Comment maîtriser des coûts du SI

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Comment maîtriser des coûts du SI
best practices revues et corrigées
• Comment maîtriser des coûts du SI
Par Christophe Legrenzi, chercheur et consultant international,
expert associé de Best Practices Systèmes d’information
Plus que jamais, la maîtrise des coûts est une priorité des DSI. Après des années d’investissements, le temps
des comptes arrive. La crise aidant, les budgets augmentent moins vite, s’ils augmentent... Bien souvent, les
directions générales demandent aux DSI de garder leur budget constant tout en étendant leur périmètre
d’action. La seule manière d’y arriver est de dégager des marges de manœuvre et de réaliser des économies.
M
ême si la comptabilité trouve son origine dans la nuit
des temps chez les Sumériens, Égyptiens, Grecs et
Romains, la comptabilité analytique n’est apparue que vers
la fin du XIX e siècle, où quelques entreprises ont senti la
nécessité de calculer leur coût réel de production afin d’ajuster
leur prix en conséquence. Mais c’est véritablement à partir de
1930 que la comptabilité analytique s’est vraiment développée
aux États-Unis, et dans les années 1950 en Europe. Différentes approches ont vu le jour, comme la méthode
des sections homogènes et des coûts complets, le « direct
costing », les « coûts standard », la méthode ABC (Activity
Based Costing) ou les méthodes en « coût complet » de
type TCO (Total Cost of Ownerhip).
1. Présentation de
l a Best Practice
Un coût est une somme de charges correspondant à un axe
d’analyse encore appelé « objet de coût ». Les charges sont des
natures comptables.
On peut caractériser un coût de différente manière :
• Coût fixe ou coût variable
• Coût direct ou coût indirect
• Coût complet ou coût partiel
l’activité ou des quantités produites, par exemple les coûts
liés aux bâtiments, l’électricité, les assurances... les coûts
variables sont, au contraire, les coûts dépendant directement
de l’activité et des quantités produites. On parle encore de
coût proportionnel, par exemple pour le coût des matières
premières.
Si l’on considère les infrastructures de production, on obtiendra
une grande majorité de coûts fixes, alors que, si l’on considère
l’activité de projet, ce sera le contraire. La somme des coûts
fixes et des coûts variables constitue les coûts totaux. Les coûts
fixes, quand ils sont importants, rendent les analyses délicates.
• Coût direct ou coût indirect
Dans les années 1960, une autre manière d’appréhender les coûts
voit le jour. Elle distingue les coûts directs des coûts indirects.
Elle est proche de la notion « coût fixe-coût variable. » Elle
permettra de calculer plus rapidement et plus simplement la
rentabilité.
Pour calculer un coût complet, on doit considérer la somme
des coûts variables et des coûts fixes. Ces derniers doivent être
calculés au travers de clés de répartition plus ou moins triviales
ou naturelles.
L’approche par les coûts directs, encore appelée « direct costing »,
va simplifier l’approche en évitant de se baser sur un niveau
hypothétique d’activité. La somme des coûts variables d’un
produit ou service représente le coût direct du produit.
Un coût peut se calculer selon différentes méthodes :
• • • • Les coûts fixes deviennent les coûts indirects et sont additionnés
en général sur l’exercice pris en compte. Une partie des coûts
fixes peut être affectée au produit, le restant des charges fixes
non imputables sera sommé globalement.
Coût unitaire ou coût marginal
Sections homogènes
ABC
TCO Un coût peut également se calculer à des moments
particuliers : coût standard ou coût réel
1 Caractérisation des coûts
• Coût fixe ou coût variable
Les coûts fixes sont par définition des coûts indépendants de
Ces charges constituant les coûts indirects devront être couvertes
sur l’année ou la période considérée par la contribution
du produit qui se calcule de la façon suivante :
• Contribution unitaire = prix de vente unitaire - coût direct
unitaire (somme des coûts variables et des coûts fixes affectables)
• Contribution globale = contribution unitaire × volumes
vendus.
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• Coût complet ou coût partiel
Le coût partiel est un ensemble de charges sous contrôle direct
du responsable, en l’occurrence la DSI. Les charges indirectes
sont des charges relatives à des centres de responsabilité externes
à la DSI et refacturées à la DSI. De fait, cette dernière ne les
maîtrise pas. Il peut s’agir des locaux, des fonctions transversales
comme les RH, les achats, la comptabilité, etc.
