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NOTE n° 6 - Fondation Jean-Jaurès - 30 septembre 2008 - page 1
Le bipartisme
confirmé
Regard sur les cantonales
partielles de 2007-2008
Jean-Jacques Urvoas *
* Député socialiste
du Finistère, membre de
la commission des lois.
D
epuis l’élection le 6 mai 2007 de Nicolas Sarkozy à la Présidence de la
République, 55 élections cantonales partielles ont été organisées. Elles
étaient dues à 25 décès du conseiller général sortant (45 % des cas),
26 démissions (dont 21 pour cumul des mandats, soit 38 % du total) et 4 annulations diverses.
Plus de 664 000 électeurs inscrits répartis dans 39 départements étant concernés,
il est possible d’en faire un bilan, même s’il convient au préalable de rappeler le
particularisme de ces renouvellements partiels 1.
Ils sont, d’abord, limités dans leur étendue géographique et dans leur enjeu politique. En effet, le truchement du découpage électoral conduit à sous-représenter les
situations urbaines et, comme elles sont partielles, ces élections n’entraînent
généralement pas de modification dans la répartition du pouvoir inhérente à l’assemblée départementale. Dès lors, ces consultations sont appréhendées par l’électorat
comme des élections sans obligation ni sanction.
Ils nécessitent, ensuite, une double référence en raison du mode de scrutin. Le
renouvellement national des conseillers généraux se faisant par moitié tous les trois
ans, la comparaison doit donc se faire pour 14 cantons avec la consultation des
11-18 mars 2001 et pour 41 avec celle des 21-28 mars 2004. Cette pluralité des
termes de référence renvoie naturellement à des rapports de force très différents.
Au plan national, en 2001 où l’élection est couplée avec le rendez-vous municipal,
1. Jérôme Jaffré, Jean-Luc Parodi, « A la recherche d’un baromètre électoral », Pouvoirs, 6, 1978.
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confirmé
la gauche est au pouvoir et si la moyenne de ses candidats2 croît pour atteindre
46,3 % (c’est-à-dire trois points de plus qu’en 1994 dans les mêmes cantons), c’est
aux Verts (5,92 %) que cette progression est due. Cette petite brise permet le basculement de cinq Conseils généraux à gauche alors que la droite n’en gagne qu’un.
Cependant, globalement, la droite reste majoritaire en incluant l’extrême droite
(51,75 % dont 41,85 % pour le RPR, l’UDF, DL, le RPF et les divers droite).
En 2004, ce sont les régionales qui éclipsent la consultation, et les cantonales bénéficient du fort élan en faveur de la gauche revenue dans l’opposition nationale. Au
premier tour, les candidats de gauche totalisent 45,84 % des voix sans l’extrême
gauche (46,25 % si on l’ajoute) et 51,69 % au second. Majoritaire en suffrages et en
sièges, la gauche connaît son plus grand succès dans les scrutins locaux depuis les
cantonales de 1976, puisqu’elle emporte dix départements, ce qui lui permet ainsi
de prendre la tête de l’Association des Départements de France.
UNE ASTHÉNIE
CIVIQUE
Enfin, dernière spécificité constante, la participation y est rarement élevée. Et de
fait, avec 32,74 % de votants en 2007-2008, le niveau est faible. Il est du reste parfaitement comparable à celui enregistré lors des 57 cantonales qui se déroulèrent dans l’année qui suivit la réélection de Jacques Chirac en 2002 (32,24 %). Cette asthénie frappe
indistinctement les cantons urbains (21,26 % à Lyon 5, 22,8 % au Mans Nord-Ouest,
24,2 % à Rouen 5, 20,88 % à Saint Etienne Sud-Est 3) et ruraux (Clamecy 3 27,63 %,
Chatel-sur-Moselle4 27,63 %, Tomblaine5 26,58 %), avec naturellement un léger mieux
dans ces derniers où l’espace est plus aisément identifié et les candidats généralement
plus connus (avec les records pour deux cantons de Haute-Corse : Compolorio-diMoriani 70,29 % et Castifao-Morosaglia 86,38 %, suivis sur le continent par
Montagrier 6 69,12 % et Montaigu-de-Quercy7 69,61 %).
