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RELANCE DU DIALOGUE
FRANCO-ALLEMAND SUR L'EUROPE
DOSSIER
En avril dernier, le comité de rédaction de Documents s'interrogeait sur l'opportunité de publier un article vigoureux contre la langueur qui semblait s'être
emparée de la coopération gouvernementale entre la France et l'Allemagne
et contre l'absence d'initiatives communes. Puis, à partir du mois de mai, le
débat sur la coopération franco-allemande et l'avenir de l'Europe, sur la nécessité de réformes structurelles est reparti. Deux dates y ont contribué. Le
50e anniversaire de la déclaration de Robert Schuman (9 mai 1950), véritable
acte fondateur de la réconciliation franco-allemande et de l'Europe communautaire, incitait à dresser un bilan et à s'interroger sur l'avenir. En prenant en
charge, à partir du 1er juillet, la Présidence du conseil européen, la France ne
pouvait se montrer à court d'idées sur la forme, la taille et le contenu de l'Union
européenne. Le 12 mai, à l'Université Humboldt, le ministre des Affaires étrangères allemand, Joschka Fischer (Alliance 90-Les Verts) a prononcé un vigoureux plaidoyer en faveur d'une fédération européenne. Le 27 juin, au Bundestag, le président de la République française, Jacques Chirac, lui répondait en
appelant de ses vœux, pour la première fois, une constitution pour l'Europe.
L'un et l'autre défendent l'idée d'une coopérarion européenne renforcée autour
de la France et de l'Allemagne, mais Jacques Chirac ne s'est pas rallié au
modèle fédéral de Joschka Fischer.
Sans chercher à l'exhaustivité, notre revue se doit d'apporter des éléments d'information et de réflexion et de présenter le plus clairement possible les principaux arguments qui ont éclairé ce vaste débat bien que celui-ci ne soit certainement pas fini. Notre dossier est conçu autour des points de repère suivants :
– les débats français lors du 9 mai,
– le discours de Joschka Fischer (12 mai) et les réactions françaises,
– le séminaire franco-allemand de Rambouillet (19 mai) et le 75e sommet franco-allemand à Mayence (9 juin),
– le discours de Jacques Chirac à Berlin (27 juin),
– les réactions allemandes à ces deux discours fondateurs,
– le point de vue de Daniel Vernet, journaliste et directeur des relations internationales du quotidien Le Monde.
On y trouvera également le compte rendu d'un colloque organisé fin juin à
Paris par Europartenaires et les résultats de deux sondages très encourageants, l'un sur les Français et l'Europe et l'autre sur la France et les Français
vus par les Allemands. Un article du député Bruno Bourg-Broc témoigne de
la vitalité, à travers un jumelage de villes, des relations franco-allemandes au
niveau des citoyens. Des notes de lecture complètent cet ensemble.
Henri Ménudier et Joseph Rovan
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LE DISCOURS DE JOSCHKA FISCHER
HENRI MÉNUDIER
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D
ans un discours prononcé le 12 mai à l'Université Humboldt, à Berlin,
Joschka Fischer relance de façon magistrale le débat européen.
Contrairement à Lionel Jospin, il s’attarde peu à la CIG et aux problèmes actuels de l’Europe et il pose avec plus de netteté que Jacques Chirac
à Chambéry la question de la finalité de l’intégration européenne. Cinquante
ans après Robert Schuman, qui appelait de ses vœux la création d’une fédération européenne, il se prononce sans ambiguïté pour ce modèle. En intervenant à titre personnel et non pas comme ministre des Affaires étrangères, il peut
s’exprimer plus librement que s’il engageait le Gouvernement fédéral. Son habileté consiste également à proposer des solutions avec plusieurs variables, incitant ainsi au débat.
Le discours s’intitule : « De la Confédération à la Fédération-réflexion sur la
finalité de l’intégration européenne ». Il comprend deux parties principales,
l’une consacrée aux tâches à résoudre, l’autre porte sur le fonctionnement de
la future « grande » Union européenne. (Internet : http : //www.amb-allemagne.fr ; Le Monde du 14 mai a publié de larges extraits)
« Un succès phénoménal »
En examinant les acquis de l’intégration, Joschka Fischer souligne le rôle décisif de la France et de l’Allemagne ainsi que le caractère « presque révolutionnaire » du principe d’intégration proposé par Jean Monnet et Robert Schuman
en 1950. Cette initiative a connu depuis un « succès phénoménal ». Après les
événements de 1989-1990, l’Europe communautaire a su se restructurer et
s’adapter aux profondes mutations en cours. Le dilemme de l’Union européenne est de devoir mener deux grands projets de front : il faut procéder aussi
rapidement que possible à l’élargissement, tout en maintenant la capacité
d’action des institutions européennes. Comme les dirigeants politiques français, il accorde lui aussi une priorité absolue à la réussite de la CIG. Son objectif – très ambitieux – est d’accueillir les nouveaux États-membres de l’Union
européenne dès le 1er janvier 2003.
Pour faire fonctionner une Europe avec une trentaine de membres, il faut passer
de la confédération à la fédération, sans remettre en cause l’existence des ÉtatsNations. il considère comme une « élucubration artificielle » l’idée de remplacer
les anciens États par un État fédéral. Le principe de subsidiarité aidera à répartir
les compétences et à partager la souveraineté entre l’Europe et les États-Nations.
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Joschka Fischer plaide pour un Parlement européen bicaméral qui représenterait
les États-Nations et les citoyens. Les élus de la première chambre siégeraient
également dans les parlements nationaux pour éviter tout antagonisme entre
ceux-ci et le Parlement européen ou entre les États-Nations et l’Europe. Deux
possibilités s’offrent pour le seconde chambre : soit une élection au suffrage universel sur le modèle du Sénat américain, soit le modèle du Bundesrat allemand
avec des ministres des gouvernements nationaux qui siégeraient comme le font
en Allemagne les ministres des Länder. Pour l’exécutif, Joschka Fischer propose
de transformer le Conseil des ministres en un véritable gouvernement européen
(constitué ainsi à partir des gouvernements nationaux) ou bien de s’appuyer sur
la structure de la Commission et d’élire directement le président de ce Conseil
qui serait doté de vastes pouvoirs exécutifs.
Une constitution décidera du partage de la souveraineté et des pouvoirs entre
la fédération (les domaines de sécurité essentielle et les questions qui ne peuvent être réglées qu’au niveau européen) et les États-Nations (le reste). Cette
perspective ne sonne pas pour autant le glas des États-Nations qui restent
indispensables pour légitimer une telle union et la faire accepter par les
citoyens. Le principe de subsidiarité sera inscrit dans la constitution.
Le centre de gravité
Joschka Fischer constate que pour réaliser la fédération européenne avec un
nombre élevé de pays membres de l’Union européenne, il faut adopter des
méthodes différentes de celles préconisées par Jean Monnet depuis 1950.
Une différenciation s’impose dans le sens des coopérations renforcées discutées au sein de la CIG et des idées émises par Karl Lamers et Wolfgang
Schäuble en 1994 (le « noyau dur »), par Jacques Delors (la fédération des
États-Nations entre les six pays fondateurs de l’Europe communautaire), par
Helmut Schmidt et Valéry Giscard d’Estaing (le noyau des 11 de l’euro).
Comme l’Union européenne ne peut se résoudre à l’immobilisme et qu’elle ne
fera sans doute pas le saut dans la pleine intégration, Joschka Fischer propose
la création d’un « centre de gravité », d’une avant-garde avec plusieurs États
prêts ou capables de progresser sur la voie de l’intégration.
Qui en fera partie ? Le centre de gravité se formera-t-il dans le cadre ou en
dehors des traités ? Le projet, encore très ouvert, doit être discuté, selon le
ministre allemand des Affaires étrangères, à partir d’une étroite coopération
franco-allemande et réalisé en trois temps.
Trois étapes pour l’avenir
1. Le développement des coopérations renforcées
Ouverte aux pays désireux de coopérer plus étroitement entre eux, cette voie
ne signifie pas l’abandon de l’intégration européenne déjà entreprise.
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2. La formation d’un centre de gravité
Les États qui choisiraient cette forme plus poussée de l’intégration concluraient
« un nouveau traité fédéral européen qui serait le noyau de la constitution de
la fédération ».
Joschka Fischer se dit conscient des problèmes posés par ce projet : il ne faut
pas compromettre l’acquis de l’Union européenne, diviser celle-ci ou porter
atteinte à sa cohésion. Qui adhérera au centre de gravité : les Six ? Les Onze
de l’euro ? Le centre de gravité devra toutefois ne pas être exclusif et se montrer toujours prêt à accueillir d’autres membres.
3. La pleine intégration de la fédération européenne
Les coopérations renforcées relèvent de la coopération intergouvernementale.
Il faudra donc un « acte de refondation politique délibéré de l’Europe » pour
élaborer et adopter une constitution.
Réactions françaises
La presse française réagit positivement et perçoit tout de suite l’intérêt et la
portée du discours, à l’image du quotidien Le Monde qui publie les 14 et 15
mai un éditorial intitulé : Danke schön, M. Fischer. « Le débat sur l’avenir de
l’Europe est lancé », « il ne restera pas confiné aux chancelleries et à quelques
instituts spécialisés », « il est maintenant sur la place publique grâce à Joschka
Fischer ».
Comme la presse, les dirigeants politiques se sentent interpellés.
1. Jacques Chirac et Lionel Jospin
Les premières réactions publiques du Président de la République, Jacques
Chirac, sont réservées. Dans un discours important sur la défense, qu’il prononce le 30 mai à Paris (devant l’IHEDN, l’Institut des Hautes Études de
Défense nationale, et l’UEO), il se refuse à entrer dans les controverses entre
fédéralistes et souverainistes. « Une réflexion globale s’impose », elle est
menée activement, « notamment avec nos amis allemands ». Le Président
ajoute : « … de même que pour la nation, il serait vain de vouloir définir l’Europe politique de manière abstraite » (Le Figaro, 31 mai). D’aucuns voient dans
cette dernière appréciation une prise de distance nette à l’égard des idées de
Joschka Fischer.
Lors de la conférence de presse à l’issue du 75e Sommet franco-allemand, à
Mayence le 9 juin, un journaliste sollicite une réaction sur le discours de Joschka Fischer. Lionel Jospin intervient le premier en donnant une réponse peu
enthousiaste. Il rappelle que Jacques Chirac, Hubert Védrine et lui-même sont
déjà intervenus sur ce sujet. « Donc, il n’y a pas de raison d’y revenir ». Cette
réflexion sur l’avenir de l’Europe est nécessaire, elle se produit dans d’autres
pays. « Donc, ces réflexions qui ont été lancées à titre personnel par Joschka
Fischer… nous les avons jugées tout à fait salubres, importantes ».
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Jacques Chirac prend aussitôt la parole. « Je souscris tout à fait, naturellement,
à ce qu’a dit le Premier Ministre ». Après avoir précisé que Joschka Fischer « ne
propose pas une Europe fédérale » mais « une vision générale de l’Europe »
et que « le mot fédéralisme a en allemand et en français deux sens très différents », le Président de la République se lance dans une série d’appréciations
très élogieuses sur le discours de Joschka Fischer : « C’était une très bonne
approche et une très bonne vision de l’Europe et, de surcroît, ce discours venait
au bon moment ». C’est un discours qui fait réfléchir et prévoit des étapes. Une
petite phrase assassine met fin à cette envolée : « Et, pour ma part, je tiens à
remercier, après le Premier Ministre, M. Fischer pour l’excellent travail qu’il a
fait à ce sujet ». Bien des journalistes relatent cette scène en soulignant les tensions qu’elle trahit au sein de la cohabitation (Le Monde, 11 juin).
