manœuvre de la division (« every casualty is a failure »), associé à un effectif réduit du centre des opérations de la brigade, armé simplement en cellule réponse, n’a pas permis de mettre pleinement en œuvre APLET. Seule une manœuvre artificielle créée dans le cadre d’études de cas non-conformes a réellement permis de tester les capacités du logiciel. Ont été réalisés deux modes d’action ennemis et trois modes d’action amis qui ont été confrontés. 2. EnsEignEmEnTs 2.1. Par rapport au mandat 2.1.1. Opportunité de l’outil Au delà des petits outils qui permettent de sortir rapidement, de manière formalisée, des conclusions de la méthode d’élaboration d’une décision opérationnelle, APLET est un bon outil pour la cellule «manœuvre future». Il permet ainsi de mettre en évidence une incohérence éventuelle de la manoeuvre qui pourrait mener à l’échec de la mission. La construction des modes d’action, conjuguée au réalisme de la simulation permet également d’anticiper d’éventuels problèmes de coordination ou de synchronisation de la manœuvre entre les différents groupements tactiques interarmes de la brigade. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 29 AVRIL 2012 Enfin, APLET peut permettre, lors du jeu des modes d’action, de faire ressortir les points clés du terrain ou des moments particuliers de la manœuvre (bascule de rapport de force). Si APLET ne remplace pas et ne doit pas se substituer à ce processus, il lui permet néanmoins de donner une image démonstrative d’une décision tactique rendue souvent un peu abstraite par le simple plaquage de flèches rouges et bleues sur une carte. Le fait que le paramétrage des normes d’engagement et des comportements est prédéfini, permet, en théorie, d’obtenir un résultat identique quel que soit le rédacteur. Cette capacité offre un gage d’objectivité et une constance indispensable à la prise de décision. 2.1.2. Réalisme La modélisation des unités, de la section à la brigade, est pertinente et prend en compte l’évolution des tableaux uniques des effectifs et des matériels (TUEM) des unités. En tant qu’outil de simulation, APLET a pris en compte une grande partie des caractéristiques des matériels (vitesse, portée des armes, capacité de franchissement, etc.). Durant l’exercice BISON, la simulation a permis de vérifier la cohérence de ces paramètres notamment en ce qui concerne la portée des armes ou leur puissance. Les incohérences notées lors de l’EVTA ont été modifiées au fur et à mesure par l’industriel. De même, le rythme de progression des unités est bien modélisé et permet ainsi de détecter d’éventuelles erreurs dans le phasage et la coordination de la manœuvre entre deux unités dotées de matériels différents. Matrice de synchronisation du mode d’action ami. On remarque la mise en évidence (en rouge sur l’écran) d’une des missions du tableau sous la carte, ainsi que l’affichage des ordres de bataille (ici ennemi) dans la fenêtre de droite. Synchronization matrix of the friendly course of action. Please note that one of the missions of the table under the map is highlighted in red on the screen, and the display of the orders of battle (here for the enemy) in the right window. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 30 AVRIL 2012 teMOIGNAGES 2.1.3. Ergonomie L’un des principaux points forts d’APLET est son ergonomie. La formation assurée par l’industriel CASSIDIAN sur une journée a permis très rapidement de prendre en main l’outil. Simple d’utilisation, ne demandant pas une connaissance poussée en informatique et en bureautique, il reprend des fonctions simples qui permettent notamment de modifier rapidement un ordre de bataille (ODB) en faisant simplement glisser une unité d’un régiment à un autre. De même, la navigation sur les cartes et la mise en place des unités par « drag and drop » rend la préparation des modes d’action, tant amis qu’ennemis, rapide et aisée. Concernant la compatibilité avec le SICF, il convient, dès le début de la manœuvre, d’importer la cartographie RASTER et vectorielle, de construire les ordres de bataille adéquats, et de les entretenir au cours de l’opération. Il faut également rendre ces ordres de batailles compatibles avec ceux des autres systèmes censés interagir, tel que le SICF. Une mise en cohérence des données quasi-permanentes (DQP) du SICF et d’APLET doit être réalisée avant chaque utilisation. Il reste difficile d’intégrer des unités non décrites au départ qui pourraient être données en renfort. Il faut donc prévoir un ordre de bataille du théâtre élargi. 2.1.4. Rapidité de réponse et compatibilité avec la manœuvre Bien que cela dépende de la puissance de la machine utilisée, la vitesse de calcul de l’outil de confrontation des modes d’action permet d’obtenir des résultats dans les cinq à dix minutes. Son ergonomie permet une utilisation dans le temps imparti au déroulé de la méthode d’élaboration d’une décision opérationnelle lors de la phase de confrontations des modes d’action. Outil de manœuvre future et notamment d’élaboration de cas non-conformes, il permet ainsi une planification à froid de la manœuvre. Son utilisation dans la conduite de la manœuvre semble plus difficile car sa manipulation demande de distraire une ressource comptée au sein des cellules «opérations» et «renseignement». Cela n’a pas été expérimenté. 2.2. Améliorations La principale amélioration à apporter concerne la cartographie et la modélisation du terrain. La génération du terrain de simulation est un processus trop lourd qui fait appel à l’industriel. Le chargement d’une carte vectorielle à jour issue de la base de données du SICF permettrait au centre des opérations de se retourner plus rapidement en cas de changement de zone d’action. Il faudrait également pouvoir enrichir les données à partir de l’analyse effectuée par la cellule 2D de l’état-major. 2.3. Limites La confrontation des modes d’action du logiciel APLET est basée sur un calcul d’attrition entre deux forces. Bien adapté à un scénario de coercition, il atteint ses limites dans un scénario de stabilisation où les effets recherchés ne portent pas principalement sur l’ennemi mais plus sur l’environnement de la force (population, information, terrain, politique, etc.). Le scénario de l’exercice NEMESIS SWORD et la seconde phase de l’exercice BISON ont montré le peu d’intérêt que l’on peut retirer de la simulation des confrontations de modes d’action dans ce cadre. Il semble toutefois difficile de modéliser les paramètres et de les rendre quantifiables pour profiter des capacités de calcul du logiciel qui, il faut le souligner, n’a pas été conçu pour cela. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 31 AVRIL 2012 3. concLusion En conclusion, le bilan de l’EVTA du logiciel APLET est positif. APLET est un outil qui s’avère utile à la cellule manœuvre future dans la mesure où sa modélisation de la manœuvre permet de bien faire ressortir les moments particuliers et permet d’étudier les cas non-conformes assez rapidement. S’il s’est avéré être un outil d’aide à la décision aux qualités ergonomiques certaines, sa fonction de confrontation des modes d’action basée sur un calcul d’attrition trouve vite ses limites lors d’une opération de stabilisation ou de maintien de la paix. e A l’issue de l’évaluation, la 2 brigade blindée s’est prononcé pour un plan d’équipement réduit afin d’obtenir un retour d’expérience élargi venant d’autres grandes unités et d’organismes de formation (école d’état-major, cours supérieur d’état-major). Ceci permettra probablement de développer un produit de qualité au profit des forces APLET : La visualisation d’un mode d’action AMI (MA). APPLET: Display of a friendly course of action. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 32 AVRIL 2012 TRIBUNE La simulation, outil stratégique de formation Colonel Bruno rivière (DrHAT/SDFe) L e bien fondé de l’utilisation de la simulation dans les organismes de formation est unanimement reconnu. Les forces ressentent désormais ce besoin de simulation. Un projet en cours vise à déployer dans les garnisons un système de simulation qui permettra de s’entraîner à l’utilisation de la NEB et des cadres d’ordres. D’autres projets sont envisagés, tels que la mise en place de simulateurs distants, pour la mise en œuvre de chaînes de commandement complètes. L’arrivée de la « génération internet » doit conduire à adapter la pédagogie et la simulation ne pourra que se développer en ce sens. La simulation est amenée à s’inscrire dans une continuité formation, entraînement, répétition de mission et retour d’expérience. Centrée actuellement sur la tactique, elle touchera demain tous les domaines de la formation. L a simulation a commencé à réellement se développer dans les écoles il y a une quinzaine d’années. L’apparition de nouvelles technologies, la disparition des régiments école, la difficulté pour manœuvrer en terrain libre puis la nécessité de baisser les coûts de formation ont été les facteurs qui ont favorisé le développement de cet outil. Dix ans après, le bilan est particulièrement positif, la formation assistée par ordinateurs a pénétré tous les domaines. Représentant 61 000 heures de cours dans les écoles, la part de la simulation dans la formation a été multipliée par deux en 5 ans. Pouvant paraître peu élevé, ce chiffre devient significatif si l’on s’intéresse aux activités les plus onéreuses : The validity of simulation use in training organizations is unanimously recognized. Forces now feel the need for simulation. An ongoing project aims to deploy a simulation system that will make it possible to train at home stations as regards the use of battlespace digitization and frameworks of orders. Other projects are envisaged, such as the establishment of remote simulators, for the implementation of complete chains of command. The arrival of the “ internet generation ” should lead to tailored teaching methods and simulation can only be developed in that direction. Simulation is to be seen in continuity – initial and advanced training, mission rehearsal, and lessons learned. Currently focused on tactics, it is bound to affect all areas of training tomorrow. - 40% de la formation tactique à l’Ecole de Cavalerie repose sur la simulation ; - 65% de la formation pilote TIGRE se fait par simulateur ; - 70% de la formation initiale des équipages VBCI se fait par simulation ; - Demain, 80% de la formation NH90 se fera sur simulateur. Les stages LECLERC illustrent bien cette montée en puissance : des EAO permettent aux membres d’équipage de découvrir leurs postes de travail ; un simulateur de conduite et un simulateur de tir complètent cette instruction individuelle. Des outils plus ambitieux, les simulateurs d’entraînement d’équipages, permettent l’instruction collective au DOCTRINE TACTIQUE N° 24 33 AVRIL 2012 niveau du char puis, reliés en réseau, au niveau du peloton. Enfin, l’apprentissage de la manœuvre et l’utilisation des cadres d’ordres reposent eux aussi sur deux simulateurs : Opération French Point et ROMULUS. Jadis, le militaire apprenait dans son véhicule, aujourd’hui, il doit monter dans son char en sachant déjà l’utiliser. Les domaines techniques comme la maintenance bénéficient aussi de ces nouvelles technologies. L’informatique permet la visualisation de moteurs en trois dimensions, de circuits électriques, hydrauliques, voire la génération de pannes. Les mécaniciens peuvent, avec des illustrations claires, comprendre leurs moteurs avant de les découvrir dans l’atelier. Les effets des pannes sont visualisés, les aides en ligne permettent à l’élève de ne pas être bloqué. La formation est ainsi particulièrement efficace tout en évitant aux écoles de monopoliser trop de matériels réels. Au bilan, la simulation s’est imposée dans la formation. Elle ne remplace pas le terrain ni le matériel réel. Elle permet de maîtriser des savoirfaire techniques, de répéter des procédures tactiques à moindre coût, sans casser de matériel, sans consommer de potentiel. La simulation est néanmoins insuffisante si elle n’est pas systématiquement suivie par une utilisation réelle du matériel et/ou la mise en pratique des savoir-faire acquis sur le terrain, en condition réelle. Apprendre en simulateur ne restitue pas le bruit, la fatigue, le stress ou les impondérables du terrain. Le défi de la formation reste donc le main-tien d’un équilibre entre simulation et matériels réels, afin de réussir l’alchimie difficile entre une formation à moindre coût et une formation efficace et réaliste. Ce besoin de simulation arrive maintenant dans les forces. La diminution des budgets, la mise en place de la Politique d’Emploi et de Gestion des Parcs (PEGP), amènent les régiments dans la même problématique que les écoles. Il leur faut, sans matériels majeurs, se former autrement et continuer à maîtriser leurs savoir-faire tactiques. L’EMAT a demandé à la SDFE d’appuyer cette formation en garnison ; le but est d’adapter pour les régiments des outils dont disposent les écoles. La mise en place des Espaces d’Instruction Collective NEB Simulation (EIC NEB Simu) est le projet qui doit répondre à cette volonté. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 34 AVRIL 2012 Ce projet consiste à déployer dans les garnisons un système de simulation permettant aux niveaux section, compagnie, voire poste de commandement de GTIA, de s’entraîner à l’utilisation de la NEB et des cadres d’ordres. Ces ensembles, pour chaque régiment une trentaine d’ordinateurs en réseau local, permettent aux joueurs de s’appuyer sur une situation tactique fournie par la simulation : les animateurs, devant leurs écrans simulation, transmettent aux joueurs les comptes rendus tactiques via une messagerie reproduisant celle des SIT ; les joueurs, isolés de la simulation, voient la situation et donnent leurs ordres via le SIR renseigné par cette simulation. L’ensemble des participants manipulent ainsi leur système d’information opérationnel. Actuellement, les régiments de Cavalerie sont équipés de ces salles, bâties autour de leur simulateur ROMULUS ; les régiments d’infanterie, après une expérimentation réussie au 21ème RIMa, sont en cours d’équipement. Les autres domaines expérimentent ou vont très prochainement expérimenter le concept. Le but est d’avoir fini le déploiement de ces salles dans tous les régiments d’ici 2015. Si la simulation est maintenant un concept admis et apprécié, de nombreux chantiers restent en cours pour les prochaines années. Les progrès technologiques, la nécessité de réduire encore les coûts, l’arrivée de la «génération internet» dans les régiments, sont autant de facteurs qui vont faire évoluer le domaine de la simulation ou, plus généralement, de la formation assistée par ordinateur. La mise en réseau de simulateurs distants, la montée en puissance des ordinateurs, qui permet d’augmenter le nombre et l’intelligence des personnages ou unités simulées dans le jeu, ouvrent des possibilités importantes. Les écoles travaillent actuellement sur ces évolutions, s’appropriant des simulateurs plus performants ou mettant en œuvre à distance des outils de simulation pour les régiments. Plus généralement, il est tentant d’imaginer des exercices mettant en œuvre des chaînes complètes de commandement reposant sur des simulations manipulées par du personnel travaillant depuis sa garnison. Les premières expérimentations ont montré une certaine faisabilité technique de ce concept mais aussi ses limites humaines : les cadres laissés en © Armée de Terre TRIBUNE La simulation virtuelle pour l’acquisition des procédures tactiques. Virtual simulation for the acquisition of tactical procedures. garnison pour l’exercice ont eu tendance à se laisser accaparer par leurs activités courantes et, plus généralement, les joueurs ont regretté l’absence de contact, la simulation à distance empêchant les briefings réguliers et les liaisons qui auraient naturellement eu lieu sur le terrain. Même si ces outils de simulation permettent des gains très significatifs, ils impliquent encore un coût de possession, en termes de compétence et de ressource humaine, trop lourd dans le contexte d’effectifs contraints que nous connaissons. La génération d’outils actuellement utilisés (JANUS, ROMULUS…) est le résultat d’une époque où nous pouvions acquérir des simulations sur mesure, développées spécifiquement, parfois redondantes. La prochaine génération des simulateurs de la formation, en cours de définition, devra être proche des jeux vidéos que nous connaissons dans le monde civil : simples à utiliser, intuitifs, aussi fiables que les jeux vidéos du commerce. Cette simplification constitue le challenge majeur actuel de la formation par ordinateur. Enfin, l’arrivée de la «génération internet» doit amener à se poser des questions. Nos élèves qui arrivent en école militaire sont des jeunes marqués par internet et les ordinateurs. L’accès libre à la connaissance, des outils de formation plus ludiques que les livres leur semblent naturels. Demain, leurs instructeurs seront aussi de cette génération. Les écoles doivent adapter leur pédagogie à cette population. Il est logique dans ce cadre que la simulation se développe et atteigne de nouveaux domaines. Comme les banques forment leur personnel par des «serious games1 », l’armée de Terre aura sûrement ce besoin demain ; les mécaniciens voudront avoir accès dans leurs ateliers aux schémas 3D vus en école ; enfin, le combattant voudra sur un théâtre d’opérations utiliser le simulateur vu en école pour répéter sa future mission réelle. Ainsi, les simulateurs ont de beaux jours devant eux. Actuellement spécifiques à la formation, ils s’inscrivent probablement demain dans une continuité formation, entraînement, révision, répétition de mission ou retour d’expérience. Centrés actuellement sur la tactique, ils atteindront demain toutes les spécialités, leurs aspects «ludiques» et réalistes intéressant de plus en plus de domaines. On peut enfin imaginer un programme SCORPION, dans lequel une politique systématique d’EAO et de simulateurs, mise en place en cohérence avec les matériels majeurs, permettrait à l’armée de Terre d’avoir une politique de formation et de remise à niveau plus globale, gagnant ainsi en souplesse, en réactivité et en efficacité 1 mini simulateurs mettant les élèves devant des cas concrets. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 35 AVRIL 2012 LE FUTUR COMMENCE AUJOURD’HUI Lieutenant-coLoneL eric MercK, coordonnateur de La siMuLation pour La fonction aéroMobiLité adjoint du bureau études et prospective du coMMandeMent de L’aviation Légère de L’arMée de terre P our l’ALAT, la simulation est le lien de cohérence entre la formation, la préparation opérationnelle et la mise en condition avant projection. Conçue suivant la satisfaction du juste besoin, la politique de simulation permet néanmoins à l’ALAT de faire preuve de dynamisme et de s’adapter aux objectifs de préparation. Ainsi, elle réalise des exercices en simulation distribuée, vise à se donner les moyens de participer aux exercices en simulation instrumentée, à s’intégrer dans le projet SCORPION, et poursuit son chemin vers l’innovation pour atteindre un but : l’aptitude opérationnelle immédiate. F or Army Aviation, simulation provides a consistent link between training, readiness, and pre-deployment exercises. Although the simulation policy was conceived according to the satisfaction of the right need, it nevertheless makes it possible for Army Aviation to demonstrate a dynamic approach and to adapt to the objectives of readiness. Therefore, it has been conducting exercises in distributed simulation, aims to find ways to participate in instrumented simulation exercises, to become an integral part of the SCORPION project, and continues its path towards innovation to achieve the goal of immediate readiness. "L’aLat dispose maintenant d’un continuum de la simulation depuis la formation jusqu’à la mise en condition avant projection " entraînement en vraie grandeur avec ses hommes et ses moyens réunis dans le contexte opérationnel complexe de la réalité des engagements n’est plus possible en permanence. La simulation est, avec la substitution1, une des solutions permettant de réunir les conditions nécessaires pour offrir le réalisme suffisant au profit de la formation et de l’entraînement. opérationnelle et la mise en condition avant la projection. Elle s’interface maintenant de plus en plus avec d’autres domaines comme la numérisation de l’espace de bataille. Ainsi elle pourrait même, dans un avenir proche, s’intégrer à la préparation de mission, voire à l’amélioration des capacités opérationnelles des systèmes d’armes grâce à la réalité augmentée dans le contexte SCORPION. La simulation du combat aéroterrestre a été pensée, au juste besoin, à l’aune du continuum de la formation. Elle est dorénavant le fil rouge reliant par l’outil la formation, la préparation * L’ DOCTRINE TACTIQUE N° 24 36 AVRIL 2012 1 La substitution consiste à remplacer un hélicoptère système d’armes par un hélicoptère moins coûteux présentant la même capacité en préparation opérationnelle ciblée sur un exercice précis (exemple : une Gazelle peut remplacer un Tigre pour une navigation à la carte). TRIBUNE Dès à présent, la simulation répond pour les armées au besoin d’un système global optimisé depuis la formation jusqu’à l’emploi opérationnel en complément ou en substitution des moyens opérationnels réels pour améliorer l’aptitude opérationnelle et générer des économies. Les nouveaux systèmes de simulation prennent toute leur valeur par leur capacité à répondre dans les domaines de la formation et de la préparation opérationnelle à une conflictualité changeante. Ils agissent efficacement en préparation ou en complément d’une formation pratique sur les systèmes d’armes, d’information ou de commandement réels. Pour décrire en un document fondateur ces objectifs et ces capacités multiples, il est apparu nécessaire à l’ALAT de rédiger une politique de simulation pour la fonction aéromobilité. Il s’agissait d’exposer une stratégie explicitant pourquoi, comment et avec quelles ressources il est possible de rationaliser le besoin permanent en matériels réels par l’utilisation de moyens de simulation et de substitution. Pour honorer ce besoin, il a donc fallu l’analyser selon un continuum depuis la sélection jusqu’à la mise en condition avant projection. La réalisation du besoin complet doit donc être la combinaison la plus efficiente possible des différents moyens pour remplir l’objectif recherché : l’aptitude opérationnelle immédiate. © LCL MERCK La simulation permet de mettre en cohérence de nombreuses politiques comme celles traitant du tir ou de la numérisation. Mais ces nouveaux systèmes sont coûteux en main d’œuvre et en investissement financier pour leur acquisition et leur développement. Il importe donc particulièrement d’en justifier le besoin précis et avéré, d’en décrire l’utilisation planifiée et d’en programmer le coût tant humain que financier. Il reste alors à investir dans une montée en puissance progressive selon une logique d’économie globale. Dans ces conditions, à moyen ou long terme, selon les coûts et les investissements nécessaires, ces systèmes de simulation engendrent des économies et des améliorations notoires des niveaux d’instruction et d’entraînement. L’entraîneur de pilotage et de systèmes d’armes (EPSA) ici au cours d’un exercice de nuit, qui permet des mises en situations variées. Flying and weapons systems trainer (EPSA), seen here during a night exercise, which makes it possible to be trained in various situations. A realistic display of the environment. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 37 AVRIL 2012 - certains exercices ne sont pas réalisables en vol réel car ils engendrent un risque trop élevé pour les équipages et les hélicoptères opérationnels. Ces exercices qui font toute la différence en cas de panne réelle ou de conflit (tir missile ou RPG juste avant le poser ou au décollage) doivent être pratiqués en simulateur de vol sauvant ainsi des vies et pérennisant le parc aérien ; - la simulation doit être placée au plus près des utilisateurs dans la mesure où les coûts d’acquisition et de possession le permettent car la rentabilité d’un simulateur est conditionnée par un emploi maximum2. La projection et l’emploi des équipages sont tels que des simulateurs éloignés des bases ne pourraient être utilisés que 2 à 3 semaines par an ; - l’utilisation efficiente de simulateurs complexes repose sur des spécialistes de l’emploi de moyens synthétiques. Pour l’ALAT, la filière Instructeur Sol du Personnel Navigant (ISPN) permettra, lorsqu’elle aura rejoint sa cible en effectif, de faire fonctionner les simulateurs au mieux de leurs capacités ; - tous les moyens de simulation tactique de l’ALAT doivent pouvoir s’intégrer dans le maillage de la simulation du combat numérisé interarmes et interarmées. Les simulateurs de l’ALAT intègrent nativement les standards internationaux nécessaires à une interconnexion des simulateurs ; DOCTRINE TACTIQUE N° 24 38 AVRIL 2012 - les effets de la simulation doivent enfin être contrôlés afin de progresser avec volontarisme mais pragmatisme vers l’équilibre optimal dans l’utilisation des moyens réels ou simulés et le respect de la sécurité des vols. A partir de la description quantifiée de ce juste besoin décrit dans la politique d’entraînement des équipages, la politique de simulation de la fonction aéromobilité a permis de cadencer et de développer des moyens de simulation en harmonie avec l’arrivée des nouveaux systèmes et des nouvelles réglementations tout en s’intégrant dans une planification financière. * Il est ainsi essentiel de considérer ce qu’une politique de simulation peut apporter à une fonction opérationnelle. Lorsqu’il s’agit de préparer la guerre, il est possible de mettre en place des bases de données d’environnement du théâtre considéré. Développée avec EDITH3 V3.3, l’armée de Terre dispose maintenant d’une base de données représentant très précisément notre zone d’engagement en Afghanistan. De la modélisation de la ville de Kaboul à la représentation de la Kapisa, le réalisme de cette zone permet déjà aux équipages de se préparer et de partager l’information recueillie par les différents détachements sur la connaissance du milieu, de la population locale et des procédures. Cette base de données sera bientôt portée sur OPOSIA4 et d’autres moyens de simulation au sein des armées5. Les autres bases de données disponibles sur les moyens de simulation de l’ALAT permettent aussi de s’entraîner à une guerre générique. En effet, même en préparant l’opération principale actuelle, il est indispensable de poursuivre l’entraînement aux autres savoir-faire, aux autres types d’engagement qui surgiront forcément au moment le plus inattendu (opération Harmattan par exemple). Les simulateurs permettent en cela de répéter à l’envi des exercices qui vont développer l’intelligence tactique, faire vivre les connaissances acquises en école qu’il est essentiel de maintenir en fond de sac culturel avec les autres fondamentaux. © LCL MERCK Pour satisfaire les objectifs fixés à l’ALAT, il est nécessaire de doter ses bases du juste besoin en simulation pour pouvoir former, instruire individuellement et collectivement puis entraîner le personnel en vue de la projection des hélicoptères dans le strict respect de la sécurité des vols. Le juste besoin repose selon l’ALAT sur six principes : - la combinaison des moyens de formation doit être utilisée de manière progressive et adaptée à l’objectif pédagogique. Ainsi, un entraîneur de vol (sur base fixe) ne permettra que des apprentissages de savoir faire techniques et de procédures alors qu’un simulateur de vol mobile permettra d’acquérir une gestuelle complexe de pilotage de combat dans laquelle le dosage, la visualisation et les sensations corporelles apportent des éléments de décision capitaux ; 2 3 000 h/an pour un simulateur de vol, 1 800 à 2 000 h/an pour un entraîneur de procédures. 3 Entraîneur didactique interactif tactique hélicoptères. 4 Outil de Préparation Opérationnelle de SGTIA. 5 Elle est à disposition des autres armées auprès de la DGA/UM TERRE. TRIBUNE Une représentation réaliste de l’environnement. A realistic display of the environment. 6 NMSG 71 NATO Modelisation & Simulation Group n°71. 7 Espace collectif d’instruction ayant pour but dans les régiments de l’armée de Terre de s’entraîner par le biais de la simulation et de mettre ainsi en œuvre la numérisation de l’espace de bataille. 8 Close Combat Attack L’OTAN6 développe maintenant des terrains synthétiques génériques sur lesquels tous les types d’environnement sont représentés. Dans le continent fictif dénommé « Mission Land», les environnements désertiques, tropicaux, montagneux, campagnards et même urbains sont modélisés. Ce terrain imaginaire mais réaliste permettra de réaliser des exercices communs à différentes nations. Il a également vocation à être enrichi par chaque nation utilisatrice au profit de tous. Une synergie de développement est donc ainsi initiée. De plus, les environnements ainsi modélisés sont tous des interfaces de milieu, ils permettent donc nativement des entraînements interarmées. L’ensemble des missions de l’aérocombat, même à partir d’une plateforme maritime peut être pratiqué sur des simulateurs qui disposent d’avions, de porte-aéronefs, d’unités terrestres et même de drones. C’est pourquoi le centre de formation des équipages et des maintenanciers du CAIMAN (NH90) verra ses moyens de simulation développés en interarmées avec la Marine Nationale tout comme les moyens de simulation du TIGRE l’ont été en international avec l’Allemagne. La simulation (associée à la substitution) confère toute la souplesse nécessaire à l’entraînement mais aussi à la mise en condition avant projection. Elle permet de se former à une guerre mais aussi à la guerre en interarmes, interarmées et interalliés. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 39 AVRIL 2012 Dans la possibilité qu’elle donne à l’ALAT de soutenir la formation de nombreuses nations amies, la simulation présente également un aspect d’ouverture sur l’extérieur non négligeable. * Pour l’ALAT comme pour l’armée de Terre, le futur commence aujourd’hui car la simulation s’étend également par sa capacité de distribution et son embarquement à bord des systèmes d’armes. Pour l’ALAT, au sein de son armée de Terre, ces évolutions devront pouvoir apporter une capacité plus forte à s’entraîner en interarmes et en interarmées. La simulation distribuée permet déjà de réunir sur un même exercice des joueurs distants de plusieurs centaines voire milliers de kilomètres sans avoir à les déplacer. L’expérimentation menée fin 2009 entre l’entraîneur tactique EDITH et le simulateur d’entraînement des pelotons LECLERC a permis d’ouvrir des voies de réflexion pour des exercices en simulation vir tuelle distante. Cer tes l’économie en frais de déplacement est alors importante mais il est primordial de voir l’accroissement de la connaissance interarmes, cœur de la manœuvre tactique, que représente ce type d’exercice. Il sera nécessaire pour les valoriser d’investir les économies réalisées dans des moyens de vidéoconférences qui permettront de mener une analyse après action commune, point clé de tout exercice simulé ou réel. Il s’agit alors de distinguer deux modes d’utilisation de la simulation distribuée selon le besoin de chacun. Si l’exercice réunit des participants du même niveau, la simulation est dite horizontale. Elle a alors pour but de connaître par la pratique les procédures interarmes ou interarmées puis de s’y entraîner ensemble à moindre coût. Si l’exercice a pour but de regrouper une chaîne de commandement complète, une intégration verticale est alors réalisée pour permettre de vérifier et de valider le bon fonctionnement de toute la chaine puis l’améliorer par l’entraînement. La simulation horizontale permet de travailler des procédures de proximité comme celles qui DOCTRINE TACTIQUE N° 24 40 AVRIL 2012 doivent se partager entre des unités voisines sur le terrain ou devant coopérer sur une même action lors d’un exercice. Par exemple, un chef de section ou un chef de groupe doit pouvoir depuis l’ECI7 NEB-SIMU de son régiment venir fournir des briefings de procédures CCA8 pour des hélicoptères manœuvrant dans EDITH au profit d’un sous-groupement interarmes s’exerçant sur OPOSIA tout en étant appuyé par des LECLERC dans leur simulateur de tir peloton. La simulation verticale permet d’améliorer la qualité du rendu des procédures. Une chaîne complète du renseignement peut être recréée, par exemple, en partant du chef de section d’infanterie qui, sur un serious games comme INSTINCT9, rend compte de son observation vers le sous-GTIA qui joue sur OPOSIA et qui lui-même rend compte au PC de GTIA qui joue sur Janus. Le GTIA transmet alors ses informations par ses SIOC10 vers le PC de brigade qui joue sur SCIPIO. Le PC de brigade donne alors son ordre de destruction à des hélicoptères qui vont sur EDITH prendre contact avec le chef de section d’infanterie pour la procédure CCA. La chaîne verticale de traitement du renseignement est alors reconstituée sur plusieurs moyens connectés pour cet exercice. La capacité technique à pratiquer de tels exercices existe. Il importe de la tester comme cela vient d’être fait lors des universités d’été de la Défense entre SCIPIO11 et un simulateur TIGRE du CEV. La plus grande difficulté pour ce type d’exercice réside dans sa planification et dans l’établissement ponctuel des moyens de communication suffisants pour préparer, conduire et analyser l’exercice en temps réel ou en temps différé. Il est en effet possible d’enregistrer en parallèle toutes les simulations et de les présenter à des analystes qui, eux aussi, sont restés dans leur garnison. La simulation vivante de l’ALAT va également se développer. Les intervenants dans la 3ème dimension, présents dans les centres d’entraînement, ne peuvent pas encore bien interagir avec les forces au sol. Cette nouvelle capacité va venir renforcer dans les années à venir la capacité interarmes des centres d’entraînement. L’évolution des simulateurs de tir de combat, la modélisation des trajectoires et des positions et l’analyse d’images 9 Jeu du commerce utilisé par l’école de l’infanterie et l’ENSOA dans la formation. 10 Système d’information opérationnelle et de commandement. 11 Simulateur de combat interarmes pour la préparation interactive des opérations. TRIBUNE en temps réel permettent maintenant d’intégrer des trajectoires rapides comme celles des avions, des drones et des hélicoptères dans les calculateurs comme CENTAURE utilisé au CENTAC12. L’étude technico-opérationnelle 2I3D13 permettra de définir un chemin critique vers l’interopérabilité de tous les acteurs de la 3ème dimension au sein des centres d’entraînement. Les limites de distance de tir liées au laser seront palliées par le positionnement permanent et l’analyse d’images. Des entraînements combinés entre des moyens de simulation vivante et des aéronefs virtuels seront réalisés dès la semaine d’échauffement par des exercices de simulation virtuelle connectant OPOSIA et EDITH. Les simulateurs de tir de combat (STC) évoluent vers une intégration native sur le système d’armes. Les STC permettront bientôt aux avions, aux drones et aux hélicoptères de délivrer des feux virtuels qui les intégreront dans la simulation vivante. De même, des capacités embarquées permettront à ces appareils de savoir lorsqu’ils auront été endommagés ou détruits par des tirs venus des autres acteurs (au sol ou en vol). 12 Centre d’entraînement au Combat. 