CONCERTO NET.COM / 14 OCTOBRE 2014 Parfum de nostalgie

Transcription

CONCERTO NET.COM / 14 OCTOBRE 2014 Parfum de nostalgie
CONCERTO NET.COM / 14 OCTOBRE 2014
Parfum de nostalgie sur La Bohème
Bordeaux
Grand-Théâtre
09/26/2014 - et 28, 29, 30 septembre, 1er, 2, 3, 5, 6*, 7 octobre 2014
Giacomo Puccini : La bohème
Sébastien Guèze*/Dimitri Pittas (Rodolfo), David Bizic*/Thomas Dollié (Marcello), Nahuel di
Pierro*/Vincent Pavesi (Colline), Riccardo Novaro (Schaunard), David Ortega (Benoît), Nathalie
Manfrino*/Elaine Alvarez (Mimi), Georgia Jarman*/Mélody Louledjian (Musetta), Jean-Philippe
Marlière (Alcindoro), Alexis Defranchi*/Bruno Moga (Parpignol), Jean-Philippe Fourcade (Un
sergent des douanes), Jean-Marc Bonicel (Un douanier), Olivier Bekretaoui (Un marchand),
Chœur de l’Opéra national de Bordeaux, Jeune Académie vocale d’Aquitaine, Salvatore Caputo
(direction des chœurs), Orchestre national Bordeaux Aquitaine, Paul Daniel (direction musicale),
Laurent Laffargue (mise en scène), Clovis Bonnaud (reprise de la mise en scène), Philippe
Casaban, Eric Charbeau (décors), Hervé Poeydomenge (costumes), Patrice Trottier (lumières)
A rebours du misérabilisme qui prévaut généralement dans les mises en scène de La Bohème,
Laurent Laffargue a choisi l’évocation nostalgique en transportant la jeunesse de Murger quelque
part entre les années 1960 et 1970, les dernières sans doute où le dénuement matériel
estudiantin et artiste ne se limite pas à sa dimension socio-économique. Le général de Gaulle
discourt muettement dans le tube cathodique chez Momus, tandis que le cabaret «La Bohème»
où Musetta et Marcello travaillent au troisième acte prend les codes visuels de la fin de la
décennie suivante, si ce n’est un peu plus, quand sur le mur de la colocation se distinguent une
affiche libertaire assimilant SS et CRS et une toile rouge lacérée reproduisant le geste de
Fontana. Les fragrances de souvenirs d’adressent ainsi à un faisceau générationnel large,
presque semblable à celui du Grand-Théâtre de Bordeaux. Dans ce bric-à-brac mémoriel, la
tristesse le cède à la tendresse, adoucissant sans doute la pesanteur dramatique qui entoure le
destin de Mimi, comme elle allège le pittoresque désuet encombrant souvent le début de
l’ouvrage – surtout le deuxième acte.
Revenant sur les planches girondines sept ans après la création de la production, ici reprise avec
tact par Clovis Bonnaud, Nathalie Manfrino fait entendre une indéniable maturation dans sa
caractérisation de Mimi, sans en sacrifier la jeunesse. D’autant que les infidélités du vibrato ne
sont plus qu’un mauvais souvenir pour la soprano française, laquelle ne se contente pas d’une
émission stable et homogène, et donne à son personnage une intensité sincère et touchante, qui
n’a pas besoin d’excès pour exprimer sa générosité naturelle. La bénédiction vocale s’étend à
Sébastien Guèze, Rodolfo jouant les matamores jaloux pour dissimuler sa timidité et son
inquiétude. L’incarnation affirme une présence authentique et équilibrée, qui s’accommode sans
peine d’un timbre manifestement plus à l’aise chez Puccini qu’en d’autres répertoires. A côté d’un
des plus crédibles couples Mimi-Rodolfo du moment, celui formé par David Bizic et Georgia
Jarman, Marcello et Musetta, ne dépare pas, même si le premier privilégie parfois la solidité et la
seconde la coquetterie, réservant la subtilité pour la dernière scène où elle manifeste sa profonde
bonté. Nahuel di Pierro s’acquitte honorablement des interventions de Colline, tout comme
http://www.concertonet.com/scripts/review.php?ID_review=10143
CONCERTO NET.COM / 14 OCTOBRE 2014
Riccardo Novaro en Schaunard. David Ortega offre une composition réussie en Benoît.
Evoquons encore les apparitions de caractère, bien en place: Jean-Philippe Marlière, Alcindoro
mené en bateau; Alexis Defranchi, Parpignol; Jean-Philippe Fourcade, un sergent des douanes;
Jean-Marc Bonicel, un douanier, et Olivier Bekretaoui, un marchand.
En ouverture de sa deuxième saison à la tête l’Orchestre national Bordeaux Aquitaine – et pour
sa première production lyrique in loco –, Paul Daniel témoigne d’une lecture intelligente de la
partition de Puccini, qui ne dédaigne pas de faire entendre un héritage germanique, voire
wagnérien, digéré d’une manière originale. Plus qu’un simple accompagnement, les textures, et
en particulier les cordes, déploient une cohérence et une couleur qu’il fait plaisir d’entendre dans
la fosse bordelaise, comme dans un tel répertoire. Saluons enfin la performance du chœur de la
maison, préparé par Salvatore Caputo, et de la Jeune Académie vocale d’Aquitaine.
Gilles Charlassier
http://www.concertonet.com/scripts/review.php?ID_review=10143