2. Hubert Védrine
Dès le 12 mai, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères déclare que
les idées de Joschka Fischer représentent une réflexion « légitime » que la
France est prête à « poursuivre activement ». Il faudra, à travers ce dialogue,
parvenir « à un niveau suffisant de réalisme pour qu’elle puisse déboucher »
(Le Figaro, 13 mai). Dans Le Monde du 11 juin, presqu’un mois après le discours de Berlin, le ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine, publie une
« Réponse à Joschka Fischer », soulignant dès le début : « J’ai trouvé cette
démarche bienvenue et opportune ». Mais la France se tient en retrait car elle
doit présider l’Union européenne ; mener à bien la CIG et lancer le débat sur
le fédéralisme sont « deux choses également nécessaires mais différentes ».
Au lieu de s’engager dans des controverses théoriques sur le fédéralisme,
Hubert Védrine pose des questions précises : Comment choisir les membres
de l’éventuel noyau ? Quelle sera la nature du gouvernement européen ?
Quelle sera l’articulation entre les différents niveaux de pouvoir ? Il demande
s’il y aura d’un côté la fédération avec son président, son gouvernement et son
parlement, et de l’autre l’Union européenne élargie avec ses propres institutions (Conseil, Commission, Parlement et Cour de Justice).
Hubert Védrine ne croit pas au fédéralisme classique mais il se rallie plutôt à
« la conception de la fédération d’États-Nations, proposée par Jacques
Delors ». Il se prononce pour un débat long, ouvert et loyal entre Français et
Allemands et avec tous les Européens concernés.
3. Jean-Pierre Chevènement
Les réactions du ministre de l’Intérieur, Jean-Pierre Chevènement, qui s’est
toujours intéressé à l’Allemagne, suscitent tout de suite une polémique car il
déclare le 21 mai sur France 2 : « Nous sommes en présence d’une tendance
de l’Allemagne à imaginer pour l’Europe une structure fédérale qui correspond
à son modèle. Au fond, elle rêve toujours du Saint-Empire romain germanique.
Elle n’est pas encore guérie du déraillement qu’a été le nazisme dans son histoire. Elle a une conception de la nation qui est celle du Volk (peuple), c’està-dire une conception ethnique… Il faudrait l’aider à se forger une autre idée
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Le débat Fischer-Chevènement
Pour vider la polémique suscitée par les déclarations de Jean-Pierre Chevènement, le
quotidien Le Monde et l'hebdomadaire Die Zeit ont eu l'heureuse idée de publier le même
jour (21 juin) un débat entre les deux hommes politiques, enregistré à la résidence de l'Ambassadeur d'Allemagne à Paris, rue de Lille. Jean-Pierre Chevènement a souligné d'emblée son attachement à la compréhension entre la France et l'Allemagne et l'importance
des relations franco-allemandes.
Le rapport de l'Allemagne avec son passé
Selon Joschka Fischer, les Allemands ne fuient pas leur passé, ils l'assument, et tout particulièrement Auschwitz. « La confrontation permanente entre Auschwitz et la responsabilité morale et historique sont inséparables de notre identité. C'est un morceau de notre
histoire nationale. Comme tel, Auschwitz fait partie de nous ». Les Allemands sont au clair
avec eux-mêmes, sur le plan politique et culturel ; la question des frontières a été réglée,
il n'y a plus de question allemande.
L'État-Nation
Pour Joschka Fischer, à l'heure de la mondialisation, l'État-Nation « n'est pas assez grand
ni assez puissant pour décider du destin des peuples européens », d'où l'importance de
l'intégration européenne. Jean-Pierre Chevènement est convaincu au contraire de la puissance des États-Nations. « Il n'y a aucune raison de fuir dans le "postnational", dans un
fédéralisme flou ; l'Allemagne a toujours un peu tendance à diaboliser la nation et à imposer ainsi une conception qui est la sienne, mais pas la nôtre ». L'État-Nation présente
l'avantage d'avoir créé un certain équilibre entre le travail et le capital.
Les principes de Jean-Pierre Chevènement
Il n'y a ni peuple européen, ni citoyenneté européenne, tant que n'existe pas « un espace
commun de débat à l'échelle européenne ». On ne peut pas faire passer les institutions
avant le débat. Il faut au préalable s'entendre sur notre modèle de société, sur notre projet
de civilisation et sur notre projet géopolitique. Il faut faire converger d'abord les nations et
rapprocher les peuples. Ces derniers sont le dépositaire de la souveraineté – ce qui n'empêche ni les politiques communes, ni les délégations de souveraineté.
Fédération ou association d'États-Nations ?
Joschka Fischer constate que des éléments de fédéralisme existent déjà dans le fonctionnement actuel de l'Union européenne. Il défend l'idée de la fédération qui peut créer un équilibre entre les organes communautaires, les États-Nations et les régions et qui permet à l'Europe de s'affirmer dans le contexte de la mondialisation. Jean-Pierre Chevènement ne veut,
lui, envisager qu'« une association d'États-Nations », il refuse l'idée d'un noyau dur fédéral à
l'intérieur de l'Union européenne. L'Europe est devenue le relais de la mondialisation libérale.
Les rapports avec les États-Unis
La défaite de 1945 a rendu l'Allemagne dépendante des États-Unis ; il faut cependant
considérer ces derniers « comme des partenaires et non comme des protecteurs » ; ils
ne doivent pas s'affirmer comme « le véritable fédérateur de l'Europe ». Jean-Pierre Chevènement veut une Europe qui soit « autre chose q'une banlieue américaine ». Joschka
Fischer se prononce pour une Europe forte par rapport aux États-Unis.
N.B. Jean-Pierre Chevènement a développé ses idées sur l'Allemagne et les relations franco-allemandes
dans son livre France-Allemagne, Parlons franc, Plon, 1996.
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de la nation, l’idée de la nation citoyenne, pour un meilleur dialogue avec la
France » (Libération, 22 mai).
Ces propos provoquent de vives réactions à droite et chez les Verts, les Socialistes sont embarrassés. Valéry Giscard d’Estaing crie au scandale : « Le fait
d’accuser les dirigeants allemands de retrouver une culture nazie est insupportable ». Jean-Pierre Chevènement s’indigne de ce procès d’intention : « J’ai
simplement critiqué le projet d’Europe fédérale de Joschka Fischer en soulignant la nécessité pour l’Allemagne de développer une conception citoyenne
de la nation, en se dégageant aussi bien de la conception ethnique du Volk,
que de la vision post-nationale de l’histoire. » (Libération, 20 mai)
Le ministre de l’Intérieur corrige l’impression désastreuse laissée par ses propos
en accordant un entretien à la Frankfurter Allgemeine Zeitung du 23 mai : « Je
regrette beaucoup d’avoir exprimé une pensée de manière très raccourcie et
d’avoir été aussi mal compris… Je suis un ami de l’Allemagne… Je ne voulais
en aucun cas reprocher à M. Fischer et à d’autres hommes politiques allemands
d’être sous l’influence de l’idéologie national-socialiste ». Dans une lettre adressée au Monde, publiée le 24, il explique son point de vue : « Comment dire mieux
que le nazisme n’est nullement congénital à l’Allemagne mais qu’il a été un accident et non un passage obligé de son histoire ? »
4. Le PS et les Verts
François Hollande, premier secrétaire du PS, voit dans le discours de Joschka
Fischer « une initiative bienvenue » et « un acte politique majeur ». Après les
doutes de 1998-1999 sur les orientations du gouvernement Schröder, « l’Allemagne redit son attachement définitif à la construction européenne et affirme
son souhait d’accorder une place centrale à la relation franco-allemande… »
Selon François Hollande, ce discours donne du sens au débat sur l’Europe
unie. Les Socialistes eux-mêmes « voient l’Europe comme une fédération
d’États-Nations, reposant sur une charte des droits fondamentaux et, à terme,
sur une construction fixant les responsabilités de chaque niveau de compétences ». Mais il ne faut pas confondre les horizons. Il convient d’abord de
s’intéresser à la CIG. D’où la conclusion du député de la Corrèze : « Oui, l’avenir de l’Europe, parlons-en sans doute. Mais construisons-la dès à présent
ensemble ». (Libération, 22 mai)
Deux ministres Verts du gouvernement français, Dominique Voynet et Guy
Hascoët, prennent eux aussi publiquement position en faveur de l’initiative de
Joschka Fischer. Dans une lettre cosignée avec Daniel Cohn-Bendit et publiée
dans Libération le 18 mai, ils déplorent que l’Union européenne se soit
construite comme une union économique en non comme « une Europe des
droits de la démocratie » et soit ainsi devenue « le fer de lance de la mondialisation libérale ». Pour « faire reculer la dictature des marchés », le seul antidote est, selon eux, « de faire l’Europe politique des citoyens » en construisant
une « vraie fédération, avec un gouvernement et deux vraies chambres » et
une Charte des droits fondamentaux dotée de vrais pouvoirs. « Bref, il nous
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faut une Europe fédérale, que le nom plaise ou pas », expliquent-ils. Leur discours est beaucoup plus engagé que celui du PS.
5. UDF et RPR, ou « Chiche, Joschka Fischer ! »
Les propositions de Joschka Fischer sont bien accueillies chez la plupart des
députés de droite qui réfléchissent eux aussi à la nécessité de progresser sur
le plan européen. Alain Madelin (Démocratie Libérale) défend depuis longtemps
un projet d’Europe politique. François Bayrou (président de l’UDF et député européen) a fait campagne en 1999 sur le thème de la constitution européenne. Le
13 mai, il lance un « Appel de Strasbourg » avec Daniel Cohn-Bendit « pour que
l’Europe devienne une démocratie » ; ils plaident pour l’adoption d’une constitution européenne en 2003 et pour l’élection d’un président de l’Union au suffrage
universel. Les deux hommes politiques approuvent le discours de Joschka
Fischer et déplorent la timidité de la réponse d’Hubert Védrine. Le député européen Jean-Louis Bourlanges, UDF, trouve de son côté que Joschka Fischer
pose les vraies questions relatives à l’avenir de l’Union européenne, « celle de
ses missions, de ses moyens et de ses frontières », mais il ne croit guère à la
faisabilité institutionnelle du noyau dur. Il se demande s’il n’y aura que les institutions du noyau dur ou si elles existeront en plus de celles de l’Europe élargie.
Le député RPR de Paris, Pierre Lellouche, publie dans Le Monde du 18 mai
un long article intitulé « Chiche, Joschka Fischer ! » dans lequel il se désole
« qu’une fois encore, l’impulsion vienne d’Allemagne ». Il se déclare en accord
avec la plupart des points du ministre allemand, bien que sa propre réflexion
diffère parfois de celle de J. Fischer. Aussi propose-t-il la création d’un groupe
de travail franco-allemand, « un comité des sages » susceptible de tracer un
itinéraire nouveau, à partir d’un centre de gravité, car l’actuelle CIG n’est guère
en mesure d’impulser de grandes réformes.
A la mi-juin, Alain Juppé et Jacques Toubon, tous les deux RPR, présentent au
nom de leurs clubs respectifs, France Moderne et Le Club 89, l’ébauche d’une
constitution européenne qui devrait être achevée à la fin de l’année, après discussion notamment avec les Chrétiens-démocrates allemands. Les deux
anciens ministres proposent un président de l’Union européenne élu par le
Conseil européen pour une durée de 30 mois (la moitié du mandat du parlement
européen). Le Conseil désignerait un véritable gouvernement qui se substituerait
à l’actuelle Commission et au Conseil des ministres (Le Monde, 17 juin). Michel
Barnier, RPR, commissaire européen, désapprouve la suppression de la Commission de Bruxelles, « le seul lien de cohérence de l’Union européenne ».
6. Les extrêmes
Les seuls hommes politiques à condamner les idées de Joschka Fischer se
situent à l’extrême droite (FN et MNR) ou au RPF. Dans Le Figaro du 19 juin,
Georges Berthu (député européen) et Philippe de Villiers (député de Vendée et
vice-président du RPF) publient une tribune intitulée « Non au plan Fischer » dans
laquelle ils expliquent que la France ne peut aliéner sa souveraineté au sein d’un
noyau dur dominé par l’Allemagne. Alain Grioteray, « d’accord avec Chevènement », s’élève « contre une Europe à l’allemande ». (Le Figaro, 30 mai)
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Comment répondre à Joschka Fischer ?
