Article Revue Médicale Suisse sur la pénurie médicale en

Transcription

Article Revue Médicale Suisse sur la pénurie médicale en
relève médicale
A. Pécoud
N. Moret-Ducret
Pr Alain Pécoud
Nathalie Moret-Ducret
Section soins hospitaliers
Service de la santé publique
Avenue du Midi 7
1950 Sion
[email protected]
[email protected]
Rev Med Suisse 2015 ; 11 : 218-9
La Suisse, comme les pays qui l’en­
tourent, va connaître une pénurie de
médecins, surtout de premier re­
cours.1,2
Les causes de cette évolution sont mul­
tiples, mais les plus importantes sont liées
à des phénomènes de société : on peut
donc parler de «tendances lourdes». Citons,
par exemple, le développement considéra­
ble des spécialités médicales observé ces
20 à 30 dernières années : des nouvelles
disciplines ont attiré des pourcentages tou­
jours plus élevés de jeunes médecins en
formation. Plus récemment, la féminisation
de la profession est devenue une partie du
problème, compte tenu du souhait de tra­
vail à temps partiel, d’un accès limité à des
crèches dans certaines régions et, dans des
zones retirées, d’une absence d’opportuni­
té professionnelle pour le conjoint. Enfin,
pour les hommes comme pour les femmes,
on a beaucoup évoqué certaines caracté­
ristiques des jeunes générations, dont les
représentants souhaitent garder un équi­
libre entre vie professionnelle et vie privée
meilleur que celui que connaissaient leurs
prédécesseurs.
Depuis quelques années, le danger est
identifié et de nombreux pays prennent
maintenant des mesures pour tenter de li­
miter ce phénomène de pénurie. Outre les
efforts organisés par les instances politi­
ques et les facultés de médecine, tels que
l’augmentation des volées d’étudiants et le
soutien à la formation des généralistes, de
nombreuses initiatives privées ont vu le jour.
La tendance la plus importante est de rem­
placer le cabinet médical du médecin soli­
taire par des groupes de médecins travail­
lant sur le même site (cabinet de groupe) ou
par des groupes de médecins faisant aussi
place à d’autres partenaires du système de
santé (maison de santé). Ces types de re­
218
Pénurie médicale : le Valais
monte au front
groupement professionnel permettent le tra­
vail à temps partiel, le partage des tâches
entre médecins ou avec d’autres profession­
nels de la santé tels que les infirmier(e)s,
les physiothérapeutes ou encore les phar­
maciens. Ils correspondent aux aspirations
des nouvelles générations.
En 2012, le Département en charge de
la santé du canton du Valais a pris des me­
sures pour affronter ce risque de pénurie,
spécialement dans les vallées latérales du
canton où le risque est potentiellement plus
sérieux que dans la plaine du Rhône. Il a
mandaté une commission en lui donnant la
mission de proposer des mesures qui pour­
raient permettre de limiter les effets d’une
pénurie. La commission a réuni tous les res­
ponsables des groupes professionnels de
la santé en Valais, médecins, pharmaciens,
infirmiers, physiothérapeutes, cadres des
hôpitaux, services de soins à domicile (liste
annexée) ainsi que des représentants des
autorités politiques locales (communes et
préfet de district). La variété, mais aussi la
complétude des professions représentées,
devait permettre une réflexion inédite dans
le canton du Valais, visant à développer l’in­
terdisciplinarité de ces professions, proba­
blement indispensable dans le contexte de
la pénurie prévue.
Dans un premier temps, sur mandat de
cette commission, l’Observatoire valaisan de
la santé (OVS) a fait l’état de la couverture
médicale dans le canton. Les résultats de
l’étude ne représentant pas l’activité effec­
tive, le nombre d’autorisations de pratiquer
ne tenant pas compte des temps partiels.
Afin d’avoir une idée plus claire, le Service
de la santé publique a mené une enquête.
Le risque élevé de pénurie a été confirmé
notamment dans les vallées : dans les zones
investiguées, on a remarqué par exemple,
que plus de la moitié des médecins généra­
listes avaient plus de 55 ans.