2. 9,8 % pour le PCF, 22,16 % pour le PS, 1,23 % pour le PRG, 0,67 % pour le MDC, 6,07 % pour les divers
gauche.
3. Nièvre.
4. Vosges.
5. Meurthe-et-Moselle.
6. Dordogne.
7. Tarn-et-Garonne.
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Tableau n° 1 :
Résultats en pourcentage des suffrages exprimés pour la France entière
2001 - 1er tour
Participation
Exg
PCF
PS
Dvg
Verts
Total gauche8
UDF – MoDem9
Div
Dvd
UMP 10
FN
Exd
Total droite11
65,48
0,65
9,8
22,16
7,97
5,92
46,5
9,19
10,94
17,23
15,43
6,94
2,96
42,56
2004 - 1er tour 2008 - 1er tour
63,91
2,99
7,79
26,25
7,3
4,09
48,42
4,76
6,81
11,36
20,95
12,13
0,36
44,77
64,88
0,38
8,82
26,74
8,1
4,17
48,20
4,42
6,15
17,1
23,57
4,83
0,15
45,65
Partielles 07-08
32,74
0,56
5,49
27,35
7,67
3,12
44,19
5,55
3,18
16,73
26,33
3,72
0,30
47,08
Ces précautions rappelées, l’échantillon est suffisamment vaste pour constituer un
matériau permettant de déceler d’éventuels mouvements électoraux, même d’une
ampleur modeste.
Relevons d’abord que l’offre électorale était forte : 277 candidats pour 55 cantons, soit
une moyenne de cinq par canton. Cette diversité est plus le fait de la gauche que de la
droite. Les composantes de la seule gauche parlementaire alignaient 132 candidats12
(47,65 % du total) dont 26 « divers gauche » quand celles de la droite n’en présentaient
que 82 (29,6 %). A l’évidence, si beaucoup prétendent déceler, depuis le 21 avril 2002,
une volonté unitaire de l’électorat de gauche, la réponse, elle, semble tarder…
Si évolution politique il y a, elle ne se lit pas dans les transferts de sièges puisque ces
élections sont marquées par une grande stabilité politique. Aucun Conseil général n’a
8. Cumul des voix de l’extrême gauche, du PCF, du PS, des Dvg et des Verts.
9. En 2001 et 2004, ce sont les résultats des candidats étiquetés UDF.
10. En 2001, ce sont les voix cumulées du RPR et de Démocratie Libérale.
11. Cumul des voix de l’UMP, des Dvd, du FN et des différents candidats d’extrême droite.
12. Dans le canton de Lyon 5, la situation est unique dans cette série de partielles, car le PS ne présentait pas de
candidat, il soutenait un adhérent du MoDem rallié à la majorité municipale de Gérard Collomb. Un ralliement
qui entraîna une candidature dissidente du PS et une autre du MoDem.
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changé de majorité13. La droite détenait 25 sièges, elle en totalise aujourd’hui autant
quand la gauche passe de 30 à 27. Pourtant, ces chiffres cachent des glissements à
l’intérieur de chaque camp (cf. tableau n° 2). Ainsi le détail fait apparaître que dans
14 cantons (soit 25 %), le conseiller général élu n’appartient pas à la même famille politique que le sortant.
Tableau n° 2 :
Evolution en sièges par famille politique
Gains
Pertes
Solde
Participation
PCF
PS
Dvg
Dvd
UMP
Div 14
1
0
1
7
2
3
0
-3
-2
-1
-7
0
+1
-3
+1
+6
-5
+3
En voix, logiquement en raison du caractère massif de la désaffection civique dont
témoignent ces élections, toutes les formations politiques subissent une chute importante. Mais les pertes ne sont pas également réparties.