Le député socialiste Jean-Louis Bianco (ancien Secrétaire général de l’Élysée
lors de la présidence Mitterrand et ancien ministre) et deux universitaires, Sylvie
Goulard (chercheur au CERI) et Alfred Grosser (professeur émérite des universités) expliquent « comment la France doit répondre à Joschka Fischer » (Le
Figaro, 9 juin). Ils partent de la constatation que « la France ne peut pas s’en
tenir à des considérations aimables sur l’intérêt à long terme des propositions »
du ministre allemand. Il pose des questions intelligibles : « Que voulons-nous
faire en Europe ? Quels moyens nous donnons-nous pour y parvenir ? La France
devrait accepter l’idée d’une fédération d’États-Nations, discuter les propositions
allemandes et proposer une méthode ». Les concepts de « fédération » ou de
« constitution » ne doivent pas être rejetés a priori mais abordés de manière
sereine, d’autant que Joschka Fischer se montre très ouvert sur les propositions
qu’il avance. Les trois auteurs font des suggestions concrètes :
– organiser d’ici à 2001 un débat sur l’avenir de l’Europe au Parlement européen, dans les parlements nationaux des Quinze et des pays candidats intéressés. Une rencontre exceptionnelle de l’Assemblée nationale et du Bundestag devrait avoir lieu,
– un groupe de Sages utilisant notamment les travaux des parlements rédigerait des propositions pour l’avenir de l’Europe. Il pourrait être présidé par
Richard von Weizsäcker et Jacques Delors.
Le fédéralisme – un faux débat ?
Un autre universitaire, Jean-Claude Casanova, professeur à Sciences-Politiques, membre de l’Institut et directeur de la revue Commentaire, estime qu’il
ne faut pas tomber dans le faux débat du fédéralisme (Le Figaro, 24 mai).
« Deux idées sont devenues sans portée : l’une refuse tout transfert de souveraineté des nations à l’Europe, l’autre substitue l’État européen aux États
nationaux ». En réalité les institutions fédérales fonctionnent déjà (Banque centrale, Cour de Justice et Commission). Le problème n’est pas de condamner
le fédéralisme mais de mieux l’organiser. Si les Européens veulent constituer
un corps politique composé de nations et susceptible de devenir une puissance, « ils doivent oublier l’inutile querelle du fédéralisme et accepter qu’une
avant-garde trace le chemin en se donnant les institutions nécessaires ».
On peut conclure cette rapide présentation des réactions françaises par des
propos d’Hubert Védrine qui éclairent l’utilité du discours du 12 mai. « Joschka
Fischer souligne qu’il a parlé à titre personnel, et non pas au nom du gouvernement allemand. Sa proposition n’est donc pas "sur la table" de la conférence
intergouvernementale. Mais elle va nécessairement alimenter les réflexions à
plus long terme sur l’avenir de l’Europe. Je souhaite que ce débat s’amplifie
» (Le Monde, 14-15 mai 2000).
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Communiqué (extraits)
Mouvement Européen – France
Mouvement européen – Allemagne
Europa Union
Les trois organisations saluent les réflexions de Joschka Fischer, ministre
allemand des Affaires étrangères, sur la finalité de la construction européenne. « Il s'est à cette occasion prononcé en faveur de la perspective d'une
fédération d'États-Nations dotée d'une constitution ». Les trois organisations
« se réjouissent de l'ouverture d'un large débat de fond sur l'avenir du projet
européen » et réaffirment les orientations suivantes :
– « Il est indispensable d'assurer une meilleure implication des citoyens
dans le fonctionnement de l'Union européenne »…
– « Une Europe démocratique, capable de décider et d'agir avec efficacité,
suppose l'existence à terme d'un gouvernement européen »…
– « La rédaction d'une constitution européenne s'avère indispensable »…
– « Il nous paraît qu'une structure de type fédéral, déjà envisagée par Robert
Schuman il y a cinquante ans, est la mieux à même de permettre à l'Union
européenne de réaliser son élargissement tout en maintenant sa capacité
d'action, en assurant sa démocratisation et en préservant l'identité nationale
des États-membres »…
– « Nous soutenons l'idée de la constitution d'une "avant-garde" ou d'un
"centre de gravité" d'États-membres désireux de progresser dans l'intégration politique comme étape intermédiaire vers cette fédération européenne,
qui préserve l'unité et l'intégration du système institutionnel »…
– « Nous espérons que l'initiative de M. Fischer contribuera à donner un
nouvel élan au couple franco-allemand, uni autour d'une vision commune
de l'Europe, et que les gouvernements français et allemand en débattront
avec les autres membres de l'Union en vue d'en promouvoir la mise en
œuvre ».
NB : Les signataires sont : Elmar Brok, Président de l'Europa Union ;
Wolfgang Thierse, Président du Mouvement Européen – Allemagne ; AnneMarie Idrac, Présidente du Mouvement Européen – France ; Henri Nallet,
Premier Vice-Président dun Mouvement Européen – France
Documents (N° 3-1998, p. 5-18) a publié le discours sur « La politique extérieure
allemande à l’échéance de l’An 2000 » prononcé par Joschka Fischer devant les
Amis du B.I.L.D., le 18 décembre 1997. Ce texte, traduit, revu et mis à jour, offrait
pour la première fois en français la vision de celui qui allait devenir peu après
ministre des Affaires étrangères.
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DE RAMBOUILLET À MAYENCE
H.M.
DOSSIER
« La meilleure réunion franco-allemande »
Le 19 mai, une semaine après le discours de Joschka Fischer, un séminaire
franco-allemand réunit au château de Rambouillet le Président Jacques Chirac, le Premier Ministre Lionel Jospin, le Chancelier Gerhard Schröder et leurs
ministres des Affaires étrangères. Cette rencontre informelle a pour objectif
de faire le point sur les dossiers de la coopération franco-allemande et de l'Europe (préparation de la présidence française, CIG, élargissement…). « Elle est
attendue avec impatience par un couple franco-allemand trouvant actuellement bien peu grâce aux yeux des observateurs des deux côtés du Rhin »,
écrit La Tribune (19 mai).
Il n’y a pas de communiqué officiel pour une rencontre informelle. L’entourage
du Président de la République fait toutefois comprendre aux journalistes que
la bonne entente franco-allemande se manifeste par les mêmes préoccupations sur les différents problèmes de l’Europe et par la même détermination à
les surmonter. Selon Hubert Védrine, c’est même « la meilleure réunion francoallemande depuis que je suis ministre » (Le Figaro, 22 mai). Il semble que
Rambouillet permette aux deux gouvernements de rapprocher leurs points de
vue sur la taille de la Commission, l’extension du vote à la majorité qualifiée
et sur le concept des « coopérations renforcées ». La question de la repondération des voix reste délicate.
« Beau temps à Mayence »
Le 75e Sommet franco-allemand se tient à Mayence le 9 juin dans des conditions très favorables. « En l’espace de quelques semaines, le climat a complètement changé. Le couple franco-allemand, que l’on disait usé, a retrouvé
une nouvelle jeunesse », (Le Monde, 9 juin). A l’issue du Sommet, Jacques
Chirac se félicite d’une entente franco-allemande sans faille, Lionel Jospin se
réjouit du « beau temps à Mayence et du beau temps dans nos relations » et
Gerhard Schröder se montre satisfait des accords substantiels qui viennent
d’être obtenus.
Au cours de la conférence de presse, le chancelier confirme qu’il y a un accord
entre les deux pays sur les institutions européennes. A propos de la pondération des voix, il répond : « Ce n’est pas cela qui va nous fâcher », prolongeant
ainsi la remarque de Jacques Chirac sur ce même sujet : « Ce ne sera
certainement pas un problème entre nous ».
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Gerhard Schröder soutient la proposition française d’organiser à Zagreb (Croatie) la conférence sur les Balkans proposée par la France. Dans une déclaration officielle sur l’Europe du Sud-Est, la France et l’Allemagne conviennent
d’intensifier « leurs efforts conjoints visant au maintien de la paix, à la stabilité
dans cette région et à la réconciliation de ses habitants ». Les deux pays
s’engagent à soutenir toute une série de projets « relatifs à la poursuite de la
démocratisation, au développement économique et à la coopération régionale
et partant, au rapprochement vers l’Union européenne » (échanges de jeunes,
coopération universitaire et administrative, jumelages, aide aux médias indépendants).
Coopération en matière d’armement
Le Sommet de Mayence marque une nouvelle avancée de la coopération franco-allemande en matière d’armement.
– Après la Grande-Bretagne et la France, l’Allemagne, qui doit remplacer ses
Transall, confirme le choix de la version militaire de l’Airbus, baptisée A 400 M,
comme futur avion de transport militaire ; elle renonce de ce fait à l’acquisition
de l’Antonov 70 russo-ukrainien qui coûte cependant moins cher. L’A 400 M
sera livré à partir de 2006-2007, la France devrait en acheter 50, l’Allemagne
75. Les conditions du lancement effectif du programme seront finalisées pendant l’été. lionel Jospin commente par cette phrase le nouveau
programme : « Alors que se prépare le lancement de l’A 3 XX, cette nouvelle
décision témoigne de la capacité de l’Europe à mener de grandes aventures
industrielles ». (1)
– Le 8 juin, la France et l’Allemagne ont signé avec l’Italie et les Pays-Bas un
protocole d’achat de 366 hélicoptères de transport militaire NH 90, pour un
montant de 9 milliards d’écus.
– Pour se donner les capacités de reconnaissance, la France et l’Allemagne
décident de mettre en place « un système d’observation satellitaire européen
indépendant » afin de s’émanciper des États-Unis. La France construira le
satellite optique Hellios II, l’Allemagne le satellite SAR-Loupe ; il ne s’agit pas
de coopération industrielle franco-allemande mais d’une mise en commun de
moyens développés séparément par chacun des deux pays. Le système de
radar Horus proposé par les Français dans les années 1990 avait été décliné
par le chancelier Kohl.
Pour faire progresser la politique européenne de sécurité et de défense
(PESC), les deux gouvernements confirment la tenue en novembre d’une
conférence sur le renforcement des capacités militaires européennes qui sera
(1) Construit par le consortium Airbus, l'A 3 XX est le très gros porteur long courrier de 555 places dont les premières commandes ont été passées par les compagnies Air France et Emirates (Dubaï). D'un coût compris entre
1,5 et 1,7 milliard de francs, ces avions devraient être livrés à partir de 2006.
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un test de la volonté des Quinze d’aller de l’avant. A propos des questions stratégiques et des projets américains, le Président Jacques Chirac
précise : « Nous avons partagé la même analyse sur les conséquences
fâcheuses que pourrait avoir un projet de défense remettant en cause le traité
ABM ». (2)
Ce 75e Sommet se distingue aussi par des activités spécifiques. Parallèlement
aux entretiens gouvernementaux, une rencontre se déroule entre les partenaires sociaux (patronat et syndicats) ; elle devrait se poursuivre par d’autres
rencontres qui témoignent de la volonté de développer les relations entre les
sociétés civiles. Le Ministre-Président Kurt Beck et l’OFAJ organisent un
« sommet franco-allemand pour la jeunesse ». A l’initiative du chancelier
Schröder, l’Académie franco-allemande du Cinéma est officiellement créée
lors du Sommet de Mayence ; la séance inaugurale se tient à l’occasion du
voyage de Jacques Chirac à Berlin.
