DT_Diversification Produits

Transcription

DT_Diversification Produits
Vers quels produits se diversifier ?
Fichessynthétiquesproduit
Crédit aux entreprises/mésofinance
Opportunités pour les IMF
Alors que le développement des micro entreprises répond essentiellement à un objectif de lutte
contre la pauvreté par la création et l’augmentation de revenus, le développement des entreprises
plus formelles répond également à d’autres enjeux :
• elles jouent un rôle déterminant dans la création d’emplois et l’intégration sociale
notamment pour les jeunes, une problématique clef en milieu urbain
• elles contribuent de manière significative à la croissance économique nationale et locale.
Le financement des TPE (Très Petites Entreprises) et des PME (Petites et Moyennes Entreprises) est
souvent considéré, à juste titre, comme le chaînon manquant entre les banques formelles et les IMF :
• On sait que le segment de marché des TPE/PME a très peu accès au crédit formel, car leur
financement appelle des techniques spécifiques (notamment parce que les garanties
classiques, ainsi que l’analyse des dossiers et le suivi des remboursements bancaires ‘types’
sont inadaptés). Il s’agit d’un métier en soi différent de celui des banques classiques, qui
connaissent mal ce segment en général.
•
Aujourd’hui, les IMF ne couvrent encore que très partiellement les besoins de ce segment.
Les IMF ciblent majoritairement le microcrédit et le court terme. Elles disposent en général
de produits adaptés pour financer la trésorerie des activités génératrices de revenus
d’individus, et de la micro entreprise. Cela couvre une partie des besoins des TPE, mais une
faible partie seulement.
Source : AFD
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Les services financiers destinés au créneau des TPE/PME encore peu couvert, entre microcrédit et
services bancaires classiques « macro », sont souvent dénommés sous le terme de « mésofinance ».
Pour comprendre
Qu’est-ce qui différencie la micro entreprise de la TPE ? il est évidemment clé, pour une institution
financière, de connaître cette cible pour pouvoir correctement répondre à sa demande.
L’une des références les plus répandues, pour distinguer les différents stades de maturité d’une
entreprise est une définition multicritères, synthétisée dans le tableau ci-dessous.
Source : Typologie des entreprises (atelier de Ouagadougou, Juin 1997)
Caractéristiques
Micro entreprises
Très petite
entreprise
Petite entreprise
Moyenne
entreprise
Attitude liée à
l’acquisition de
revenus de
subsistance ou
complément de
revenu
Acquisition de
revenu dans une
activité spécialisée
Attitude
entrepreneuriale
dès la constitution
Attitude
entrepreneuriale,
vision à moyen et à
long terme
Pas de compétences
particulières
Compétences
techniques simples
Certaines formes
d’expertise
Capacité technique
et de gestion
Auto emploi
Auto emploi +
parfois famille ou
apprentis
Patron + famille +
apprentis + salariés
Patron + personnel
Micro service ou
commerce de détail.
Activité
complémentaire,
temporaire ou
saisonnière
Une activité
principale, petite
taille, parfois
saisonnière
Activité bien définie
et exercée à plein
temps
Activité spécialisée,
parfois diversifiée,
exercée à titre de
profession
habituelle
Absence de statut,
mais paye parfois
des taxes
commerciales
Statut non
clairement défini,
mais paye souvent
des taxes (patentes,
etc.), parfois inscrit
au Registre du
Commerce
Début de
légalisation,
souvent enregistrée
(Entreprise
Individuelle),
paiement d’impôts,
existence
d’organisations
professionnelles
Enregistrée
(chambre de
commerce, etc.),
parfois en Société
Très faibles, surtout
de la force de travail
Technologies
simples
Technologies
simples avec
Plus grande
complexité
Entrepreneur
Activités
Environnement /
Intégration
Besoins pour entrer
dans l’activité
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investissement
Absence de local
(rue, domicile ou
marché)
Pas de besoin en
capital – Petit fonds
de roulement de
départ
Potentiel
d’évolution
Très faibles ou
inexistant. Activités
généralement
féminines
Moyens de
production
élémentaires (petit
outillage), parfois
sans local
permanent
technologique
et/ou production en
(denu) série
Investissement et
équipements légers
(énergie électrique)
+ local permanent
Moyens de
production
relativement
adaptés, site
spécialisé
Fonds de roulement
(stocks, matières
premières), besoin
de renouvellement
de petit matériel
Capital (équipement
(loyer, matières
premières, etc.)
Capital important
(local, équipement,
formation) et fonds
de roulement
parfois très
important. Réelle
intensité
capitalistique
Faible ou
diversification
horizontale des
activités. Logique de
reproduction plutôt
que de croissance
Début
d’accumulation de
capital, parfois avec
un potentiel de
croissance mais
plutôt logique de
reproduction
(transmission
familiale, etc.)
Potentiel
d’accumulation et
de croissance
La nécessité d'une offre diversifiée. On s’accorde aujourd’hui à reconnaître que le financement des
petites entreprises ne repose pas sur un produit standard, mais sur une combinaison de produits
possibles : crédit d’équipement, mais aussi leasing et rétro leasing (voir la partie Crédit-bail de ce
dossier), et autres solutions innovantes :
 Certaines institutions, dans des conditions favorables (filières intégrées, entrepreneurs
appuyés par des projets ou des dispositifs d’appui, structuration forte du milieu
professionnel), financent avec succès le crédit équipement moyen terme des micro et
petites entreprises (expériences de la FECECAM avec la filière coton ou la filière anacarde,
financement de la transformation de produits agricoles par le Crédit rural de Guinée en lien
avec le PASAL (Programme d’Appui à la Sécurité ALimentaire), expériences de leasing de la
Grameen Bank).
 Le crédit-bail ou leasing est une solution qui permet, notamment, de contourner le
problème de garantie que rencontrent les IMF souhaitant répondre aux besoins des TPE en
crédit moyen terme (voir la partie Crédit-bail de ce dossier).
 Un certain nombre d’IMF déjà consolidées mettent en place, en complément, des outils
innovants pour financer le cycle d’exploitation des petites et moyennes entreprises :
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association de caution mutuelle des opérateurs commerciaux et des transformateurs des
filières de produits vivriers en Guinée et fonds de garantie des artisans pêcheurs affiliés aux
coopératives de pêche de l’UCOPAD financés par le Crédit rural de Guinée (CRG).
Risques / Recommandations
Le financement des TPE/PME appelle des techniques spécifiques. Pour évoluer vers le segment des
TPE/PME, les institutions financières doivent intégrer plusieurs contraintes :
• L’évolution vers le segment des TPE/PME implique un changement de métier. Les
méthodologies des IMF, définies pour le micro crédit, ne sont souvent plus adaptées dès lors
que l’on parle de crédits plus importants, sur une durée plus longue. Le financement de
l'investissement impose un certain temps d'analyse du projet car la décision de crédit ne
pourra plus se faire uniquement sur la base de l'histoire de crédit partagée avec
l'entrepreneur (progressivité des crédits) une fois que les sommes deviennent plus
importantes. D'autre part, la réalisation des garanties devient également plus laborieuse et
plus aléatoire, la caution solidaire / de groupe en particulier n’étant plus une solution
adéquate. L'augmentation du plafond induit donc généralement des problèmes d'analyse
technique des dossiers soumis, d'où un nécessaire recours à la sous-traitance technique ou à
une spécialisation des cadres sur ce thème.
•
La création d’un département spécialisé TPE/PME au sein de l’IMF, séparé des activités de
microfinance, sera une option souvent recommandée.
•
L’IMF doit disposer de ressources suffisantes pour :
o former son personnel à la gestion et à l’étude de dossier des TPE/PME,
o supporter l’octroi de crédits de montants plus importants, et à plus long terme,
o supporter des coûts de transaction et de suivi plus importants.
•
Un problème d’accès aux ressources long terme se pose également pour ces institutions, qui
disposent essentiellement de ressources à court terme, et sont peu disposées à se centrer
sur des emplois à moyen et long terme.
•
L’activité de prêt aux TPE/PME exigera donc un investissement important en efforts et en
argent ; il y a donc un risque de « cannibalisation » de l’activité de microfinance par le
lancement d’une offre pour les TPE, et l’IMF devra analyser correctement l’investissement à
mener, par rapport à sa clientèle cible et sa mission.
•
Enfin, l’apport en service non-financiers est d’une importance capitale pour assurer non
seulement le remboursement des prêts, mais la pérennité des entreprises financées. Il faut
donc se poser les questions suivantes : quels appuis non-financiers offrir (entre l’appui en
comptabilité-gestion et les services de recherche et développement, d’appui à la
commercialisation, de formation professionnelle, etc.) ; comment financer de façon pérenne
ces fonctions d’appui (part prélevée sur le coût du crédit, part externe prise en charge par la
filière?).
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Toutes les IMF ne peuvent donc se lancer sur ce segment du financement des TPE/PME : pour
débuter, il est préférable de privilégier les entreprises saines, ayant une activité établie (par exemple,
depuis plus de cinq ans), et ne présentant pas des risques trop élevés.
L’estimation correcte du coût et des moyens nécessaires à cet investissement devra être réfléchi en
tenant compte de la mission de l’IMF, de la concurrence, des ressources disponibles.
Il est par ailleurs crucial pour l’IMF, en préalable à toute réflexion sur ce créneau des TPE, de bien
analyser le cadre légal et réglementaire du pays. Une IMF qui, pour ses activités traditionnelles de
microfinance, est régie par une législation spécifique, pourra tomber sous le coup de la législation
bancaire générale pour le financement des TPE/PME…
Exemples
ProCredit Ghana: de la microfinance à la mésofinance
Devant une concurrence croissante, et une réglementation encore hésitante, ProCredit au Ghana
s’est progressivement désengagée du traditionnel secteur du microcrédit pour s’intéresser à ce
qu’on appelle aujourd’hui parfois la méso-finance, soit les services financiers pour les entreprises.
ProCredit définit ses entreprises cibles sur la base de 5 critères, dont il faut remplir au moins 3 pour
entrer dans la catégorie :
(chiffres en USD)
Chiffre d’affaire
Actifs
Bénéfices
Nb d’employés
Capacité d’endettement
Très Petite
$4 000 – $35 000
$750 – $90 000
$500 - $4 000
3à5
$5 000 - $30 000
Petite
$35 000 - $75 000
$90 000 - $250 000
$4 000 - $7 500
5 à 15
$30 000 - $150 000
Moyenne
>$75 000
>$250 000
>$7 500
>15
>$150 000
Ces entreprises-là sont à la fois trop grandes et trop indépendantes pour entrer dans le cadre des
microcrédits solidaires, et trop petites et sans garantie suffisante pour les banques. Par ailleurs
ProCredit s’est rendu compte que même si ces entreprises entretenaient des relations avec des
banques, ces banques n’arrivaient pas à leur offrir des produits adaptés (ex : découverts pour
financer de l’investissement).