Dans son ensemble, la gauche parlementaire (PS, PCF, PRG, Verts, divers gauche)
perd 57 322 électeurs, soit un recul de près de 60 % par rapport au total 2001-2004,
mais la droite parlementaire (UMP-Dvd) voit pour sa part s’évanouir 45 550 suffrages,
soit un recul légèrement plus marqué puisqu’il atteint 66 % par rapport aux scrutins de
référence.
Même les partis figurant aux extrêmes du spectre électoral ne sont pas épargnés. Le FN
recule ainsi sèchement en passant de 41 050 à 7 893 voix (- 80 %), alors que les
différents candidats d’extrême gauche font pire encore en ne recueillant que 1 186 suffrages contre 9 675 les années précédentes.
13. A la suite en novembre 2007 de la victoire du PCF dans le canton de Chevagnes, la majorité du Conseil
général de l’Allier avait basculé à gauche, mais cela n’avait pas entraîné la démission du président apparenté UMP
Gérard Dériot. Il faudra donc attendre le renouvellement de mars 2008 pour que Jean-Paul Dufregne, du PCF,
soit élu à la tête de l’assemblée départementale.
14. Dans cette catégorie, conformément à la classification retenue par le ministère de l’Intérieur, on a totalisé les
« sans étiquettes » élus dans les cantons d’Avranches et de Tessy-sur-Vire et le candidat du Modem soutenu par le
PS à Lyon 5.
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En suffrages exprimés, bien qu’installé dans l’opposition, position réputée plus confortable que celle de gouvernant, le PS est stable, ne semblant pas bénéficier électoralement du désaveu qui frappe le pouvoir dans les baromètres de popularité.
LE PS
PERD DES SIÈGES MAIS GARDE SES VOIX
Les 47 candidats du PS obtiennent en moyenne 27,35 % (32,96 % dans les cantons où
ce dernier était effectivement présent), ce qui peut apparaître comme une bonne performance (cf. tableau n° 1). Mais il convient de relativiser celle-ci en la comparant aux
résultats enregistrés lors des renouvellements de 2001 et de 2004. Dans les deux cas,
les candidats socialistes régressent légèrement, d’environ un point, en passant de
21,82 % à 20,51 % pour les cantons de 2001 (cf. tableau n° 3), et de 30,73 % en 2004
à 29,78 % dans les 41 autres cantons concernés (cf. tableau n° 4).
Pour affiner ce tableau, il suffit de reprendre le fil chronologique. En effet, 21 de ces
partielles se sont déroulées entre les législatives et la fin de l’année 2007, et les 34 autres
entre le mois d’avril 2008 – après le renouvellement municipal et cantonal général – et
la fin juillet 2008. Dans la série automnale de 2007, les socialistes obtenaient 34,50 %,
résultat à rapprocher de la moyenne de ces mêmes cantons les années précédentes
(30,33 %) ; dans la série du printemps 2008, ils réussissent aussi un bon résultat moyen
en augmentant leur score de 23,58 (…) à 26,75 %.
En resserrant encore l’observation sur les cantons, on constate que dans 26 cas le candidat socialiste régresse par rapport à l’élection de référence, et parfois sèchement :
-14 % à Lens Nord-Ouest, - 12,8 % à Héricourt Est15. Mais aussi que dans 15 cas il progresse et souvent avec des hausses conséquentes : + 18,8 % à Brive Nord-Ouest,
+ 18,5 % à Lignières16…
Difficile de trouver une explication globale tant les situations locales sont différentes.
A titre d’exemple, on peut évoquer le cas du département de la Saône-et-Loire : dans le
canton de La Guiche, où le PS est sortant et représente seul la gauche, le résultat est
certes important (46,20 %) mais en net recul par rapport à 2004 : - 12,87 %. Par contre, dans le canton de Chalon Nord, où le PS est aussi sortant mais confronté à des
compétiteurs verts et communistes, la hausse se révèle spectaculaire : + 20,5 %…
15. Haute-Saône.
16. Cher.
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Tableau n° 3 :
Résultats de la série renouvelée en 2001
2001 – 1er tour17
2007-2008 – 1er tour
Exg
PCF
PS
Dvg
Verts
0,14
12,36
21,82
2,42
3,37
5,42
20,51
12,56
4,01
Total gauche
40,11
42,49
Tableau n° 4 :
Résultats de la série renouvelée en 2004
2004 – 1er tour17
2007-2008 – 1er tour
Exg
PCF
PS
Dvg
Verts
3,35
4,12
30,73
3,57
5,68
0,76
2,00
29,78
5,73
2,80
Total gauche
47,46
41,06
Il faut encore constater qu’au sein de la gauche la place du PS ne cesse d’être confortée.
