Brière - Magazine Racines

Transcription

Brière - Magazine Racines
Le clocher
Par
de Saint-Joachim
vu du marais.
Christine Grandin
Brière,
entre terre et eau
Un séjour dépaysant pas trop loin de chez vous ?
Chalands et toits de chaume vous attendent en Grande Brière,
le pays des mottes et des pimpeneaux…
A
ltitude zéro. Vents dominants
d'ouest. 49 000 hectares d'eau
douce dans un quadrilatère de
20 km sur 15. Uniquement accessible par bateau. Vous êtes à l'est de la
presqu'île guérandaise, entre l'estuaire
de la Loire, au sud, et celui de la
Vilaine, au nord. Bienvenue sur le territoire brièron, où 18 communes (1)
s'enroulent en chapelet autour du Parc
À la chaumière
briéronne, on revit le
quotidien d'autrefois
avec l'exposition des
portraits de femmes.
naturel régional de Brière.
Épicentre : île de Fédrun et les six
autres îles du village de Saint-Joachim, toujours entouré de sa curée,
canal de ceinture parallèle à l'anneau
de sa route unique, à l'intérieur des
terres. Particularité : ici les terrains
sont alignés en long, en forme de
“part de gâteau”, pour que chacun
puisse accéder au canal. Jusqu'au
milieu des années 1950, on vivait en
complète autarcie dans ces villages
entourés d'eau, avant la construction
des ponts et l'arrivée des voitures. Les
habitants n'étaient alors reliés au
“continent” que par le fil des chalands, bateaux plats de ce marais peu
profond, maniés à la perche. Sur le
pourtour du Parc, dans le sens des
aiguilles d'une montre : Saint-Malode-Guersac, Montoir-de-Bretagne,
Trignac, Saint-André-des-Eaux, SaintLyphard, Herbignac, La Chapelledes -Marais, Sainte -Reine - de -
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Bretagne, Crossac, et une multitude
de lieux-dits, appontages, chaussées,
petits ports ou prises…
Depuis 1970 et l'idée de la création du Parc naturel (second marais
français en superficie, après la
Camargue), le territoire conserve précieusement la mémoire de son patrimoine architectural ou traditionnel.
On y restaure et on y construit à neuf(2)
des maisons à toit de chaume (1 000
bottes de roseaux pour une toiture
classique). On s'y promène donc en
se cultivant, ou simplement pour la
beauté silencieuse des paysages et
des sites, à pied, à cheval, en calèche,
à vélo, en canoë ou en chaland avec
un guide. Chambre d'hôtes et gîtes
gravitent aussi autour de cette économie touristique, alors que la plupart des habitants d'aujourd'hui
travaillent dans les grands centres, à
Saint-Nazaire (ou bien à Pontchâteau), reprenant la tradition brièronne
juillet 2008
Le village traditionnel
de fournir de la main- d'œuvre
ouvrière aux chantiers de l'Atlantique.
Même si vous aimez flâner à votre
rythme, quelques endroits sont incontournables, ne serait-ce que parce
qu'on vous y explique la vie briéronne
d'antan ou les grandes heures des
“mottières” et des chaloupes à voiles
sur le port de Rozé. Attention cependant aux sentiers pédestres balisés :
certains passages ne sont véritablement hors d'eau qu'à la mi-août. Si
vous voulez entreprendre un tour
complet de la Brière sac au dos,
mieux vaut attendre le mois de septembre.
Ici la tourbe fut jadis généreuse
avec les hommes : on l'extrayait au
salais et on l'exportait séchée à longueur d'année pour alimenter les
foyers. Jusqu'à 600 bateaux firent le
cabotage à partir du petit port de
Rozé, remontant la Loire par le Brivet avec cet “or noir”, vers la mer et
toute la côte atlantique. Cette économie florissante s'est éteinte entre les
deux Guerres, avec l'avènement du
charbon bon marché et du fuel.