ProCredit a donc développé, avec une assistance technique financée par l’AFD, des produits adaptés
à ces entreprises tels que :
◊ des crédits ‘classiques’ démarrant à $5 000 jusqu’à $2 millions de dollars, sur des termes
allant jusqu’à 60 mois pour de l’investissement
◊ des facilités de caisse court-terme, de type découvert, garanties par la domiciliation
obligatoire du chiffre d’affaire
18
◊
◊
des lignes de crédit pour des besoins en fonds de roulement court-terme, dont l’objet est
défini à l’avance, ainsi que les échéances
mais encore des lettres de crédit, des garanties bancaires au travers d’une banque
partenaire.
Aujourd’hui ProCredit a totalement arrêté les crédits inférieurs à $5 000. A fin juin 2013, l’IMF
comptait 2 300 clients ‘méso’ pour un portefeuille de $36 millions de dollars, et 46 agents de crédit.
Le prêt moyen est de près de $22 000 au décaissement sur 18 mois.
Les préalables essentiels au développement vers ce segment de marché furent indéniablement la
qualité de la méthodologie d’évaluation de crédit que ProCredit avait déjà en place pour ses crédits
individuels. Un autre paramètre primordial a été le système d’information qui permet de réaliser un
suivi de portefeuille pointu et quasi en temps réel.
ProCredit s’est également beaucoup investi dans la formation de ses agents de crédit. Ceux-ci sont
recrutés avec un diplôme universitaire, puis sont soumis à une formation intense de trois mois en
maths, comptabilité et méthodologie d’évaluation de crédit. Puis ils passent encore trois mois sous la
supervision d’un agent de crédit senior qu’ils accompagnent pour apprendre le métier sur le terrain ;
Ce n’est qu’après ces 6 mois qu’une jeune recrue peut commencer à gérer seule un portefeuille de
clients.
La rétention de ces agents de crédit est aussi essentielle. Le succès de ce type d’initiative repose
beaucoup sur la relation que l’IMF construit avec ses clients. L’IMF a besoin d’un pool d’agents de
crédit stable, qui entretienne et fasse grandir cette relation de confiance avec le client.
Lire aussi : La fiche projet de l’AFD : http://www.afd.fr/home/pays/afrique/geo-afr/ghana/projetsghana/developpement-de-la-mesofinance-procredit
Source : Interview de Barbara Asumadu, Responsable du Département SME, ProCredit Ghana, 2014
Pour aller plus loin
 « Le financement des petites entreprises : quel rôle pour les institutions de microfinance ? »
CGAP Focus Note n° 81, Glisovic J., Martinez M., Juillet 2012
http://www.cgap.org/sites/default/files/CGAP-Focus-Note-Financing-Small-Enterprises-WhatRole-for-Microfinance-Jul-2012-French.pdf
 Fiche technique Mésofinance de l’AFD : http://www.afd.fr/home/projets_afd/appui-secteurprive/accessibilite-financiere2/mesofinance
Définition de la mésofinance et présentation du programme AFD.
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
« Financial Inclusion of Microenterprises in the Informal Sector – Missing Middle », GTZ,
Satin, SIDBI, 2010
http://www.microfinancegateway.org/gm/document-1.9.59351/final%20report.pdf
La GTZ a participé au ‘up-scaling’ de l’IMF indienne Satin Creditcare Network Ltd avec un produit
innovant. Ce rapport présente les résultats de la phase pilote qui se sont révélés assez probants.
 Fotsa Lieno L., « Panorama d’expériences en mésofinance : regard croisé sur l’Afrique et
l’Europe », Université de Rouen, 2012
Ce mémoire compare les offres de financement des PME en Europe à la situation en Afrique sur
différents critères. Il est notamment intéressant pour son tableau des programmes de
financement existants en Afrique (p7) et son tableau des IMF africaines impliquées en
mésofinance (p10).
 Chapitre Mésofinance du site Epargnes Sans Frontières. Voir notamment l’onglet ‘Actualités’ et
‘Acteurs’.
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Crédit-bail (ou leasing)
Opportunités pour les IMF
Le crédit-bail ou leasing (on parle également de « location-vente ») est une opération simple,
pratiquée depuis longtemps dans de nombreux pays. C’est une alternative au crédit moyen terme
classique pour l’équipement, qui permet de lever la contrainte de la garantie. Aujourd’hui des
institutions de microfinance ajoutent ce produit à leurs services financiers à destination des
microentrepreneurs : le crédit-bail s’avère être un produit utile en complément du crédit, et
maîtrisable par les IMF, pour peu que sa mise en œuvre respecte certaines conditions.
L’enjeu est aussi pour les IMF, par ce type d’outils, de pouvoir mieux s’adapter aux besoins
spécifiques de clientèles encore peu desservies, et en particulier :
•
le leasing est un produit assez intéressant pour cibler les micro et très petites entreprises,
(voir la partie sur crédit aux entreprises) qui opèrent dans le secteur informel et ne peuvent
bénéficier des avantages de l’amortissement des équipements.
•
Son application en milieu rural est également une piste pertinente, pour le financement des
petites entreprises agricoles. Le dossier thématique « Finance rurale et agricole » consacre
l’une de ses parties au financement des petites entreprises rurales, reprenant ce thème
du leasing en particulier.
Pour comprendre
Le crédit-bail est un arrangement contractuel permettant à une partie (le preneur) d’utiliser un actif
appartenant à une société de crédit-bail (le bailleur), moyennant le paiement de loyers d’un montant
convenu.
Le dispositif se caractérise principalement par le fait que le droit de propriété (détenu par le créditbailleur) est dissocié du droit d’usage économique (détenu par le preneur) du bien en location.
Le crédit-bail tel qu’il est couramment pratiqué fait généralement intervenir une société de leasing,
donc une organisation spécialisée.
Crédit-bail et crédit d’équipement : deux approches du financement des investissements
Le crédit-bail et le crédit d’équipement correspondent à deux formes différentes de financement, la
principale différence résidant dans la manière dont l’acquisition de l’actif est financée. Dans le cas du
crédit-bail, le bailleur est propriétaire de l’actif et bénéficie des avantages de l’amortissement (il peut
répercuter ces avantages sur le preneur en diminuant le montant de ses loyers). L’entreprise
preneuse a la possibilité, au terme du contrat, d’acheter l’actif à sa valeur marchande résiduelle ou
de prolonger la location.
Dans le cas du crédit d’équipement, l’entreprise est propriétaire de l’actif, bénéficie de
l’amortissement et le bailleur détient un droit sur les actifs en garantie tant que le crédit n’est pas
totalement remboursé.
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Quels sont les avantages comparatifs du crédit-bail ?
Crédit-bail :
◊ L’équipement loué suffit généralement à garantir l’opération de leasing. La propriété de
l’actif constitue pour le bailleur une sûreté solide.
◊ L’utilisateur final transfère généralement les risques d’obsolescence au bailleur propriétaire
◊ L’opération de leasing ne nécessite le versement d’aucun acompte (ou peu élevé) et seule la
valeur de l’équipement est financée. Celle-ci diminue normalement dans le temps. Le client a
généralement la possibilité d’acheter l’équipement à sa valeur résiduelle au terme de la
période de leasing.
Crédit d’équipement :
◊ Cette formule exige souvent la constitution d’une garantie
◊ L’utilisateur final assume tous les risques de dévaluation de l’équipement
◊ A la signature du contrat de prêt, le client doit verser un acompte. Le prêt finance le montant
résiduel.
Le crédit-bail peut compléter utilement les services de crédit offerts par une IMF. Il est généralement
bien adapté aux entreprises faiblement fiscalisées comme les microentreprises, qui la plupart du
temps opèrent dans le secteur informel et ne sont pas en mesure de bénéficier des avantages de
l’amortissement des équipements. Par ailleurs, pour octroyer un crédit-bail, l’IMF tient davantage
compte de l’aptitude du preneur à générer des rentrées de fonds suffisantes pour acquitter le loyer
que de son historique de crédit, ses actifs ou sa base de capital.
Ajouter ce produit supplémentaire à ses services implique naturellement un certain nombre de
contraintes voire d’inconvénients pour l’IMF, par exemple :
◊
◊
Contraintes liées à la possession du matériel : c’est sur l’IMF que se reportent les coûts
associés à l’obsolescence ou à la dévaluation des actifs.
Capacité de mesure de la valeur résiduelle des actifs : la mesure de la valeur résiduelle est
cruciale puisqu’elle détermine le gain ou la perte potentielle pour l’IMF et donc le degré de
rentabilité de l’opération de leasing.
Pour quels clients ?
Les produits de crédit-bail ne sont pas adaptés à tous. Les clients prenant leur premier ou deuxième
prêt et ayant besoin de crédit de trésorerie seront rarement concernés. Le crédit-bail s’adresse
davantage aux clients qui sont en mesure de rembourser un prêt plus important sur une période plus
longue. Il intéresse surtout les clients pour lesquels les produits de microcrédit classiques ne sont
plus adaptés et qui ont le potentiel d’accroître leur production et la qualité de leurs produits en
utilisant des équipements plus sophistiqués.
Le client type serait :
◊ Un client ayant emprunté à plusieurs reprises et se trouvant au moins au troisième cycle de
prêt
22
◊
◊
◊
Qui a l’expérience suffisante pour utiliser et gérer l’équipement loué
Qui est en mesure d’en assurer la maintenance
Qui dispose des revenus supplémentaires ou de l’épargne suffisante pour assurer le
versement des loyers.
Risques / Recommandations
Si les formules de leasing permettent, par rapport au crédit d’équipement, de lever la contrainte de
la garantie, elles n’en comportent pas moins des risques dont l’IMF doit se prémunir. Le leasing
implique notamment une gestion d’actifs qui requiert une compétence spécialisée.
Les principaux risques sont pour l’IMF :
- Un contrôle insuffisant de la valeur à l’achat : mauvais état ou surévaluation des biens acquis
par l’IMF et cédés en leasing, voire transaction frauduleuse pouvant impliquer des acteurs de
l’IMF ;
- Un litige sur la propriété : le vendeur auprès duquel l’IMF achète le bien ne dispose pas
toujours d’un titre de propriété légal (bien hérité, en copropriété, ...), ce qui peut conduire à
des litiges, des abus, des contentieux ;
- Une défaillance du fournisseur de matériel en garantie et en maintenance ;
- Un mauvais entretien ou utilisation du bien en location-vente qui conduit à sa détérioration ;
- Une difficulté d’application du statut de la location-vente : à Madagascar notamment (voir
l'exemple des CECAM plus loin), le statut de la location-vente inscrit dans la loi bancaire est
mal connu par l’environnement judiciaire, ce qui entraîne une difficulté d’application du
retrait de bien en cas de défaillance du locataire.
Par ailleurs, le crédit-bail n’est pas une forme « passive » de crédit, et suppose une approche
commerciale.
Ce type de crédit comporte un risque supplémentaire pour l’IMF (montants en jeu plus importants,
maîtrise technique de l'équipement par l'emprunteur indispensable) si bien que la sélection des
emprunteurs et le suivi soient essentiels.
C’est pourquoi les IMF cherchant à offrir des services de crédit-bail à leurs clients ont tout intérêt à
se spécialiser dans une gamme limitée d’équipements et à choisir les circuits de distribution les plus
appropriés.
