Francis Cabrel
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Francis Cabrel
e r o c En &core En F Francis Cabrel est un peu le dernier troubadour du 20e siècle, doublé d’un grand mélodiste. Ses chansons sont souvent dédiées à la Dame sublimée. Il a interprété ses joies et ses chagrins, mais il a su se pencher aussi sur certains problèmes : la pollution, l’emprise de la télévision, les gens du voyage, le suicide, le divorce, le Quart-monde, la tauromachie. Parfois il y a du Brel dans Cabrel. Le bleu nuit de ses rêves attire... rancis Cabrel est un provincial. Il est né à Agen, dans le Lot-et-Garonne, en novembre 1953. Ses parents sont d’origine italienne. Il grandit dans un village, à Astaffort, où il vit encore. Son père est ouvrier, sa mère serveuse dans un restaurant. Adolescent, il découvre Bob Dylan. C’est le coup de foudre définitif. « Like A Rolling Stone » est toujours son morceau préféré. Il va au lycée mais le quitte vite, en première, il ne fait pas l’effort de passer le bac. Il travaille dans un magasin de chaussures, anime des bals dans la région. En 1974 il remporte un radio-crochet. Il signe chez CBS. En 1978, à 25 ans, il fait l’Olympia en première partie de Dave. 1977 - LES MURS DE POUSSIÈRE (CBS CK Ma Ville/ Petite Marie/ Les Murs De Poussière/ Je Reviens Bientôt/ Imagine-Toi/ Je M’Etais Perdu/ Madeleine/ L’Instant D’Amour/ Change De Docteur/ Ami/ Automne (Colchiques Dans Les Prés). Réalisé par Jean-Jacques Souplet, le premier 33 tours est enregistré à Toulouse au studio Condorcet et à Paris chez CBE, par Bernard Estardy, et mixé à Londres au studio Marquee, avec les orchestres de Guy Matteoni et Roger Loubet. Signé chez CBS comme un successeur de Gérard Lenorman, les arrangements sont très chanson. Dans « Ma Ville », première apparition du thème du mendiant, une image obsessionnelle qu’on retrouvera sur « Je Pense Encore A Toi », il développe : J’ai croisé le mendiant qui a perdu sa route. Que sont devenues les villes ? Elles semblent éteintes, plus personne n’y chante : La rue est triste, ceux qui s’y promènent y parlent si bas que la rue est morte, Ma ville est grise/ Des couloirs de béton aux porches des églises. « Petite Marie » est son premier – petit – succès avant « Je L’Aime A Mourir » en 1979. Mais c’est la version en public postérieure, plus incisive, qui est depuis diffusée. Les hyperboles y rendent la force du sentiment amoureux : Tu as versé sur ma vie des milliers de roses. « Les Murs De Poussière », un de ses textes les plus forts, conte l’histoire d’un ambitieux, d’un idéaliste également : Il voulait trouver mieux que son lopin de terre/ Que son vieil arbre tordu au milieu/ Trouver mieux que la douce lumière du soir près du feu. Mais ses voyages ne lui ont rien apporté de plus : Il n’a pas trouvé mieux que le feu de la cheminée qui réchauffait 90682) : son père et la troupe entière de ses aïeux. C’est toujours le thème des regrets, de Joachim du Bellay, qui souhaitait vivre entre ses parents le reste de son âge. Il faut se contenter de peu, de ce qu’on a. C’est la morale de Francis Cabrel, mais ce n’est pas celle d’un homme résigné, c’est celle du sage, d’un être du juste milieu. Il sait que les rêves sont fragiles, qu’ils se brisent comme du verre. Sur « Imagine-Toi », il y a des hyperboles : Le vent a dû brûler tes mains, Tu fais la collection des femmes/ Tu as fait un lac avec leurs larmes. Le narrateur s’adresse à une sorte de Don Juan. Quant à « Madeleine », il s’agit d’une délaissée. Le monde autour d’elle s’est fané : Nulle fleur ne danse entre les salles de la cour. Elle ne sait même plus s’habiller pour plaire à un homme : Madeleine marche dans sa robe de patriarche, froissée. Elle est comme un moine dans sa longue robe de bure. « Change De Docteur » est un peu trop hermétique. Par la suite, Cabrel a simplifié son style, parfois trop. Il y a aussi « Automne », reprise d’une vieille chanson populaire, « Colchique Dans Les Prés ». 