Le soir du 10 mai 1981 en un bureau de vote…

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Le soir du 10 mai 1981 en un bureau de vote…
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Le soir du 10 mai 1981 en ce bureau de vote…
La Destinée des Hommes avait bien voulu me faire
accéder à la lumière en une douce et sereine famille de petits fonctionnaires se révélant dans la durée
de leur existence, laborieux, patients et respectables. Pour eux, le sens et la portée, l’utilité et la
sacralité du service public de toujours, s’érigeaient à la fois tels un noble idéal sociétal de première
importance et le but d’une vie dévouée au service des autres. A tel point que je devais, à mon tour,
embrasser la condition de fonctionnaire territorial et pour qui l’humanisme et le progrès social
constituaient une valeur première, un idéal à respecter et à poursuivre, un chemin à suivre. Ils
mettaient par-dessus tous les sentiments d’altruisme et de générosité très humaine appris dans ce sérail
familial. Tout naturellement, je devais épouser les idées corollairement politiques, de nature et à portée
très républicaine et progressiste à la fois…Et référencées porteuses de tels idéaux, je devais donner
libre cours à un cursus professionnel me voyant devenir secrétaire de mairie de Beaumont-lèsValence, recruté par une municipalité dont les idéaux sociétaux ne m’étaient pas étrangers et mêmes
se confondant avec les miens, une culture intergénérationnelle. Alors, ce fut l’accomplissement d’une
bonne intelligence et même d’une étroite et continuelle osmose au service exclusif de l’entière
population de notre village de Beaumont en Valentinois et sans distinction quelle qu’elle soit.
Alors, il me fut donné de suivre et de vivre les
prémices puis les premières heures d’une élection présidentielle devant intervenir au muguet de
l’année 1981. Tant au fil du temps, le Président en exercice, Valéry Giscard d’Estaing, apparaissait
tellement favori dans les sondages d’opinion précédant la dernière ligne droite. Pourtant à quelques
jours du scrutin, un seul et marginal pronostic donnait François Mitterrand vainqueur de la joute
subliminale. Cependant la municipalité de notre bourgade ne cachait pas sa sympathie vive et
reconnaissante, à l’égard du candidat ambassadeur des valeurs républicaines que l’on appelle de
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gauche. Alors, puisque je devais être la cheville ouvrière administrative de l’organisation du
scrutin en l’unique bureau de vote de la mairie…Le maire pressentant intuitivement la victoire du
candidat de la gauche, avait tout bonnement décidé d’installer un récepteur de télévision dans l’arrière
salle du bureau de vote…Les résultats du scrutin local étant alors officialisés et transmis à la
Préfecture centralisatrice…Peu avant vingt heures, la tension se montrait allant crescendo et même
maximale…Une trentaine de personnes sympathisantes attendaient fébrilement les résultats du
national. Quand à vingt heures précises, l’annonce de la victoire de François Mitterrand se montrait
visuellement officialisée. Alors, dans le bureau de vote une explosive exultation, une indescriptible
euphorie, une sorte d’indicible état de grâce se firent jour et à tout rompre en terme de spontanéité mal
maîtrisée. Tant tous faisaient part de leur vrai bonheur de partager un tel plaisir attendu depuis si
longtemps. Un conseiller municipal ayant spontanément décidé, en la salle du Conseil Municipal,
d’enlever illico la photographie officielle du Président sortant en lui substituant celle du Président
référencée comme étant « La Force tranquille ».
Ce furent des moments intenses et inoubliables,
partagés par tous dans l’enceinte du bâtiment de l’Ancienne Gare. Le maire de Valence, Rodolphe
Pesce, exultant et chantant à tue-tête son plein et rare bonheur pendant que quelques bouteilles
pétillantes bien de circonstance étaient spontanément débouchées et partagées dans une joie
indescriptible et même effrénée…Induisant une petite et collective euphorie, celle si rare des grands
jours victorieux. Un membre de la municipalité ayant alors décidé de faire éclater sur la place de la
gare : des marrons restant en souffrance dans la cave de la mairie depuis le dernier feu d’artifices. Ce
fut le libre cours d’un enthousiasme collectif dont certains réactifs et vengeurs villageois gardèrent une
sombre rancune à l’égard de ceux qui avaient pris cette initiative bien compréhensible mais
exceptionnelle. Et puis, une fois ces moments partagés, chacun regagnait son domicile pour prendre
connaissance des informations télévisées, les dernières nouvelles, les commentaires pris sur le vif, de
la part des leaders politiques français. Pendant que la mise en puissance du nouveau Président élu
commençait à prendre ses marques depuis son cher village de la Nièvre profonde.
Ainsi commençait son premier mandat de Président
la République Française qui devait en compter deux successifs. Parce que à Beaumont, chacun se
souvenait que le nouveau Président avait été reçu en cette même mairie de Beaumont et précisément
dans ce bureau de vote à l’occasion de la Fête de la Rose du département de la Drôme, au cours de
l’été 1977. Ce dont se montrait ravis, enchanté et heureux Venant Martin, le jeune maire de la
commune. Dès lors, les préfets devinrent de simples Commissaires de la République, ce qui
préfigurait l’advenue des lois sur la décentralisation française et en particulier l’émergence des
Régions, ces nouvelles collectivités de premier ordre et de si grande importance. Cette élection se
passa en 1981, il y a exactement trente deux années de cela…Parce que notre amicalité spontanée se
montrait alors tellement heureuse et comblée, fière et reconnaissante à l’égard de ces circonstances
nationales tellement historiques…
Le soir du 10 mai 1981 en ce bureau de vote…
Jean d’Orfeuille