Exemples
Des vaches en leasing : le métier de Juhudi Kilimo au Kenya
Au Kenya, où 75% de la population vit dans des zones rurales et dépend de l'agriculture, l'accès aux
services financiers est souvent difficile. Juhudi Kilimo a démarré ses activités en tant que programme
de recherche et de développement de produits de microfinance au sein de K-Rep Development
23
Agency. Le projet pilote, accompagné de deux études, a duré de 2006 à 2008 au Kenya. Vaches
laitières, volailles, ruches et pompes d'irrigation ont été les premiers biens mis à disposition des petits
exploitants. Après les premiers résultats positifs des études en 2008, Juhudi Kilimo, qui en swahili
signifie effort agricoles, s’autonomise en 2009 comme organisation à but lucratif et devient une
société financière de micro-leasing.
Juhudi Kilimo a développé une offre totalement révolutionnaire au Kenya : mettre à la disposition des
petits exploitants des biens de production au lieu d'un crédit monétaire. Les clients s’organisent en
groupes solidaires et ont jusqu’à 18 mois pour rembourser leur crédit. Ces clients reçoivent en outre
de l’assistance technique grâce à des partenariats avec des ONG spécialisées pour soutenir leur
activité.
Les trois éléments déterminants dans le processus sont les suivants:



L’objet donné en leasing représente lui-même le crédit. Il sert de garantie et le
remboursement de l’objet donné en leasing se fait via le revenu qui sera obtenu, en
l’occurrence grâce au lait vendu chaque jour. Le droit de propriété n'est transféré qu'à la fin
de la période de transaction.
D'autre part, les petits exploitants reçoivent une formation de base sur la manière de gérer les
produits à rembourser.
Le troisième élément représente la sécurité, et donc l’assurance; tant le produit que
l'exploitant sont assurés, si bien que le risque est réduit.
Depuis 2009, la palette des produits offerts a été constamment étendue de sorte qu'aux vaches et
leurs accessoires viennent désormais aussi s'ajouter des réservoirs d'eau, des charrettes et des scies à
chaîne. Mais les vaches laitières restent le moteur principal de l'activité.
Reste que le microleasing s'accompagne de nombreux problèmes qui doivent encore être maîtrisés:
D'une part, les ressources de Juhudi Kilimo ne sont jamais suffisantes par rapport à la demande de
produits; il n’y a pas assez d’argent pour acheter suffisamment d’animaux et de produits. D'autre part,
le réseau de distribution doit être davantage développé. Qui plus est, le portefeuille devrait être plus
diversifié (50% des produits mis en leasing sont des vaches laitières) et la gamme de produits plus
étendue. Juhudi Kilimo gère à fin 2011 des animaux et produits qui peuvent être donnés en leasing
d’une valeur de plus de 5 millions d’USD.
Pour aller plus loin
Documents de référence généraux :
 Kloeppinger, R., « Le leasing, un produit de crédit alternatif », Colloque FARM "Quelle
microfinance pour l’agriculture des pays en développement ?" , 2007.
 Rakotondramanana, G., « Location vente mutualiste - le crédit bail en milieu rural », Colloque
FARM "Quelle microfinance pour l’agriculture des pays en développement ?", 2007

Carter L., Barger T., Kuczynski I., « Crédit-bail et marchés émergents », extrait de « Lessons of
experience n°3 », IFC
24


« Africa Leasing Facility : Market Data per Country » : Une série d’études de marché réalisées
par IFC dans certains pays d’Afrique sur le marché du leasing
Kennedy K., « The potential of leasing through MFIs in emerging markets », 2010
 Sempangi H., Messan H., « Le Micro-bail : une alternative pour financer l’actif productif », Fiche
de synthèse N°35 de MicroSave, 2005
 Bass, J. & Henderson, K., « Crédit-bail : une nouvelle option pour les institutions de
microfinance », USAID, Note technique, (6), 2000
http://www.lamicrofinance.org/files/15471_Note_6Cr_ditBail_DEF.pdf
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Crédit à l’habitat
Opportunités pour les IMF
Le financement de l’habitat des populations à faibles revenus est un enjeu économique et social
majeur dans les pays en développement comme dans les pays riches. En Europe, les Etats ont tenté
de répondre à ce problème par la construction de logements sociaux largement subventionnés. Dans
les pays du Sud, les pouvoirs publics ont généralement une action très limitée. La croissance des
villes, en raison d’un fort taux d’accroissement naturel et un exode rural très important, y est rapide
et désorganisée. Des quartiers populaires précaires se créent sans suivre un plan d’urbanisme dans
des conditions sanitaires parfois déplorables.
L’habitat joue un rôle fondamental dans la réduction de la pauvreté par les effets en chaîne qu’il
induit en créant de meilleures conditions de santé notamment. Par ailleurs, la possibilité de disposer
d’un espace sécurisé peut constituer le point de départ du développement économique du ménage
en permettant la création d’une activité. Une proportion significative d’activités de l’économie
informelle dans de nombreuses villes est en effet liée à l’espace du logement.
Le financement de l'habitat social représente un enjeu grandissant pour les IMF. Cet intérêt croissant
a plusieurs explications.
◊
◊
◊
◊
◊
Certaines IMF en recherche de nouveaux marchés, ont compris que le crédit habitat pouvait
être proche de leur méthodologie de microcrédit classique
Des collaborations se construisent dans certains pays entre des structures de financement et
des programmes spécialisés sur les techniques de construction innovantes et peu chères.
Certaines banques commerciales classiques ou réseaux coopératifs d’épargne et de crédit
considèrent que le crédit habitat s’approche davantage de leur métier d’origine que les
microcrédits classiques
Des bailleurs de fonds de plus en plus soucieux de l’impact social des IMF, s’intéressent au
crédit habitat pour lequel l’impact sur le bien –être des familles est évident.
Enfin le constat d’échec des politiques du ‘ tout subvention ’ pour l’habitat, oblige à trouver
des solutions alternatives au problème de l’accès des populations à un habitat décent.
Pour comprendre
Le financement de l'habitat offert par des IMF correspond généralement à des crédits successifs de
relativement faible montant pour une amélioration progressive de l’habitat, calés sur les pratiques
d’auto-construction des habitants, par opposition au financement classique de l’habitat qui vise le
logement neuf et abouti, avec garantie hypothécaire.
TABLEAU COMPARATIF DES METHODOLOGIES DE CREDIT
Crédits aux
Microentrepreneurs
Crédit habitat par les IMF
Crédit habitat
classique
26
Le crédit impacte sur le
revenu
Le crédit impacte sur la valeur des actifs et parfois
sur le revenu
Le crédit impacte sur la
valeur des actifs et
parfois sur le revenu
Montant de crédits : en
général < 500 US$
Montant : de 200 à 1 500 US$. Ils financent
des améliorations progressives de l’habitat
Montant : > 1 000 US$.
Ils financent une
construction achevée
Pas de suivi de l’utilisation
effective du crédit
Parfois un accompagnement dans la
construction/réhabilitation
Dépend des
programmes
Méthodologie de crédit de
groupe ou individuel
Rarement méthodologie de groupe. Pas de
garantie hypothécaire. Caution morale/garanties/biens domestiques. Sécurisation
foncière vérifiée
Crédit individuel.
Garantie hypothécaire.
Titre de propriété
exigée
Durée : excède rarement
24 mois
Durées entre 2 et 15 ans. Généralement 3 ans
Durée généralement > à
10 ans
On distingue deux approches du financement de l’habitat :
Le financement de l’habitat non subventionné. Financer l’habitat en dehors de toute subvention
revient à proposer des produits d’épargne et de crédit relativement classiques dans une optique qui
rejoint celle du financement d’activités génératrices de revenus. Des IMF comme Sewa Bank (Inde) et
Grameen Bank (Bangladesh) ont diversifié leurs produits de crédit vers l’habitat en définissant des
conditions proches de leurs produits classiques : crédits de petite taille pour la rénovation
progressive ou la construction d’un habitat de base, durée de recouvrement relativement courtes
(deux ans maximum), peu ou pas de subvention, garanties adaptées (formes alternatives de titres de
propriété), mobilisation très progressive de l’épargne.
Ce type de crédit est utile notamment pour financer des améliorations successives de leur logement,
ce qui correspond au mode d’investissement naturel de beaucoup de ménages pauvres dans les pays
en développement.
En revanche, pour l’acquisition d’un habitat de base, où l’investissement initial est élevé, on reproche
généralement à ce type de programme d’habitat son faible impact dans la mesure où les populations
les plus pauvres ne peuvent avoir accès à ces produits qui nécessitent une forte capacité d’épargne.
Le financement de l’habitat subventionné. Lorsque l’objectif est de toucher des populations pauvres
pour un habitat de base, la nécessité d’un recours à la subvention pour atteindre les derniers déciles
de revenus est aujourd’hui largement admise, y compris au sein des Agences de Développement
Multilatérales. Mais dès lors qu’une composante subvention est introduite, ce type de financement
devient beaucoup plus complexe à gérer pour l’institution de microfinance car il n’est plus possible
27
d’aborder le crédit habitat sous un angle purement financier et privé. Des considérations techniques
et politiques sont à intégrer.
L’Etat ou les bailleurs de fonds peuvent jouer un rôle majeur dans le développement de ce type
d’activité soit par la mise en place de ressources longues à taux concessionnels, soit directement par
le biais de subventions.
Risques / Recommandations
Le financement de l'habitat représente un potentiel intéressant pour les IMF mais le développement
de ces produits se heurte néanmoins à un certain nombre de difficultés.
La sécurisation foncière : un préalable à l'investissement dans le financement de l’habitat? En
théorie, la sécurisation foncière est un processus légal qui passe par des espaces lotis, un processus
d’attribution des lots (titre de propriété), et un marché foncier. L’approche classique du financement
de l’habitat s’appuie sur cette conception : l’obtention d’un titre de propriété est un préalable.
Dans les pays en développement, ce processus est rarement abouti. Ceci renvoie à la question de
savoir si les IMF doivent s’engager ou pas sur les problèmes de sécurisation foncière. La plupart des
IMF refusent de s’y engager parce que ce n’est pas leur métier et qu’elles n’en ont pas les moyens.
Faut-il pour autant s’abstenir de faire du crédit habitat en l’absence de sécurisation foncière ? La
position de beaucoup d'IMF est de dire que l’investissement dans l’habitat (construction en dur,
réhabilitation) est un moyen de renforcer la sécurisation foncière car il est plus difficile pour des
autorités de déguerpir des habitants ayant fait des travaux dans leur habitat que des habitants vivant
dans des habitations précaires et provisoires. Sans pour autant s’impliquer dans des actions de
lobbying par rapport au foncier, il est recommandé que les IMF s’assurent que leurs clients sont dans
un début de sécurisation foncière : assurance pour l’usager qu’il ne se fera pas déguerpir d’un terrain
occupé illégalement, matérialisation de cette assurance au travers des coutumes et lois locales
(garanties plus ou moins formelles tels qu’un titre d’occupation). Ceci est important à la fois pour
leur propre maîtrise du risque et pour la cohérence des politiques de développement urbain.