1979 - LES CHEMINS DE TRAVERSE (CBS CK marché, car l’espace y est déconcertant : Pour monter dans sa grotte cachée sous les toits. Il se décrit comme un paysan mal dégrossi (mes sabots de bois), à genoux devant celle qu’il sublime: Je dois juste m’asseoir/ Je ne dois pas parler/ Je dois juste essayer de lui appartenir. L’esclavage amoureux est nettement revendiqué. Qu’importent les chaînes, pourvu qu’on ait l’ivresse ! C’est un immence tube durant l’été 1979 à partir duquel toute la France connaît Francis Cabrel... et ne l’oubliera plus. Heureusement il n’en restera pas prisonnier. « Les Pantins De Naphtaline » constitue un retour vers l’enfance. Ce ne sont pas forcément de bons souvenirs, les gamins à la messe dans leur beau costume du dimanche, le village sans joie : On me mettait des socquettes blanches/ On me faisait la raie sur le côté. « Je Rêve » est à l’opposé de « Je L’Aime A Mourir », ça rappelle la mélancolie de Victor Hugo, la Bretagne : Le ciel n’est plus qu’un long tissu de brume... J’irai accrocher mon âme sur les arêtes des rochers/ Mais le vent souffle si fort sur ces pierres. Le thème de l’attente des femmes de marins y est lyrique grâce à ses portraits stylisés : Plus loin sur les rocs que la mer assaille/ Cheveux et jupon en bataille/ Combien de femmes ont attendu/ Combien ont crevé leur cœur sur les vagues/ Pour celui qui avait l’autre bague/ Et qui n’est jamais revenu. Il y a également l’influence du « Widow With Shawl (A Portrait) » de Donovan, sur le LP « A Gift From A Flower To A Garden », l’une de ses influences majeures. « Je Rêve » a remporté l’Oscar de la chanson française 1979. « Les Voisins » dénonce l’absence de communication. Les médias semblent autant de barrières qui empêchent de communiquer avec autrui : C’est pas la peine d’aller leur parler puisqu’on a la télé. Sur le réjouissant folk-rock « Les Chemins De Traverse », un pessimiste timide rencontre un étourdi : Moi je marchais les yeux par terre/ Toi t’avais toujours le nez en l’air. Francis parle ici de ses années de route, d’errance, ses voyages en auto-stop, la guitare sur le dos. « Une Star A Sa Façon » est un hommage à sa mère. « C’Etait L’Hiver » se penche sur une fille déprimée qui ne croit plus à rien. Elle n’a pourtant que vingt ans. Le suicide est évoqué avec pudeur, retenue. « Mais Le Matin » reprend des images inspirées de Bob Dylan : On ne joue pas au poker comme ça/ C’est toujours elle qui a les quatre rois. Ces vers paraissent venir de « Sad-Eyed Lady Of The Lowlands » : With your deck of cards missing the Jack and the ace. Enfin « Monnaie Blues » dresse un constat : tout le monde en veut à votre argent, les prostituées, les hommes politiques, les évêques, les médecins. Un passage anticlérical : les quatre maîtresses de l’évêque en habits de messe pardessus sa tenue de plage ! Toujours en 1979 sortent les simples « La Quiero A Morir »/ « Los Caminos Que Cruzan », en espagnol, et « Io L’Amo Cosi »/« Quando Il Giorno Verra », en italien. 1980 - FRAGILE La Dame De Haute-Savoie/ L’Encre De Tes Yeux/ De L’Autre Côté De Toi/ Trop Grand Maintenant/ Elle Ecoute Pousser Les Fleurs/ Je Pense Encore A Toi/ Cool Papa Cool/ Si Tu La Croises Un Jour/ Le Petit Gars/ Plus Personne/ Dernière Chanson. Sur ce 30 cm racé aux sonorités aiguisées, tous (CBS CK 90611) : Souviens-Toi De Nous/ Je L’Aime A Mourir/ Les Pantins De Naphtaline/ Je Rêve/ Les Voisins/ Les Chemins De Traverse/ Une Star A Sa Façon/ C’Etait L’Hiver/ Mais Le Matin/ Monnaie Blues. Les séances se déroulent chez CBE avec Bernard Estardy, sous la production de Jean-Jacques Souplet, avec une équipe que Francis a choisie lui-même : Glen Spreen (claviers, direction et arrangements des cordes), Claude Engel, Patrick Tison (guitares), Jannik Top (basse), Marc Chantereau (claviers, percussions) et Pierre-Alain Dahan (batterie). La veine folk-rock de Cabrel, qui est la sienne depuis ses débuts, se manifeste dès lors. Tous les textes et musiques sont de lui sauf « Une Star A Sa Façon », cosigné avec Alain Salvati. « Souviens-Toi De Nous » est une plongée dans le passé, le rappel d’une amitié ancienne : Sous les grands arbres sauvages. L’ancien compagnon est devenu une star, perdue au fond de sa Rolls noire : Souviens-toi de nous si tu vas tomber. « Je L’Aime A Mourir » regarde parfois du côté de la poésie dans la lignée de Paul Eluard : Elle n’a qu’à ouvrir l’espace de ses bras. Ce n’est pas forcément de la poésie de super- En 1978, extrait en 45 tours du premier album. 90593) : 7