Le coût complet se calcule de la façon suivante :
Coût complet = coût partiel + charges indirectes
Même si les charges indirectes ne sont pas sous la maîtrise de la DSI,
la méthode du coût complet s’impose afin de ne pas minorer les coûts
réels de gestion et de pouvoir être comparé à d’autres organisations.
1 Calcul des coûts
• Coût moyen unitaire
Le coût moyen est tout simplement égal au coût complet divisé
par le nombre d’unités d’œuvre.
• Coût marginal
Le coût marginal est le coût supplémentaire induit par la dernière
unité produite. Tant que le prix de vente est supérieur au coût
marginal, alors l’entreprise réalise des profits.
En général, plus on produit, plus le coût moyen baisse. Le coût
marginal est alors inférieur au coût moyen. Néanmoins, il peut
arriver qu’au-delà d’un certain montant, un réinvestissement ou
achat exceptionnel soit nécessaire. Le coût marginal peut alors
devenir supérieur au coût moyen ainsi qu’au prix.
• La méthode des sections homogènes
Une section homogène est un ensemble de moyens humains,
matériels, immobiliers… autour de la pratique d’un même
savoir-faire technique. C’est une méthode souvent simple car,
dans de multiples contextes, les sections sont identifiées comme
étant les centres de coûts, les centres de responsabilité… qui
correspondent à l’organigramme de l’entreprise.
L’intérêt de la méthode en section homogène est qu’elle permet
de répartir par destination les charges de la comptabilité générale
vers la comptabilité analytique. Les comptes de section suivants
sont utilisés :
• les sections intermédiaires ;
• les sections de production ;
• les sections de stocks et d’en-cours.
Les sections intermédiaires sont ventilées périodiquement
dans les sections de production. Les sections de productions
alimentent les sections de stocks et d’en-cours.
8 • Au final apparaît facilement le résultat des ventes, produit
par produit, et le résultat général est bien égal à la somme des
résultats détaillés des produits.
• ABC et TCO
Il existe encore deux méthodes pour calculer les coûts : la
méthode ABC (cf. Best Practices Systèmes d’Information,
n° 71, 5 septembre 2011) pour le coût d’une activité, et la
méthode TCO, en général pour un actif matériel ou logiciel
(cf. Best Practices Systèmes d’Information, n° 83, 5 mars 2012).
1 Coût standard ou coût réel
On utilise le coût standard lorsque l’organisation délivre de
nombreuses unités de produits et/ou de services chaque année.
En fin d’exercice, on compare alors les coûts standard aux coûts
réels. Un coût standard est un coût prévisionnel, élaboré en
même temps que le budget de l’exercice à venir, et qui sera
valable l’année prochaine. La règle de base pour construire un
coût standard est de tout prévoir, y compris mieux appréhender
les incertitudes.
Par opposition, le coût réel est le coût constaté après que les
comptes ont été arrêtés sur la période au niveau de la comptabilité
générale.
Le coût standard devient un modèle suffisamment précis,
d’autant qu’il est élaboré par les responsables eux-mêmes, pour
qu’il représente à quelque différence près le coût réel et permette
aux dirigeants de gérer et, surtout, d’établir des prévisions
uniquement en s’appuyant sur cette notion. L’intérêt du coût
réel s’estompe, mais, bien sûr, tout cela n’a de sens que si l’on est
capable en permanence de démontrer que l’écart entre standard
et réel est très faible. C’est l’objet de l’analyse d’écarts.
L’utilisation de coûts standard permet l’utilisation du « budget
flexible » ou de « résultat flash » qui valorise immédiatement
les prestations d’un centre de responsabilité.
L’utilité de la méthode devient évidente quand on aborde la
question d’imputer le coût d’une section aux axes d’analyse. Si
l’on utilise la méthode par défaut, à savoir le coût réel, il faut
attendre la production du compte analytique de cette section
pour réaliser l’imputation, selon la formule :
Montant imputé à l’axe d’analyse = coût réel de la section
× nombre d’unités d’œuvre réelles.
Alors que les données de la comptabilité analytique sont
disponibles au bout d’un délai conséquent à compter du début
du mois suivant, les données physiques sont au contraire
disponibles immédiatement au début du mois car, bien sûr,
Best Practices - Systèmes d’Information - N° 96 - 5 novembre 2012
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le contrôleur de gestion informatique aura mis en place les
compteurs nécessaires pour mesurer les unités d’œuvre qu’il
aura définies auparavant dans son modèle.
engagées pour ces ressources sont donc indirectes par rapport à
l’axe d’analyse final. Dans tous les cas, on privilégiera toujours
une méthode en coût complet plutôt qu’en coût partiel.