Ses candidats rassemblent, en effet, 64 % du total des voix de gauche contre 61 % dans
les cantons de référence. Dès lors, son résultat entraîne celui de la gauche. Quand il
progresse, la gauche réussit globalement une meilleure performance, mais quand il
accuse un recul, c’est l’ensemble de l’opposition qui baisse.
Dans un contexte de faible mobilisation, le suffrage socialiste reste donc bien le premier
vote de l’opposition au pouvoir. Et ceci alors même que son image ne cesse de se dégrader dans l’opinion. En effet, dans le baromètre mensuel que réalise la SOFRES et qui
est publié par Le Figaro Magazine, sa cote de popularité depuis un an n’a été positive
qu’une seule fois, en mars 2008, au lendemain des succès électoraux locaux. Aujourd’hui
encore, elle demeure sévèrement déficitaire puisque 48 % des personnes interrogées ont
une mauvaise image du PS, seulement 40 % se montrant plus cléments.
17. Ne sont pris en compte que les résultats des cantons concernés par le renouvellement partiel.
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Il convient donc ici de formuler un jugement mesuré. Sans confiance à l’égard du PS,
comme en témoigne l’absence de mobilisation qui peut sonner comme un camouflet,
mais sans hostilité non plus à son encontre comme le manifestent les progressions électorales, tout se passe comme si les électeurs continuaient à instrumentaliser le vote
socialiste, comme aux dernières municipales, pour en faire le principal vecteur de leur
hostilité au pouvoir de Nicolas Sarkozy.
UNE « GAUCHE
NON SOCIALISTE
»
SANS DYNAMIQUE
Après le très faible score (1,57 %) obtenu aux présidentielles par Dominique Voynet, le
22 avril 2007, l’avenir des Verts était incertain. Ces cantonales devraient, en partie,
calmer leurs inquiétudes.
Certes, avec 22 candidats, ils ne parviennent pas à être présents dans tous les cantons,
mais ils font pourtant mieux qu’à l’occasion des deux renouvellements nationaux de
référence où ils n’alignaient que 20 candidats !
En moyenne, ils obtiennent 3,12 %, ce qui reste dans leur étiage traditionnel lors de
cantonales partielles. Ainsi en 2002-2003, dans les 57 cantons, ils rassemblaient 3,4 %.
Cependant, canton par canton, les scores sont meilleurs puisqu’en ne retenant que les
endroits où ils étaient effectivement présents, on arrive à 7,37 % avec quelques belles
performances : 23,05 % à Rouen 5 (+ 12,82 %), 15,85 % à Lens Nord-Ouest, 10,8 % à
Talence.
Il s’agit donc d’un résultat convenable, d’autant qu’en règle générale, dans les partielles,
ils accusaient plutôt une tendance au repli s’expliquant pour l’essentiel par la faible
notoriété de leurs candidats et leur faiblesse militante.
La véritable question pour demain tient à leur message politique : les Verts se sont
banalisés pour n’être plus simplement perçus que comme les représentants d’un parti
de gauche parmi d’autres. C’est, en effet, un paradoxe : leurs idées gagnent de plus en
plus dans l’opinion mais ils ne sont pas identifiés comme en étant les meilleurs promoteurs ! Il suffit pour s’en convaincre de constater le phénomène médiatique autour de
Nicolas Hulot…
Le cas du PCF est sensiblement différent. La moyenne de ses candidats effectivement
présentés est de 7,84 % sur 37 cantons et de 5,49 % sur l’ensemble des 55 cantons. Ces
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relatifs bons résultats, si on les rapproche de ceux de la dernière élection présidentielle
(1,93 %) ou des législatives de juin 2007 (4,4 %), ne doivent pourtant pas faire illusion.