Certains membres de la commission ont
commencé la démarche visant à réunir les
différents partenaires du système de santé
valaisan dans le but de créer des synergies
qui pourraient être utiles en cas de pénurie
dans une région donnée. Ils ont créé dans
Projet communal – Maison de santé
Projet communal – Cabinet de groupe
Projet privé – Maison de santé
Projet privé – Cabinet de groupe
Discussion en cours
En cours de réalisation
N°Lieu
1Vouvry
2Collombey-Muraz
3Collombey-Muraz
4Monthey
5St-Maurice
6Verbier
7Entremont
8Nendaz
9Savièse
10Montana
11 Vissoie (Anniviers)
12St-Niklaus
13Goms
Figure 1. Projets du canton du Valais
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chaque région sanitaire du canton du Valais
des groupes de réflexions multidisciplinaires.
Un autre groupe s’est intéressé aux relations
entre l’hôpital et les praticiens.
Un troisième groupe s’est chargé de l’as­
pect cabinet de groupe/maison de santé.
Ces membres ont visité un grand nombre
de médecins installés dans le Haut-Valais,
dans les vallées latérales du Valais central
et dans le Chablais. Tout âge confondu, plus
de la moitié des médecins interrogés se sont
déclarés prêts à se rassembler dans des
cabinets de groupe ou des maisons de san­
té, s’il s’en créait dans leur région. Ils étaient
fortement motivés par la possibilité d’attirer
ainsi des jeunes médecins et de leur léguer
leur clientèle une fois l’âge de la retraite at­
teint.
Fort de ces résultats, la commission a
décidé de rencontrer ensuite les autorités
politiques locales des vallées et des régions
investiguées, ce qui a été réalisé avec le
soutien notamment de «Antenne Région
Valais romand» et «Regions-und Wirtschafts­
zentrum Oberwallis». Le but était de les in­
former du risque de pénurie dans leur ré­
gion, de les rendre attentifs aux causes et
conséquences de la pénurie de médecins
(risque de dépeuplement compte tenu no­
tamment du vieillissement de la population,
risque pour le tourisme dans certaines ré­
gions, prolongation du délai d’attente dans
les urgences des hôpitaux) et d’échanger
sur les pistes possibles, notamment le dé­
veloppement de cabinets de groupe ou de
maisons de santé, afin de répondre au pro­
blème de la pénurie médicale. Leur avis et
leur soutien étaient importants pour saisir si
le développement d’un centre médical fai­
sait sens dans leur vallée et si oui, à quel
endroit. Cette demande a donc entraîné une
réflexion en termes de région. L’expérience
nous a montré également que tout soutien
logistique et/ou financier de la part des
communes participe à rendre leur région
attractive aux yeux des jeunes médecins qui
souhaiteraient dès lors s’y installer.
Finalement, l’approche conjointe des mé­
decins concernés et des autorités politiques
locales a permis de dresser un premier bilan
positif de la démarche. En effet, treize pro­
jets de cabinet de groupe ou de maison de
santé sont actuellement en cours, en plaine
et dans les vallées du canton du Valais. Cer­
tains projets sont encore à un niveau plutôt
conceptuel alors que d’autres sont très pro­
ches de la phase de construction (figure 1).
Certains centres faisaient déjà l’objet de
discussion avant la mise sur pied de la com­
mission. Cependant, nous pensons que la
volonté du canton du Valais de prendre en
main cette problématique de pénurie, impor­
tante pour le développement futur du canton,
a permis d’informer l’ensemble des parte­
naires, de favoriser les contacts entre les
médecins et les autorités politiques locales
et de faire émerger ainsi d’autres projets con­
crets.
Pour plus d’informations, les jeunes in­
ternistes-généralistes intéressés par une
installation future dans le canton peuvent
s’adresser à Mme Nathalie Moret-Ducret,
secrétariat de la commission, Avenue du
Midi 7, 1950 Sion, nathalie.moret-ducret
@admin.vs.ch.
Liste des membres de la commission :
C. Ambord, R.-M. Antille, E. Bonvin, P. Dellabianca,
J.-P. Deslarzes, P. Germanier, I. Imesch, W. R. Kuonen,
W. Lorétan, J. Meizoz, M. Moix, F. Moos, N. MoretDucret, A. Pécoud (président), J.-B. Von Roten et
C. Zufferey.
Bibliographie
1 Pécoud A. De la pléthore à la pénurie : tentative
de comprendre. Rev Med Suisse 2006;2:2720-2.
2 Nau JY. Les «déserts médicaux» nous parlent,
que nous disent-ils ? Rev Med Suisse 2013;1:82-3.
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