À la Maison de l'éclusier, premier
des sites d'accueil créés pour protéger ce patrimoine, on vous dira tout
sur la géomorphologie de ce marais
de tourbières et les activités traditionnelles du XIXe siècle. Tout à côté, la
Réserve Pierre-Constant, où les enfants
(ou petits-enfants) découvriront la
faune et l'avifaune sur un parcours
pédagogique qui les transformera en
“elfes des marais” ou en jeunes naturalistes.
et les chaumières de Kerhinet
retranscrivent l'ambiance
briéronne d'antan.
Second site du Parc, entre SaintLyphard et Saint-André-des-Eaux : le
village de Kerhinet(3), 18 chaumières
fleuries aux toits de roseaux, son
lavoir, sa Maison des saveurs où l'on
pourra faire connaissance avec les
producteurs du cru et l'artisanat d'art
de la région. La restauration des lieux
à l'ancienne des bâtiments et des jardins s'est étalée sur quinze ans (on y
chemine exclusivement à pied). lls abritent aussi un musée reconstituant un
authentique intérieur briéron, une
auberge-hôtel de sept chambres et un
centre d'éducation à l'environnement
fréquenté par les scolaires.
Enfin, lors de ce périple entre terre
et eau, on apprend que c'est en Brière,
que débuta la mode des globes de
mariées, à son apogée entre 1890 à
1920. Trophée-vitrine entourant la
Insolite et instructif :
le Musée des globes
de mariée, sur l'île Fédrun.
couronne maritale, il racontait par le
menu la parenté ou le parcours du
jeune ménage, dans lequel on rajoutait, symboles de fécondité, médailles,
diplôme ou photo du défunt époux,
aux étapes heureuses ou malheureuses de l'existence.
À partir de 1850, à Saint-Joachim,
les petites mains des briéronnes
(seules les jeunes filles célibataires y
travaillaient !) excellaient dans la
confection de boutons ou des fleurs
d'oranger en cire des couronnes de
mariage. Leur savoir-faire était réputé
dans le monde entier et fut un fleuron économique jusqu'en 1958, date
de la fermeture de la dernière
fabrique. Ne ratez pas la visite du petit
Musée des globes de mariées, sur l'île
Fédrun. La scénographie vous
emporte dans un univers totalement
oublié mais vraiment instructif sur cet
artisanat hors du commun.
Remerciements à notre guide, Aurélie
Launay, chargée de mission Culture au
Parc naturel régional de Brière.
(1) Bientôt rejointes par Pontchâteau, Besné, et
Prinquiau qui devraient entrer dans son périmètre lors de la signature de la charte 2010
du Parc naturel régional.
(photo : Aurélie Launay)
(2) Actuellement, le territoire du parc compte
environ 3 000 constructions couvertes de
chaume.
(3) Labellisés “Tourisme et handicap”, ruelles
et sentier d'interprétation sont accessibles aux
personnes à mobilité réduite en fauteuil roulant. Livret explicatif en braille ou en gros
caractères, à la demande.
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Balade nature
Guidé par le chaland
Brière pratique
À visiter aussi
“I
ci les Briérons ont droit
de pacage, de chasse et
de pêche depuis 1461.”
Philippe Garoux n'est pas tout à
fait encore à la retraite, mais il
a choisi de guider les promeneurs en barque, à partir du
débarcadère de la maison familiale à toit de chaume, sur l'île
Fédrun. Au fond d'un grand
espace vert bordé d'arbres, qui
sert aussi d'aire de stationnement pour les campings-cars,
une cabane en bois et ses trésors:
photographies d'hier en noir et
blanc, objets usuels pour
l'extraction de la tourbe, cartes
du marais de Brière. Notre
accompagnateur nous explique
les lieux avant une exploration
d’environ une heure en chaland
sur la curée, canal de ceinture,
puis sur les étendues d’eau bruissantes de roseaux, à perte de vue.
“Chaque habitant élevait des
oies et des canards. Pour les distinguer et éviter les conflits, chacun avait sa "marque" qui se
transmettait de père en fils.”