Les enfants de couples divorcés
A la fin de la conférence de presse à Mayence, le Président Jacques Chirac
évoque un sujet difficile dont il s’est entretenu auparavant avec le
chancelier : « C’est celui des enfants des couples divorcés. Ce sont des
conflits dramatiques pour les familles et pour les enfants et qui restent encore
très fréquents. Or un travail très important a été accompli, c’est vrai, par les
deux ministres de la Justice, un travail très important et positif aussi dans le
cadre de la commission de médiation, il n’y a pas de doute. Et néanmoins, il
y a encore des efforts à faire. Et nous sommes convenus ce matin, avec le
chancelier, d’accentuer ces efforts pour mettre le plus vite possible une fin, un
terme, à ce drame, aussi bien pour les parents que pour les enfants ».
■
Pour le texte intégral du Sommet, cf. www.elysee.fr.
Voir aussi le service de presse de l’Ambassade de France à
Berlin : www.botschaft-frankreich.de
(2) Le traité ABM (Anti-Ballistic Missiles) de limitation des défenses antimissiles a été conclu en 1972 entre les
États-Unis et l’URSS. Les Américains envisagent de construire un bouclier antimissiles pour protéger l’ensemble
de leur territoire, au risque de relancer la prolifération des armes de destruction massive de la part des autres
puissances nucléaires. Le candidat républicain à la prochaine élection présidentielle, George W. Bush, semble
très attaché à ce projet.
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LES RÉACTIONS EN ALLEMAGNE
JEAN-PIERRE FROEHLY
DOSSIER
L
ors de la réunion d’un groupe de réflexion sur les relations franco-allemandes, organisée au début du mois de mai à Berlin, une spécialiste
allemande des questions européennes avait dressé un tableau noir
de l'état des relations entre la France et l'Allemagne : Premièrement, la situation politique en France aurait débouché sur une « importation » du problème
du Front National au RPR, rendant ainsi le gaullisme « structurellement incompatible avec la construction européenne ». Deuxièmement, le dialogue francoallemand serait en panne et ne pourrait plus jouer le rôle de « moteur » pour
l'Europe.
Deux mois plus tard, la situation se présente bien différemment : Après le discours du ministre allemand des Affaires étrangères Joschka Fischer le 12 mai
à Berlin, la rencontre de Rambouillet le 19 mai, le sommet franco-allemand
de Mayence le 9 juin et la visite d'État de Jacques Chirac du 25 au 27 juin à
Berlin (incluant un discours au Bundestag), le dialogue franco-allemand a
retrouvé sa vigueur et s'inscrit dans une perspective qui va bien au-delà de la
présidence française de l'Union européenne, chargée de mener à bien la
conférence intergouvernementale (CIG) et la poursuite de l'Europe de la
défense. On a pris note avec intérêt du côté allemand des travaux d'Alain
Juppé et de Jacques Toubon (tous deux RPR) sur un projet de constitution
européenne et dont Jacques Chirac s'est inspiré. Le gouvernement Jospin
semble plus timide sur l'Europe – peut-être à cause de ses divisions internes
et du parti communiste ; les députés européens du parti socialiste ne semblent
pas apprécier d'avoir perdu l'initiative du débat européen.
Au cours du printemps de l'an 2000, la réflexion sur l'Europe a été marquée
par des interventions de personnalités comme Jacques Delors ou Valéry Giscard d'Estaing. Même si certains hommes politiques, tels que le député européen allemand (CDU) Elmar Brok, représentant du Parlement européen au
sein de la CIG, ont plaidé très tôt pour un débat sur l'avenir de l'Europe et
même si la presse a partiellement repris les interrogations françaises sur le
noyau dur, la Kerneuropa (comme par exemple la Frankfurter Allgemeine Zeitung, le 25 avril), une initiative de Berlin était de plus en plus souhaitée avant
le début de la présidence française. De son côté, au mois d'avril et surtout
après les discours français plutôt « tièdes » sur l'Europe prononcés autour du
9 mai en France, l'Allemagne s'inquiète de plus en plus sur la capacité de la
France en période de cohabitation à trouver, au niveau gouvernemental, le
nécessaire élan pour assumer ses obligations au sein de l'Union européenne.
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Le discours de Joschka Fischer
Tenant compte des réticences de la France à l'égard de l'élargissement à l'Est
de l'Union européenne et de la crainte française d'une dilution de l'Europe élargie, le discours de Joschka Fischer veut tout d'abord nourrir les débats européens au-delà des questions plutôt techniques de la CIG (sur lesquelles on
constate globalement une convergence entre les deux pays), et donner, à travers la présentation d'un projet à long terme, une « finalité » et une « vision »
à l'Europe actuelle. Le projet conçoit la « flexibilité » au sein de l'Europe élargie
non comme un instrument pragmatique, mais comme la première étape qui
sera suivie par la mise en place de « centres de gravités » et d'une « Fédération européenne ».
Le discours de Joschka Fischer, qui a relancé le débat en Allemagne et dans
les relations franco-allemandes sur l'avenir de l'Europe, a été bien reçu par la
classe politique allemande, même si certains de ses aspects les plus ambitieux
ne sont pas partagés par tous. Ainsi, Wolfgang Schäuble, l'ex-président de la
CDU, déclare à la Deutschlandradio : « Je suis sûr que Fischer est sur la
bonne voie concernant la Constitution Européenne, l'intégration à plusieurs
vitesses et la subsidiarité renforcées ». L'ancien ministre des Affaires étrangères, Hans-Dietrich Genscher, FDP, a réagi dans le quotidien berlinois Der
Tagesspiegel, titrant son article en français « Allons, enfants de l'Europe, suivez Fischer! ». Genscher plaide pour la prise en compte de l'élargissement de
l'Union européenne et notamment pour une extension du Triangle de Weimar
à la République tchèque et à la Hongrie. De plus, il voit dans le projet un moyen
d'affirmer le rôle de l'Europe dans le monde multipolaire. La proposition ambitieuse d'un président européen élu au suffrage universel est loin de faire l'unanimité : Même le chancelier Schröder, qui soutient le travail de son ministre,
la qualifie de « parfaite illusion ».
Dans une interview avec Le Figaro, Hans-Dietrich Genscher valorise le rôle
du ministère fédéral des Affaires étrangères dans les débats actuels : « Son
initiative reste dans la ligne des bonnes traditions de l'Auswärtige Amt. Ce
ministère est un creuset d'idées et un moteur de la politique européenne. »
En effet, le discours de Joschka Fischer reflète le rôle accru de son ministère
après le changement de gouvernement en 1998. Le style de gouvernement
« décentralisé » du chancelier Schröder, qui met en avant son droit à déterminer les lignes directrices de sa politique mais laisse une liberté relative à ses
ministres, contraste bien avec celui de Helmut Kohl qui avait, à travers son
conseiller diplomatique Joachim Bitterlich, partiellement contourné l'Auswärtige Amt. Même s'il s'est prononcé à titre personnel (une pratique qui n'est
d'ailleurs pas inhabituelle en diplomatie), le discours du 12 mai a permis au
ministre Joschka Fischer de reprendre l'initiative dans le domaine de la politique européenne, dans lequel le gouvernement était plutôt passif après le succès de la présidence allemande de l'Union européenne au premier semestre
1999. Avec la bonne gestion du conflit du Kosovo et le soutien apporté par son
parti, les Verts, aux interventions extérieures de la Bundeswehr, voilà un nouveau thème sur lequel le ministre a su prendre le dessus. Le discours de
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Joschka Fischer est en partie le produit de la coopération franco-allemande ;
préparé en consultation avec le cabinet du ministre français, Hubert Védrine,
il reprend partiellement des idées élaborées par les cellules de prospective des
deux ministères, CAP et Planungsstab. L'Auswärtiges Amt poursuit le processus de réflexion, comme par exemple lors d'une conférence sur l'Europe, le
23 mai, à laquelle a participé Daniel Cohn-Bendit, ami de longue date de
Joschka Fischer.
Le député Karl Lamers, porte-parole pour la politique étrangère du groupe
CDU/CSU au Bundestag et particulièrement engagé dans les questions européennes, souligne que le concept de Joschka Fischer des « centres de
gravité » reprend l'idée du « noyau » qu'il avait élaboré en 1994 avec Wolfgang
Schäuble. Karl Lamers rejette l'argument mis en avant par Fischer selon lequel
le concept de « noyau » aurait explicitement exclu l'Italie. En effet, le texte de
1994 avait présenté un concept ouvert, n’écartant a priori aucun pays-membre.
Karl Lamers rappelle l'existence d'un papier de 1999 (« Schäuble/Lamers II »)
dans lequel il développe l'idée d'une Constitution européenne, servant aujourd'hui de base à son étroite coopération en la matière avec Alain Juppé et
Jacques Toubon.
Débat franco-allemand
Le discours de Joschka Fischer a également ouvert le débat sur la relation
entre les États-Nations et la construction européenne. Ainsi, dans une interview avec Le Monde le 9 juin 2000, la présidente de la CDU, Angela Merkel,
déclare que « Nation et Europe ne sont pas des notions qui s'opposent. Elles
se conditionnent et se renforcent mutuellement. C'est la raison pour laquelle
l'Union européenne et les relations franco-allemandes sont importantes pour
nous. »
La rencontre de Rambouillet le 19 mai, à laquelle, ont participé le président
Jacques Chirac, le chancelier Gerhard Schröder, le Premier Ministre Lionel
Jospin, ainsi que les deux ministres des Affaires étrangères, Joschka Fischer
et Hubert Védrine a permis de poursuivre le débat lancé par Fischer et surtout
de le rendre opérationnel dans la perspective de la CIG et de la présidence
française. Outre la concertation sur les trois principaux sujets à l'ordre du jour
de la CIG, la rencontre de Rambouillet a permis un net rapprochement entre
Jacques Chirac et Joschka Fischer, le premier ayant suggéré, selon la presse,
que le dernier lui écrive son discours au Bundestag ! Même si l'Allemagne croit
à la France « parlant d'une seule voix », les diplomates allemands ont, semblet-il, bien pris note de la réaction plus réservée de Lionel Jospin et de certains
de ses ministres.
Cette dynamique n'a pas été perturbée par les propos, le 21 mai sur France 2,
du ministre français de l'Intérieur, Jean-Pierre Chevènement, selon lequel
« l'Allemagne n'est pas encore guérie du déraillement qu'était le nazisme ».
La réaction en France a été beaucoup plus violente qu'en Allemagne, où l'on
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a très bien saisi que Jean-Pierre Chevènement visait d'abord – à travers un
certain historicisme – à réaffirmer un modèle de la France qui est loin d'être
majoritaire, mais qui lui sert de « légitimité politique ». Le débat entre JeanPierre Chevènement et Joschka Fischer, publié le 21 juin par Die Zeit et Le
Monde a permis de comparer leurs visions de l'histoire, de l'État et de l'Europe.
Le sommet de Mayence, le 9 juin, quant à lui, a complété la relance par le
domaine de la sécurité et de la défense. La décision allemande de participer
à la construction d'un nouvel avion de transport Airbus et de mettre en place,
avec la France, un système d'observation militaire basé sur des satellites,
marque la volonté des deux pays de surmonter les difficultés structurelles des
dernières années et des malentendus suscités par le lancement en 1998 d'un
« moteur franco-britannique » pour l'Europe de la défense. Celui-ci a été un
moyen pour la France de pousser l'Allemagne à entreprendre des réformes
nécessaires (comme celle de la Bundeswehr) et de s'associer en 1999 aux
nouvelles réflexions sur la défense européenne. Les propos du ministre de la
Défense, Alain Richard, un jour avant le sommet dans le quotidien Frankfurter
Allgemeine Zeitung, soulignant que « La Grande-Bretagne est plus intéressante que l'Allemagne grâce à une confiance et à des structures communes »,
montrent que l'axe franco-britannique sert à Paris d'« épée de Damoclès » à
l'égard de Berlin.