Faut-il fournir une assistance technique à la construction/réhabilitation? Beaucoup d'IMF justifient
l’absence d’accompagnement dans la construction en misant d’une part sur la capacité des ménages
à gérer le processus de construction/réhabilitation à des niveaux de qualité acceptables et d’autre
part sur leur volonté de choisir eux-mêmes les options de construction/réhabilitation. Le débat est
ouvert et beaucoup d’autres IMF considèrent que la maîtrise du risque sur ce type de crédit passe
par la fourniture d’une assistance à la construction pour éviter notamment le risque de surestimation
du coût des travaux. Certaines IMF intègrent cette assistance dans leur processus de crédit en
formant du personnel spécialisé dans l’évaluation de travaux, d’autres s’associent à des compétences
existantes et exigent de leurs clients qu’ils aient recours à ces services.
S'assurer de la capacité à mobiliser des ressources à long terme. Les prêts à l’habitat sont par
définition des prêts longs. L’objet du financement ne génère pas directement de revenus et est
28
immobilisé. Les remboursements se font donc progressivement par prélèvement d’une partie du
revenu du ménage (ceci est vrai d’une famille riche comme d’une famille pauvre).
Les IMF qui veulent développer une activité de crédit habitat doivent donc pouvoir proposer des
crédits sur plusieurs années, ce qui sous-entend accéder à des ressources à long terme. Or ces
ressources sont souvent difficilement accessibles pour les IMF.
Trouver des formes de garanties adaptées. Les montants plus importants et la durée plus longue de
ce type de crédit font qu’il est souvent difficile de s’appuyer sur la méthodologie du crédit solidaire,
même si certaines IMF y arrivent. Souvent les emprunteurs ne disposent pas de titres de propriété en
bonne et due forme, ce qui rend difficile la prise de garantie classique.
Les questions qu'une IMF doit se poser avant de décider de se lancer dans le développement de
produits de financement de l'habitat.
◊ Quelle est la situation foncière des habitants ?
◊ La loi de la microfinance autorise-t-elle les IMF à financer l’habitat?
◊ Quelles sont les politiques publiques en matière d’habitat ?
◊ Quelle sont les types de demandes ? Rénovation (existence ou pas d’un « capital habitat »),
construction ou acquisition?
◊ Quelles sont les pratiques d’auto-construction des habitants? (impact sur niveau de
standardisation des produits et montants nécessaires)
◊ Quelle sont les capacités de remboursement mensuelles des ménages (le crédit habitat ne
doit pas excéder 25% du montant des revenus mensuels)
◊ L ’IMF a-t-elle les moyens de garantir un accompagnement minimum? (au moins dans
l’évaluation des coûts liés à l’habitat)
◊ Quelles garanties l ’IMF peut-elle appliquer?
◊ L ’IMF est-elle autorisée à lever l’épargne?
◊ L ’IMF a-t-elle accès à des ressources à moyen terme?
Exemples
Financement de l’amélioration de l’habitat : une offre de Mikrofond EAD (Bulgarie)
Habitat for Humanity et Mikrofond EAD ont établi un partenariat en 2008 pour offrir des crédits à
l’habitat aux populations exclues en Bulgarie.
Mikrofond sert depuis 1999 des micro-entrepreneurs et des personnes exclues du système financier
en Bulgarie. A fin 2011, l’IMF comptait 1104 client, 14 agences pour un encours de portefeuille de 4,6
millions de dollars US. Le portefeuille de crédit à l’habitat représentait alors environ 4,5% du
portefeuille global, mais 20% des clients (prêt moyen plus petit et durée plus longue).
Ensemble, Mikrofond et Habitat ont lancé un fond spécifique pour financer l’amélioration de
l’habitat de ces personnes à faible revenus. Ces améliorations consistent la plupart du temps à
29
réparer le toit, isoler les murs ou les canalisations, réparer ou remplacer les fenêtres etc…
Le marché est là. Les besoins en amélioration de l’habitat sont criants en Bulgarie ; une étude de l’UE
(« Housing Europe Review 2012: The Nuts and Bolts of European Social Housing Systems ») estime
que 20% des pauvres en Bulgarie dépensent plus de 40% de leurs revenus dans l’habitat. Il y a bien
une offre auprès des 4 grandes banques commerciales, qui est d’ailleurs très attractive en terme de
taux d’intérêt (12 à 15% de TEG), et qui offre même un apport en subvention de 20% du montant du
crédit. Mais une large partie de cette population qui nécessite un habitat décent n’est pas éligible
aux crédits des banques commerciales. Et s’adresse soit à des loan sharks soit à des organismes
faisant du prêt à la consommation, cher et inadapté à leurs capacités réelles.
Dans ce contexte, Mikrofond a développé une offre compétitive, pour permettre à ces gens soit
d’améliorer leur habitat soit d’opter pour des solutions d’efficacité énergétique pour l’habitat. Les
clients peuvent obtenir leur prêt en 4 ou 5 jours, entre 500€ et 5000€ sur 5 ans maximum (10 ans
pour les prêts à l’efficacité énergétique) à un TEG de 13,5%. L’agent de crédit va très rarement
réduire le montant demandé, s’il estime que le projet de rénovation est raisonnable, bien entendu ;
il va plutôt allonger la durée du crédit pour réduire le montant de chaque échéance si le client n’a
pas la capacité mensuelle de rembourser ce qu’il souhaitait. Ceci parce que Mikrofund a conscience
que si un client demande une certaine somme pour améliorer son habitat, et qu’il ne l’obtient pas de
l’IMF, il ira l’emprunter ailleurs et se mettre en péril.
Le client peut aussi bénéficier d’une assistance technique à la construction, fournie par le personnel
spécialisé d’Habitat, s’ils le souhaitent.
Les leçons tirées de 4 années de développement de produit
Depuis 2008, le produit n’a pas connu de modifications majeures. Cependant, grâce aux retours du
terrain et aux remarques des clients, la méthodologie de prêt et la tarification ont été revues afin de
servir un plus grand nombre de clients. Par exemple, au départ le client devait présenter un niveau
de revenu au moins égal à 20% du PNB par habitant, et son taux d’endettement ne devait pas
dépasser 25% de ses revenus. Ceci réduisait considérablement l’accès à une niche spécifique de la
population. Ces critères ont été revus et sont à présent différents selon la région et fondés sur les
salaires moyens observés.
La tarification a aussi été modifiée. Initialement, le taux d’intérêt était le même pour tous. En 2012,
Mikrofond a opté pour une tarification fondée sur le risque du client. Ainsi le taux d’intérêt est
calculé en fonction du niveau de revenu, de l’historique de crédit, et de l’endettement du ménage.
Alors que le TEG se situait à 13,50%, la majorité des clients payent à présent entre 12 et 18%, ce taux
pouvant atteindre 22% pour les clients avec le niveau de risque le plus élevé. Mais les enquêtes
auprès des clients ont exprimé que le crédit restait abordable selon eux.
Afin de s’assurer qu’il n’y a pas eu de détournement de l’objet du crédit, Mikrofond a également
institué un décaissement en deux tranches : la 2ème tranche n’est décaissée qu’une fois que le client
présente la preuve des travaux entrepris.
D’après « Case study : Mikrofond EAD in Bulgaria », Habitat, 2012
30
Beit el Mal (Mauritanie) : une articulation originale entre microfinance et politique publique de
l’habitat
La présentation de Beit el Mal, institution de microfinance mauritanienne qui réalise du crédit
habitat dans le cadre de la mise en place d’une politique d’habitat social en Mauritanie, permet
d’illustrer la problématique du crédit habitat subventionné.
La Mauritanie a connu une croissance urbaine spectaculaire durant les trois dernières décennies,
probablement l’une des plus importantes d’Afrique noire. La population de la ville de Nouakchott a
été multipliée par 30 en 30 ans (20.000 habitants en 1960, environ 600.000 aujourd’hui). Cette
urbanisation récente pose le problème de l’accès à un habitat décent.
Dans ce contexte, le programme de développement urbain Twize appuyé par le GRET a démarré en
1998, dans les quartiers périphériques lotis de Nouakchott. Il est financé par l’Etat mauritanien dans
le cadre de sa politique de Lutte contre la pauvreté et vise à permettre l’accès des familles démunies
à une unité d’habitation (qui est celle qu’elles construiraient si elles avaient les moyens de le faire).
Ce qu’il propose est de mettre à la disposition de ces familles le financement nécessaire à cette
construction et d’accompagner techniquement sa réalisation.
La mise en place de crédits à l’habitat va de pair avec l’amélioration des revenus des habitants. L’une
des conditions de recouvrement des crédits est en effet que les revenus des bénéficiaires puissent
être parallèlement augmentés. Dans cette optique des microcrédits économiques sont également
proposés aux habitants.
Les produits proposés
La composante microfinance du programme Twize également appelée « Beit el Mal » est en charge
de la gestion de deux produits :
•
Le crédit habitat
Le mécanisme financier de l’habitat social se décompose en 3 parts : une participation initiale
des bénéficiaires (15 % du coût), une subvention de l’Etat mauritanien via le CDHLCPI, (50 %
du coût) et un crédit habitat (35 % du coût).
Actuellement le coût de construction de l’unité d’habitation de base, s’élève à 400 000 UM
(environ 1 200 USD) soit 1,8 fois le PNB par habitant de la Mauritanie et 5,5 fois le revenu
moyen mensuel estimé pour les familles des quartiers ciblés. Les dimensions de cette unité
d’habitation sont de 5m x 4m. La méthodologie employée par la distribution de ce type de
prêts est celle du crédit solidaire classique (taille du groupe solidaire « Twize » entre 5 et 10
personnes). Ce crédit est accordé sur une durée de 36 mois, avec un remboursement
mensuel du capital. Le taux d’intérêt est de 12 %/an, sur capital constant.
•
Le micro-crédit classique
Les méthodologies du crédit habitat et du microcrédit classiques sont proches. Comme pour
le volet habitat, les bénéficiaires de ce type de crédit doivent s’organiser en groupes
31
solidaires Twize. Les montants de prêts sont progressifs d’un cycle à l’autre. Au premier
cycle, le montant accordé est de 10 000 UM (soit environ 40 USD). Le remboursement du
capital est mensuel, la durée des crédits est au choix : 6 ou 12 mois. A la différence du crédit
habitat, ce type de crédit se voit appliqué un taux d’intérêt de 24 %/an, sur capital constant.
Des résultats…
Beit el Mal parvient à pénétrer des quartiers dont certains ne sont pas ciblés par d’autres institutions
de microfinance, et desservait 4 168 clients au 31/08/05. L'encours de crédit habitat est de 61 834
900 UM (1 675 clients) et celui de microcrédits classiques de 32 141 500 UM (2 493 clients). Une
forte expansion est prévue à Nouakchott (où le programme se concentre actuellement) et
Nouadhibou (capitale économique du pays), où Beit el Mal a ouvert une antenne.
L’institutionnalisation formelle de Beit el Mal doit avoir lieu d’ici début 2007.