13 Intégration des intervenants dans la troisième dimension. L’étape suivante se produira pour l’ALAT par l’intégration dans le cadre du programme SCORPION. Les évolutions du système d’information et de combat de SCORPION (SICS) permettront d’augmenter les échanges d’informations et les synergies entre combattants et systèmes. Ainsi, au sein du GTIA, les informations perçues par un ami pourront être présentées à tous les autres membres du GTIA en leur donnant par une vision de réalité dite augmentée, les informations sur la présence d’un ennemi derrière le coin de la rue ou la détection d’un IED perçu par un drone ou un hélicoptère. Pour que ce partage permanent de l’information soit efficace, il sera alors primordial que tous les moyens s’entraînent ensemble car leur coopération étroite sera la clé du succès en opération. Mais un système qui peut réaliser cette prouesse au combat doit bien évidemment pouvoir la réaliser dès la formation, pendant l’entraînement et plus encore lors de la MCP. En toute logique, les systèmes d’armes inclus dans SCORPION auront donc tous une capacité à s’intégrer à une simulation commune. * * * Hier, la simulation de l’aviation légère de l’armée de Terre a eu la chance de pouvoir s’inspirer de l’exemple fourni par l’arme blindée. Aujourd’hui, elle ajoute sa pierre à l’œuvre commune de la simulation grâce à une analyse systémique de son emploi opérationnel qui a permis de développer une meilleure complémentarité dans l’utilisation des moyens qui lui sont confiés. L’objectif a été fixé dans la politique de simulation de l’armée de Terre et la planification établie dans son schéma directeur. Il est essentiel que la communauté militaire, en s’impliquant activement dans les exercices de simulation, investisse dans l’amélioration permanente de ces outils. Une simulation qui ne progresse plus devient obsolète et inefficace, c’est pourquoi il importe tant de faire vivre, en fonction des besoins actuels et futurs, une politique de simulation ambitieuse mais réaliste qui permette de prioriser et donc de financer des moyens choisis. Générateurs d’économies substantielles sur le long terme et capables plus encore d’accroître encore l’efficacité opérationnelle de nos forces, ces moyens de simulation représentent déjà un atout majeur dans la préparation au combat interarmes et interarmées DOCTRINE TACTIQUE N° 24 41 AVRIL 2012 Enjeux et perspectives de l’interopérabilité des systèmes de simulation entre eux et avec les SIOC MOnSIEur LIOnEL KHIMECHE - DGA - CATOD L a connexion des SIOC et des simulations est un enjeu majeur pour rendre plus efficace la préparation des unités numérisées. Les efforts portent aujourd’hui sur la standardisation du contenu des échanges (C-BML) et de la définition des forces et scénarios (MSDL). Les expérimentations conduites jusqu’à présent dans le cadre de l’OTAN ou de coopérations bilatérales montrent la pertinence opérationnelle des solu t i o n s techniques encore en cours de conception. Connecting SIOC and simulations is a major challenge in order to improve the effectiveness of preparing digital units. Efforts are now being made on the standardization of the content of exchanges (C-BML) and the definition of forces and scenarios (MSDL). Experiments conducted so far in the framework of NATO or bilateral cooperation have demonstrated the operational relevance of the technical solutions still under development. epuis plus de vingt ans, la préparation opérationnelle s’appuie sur des outils de simulation afin de réduire les coûts et les risques, accroître la performance des hommes ou des équipages, en vue d’agir plus efficacement au sein de structures complexes. Sans conteste, la simulation est devenue aujourd’hui un moyen incontournable non seulement pour l’instruction (EDITH), la formation (STES VBCI) et l’entraînement des forces (SCIPIO) mais également pour l’appui aux opérations (APLET) et la préparation de l’avenir (DOSAGE). Aussi, le ministère de la Défense s’est doté depuis 2009 de structures de gouvernance pour valoriser l’emploi de la simulation1. Les contraintes pesant sur les forces les conduisent à rationaliser de plus en plus leurs activités opérationnelles. L’enjeu consiste donc à créer les conditions d’un emploi optimisé de la simulation afin de rendre plus efficaces et moins coûteuses les activités opérationnelles évoquées plus haut. Cela se traduit par : • la mise en place d’un ensemble d’outils de simulation décentralisés pour la préparation des forces infovalorisées en national et en international ; • l’amélioration de l’interopérabilité et l’interconnexion entre simulations et systèmes d’information. D La préparation des forces info-valorisées 1 Schéma directeur de la simulation opérationnelle 2009 – 2020, N°290/DEF/EMA/PLAN S/DR du 10 juillet 2009. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 Les opérations en réseau se fondent sur une maîtrise accrue de l’information pour prendre la bonne décision, au bon niveau, au bon moment. Elles visent à mettre à disposition des forces la totalité des informations qui leur sont nécessaires. Ainsi, les systèmes d’information opérationnels et de communication (SIOC) sont conçus pour manipuler des masses d’information qu’il faut traiter dans des délais contraints car elles conditionnent la conception et la conduite des opérations. 42 AVRIL 2012 TRIBUNE L’échange d’information pour une exploitation automatisée nécessite de formaliser la connaissance. Celleci est représentée au travers des modèles de données et à l’aide de dictionnaire pour constituer ensuite des messages formatés et libellés afin d’identifier l’information selon le besoin d’en connaître. Les SIOC ne sont pas tous interopérables au même degré. Selon leur niveau d’interopérabilité l’information reçue sera traitée avec plus ou moins d’automatisme. En effet, les données structurées pourront être dégradées voire perdues lors du passage d’un modèle de données à un autre. Le tableau ci-dessous récapitule les degrés d’intéropérabilité applicables entre différents systèmes. Degré d’interopérabilité Définition 1 Échange de données non structurées Exemple : phonie, messagerie. 2 Échange de données structurées Exemple : document Word. 3 Partage de données sans interruption Exemple : message structuré respectant un modèle pivot d’échange. 4 Partage d’information sans interruption Exemple : chaque système partage le même modèle de données. A ce jour, la chaîne de commandement numérisée, SIT – SIR – SICF permet l’exploitation de l’information selon le degré 3 d’interopérabilité. Pour la préparation des forces numérisées et quelque soit le niveau, la simulation doit stimuler et animer les SIOC avec de l’information cohérente à partir de données issues de scénarios d’exercice. Egalement, les SIOC doivent produire de l’information vers la simulation afin d’agir sur des forces info-valorisées et simulées. Pour cela, trois solutions sont envisageables : 1. Absence d’interopérabilité entre SIOC et simulation : la cellule d’animation de l’exercice est chargée de jouer le rôle de passerelle entre le SIOC de l’animation et la simulation. Pour cela un opérateur recopie sur le SIOC de l’animation les informations fournies par la simulation (degré 0 d’interopérabilité). Egalement, il retranscrit sur le poste de simulation les ordres provenant de la cellule réponse. Cette solution permet d’entraîner des forces numérisées avec des simulations exclues de la fédération des SIOC. Le nombre important d’opérateurs requis est un inconvénient majeur qui rend cette solution coûteuse. Organisation actuelle pour l’entraînement d’un PC de brigade Current organization for training a brigade CP DOCTRINE TACTIQUE N° 24 43 AVRIL 2012 2. a) Interopérabilité SIOC – Simulation : la simulation dispose des interfaces ad-hoc permettant l’échange d’information automatisé avec les SIOC. La cellule réponse émet ordres et requêtes à l’attention du modèle de subordonné numérisé et joué par la simulation. En retour, la simulation génère des comptes-rendus (SITREP, LOGREP, …) vers le SIOC de la cellule réponse. Cette solution permet de réaliser des économies en réduisant le nombre d’opérateurs. Toutefois, le métier et l’expérience opérationnels des opérateurs doivent être remplacés par des automates éventuellement débrayables modélisant la doctrine et la tactique. Organisation possible pour l’entraînement d’un PC de brigade (SIOC – Simulation) Possible organization for training a brigade CP (SIOC - Simulation) b) Interopérabilité SIOC – Simulation et optimisation des ressources : la fiabilité et la confiance accrues dans les modèles de simulation permettent de soustraire la cellule réponse chargée de masquer aux joueurs les imperfections de la simulation. Cette solution requiert des automates de haut niveau réalistes et autonomes. Organisation possible pour l’auto-entraînement d’un PC de brigade (SIOC – Simulation) Organization for self-training of a brigade CP (SIOC - Simulation) Les solutions 2a) et 2b) nécessitent un degré d’interopérabilité de niveau 3 ou 4 entre les SIOC et la simulation. Pour cela, les automates traduisent une représentation de la formalisation des connaissances qui doit être compatible avec celle des SIOC sans quoi l’échange d’information n’est pas envisageable. L’amélioration de l’interopérabilité entre simulations 2 Il suffît d’imaginer l’accroissement du nombre de tests de validation les valeurs de la table des Ph/Pk (Probability of Heat / Probability of Kill). DOCTRINE TACTIQUE N° 24 La nécessité de connecter les systèmes de simulation entre eux est ancienne. Elle est née du constat que les simulations ne sont valides qu’au sein d’un périmètre d’emploi bien défini. Dès lors, pour élargir leur champ d’application, la solution retenue a été de rendre plusieurs systèmes interopérables, plutôt que de tenter de compléter exhaustivement un système unique. En effet, l’intégration de nouveaux modèles au sein d’un système de simulation existant peut s’avérer coûteux. Par exemple, la combinatoire des confrontations possibles augmente d’une telle manière qu’il devient difficile de mener correctement des tests de qualification2. La première norme d’interopérabilité DIS (Distributed Interoperability Simulation) est apparue à la fin des années 80. Elle a été depuis supplantée par le standard HLA (High Level Architecture) qui est aujourd’hui la seule norme de référence admise pour l’acquisition de nouvelles simulations. La transition opérée par le 44 AVRIL 2012 TRIBUNE monde de la simulation est comparable à celle entreprise par les SIOC avec quelques années de retard. En effet, la norme DIS s’appuie sur un ensemble de messages formatés comparables aux messages ADat-P3 (Automatic Data Processing Publication number 3). Le concept HLA est quant à lui similaire au MIP (Multinational Interoperability Program). Il repose sur la notion de publication et d’abonnement à des informations catégorisées par type que les modèles consomment ou produisent. HLA permet aux simulations d’atteindre le degré 4 d’interopérabilité. Sur le plan opérationnel, le besoin conditionne la solution. L’interconnexion de simulations se justifie dans les cas suivants : 1. Entraînement interarmées : il s’agit de mettre en commun les simulations dédiées aux forces navales, terrestres et aériennes pour l’entraînement du niveau interarmées. Chaque simulation de composante modélise avec fidélité son domaine. La réunion de ces simulations au sein d’une fédération interarmées assure la flexibilité requise selon les objectifs recherchés lors des exercices. Architecture de l’entraînement interarmées Architecture of joint training 2. Entraînement interarmes : l’interconnexion des moyens de simulation virtuelle déployés pour l’entraînement tactique des pelotons et sections sur char Leclerc (SEP, Simulateur d’entraînement du peloton), VBCI (STES, Simulateur de tir, d’équipage et de section), hélicoptères (EDITH, Entraineur didactique interactif pour hélicoptère) offrent des perspectives nouvelles pour l’entraînement des SGTIA (Sous-Groupement Tactique Architecture possible de l’entraînement interarmes Interarmes). Les acteurs de la chaîne de Possible architecture of combined arms training commandement peuvent ainsi être entraînés simultanément. Ces derniers évoluent dans leur environnement simulé qui restitue fidèlement les interfaces avec le monde extérieur. 3. Entraînement hétérogène : la combinaison des diverses formes de simulation, constructive de type jeux de guerre (JANUS, SCIPIO), virtuelle (STES, OPOSIA) et vivante (CENTAURE, STC, simulateur de combat) enrichit le réalisme des exercices d’entraînement. L’expérimentation franco-britannique SAFIR a notamment démontré en juin 2011 le bénéfice d’une fédération hétérogène Principe de l’entraînement en environnement hétérogène composée d’une simulation constructive Principle of training in a heterogeneous environment (SCIPIO) et virtuelle (UAV3). La simulation UAV produit des films et photos qui sont ensuite exploités par le renseignement. Sur le plan technique, des progrès restent à réaliser. En effet, il n’existe pas de standard permettant aux automates des simulations de se coordonner. 3 Unmanned Air Vehicle DOCTRINE TACTIQUE N° 24 45 AVRIL 2012 L’amélioration de l’interopérabilité entre SIOC et simulation Au début des années 2000, les premières expériences (ESTHER, ALLIANCE) ont consisté à émettre depuis la simulation des comptes-rendus au format des SIOC. Pour cela, il a été nécessaire de développer des interfaces ad-hoc pour chaque simulation. Cette interface collecte la matière produite par les modèles (position des unités simulées, état logistique) afin d’élaborer des comptes-rendus formatés (SITREP, PTSITU, INTSUM, LOGREP). Cette solution facile à réaliser présente l’inconvénient d’être fortement dépendante des SIOC. Elle nécessite d’être maintenue régulièrement pour rester compatible avec les évolutions de format et de protocole des SIOC. Les progrès réalisés ces dernières années afin de rendre les simulations plus autonomes ou plus intelligentes, par la réalisation d’automates, permettent d’envisager l’exploitation automatique des ordres émis par les SIOC. La faisabilité a été démontrée lors de récentes expérimentations mais les trop nombreux champs de texte libre dans les messages d’ordre sont un frein pour une utilisation plus intensive. D’autre part, les données initiales ou données quasi-permanentes (DQP) doivent être partagées entre les simulations et les SIOC et si besoin, être enrichies pour satisfaire les exigences d’initialisation des simulations. Les DQP correspondent à l’ordre de bataille de théâtre, la situation initiale, les éventuels calques terrain ainsi que les paramètres du réseau permettant de joindre chaque acteur numérisé. L’enjeu pour améliorer l’interopérabilité entre SIOC et simulation concerne dès lors l’élaboration de standards facilitant : • • • l’initialisation des données quasi permanentes ; l’exploitation par des unités simulées des ordres émis depuis les SIOC ; la génération de comptes-rendus ainsi que de requêtes (demande d’appui) vers les SIOC pour la conduite des opérations. Echanges SIOC-Simulation Exchanges SIOC - Simulation Les difficultés pour aboutir à la définition de standards d’interopérabilité SIOC-Simulation sont nombreuses : • Les communautés SIOC et simulation sont cloisonnées. Il n’existe pas ou très peu d’experts à la double compétence reconnue. Les connaissances restent très théoriques ; • Les SIOC disposent de leur propre représentation de l’environnement sous la forme d’un modèle de données, Joint Consultation Command and Control Information Exchange Data Model (JC3IEDM). Les simulations ne disposent pas d’une telle représentation standardisée de l’environnement. Les écarts sémantiques sont donc importants ; • Les spécifications d’interface des SIOC évoluent. La définition d’un standard d’interopérabilité SIOCSimulation devra donc chercher à minimiser l’impact relatif aux évolutions de la norme d’échange entre les SIOC, voire à s’y soustraire ; • La rédaction des ordres obéit à des canevas desquels les informations utiles peuvent être extraites. Toutefois, les champs de texte libre sont trop nombreux pour permettre une interprétation automatique des ordres. La standardisation devra proposer des mécanismes pour lever cette contrainte. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 46 AVRIL 2012 TRIBUNE Actuellement, deux normes sont en cours d’élaboration pour satisfaire les exigences d’interopérabilité SIOC-Simulation. MSDL (Military Scenario Definition Language) pour l’initialisation des DQP et CBML (Coalition Battle Management Language) pour les échanges d’information. Ces standards sont préparés par le SISO (Simulation Interoperability Standard Organization) et font l’objet d’évaluation par le groupe OTAN MSG5-085 «C2-Simulation Interoperation», présidé par la France. Le MSDL se présente sous la forme d’un schéma XML (eXtensible mark-up langage) permettant de véhiculer les données d’initialisation propres à la simulation. MSDL n’ayant pas été conçu pour l’initialisation des SIOC, les travaux en cours portent sur l’enrichissement du schéma et l’identification des liens de correspondance avec le JC3IEDM pour lesquels de nombreux points de convergence existent. A l’issue, le degré 3 d’interopérabilité sera atteint. Le CBML propose un schéma XML permettant d’échanger entre les SIOC et les simulations tout type d’ordre, de requête et de compte-rendu opérationnels. Il est construit à partir du modèle de données JC3IEDM pour la définition d’expressions devant remplacer les champs de texte libre des messages Echanges normalisés entre SIOC et simulation Standardized exchanges between SIOC and simulation opérationnels. C’est un langage avec des règles (syntaxe) et un vocabulaire. Des expérimentations ont démontré le bon fonctionnement des principes mis en avant par le CBML dans le domaine terrestre. Ce standard doit être enrichi pour fournir le même niveau de service au profit des SIOC marine et air. Ces travaux permettront d’atteindre le degré 3 d’interopérabilité. Analyses Les normes ont pour vocation à faciliter l’interopérabilité ou à promouvoir des bonnes pratiques. Elles ne sont pas garantes du bon fonctionnement des systèmes. Leur emploi est nécessaire mais pas suffisant. Si à terme, les SIOC et les simulations devront se conformer aux standards CBML et MSDL, il faudra également élaborer des spécifications d’interface suffisamment explicites pour que ces systèmes fonctionnent au diapason. La norme assure le transport de ces données mais ne les impose pas. Les spécifications d’interface seront donc le prochain jalon à franchir une fois les normes CBML et MSDL adoptées. La norme HLA favorise l’interopérabilité entre les simulations. Elle peut-être utilisée par les automates de simulation pour dialoguer entre eux. Toutefois, les automates n’étant qu’une formalisation de la doctrine et de la tactique, la norme CBML semble mieux adaptée pour remplir ce rôle car plus proche sémantiquement du langage opérationnel. L’application des normes impose également de définir des méthodes de certification garantissant le respect des standards pour les systèmes ayant vocation à être interopérables. Pour cela, des suites de certification sont à prévoir autant pour HLA que MSDL ou CBML. Lorsque les chantiers engagés aboutiront, la préparation des forces sera grandement améliorée. L’orchestration des différentes normes entre elles est la clé de voute de cet édifice 5 MSG: modeling and simulating group. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 47 AVRIL 2012 Interactions entre l’analyse opérationnelle et la simulation L’aide à la décision LIeutenant-coLoneL SyLvaIn SecHeRRe, cHef du buReau d’étude en RecHeRcHe opéRatIonneLLe de La dSRo du cdef E xploiter au mieux la numérisation de l’espace de bataille c’est permettre des actions plus rapides, une meilleure connaissance de l’ennemi, éviter les tirs fratricides, etc. Cet outil de l’action est un ensemble d’ordinateurs, de capteurs et de moyens de transmission. Il traite des données dont la valeur échappe de prime abord. Utilement manipulées grâce au management de l’information, leur importance est capitale pour de multiples applications comme la simulation, le RETEX « chiffré » et l’analyse opérationnelle. 1 Définition de la NEB (TTA 106, 2008) : Mise en œuvre de procédés opérationnels et techniques, centrés sur le commandement et l’action, et fondés sur l’intégration en réseau de capacités opérationnelles bénéficiant d’équipements numériques. 2 Système d’information opérationnel. 3 D’où le terme « informatique » : traitement de l’information, de la donnée. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 Making the most of battlespace digitization allows for faster actions, better knowledge of the enemy, preventing fratricide, etc. The action tool is a set of computers, sensors and communications means. It deals with data whose value is easy to miss at first glance. Profitably handled through information management, their importance is paramount for numerous applications, such as simulation, “ encrypted ” lessons learned and operations analysis. D ans le paysage numérique de la Défense, la simulation cohabite avec de nombreux autres logiciels. Les quelques lignes qui suivent ont pour but de montrer l’intérêt que suscite la simulation, dans un domaine opérationnel qui dépasse celui de l’entraînement. De fait, la simulation a effectivement un lien intime avec d’autres fonctions comme le RETEX, l’analyse opérationnelle et le management de l’information. Ce lien c’est la numérisation de l’espace de bataille (NEB1), et plus précisément les données présentes au sein de la NEB. 48 AVRIL 2012 La NEB repose sur l’emploi d’ordinateurs reliés entre eux : les SIO2. Des logiciels y sont installés pour offrir aux utilisateurs les fonctions souhaitées : représentation tactique, messagerie, conception et consultation des ordres, etc. Toute la panoplie des logiciels disponibles sur un PC de bureau sont donc, potentiellement, utilisables sur un SIO. Or, fondamentalement, les logiciels offrent des services en traitant des données3. Comme un logiciel correctement conçu laisse à l’utilisateur la pleine propriété de ces dernières, les données sont disponibles pour diverses applications, en particulier pour les quatre «fonctions» citées en TRIBUNE plus haut : la simulation, l’analyse opérationnelle, l’acquisition d’informations par le retour d’expérience (RETEX) et le management de l’information. En effet la simulation a besoin de données (ODB, terrain, météorologie, etc.), l’analyse opérationnelle et le RETEX ne peuvent rien produire sans données et le management de l’information a justement pour objet de gérer efficacement les données pour qu’elles soient utiles. Aussi, source majeure de données opérationnelles, la NEB est-elle bien au centre de ces quatre fonctions. Pour autant existent-t-elles dans nos SIO ? Force est de constater que non. La simulation s’entend encore trop souvent comme un outil de formation et d’entraînement. Le RETEX utilise avant tout des documents textuels, parfois même des images de document4, et utilise peu de données numériques. Le management de l’information est un concept otanien récent dont une application a minima consiste actuellement à archiver des documents et à veiller au respect du secret. Quant à l’analyse opérationnelle, elle est absente de nos PC projetés. Pourtant ces fonctions sont capitales et en mesure d’apporter l’info-valorisation tant espérée de nos SIO. La NEB ne saurait se restreindre à l’informatisation de nos procédures. C’est une première étape indispensable mais qui doit être complétée car les SIO peuvent aider la décision grâce à leurs capacités particulières de calcul. aider la décision : la simulation, l’analyse opérationnelle Aider la décision n’est pas copier le raisonnement humain. Saint-Exupéry nous rappelle à ce titre que «[…] rien de ce qui concerne l’homme ne se compte ni ne se mesure. L’étendue véritable n’est point pour l’œil, elle n’est accordée qu’à l’esprit5.» L’outil informatique ne prétend pas se substituer à l’homme pour émettre un jugement, mais il peut l’y aider. Les chefs s’appuient depuis longtemps sur des aides diverses pour former leurs décisions : une bonne connaissance du général adverse permet d’anticiper ses décisions et une prévision météo peut sonner l’heure d’un débarquement en Normandie. Rassurons-nous donc, l’informatique ne remplacera l’homme que si ce dernier le veut bien, ce qui n’est évidemment pas souhaitable et même difficilement imaginable. Un SIO est un outil comme les autres : il accroît les capacités de l’homme. La simulation est un domaine vaste dont les applications vont au-delà de l’instruction et de l’entraînement. Le logiciel APLET6 peut préfigurer ce que sera demain la simulation dans nos SIO : une des fonctions d’un logiciel réalisant une tâche particulière. APLET permet de confronter automatiquement les modes d’actions amis et ennemis élaborés en planification. Aussi, un utilisateur pourrait demander à la machine : «que ©Armée de Terre 4 L’utilisation du scanner pour numériser des documents est un pis-aller. Elle interdit les recherches simples au sein des documents, s’oppose à l’analyse croisée automatique de plusieurs documents et encombre les réseaux en raison de la taille des images générées. Aussi la présence de documents numérisés par scanner n’est absolument pas souhaitable sur les réseaux de la Défense. Les données créent le lien entre la simulation et les autres domaines. Data create the link between simulation and other areas. 5 Pilote de guerre, Poche 1962, p105 6 APLET : Aide à la planification d’engagement tactique. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 49 AVRIL 2012 se passerait-il si... ?». La simulation pourrait même produire de nouvelles données nécessaires à la planification, comme par exemple la consommation estimée en munitions, par tranche et par unité, pour chaque mode d’action possible. Cette information serait utile pour planifier la logistique, voire établir la faisabilité d’un mode d’action. 7 Significant Activities : base de données américaine pour l’enregistrement systématique de toutes activités significatives sur théâtre. 8 Instructions et données de base. 9 «Le management de l’information est une discipline qui consiste à orienter et appuyer le traitement de l’information durant son cycle de vie afin de fournir une information exacte, sous la forme voulue, dans les délais requis et d’une qualité suffisante pour répondre aux besoins d’une organisatio» (the NATO information management policy, 2007, NATO/PFP Unclassified). DOCTRINE TACTIQUE N° 24 L’analyse opérationnelle (AO) a été conçue pour aider la décision. C’est son rôle. Elle peut également contribuer à lutter contre le brouillard de la guerre et à faire face à l’avalanche de données issue de la numérisation et de l’approche globale. Comme la simulation, c’est une science à plusieurs facettes : analyse statistique de données, représentation géo-référencées d’informations, recherche de liens non évidents entre des événements ou des faits, optimisation d’organisations, etc. Aussi ses applications sont très diverses et visent exclusivement à fournir des éléments d’appréciation chiffrés, voire proposer des solutions, à ceux qui en ont besoin. Si les données contribuent à la prise de décision, elles peuvent également participer au retour d’expérience chiffré. La transformation des données numériques en informations est une mise en œuvre particulière de l’analyse opérationnelle décrite ci-dessus. Par exemple, à l’assertion «il y a regain de violence en Afghanistan lors des périodes de Ramadan» un analyste américain a pu démontrer que cette idée reçue n’avait scientifiquement aucun fondement grâce au relevé systématique des incidents (base de données américaine SIGACTS7). Suivant le même principe, le relevé de données durant une opération permet de mesurer son efficacité de façon objective et d’en tirer des enseignements. L’opération HARPIE de lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane est un exemple caractéristique d’une opération mesurée et dont l’efficacité a pu être ainsi analysée. L’utilisation des données opérationnelles pourrait également servir à la mise à jour des IDB8, outil numérique indispensable au calcul des stocks nécessaires à l’armée de Terre, si tant est que les données adéquates soient disponibles. Participant à l’aide à la décision numérique, la simulation et l’AO sont deux disciplines fondamentalement distinctes. Pourtant il existe entre elles des liens puissants. Génératrice de données, la simulation est fréquemment utilisée 50 AVRIL 2012 par nos alliés pour compléter les données manquantes à une analyse. D’autre part, l’AO peut aider à mieux interpréter les données fournies par les simulations et à compléter les observations lors des analyses après action. La simulation peut également être employée pour tester et valider des scénarios établis par l’AO. La section RO & SIM de l’état-major de la Marine à Toulon valide ainsi ses calculs de pose de bouées sonar pour la lutte antisous-marine. De même il serait tout aussi envisageable de tester un dispositif logistique minimisant les délais d’approvisionnement grâce à JANUS. Travaillant de concert, l’AO et la simulation se complètent donc mutuellement et naturellement. Elles s’appuient sur un même socle : les données. Comme nous l’avons vu plus haut, celles-ci sont au cœur des SIO, disponibles pour de multiples usages. En la matière le tout vaut bien plus que la somme des parties. un processus pour gérer les données : le management de l’information (IM) Aussi les données des systèmes d’information, et en particulier des SIO, ont plus de valeur qu’il n’y paraît. Leur gestion mérite donc une rigueur à la hauteur de leur importance. Veiller aux données, les « manager », est primordial. Organiser leur saisie, leur classement, faciliter leur mise à disposition pour les personnes ayant à en connaître, etc., sont autant d’actes désormais nécessaires au sein de tout PC numérisé. C’est précisément le rôle du management de l’information9 (IM), concept otanien qui vise à faire face à l’afflux sans cesse croissant d’informations dans les PC numérisés. L’IM vise une meilleure exploitation des données, or ces dernières restent trop souvent contenues dans des documents textuels. Il est difficile d’imaginer, ni même de suggérer, la disparition complète de ces documents libres. Toutefois il serait intéressant de réduire leur nombre et de privilégier des documents formatés, comme le cadre d’ordre qui est une suite de « cases » à remplir en employant des termes standardisés. Ainsi structuré, le cadre d’ordre laisse peu de place ©Armée de Terre TRIBUNE Gérer et interpréter les données : l’analyse opérationnelle et la simulation se complètent. Managing and interpreting data: operations analysis and simulation complement each other. à l’interprétation, ce qui est important au combat. Nombre de documents textuels des SIO pourraient sans doute être transformés en documents formatés, ce qui faciliterait leur exploitation et leur emploi pour des analyses croisées. Ce besoin est réel, en particulier pour le renseignement. La traduction des informations contenues dans certain documents libres des SIO en données est un processus manuel que certains spécialistes RENS réalisent de nos jours, parfois grâce à l’outil SAER10. Cette opération permet des analyses plus fines, comme l’identification de réseaux de personnes, mais est terriblement chronophage et forcément incomplète car non systématique. Aussi, profitant des capacités de traitement et de stockage des SIO modernes, il serait souhaitable d’accroître significativement le nombre de données disponibles en créant des documents modulaires, à la façon d’un cadre d’ordre. Si nécessaire, la transmission de l’esprit d’un ordre, d’un compte rendu, est toujours possible grâce à l’emploi d’un texte libre complémentaire. La masse des données ainsi générées, correctement gérée grâce au management d’information, et traitées grâce aux méthodes de l’AO, pourra alors être une source d’informations qui doit être identifiée et prise en compte dans le processus RETEX. en conséquence, soignons nos données Les données de nos SIO sont donc précieuses. Elles constituent le socle vital de nos systèmes. Uniformisées, contrôlées par l’exploitant des systèmes, i.e. la Défense, elles sont garantes de interopérabilité des logiciels puisqu’elles peuvent constituer, de base, une bonne partie d’un langage commun. L’ensemble des données doit faire l’objet d’une historisation systématique et être accessibles à tous logiciels, livrés avec les SIO ou non, sous réserve des droits d’en connaître dont la gestion relève de l’IM. Correctement exploitées, ces données peuvent fournir de nouvelles informations, initialiser plus rapidement les SIO et les simulations et fournir aux décideurs des éléments utiles et scientifiquement établis. 10 Système d’aide à l’exploitation du renseignement, brique du futur SIO RENS SORIA. Toutefois, tout comme l’usage obligatoire du cheval imposait, il n’y a pas si longtemps, des compétences et des métiers spécifiques au sein de l’armée de Terre, il est tout aussi indispensable de se doter des moyens nécessaires à la gestion et à l’exploitation de nos données. Il s’agit là d’une bonne pratique qui permettra une meilleure exploitation de nos systèmes, un meilleur dialogue avec les industriels, une plus grande liberté de manœuvre et la rationalisation de nos étatsmajors DOCTRINE TACTIQUE N° 24 51 AVRIL 2012 Au-delà du Volapük intégré : 1 la simulation pour un entraînement multinational réaliste LieutenAnt-coLoneL PAscAL FLoRin, cheF du buReAu simuLAtion de LA dsRo du cdeF L es avancées techniques récentes permettent désormais de réaliser des exercices multinationaux distribués en s’appuyant sur des outils de simulation, chacun restant chez soi avec ses équipements habituels. Recent technical advances make it now possible to conduct distributed multinational exercises based on simulation tools, each player remaining at home with his customary equipment. a plupart des opérations extérieures se déroulent aujourd’hui dans un cadre multinational. Aussi, le besoin d’entraînement et de mise en condition en commun avec des forces alliées, en vue des projections, est désormais croissant. L Or, dans le cas d’exercices multinationaux, plusieurs paramètres compliquent souvent la tâche, dont le manque de temps, les coûts financiers, humains, et l’éloignement géographique ne sont pas les moindres. La simulation permet de s’en affranchir en partie ou de diminuer leur incidence, en offrant une efficience constante, voire parfois accrue par des capacités qu’elle procure et qui lui sont spécifiques. La simulation est donc l’un des moyens privilégiés à mettre en œuvre lors des exercices internationaux qui, s’il ne remplace pas les contacts directs, aide à les rentabiliser. L’expérimentation SAFIR, conduite par la Direction générale de l’armement (DGA) et l’un de ses homologues britanniques, le Defence science and technology laboratory (DSTL), ainsi que l’exercice FLANDRES 2011, sur lequel elle s’est adossée, ont constitué un exemple de premier ordre pour établir l’inventaire de ce qu’il est possible de faire en matière de simulation au profit des exercices internationaux, aujourd’hui et à moyen terme. Plusieurs modes de fonctionnement peuvent être retenus en première approche en fonction du degré d’avancement de la préparation conjointe et des objectifs de préparation opérationnelle : un entraînement effectué sur un lieu unique, partiellement distribué ou totalement distribué. Pour en finir avec la technique… De prime abord, il convient pour pouvoir envisager de conduire efficacement un exercice multinational fondé sur des moyens de simulation (ou computer assisted exercise, CAX) d’assurer la compatibilité technique des moyens engagés, qu’il s’agisse de simulations ou de systèmes d’information opérationnels et de commandement (SIOC). Ce qui suit a juste pour but d’expliquer succinctement que cette interopérabilité est atteignable. Cette interopérabilité technique peut être automatique (communication directe entre les systèmes sans intervention humaine) ou semi-automatique (communication requérant un faible nombre d’opérations manuelles). Elle s’acquiert généralement par le biais de standards plus ou moins complexes : MIP (multilateral interoperability program) pour faire communiquer les SIOC de haut niveau entre eux, C-BML (coalition battle management language) pour connecter les SIOC et 1 Langage universel imaginé au XIXème siècle. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 52 AVRIL 2012 International les simulations, ainsi que HLA (high level architecture) pour lier les simulations entre elles, mais aussi avec différents services (éditeur de scenarii, outil d’analyse après action, gestionnaire d’évènements - MEL MIL ou main events list/master incidents list). Certains de ces standards comme C-BML intègrent des notions élaborées, comme une sémantique, une grammaire et des ontologies qui permettent de transmettre des ordres automatiquement depuis des SIOC vers des simulations dotées d’agents intelligents sans trahir le sens de ces ordres. De telles capacités se révèlent utiles dans un contexte multinational où les mêmes mots n’ont pas la même signification pour tous en fonction du contexte. Les développements qui suivent partiront donc du principe que les pays qui souhaitent coopérer emploient des moyens interopérables d’un point de vue technique, c’est-à-dire des SIOC et des simulations compatibles MIP, C-BML et HLA avec les mêmes niveaux d’exigence. modes opératoires possibles. La conduite d’un CAX multinational peut, moyennant la satisfaction des conditions mentionnées plus haut, être envisagée de trois manières différentes : tout le monde se regroupe au même endroit et utilise des outils plus ou moins connectés entre eux, une partie seulement de l’audience est localisée dans un espace restreint, ou enfin chacun reste chez soi à l’exception éventuellement de quelques personnes de la direction de l’exercice ou de la cellule d’analyse après action. Dans tous les cas, la simulation apporte réalisme et économies (gain en personnel, déplacements de moindre ampleur). L’interconnexion des outils de simulation peut offrir à chaque nation l’occasion de travailler avec ses moyens usuels tout en obtenant une situation opérationnelle partagée avec des tiers qui ont des moyens différents. Chacune de ces solutions a ses particularités : - Le regroupement de l’ensemble des participants à un CAX au même endroit peut faciliter la conduite de l’exercice et le travail des analystes chargés d’en tirer les enseignements. Les consignes sont aisées à faire circuler, les éventuelles défaillances techniques peuvent être palliées plus facilement, et les réseaux locaux à haut débit sont moins onéreux que les réseaux distants. En revanche, les infrastructures accueillant l’exercice doivent permettre l’installation de l’ensemble des systèmes, en prenant en considération les aspects liés à la sécurité des systèmes d’information. C’est pourquoi il a été décidé en 2008 de n’utiliser qu’une seule simulation pour FLANDRES 2011, l’utilisation initialement souhaitée d’ABACUS et SCIPIO reliés ensemble à MAILLY étant notamment trop peu en rapport avec les possibilités offertes par les infrastructures. - L’utilisation de moyens distants, totalement interopérables, par le biais de réseaux assez bien dimensionnés, est fortement tentante. La simulation permet alors le même partage de situation opérationnelle, elle confère les mêmes avantages du point de vue du réalisme, et un tel entraînement totalement distribué peut générer davantage d’économies d’un point de vue strictement financier. Ce mode d’opératoire reste cependant délicat à conduire et impose de disposer de réseaux permettant d’avoir des liaisons permanentes non seulement pour les données de simulation et les SIOC, mais aussi, voire surtout, pour les outils de visioconférence qui sont indispensable au dialogue entre chefs qui seraient normalement amenés à avoir des contacts directs et réguliers sur le terrain. L’analyse après action est plus compliquée car l’obtention d’une vision synoptique de l’ensemble des actions effectuées est potentiellement biaisée par des perceptions locales et partielles. Ce mode opératoire nécessite en outre une certaine habitude de toutes les parties concernées. - Un bon compromis peut en apparence être l’utilisation de moyens de simulation en partie déportés, les entraînés de premier et deuxième niveau étant seuls à se regrouper en un lieu unique. Dans le cas d’un exercice comme FLANDRES par exemple, cela revient à laisser les moyens de simulation nationaux à MAILLY et WARMINSTER, avec les opérateurs fournis par les forces, et à déplacer les PC des régiments, des brigades et de la division dans l’un de ces camps, voire ailleurs. L’analyse après action est plus en rapport avec ce qui est fait habituellement, toute défaillance technique des réseaux et de la simulation peut être suppléée par la direction de l’exercice en carré vert, le temps de régler l’incident. De plus, les contraintes relatives à l’infrastructure sont plus souples, et la possibilité d’avoir si nécessaire des contacts physiques entre les états-majors est plus réaliste. Chaque mode opératoire a donc ses avantages et ses inconvénients spécifiques au regard de l’emploi des moyens, de l’organisation et de la conduite de l’exercice, des finances et de la technique. Il peut sembler judicieux, en première approche, de procéder en adaptant le dispositif aux objectifs d’entraînements. Ainsi, pour faire un travail simplement fondé sur de la procédure ou un auto-entraînement, un exercice totalement distribué peut être suffisant si l’on souhaite juste s’assurer de la fluidité des échanges sans trop mettre l’accent sur leur pertinence. Ce peut être un stade intermédiaire avant un exercice de plus grande ampleur. En revanche, pour certifier une grande unité multinationale ou préparer un engagement commun en DOCTRINE TACTIQUE N° 24 53 AVRIL 2012 © Armée de Terre L’utilisation de moyens de simulation interopérables permet un entraînement réaliste et complet. The use of interoperable simulation systems makes for realistic and comprehensive training. opération, les niveaux d’interopérabilité technique et procédurale ne suffisent plus. Il peut alors être plus pertinent de regrouper les entraînés de premier et second niveau ainsi que l’échelon hiérarchique supérieur au même endroit. Les simulations et les échelons d’animation basse peuvent eux rester distants, ce qui limite d’autant les coûts et l’organisation puisque chacun travaille sur des moyens nationaux auxquels il est accoutumé. Regard vers le futur. En matière de simulation distante (mettant en œuvre des moyens situés en des lieux différents) et distribuée (impliquant des simulations différentes), SAFIR a montré qu’il était déjà possible d’interconnecter des simulations françaises et britanniques distantes. Les liens encore expérimentaux établis entre une plate-forme SCIPIO située à MAILLY, une plate-forme de simulation JSAF répartie entre MAILY et le Royaume-Uni, un poste SCIPIO localisé à PARIS, un simulateur de confrontation de modes d’action APLET utilisé à MAILLY, un simulateur de vol mis en œuvre depuis ISTRES, un simulateur de drone opéré depuis CRAWLEY sur un serveur établi à MAILLY, les systèmes d’information SICF, BCIP, SIR et SITEL, le tout avec une situation mise à jour en temps utile par SCIPIO au rythme du déroulement de FLANDRES, ont montré que le futur était déjà à portée de main ! Le réalisme accru qu’offre habituellement la simulation a été renforcé par la fourniture d’images de synthèse permettant de voir la situation sur le terrain à partir de données fournies par SCIPIO, et donc d’entraîner aussi bien des observateurs d’artillerie, des pilotes de drones que des spécialistes du renseignement d’origine humaine avec les postes de commandement. Les exercices multinationaux, s’appuyant sur la simulation peuvent s’affirmer comme de véritables laboratoires technico-opérationnels, utiles tant pour faire progresser l’interopérabilité (technique ou procédurale) que la doctrine. Des unités projetées pourront par exemple s’entraîner en avance de phase avec un matériel uniquement déployé sur le théâtre et qu’elles ne pourraient appréhender de façon aussi concrète sans simulation. On peut aussi envisager la modélisation d’un équipement futur non disponible, même à l’état de démonstrateur, afin de profiter des expériences et cultures des différents protagonistes de l’exercice. Il peut même, à l’extrême, être envisagé de s’entraîner avec les forces déjà en place sur un théâtre, si la situation le permet. L’entraînement distribué, qui techniquement ne relève plus de la chimère, apporte une véritable plus-value aux exercices multinationaux, FLANDRES 2011 en a été la démonstation DOCTRINE TACTIQUE N° 24 54 AVRIL 2012 International témoignage du Liban CoLoneL GeorGes HAYeK, CHeF du Centre JAnus LibAnAis F ruit de la coopération franco-libanaise, le centre JANUS de l’école de Commandement et d’État-major installée à Beyrouth, a su s’imposer comme un outil indispensable pour la formation des officiers. Après une période d’acculturation, l’emploi de la simulation a évolué, au sein des forces armées et couvre désormais les activités d’entraînement et d’évaluation prenant en compte, en particulier, le RETEX des derniers conflits. Derniers pays à avoir intégré la communauté JANUS France en 2005, le centre JANUS libanais est devenu, au fil des années, une référence au sein de la communauté JANUS France. © Armée libanaise La communauté « JAnus1-France » : Logo JAnus Liban Athe JANUS Center of the Command and result of French-Lebanese cooperation, General Staff College in Beirut is now deemed an essential tool for officer training. After a period of acculturation, the use of simulation has evolved in the armed forces and now covers training and assessment activities, incorporating, in particular, the lessons learned from last conflicts. The last country to enter the French Janus community – it did so in 2005 – the Lebanese JANUS Center has become, over the years, a reference among the French Janus community. L a communauté JANUS France1 s’étoffe progressivement et le Liban est devenu l’un de ses partenaires privilégiés. L’exemple libanais est particulièrement saisissant dans la mesure où depuis le début de la mise en place du système, le pays a été impliqué dans la guerre de l’été 2006 et dans les opérations anti-terroristes du camp de NAHR el BARED en 2007. Aujourd’hui, grâce à l’outil JANUS, les unités des Forces Armées libanaises (FAL) disposent désormais d’une gamme complète de scénarios différents, reprenant pour certains les évènements cités plus haut. 1 «JANUS France : adaptation française du logiciel JANUS, d'origine américaine. Les développements opérés par la DSRO en font maintenant un logiciel à part entière, dénommé JANUS-FR.» DOCTRINE TACTIQUE N° 24 55 AVRIL 2012 une mise en place progressive. L’implantation du système JANUS au Liban a été conduite en plusieurs étapes. En 2003, le ministère libanais de la Défense décide de se doter du système après avoir été convaincu des avantages que pouvait offrir la simulation au profit de l’entraînement opérationnel. La première phase est initiée en 2004 par la mise en place d’un officier supérieur coopérant français, chargé de coordonner avec le chef du centre le démarrage de la nouvelle structure, s’appuyant sur une convention bilatérale pour une durée de 5 ans. © Armée libanaise La seconde phase a commencé en 2009 avec le départ définitif du coopérant militaire français, conférant ainsi aux FAL une autonomie totale de fonctionnement pour l’utilisation du système, tout en gardant une relation avec la communauté JANUS France. Visite du Général Jean KAHWAJI Commandant en Chef de l’Armée libanaise au centre JANUS. Visit of General Jean KAHWAJI, Commander-in-Chief, Lebanese Army, to the JANUS Center. Aujourd’hui le centre JANUS est localisé à l’Ecole Fouad Chéhab1 de Commandement et d’Etat-Major (EFCCEM), équivalent libanais de l’Ecole de guerre française. Une trentaine de militaires, triés sur le volet, animent ce centre. Tous les opérateurs, quel que soit le grade détenu, sont parfaitement francophones. Appartenir à la communauté JANUS-France permet de garder un lien technique. Chaque année une réunion d’automne permet de tirer un bilan de l’activité pédagogique et de partager l’expérience avec les autres représentants des nations membres. Un climat de confiance s’est ainsi développé au sein de cette communauté JANUS, fondé sur la compétence et le désir de progresser. Le système JANUS est évolutif : chaque année grâce aux évolutions techniques liées à la programmation et à la modélisation, il est remis à jour. 1 Général Fouad CHEHAB : Premier commandant en chef de l’Armée libanaise, élu président de la république de 1958 à 1964. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 56 AVRIL 2012 © Armée libanaise International Les Officiers et les Opérateurs du Centre. The Center’s officers and operators. un outil considérable de simulation. Depuis 1975, le Liban et les FAL ont traversé des épreuves très douloureuses entre les épisodes de guerre civile, les invasions étrangères et fait nouveau, le combat anti-terroriste. Cette histoire récente a convaincu le commandement de la nécessité de tirer les leçons du passé. Dans ce cadre, la simulation a donc un rôle essentiel à jouer. Cette conviction a malheureusement été confirmée et renforcée par les événements majeurs évoqués plus haut : la guerre de 2006 et l’affaire de Nahr el-Bared en 20072. Le centre JANUS, alors en pleine construction, a dû « mémoriser » ces épisodes dramatiques. Grâce au système JANUS, il est donc maintenant possible aux officiers de poursuivre l’entraînement sur des cas concrets qu’ils ont souvent eux-mêmes vécus pour tirer toutes les leçons nécessaires afin d’utiliser au mieux le terrain et les matériels. La fréquence des exercices réalisés au centre est de un à deux par mois, de type offensif, défensif, et combat en zone urbaine ou combat anti-terroriste, de niveau régiment, groupement tactique interarmes (GTIA) ou brigade. La subordination du centre est double : - ECEM pour la formation tactique des officiers stagiaires (6 exercices/an) ; - Commandement de l’Armée pour l’entraînement des unités opérationnelles (brigades interarmes ou régiments) sur un terrain modélisé correspondant à leur zone de responsabilité, à la visualisation et la mesure, sur le terrain, des conséquences des décisions prises (6 états-majors de brigade ou régiments/an). Par ailleurs le centre est amené à intervenir au profit des écoles militaires et autres centres de formation. 2 Les FAL ont consenti à de lourds sacrifices au service de l’intégrité du Liban : lors de l’opération de réduction de cellules terroristes au Camp de Nahr el-Bared en 2007, les FAL ont perdu 172 hommes, tués en un mois et demi d’opérations, pour un effectif proche de 50 000 hommes. 57 DOCTRINE TACTIQUE N° 24 57 AVRIL 2012 Montage des exercices JANUS constitue un outil indispensable à l’Armée libanaise, car il permet d’identifier et analyser les erreurs commises durant l’exercice afin de ne plus les reproduire sur le terrain. Chaque exercice est constitué de la manière suivante : - définition du cadre pédagogique (objectifs) et du thème tactique (situations générale et particulière) ; - rédaction des ordres d’opération ennemi et ami ; - réalisation du terrain JANUS (carte numérique) ; - réalisation du scénario JANUS (définition et organisation des forces) ; - tests du terrain et du scénario. C’est la raison pour laquelle, un dialogue s’instaure entre le demandeur (ECEM ou unité opérationnelle) et le chef du centre, afin de valider les objectifs pédagogiques. La prise en compte des cinq points précédemment énoncés facilite considérablement la rédaction du dossier d’exercice. La cohérence et la transparence sont les mots clés pour que les joueurs puissent mener une séquence aussi réaliste que possible. La phase finale de l’exercice est l’Analyse Après Action (AAA) qui dure pour 3 heures et utilise deux outils : l’outil d’analyse graphique des «runs » (rejeu et diapositives), et l’outil d’exploitation des données des «runs » (Janalyse). Elle répond à trois questions : - ce que vous deviez faire (les joueurs et l’ennemi expliquent pourquoi et comment ils ont préparé leur idée de manœuvre) ; - ce que vous avez fait (comment les joueurs ont conduit leur manœuvre) ; - si c’était à refaire ? (le chef du centre présente une explication détaillée basée sur les prises écrans de la DIREX et du logiciel Janalyse. Alors comme vous pouvez donc le constater, JANUS au Liban requiert du temps, beaucoup de temps… comme en France ! objectifs futurs Si le centre fonctionne de manière satisfaisante, nous devons poursuivre notre effort d’anticipation et rester inventifs. Nous sommes conscients que ce système sera toujours perfectible au gré des progrès technologiques et des évolutions tactiques ou doctrinales. Là aussi réside l’intérêt de notre mission pour la préparation du futur : acquérir de nouveaux systèmes de simulation de niveau opérationnel, et technique comme le Système d’Observation des Tirs de l’Artillerie (SOTA), et ROMULUS pour l’infanterie et les blindés, afin de créer un centre de simulation global au profit de l’Armée libanaise. Le bilan après seulement quelques années d’existence est à la fois riche et très encourageant. La première certitude acquise est que cet outil a pleinement démontré son utilité pour préparer les FAL à la moyenne et haute intensité avec pour objectif de réduire les pertes. Pour nous, Armée libanaise, la simulation est devenue notre meilleure cuirasse ! DOCTRINE TACTIQUE N° 24 58 AVRIL 2012 International La simulation au sein des forces terrestres néerlandaises Lieutenant-coLoneL Peter Van SorGen, officier de LiaiSon (interarméeS) néerLandaiS auPrèS du cdef et cPco juSqu’à L’été 2011 L’ armée néerlandaise confirme sa volonté de donner un rôle central à la simulation pour la formation initiale, l’entraînement et la préparation des forces. Elle se dote du moyen de rationnaliser et coordonner l’utilisation d’un panel d’outils très complet, elle prépare le futur, cherchant à intégrer la simulation dès la conception des programmes. The Dutch Army has confirmed its willingness to have simulation play a major part in basic and advanced training, and force readiness. It is acquiring the capability to rationalize and coordinate the use of a very comprehensive panel of tools; it is preparing the future, looking for ways to integrate simulation from the design of programs. un jeu virtuel ou un modèle sérieux indispensable ? E © Requests and inquiries should be directed to: Director-General, Simulation Australian Defence Simulation Office - Russell Offices [R1-3-B065] Canberra ACT 2600 AUSTRALIA n 2006, dans le numéro 10 de cette même revue, mon camarade et compatriote, le lieutenant-colonel Georges Uilenbroek, avait déjà écrit un article sur le simulateur TACTIS, développé par THALES France pour l’entraînement tactique intégré des unités mécanisées, du niveau équipe à celui de la compagnie. Ce système, véritable fleuron de la simulation de l’armée de Terre néerlandaise, a été livré fin 2011 après une période de développement et de construction d’environ 14 ans. Malgré de fortes réductions d’effectifs, décidées par le ministre de la Défense en début 2011, le Commandement des forces terrestres néerlandaises (CLAS) a pu poursuivre ce projet prestigieux au coût total de 84,1 M€. La volonté de conserver ce projet montre déjà que le CLAS attend beaucoup de ce système. De plus, une étude sur les possibilités de le connecter à d’autres systèmes (FAC, STINGER, GILL, etc.) est en cours. La maquette du nouveau bâtiment du système de simulation TACTIS à Amersfoort, Pays-Bas. Scale model of the new building for the TACTIS simulation system in Amersfoort, the Netherlands. L’importance que le CLAS donne au système TACTIS montre que, même si tout n’est pas parfait dans l’armée néerlandaise, il y a une volonté certaine de donner un rôle central à la simulation pour la formation initiale, l’entraînement et la préparation des forces. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 59 AVRIL 2012 Suite à l’annonce du 8 avril 2011 portant sur la réduction, pour la défense néerlandaise, d’un milliard d’euros et d’environ 12 000 hommes, il est évident que le CLAS cherche à rationaliser l’emploi de ses moyens. La simulation et les simulateurs peuvent donc remplir le vide crée par les réductions, c’est pourquoi a été lancé un projet qui a pour but d’inventorier tous les systèmes existants, leur application et les possibilités de les intégrer, voire de les connecter entre eux. Ce travail a également entraîné le besoin de posséder une vision claire sur l’avenir de la simulation et sa raison d’être, sur son intégration au sein du CLAS et son emploi pour l’enseignement, l’entraînement ainsi que la préparation des forces à l’engagement. Globalement, l’armée de Terre néerlandaise a la même approche que les autres partenaires internationaux : la simulation doit permettre de réaliser des économies, améliorer les possibilités et réduire les risques. Partant de là, le CLAS a défini quatre domaines dans lesquels la simulation doit se focaliser : Formation et entraînement (F&E); Développement conceptuel et expérimentation ; Acquisition basée sur la simulation ; Soutien du commandement. En analysant l’utilisation des systèmes de simulation actuels, on peut constater qu’on se focalise pour l’instant surtout sur les domaines de la formation et de l’entraînement, du soutien au commandement et dans une moindre mesure sur les deux autres domaines, bien qu’il existe une forte volonté de les appliquer également pour ces fins. Ce constat peut être expliqué par le fait que l’introduction de la simulation était basée jusque-là sur une procédure incrémentale ou l’initiative était souvent prise au sein des armes, sans coordination structurelle avec les autres armes, voire armées. Ainsi actuellement, le CLAS est doté de sept systèmes interarmées (Stinger, NRBC, armes petit calibre, observation, etc.) et de 19 systèmes connectés aux forces terrestres. De plus, il existe six projets en cours dont le « Command and Staff Trainer » (CST) et le « Air Defence Operations Simulator » (ADOS). La plupart des systèmes sont installés dans les différentes écoles d’armes ou dans les brigades. Aussi, pour des raisons tant de doctrine que de bonne gestion et dans le but de créer une synergie et coordonner l’ensemble des systèmes, un organisme a été créé en 2007 au sein du CLAS. Il s’agit du Centre de simulation de l’action terrestre (SimCen Land) qui est centre d’expertise pour le domaine M&S (modeling and simulation). Il est responsable de la politique de simulation et de son innovation. Au sein de la défense néerlandaise, on distingue trois types de simulateurs principaux : les simulateurs virtuels, «live» et constructifs. Les simulateurs virtuels se caractérisent par le fait que des hommes les équipent et conduisent et que l’infrastructure, le terrain et les matériels sont simulés. Le système TACTIS en est un exemple, mais également les « Jeux Sérieux1 » appartiennent à ce type là. Dans un simulateur « live », le système opérationnel, comme par exemple le VBCI ou le char, est équipé par des hommes dans un environnement réel. Les effets de leurs actions sont simulés et enregistrés (feu, contamination NRBC, etc.). Un exemple d’un tel système est le Centre mobile d’entrainement de combat (MCTC2). Le simulateur constructif, simule des humains, le terrain et l’infrastructure, ainsi que le matériel. On classe le système « Command and Staff Trainer » sous ce genre de systèmes. La simulation constructive a pour but d’entraîner le chef et son état-major au processus de planification et à la prise de décision. Les unités subordonnées ainsi que la logistique peuvent également être simulées. 1 En anglais : Serious Games. 2 En anglais : Mobile Combat Training Center. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 60 AVRIL 2012 International A l’heure actuelle, les simulateurs jouent un rôle dans la formation et l’entraînement des militaires selon le principe du « ramper-marcher-courir ». Ce principe est basé sur le fait que l’individu, pendant sa formation ou son entraînement, sera confronté à des situations de plus en plus complexes. Il implique qu’au début, on utilise des systèmes de simulations (souvent du type virtuel) avant de s’entraîner dans des situations réelles (champ de tir, MCTC). Cela vaut aussi pour un cadre supérieur, qui avant de participer à un CAX soutenu par le Command and Staff Trainer, doit développer ses capacités individuelles ainsi que celles à tenir sa place comme membre de l’état-major. Mais actuellement, l’utilisation des différents simulateurs ainsi que leur rôle et place dans le processus de formation et d’entraînement ne sont pas bien définis. De plus, l’utilisation est souvent confiée aux commandants d’unité, un aspect qui, allié au fait que les simulateurs sont souvent utilisables seulement pour des tâches spécifiques, empêche un emploi efficace des simulateurs existants. C’est également la raison pour laquelle on cherche à développer des simulateurs polyvalents et à interconnecter les différents simulateurs existants. Bien que les simulateurs soient déjà utilisés pour la préparation des forces avant la mission, il y a peu de RETEX concernant l’impact de la simulation, autre que des témoignages d’utilisateurs. Pour la préparation de la mission en Afghanistan par exemple, les militaires ont été capables de s’adapter au terrain en Ourouzgan en utilisant le jeu sérieux « Virtual Battle Space 2 » (VBS2). Dans le cadre de l’évolution de la mission, le CLAS est en train de créer un terrain numérisé pour la région de Kunduz. Dans la plupart des camps d’entraînement aux Pays-Bas ainsi que dans celui de BergenHohne en Allemagne, existent déjà des « environnements géographiques spéci-fiques 3D » qui permettent de se préparer avec VBS2 ou « Steelbeast-pro » avant d’exécuter un entraînement réel. © Landmacht N° 4, juin 2011 Concernant l’avenir de la simulation au sein de l’armée de Terre néerlandaise, quelles tendances voit-on se dessiner ? D’abord, une croissance explosive de l’utilisation des jeux sérieux (serious games) pour l’entraînement et la préparation des forces. Cette tendance répond aux attentes d’une jeunesse familière du « numérique ». « image numérique de Tarin Kowt, Ourouzgan ». “Digital picture of Tarin Kowt, Uruzgan”. Ensuite, une utilisation croissante de la simulation dans les domaines du « développement conceptuel et expérimentation » et celui de l’« acquisition ». Toute nouvelle doctrine sera testée dans un simulateur avant son application. De même, l’aptitude de nouveaux matériels sera évaluée avant acquisition. Enfin, le nombre d’interconnexions entre systèmes différents, ira en s’accroissant, ce qui rendra l’utilisation de ces systèmes plus efficace et permettra aux chefs de mieux entraîner leurs unités dans un cadre interarmes. Ainsi, on peut imaginer la connexion entre TACTIS et le « Command and Staff Trainer » ou encore entre TACTIS et le simulateur des hélicoptères d’attaques « Apache ». On peut également envisager la connexion entre les systèmes de simulation de la défense aérienne (ADOS), celui du contrôle avancé aérien (FACsim), VBS, et enfin celui de coordination des tirs interarmées (JFTES). Pour cela il est essentiel que les systèmes futurs puissent communiquer et partager les mêmes langages numériques, voire les mêmes standards et architectures. Concernant les jeux sérieux, notons qu’il existe déjà une connexion entre Virtual Battle Space (VBS) et le système de numérisation de l’espace de bataille (NEB3). En conclusion, on peut dire que l’armée de Terre néerlandaise est bien armée dans le domaine de la simulation pour faire face aux défis de l’avenir. Mais pour une utilisation plus efficace des systèmes de simulations, il faut que la simulation soit mieux intégrée et ancrée dans les programmes génériques de formation, d’entraînement et de préparation opérationnelle et qu’il existe un organisme responsable de la coordination de l’intégralité du domaine 3 En anglais : Battlefield management system (BMS) DOCTRINE TACTIQUE N° 24 61 AVRIL 2012 La Prospective et veille technologique : un investissement utile Lieutenant-coLoneL christian VaLLY, officier coordination des études de La dsro du cdef L a division simulation recherche opérationnelle de la DSRO a reçu pour mission d’assurer, pour l’armée de Terre, la mission de prospective, veille technologique et capitalisation. Cette mission est remplie grâce à la mise en place d’une démarche, appuyée par des outils, permettant de partager les connaissances. En effet, l’activité de PVTC englobe de nombreux domaines en vue d’anticiper les besoins des forces pour l’entraînement et la préparation opérationnelle. Il suffit de voir l’évolution passée des systèmes de simulation pour être convaincu de l’utilité de cet investissement humain. ous les ans, dans la ville d’Orlando, en Floride, se tient le salon IITSEC (interservice industry training simulation and education conference). Cet évènement représente pour la simulation ce qu’est le salon du Bourget pour le monde de l’aviation. T The Simulation and Operations Research Division (DSRO) has been tasked to conduct, at Army level, forecast, technology watch and capitalization. This mission is achieved through the implementation of a tool-supported approach which makes it possible to share knowledge. These activities cover in fact many areas in order to anticipate the needs of the forces as regards training and readiness. One has only to consider the past evolution of simulation systems to be convinced of the utility of this human investment. issues majoritairement du monde civil, au premier rang desquelles on peut citer l’intelligence artificielle, le développement logiciel ou le perfectionnement du matériel informatique. Outre l’impressionnant hall d’exposition, où tous les industriels qui veulent tenir leur rang dans le monde de la simulation exhibent leurs réalisations, de nombreux exposés sont faits sur des sujets variés. Il peut y être question de nouvelles architectures et de cycle de développement, d’intelligence artificielle, ou bien de l’évaluation de l’efficacité de l’entraînement d’un groupe de combat de l’USMC avec simulation. La DSRO participe à ce rendez-vous international au titre de la mission qu’elle a reçue pour l’armée de Terre : assurer la prospective et la veille technologique du domaine de la simulation. C’est un travail permanent qui vise à faire le lien entre les avancées technologiques et les besoins des forces, pour l’entraînement, la préparation des missions ou l’aide à la décision. La prospective résulte d’ailleurs d’une démarche active qui l’amène parfois à devancer l’expression du besoin. Les thèmes qui y sont abordés ont une richesse permise par la particularité de ce domaine. Les progrès y sont en effet provoqués par les innovations dans des disciplines Ainsi, en quelques jours, les participants rapportent une abondante moisson de renseignements qu’il faut exploiter. En effet, il ne s’agit pas seulement de savoir quels sont les DOCTRINE TACTIQUE N° 24 62 AVRIL 2012 « de l’autre côté de l’écran » produits du dernier cri qui pourraient équiper nos salles d’entraînement, mais plutôt de traduire ces observations en enseignements. Devant un écran plat ultra-haute définition, un simulateur d’évacuation de blindé endommagé par un IED, ou à l’écoute de l’exposé des derniers progrès de l’architecture de haut niveau, il faut se poser chaque fois la même question : « et alors ? ». La compréhension du phénomène observé n’est rien, si elle n’est assortie d’un avis de spécialiste. Celui-ci devra se prononcer sur des sujets divers : quelles conséquences pour ceux qui s’entraînent, ceux qui conçoivent et développent des systèmes de simulation ou ceux encore qui les mettent en œuvre ? Quels enseignements aussi pour ceux qui préparent les exercices, les conduisent, ou mènent l’analyse après action ? Quelle place donner à un exercice conduit sur simulation dans le cycle de l’instruction, l’entraînement ou la préparation de mission ? La vision ne doit pas se limiter à l’aspect technique de l’outil, mais aussi porter sur la manière dont pourra évoluer l’ensemble de la chaîne des activités d’entraînement et de préparation des forces, pour mieux répondre aux besoins opérationnels. La démarche, la capitalisation La prospective peut se faire suivant plusieurs démarches. Il peut être choisi d’explorer l’éventail des possibilités à partir de la granularité la plus fine et remonter vers le système entier, ou au contraire avoir une approche globale avant de ne détailler que certaines parties du système de simulation. Il peut aussi être décidé de décrire d’abord ce que l’on veut puis entamer les recherches, ou d’observer tous azimuts, quasiment « le nez au vent », sans préjuger de l’utilité des résultats, et faire un tri a posteriori. Aucune des solutions ne convient parfaitement, un peu de chacune est nécessaire. La DSRO a fait le choix du travail d’équipe, regroupant différents profils qui doivent se compléter : méthodique ou intuitif, adepte de l’approche fonctionnelle ou passionné de nouveauté technologique1. La veille technologique est alors l’affaire de tous, et les actions sont soumises à une coordination qui doit ellemême répondre à deux objectifs contradictoires : être efficace, car le temps est compté, tout en laissant une certaine liberté à l’exploration. 1 Le mot exact serait «geek». DSRO/CDEF Les évolutions de JANUS. JANUS evolutions. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 63 AVRIL 2012 Mais surtout, l’ensemble des observations et avis doit être considéré comme un capital à faire fructifier. En effet, il ne suffit pas de compiler les observations dans un compte rendu, aussi précis et synthétique soit-il. Il faut pouvoir retrouver une information, parfois quelques années plus tard, ou sous un angle qui n’est pas celui initialement prévu. Ainsi, des observations faites sur les architectures techniques virtuelles, initialement destinées aux ateliers de développement, peuvent être utiles à l’organisation des exercices. Le travail de capitalisation de la connaissance est le dernier maillon de l’activité de veille technologique. Plus qu’important, il est indispensable, sous peine de voir dépensée en vain l’énergie pour des recherches. La DSRO organise annuellement un séminaire, destiné à extraire les chargés d’études de leurs tâches quotidiennes pour se consacrer pleinement au sujet : partage des observations, des connaissances, établissement des axes de recherche pour l’année à venir sont au programme. De plus, elle se dote des moyens simples et conviviaux offerts par la technologie moderne. C’est ainsi qu’elle dispose d’un outil dénommé WIKI2, qui permet à l’ensemble de l’équipe d’apporter sa contribution, et à tout chercheur, par le jeu du moteur et des liens, de retrouver la connaissance sur un sujet. Cet outil est un appui précieux, pour peu qu’il soit enrichi et actualisé. Mais il reste que seul l’esprit humain est capable de faire des rapprochements, des analogies et surtout d’être créatif. L’expérience reste un atout. Ainsi, à titre d’exemple, la DSRO s’est intéressée à un système de reconnaissance vocale, initialement prévu pour enregistrer des commandes de chambre d’hôtel, mais qui pourrait permettre de commander à la voix des entités simulées. La mise au point d’un tel outil reste toutefois longue. Les réalisations, les perspectives. Il est difficile d’exhiber une réalisation spectaculaire directement issue de l’activité de veille technologique. C’est plutôt dans la durée que se verra l’efficacité de ce travail long, méthodique, parfois ingrat car ponctué de leurres et de fausses pistes qui ne se révèlent comme telles qu’une fois qu’on est arrivé au bout. Pourtant, il suffit de voir l’évolution de l’interface JANUS depuis 20 ans pour comprendre que si la veille technologique ne produit rien, rien ne se produit sans elle. 2 Le site WIKIPEDIA, sur internet, en est l’exemple le plus emblématique. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 64 AVRIL 2012 De nombreux axes de recherche existent. Ainsi, la DSRO s’investit dans les sessions de travail de la SISO (simulation interoperability and standardization organisation), au cours desquelles la communauté de la simulation se retrouve. Utilisateurs, industriels, chercheurs, représentants d’agences publiques ou militaires font avancer les chantiers de l’interopérabilité des simulations entre elles, du dialogue entre simulations et systèmes d’information, de la réutilisation des modèles. Ces travaux ouvrent la voie vers des systèmes de simulation qui pourraient être construits à la demande, en fonction du besoin de préparation opérationnelle d’une unité. La DSRO suit également les progrès de l’intelligence artificielle qui devrait rendre l’animation encore plus réaliste et immerger l’entraîné dans des situations complexes. Ces progrès prennent en compte non seulement les affrontements directs, mais aussi les luttes d’influence, le jeu des alliances, la dimension médiatique, l’action d’un individu isolé comme celle du groupe. On peut aussi imaginer un produit futur qui permettra à l’équipage d’un blindé, manœuvrant en terrain libre, de détecter un objectif et de le traiter avec l’armement de bord. Cela sera possible grâce à un moteur de simulation qui, connaissant la situation tactique, relié à l’électronique de bord et au système d’information opérationnel, fait apparaître les objectifs dans la lunette de visée lorsque l’ennemi se dévoile, prend en compte les tirs simulés et anime l’environnement. Un tel système procurerait à la fois réalisme et simplicité dans la réalisation d’exercice. conclusion : Loin de l’image idéalisée du savant génial isolé dans un laboratoire, la veille technologique et la capitalisation des connaissances sont des activités pour lesquelles patience et longueur de temps sont les maîtres mots. Mais elles sont indispensables à ceux qui contribuent à l’amélioration des systèmes de simulation, car elles les arment de connaissances qui tiennent en respect les charlatans, assurent l’indépendance de leur jugement, et leur permettent de faire valoir les intérêts des forces « de l’autre côté de l’écran » Les enjeux et défis de la modélisation de la zone urbaine et des actions de stabilisation Lieutenant-coLoneL RodoLphe QueMeRaiS, chef du pRojet januS fRance de La dSRo du cdef A fin de pouvoir proposer des environnements d’entraînement cohérents et adaptés aux nouveaux engagements, la simulation a du s’adapter et prendre en compte le RETEX des opérations récentes, ainsi que le résultat des travaux doctrinaux réalisés dans le domaine du combat en zone urbaine. Créer de nouveaux modèles, les faire valider par les opérationnels, trouver le juste milieu entre le besoin et les possibilités techniques, tels sont les principaux défis qu’il nous faut relever. Aidé par les progrès techniques réalisés principalement au profit des jeux du commerce, les simulations proposent désormais des solutions adaptées aux actions de stabilisation et nécessaires à la formation et l’entraînement de nos unités. N ul ne peut contester le rôle désormais incontournable de la simulation pour la formation du personnel et la préparation opérationnelle des forces terrestres. Cependant, l’économie financière que peut engendrer l’emploi de la simulation n’est pas l’unique raison de sa généralisation. La simulation, moyen complémentaire des méthodes classiques d’entraînement, permet, dans bien des cas, d’offrir aux entraînés un environnement d’animation plus riche et une mise en situation impossible à reproduire sur le terrain lors d’un exercice classique. Toutefois, si les moyens de simulation ont atteint un excellent niveau de maturité pour représenter les affrontements conventionnels, la prise en compte dans ces systèmes des contraintes liées aux engagements actuels ou les plus probables, n’est qu’au mieux assez récente et souvent partielle. In order to offer consistent training environments which are tailored to the latest commitments, simulation has had to adapt and take into account the lessons learned from recent operations, as well as the results of doctrinal work in the field of military operations on urbanized terrain (MOUT). Create new templates, have them validated by the operational side, strike the right balance between needs and technical capabilities – such are the main challenges that we must meet. Aided by technical progress mainly conducted for off-the-shelf trade games, simulation now offers solutions tailored to stabilization actions and necessary for the initial and advanced training of our units. Le motif de cette adaptation encore incomplète résulte de la complexité extraordinaire qui caractérise l’environnement dans lequel les forces terrestres doivent désormais se projeter. Echouer dans la modélisation de ces nouveaux environnements reviendrait cependant, pour l’armée de Terre, à ne plus disposer d’outils de simulation adaptés à la préparation opérationnelle de ses forces. Des évolutions récentes qui touchent le monde de la simulation permettent raisonnablement d’estimer que ce défi pourra être relevé. La modélisation au cœur de tous les enjeux. Simuler une réalité consiste à en assurer une représentation imparfaite mais acceptable aux yeux de ses utilisateurs. Cette représentation s’obtient grâce à DOCTRINE TACTIQUE N° 24 65 AVRIL 2012 l’élaboration de modèles (la modélisation) qui sousentend une compréhension des phénomènes à représenter et une capacité à les intégrer dans le système de simulation. Une simulation est donc bâtie sur un ensemble de modèles. Leur nature est variable : elle peut être physique (une arme factice), mathématique (un algorithme décrivant la balistique d’un projectile) ou logique (un schéma décrivant une organisation). En fonction de la nature de la simulation, la complexité d’un modèle peut être très variable. En première approche, pour l’opérationnel, il pourrait paraître souhaitable de disposer de modèles très complexes permettant d’obtenir une grande précision dans la représentation des phénomènes qu’ils décrivent. En pratique, des contraintes techniques imposent de les simplifier pour, en particulier, limiter les calculs qu’elles engendrent. La modélisation est donc un compromis permanent entre le besoin de l’utilisateur et les possibilités de la technique. Ainsi, pour une simulation destinée à entraîner un état-major de niveau 2, il sera nécessaire de s’interroger sur la pertinence de modéliser individuellement chaque homme de cette unité. Tout officier ayant suivi le cours d’état-major a directement été confronté à l’utilisation d’un modèle, comme, par exemple, le tableau des pertes classiques qui fournit une catégorisation des blessés (5% en extrême urgence, 25% en 1ère urgence, etc.) utilisé pour planifier les besoins en moyens d’évacuation. Il s’agit bien d’un modèle, validé par le service de santé des armées. Il peut être considéré comme valide. Il est accepté comme tel par le stagiaire, néophyte dans le domaine de la santé, pour caractériser les pertes globales vues du niveau de la brigade. De fait, une simulation qui ne reproduirait pas une telle répartition des blessés susciterait la méfiance de ses utilisateurs dans ce domaine et l’entraînement échouerait pour une part des objectifs. La validité d’un modèle n’est pas nécessairement perceptible par l’utilisateur. Dans ce cas, l’utilisation d’un modèle invalide dans une simulation peut provoquer un « entraînement négatif ». Cela se produirait par exemple avec un simulateur de tir dans lequel le modèle balistique de la munition tirée serait erroné et qui habituerait le tireur à corrections inutiles. C’est bien pour limiter ce type de risque que la préparation en simulateur ne se substitue jamais intégralement aux tirs réels. © DSRO/CDEF Définir le juste niveau de simplification des modèles n’est pas suffisant. Ceux-ci doivent être « valides1 » pour ne pas offrir une représentation trop imparfaite de la réalité qu’ils sont supposés traduire. La validité des modèles conditionne le degré de confiance que l’utilisateur de la simulation lui accordera. La prise en compte de cet aspect psychologique est cruciale dans le cadre de l’entraînement. La défiance de l’entraîné remettra systématiquement en cause son adhésion lors des exercices et l’atteinte des objectifs associés. Capture d’écran de logiciel de modélisation 3D Blender (produit libre) et représentant un modèle simpliste de maison (donnée libre issue du site turbosquid.com). Screenshot of 3D Blender modeling software (freeware), displaying a basic model of house (free data from the turbosquid.com website). 1 Terme consacré dans le domaine de la simulation pour décrire la validité d’un modèle. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 66 AVRIL 2012 « de l’autre côté de l’écran » La modélisation, dans le respect des principes de juste simplification et de validation, représente un véritable défi pour l’adaptation et la conception de nos outils de simulation aux engagements actuels et les plus probables. Le défi de la modélisation des environnements actuels. La prise en compte des engagements en zone urbaine (ZUB) ou d’actions de stabilisation dans la simulation est de nature à introduire, pour la majorité de ses modèles, un niveau de complexité bien supérieur à celui requis pour les engagements conventionnels. Dans de nombreux cas, il est impossible d’adapter convenablement les simulations en service aux exigences de ces nouveaux environnements. De même, le développement de nouvelles simulations intégrant la complexité de ces contraintes constitue un véritable défi. Deux exemples connus des opérationnels permettent d’illustrer cette difficulté d’adaptation des systèmes actuels. Un système de simulation instrumenté utilisant un dispositif laser pour simuler des tirs présentait déjà des limites dans le cadre d’un entraînement pour un engagement conventionnel. Par exemple, le feuillage d’un buisson arrêtera le laser se substituant au tir de l’arme réelle. Cette limitation a pourtant été jugée globalement acceptable pour un entraînement en terrain ouvert. Un dispositif de ce type est pourtant loin de satisfaire aux exigences du combat en ZUB. Un tir laser ne traversera pas une simple vitre ou un mur de faible épaisseur contrairement à la munition qu’il est censé simuler. Jusqu’à présent, pour l’entraînement des postes de commandement (PC) des niveaux GTIA et supérieurs, la simulation constructive représentant une carte et des unités en deux dimensions, à l’instar de la visualisation offert par les SIOC, a donné une grande satisfaction. Ce type de représentation offre l’avantage d’être techniquement facile à réaliser, même si les modèles sousjacents intègrent des données en trois dimensions (par exemple, l’altitude des bâtiments ou des aéronefs2). Dans le cadre des engagements actuels, et de plus en plus à l’avenir, le PC dispose des images en temps réel fournies par les capteurs des drones. Cette information vidéo est de nature à améliorer le processus de décision. Pour être complet, l’outil de simulation se doit de produire de telles images avec un niveau de réalisme acceptable, ce qui dans le cas d’une simulation constructive revient à introduire un environnement en trois dimensions extrêmement complexe à créer. L’incapacité de certaines simulations à évoluer imposera d’en concevoir de nouvelles capables de prendre en compte de nouveaux environnements. Cette tâche n’en représente pas moins un défi. La modélisation d’une zone urbaine réaliste est particulièrement complexe, quel que soit le niveau de granularité de la représentation retenu. Ainsi, pour modéliser un bâtiment, il sera nécessaire de s’interroger sur la pertinence des paramètres à intégrer comme l’épaisseur des murs, la résistance des matériaux utilisés. Ces paramètres n’ont aucun sens ou presque, si des calculs physiques extrêmement précis ne permettent pas de les prendre en compte pour déterminer par exemple si un projectile donné pourra ou non traverser ce mur, comment son énergie cinétique sera modifiée après avoir traversé et dans quelle mesure le bâtiment sera endommagé. © COMALAT Le cas évoqué ci-dessus, même s’il est complexe, fait appel à des modélisations existantes. Il est d’autres domaines connexes aux engagements de type stabilisation qui fait appel à des travaux de recherche encore expérimentaux. Le défi de la complexité du milieu urbain. Complexity as a challenge in an urban environment. Il est difficile de concevoir une simulation future pour l’entraînement des forces ne représentant pas le milieu civil qui peuple une zone urbaine. Les modèles préalablement conçus dans les simulations pour représenter le comportement des soldats ne correspondent pas à celui des figurants civils. Ceux-ci doivent présenter un comportement aussi bien individuel que collectif (une 2 On parle alors de simulation en 2,5D. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 67 AVRIL 2012 foule) et réagir de façon particulière aux évènements. Dans ce cadre, une infinité de question peuvent alimenter les travaux de conception d’une simulation répondant aux nouvelles de la préparation opérationnelle des forces. Typiquement, comment un groupe d’individu réagira à un attentat à l’explosif, à un accident de la route provoqué par les forces de stabilisation ? En quoi, les actions des affaires civilo-militaires réalisées lors des semaines précédentes influenceront favorablement ou défavorablement ces actions ? Il est alors évident que même les opérationnels à l’origine du besoin exprimé seront bien en peine de donner des éléments statistiques ou des règles permettant de décrire de tels comportements qui pourraient être modélisés par les simulations. La réalisation des modèles décrivant les nouveaux environnements est toujours soumise à des fortes contraintes de performances. D’une manière générale, le niveau de complexité de la modélisation croît plus vite que les performances des systèmes informatiques. De plus, ce travail nécessite une implication sans faille des fonctionnels à l’origine du besoin et des connaissances fondamentales bien souvent hors de portée des concepteurs de simulation. Ce constat pourrait laisser croire que de nombreux aspects de la modélisation de la ZURB et des actions de stabilisation ne pourraient jamais être modélisés. Il n’en est rien car le monde de la simulation est en train de vivre une révolution. La révolution prévisible du monde de la simulation. Le domaine de la simulation informatisée a accusé un retard significatif par rapport aux sciences informatiques, notamment dans le cadre de la conception d’applications. La réutilisation des composants logiciels et l’interconnexion de ces derniers est un concept éprouvé de longue date dans l’informatique de gestion. Il est à l’état quasi-expérimental pour la simulation. Depuis peu, la simulation connait néanmoins des progrès sensibles dans ces domaines : amélioration des standards d’interconnexion mais aussi commercialisation d’une offre sans cesse accrue de composants «sur étagère » permettant par exemple la modélisation de foules, de drones ou encore d’intelligence artificielle, sans parler des moteurs de simulations prêts à être adaptés pour répondre à tout type de besoin. Il est par ailleurs nécessaire de rappeler le lien étroit qui lie le monde du jeu vidéo et celui de la simulation. Leurs objectifs diffèrent mais les technologies sont pour l’essentiel partagées. Ainsi la modélisation d’environnements en trois dimensions qu’offrent certains simulateurs est directement issue des progrès réalisés DOCTRINE TACTIQUE N° 24 68 AVRIL 2012 dans les jeux vidéo. La simulation bénéficie au moins indirectement des importantes sommes investies annuellement dans le marché du jeu, gage d’évolution technologique rapide. Enfin, la simulation bénéficie des progrès de la recherche. Le milieu urbain et le facteur humain le caractérisant n’est pas qu’une préoccupation de la Défense. Ce type de modélisation est donc plus que jamais au cœur des objectifs de la recherche. La simulation militaire tirera nécessairement des bénéfices de ces travaux. Par exemple, la modélisation des communications radio en ZURB est particulièrement avancée grâce aux problèmes rencontrés par les opérateurs lors des déploiements des réseaux de téléphonie mobile. Toutefois, il est impératif de se garder d’un optimisme béat face aux progrès de la technologie et de la recherche. Celle-ci a un coût considérable, soit financier, soit en temps de développement. Il s’agit souvent des deux. Trois principes pourraient être adoptés pour garantir à l’armée de Terre des outils de simulation adaptés aux nouveaux types d’engagement. Premièrement, pour un besoin donné, il faut que le modèle soit le plus simple possible, tout en étant acceptable. Ceci doit rester la préoccupation majeure des concepteurs, même s’il s’agit de modélisations complexes comme l’environnement ZURB ou les actions de stabilisation. Ceci vaut particulièrement pour les simulations d’entraînement aux procédures et à la répétition des cadres d’ordres. Les simulateurs de tirs quant à eux nécessiteront toujours une haute fidélité pour leurs modèles. Le deuxième principe consiste à