D’abord parce que l’on sait que ce parti est traditionnellement surreprésenté dans ce
type de consultation par rapport aux élections nationales qui les précèdent ou qui les
suivent18. Ensuite parce que, en comparaison avec 2001 et 2004, les constats sont à la
fois sombres et concordants : une chute de près de 7 points dans le premier cas et de
2 points dans le second. Enfin, notons que l’extrême gauche ne le concurrençait
directement que dans quatre cas. Or, l’an passé, c’est pour une part importante vers
Olivier Besancenot19 que son électorat fut attiré.
Le gain du canton de Chevagnes20 ne doit donc pas masquer la réalité de l’essoufflement du PCF, qui n’est plus guère qu’un témoin des passions idéologiques qui
déchirèrent les générations du XXe siècle21.
Tout commentaire particulier sur l’extrême gauche ne peut qu’être dénué de fondement
tant les formations qui la composent sont absentes de ces consultations : seulement
6 candidats et 0,56 % en moyenne (3,54 % dans les cantons concernés). Tout au plus
peut-on noter que la capacité d’un parti à être présent sur le terrain électoral, quel que
soit l’enjeu, est aussi un indicateur de sa force et de sa permanence.
De même le poids véritable des « divers gauche » suscite-t-il une certaine réserve, dans
la mesure où leur influence est conditionnée par les contextes locaux. Certes, globalement, leur impact est fort puisqu’il atteint en moyenne 7,67 %, mais cela tient souvent
à l’effacement du PS dès le premier tour (dans 7 cas sur les 15 cantons concernés).
18. Gérard Le Gall, « Cantonales 1985 : une élection de confirmation », Revue Politique et Parlementaire,
921,1985.
19. Mais aussi vers Ségolène Royal, voir Daniel Boy, Jean Chiche, « L’échec électoral de la gauche non socialiste », in Pascal Perrineau (dir.), Le vote de rupture, Presses de Sciences Po, 2008.
20. Allier.
21. Dominique Andolfatto, « Construction et déconstruction – les communistes », in Guillaume Bernard, Eric
Dusquesnoy (dir.), Les forces politiques françaises, Rapport Anteios, PUF, 2007.
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L’UMP
RÉSISTE À L’IMPOPULARITÉ DE L’EXÉCUTIF
Même si globalement la droite recule par rapport à l’univers de référence, avec en
moyenne 26,33 %, l’UMP peut sortir rassurée de ces consultations (cf. tableau n° 1).
Tableau n° 5 :
Résultats de la série renouvelée en 2001
Dvd
UMP
FN
Exd
Total
2001 – 1er tour
2007-2008 – 1er tour
12,75
32,61
6,17
1,88
53,42
26,16
21,42
3,14
0,00
50,71
En 2007, pour assurer la domination sur son camp, cette formation dut, à la fois,
reprendre une partie de l’espace électoral occupé par le Front National et résister à
l’offensive de l’UDF qui ne voulait pas disparaître. Mais ce qui était possible dans une
présidentielle fortement articulée sur les personnalités allait-il perdurer dans des scrutins
locaux ? La réponse des municipales a semblé négative. L’UMP y a enregistré une
cuisante défaite22 puisqu’elle a perdu 7 villes de plus de 100 000 habitants, 29 de plus
de 30 000 et 70 de 10 à 30 000. Il faut remonter à 1983 pour retrouver un échec d’une
telle ampleur pour une majorité gouvernementale. Mais, à l’époque, c’était le PS qui
était au pouvoir. Et les cantonales ont même accentué cette tendance : moins 175 élus
pour l’UMP et plus 139 pour le PS…
Que nous apporte alors l’observation de ces cantonales partielles ? D’abord, elles permettent au gouvernement de se montrer satisfait. De fait, Alain Marleix, tout à la fois
secrétaire d’Etat à l’Intérieur et aux Collectivités locales et secrétaire national de ce parti
en charge des élections, peut souligner dans Le Figaro du 1er août 2008 que « l’UMP a
gagné deux sièges alors que, traditionnellement, les partielles sont mauvaises pour tout
gouvernement ». L’affirmation n’est, pourtant, qu’en partie exacte.