…et des contraintes
L’introduction d’une subvention de l’Etat mauritanien pour alléger le coût de l’habitat, oblige à
adosser la dimension financement à une dimension accompagnement/suivi de la construction
(composante habitat). L’Etat mauritanien qui octroie cette subvention veut légitimement s’assurer
que la subvention ne va pas être détournée pour un autre objet que l’habitat, et que l’habitat
construit grâce à la subvention publique correspond à des normes minimales de sécurité et salubrité.
a. Une dépendance technique
La construction de l’habitat doit être accompagnée et contrôlée. Concrètement dans le
programme Twize, c’est la composante « habitat » qui se charge de la définition des
caractéristiques techniques de l’habitat et de la mise en œuvre des chantiers de
construction. Beit el Mal gère les aspects purement financiers (sélection des clients, gestion
de la subvention et du crédit) mais l’interdépendance avec la composante «habitat» étant
forte, une coordination étroite est nécessaire.
b. Une dépendance politique
L’activité de financement de l’habitat représente une part importante du volume d’activités
de Beit el Mal. Un changement de politique du gouvernement qui ne ferait plus de l’habitat
social sa priorité pourrait fortement déstabiliser la structure en provoquant l’arrêt d’un pan
important de l’activité. Outre l’appui au gouvernement dans la mise en place d’une politique
pérenne de financement de l’habitat social, Beit el Mal envisage trois stratégies pour garantir
sa pérennité face à ce risque :
o Renforcer le poids du microcrédit classique. Le renforcement de la diversification des
activités est essentiel pour la stabilité de la structure surtout si un arrêt des crédits
habitat devait être engagé.
o Développer progressivement des produits de financement de l’habitat non
subventionnés. La demande pour des produits complémentaires d’amélioration de
l’habitat de base existe. La subvention ne se justifie plus dans ce cas mais il serait
légitime que Beit el Mal puisse répondre à cette demande en proposant des produits
d’épargne et de crédit adaptés.
32
o
Prévoir un schéma d’institutionnalisation de "Beit el Mal" qui (1) isole le risque lié à
la dépendance de l’activité de crédit habitat social et le laisse à la charge de l’Etat
puisque sa matérialisation dépend de ses décisions ; (2) distingue clairement la
gestion des fonds publics et de celle des fonds privés.
Source : Actualisation par le GRET du BIM du 7/5/02
Pour aller plus loin
Des organismes de référence avec un contenu actualisé régulièrement et de nombreuses ressources
en ligne

Centre for Affordable Housing Finance in Africa: http://www.housingfinanceafrica.org
Cette organisation a énormément œuvré pour la recherche sur l’accès au financement de
l’habitat en Afrique. Il y a de nombreuses ressources disponibles (en anglais) sur le site,
notamment sur les innovations en financement de l’habitat.
Notamment, ils publient chaque année le « Housing Finance in Africa Yearbook » qui présente un
état des lieux du marché en Afrique, des analyses transversales, ainsi que des fiches spécifiques
par pays.

« Shelter Finance for the Poor », Cities Alliance: http://citiesalliance.org/
Cities Alliance, un regroupement de villes et acteurs du développement urbain, a réalisé une
série d'études de cas en anglais sur le financement de l'habitat pour les pauvres. L'objectif est de
valoriser des expériences d'IMF qui proposent des crédits habitat à leur clientèle pauvre et d'en
tirer les enseignements pour la promotion de ce nouveau type de produits financiers.
• Présentation du projet (2002) :
http://citiesalliance.org/sites/citiesalliance.org/files/CA_Docs/resources/financing/Shelter%2BFi
nance.pdf
• Synthèse des cas étudiés (2009) : http://citiesalliance.org/node/810
 Global Communities : http://www.globalcommunities.org
Global Communities, anciennement CHF International, est une organisation internationale qui
travaille sur les problèmes d’accès à l’habitat dans le monde. Une partie de ses activités est axée
sur la question du financement de l’habitat. Il y a de nombreuses ressources disponibles sur leur
site, notamment :
« Crédit habitat pour les IMF: comment intégrer un programme de crédit pour l’amélioration de
l’habitat dans une IMF », CHF International, 2005
« Practical guide for housing microfinance in Morocco », 2005
Plusieurs anciens BIM qui restent des références
 Creusot A-C, « Microfinance et habitat », 2000
 Le Picard Ducrout C., « Microfinance et logement, l’exemple de NURCHA », 2001
 Creusot A-C, « Le financement de l’habitat social : l’exemple de Beit-el-Mal, Mauritanie », 2002
33
 Creusot A-C, « Financement de l’habitat, l’exemple de l’IMF Mibanco au Pérou », 2003
 Maudoux J., « Microfinance adaptée au logement », 2001
34
Le warrantage ou crédit stockage
Opportunités pour les IMF
Le Global Findex de la Banque Mondiale indique que l’Afrique Sub-Saharienne a un taux de
bancarisation de la population vivant en milieu rural de 20.5% (2011), mais que seuls 4.4% ont eu
accès à un crédit dans l’année.
Selon une étude menée par le Panel de Montpellier par l’Imperial College de Londres
(https://workspace.imperial.ac.uk/africanagriculturaldevelopment/Public/Final%20Panel%20Report.
pdf) le monde agricole représenterait 80% de la population active en Afrique et près de la moitié de
son PNB (2010).
Or l’accès des producteurs au crédit est parfois un levier crucial pour réduire la pauvreté dans ces
zones rurales : le producteur n’est plus obligé de brader sa récolte au moment où les prix sont les
plus bas pour faire face à ses besoins en trésorerie, et il a par ailleurs accès au crédit pour financer
ses intrants ou ses autres besoins accessoires.
Les IMF de par leurs dispositifs de service de proximité et leur réseau étendu peuvent aider à réduire
ce fossé. C’est d’ailleurs ce qui a été l’origine du développement des caisses de crédit agricole en
France au début du XXème siècle. Ces caisses ont notamment largement participé à la sortie de crise
post-1929 en finançant l’escompte de stock de blés.
Pour comprendre
D’après :
 Wampler B., « Sécuriser le crédit aux organisations paysannes par le warrantage », 2003
http://microfinancement.cirad.fr/fr/news/bim/Bim-2003/BIM-23-12-03.pdf
 « Gestion des risques agricoles par les petits producteurs » chapitres sur le warrantage, AFD,
2011
Le warrantage est un produit déjà largement utilisé par les banques qui opèrent dans le secteur
agricole. On entend aussi parfois parler d’ « avance sur produits nantis » ou ASPN. La technique
consiste à offrir un prêt garanti par un stock de produit agricole conservé par un tiers.
Le warrantage inclut plusieurs acteurs :
◊ Producteur : il cherche à stocker sa production, obtenir un crédit et à vendre sa production
en période de soudure.
◊ Entreposeur : il stocke les productions après avoir effectué les traitements nécessaires
(lavage, triage, etc.) garantissant leur qualité. Son rôle est de consigner les entrées et les
sorties du stock et de délivrer le récépissé qui certifie le type de produit stocké, la quantité,
la date, etc.
◊ Emetteur des prêts : une banque ou une IMF accepte de reconnaitre la garantie fondée sur
les récépissés et émet un prêt au producteur sur la base de cette garantie. Le prêt permet
ainsi au producteur de continuer à subvenir aux besoins de sa famille sans vendre
directement sa production à bas prix.
35
◊
◊
◊
Contrôleur : il s’assure de la qualité du grain stocké et de sa conformité par rapport aux
normes requises. Le contrôleur doit être de préférence externe pour garantir la validité du
contrôle.
Assureur de l’entreposeur : l’entreposeur est encouragé à prendre une assurance en cas
d’accident sur le stock (vol, incendie, putréfaction, etc.).
Institut de normalisation : il instaure des normes qui permettent d’améliorer la qualité du
stockage et de mettre les stocks en commun.
L’intérêt du système est le suivant : le producteur stocke au moment de la récolte, quand les prix
sont relativement faibles en obtenant un crédit pour pouvoir mener une activité génératrice de
revenu (AGR). Au moment de la soudure, il déstocke et rembourse le prêt grâce à la vente de la
production et conserve la marge dégagée par les AGR et par l’augmentation de prix intra annuelle.
Par ailleurs, le système de crédit warrantage a pour effet de lisser les variations saisonnières du
cours de certains produits agricoles sur l’année. Cela peut inciter les agriculteurs à participer au
système, ce qui peut créer des chaines d’approvisionnement plus courtes et plus compétitives
Ainsi, le principe de fonctionnement du warrantage simple est le suivant :
* La valeur varie selon le type de produit et le pays, mais pour donner un ordre de grandeur, elle sera d’environ
70% de la valeur d’entrée en magasin de stockage.
36
Pour l’IMF, ce système présente quelques avantages :
◊ Se protéger contre le risque car ce crédit fournit aux producteurs une garantie immédiate
pour cautionner un prêt. Il s’agit d’un type de garantie à la valeur marchande élevée et
attractive pour l’IMF.
◊ Contrairement aux propriétés foncières ou à d’autres formes de garanties, la garantie
constituée par le stock est liquide. Elle peut être convertie en liquidités auprès d’une
banque ou sur le marché. Cela représente un intérêt pour l’IMF, qui peut rencontrer
certaines difficultés à se faire rembourser par l’agriculteur.
Risques/Recommandations
Lorsqu’une IMF veut se lancer dans le financement de l’activité agricole, elle se retrouve souvent
confrontée à un enjeu de risque extrêmement fort et très peu maitrisable.
Des risques élevés. Ces risques sont de nature climatique, sanitaire, économique (variation de prix,
difficultés d’écoulement de la production agricole, concurrence avec les produits d’importation, et
covariants, c’est-à-dire qu’ils pèsent en même temps sur l’ensemble des emprunteurs de la zone
touchée.
Les modalités de stockage représentent un enjeu majeur. Le stock étant la garantie du prêt, le
système ne fonctionne que si les entrepôts sont sûrs et garantissent que le produit ne se détériorera
pas (ex : insuffisance des dispositifs de séchage ou de conservation des produits agricoles, présence
d’insectes ou de rats). Plusieurs options existent, soit l’entreposeur est assuré, soit comme en
Tanzanie, il existe une autorité gouvernementale qui certifie les entrepôts. La fiabilité de l’entrepôt
représentera la solidité de la garantie pour l’IMF.
Si l’IMF doit intervenir dans la construction ou la gestion de l’entrepôt, elle doit songer à inclure ces
coûts supplémentaires dans le prix de son offre warrantage.
La variation de prix entre récolte et soudure est imprévisible. Si les prix n’augmentent pas
suffisamment dans le courant de la saison, les producteurs ressortent déficitaires. Le système
favorise un comportement spéculatif des agriculteurs, qui essaient de maximiser leurs bénéfices en
attendant que le prix des produits soit au plus haut pour vendre. Lorsque ce point est atteint, le flux
de marchandises déversées sur le marché fait presque immédiatement chuter le cours. Cela peut
laisser les producteurs avec plus de la moitié de leur stock au moment où les prix sont les plus bas.
Outre la perte financière, ces phénomènes peuvent décourager les producteurs d’utiliser le système,
ce qui peut avoir des conséquences pour l’IMF.
Par ailleurs, deux préalables sont indispensables à l’échelle du marché pour pouvoir mettre en place
ce système :
◊ Formation et information : Un travail de sensibilisation doit être entrepris à deux niveaux :
d’un côté le renforcement des compétences techniques des structures intermédiaires en
37
◊
charge de la distribution des produits (les IMF, les gestionnaires des stocks,..), de l’autre
l’information des agriculteurs sur le fonctionnement global du système.