La visite d'État de Jacques Chirac a permis à celui-ci, en réagissant au discours de Joschka Fischer, de reprendre l'initiative vis-à-vis de son gouvernement et de l'Allemagne. Son discours au Bundestag relance l'idée d'une
« avant-garde » (celle-ci ressemble pourtant davantage à la première étape
qu'aux « centres de gravités » de Joschka Fischer) ainsi que celle d'une
« Constitution européenne ». Les réactions en Allemagne ont tenu compte du
fait que M.Chirac, s'exprimant en tant que Président de la République en visite
d'État, se montre, dans un premier temps, plus pragmatique qu'un ministre « à
titre personnel ». Le Président laisse pourtant le champ libre au débat, ne définissant pas la finalité de l'Europe après la « période de transition », censée
faire suite à la conférence intergouvernementale. En somme, le président a
présenté une deuxième vision, tantôt incompatible, tantôt complémentaire
avec celle de Fischer. Homme pragmatique comme Jacques Chirac, le chancelier Schröder estime, dans une interview publiée le 17 juillet par le Figaro,
El Pais et Il Messaggero, « qu'il s'agit maintenant de faire progresser ces deux
visions. Ce qui veut dire que l'Allemagne mettra toute ses forces ces prochains
mois à faire de la présidence française un succès ».
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DES VOIX ALLEMANDES
DANS LA PRESSE FRANÇAISE
ANGELA MERKEL : Extrait du Monde du 9 juin 2000
Le discours du ministre allemand des
Affaires étrangères Joschka Fischer sur le
renforcement de l'intégration européenne
a fait beaucoup de bruit, auriez-vous pu le
tenir ?
Angela Merkel : Oui et non. Il a permis de
relancer un débat sur l'Europe, sa finalité,
son caractère, à un moment où l'architecture de l'Union est remise en cause par les
élargissements à venir. Je trouve bien qu'il
ait évoqué la question de la répartition des
compétences, mais il ne s'est pas prononcé sur le moment auquel il faudra en discuter. L'élargissement réussira d'autant
mieux si on clarifie, avant, la question de
savoir qui fait quoi en Europe.
Sur la coopération renforcée et les noyaux
durs, Fischer s'est inspiré d'idées chrétiennes-démocrates développées par
Wolfgang Schäuble et Karl Lamers, que
nous devons pousser en avant. La France
et l'Allemagne ont là un rôle de traits
d'union pour rassembler cette Europe élargie et promouvoir son approfondissement.
Il y a traditionnellement plusieurs conceptions de la nation en Europe, celle ethnique
de l'Allemagne, celle républicaine de la
France. Où en est la CDU, qui s'est opposée à l'introduction du droit du sol dans le
code de la nationalité ?
A. M. : Nous avions au départ une conception de la nation fondée sur l'origine, tandis que la conception française était
imprégnée de l'idée de Renan, selon
laquelle la nation rassemble ceux qui veulent vivre ensemble. Il faut cependant
reconnaître que le fossé que l'on s'efforce
souvent d'établir entre les notions de
nation en France et en Allemagne est
quelque peu théorique.
Nous avons actuellement un débat passionnant en Allemagne sur l'immigration.
Depuis que les Sociaux-démocrates et les
Verts ont pris leurs distances avec l'idée de
société multiculturelle, ils sont, eux aussi,
prêts à reconnaître que l'immigration a
quelque chose à voir avec l'intégration. Or,
admettre l'importance de l'intégration suppose l'existence de rapports normaux visà-vis de sa propre nation, ce qui n'était pas
toujours évident en Allemagne.
Jacques Delors a parlé d'un traité dans le
traité, est-ce que cela vous choque ?
A. M. : Un traité dans le traité ne me
choque pas. On peut imaginer qu'un groupe de pays s'entendent sur un traité
constitutionnel auquel d'autres pourraient
plus tard se joindre. Je ne veux pas de
discrimination, qu'il y ait à la fin deux
unions, une bonne et une moins bonne. Il
faut pour cela que le noyau soit ouvert,
qu'il n'apparaisse pas comme une
construction dirigée contre les autres. Un
centre de gravité doit être une incitation
pour les autres à s'ouvrir à une plus grande intégration. La proposition de J. Delors
est un aspect du débat que je souhaite
voir mené avec beaucoup plus d'intensité,
mais sans en fixer d'avance les résultats.
Angela Merkel est députée au Bundestag et Présidente fédérale de la CDU.
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Propos recueillis par Henri de Bresson et Arnaud Leparmentier
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KARL LAMERS : Extrait du Figaro du 28 juin 2000
Propos recueillis par Jean-Paul Picaper
Jean-Paul Picaper : Le discours du
président de la République au Bundestag a-t-il satisfait vos attentes ?
Karl Lamers : Oui. C'était un discours engagé et convaincant. A la
fois ambitieux et réaliste, chose difficile. Il représente un grand tournant
dans la pensée sur l'Europe en France, car le président a évoqué la
nécessité d'une Constitution européenne.
Je soutiens sa volonté de ne pas se
contenter d'un accord minimal à la
conférence intergouvernementale. Il
a évoqué à juste titre deux points
essentiels : la nécessité de créer un
noyau, un « groupe pionnier », si cela
s'avère nécessaire, et une réorganisation des traités afin de les rendre
plus cohérents et transparents.
J.-P. P. : La repondération des voix ne
donnera-t-elle pas un avantage à l'Allemagne ?
K. L. : L'Europe ne sera pas une
« Europe allemande ». Au contraire,
l'Allemagne est de plus en plus
influencée par les idées et conceptions de ses partenaires. Cela vaut
d'ailleurs pour toutes les nations.
J.-P. P. : En 1994, vous aviez formulé
avec Wolfgang Schäuble des
réflexions sur l'Europe future, où il
était question notamment de consti-
tuer un « noyau dur » européen.
Comment vous expliquez-vous que
les propositions de Joschka Fischer
aient été mieux accueillies ?
K. L. : Notre « papier », dans lequel
nous avions qualifié la France et l'Allemagne de « noyau du noyau », était
avant tout un appel à la France. Nous
courtisions la France. Cela n'a pas eu
le succès souhaité, mais cela a
contribué à rendre plus positive la
réaction au discours de Fischer. A
présent, nous sommes à la veille d'un
élargissement de l'UE de 15 à au
moins 27 États membres. Il est de
plus en plus évident que cela ne
posera pas seulement de gros problèmes économiques et institutionnels… Une grande Europe marquée
par des contextes culturels différents
fera aussi peser une menace sur sa
cohésion.
J.-P. P.: Le moment est-il venu d'établir une Constitution européenne ?
K. L. : Je pense que oui. L'intégration
européenne a atteint une profondeur
telle qu'il est nécessaire de consolider
et de faire fructifier l'acquis. C'est
d'ailleurs la raison pour laquelle Wolfgang Schäuble et moi avions réclamé
un traité constitutionnel pour l'Union
européenne dans un papier publié en
mai 1999 pour ouvrir la discussion.
Karl Lamers est député au Bundestag et porte-parole du groupe parlementaire
chrétien-démocrate (CDU) sur les questions de politique étrangère et de sécurité.
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RUDOLF VON THADDEN :
Extrait du Figaro du 1 et 2 juillet 2000
Propos recueillis par Alexis Lacroix
Alexis Lacroix : Vous évoquez Joschka
Fischer et son plan européen. Que pensez-vous du volontarisme politique de sa
proposition ?
Rudolf von Thadden : Le plan de Fischer
est à la fois visionnaire et pragmatique. Il
est patent que le ministre des Affaires
étrangères voit bien plus loin que la présidence française de l'Union européenne. Il
pense en fait déjà aux prochaines étapes.
D'un côté, Fischer ouvre un large débat sur
la société postnationale. D'un autre côté, il
prend au sérieux la réalité des ÉtatsNations actuels. Je dirais qu'en fait, avec
cette proposition, Fischer se met en phase
avec la génération des Verts et de la
gauche allemande en général, composée
de personnes nées après la Seconde
Guerre mondiale, qui inclinent vers un
mode de pensée postnational. Voilà pour le
côté visionnaire. En ce qui concerne le
volet pragmatique de son plan, il se caractérise par la volonté, affichée par Fischer,
de ne pas réaliser tout d'un seul coup.
Fischer reprend à son compte, de manière
significative, l'idée d'une Europe à deux
vitesses ; ce faisant, il assigne un rôle spécifique au couple franco-allemand.
A. L. : Le couple franco-allemand a le rôle
moteur…
R. v. T. : Oui, car, quand il parle à son
sujet de « centres de gravité », Fischer
entend à peu près la même chose que
Jacques Chirac avec l'expression
« avant-garde ». C'est très pragmatique,
car c'est la proposition d'une unification
européenne par étapes.
R. v. T. : En effet, pour moi, le couple franco-allemand est bien plus qu'un simple
moteur. Le partenariat de deux nations
comme les nôtres a un sens en soi. Les
cultures de l'Allemagne et de la France
sont à la fois très différentes et très complémentaires. Parce qu'elles sont différentes, elles ont plus de facilité à penser
de concert les conflits et les antagonismes
et à essayer de les résoudre. C'est la raison pour laquelle la politique de l'unification européenne ne peut fonctionner que
dans la mesure où les Français et les Allemands arrivent à trouver un compromis.
J'aime à penser que Fischer ne récuserait
pas une telle compréhension des choses.
A. L. : Quelles leçons tirez-vous de la visite de Jacques Chirac en Allemagne ?
R. v. T. : La visite de Jacques Chirac a,
tout ensemble, une valeur symbolique et
une signification politique immédiate. La
signification symbolique tient au fait que
Chirac est le premier chef d'État étranger
à rendre une visite officielle à la capitale
de l'Allemagne réunifiée. Ce faisant, il
exprime l'assentiment de la France à la
réunification des deux parties longtemps
divisées de l'Allemagne. Chirac, par
ailleurs, manifeste sans ambiguïté qu'il ne
s'inscrit plus dans la tradition de Richelieu,
cette lignée de politiciens français soulignant l'utilité d'avoir pour voisin une Allemagne divisée. Le discours de Chirac
devant le Reichstag a donné une impulsion majeure à la construction de l'Europe, en n'hésitant pas à poser les bases
des débats politiques à venir et en prenant l'initiative d'une construction de l'Europe dans le cadre du couple franco-allemand. Jacques Chirac a donné les gages
d'une forte solidarité franco-allemande.
Pour moi, c'est l'essentiel.
A. L. : Doit-on cependant limiter la coopération franco-allemande au rôle de
moteur de la construction européenne ?
A lui réserver une fonction mécanique, ne
risque-t-on pas de l'« instrumentaliser » ?
Rudolf von Thadden, professeur émérite à l’Université de Göttingen, est Coordinateur
de la coopération franco-allemande.
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GERHARD SCHRÖDER :
Extrait du Figaro du 17 juillet 2000
Propos recueillis par Jean-Paul Picaper
Jean-Paul Picaper : Que pensezvous des visions de l'Europe de
Joschka Fischer et de Jacques
Chirac ?
une identité. Cette question de la
présidence européenne est, selon
moi, une parfaite illusion.*
Gerhard Schröder : Ce qu'a dit mon
ministre des Affaires étrangères est
très important. Il a réfléchi à ce qu'on
appelle la finalité de l'Europe. Puis
Jacques Chirac a prononcé en Allemagne un grand et remarquable discours.
J.-P. P. : Au sommet européen de
décembre prochain, vous devrez
résoudre la question de la repondération des votes au Conseil européen.
Souhaitez-vous qu'on tienne compte
de la démographie de l'Allemagne,
pays le plus peuplé de l'Union avec
ses 83 millions d'habitants ?
Il s'agit maintenant de progresser en
direction de ces deux visions. Ce qui
veut dire que l'Allemagne mettra
toutes ses forces, ces prochains
mois, à faire de la présidence française de l'Union un succès. Dans ce
cadre, il faudra régler les reliquats
d'Amsterdam et résoudre à mon avis
la question de la flexibilité.