L’UMP a bien battu dès le premier tour, le 11 juin 2007, le PS dans le canton de Nice
11, à la suite du décès du conseiller général PS sortant et, le 7 octobre 2007, gagné le
22. Pierre Martin, « Les élections de mars 2008 », Commentaire, 122, été 2008.
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canton de Saint-Etienne Sud-Est 3, à la suite de la démission de Jean-Louis Gagnaire,
élu en juin député socialiste. Mais elle a aussi perdu au profit de deux « sans étiquettes »
les cantons d’Avranches et de Tessy-sur-Vires23 et celui de Lyon 5 au profit d’un candidat issu du MoDem soutenu par le PS, sans parler de celui de Saverne où, le 15 juin
2008, le candidat bénéficiant de l’appui de l’UMP a été battu par un « divers droite »,
alors que le conseiller général sortant était membre de cette formation24.
Néanmoins, ces résultats du parti majoritaire recèlent quelques éléments positifs. Ainsi
dans les 41 cantons renouvelés en 2004, là où la poussée socialiste était forte, l’UMP
progresse en 2007-2008 de 1,5 point, passant de 26,53 % à 28,07 % (cf. tableau n° 6).
De plus, cette légère hausse s’accompagne d’un tassement du FN. Cela confirmerait
donc l’actualité du théorème de Karl Rowe25, scrupuleusement et victorieusement suivi
par Nicolas Sarkozy en 2007 : « Les élections se gagnent aux extrêmes et non au centre »…
Par contre, les gains du parti présidentiel ne se font pas en siphonnant les « divers
droite », puisque ces derniers montent encore plus fortement de 8,29 à 13,37 %.
Tableau n° 6 :
Résultats de la série renouvelée en 2004
Dvd
UMP
FN
Exd
Total
2004 – 1er tour
2007-2008 – 1er tour
8,29
26,53
11,55
0,46
46,84
13,37
28,07
3,93
0,41
45,78
En résumé, malgré la complexité des configurations et les phénomènes de personnalités, que la droite soit représentée par un candidat unique ou qu’elle soit divisée entre
deux, trois voire quatre prétendants26, la majorité présidentielle fait bonne figure. Ce
constat mérite d’autant plus d’être souligné que ces partielles se sont déroulées après
les municipales et les cantonales de mars 2008, c'est-à-dire donc dans la dernière
période, alors même que le pouvoir exécutif connaissait des abîmes d’impopularité 27.
23. Manche.
24. Emile Blessig, maire de Saverne et député du Bas-Rhin en situation de cumul.
25. Conseiller de George W. Bush en 2004.
26. Cas de Chatel-sur-Moselle (Vosges) : + 12,7 % ; ou de Chamalières (Puy-de-Dôme) : + 8,89 %.
27. La cote d’impopularité de Nicolas Sarkozy oscille entre 60 et 66 % selon le baromètre SOFRES-Figaro
Magazine, et la perte de confiance de François Fillon dans la période avril-juillet 2008 est passée de 47 % à 54 %.
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Enfin, dans les 25 cantons où l’on peut comparer les scores des candidats UMP, on
relève une progression dans 19 cas contre seulement 6 régressions.
Au titre des réserves, il faut insister sur la présence traditionnelle, comme cela vient
d’être relevé, de 42 candidats « divers droite », soit 51 % du nombre total des compétiteurs de droite. Ce constat confirme que le pari initial de l’UMP, celui de devenir le grand
parti conservateur de la droite française unifiant toutes ses sensibilités sur le modèle du
Parti Populaire espagnol ou de la CDU allemande, n’a toujours pas été transformé.