Réglementation et supervision du secteur est essentielle à la réussite d’un programme de
crédit-warrantage. Le gouvernement doit s’attacher à trouver le mécanisme approprié de
contrôle réglementaire.
Exemples
Le système EAGC, une approche privée du warrantage
L’Eastern Africa Grain Council (EAGC) basé à Nairobi est une entreprise privée qui a pour ambition de
développer le marché agricole en Afrique de l’Est. Un des produits développé par EAGC est le
« Warehouse Receipt System » ou système de warrantage. Il a été mis en place en 2007, pour le
maïs, sur une initiative de l’ONG ACDI-VOCA.
Le dispositif en détail
Tous les acteurs de la filière peuvent devenir membre d’EAGC et profiter des différents services
proposés (information sur les prix, mise en relation, lobbying, etc.). Le service de warrantage proposé
par EAGC a la particularité d’être accessible à tous les acteurs de la filière grâce à l’échangeabilité des
bons de stockage. Un volume minimal de 50 tonnes est cependant requis pour l’obtention d’un bon
de stockage, puis d’un crédit, ce qui impose aux petits producteurs de se grouper afin d’accéder à ce
service. EAGC a par ailleurs défini un statut particulier pour les groupes de producteurs voulant
devenir membre avec des conditions tarifaires préférentielles.
Le fonctionnement technique du système est relativement simple ; une fois que le groupe de
producteurs a réussi à apporter 50 tonnes de maïs dans un grenier tenu par un « Warehouse
Operator » ou opérateur de stockage avec un niveau de qualité satisfaisant, le représentant du
groupe reçoit un « Warehouse Receipt » ou bon de stockage qui peut être utilisé comme garantie
pour l’obtention d’un crédit d’un montant de 70% de la valeur du stock auprès d’une banque. La
vente peut ainsi être décalée et lorsque les prix atteignent un niveau satisfaisant pour le groupe de
producteurs la décision de vente est prise. L’acheteur se rend à la banque, la propriété du bon de
stockage lui est transférée et les bénéfices de la vente sont reversés aux agriculteurs (prix de vente
déduit du montant du prêt, des intérêts et des frais de stockage). Le prêt, tout comme les bénéfices
de la vente, leur sont versés sur des comptes individuels au prorata du montant stocké.
Limites et reproductibilité du projet
Le warrantage d’EAGC a été lancé lors de la saison 07/08 marquée par de graves violences post
électorales sur l’ensemble du territoire puis par une importante sécheresse qui a frappé les
producteurs en 08/09. En 2009/2010 l’expérience est en quelque sorte « relancée » dans une
nouvelle zone de production et avec un nouvel opérateur de stockage : Export Trading, un important
négociant en grain. Malgré ces débuts difficiles, EAGC a les ressources et l’ambition nécessaires pour
que le système se développe.
Ce programme insère le warrantage au cœur d’une stratégie de développement de la filière maïs. En
effet le système permet à la fois un accès facilité au marché pour les producteurs, une mise en
relation des producteurs avec les différents acheteurs, le respect de normes, l’utilisation d’un
système d’information sur les prix régionaux et l’utilisation d’une plateforme de commercialisation
38
en ligne.
Impacts
Financièrement, le système est rentable pour les producteurs dès que l’augmentation des prix
observée entre la récolte et la soudure est supérieure à 6,5%. C’est d’ailleurs effectivement le cas
chaque année. Cependant les agriculteurs n’ont pas forcément conscience de ce cycle sur les prix ou
en tout cas ont peur de miser dessus. Cette augmentation nécessaire est faible par rapport aux
autres systèmes de warrantage analysés. Ceci s’explique par des frais de stockage faibles (économies
d’échelle) et l’absence d’intermédiation financière (les producteurs ont des comptes individuels dans
les banques commerciales).
L’impact auprès des petits producteurs est pour le moment limité car beaucoup de facteurs
ralentissent leur adoption du système : le sentiment d’insécurité qu’ils ont par rapport au prix du
maïs (causé surtout par des actions politiques), la difficile compréhension du fonctionnement du
système et du fait qu’ils restent propriétaires du grain , la crainte du changement et finalement la
difficulté de travailler en groupes organisés. Ce dernier point s’explique entre autres par l’expérience
négative qu’ils ont du fonctionnement des coopératives. Cependant EAGC, par l’intermédiaire de ses
délégués locaux, réalise un important travail sur le terrain pour accompagner les groupes de
producteurs et les sensibiliser au fonctionnement du système.
Le grand défi est de développer le système dans des proportions en accord avec les ambitions
d’EAGC et ceci devra passer par la complexe intégration de l’entreprise publique NCPB en tant que
opérateur de stockage et la mise en place de contrats avec le PAM (programme P4P) afin de
sécuriser la commercialisation.
Pour aller plus loin
 Voir aussi le dossier thématique Finance rurale et agricole
 Chetaille A., Duffau A., Horréard G., Lagandré D., Oggeri B., Rozenkopf I., « Gestion des risques
agricoles par les petits producteurs », AFD, GRET, 2011.
https://www.lamicrofinance.org/files/28567_file__risques_agricoles_assurance_indicielle_warra
ntage.pdf
voir plus particulièrement le chapitre sur le warrantage
 Morvant-Roux S., « Quelle agriculture pour les pays en développement ? », synthèse du colloque
FARM 2007, http://www.fondation-farm.org/zoe/doc/farm_synthese__microfinance_.pdf
 Sénégal : « Etude de faisabilité sur le développement du crédit de stockage (warrantage) –
Rapport provisoire », USAID, Poly Conseil, 2010.
http://www.microfinance.sn/docs/etude_faisabilite_warrantage_PCE.pdf
39
Crédit à l’éducation
Opportunités pour les IMF
L’accès à l’éducation et l’instruction des jeunes est un enjeu majeur du développement économique
d’un pays. Dans de nombreux pays émergents ou en voie de développement, l’accès à l’éducation est
un défi crucial auquel les gouvernements peinent à répondre seuls.
Et quand bien même les états seraient en mesure d’offrir un enseignement gratuit, les coûts annexes
tels que les fournitures, les livres, les frais de logement ou de transport et autres maintiennent
souvent les jeunes issus de familles à faible revenus à l’écart de l’école ou de l’université.
Les IMF peuvent aider à réduire cet écart en proposant des formules de financement adaptés à leur
clientèle, à leur propre capacité de refinancement long-terme ainsi qu’à leurs opportunités de
partenariats avec des établissements d’enseignement.
Pour comprendre
Le crédit à l’éducation se décline sous plusieurs formes et peut s’avérer parfois complémentaire aux
dispositifs publics déjà en place dans le pays.
40
Exemples de crédits à l’éducation :
◊
◊
◊
Crédit aux écoliers. La rentrée scolaire implique souvent de nombreux frais de démarrage,
avec règlement des frais de scolarité en avance, ou bien encore pour les fournitures et les
manuels scolaires.
Crédit à l’enseignement supérieur. L’IMF peut également financer les frais de scolarité d’un
étudiant.
Crédit relais aux étudiants. Les étudiants boursiers attendent parfois de nombreux mois avant
que leur bourse ne leur soit versée. L’IMF peut combler ce besoin de trésorerie sur quelques
mois et éventuellement avoir un accord avec l’organisme de bourse pour se faire payer
directement cette bourse.
Risques/Recommandations
Le risque de défaut est très élevé. Les micro-entrepreneurs sont en général ancrés dans des
communautés qui peuvent exercer une pression sociale qui facilite le remboursement. Or l’étudiant,
lui, vient souvent d’une zone reculée, personne ne le connaît et il n’a pas particulièrement de
réputation à sauvegarder auprès de quiconque.
Il est donc parfois nécessaire de s’associer avec un établissement, lui régler directement les frais de
scolarité, et s’assurer de pouvoir suivre l’étudiant.
L’IMF a au fond peu de garantie autre que le potentiel de l’étudiant et ses chances de succès après
ses études. C’est sur ce critère-ci qu’elle peut essayer de bâtir sa méthodologie d’évaluation des
demandes de crédit.
Par exemple, XacBank en Mongolie, qui a mis en place des crédits pour les études supérieures en
2005, prête généralement aux étudiants en 2ème année, car ils ont déjà un historique d’assiduité et de
résultats.
Le crédit à l’éducation nécessite du refinancement de long-terme. Les prêts étudiants sont souvent
d’au moins 5 ans. L’IMF doit pouvoir gérer des flux de trésorerie très étalés dans le temps.
Le crédit doit être plus flexible. Le crédit à l’éducation demande souvent une certaine flexibilité dans
les termes de remboursement : période de grâce, petites échéances qui démarrent parfois
seulement une fois que l’étudiant travaille, un terme pouvant aller jusqu’à 5 ans, etc…
Besoin de bien connaître le marché et ses perspectives. Les IMF ayant mis en place ce type de
produit se sont rendu compte qu’elles avaient besoin de collecter de meilleures données sur les
perspectives d'emploi pour les jeunes diplômés. L’étude de marché préalable au développement
du produit est ici cruciale.
41
Exemples
Vittana (www.vittana.org) est une plateforme de financement en ligne dédiée aux crédits à
l’enseignement supérieur. La zone d’intervention est liée aux partenariats établis avec les IMF. En
2013, Vittana travaille avec 29 IMF dans 14 pays à travers le monde et a permis de financer plus de
20 000 crédits pour un total de 9 millions de dollars US.
La plupart du temps, les IMF qui deviennent partenaires de Vittana développent leur produit avec
Vittana. Vittana s’efforce d’adapter son modèle aux spécificités du marché de chacun de ses
partenaires, néanmoins Vittana a identifié quelques éléments-clés du succès de leur modèle de
crédits aux étudiants.
◊
◊
◊
Formation professionnelle ou au moins 2 ans d’université. Vittana estime qu’il y a un risque
d’abandon scolaire plus élevé quand il reste aux étudiants un certain nombre d’années
d’études devant eux. Se concentrer sur la formation professionnelle spécialisée, les écoles
d’application, la ou les deux dernières années d’université, permet de s’assurer des périodes
de remboursements plus courtes et avec moins de risques. Ce n’est qu’après avoir développé
une certaine expérience avec ce type de crédits que Vittana accepte de s’engager avec son
IMF partenaire pour offrir des prêts à des étudiants qui commencent l’université.
Toujours un proche en cosignataire. Les étudiants sont souvent mobiles, quittent leur village
natal pour aller à l’université et puis pour travailler. D’avoir un parent pour cosignataire du
contrat de prêt est une manière d’engager une responsabilité de rembourser.
Une période de grâce uniquement pour le capital. Si vous donnez un crédit à un étudiant, et
que vous lui demandez de revenir un an plus tard une fois qu’ils sont diplômés, vous ne
pouvez espérer de forts taux de remboursement. Il faut donc établir un contact avec
l’étudiant dès le départ avec des échéances très petites, symboliques parfois, où l’étudiant
paye juste les intérêts, mais qui aide l’étudiant à se mettre dans un rythme de
remboursement réguliers, et qui assure à l’IMF un suivi du progrès et de l’assiduité de
l’étudiant.