ne pas tout vouloir modéliser dans la simulation. Dans bien des cas, un message réalisé par une cellule d’animation décrivant un incident suffit pour faire travailler convenablement un poste de commandement. Les efforts doivent se limiter au développement des modèles les plus fréquemment sollicités et dont les résultats sont important pour la cohérence de la simulation (modification de l’environnement, interactions entre unités, etc.). Enfin, pour suivre la révolution que vit actuellement le monde de la simulation, la Défense doit pouvoir compter sur un véritable corps d’experts. Ceux-ci doivent être en mesure d’accompagner les opérationnels dans une définition réaliste des besoins et dans la validation des modèles réalisés. Ils devront pouvoir proposer, et dans certain cas conduire les travaux d’adaptations des systèmes de simulation et la réalisation de nouveaux modèles. Ils devront parfois aussi tempérer les ardeurs des ingénieurs qui pourraient mettre à la disposition des forces des démonstrateurs technologiques qu’eux-seuls savent mettre en œuvre « de l’autre côté de l’écran » Du jeu vidéo à la Simulation : l’âge de Maturité ? Dr EmmanuEl CHIVa, HPC ProjECt Sa P résident de HPC Project SA, Emmanuel CHIVA est un éminent spécialiste de la simulation, connu et reconnu au-delà de nos frontières. Visionnaire, il nous offre son appréciation de la simulation militaire, actuelle et future, mettant l’accent sur le lien étroit qui existe entre elle et le jeu. Son analyse claire et pragmatique place le « wargaming» au cœur de la préparation opérationnelle des forces. Chairman of HPC Project SA, Emmanuel CHIVA is a distinguished specialist of simulation, well-known and recognized beyond our borders. A visionary, he offers his assessment of current and future military simulation, focusing on the close link that exists with games. His clear and pragmatic analysis puts wargaming at the heart of force readiness. C omme Platon l’affirmait : «On peut en savoir plus sur quelqu’un en une heure de jeu qu’en une année de conversation». A la fois formateur, révélateur des traits de caractère et moyen d’ouverture et de communication, le jeu est et a toujours été un outil de choix pour la formation, l’instruction et l’entraînement. Sans revenir sur les origines de la simulation militaire et du kriegspiel, il est clair que l’évolution de la société civile dans ce domaine a permis de mettre dans les mains des opérationnels des univers virtuels remarquables de réalisme, du moins dans leur dimension visuelle, et pour des coûts de plusieurs ordres de grandeur inférieurs au budget nécessaire à la réalisation d’une simulation traditionnelle. Il y a donc une synergie évidente entre le monde de la simulation et celui du jeu, ainsi que de nombreux apports mutuels. Au-delà des idées reçues, cet article a pour objectif de fournir une vision pragmatique et prospective des échanges et apports entre ces deux domaines, dans le contexte de la préparation des forces. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 69 AVRIL 2012 es technologies du monde du grand public et du jeu vidéo en particulier ont aujourd’hui colonisé le domaine - jusqu’alors réservé aux experts - de la simulation militaire. Pour s’en convaincre, il suffit de constater l’essor d’un produit comme VBS2, issu d’un studio de développement de jeu pour le grand public (Bohemia Interactive Software), et qui est devenu aujourd’hui une référence incontournable dans le monde de la simulation pour la défense. Il permet en effet, pour un coût relativement modique – avant déploiement ! -, de développer rapidement une simulation virtuelle, d’un fort niveau de réalisme visuel. On trouve là tous les facteurs qui contribuent au développement du domaine : efficacité économique, fort impact visuel, facilité d’emploi. L On peut citer, sans y revenir, des succès comme Operation Flashpoint, Flight Simulator, Doom ou Harpoon, initialement conçus pour le grand public et qui ont tous donné naissance à des dérivés professionnels pour la formation ou l’instruction, notamment pour l’acquisition d’actes élémentaires ou réflexes. © tHalES land & joint (2007) Il est vrai qu’aujourd’hui, si la simulation emploie des techniques du jeu, c’est en grande partie en raison de la transformation des jeux en véritables simulations. Le degré de réalisme imposé par les attentes de joueurs toujours plus exigeants a nécessité, pour les studios, de se doter de logiciels de modélisation performants : moteur de terrain, moteur physique, moteur d’animation ou moteur d’intelligence artificielle. C’est donc la fin des jeux dits scriptés, ou un immense arbre de décision, cauchemar des développeurs, imposait une programmation rigide incompatible avec la fluidité nécessaire à l’immersion du joueur. Simulation d’une vue par imagerie thermique d’un drone à l’aide du logiciel VBS2, lors de l’expérimentation HARFANG. Simulation of a view by thermal imaging of a drone with the VBS2 software, during tests of the HARFANG system. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 70 AVRIL 2012 « de l’autre côté de l’écran » Depuis quelques années fleurissent ainsi de véritables simulations « grand public » : citons par exemple le jeu Crysis, qui a révolutionné le monde du jeu de rôle par une esthétique extrêmement soignée, et un moteur graphique de très haute qualité baptisé CryEngine. Ce moteur est aujourd’hui commercialisé dans le but de fournir un composant sur étagères, prêt à l’emploi pour les simulations de défense. A titre d’exemple, le futur simulateur d’entraînement du fantassin débarqué (Dismounted Soldier Training System ou DSTS) a été réalisé sur la base du CryEngine3, pour un programme d’environ 40 millions d’euros. Il permettra aux entraînés d’évoluer dans un monde fortement immersif, à l’aide d’un casque à affichage virtuel et munis d’une veste équipée de capteurs et de systèmes à retour de force. Les exemples de ce type sont nombreux : les moteurs physiques ou moteurs d’intelligence artificielle issus de moteurs de jeu trouvent leur place dans la « boîte à outils » du développeur de simulation. l’essor des Serious Games Le développement du domaine baptisé par l’oxymore «Serious Games » témoigne également des interactions et échanges entre les deux domaines. On pourrait définir un Serious Game comme une application utilisant les savoirfaire, les techniques et technologies du jeu vidéo afin d’atteindre des objectifs pédagogiques. Là encore, les avantages sont multiples : en premier lieu, l’efficacité, par l’immersivité – c’est l’avantage le plus évident – mais également par la mise à disposition de l’utilisateur d’un système plus léger, fonctionnant généralement sur un simple portable (donc permettant une appropriation plus rapide), et accordant un droit à l’erreur d’autant plus effectif que l’apprentissage peut avoir lieu dans un cercle privé. Il s’agit d’une approche très attractive permettant de susciter rapidement l’adhésion et l’implication des utilisateurs, et par voie de conséquence, leur fidélisation. L’armée américaine qui avait développé le jeu «America’s Army » à des fins de recrutement, a parfaitement bénéficié de ce facteur d’adoption. Le jeu a d’ailleurs tellement « pris » qu’il a été réintégré pour la formation des cadets de West Point au combat d’infanterie. Citons également, et c’est là sans doute un avantage essentiel qui explique la progression rapide du domaine, la rentabilité de l’approche, tant en termes de coûts de développement que de facilité d’emploi des outils (et donc de raccourcissement du cycle de développement). une révolution économique autant que technique La simulation, comme le souligne Roger Smith du PEO STRI1, est en effet dans une phase de transformation par l’apport de technologies, mais aussi de concepts économiques. C’est en particulier l’apparition du principe du « long tail 2 », qui caractérise une distribution économique incluant des modules légers, commercialisés en tant que services, et directement mis à la disposition de l’utilisateur. Prenons l’exemple concret d’un simulateur d’entraînement au pilotage d’un véhicule. L’approche traditionnelle consiste à développer un simulateur complet sur vérins, avec une visualisation immersive, un poste de pilotage et des instruments parfaitement restitués. Cela demande des investissements importants, souvent de plusieurs millions d’euros, et ne peut être réalisé qu’en faisant appel à un nombre très restreint de fournisseurs qualifiés ; c’est le modèle «short tail ». 1 PEO STRI: US Program Executive Office for Simulation, Training and Instrumentation. 2 Anderson, C. (2006). The Long tail: Why the future of business is selling less of more. New York: Hyperion Books. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 71 AVRIL 2012 Aujourd’hui, la réalité est plus complexe : chaque entraîné a accès à un ordinateur – souvent personnel -, connecté à un réseau efficace. Des serveurs de simulation et de jeu sont disponibles en ligne 24h/24, et il devient donc possible de télécharger des scenarii d’exercice, avec une interface utilisateur simplifiée, et destinés à approfondir un aspect particulier de l’entraînement. L’essor de ces clients « légers », disponibles en ligne sur le même modèle que la musique numérique, révolutionne donc le domaine : c’est le modèle « long tail » que l’on a vu émerger depuis l’apparition du commerce en ligne. Les exemples de l’utilisation effective de cette approche sont nombreux : apprentissage « culturel » ou linguistique, maintenance, etc. Les simulateurs traditionnels sont évidemment toujours nécessaires – les serious games ne sont en effet pas un substitut mais un complément, permettant une fidélisation et une appropriation de certains aspects du cursus pédagogique. Dans ce domaine, le futur de la simulation passe par la réalisation de systèmes d’entraînement uniques pour de petites niches d’utilisateurs. Enfin, les jeux modernes sont souvent ouverts : l’utilisateur a accès aux différents paramètres des modèles utilisés, de l’environnement, des comportements. Cela est dû à l’essor des jeux en ligne qui a favorisé l’émergence de communautés. Dans ces dernières, les modifications (appelées « mods ») et créations – notamment de modèles 3Dsont possibles, et même encouragées par les éditeurs qui y voient un facteur important de croissance et de pérennité du jeu. Cela présente deux avantages : utiliser des bibliothèques de modèles développées par des joueurs passionnés, et créer des communautés « de circonstance », capables de travailler sur des projets virtuels partagés. Citons par exemple le célèbre « mod » Chain of Command (pour Operation Flashpoint), intégrant une dimension de type wargame à la simulation virtuelle initiale. Des finalités différentes, des limites identifiées Pour autant, il convient de rappeler ici quelques évidences : en premier lieu, un jeu vidéo est conçu pour divertir. A ce titre, il peut utiliser des artifices à la seule fin d’être suffisamment prégnant pour le joueur. Ce qui compte alors, c’est la dynamique du jeu, quitte à « faire semblant » lorsque le réalisme est trop complexe ou coûteux à obtenir. A titre d’exemple, le centre de gravité d’un véhicule dans un jeu de course automobile est généralement situé sous terre, pour assurer un pilotage plus aisé au joueur. Dans le même ordre d’idée, le personnage du joueur dans un jeu de type FPS3 prendra dix fois moins de temps à traverser une rue que dans la réalité, le délai réel étant insupportable pour un joueur. Ces effets spéciaux se rapprochent donc davantage du spectacle que de la simulation. Il en va de même pour les modèles physiques, ceux des effets des armes, et bien entendu, pour l’intelligence artificielle. Cette dernière est en effet généralement cantonnée au bas niveau, en raison de limitations dues à la place prise par le graphisme, forcément très consommateur de ressources. De ce fait, des comportements complexes liés à l’adaptation d’une entité à son contexte opérationnel et à sa doctrine d’emploi ne sont pas implémentés, ce qui limite forcément le réalisme comportemental. De nombreux travaux ont montré que la perte de confiance et donc la distanciation de l’entraîné vis-à-vis de la simulation sont un facteur essentiel d’échec de la formation. Cette perte de confiance peut être due à différents facteurs. En premier lieu, le comportement tactique de l’ennemi joue un rôle majeur (notamment dans sa composante collective), et sans doute davantage que le rendu graphique de chaque individu. La qualité du moteur d’intelligence artificielle est donc un facteur essentiel pour le réalisme de l’entraînement. 3 First Person Shooter: jeu d’action dans lequel l’utilisateur est placé dans une vision subjective de ses actions. DOCTRINE TACTIQUE N° 24 72 AVRIL 2012 « de l’autre côté de l’écran » Toutefois, toute imperfection visuelle est également génératrice de perte de confiance : dans le contexte d’un très impressionnant réalisme visuel comme celui permis par l’utilisation d’un moteur graphique moderne, toute erreur d’animation ou d’affichage, voire de physique, est immédiatement détectée par l’entraîné. Elle provoque une distance entre l’utilisateur et la simulation, préjudiciable à l’effet pédagogique recherché. © tHalES land & joint (2007) Enfin, et notamment dans le cadre de l’entraînement à la NEB, la connexion aux systèmes d’information et de connexion est centrale. Toutefois, si cette connexion n’est pas nativement prévue dans le cadre de l’utilisation d’outils issus du monde du jeu, il est tout à fait possible de coupler de tels modules avec des systèmes opérationnels afin de fournir une vision « opérationnelle » simulée. A titre d’exemple, la vision obtenue par la caméra d’un drone peut être simulée, des éléments virtuels peuvent stimuler une caméra thermique réelle, afin d’en entraîner les opérateurs. Stimulation de systèmes opérationnels avec une imagerie générée à l’aide du logiciel VBS2, lors de l’expérimentation HARFANG (2007). une tendance pérenne Simulation of operational systems with imaging generated by the VBS2 software, during tests of the HARFANG system (2007). Cette synergie, voire cette interdépendance entre les mondes du jeu vidéo et de la simulation militaire est une tendance pérenne qui semble aller en s’accentuant. Les investissements colossaux réalisés par les différents studios représentent de fait une opportunité majeure pour les concepteurs de simulation. L’exemple du système Kinect® de Microsoft de contrôle/commande de jeu par la reconnaissance visuelle des gestes de l’utilisateur, est à cet égard particulièrement représentatif. L’investissement nécessaire au développement d’un tel système (plusieurs milliards de dollars) est aujourd’hui hors de portée d’un programme de recherche dans le domaine de la simulation militaire. Qui pourrait aujourd’hui ignorer une telle opportunité ? De fait, les grands intégrateurs de défense l’ont bien compris, qui ont d’ores et déjà entamé des démarches de rétroingénierie pour bénéficier de l’intégration d’un tel système pour des simulations virtuelles ou instrumentées. De fait, la banalisation des composants nécessaires au développement d’une simulation complète permet au marché de la simulation militaire d’intégrer des composants sur étagères, préférés aux solutions propriétaires, et ce dans tous les domaines : CGF, moteur graphique, IA… Il s’agit sans nul doute d’un aspect directement dérivé du monde du développement pour le grand public. La conjonction de ce facteur et du modèle économique « long tail » précédemment évoqué conforte cette tendance. De plus, la puissance informatique disponible représente aujourd’hui un facteur non négligeable d’accélération. Pour un prix très faible (quelques centaines d’euros), il est possible aujourd’hui d’acquérir des cartes de calcul DOCTRINE TACTIQUE N° 24 73 AVRIL 2012 © nVIDIa 2011 La carte de calcul GPU NVIDIA Tesla, capable de fournir une puissance de calcul approchant le téraflop. The GPU NVIDIA Tesla processor board is capable of providing processing performance approaching one TeraFlop. dérivées des cartes graphiques (GPU: graphical processing units) initialement développées pour le monde du jeu vidéo. Ces cartes sont de véritables co-processeurs parallèles, qui permettent d’atteindre des puissances de calcul de l’ordre du téraflop (un millier de milliards d’opérations en virgule flottante par seconde), pour peu que l’on sache les programmer. C’est ce que l’on nomme « GPU Computing ». Les apports mutuels entre simulation et jeu video sont donc nombreux, et constants. Mais d’un point de vue plus général, c’est en fait l’invasion des technologies du grand public vers le domaine jusque là réservé de la simulation militaire qui est mise en évidence. Citons enfin l’impact non négligeable sur la fidélisation des utilisateurs. Lorsqu’il devient difficile d’utiliser les moyens organiques d’entraînement, ou même d’avoir accès aux « grands » simulateurs, le maintien des savoir-faire peut passer par l’utilisation en auto-évaluation (ou non) de serious games, disponibles localement, ou par l’intermédiaire d’Internet. Pour autant, si le jeu vidéo s’intègre toujours plus avec le monde de la simulation militaire, on ne soulignera jamais assez que la guerre n’est pas un jeu. Celui qui l’oublie, qu’il soit opérationnel ou, à plus forte raison, industriel, devra un jour porter la responsabilité d’une préparation opérationnelle insuffisante DOCTRINE TACTIQUE N° 24 74 AVRIL 2012 page 5 l’outil darwars ambush utilisé pour l’expérience (US ARMY) page 18 entraînement au combat (CENTAC) page 39 une représentation réaliste de l’environnement. (LCL MERCK) page 67 le défi de la complexité en milieu urbain. (COMALAT) page 73 Du jeu vidéo à la simulation l’âge de maturité ? (© THALES ) ( LA SIMULATI O N ❝ E N I M AG ES ❞ ) « La SIMULATION...» DOCTRINE TACTIQUE N° 24 75 AVRIL 2012 DOCTRINE TAcTIQUE C.D.E.F Centre de Doctrine d’Emploi des Forces