LE FN S’ÉTIOLE
LENTEMENT
Le résultat du FN amène trois remarques principales. Tout d’abord, il occupe seul cette
partie du spectre électoral. Il n’est faiblement concurrencé par des candidats issus
d’autres formations de l’extrême droite que dans 11 cantons. Pour autant, il était
habituel que dans ces partielles le FN parvienne, marque vivante de son implantation
et de sa détermination politique, à concourir dans une très grande majorité de circonscriptions28. Cette année, il n’y arrive que dans 58 % des cantons, ce qui constitue une
moyenne basse.
Ensuite, il ne participe jamais au second tour, ses meilleurs scores étant, au premier
tour, de 12,31 % à Lens Nord-Est et de 12,17 % à Saint-Avold 229. Le même
phénomène avait été relevé dans les élections municipales du printemps. En pleine
déconfiture, le FN n’était pas parvenu, au tour décisif, à jouer les trouble-fêtes, et les
listes UMP enregistrèrent un bon report de ses voix, lui permettant ainsi de conserver
les villes de Marseille ou de Nîmes.
Enfin, il semble se tasser. La politique agressive et hyper-médiatique de Nicolas
Sarkozy, qui avait permis au printemps 2007 de faire dériver l’iceberg des électeurs FN
vers le continent de l’UMP, continue à produire ses effets. Ses 32 candidats ne rassemblent en moyenne que 3,72 % des suffrages (mais 6,41 % sur les cantons où ils sont
effectivement présents), ce qui correspond à un étiage bas en comparaison des partielles de 2001-2002 (7,47 % en moyenne et 8,5 % dans les cantons où le FN était
présent). Certes, dans le passé, les partielles enregistraient avec constance un
28. 82 % des 57 partielles de 2002-2003, 80 % des 75 partielles en 1993-1994, 83 % des 26 cantons concernés
en 1998-1999…
29. Moselle.
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Le bipartisme
confirmé
effritement, ce qui ne lui interdisait pas l’obtention de chiffres hauts dans les consultations générales qui suivaient comme l’avait démontré le résultat obtenu lors des cantonales de 2004, où il avait rassemblé 12,13 %. Et on en avait donc déduit que pour
cette organisation, les résultats engrangés lors de scrutins locaux ne reflétaient nullement sa véritable influence nationale.
Mais à l’évidence le contexte politique a changé avec le succès de Nicolas Sarkozy.
Ainsi, lors des très récentes cantonales de 2008, le FN était en forte baisse avec seulement une moyenne de 4,83 %, alors même que tous les indicateurs de « politisation
négative », de rejet du pouvoir en place, de malaise social et de pessimisme atteignaient
des niveaux particulièrement élevés, voire des records historiques.
Aussi, demain, le plus préoccupant pour le FN est-il peut-être moins l’importance de
ses résultats électoraux (le FN a déjà connu des passages à vide comme en 1999) que
la perspective de la succession à la tête du parti et de sa cohésion. Sans son leader,
l’extrême droite résistera-t-elle aux rivalités personnelles et aux excommunications
idéologiques internes ?
LE MODEM
CENTRISTE MAIS PAS CENTRAL
Peut-on construire une formation politique à partir d’un positionnement personnel ?
C’est le pari de François Bayrou après avoir obtenu un score élevé au premier tour de
la présidentielle (18,5 %).
Les municipales ont montré les limites de cette stratégie. Dans notre système politique,
le clivage gauche-droite, certes critiqué, voire rejeté par une grande partie des Français,
conserve une fonction structurante forte30. Mais bâtir une force durable nécessite du
temps et le MoDem balbutiant dispose de quelques atouts.
Ainsi, les études post-électorales ont mis en lumière que le vote en faveur de François
Bayrou restait massivement centriste31 : 51 % des Français ont voté pour lui parce qu’ils
n’étaient « ni de droite, ni de gauche mais du centre ». Il existe donc un potentiel que
confirment doublement les cantonales partielles.