Selon les partenaires, d’autres critères peuvent rentrer en jeu : certaines IMF choisissent de ne
financer que les membres de la famille de leurs clients existants ; d’autres exigent des résultats
d’un niveau minimum ou une lettre de recommandation de leur université ; parfois, ne sont
financés les étudiants que d’écoles accréditées ou en partenariat avec l’IMF.
Les partenaires de Vittana offrent parfois des lignes de crédit à leurs étudiants, sur laquelle ils tirent
au fil de leurs besoins.
La majorité des « meilleurs » emprunteurs étudiants sont souvent les enfants de bons clients, avec
lesquels les IMF ont déjà établi une relation rapprochée et dont elles ont facilement les
informations financières.
Voir aussi: www.vittana.org
42
Pour aller plus loin

Bloom D., Canning D., Chan K., « Higher Education and Economic Development in Africa »,
Harvard University, 2005
Cette étude montre les bénéfices d’une meilleure instruction des individus, qui
incontestablement leur apporte de meilleures opportunités d’emploi, des salaires plus élevés
mais aussi une meilleure santé et une qualité de vie améliorée.

« Accelerating Catch-up: Tertiary Education for Growth in Sub-Saharan Africa », World Bank,
2009
Ce rapport démontre qu’à un niveau national, une augmentation du niveau moyen d’éducation
supérieure d’une seule année peut accroître le PIB de 0.39 points. A un niveau individuel, chaque
année supplémentaire d’étude peut générer jusqu’à 15% de salaire en plus.
43
Le crédit islamique
Définition et différence avec la finance traditionnelle
La finance islamique est basée sur les principes de la Charia, dont la caractéristique la plus
importante est qu’il est interdit de faire commerce de l’argent. La finance islamique associe le taux
d’intérêt à l’usure (riba). Mais elle remet au centre des transactions la notion, considérée plus noble,
de commerce.
Ainsi les instruments financiers offerts par les établissements de finance islamique seront souvent
très innovants en termes de forme de contrats.
Qu’est-ce qui fait qu’un crédit est conforme aux principes de l’Islam ?
Le principe des transactions islamiques est qu’un cycle financier doit correspondre à un cycle
productif de biens ou de services. Le partage des risques, des pertes et des profits par le client et la
banque islamique prévaut. Toutes les modalités de la transaction doivent être spécifiées dans un
contrat, connu des deux parties, en toute transparence. Ceci provient de deux préceptes
fondamentaux de la Charia :
 L’argent n’a pas de valeur intrinsèque : il ne pourra pas changer de valeur dans le temps s’il
n’est pas adossé à un actif tangible. Toute transaction financière doit être liée directement
ou indirectement à une activité économique tangible ; elles doivent être justifiées par des
investissements réels et durables.
 L’apporteur de fonds doit supporter une part du risque : ceux-ci ne sont pas considérés
comme des créanciers mais plutôt des investisseurs.
Opportunités pour les IMF
On estime que 72% de la population habitant dans des pays à majorité musulmane n’utilise pas des
services financiers, car ceux-ci ne respectent pas les préceptes de la religion musulmane. Des
personnes de croyance islamique utilisent des produits financiers conventionnels, mais diverses
enquêtes montrent que si ces personnes avaient le choix d’utiliser des produits financiers
compatibles avec les lois islamiques, ils préfèreraient se tourner vers ceux-ci.
La microfinance islamique est particulièrement concentrée, les 3 premiers pays étant l’Indonésie, le
Soudan, et le Bangladesh qui représentent 80% de l’activité mondiale. C’est un secteur qui a
quadruplé ces dernières années, servant en 2012 environ 1,28 millions de clients au travers de 255
institutions.
Pour comprendre
La finance islamique ne date pas d’hier. Apparue dès le 8ème siècle, elle a été à l’origine des
instruments financiers qui ont influencé le système bancaire européen du Moyen-âge, comme par
exemple les lettres de change, les premières formes de partenariats, de sociétés en commandite, de
chèques et de billets à ordre.
44
Le tableau suivant résume les différents produits selon la forme du contrat :
Instruments de crédit conformes aux principes de l’Islam
Prêt sans intérêt
Contrats de vente/location
Contrats hybrides
Echange d’argent contre argent
Echange d’argent contre bien
Garantie du principal
Prix fixé avant l’échange
Mise en commun de fonds pour
constituer un capital qui sera
investi
Aucun frais supplémentaire
autorisé
Rendement déterminé à l’avance
Contrat de partenariat
Dette découle de la vente et de la
location
Partage des pertes et profit, avec
ratio défini à l’avance
Transaction sans but lucratif
Pas de garantie sur le capital ni sur
le rendement
Qard Hassan
Mourabaha, Salam, Ijara, Taajir ,
Bai Mouajjal
Moucharaka, Moudaraba
Selon une étude récente du CGAP, le produit islamique le plus courant dans le monde est
Mourabaha suivi ensuite de Qard-Hassan.
Voici une présentation plus détaillée de ces différents instruments financiers :
Prêts simples
◊ Qard Hassan : signifiant littéralement « prêt à titre gracieux » où l’emprunteur doit rendre
uniquement le principal de la dette
◊ Joala: prêt sans intérêt, avec le paiement d’une commission lors du décaissement.
Contrats de vente et/ou leasing
◊ La Murabaha ou vente à bénéfices : la banque achète les marchandises ou les matériaux à des
fournisseurs sur ordre d’un client pour les revendre à ce dernier avec une marge de bénéfice
fixée à l’avance. Le délai de remboursement dépend du cash-flow et peut aller de trois à dixhuit mois. Le contrat contient des indications sur la marchandise, les délais et le lieu de
livraison. Trois opérations sont simultanées : une promesse d’achat du client, une promesse
de vente à la banque, un contrat de vente à bénéfices après l’entrée en jouissance de la
marchandise par l’acheteur. La banque paye donc le fournisseur et se fait rembourser par le
client.
◊ L’ijara ou commission est une forme de crédit-bail ou de leasing. La banque achète les
équipements, terrains, immeubles, véhicules. Elle les loue au client. Ce dernier devient
45
◊
◊
◊
◊
◊
propriétaire des biens quand il a fini de rembourser des sommes qui sont échelonnées dans le
temps et versées à un compte épargne. Le client paye donc une location à échéance fixe
décidée à la signature du contrat. En fait, le client assume la totalité des risques, charges des
biens en location, entretien, échéances, sauf s’il est défaillant. Il dispose en général d’une
option d'achat, pendant la durée du contrat.
Le taajir, location ou leasing consiste pour la banque à acheter équipements et matériaux et à
les mettre à la disposition d’un entrepreneur moyennant une rémunération fixée à l’avance.
Ce dernier devient propriétaire des matériaux et des équipements au terme des échéances de
remboursement.
Dans le bai mouajjal, vente reportée, la banque achète des équipements ou des matériaux
pour les revendre à terme au co-contractant selon des modalités fixées au préalable dans un
contrat à moyen terme, de deux à quatre ans. Par exemple, dans les opérations
d’exportations-importations, la banque peut acheter des marchandises à un importateur pour
les revendre à un exportateur ou le contraire, contre une rémunération à un terme fixé à
l’avance.
Musawama: l’acheteur et le vendeur se mettent d’accord à l’avance sur le prix d’une matière
première.
Salam: c’est une avance de paiement contre une livraison future. Elle est souvent utilisée dans
contextes agricoles, permettant aux agriculteurs de financer sa production en échange d'une
prestation future. Pour que l'opération soit respectueuse de la charia, la quantité, la qualité
des biens futurs et la date de livraison effective doivent être explicitement stipulés.
L’Istisna est une extension du concept du Salam. Le Salam porte uniquement sur des
marchandises dont le paiement intégral doit être effectué d’avance. À l’inverse, l’Istisna est un
contrat utilisé pour la construction ou la fabrication de biens uniques (conformément à un
cahier des charges précis). Il se rapproche du Salam en ce sens qu’il est utilisé pour financer
des marchandises qui n’existent pas encore; mais il n’exige pas le paiement intégral d’avance
(les modalités de paiements sont plus souples).
Contrats de partenariats
◊ La moucharaka est la prise de participation d’une banque au capital d’un projet, chaque partie
recevant annuellement une part de bénéfices proportionnelle à son apport. La banque
intervient dans la formation du capital d’entreprises existantes ou à créer et dans la gestion
des projets en étant représentée au conseil d’administration. Dans la moucharaka définitive, le
montant de la participation et la part des bénéfices sont déterminés au préalable. La
moucharaka peut être dégressive. La banque s’engage à financer en totalité ou en partie un
projet jugé rentable. Elle reçoit une part de bénéfice et le partenaire a le droit de rembourser
en totalité ou en partie la somme investie par la banque. L’opération s’achève quand le
partenaire a remboursé en totalité la créance de la banque et conserve seul la maîtrise du
projet.
◊ La moudaraba est un financement de fiducie, il est une contribution au working capital ou au
fonds de roulement. L’opération consiste pour la banque à participer à un projet par un apport
46
de capital. De son côté, le promoteur fournit son travail, son savoir-faire et peut faire
également un apport en capital. Le projet doit présenter à l’origine des conditions de
rentabilité. Les bénéfices se répartissent selon des proportions déterminées lors de la
conclusion de la moudaraba. Il s’agit d’une forme de capital risque.
Moucharaka simple
Moudaraba simple
Risques/Recommandations
Les deux enjeux majeurs d’un mode opératoire compatible avec la charia sont la rentabilité et la
gestion du risque.
Rentabilité : l’efficacité opérationnelle de l’IMF est la clé de sa rentabilité. Il s’agit donc de parvenir à
tirer des revenus suffisants pour couvrir les coûts d’administration du crédit. Dans le cas d’une
Mourabaha ou d’une Ijara, le bailleur de fonds achète un bien (équipement ou stock) pour le
revendre ou le louer à l’utilisateur moyennant une majoration du prix. Les IMF islamiques peuvent
bénéficier des prix plus bas sur le marché de gros, mais les coûts associés à l’achat, à l’entretien, à la
vente ou à la location d’un bien (comme une machine à coudre, par exemple) sont élevés, et le
surcoût souvent répercuté sur le client. Certaines institutions ont toutefois réduit les coûts liés aux
transactions de type Mourabaha en exigeant de l’utilisateur final qu’il cherche et trouve lui-même le
bien demandé. Les institutions islamiques devraient envisager d’adopter des techniques et des
pratiques tout aussi innovantes pour minimiser les coûts et offrir des prix plus attrayants à leurs
clients.
Qard Hassan est souvent non rentable pour une IMF : bien qu’il est possible de demander à
l’emprunteur une contribution aux frais, cette contribution est bien souvent symbolique et ne
couvre même pas les charges de gestion du prêt. L'établissement peut par exemple promettre
des qard hassan en complément d'un ou plusieurs contrats de financement qui seront eux à titre
47
onéreux pour attirer de nouveaux clients, ou encore pour fidéliser un bon client qui a des besoins de
financement à court terme et dont elle sait qu'il est solvable.