Doigt coupé, membrane de la
palme légèrement rognée, stigmates parallèles en un plusieurs
endroits, chaque famille reconnaissait ses anatidés. “Il existe
65 000 combinaisons, raconte
encore Philippe Garoux. Le sys-
tème est toujours en vigueur
aujourd'hui…”
Les 130 kilomètres de voies
navigables ne voient passer à
l'heure actuelle que les chasseurs
dans leur barque abritée d'une
hutte de roseaux, les pêcheurs
du cru, les chalands ou les
barques louées, les canoës et
les vacanciers. “Le pays a fait
autrefois sa réputation sur la
pêche des grosses anguilles que
l'on appelle ici les pimpeneaux.
On les déguste encore aux fêtes
de village, même si on en pêche
de moins en moins.” Car ici,
comme ailleurs, règne un prédateur qui n'épargne ni la flore,
ni la faune : l'écrevisse rouge
d'Amérique, qu'on ramasse à
pleine nasse et qui commence
à faire de gros dégâts dans le
marais de Brière.
Mais il reste encore le silence
religieux de la nature et d'une
barque dans le léger clapot, les
hérons cendrés, les aigrettes
garcettes, le butor étoilé,
l'avocette élégante glissant ou
pépiant dans un espace sauvage, entre les buttes, les roselières et les piardes(1).
“Le meilleur moment, c'est au
lever ou au coucher du soleil”,
confirme en briéron, notre
guide.
(1) Ancien lieu d'extraction de la tourbe qui
forme maintenant de
grandes étendues d'eau
de 3 ou 4 m de profondeur.
250 espèces d'oiseaux,
sédentaires ou migrateurs, peuvent
être observés dans ce marais préservé.
RACINES
Balade en chaland : La
Tanière chez Philippe
Garoux, île Fédrun, SaintJoachim contact au 02 40
88 41 81 ou sur le site
http///briere.taniere.
free.fr. Tous les jours.
Promenade au lever et au
coucher du soleil sur
réservation.
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■ Parc ornithologique de Ker Anas à Saint-Andrédes-Eaux. Découverte des anatidés du monde
sur 4 ha.
■ La Chaumière des marionnettes à La Chapelledes-Marais.
■ La Ferme aux biches, élevage de cerfs, biches
et faons (visite guidée).
■ Les jardins d'Errand, à Saint-Malo-de-Guersac : potager de 1 000 m2 en culture biologique, visite guidée par Jean-Luc Sacquet,
auteur de Mon jardin au naturel.
■ Les jardins du Marais à Herbignac: jardin potager et d'ornement expérimental, sans arrosage
et sans bêchage.
■ Les jardins de Kermoureau à Herbignac : sur
8 ha, rhododendrons et chênes centenaires.
■ Les dolmens et menhirs autour du Parc sur six
communes.
■ Le panorama du haut du clocher de SaintLyphard.
Festivités
■ Le Panier du diable, son et lumière avec figurants retraçant l'histoire de la Brière, les 18 et
19 juillet à La Chapelle-des-Marais.
■ Les Anguillades, fête de l'anguille avec dégustation, les 26 (soirée) et 27 juillet (midi) à SaintJoachim.
■ Fête de la Brière, le 10 et le 15 août, à SaintJoachim.
■ Fête des chalands fleuris, à Saint-André-desEaux, le 3 août.
■ Le Mois des parcs du 4 au 21 septembre : rendez-vous annuel des parcs naturels régionaux
en Pays de la Loire. Marché aux produits du
terroir à Kerhinet (Saint-Lyphard) le 4 ; randonnées, balades équestres, chaland, cyclo,
dimanche 7; journées du patrimoine dans les
musées du parc, le 20 et 21.
Parc naturel régional de Brière :
sites ouverts de mai à octobre, du lundi au vendredi de 10 h à 13 h et de 14 h à 18 h, le samedi
de 10 h à 13 h et de 14 h à 17 h 30; de juin à
septembre, tous les jours de 10 h à 13 h et de
14 h à 18 h.
Renseignements et brochures : Maison du tourisme de Brière
à la Chapelle-des-Marais au 02 40 66 85 01 ou sur [email protected]