L’imputation du coût d’une section aux axes d’analyse se fera
alors selon la formule :
Montant imputé à l’axe d’analyse = coût standard
× nombre d’unités d’œuvre réelles.
L’utilisation de coûts standard présente de nombreux avantages
et permet notamment de ne plus être tributaire du temps.
On n’attend plus l’extraction et la production d’une donnée
financière du système de comptabilité analytique pour faire un
constat, une analyse, une projection économique.
Ainsi, on est donc capable d’utiliser dès le début du mois
suivant une estimation immédiate et suffisamment approchée
du coût réel, alors que celui-ci ne sera extrait et connu que
plus tardivement, ce qui permettra de vérifier en permanence
la pertinence du coût standard grâce à l’analyse d’écart.
Du fait de son caractère hautement crédible, le coût standard
devient une norme, une référence dans l’entreprise, sur laquelle
vont s’appuyer de nombreuses décisions : amélioration continue
des coûts, redimensionnement de moyens, établissement de
devis, études de rentabilité de nouveaux projets, facturation…
2. Regard critique
Aucune méthode n’est parfaite. En général, on recommande de
commencer par distinguer les coûts fixes des coûts variables afin
de bien comprendre comment évoluent les coûts en fonction de
l’activité et dans quelle proportion.
Pour la notion de coût direct/coût indirect, cette distinction est
réputée lourde et complexe à gérer dans un contexte industriel
ou commercial puisque la notion de direction renvoie à la
question : par rapport à qui, par rapport à quoi ? La réponse
est : par rapport à un axe d’analyse déterminé, un produit ou
un service.
Bien sûr, on trouvera des contextes dans lesquels cette distinction
a un sens, par exemple, le coût de production d’une application
spécifique à la comptabilité est direct par rapport au client
comptable et indirect par rapport au centre de production qui
gère de multiples applications. Mais il est conseillé d’éviter le
plus possible de manipuler ce vocabulaire.
La notion de coût marginal est utilisée dans certains calculs
d’opportunité économique. Néanmoins on lui préférera la
méthode du coût moyen unitaire.
La méthode des sections homogènes reste non pas la seule voie
mais un élément incontournable et très utile dans la construction
de tout système de comptabilité analytique. Elle oblige à clarifier
les trois « règles du jeu » analytiques, à savoir l’affectation,
l’imputation et la répartition. On identifie, dans un premier
temps, les charges qui peuvent être directement affectées au
coût de l’axe d’analyse.
Malheureusement, le nombre de charges auxquelles s’applique
cette règle est assez réduit, car la majorité des ressources
informatiques sont communes à plusieurs matériels, à plusieurs
projets, à plusieurs applications, à plusieurs clients. Les charges
3. Que faire ?
Quelques pistes de solutions
La connaissance des coûts complets devient de plus en plus
fondamentale au fur et à mesure que la compétition devient rude.
Plus aucun DSI ne peut se permettre de ne pas connaître ses coûts.
Le simple de fait de voir une société de services ou un promoteur
du cloud computing informer la direction générale ou la direction
financière sur des montants de coûts unitaires, implique que cette
dernière se retournant vers le DSI aura une très mauvaise image
de celui-ci s’il ne connaît pas les siens en interne.
Aussi, les coûts complets, au moins pour les principaux actifs ou
activités, devront être connus. Comment procéder ? Il convient
de déterminer la part respective des coûts variables et des coûts
fixes. Si cette dernière est dominante, alors il faudra choisir
une approche de type TCO. Si c’est le contraire, alors c’est la
démarche ABC qui sera la plus pertinente.
De manière générale, notamment lorsqu’il y a un processus de
refacturation, nous recommandons l’utilisation de coûts standard
qui bénéficient de nombreux avantages. Il faut nécessairement
anticiper les coûts : tout l’effort doit donc porter sur des «
des nomenclatures de coûts », c’est-à-dire une modélisation
fine des activités informatiques, et principalement les activités
d’exploitation, effectuée lors de la procédure d’élaboration du
budget annuel.
Quel avantage peut-on en attendre ? La réponse doit être : un
avantage décisif, à savoir que l’investissement de départ lors de
la première modélisation est important, qu’il se réduit au fil des
campagnes budgétaires grâce au retour d’expérience et qu’enfin,
la DSI se doit de viser elle aussi l’excellence interne, autrement
dit obtenir, dès le deuxième exercice budgétaire, des gains de
productivité de l’ordre de quelques pourcents. L’excellence et
la performance sont à ce prix ! •
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