J'ai pris également connaissance de
la récente proposition de mon
ministre des Affaires étrangères d'instituer un président européen. Là,
n'oubliez pas qu'il n'est pas seulement ministre, mais aussi l'un des
leaders d'un parti Vert qui se cherche
G. S. : Dans une Europe élargie, les
grands pays ne devraient pas être
mis en minorité. Si vous me demandez ce que veut l'Allemagne, naturellement, nous attirerons l'attention sur
le fait que la pondération des voix a
son importance. Mais je crois que
cette question du poids des voix est
plus une affaire politique que mathématique. Et parce que c'est un problème politique, je suis certain que nous
allons le résoudre durant la présidence française.
* Mis en gras par la Rédaction
Gerhard Schröder, député au Bundestag et Chancelier de la République fédérale
d’Allemagne. Président fédéral du SPD.
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SANS ENTENTE FRANCO-ALLEMANDE
L'EUROPE VÉGÈTE
DOSSIER
DANIEL VERNET
L
es relations franco-allemandes ont été souvent marquées par des paradoxes et la relance du printemps 2000 n'échappe pas à cette règle. Premier paradoxe : la coopération s'est remise à fonctionner au moment
où on s'y attendait le moins, après des mois, pour ne pas dire des années, de
stagnation, sans crise majeure certes, mais sans élan particulier. Deuxième
paradoxe : la relance est intervenue simultanément avec le discours de Joschka Fischer sur la finalité de l'Europe sur lequel les esprits sont divisés, à Paris
comme à Berlin. Autrement dit, la France et l'Allemagne ont réaffirmé leur
engagement commun en faveur de l'intégration européenne alors que les deux
pays développent des visions parfaitement différentes de cette Europe.
Des visions différentes
Et ce n'est pas parce que Jacques Chirac a fait, devant le Bundestag, un discours plus allant que celui de Lionel Jospin devant l'Assemblée nationale, qu'il
est pour autant d'accord avec la vision fédéraliste du ministre allemand des
Affaires étrangères. Le président de la République a, avec une grande habileté
politique, occupé le vide laissé par le gouvernement en matière européenne,
mais débarrassées de la solennité du Reichstag modernisé par Norman Forster, ses propositions restent modestes. Elles font penser à une réédition du plan
Fouchet de 1961, avec sa coopération entre gouvernements et son secrétariat
pour coordonner le tout. Quant au ministre français des Affaires étrangères, il
ne laisse passer aucune occasion de déclarer son amitié pour Joschka Fischer
(sa sincérité n'est pas en doute) tout en exprimant ses désaccords avec la
quasi-totalité des propositions que son collègue allemand a présentées. « On
ne peut pas être pour ou contre le discours de Joschka Fischer, a déclaré
Hubert Védrine, en présentant son livre de dialogues avec Dominique Moïsi,
Les Cartes de la France à l’heure de la mondialisation (Voir p. 54) ; c'est un discours attrape-tout qui est venu à un moment opportun pour l'Allemagne ».
Comment expliquer alors que la relance de la coopération franco-allemande,
scellée lors du séminaire qui a réuni le 19 mai 2000 Jacques Chirac, Lionel
Jospin, Gerhard Schröder et leurs proches collaborateurs, au château de
Rambouillet, ait suivi de quelques jours le discours pour le moins perturbateur
de Joschka Fischer à l'Université Humboldt de Berlin ? Il y a une raison
conjoncturelle : la fin de la conférence intergouvernementale, prévue sous présidence française, à Nice, les 7 et 8 décembre. Paris et Berlin sont intéressées
à un succès de la réforme institutionnelle, condition préalable indispensable
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au futur élargissement. Il y a une raison plus durable : les dirigeants français
et allemands ont redécouvert une vérité élémentaire de la politique européenne ; sans entente entre eux, l'Europe végète donc régresse. Leurs illustres prédécesseurs avaient fait la même expérience. On s'étonnera seulement qu'il ait
fallu aussi longtemps à Jacques Chirac et Lionel Jospin, dans des conditions
différentes, et à Gerhard Schröder après ses rêves de ménage à trois avec
les Britanniques, pour revenir à cette règle de base. Il y a enfin une raison plus
fondamentale : l'Union européenne est à la veille d'un élargissement vers l'Europe centrale et orientale qui entérinera le changement de la donne stratégique
sur le vieux continent depuis la chute du communisme. Quel impact cet élargissement aura-t-il sur une Europe qui s'était développée pendant trente ans
à l'abri du rideau de fer ?
Chacun apporte des réponses différentes mais tout le monde se pose la même
question. C'est celle qu'avaient soulevée dès 1994 Wolfgang Schäuble et Karl
Lamers dans leur célèbre texte. Leur appel était tombé à plat parce qu'ils
étaient en avance non sur les faits, mais sur la conscience que les Européens
avaient des bouleversements intervenus quelques années plus tôt. En
revanche, le discours de Joschka Fischer n'est pas « venu à un moment opportun » seulement pour l'Allemagne mais aussi opportun pour l'Europe. Cette
fois, la discussion n'est pas retombée ; au contraire elle a rebondi, avec des
contributions venues d'horizons divers, qui d'ailleurs, pour certaines d'entre
elles, étaient en préparation depuis des mois (projet de constitution européenne Juppé-Toubon). Elle ne devrait pas s'éteindre. On annonce même une
contribution de Tony Blair avant la fin de l'année et à Nice, la pression sera
très forte pour que soient décidées les modalités d'une discussion sur cette
fameuse « finalité » de l'Europe.
Rendez-vous à Nice
La condition est que les trois points (quatre avec les coopérations renforcées)
à l'ordre du jour institutionnel du Conseil européen de Nice soient réglés avec
succès. Français et Allemands ont déclaré qu'ils feraient tout pour arriver à un
accord. Ils n'ont pas encore les mêmes positions sur tous les points mais ils
sont d'accord pour se mettre d'accord. C'est déjà beaucoup. Ils semblent
même d'accord pour qu'un des sujets les plus controversés – l'octroi à l'Allemagne d'une place spéciale dans la pondération des voix au Conseil, liée à
son poids démographique – ne devienne pas la cause d'un échec, quelle que
soit la solution choisie : bonus pour l'Allemagne ou maintien au même niveau
des quatre « grands » (France, Allemagne, Grande-Bretagne, Italie).
A moyen terme, les positions des uns et des autres sont encore très éloignées.
Dans la bonne tradition européenne, elles vont du fédéralisme le plus classique, lié à la supranationalité, à l'intergouvernemental le plus gaullien, type
« Europe des patries ». Ces présupposés ont bien sûr des conséquences sur
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le sort réservé à la Commission, au Parlement, au Conseil européen et sur
l'éventuelle création d'un poste de président de l'Union.
Toutefois, on peut aussi se demander si ces divergences n'appartiennent pas
au passé ; si une synthèse entre le communautaire et l'intergouvernemental,
ou le dépassement de cette opposition, n'est pas aujourd'hui possible. Un
consensus ne serait pas très difficile sur quelques idées simples : premièrement, la juxtaposition d'une Commission et d'un Conseil européen exerçant
tous les deux des pouvoirs exécutifs conduit à une confusion croissante ;
deuxièmement, un Parlement européen devrait comprendre deux chambres,
l'une représentant les citoyens, l'autre les États ; troisièmement, l'Europe
souffre d'un déficit de représentation qui devrait être comblé par la désignation
d'une personnalité incarnant l'Europe ; enfin le contrôle, donc la participation
des citoyens, dépend aussi d'un partage des rôles entre les divers niveaux de
responsabilité, européen, national, régional. C'est plus vite dit que fait car une
telle définition des prérogatives de chacun ouvre un débat non seulement entre
l'Union et les États-membres, mais au sein même de ceux-ci. (1)
En tout cas, les défis sont clairs. Des réponses sont sur la table. La décision
n'appartient pas seulement aux Français et aux Allemands. Et pourtant le
débat de ces derniers mois le montre, ils sont appelés à y jouer une part
essentielle.
■
(1) Le débat engagé fin juillet en France à la suite des réformes proposées pour la Corse en vue d’un élargissement général des pouvoirs et compétences des régions montre l’importance de la réflexion présentée ici par
Daniel Vernet. (N.d.l.R.)
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LA FRANCE ET LES FRANÇAIS
VUS PAR LES ALLEMANDS
SONDAGES
DOSSIER
H.M.
A
l'occasion de la visite d'État de Jacques Chirac à Berlin, Die Zeit a
publié le 21 juin 2000 (N° 16, p. 11) un sondage sur l'image que les
Allemands se font de la France et des Français et une série d'articles
sur notre pays. L'hebdomadaire de Hambourg ne brosse pas « le portrait de
la vieille France mais de la France moderne » explique son directeur Roger
de Weck. Certes des préjugés demeurent : « La France aurait le savoir-vivre
et l'Allemagne le savoir faire. Là l'art de vivre et ici les mérites ? Mais l'économie française réussit bien et il faut faire redécouvrir la France. Elle est différente de ce qu'elle était, et différente de ce que beaucoup d'Allemands imaginent. » Klaus-Peter Schmid, ancien correspondant de Die Zeit à Paris, ne
reconnaît pas Nantes où il a fait un stage à la préfecture, trente ans plus tôt.
La France apparaît dans ces articles comme un pays jeune, dynamique, performant, ouvert sur le monde extérieur, sans pour autant renoncer à ses traditions et ses spécificités. Roger de Weck, de nationalité suisse, rappelle que
la France garde quelques ennemis en Allemagne, comme Rudolf Augstein,
l'éditeur du Spiegel.
Les principales données du sondage montrent que les Français restent toujours
des jouisseurs (Geniesser), conscients de leurs traditions, mais ils sont cordiaux, pleins d'esprit, nationalistes, tout en étant ouverts sur le monde. Les
Allemands ont une image sympathique de la France (très et plutôt
sympathique : 82,9 %), mais ils trouvent que les Français sont indifférents à
leur égard (43,7 %). L'Italie et l'Espagne, pays du soleil, attirent plus les Allemands que la France qui vient en troisième position devant l'Autriche, les
États-Unis et la Grande-Bretagne. Le TGV incarne le progrès technologique
à la française, largement devant l'agriculture et l'industrie nucléaire. L'industrie automobile et surtout les techniques françaises de l'environnement ne sont
pas bien considérées outre-Rhin.
La France est un pays où vivent de nombreuses personnes créatrices, qui s'est
beaucoup modernisé, qui a contribué tout particulièrement à la construction
de l'Europe et à la protection des droits de l'Homme. Les Allemands souhaitent
coopérer plus étroitement avec la France dans tous les domaines essentiels,
la lutte contre la criminalité, la protection de l'environnement et la sécurité
des produits alimentaires venant en tête – trois secteurs qui relèvent d'une
conception très large de la sécurité.
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Synthèse des résultats du sondage
I - Les qualités des Français (%)
1. jouisseurs
2. conscients de leurs traditions
3. cordiaux
4. pleins d'esprit
5. nationalistes
6. ouverts au monde
7. européens
8. pour le progrès
9. tolérants
10. fiables
11. élitaires
12. orgueilleux
13. superficiels
14. froids
ne sait pas
96,6
92,8
81,4
80,4
80,3
71,8
71,5
68,7
66,5
49,3
46,4
28,9
25,4
17,5
0,4
II - Votre opinion personnelle sur les Français (%). Ils sont…
1. Plutôt sympathiques
2. Très sympathiques
55,5
}
}
27,4
}
3. Moins sympathiques
7,9
4. Pas sympathiques
1,1
}
}
}
Ne sait pas
82,9
9,0
7,2
III - Quel est selon vous le rapport des Français aux Allemands ? (%)
1. Les Français sont plutôt indifférents vis-à-vis des Allemands
2. Les Français trouvent les Allemands plutôt antipathiques
3. Les Français trouvent les Allemands plutôt sympathiques
Ne sait pas
Pas d'indications
43,7
25,6
25,3
4,3
1,2
IV - Les deux pays dont vous vous sentez le plus proche ? (%)
1. Italie
2. Espagne
3. France
4. Autriche
5. États-Unis
47
46,2
36,4
35,1
30,4
23,7
6. Grande-Bretagne 13,9
7. Russie
7,3
Ne sait pas
0,7
Pas d'indications 0,6
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V - Dans quel domaine considérez-vous que la France incarne particulièrement le progrès sur le plan technologique ? (%)
1. TGV
2. Agriculture
3. Industrie aéronautique
et spatiale
4. Industrie nucléaire
5. Industrie automobile
6. Technologie médicale,
génétique
7. Techniques de
l'environnement
oui
non
72,4
57,1
16,7
28,8
51,0
45,9
44,5
36,2
40,4
50,4
33,4
37,5
28,0
56,1
VI - Domaines dans lesquels la France et l'Allemagne devraient
coopérer étroitement à l'avenir (%)
1. Lutte contre la criminalité
2. Protection de l'environnement
3. Sécurité des produits alimentaires
4. Recherche et technologie
5. Politique de sécurité
6. Politique économique
7. Politique étrangère
8. Politique sociale
9. Politique des réfugiés
10. Élargissement vers l'Est
96,5
95,0
94,0
92,7
91,3
91,1
90,5
80,5
75,0
72,0
Sondage réalisé par EMNID pour l'hebdomadaire Die Zeit, l'Ambassade de France en
Allemagne et la chaîne de télévision publique Phoenix.