30. Brice Teinturier, « Pour comprendre la présidentielle de 2007 », in Olivier Duhamel, Brice Teinturier (dir.),
L’état de l’opinion 2007, Seuil, 2007.
31. Pierre Bréchon, « Un nouveau centrisme électoral », in Pascal Perrineau (dir.), Le vote de rupture, Presses de
Sciences Po, 2008.
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Le bipartisme
confirmé
D’abord dans le positionnement des candidats. Ainsi on retrouve des candidats MoDem
alliés avec la droite contre les socialistes dans les cantons de Fameck, de Talence ou de
Chamalières. D’autres sont, au contraire, membres de municipalités dirigées par des
élus PS comme à Saint-Etienne et à Angers, ou siègent dans la minorité après avoir
fusionné aux municipales précédentes avec la liste socialiste comme à Sannois32.
D’autres enfin, bénéficiant déjà d’une implantation personnelle, se gardent de toute
relation avec les uns ou les autres comme dans le canton de Pornic où le maire
d’Arthon-sur-Retz réalise d’ailleurs avec 13,8 % la meilleure performance de la série.
Ensuite dans les résultats obtenus : avec une moyenne de 5,55 % sur les 55 cantons,
mais de 12,59 % sur les 17 cantons directement concernés, on est tenté d’y voir la
confirmation de l’existence d’un véritable électorat centriste. Une précision cependant
s’impose. Ces chiffres découlent des statistiques publiées par le ministère de l’Intérieur.
Or, celui-ci se refuse encore à accepter le label « MoDem », préférant répertorier ses
candidats sous l’appellation « UDFD » en les classant dans la rubrique « Div ». On peut
alors isoler 17 candidats, mais sans que toutes les ambiguïtés soient levées. Ainsi dans
le Tarn, dans le canton de Lisle-Sur-Tarn, le candidat « UDFD » est systématiquement
présenté dans la presse régionale comme « sans étiquette » quand, dans le Morbihan, à
Malestroit, le maire de la Chapelle-Caro s’affirme encore comme « UDF »…
Mais la vocation d’une formation politique n’est pas simplement de participer, elle
cherche surtout à gagner. Et dans ce domaine, tout reste à prouver. Aux cantonales de
2008, le MoDem a perdu un quart de ses conseillers généraux (46 élus contre 61 sortants). Et des municipales, on ne retient que l’échec à Pau tant il est impossible de
mesurer la valeur ajoutée de ce parti dans ses alliances à géométrie variable33.
Ces cantonales partielles n’infirment donc pas la complexité de l’équation. Au contraire,
elles démontrent que dans un jeu politique binaire conditionné par les règles d’accès au
second tour, le MoDem n’apparaît pas – encore ? – comme une formation centrale.
En conclusion, le paysage électoral semble, à l’évidence, comme en suspension, aucune
dynamique ne se faisant jour. Les électeurs somnolent et détournent leur attention de
la scène politique. A gauche, ils ne votent socialiste que pour s’opposer à la politique du
gouvernement Fillon, les Verts et le PCF vivotent, et l’extrême gauche est absente.
32. Val d’Oise.
33. Gérard Le Gall, « L’hégémonie territoriale de la gauche », Revue Politique et Parlementaire, 1047,
avril-juin 2008.
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Le bipartisme
confirmé
A droite, l’UMP résiste en s’appuyant sur ses ressources locales et le FN s’étiole. Au
centre, le MoDem a encore tout à prouver. Une telle langueur démocratique renforce
les responsabilités du PS et de l’UMP, car ils sont les seuls à surnager. Déjà, il y a un
an, les résultats des élections présidentielles et législatives avaient accentué la tendance
au bipartisme qui, avant ces consultations, animait la dynamique du système partisan34.
Cette tendance ne faiblit pas. Au contraire, au sein de la gauche et de la droite, ces cantonales partielles montrent combien les rapports de force ont continué d’évoluer au
bénéfice des deux grands partis.
34. Gérard Grunberg, « Vers un espace politique bipartisan ? », in Pascal Perrineau (dir.), Le vote de rupture,
Presses de Sciences Po, 2008.
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