Réalisé du 25 mai au 9 juin 2000 par téléphone auprès de 1.000 Allemands de plus
de 14 ans.
Les chiffres complets dans Internet :
www.zeit.de/links - www.botschaft-frankreich.de
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DES FRANÇAIS TRÉS EUROPÉENS
Selon un sondage exclusif CSA-Libération-France 3 (France Europe Express)
réalisé du 15 au 17 juin 2000 auprès d'un échantillon de 1.000 personnes
âgées de 18 ans et plus (méthode des quotas), les Français se montrent très
favorables à l'Europe. Ils identifient celle-ci surtout au maintien de la paix en
Europe (55 %) et à la défense des droits de l'Homme (42 %). Ils estiment que
l'Europe est plus efficace que le gouvernement français pour des dossiers
comme l'environnement (59 %) et la fiscalité (52 %). Ils trouvent que les intérêts de la France à Bruxelles sont plutôt bien défendus (62 %) que mal (31 %).
Les Français souhaitent de plus en plus une accélération de l'unification européenne (70 %). Ils sont très favorables à la construction de l'Europe, enthousiastes : 12 % ; favorables : 47 % (sceptiques : 35 %). Ils plébiscitent l'idée de
mettre en place des objectifs concrets comme la baisse du chômage (96 %).
Ils sont favorables à la prise de décision à la majorité absolue (67 %) plus qu'à
l'unanimité. Ils approuvent à 61 % l'idée que certains pays avancent dans la
construction européenne sans attendre les autres (opposés : 37 %).
Les Français approuvent à 65 % la mise en place de l'euro (30 % y sont opposés) et à 66 % l'élection directe du président de l'Union européenne. Ils sont
favorables (62 %) à l'élargissement de l'Europe (opposés : 36 %) mais ils rejettent fermement l'entrée de la Russie (61 %), de l'Ukraine (53 %) et de la Turquie (52 %). Ils font autant confiance à Jacques Chirac (64 %) qu'à Lionel Jospin (62 %) pour construire l'Europe.
Nathalie Dubois et Jean Quatremer commentent ainsi dans Libération (26 juin
2000) les résultats de ce sondage : « La France est proche de l'eurobéatitude ! Après plusieurs années de méfiance, voire de désamour, les Français
ont renoué avec la construction européenne et s'enflamment pour les aventures de l'Union. Qu'ils soient de gauche ou de droite. Cette attitude favorable
peut s'expliquer par la reprise économique. Ils veulent une Europe qui avance, qui court même. » Libération estime que le gouvernement Jospin, dominé
par les « euroréalistes » est pris à revers par ce changement d'état d'esprit
de l'opinion publique « qu'il n'a manifestement pas anticipé. Jacques Chirac
l'a mieux perçu en accueillant chaleureusement le discours de Joschka
Fischer… »
■
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CHALONS-NEUSS,
UN JUMELAGE RÉUSSI
DOSSIER
BRUNO BOURG-BROC
T
ous les colloques – et Dieu sait s'ils sont nombreux – consacrés aux
rapports franco-allemands, tous les sommets, tous les efforts des uns
et des autres pour approfondir l'amitié franco-allemande et l'évolution
de ce couple franco-allemand, à propos duquel on a usé et abusé de métaphores conjugales, seraient sans doute de bien peu d'effet s'il n'y avait à la
base, pratiqués par des milliers de communes en France et en Allemagne, des
jumelages qui ont créé des liens solides, personnels et durables entre citoyens
de nos deux pays.
Je me souviens de cette vieille dame de près de 80 ans – c'était ma mère –
qui, à l'occasion de son premier vrai voyage hors de nos frontières, découvrit
un jour à Neuss que les Allemands pouvaient ne pas être des « boches » ; elle
qui les avait connus chez elle, et en 1914 et en 1940, et qui estimait même
qu'ils étaient plutôt symphatiques, plutôt accueillants. L'absence de connaissance réciproque de la langue n'était même pas, dans le cas précis, un obstacle à des échanges, il est vrai superficiel, mais qui viennent sinon fonder,
du moins conforter les échanges culturels, politiques et économiques qui se
déroulent à un autre niveau.
Le jumelage de commune à commune est sans doute un des aspects les plus
traditionnels mais aussi l'un des plus forts et nécessaires pour l'avenir du
couple franco-allemand.
A cet égard, l'histoire du jumelage de Neuss, ville de 140.000 habitants en
Rhénanie du Nord-Westphalie dans la banlieue de Düsseldorf, et de Châlonssur-Marne, redevenu Châlons-en-Champagne en 1998, préfecture de la
Marne et de la région Champagne-Ardenne (50.000 habitants, communauté
d'agglomération 70.000 habitants) mérite d'être citée car elle illustre au travers
de son exceptionnelle réussite ce que peuvent être les rapports de deux cités
de part et d'autre du Rhin.
Au départ de ce jumelage, la rencontre amicale de deux hommes, les maires
des deux villes, en 1971, mis en rapport par un étudiant allemand venu en
France et le constat que « dans les structures politiques, sociales et économiques, nos deux villes ont beaucoup de points en commun ».
En septembre 1972 est signé à Châlons un protocole d'amitié après sa signature en juin 1972 à Neuss.
Le jumelage « décolle » en 1974 avec des rencontres sportives à Châlons,
des échanges de personnel communal à Neuss et à Châlons, des échanges
scolaires. De nombreux échanges ont lieu depuis lors dans de multiples
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domaines. Et il faut souligner la permanence, la multiplicité de ces échanges
qui n'ont cessé depuis bientôt près de trente ans.
Année après année des chorales montent des concerts en commun et ce n'est
pas rien d'entendre en juin à Neuss deux cents choristes et musiciens interpréter le programme (et qui dit interpréter veut dire répéter) qu'ils présenteront
ensuite en octobre dans la basilique de Notre-Dame-de-Vaux, récemment inscrite au Patrimoine mondial de l'Humanité à Châlons.
Année après année les clubs sportifs se mesurent dans les deux villes et
vivent en commun des troisièmes mi-temps animées ici au champagne et
là-bas à la bière.
Année après année des sapeurs-pompiers se rencontrent et échangent
conseils, techniques et simplement fêtent en commun leur dévouement au service de nos populations ou organisent un rallye en bicyclette entre nos deux
villes (400 kms de distance seulement, mais il faut quand même le faire).
Année après année les scolaires de plusieurs établissements – 7 lycées, 8 collèges et près de 50 écoles à Châlons – échangent correspondance et correspondants sans que pour autant, il faut néanmoins le signaler, l'apprentissage
de la langue de l'autre soit beaucoup plus importante qu'ailleurs. Encore qu'il
faille signaler que la fréquence des échanges comme la présence d'entreprises allemandes nous ait amené à Châlons à mettre en place une filière d'enseignement international. Mais à Neuss comme à Châlons « l'anglomania »
fait des ravages sans que les déclarations ou conventions conclues à Weimar
ou à Paris soient suivies d'effets significatifs. Quand donc comprenda-t-on ici
en particulier que la défense de la francophonie, la défense de nos identités
passe par l'apprentissage de plusieurs langues étrangères et que l'étude de
l'anglais seulement est réductrice également en matière d'ouverture au
monde ? Si l'on ne veut pas arriver à des rapports de sourds et muets entre
deux nations amies, il faut vraiment faire de gros efforts en ce domaine et
mettre en pratique les orientations du Traité de l'Élysée. Rien n'est plus choquant que des Allemands et des Français se parlant en anglais ou pire encore
que des Allemands se parlant entre eux en anglais dans un conseil d'administration. Il va sans dire que la remarque vaut pour le cas de figure, de plus
en plus fréquent hélas, semblable en France.
Tous les secteurs d’activité sont concernés
Pour revenir à nos échanges entre Novésiens et Châlonnais nous pourrions
résumer la situation en disant qu'il n'est pratiquement pas un secteur d'activité
où on ne pense pas à l'autre en lançant une nouvelle action.
Les échanges de formation au sein des deux collectivités demeurent fréquents, même s'ils sont limités par la langue ; les échanges commerciaux sont
restés certes symboliques mais non sans intérêt et Neuss est fréquemment
présente sur la foire-exposition de Châlons, qui chaque année en septembre
reçoit 170.000 visiteurs.
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Les formations politiques des deux villes se rencontrent et lorsque je fus élu
député en 1982, un des premiers messages de félicitations reçus suivi d'une
invitation fut celui de mon homologue le docteur Hüsch qui vint lui-même et à
plusieurs reprises dans notre ville exposer les problèmes politiques allemands
et plus tard le sens de la réunification.
Au-delà du jumelage officiel des deux villes, les membres de la Croix-Rouge
se sont jumelés, les fanfares et harmonies également, sans se contenter de
déclarations ou de chartes.
C'est chaque année ou presque que ces diverses catégories se rencontrent
dans des weeks-ends de détente. Une rue de Neuss à Châlons, une rue de
Châlons à Neuss sont évidemment des symboles forts, dont l'inauguration fut
chaque fois l'occasion de manifestations populaires copieusement arrosées.
Et chaque année le carnaval ou la célèbre fête des tireurs de Neuss sont l'occasion de déplacements de dizaines, voire de centaines de Châlonnais sur les
bords du Rhin.
Si l'on ajoute que chaque anniversaire « fort » du jumelage (dix, quinze, vingt,
vingt-cinq et bientôt trente ans) est l'occasion de célébrations où, aux cérémonies officielles s'ajoutent pavoisement des vitrines, des immeubles et des
fêtes populaires, on peut parler d'une très grande réussite ancrée dans les
cœurs autant que dans les têtes.
Il est un secteur où l'échange est particulièrement réussi : celui des seniors. La
disponibilité des uns et des autres et le nouvel engouement pour les voyages
des personnes du troisième âge ont permis la multiplication des séjours (courts,
moyens ou longs) des uns chez les autres ; et mieux encore maintenant nos
seniors organisent en commun des séjours sur la Côte d'Azur ou en Bavière.
Si l'on ajoute que communauté protestante comme communauté catholique
ont des contacts et qu'il arrive de pouvoir assister à la messe à Saint-Quirin
célébrée par un prêtre chalônnais qui prononce son homélie en allemand, on
verra que la panoplie des échanges est quasi complète.
Une si belle histoire d’amour
On l'aura bien compris, de Neuss et de Châlons-en-Champagne, on pourrait
dire « pourquoi elle, pourquoi moi ? » et cette belle histoire d'amour, commencée dans les années soixante-dix, ne demande qu'à se poursuivre. Elle peut
certes connaître, comme tous les couples, des moments difficiles et il est vrai
qu'aujourd'hui les plus jeunes, Allemands ou Français, semblent parfois faire
montre de moins d'enthousiasme que leurs aînés, mais elle est sûrement
appelée à durer et, j'espère, à se développer davantage encore.
En 1972, le maire de Neuss, Monsieur Karrenberg, disait : « l'unification de
l'Europe n'est pas en définitive l'affaire des gouvernements, des comités, des
commissions : C'est l'affaire des peuples eux-mêmes. » En réponse, ravi par
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l'accueil chaleureux et bon enfant des Novésiens, le maire de Châlons, Monsieur Degreave, déclarait : « C'est une fête de famille ».
Et c'est bien de cela qu'il s'agit. Tous les jours, les Novésiens s'appliquent à
démentir le poète Hölderlin, pour lequel « les Allemands sont riches en pensée
mais pauvres en actes. » Nous essayons les uns et les autres d'enrichir quotidiennement notre vie « familiale ».
A l'heure où ces lignes sont écrites, une magnifique exposition de photos de
deux artistes de Neuss décore le hall de l'hôtel de ville de Châlons. Dans
quelques jours, nous accueillerons aussi des Journées internationales de la
Jeunesse au cours desquelles jeunes Allemands, Anglais, Bulgares, Burkinabais et Canadiens rencontreront de jeunes Châlonnais. Les jeunes Novésiens
présenteront, réciteront des poèmes de Chamisso, symbole s'il en est, d'une
alliance culturelle franco-allemande, devant le public châlonnais.
On peut théoriser l'Europe. On peut théoriser la paix. Au travers de ce jumelage nous avons la conviction de les bâtir, l'une et l'autre.
■
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LIVRES RÉCENTS SUR
LA COOPÉRATION FRANCO-ALLEMANDE
DOSSIER
HUBERT VÉDRINE :
Les cartes de la France à l'heure de la mondialisation, dialogue avec
Dominique Moïsi, Paris, Fayard, 2000, 192 p.
Ancien secrétaire général de l'Élysée sous la présidence de François Mitterrand et ministre des Affaires étrangères du gouvernement Jospin, Hubert
Védrine est un fin connaisseur de la politique étrangère française et des relations internationales comme le montrait son livre très remarquable Les Mondes
de François Mitterrand (Fayard,1996, 788 p.). Directeur-adjoint de l'Institut
français des Relations internationales et rédacteur en chef de Politique étrangère, Dominique Moïsi compte parmi les meilleurs experts français des relations internationales. La qualité des deux auteurs ne donne que plus de prix
à ce dialogue d'une haute tenue, publié au moment où la France prend la présidence de l'Union européenne.
Il ne s'agit pas d'un entretien de complaisance, destiné à mettre en valeur une
personnalité ; Dominique Moïsi pose des questions pertinentes et pousse parfois le ministre dans ses derniers retranchements, les désaccords ne sont pas
masqués. Après la fin de la guerre froide et du monde bipolaire américanosoviétique, il est instructif de voir comment Hubert Védrine analyse ce qu'il
appelle le monde « global » avec ses 189 États, un monde dominé par les
États-Unis, la seule et unique hyperpuissance. Aussi les relations avec ce pays
demeurent-elles toujours sensibles. Malgré la Politique européenne et de
sécurité commune (PESC) et les avancées de l'intégration européenne,
Hubert Védrine croit fermement au maintien et à l'utilité des politiques étrangères nationales et au rôle particulier de la France.
Les relations franco-allemandes ne sont que brièvement évoquées (p. 98100). Le ministre explique qu'il préfère parler du « moteur » franco-allemand
et non du « couple », « trop introverti ». Il confirme l'existence de difficultés
entre la France et l'Allemagne au cours de la première année du gouvernement Schröder, suivies d'une vraie relance à partir de l'automne 1999. Les
deux pays restent au cœur de la construction européenne. Le passionnant
chapitre « Éthique et réalisme » donne l'impression que le réalisme tempère
fortement l'éthique du ministre, à tel point que Dominique Moïsi se demande
si une telle attitude ne risque pas de justifier le statu quo et de bloquer toute
réforme du droit international. Dominique Moïsi maintient qu'« il est réaliste
d'être moral, et non pas moral d'être réaliste » (p.179).
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Hubert Védrine se déclare optimiste : « La France est un grand pays. Elle ne
va pas se dissoudre dans un magma mondial ni même européen. Elle a en
mains d'excellentes cartes » qui lui permettent de contribuer de façon décisive
« à une meilleure organisation du monde » et « au renforcement de l'Europe »
(p. 183). Sa passion, « c'est de faire de la politique étrangère de la France en
action le lieu où s'opère la synthèse de l'expérience historique, du réalisme le
plus aguerri, des exigences morales les plus fortes et les plus neuves des
novations technologiques et méthodologiques, des principes et des actes, de
la mémoire et de la vision » (p. 189).
HANS STARCK, dir. :
La politique étrangère de la nouvelle Allemagne, Paris, IFRI, 2000,
158 p. (Les Cahiers de l'IFRI, N° 30)
Dans la première des cinq contributions, Eckhard Lübkemeier (directeur
d'études à la Fondation Friedrich Ebert) étudie la politique étrangère et la politique de sécurité de l'Allemagne depuis l'unification de 1990 et après le retrait
d'Helmut Kohl ; malgré les changements, la continuité s'est imposée grâce à
l'ancrage à l'Ouest et une sage conception de l'intérêt national. Berthold Meyer
(Maître de recherche à la Fondation de recherche de la Hesse sur la paix et
la prévention des conflits) traite de la guerre du Kosovo et de la présidence
allemande de l'Union européenne (premier semestre 1999) et des raisons de
la réussite de Joschka Fischer comme ministre des Affaires étrangères. HansGeorg Ehrhardt (directeur de recherche à l'Institut de recherche sur la paix et
la politique de sécurité/Université de Hambourg) examine la politique et les
résultats de Rudolf Scharping, SPD, comme ministre fédéral de la Défense ;
à propos de la Bundeswehr, il se demande si le gestionnaire saura se transformer en véritable réformateur. Paul Klein (directeur scientifique à l'Institut des
Sciences sociales de la Bundeswehr) et Christophe Pajon, ancien stagiaire de
ce même institut, se penchent sur l'avenir des forces armées en Allemagne ;
ils pensent que le gouvernement devrait « accélérer le processus de la transformation de la Bundeswehr en une armée de métier ».
Hans Starck (secrétaire général du Comité d'études des relations francoallemandes à l'IFRI) s'interroge sur l'état des relations franco-allemandes :
nouveau départ ou enlisement ? Il dresse un bilan nuancé de l'ère Kohl, il
montre que l'Europe a été à la fois un sujet de consensus et de désaccord
depuis 1998, la relation avec Tony Blair venant compliquer la vie du couple
franco-allemand. Après les tensions de janvier à septembre 1999, le dialogue a repris en donnant de nouvelles impulsions à l'Europe. La volonté de
coopérer s'est imposée là aussi.
Des éclairages pertinents qui rendent intelligibles les raisons de la continuité.
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Ministère de la Défense, Secrétariat général pour l'Administration,
Centre d'études en sciences sociales de la Défense et Centre d'Études d'histoire de la Défense :
Bilan et perspectives de la coopération militaire franco-allemande de
1963 à nos jours. Bilanz und Perspektiven der deutsch-französischen
Zusammenarbeit von 1963 bis heute, Actes du colloque tenu à Paris les 2
et 3 novembre 1998, Paris, ADDIM, 1999, 306 p. (Association pour le développement et la diffusion de l'information militaire - 6, rue Saint Charles, 75015
Paris)
A l'initiative de Maurice Waisse, Directeur du Centre d'études en sciences
sociales de la Défense, ces Actes, publiés sous un titre un peu trop long, reproduisent les exposés de 22 experts, universitaires et acteurs de la coopération
militaire franco-allemande, donnant sur un sujet fort complexe une bonne vue
d'ensemble.
Une première série de textes porte sur le traité de l'Élysée et sa mise en œuvre.
On lira avec profit ceux de Georges-Henri Soutou (professeur à Paris IV) sur les
arrière-plans stratégiques du traité, de Daniel Colard (Besançon) sur « limites
et perspectives de la coopération depuis 1963 » et de Pierre Jardin sur « Les
sommets franco-allemands depuis 1963 ». Les contributions sur le rapport à
l'OTAN et sur l'attitude américaine valent aussi une lecture attentive.
Les désaccords sur la politique de défense et de sécurité font l'objet de solides
études de cas ; elles sont toutes dues à des auteurs allemands. Elles portent
sur le réarmement allemand, sur les questions stratégiques (Helga Haftendorn), les difficultés de la PESC (politique étrangère et de sécurité commune)
et sur l'irritante question de la dissuation. La genèse de l'Eurocorps et la politique allemande de maintien de la paix complètent cette partie.
Malgré les désaccords fondamentaux sur l'OTAN et la dissuasion, la coopération franco-allemande dans le secteur de la Défense fonctionne bien pour
les échanges de personnels (coopération École de guerre/Führungsakademie
de la Bundeswehr), les exemples donnés étant fort significatifs. La coopération
en matière d'armements aurait mérité des développements plus substantiels.
Une information de base à lire de près au moment où les questions de défense
vont prendre une plus grande importance dans les relations franco-allemandes
et au sein de l'Union européenne.
WICHARD WOYKE :
Deutsch-französische Beziehungen seit der Wiedervereinigung.
Das Tandem fasst wieder Tritt (Les relations franco-allemandes depuis la
Réunification. Le tandem repart d'un pied ferme), Opladen, Leske + Budrich,
2000, 278 p.
Professeur à l'Institut de science politique de l'Université de Münster, Wichard
Woyke est connu comme spécialiste des relations internationales et il a beaucoup travaillé sur la politique extérieure française. En coopération avec
U. Andersen, il vient de publier la 4e édition revue de son excellent Handbuch
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des politischen Systems der Bundesrepublik Deutschland (chez le même éditeur, 764 p.).
Dans cette étude solidement documentée et de lecture assez facile, il traite
tout d'abord de l'importance des relations bilatérales dans le cadre de l'Europe
communautaire, de l'évolution des conceptions françaises et allemandes de
l'Europe, des interactions avec la guerre froide et des positions françaises à
l'égard de la réunification.
Après cette solide introduction, il étudie le rôle capital de la France et de l'Allemagne dans l'élaboration des traités de Maastricht et d'Amsterdam, il fait ressortir les changements avec le passage de F. Mitterrand à J. Chirac. Il montre
que la coopération n'exclut pas la confrontation dans des secteurs aussi sensibles que les rapports avec les pays de l'Est et avec les Balkans. Deux chapitres très fournis analysent la coopération économique et monétaire et la
coopération en matière de défense et de sécurité. Le livre s'achève par un bref
examen des rapports entre J. Chirac et G. Schröder et par des réflexions stimulantes sur les possibilités et les limites de la coopération franco-allemande
au début du XXIe siècle. En annexe une chronologie, quelque 70 pages de
documents et une bibliographie classée par ordre alphabétique.
Un instrument de travail bien conçu et à recommander pour comprendre l'ampleur des mutations intervenues depuis dix ans entre la France et l'Allemagne.
Une traduction française serait souhaitable.
■
H.M.
Dernières publications
. Études et Recherches, juillet 2000, N° 10, Jean-Louis Arnaud, Les Français et l’Europe - L’état du débat européen en France. (Notre Europe. 44, rue
Notre-Dame des Victoires, 75002 Paris - Tél. 01 53 00 94 40/41).
. Aktuelle Frankreich-Analysen, juillet 2000, N° 16, Joachim Schild,
Über Nizza hinaus. Deutsch-französische Debatten über die Zukunft der
EU. (Deutsch-französisches Institut, Aspergerstr. 34, D 71634 Ludwigsburg - Tél. 07141-93030).
. Politique étrangère, 2000, N° 2, revue de l’IFRI. Ample dossier sur la
politique étrangère de la France, les enjeux de la présidence française (Sylvie
Goulard) et les coopérations renforcées (Françoise de la Serre).
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