La gestion du risque : c’est un enjeu de taille pour la pérennité de l’IMF. Alors que les produits
traditionnels reposent souvent sur la pression par les pairs, les produits islamiques n’offrent que très
peu d’option pour se prémunir du risque. En cas de retard ou défaut de paiement, il est quasiment
impossible d’appliquer des pénalités de retard, et les institutions doivent souvent passer ces prêts en
perte sans en exiger le remboursement. Ce sur la base du verset suivant : « Si votre débiteur est dans
la gêne, attendez qu'il vienne à meilleure fortune. Si vous saviez pourtant comme il vous serait
préférable de renoncer à vos droits !.. » (Coran, Sourate 2, La Vache, verset 281). Les IMF pourraient
s’inspirer des techniques de groupes de pairs en les adaptant aux principes de partage des risques
inhérent à la finance islamique.
En bref, le CGAP note que la microfinance islamique a du mal à sortir d’un modèle subventionné.
Parmi les institutions interrogées, 43% dépendent des dons issus du ‘zakat1’ pour opérer.
La question de l’authenticité. Les critiques des produits de la finance islamique laissent entendre
que le prix de certains des crédits présentés comme conformes à la charia seraient trop semblables
aux prix des crédits conventionnels.
L’intérêt semble déguisé en majoration de prix du produit (cas du mourabaha) ou en
commission/contribution au déboursement.
Exemples
La microfinance islamique au Soudan (d’après le CGAP Focus Note)
Ce pays représente une histoire exceptionnelle de la microfinance islamique.
En 2006, il n’y avait que peu d’acteurs qui servaient 9500 clients. Aujourd’hui, la microfinance
islamique représente 400 000 emprunteurs. C’est le 2ème marché après le Bangladesh. Le secteur
financier du pays est intégralement conforme à la charia. Cette expansion incroyable est largement
due à (i)une forte participation des régulateurs pour le développement de ces produits, notamment
la Banque Centrale qui s’est dotée d’un département spécialisé et (ii) une priorité mise sur la
microfinance avec l’obligation pour les banques d’offrir des prêts au TPE et aux PME.
On constate donc que l’essor de la microfinance islamique au Soudan est largement liée à la volonté
du gouvernement de pousser l’accès aux services financiers pour les plus exclus du système, et le
Soudan est devenu un laboratoire de finance islamique, où les nouveautés pourraient bien servir
d’exemple pour une microfinance islamique efficace.
1
Argent devant être versé par tout musulman au titre de l’obligation de faire l’aumône
48
Moucharaka en pratique : financement d’un moulin à mil pour un groupement de femmes par
MECIS (Sénégal)
La MECIS (Millénium Compagnie Islamique du Sénégal) a pour objet d’offrir des produits de finance
islamique au Sénégal. Elle dispose de 14 agences réparties sur le territoire et comptait à fin 2011
7000 membres. La MECI offre une très large gamme d’instruments financiers compatibles avec la
charia.
La MECIS s’est associée à un groupement de femme d’un village de la région de Kaffrine pour l’achat
et l’exploitation d’un moulin à mil.
Le groupement a reçu une subvention d’un bienfaiteur représentant 25% du prix d’un moulin à mil.
Une fois les contacts établis, suivi de quelques investigations pour voir la faisabilité du projet, MECIS
a financé les 75% du coût d’achat du matériel. Ainsi, sur la base d’un contrat de partenariat,
Moucharaka, le groupement se charge de l’exploitation du moulin en se référant au manuel de
gestion administrative et financière établi par MECIS. Ce manuel est d’ailleurs une annexe du contrat.
Les recettes journalières de l’exploitation sont versées chez l’imam accompagné d’un bordereau de
versement. A la fin de chaque mois, un compte d’exploitation de la situation est établi pour
déterminer le résultat du mois : recettes – charges d’exploitation (salaires, carburant, entretien,
divers). Le résultat net est partagé au prorata de l’apport de chacun c’est dire pour le premier mois :
25% pour le groupement et 75% pour MECIS. Après la répartition du résultat, le groupement divise sa
part en deux ; une part entre dans sa trésorerie et une part est remboursée à MECIS. Ainsi, le capital
de MECIS diminue de ce montant et celui du groupement augmente du même montant. Et la
répartition du capital change automatiquement. Le groupement détient donc 25% plus la part
remboursée, MECIS aura 75% moins la part reçu du groupement.
Au fur et à mesure que les mois passent, la part de MECIS diminue, et celle du groupement
augmente. En fin de compte le capital de MECIS sera nul et le moulin revient entièrement au
groupement.
En matière de gestion du risque, les dispositifs de MECIS sont :
 la mise en place d’un manuel de gestion accompagné de supports de gestion avec une
formation du gérant sur leur utilisation.
 le versement journalier des recettes chez l’imam qui est impliqué, ainsi que le chef de village
et les autres autorités religieuses du village
 enfin, les visites périodiques du chargé de clientèle de la MECIS.
L’impact socio-économique du projet est indéniable pour ces femmes: allégement des travaux
ménagers en milieu rural, et création d’activités génératrices de revenu pour des femmes sans
moyens.
En termes de rentabilité, la MECIS a réalisé une retour sur son investissement de plus de 80% avant
la fin du remboursement de son capital.
Pour le groupement, avec une subvention de 500 000FCFA (762€) elles ont eu un moulin d’une valeur
de 2 000 000FCFA (3050€) qui continue de leur générer des revenus qui peuvent leur permettre de
faire d’autres activités ou de renforcer celle-ci.
49
MECIS envisage sur la base de cette expérience d’élargir cette offre dans d’autres zones surtout
rurales et d’utiliser ce mécanisme dans d’autres secteurs tels que l’énergie renouvelable avec le
solaire.
Source : Faye M., Ndiaye M., « Les produits financiers islamiques : contribution à la diversification du
paysage de la microfinance au Sénégal », 2012
Pour aller plus loin
 El-Zoghbi M., Tarazi M., « Evolution en matière d’intégration financière conforme aux principes
de la charia », CGAP Focus Note n° 84, Mars 2013
Pour se faire une idée plus précise de l’offre actuelle dans le domaine, le CGAP, en collaboration
avec l’Agence française de développement, a réalisé en 2011 une étude dont les résultats sont
présentés ici. Elle démontre qu’en dépit de l’augmentation spectaculaire du nombre de
prestataires et de clients de services de microfinance islamique, le secteur demeure en grande
partie dominé par une poignée de fournisseurs dans un petit nombre de pays, et que ceux-ci ne
proposent pour l’essentiel que deux produits.
 Faye M., Ndiaye M., « Les produits financiers islamiques : contribution à la diversification du
paysage de la microfinance au Sénégal », 2012
Ce rapport présente le projet MECIS (Millenium Compagnie Islamique du Sénégal) démarré en
2005 comme alternative islamique aux mutuelles traditionnelles. On y découvre toute la gamme
en détail des instruments financiers que MECIS a développé.
 « Le système bancaire islamique : guide à l’intention des petites et moyennes entreprises »,
Centre du Commercial International, Suisse, 2009
http://www.intracen.org/uploadedFiles/intracenorg/Content/Exporters/Exporting_Better/Obtai
ning_export_credits/Islamic_Banking_French.pdf
Ce guide très complet met en exergue l’évolution du secteur de la banque islamique et décrit les
instruments de financement utilisés; il donne notamment un aperçu des principes fondamentaux
et une vue d’ensemble du secteur de la microfinance islamique et recense les défis potentiels à
sa croissance. Il explique comment utiliser les instruments bancaires islamiques pour des
transactions données et inclut une étude de cas de la banque islamique destinée aux femmes en
Malaisie.

Iqbal Z., van Gruning H., « Risk Analysis for Islamic Banks », World Bank Publications, 2008
Ce document destiné aux banques de grande taille propose néanmoins un cadre méthodologique
intéressant pour la gestion du risque. Il adresse également les problématiques de la gouvernance
dans les institutions islamiques ainsi que celle de la réglementation qui peuvent intéresser tout
type d’institutions.
50
51
Crédit startup / aux entreprises en démarrage
Opportunités pour les IMF
Les entreprises en démarrage ont longtemps été exclues des offres de financement des IMF pour les
risques qu’elles représentent. Pourtant, le rapport de Global Entrepreneurship Monitor (GEM) 2012
[http://www.gemconsortium.org/docs/download/2645] constate que l’Afrique sub-saharienne est
une des régions les plus dynamiques en terme de création d’entreprises : ses enquêtes révèlent que
28% des adultes entre 18 et 65 ans sont dans un processus de démarrage d’entreprise ou fondateurs
d’une entreprise naissante (<42 mois d’existence), alors que ce taux est de 12,8% aux Etats Unis et de
7,7% en Europe.
L’enjeu majeur est d’élargir l’accès aux services financiers à de jeunes entreprises en démarrage, tout
en s’assurant un taux de remboursement convenable.
Pour comprendre
Le principe du crédit aux entreprises en démarrage repose essentiellement sur la définition de la
cible. Il s’agit ainsi de tailler un produit sur mesure pour une clientèle dont les caractéristiques
essentielles sont les suivantes :
◊ une entreprise sans historique
◊ souvent peu ou pas de fonds propres ni d’actifs corporels
◊ des flux de trésorerie négatifs pour quelques temps
Comment prêter avec des éléments aussi peu rassurants, vous demanderez-vous ? Bien qu’il n’y ait
pas de statistique mondiale à ce sujet, on estime que le taux de survie d’une entreprise au bout de 5
ans d’existence est proche de 50%.
Il est vrai que le risque est grand et que les principes classiques d’évaluation d’une demande de
crédit (analyse de flux de trésorerie, ratios divers sur la solvabilité de l’entrepreneur etc…) peuvent
difficilement s’appliquer.
Cependant, il existe des moyens de se prémunir contre le risque de défaillance. L’entrepreneur
peut à titre personnel, apporter des garanties suffisantes. La caution solidaire ou la prise de garantie
matérielle sur des biens personnels comme le véhicule peuvent être exploités.
Mais il est vrai que les quelques expériences dans ce domaine reposent souvent sur des programmes
subventionnés où le risque est porté par le bailleur.
Risques/Recommandations
Le peu d’expériences communiquées sur le sujet limite la capacité à s’appuyer sur des cas d’école. S’il
y avait un seul conseil à donner, ce serait de ne pas se lancer dans une telle aventure sans avoir
préalablement analysé de manière très poussée son marché et ses clients potentiels.
Il s’agira également d’accompagner le crédit de services non-financiers, comme des formations à la
gestion de trésorerie, services qui permettront à l’entrepreneur de partir outillé dans son aventure.
52
Exemples
Une étude de cas : les ‘Start Up loans’ de SEF International UCO, Arménie
SEF International UCO (‘SEF’) a introduit en Juillet 2013 un crédit pour aider les entrepreneurs à
démarrer une entreprise formelle.
En Arménie, une activité s’exerce nécessairement dans un cadre formel où vous devez avoir une
licence, un statut juridique et payer des impôts. Néanmoins, la réalité est telle que de nombreuses
personnes sont en fait impliquées dans des activités génératrices de revenus de manière informelle,
au moins au démarrage de leur business. Le laps de temps pour s’inscrire dans le secteur formel est
en général de 3 à 9 mois, mais peut aller jusqu’à 2 ans. Ainsi, de nombreux entrepreneurs
s’adressaient à SEF pour des crédits à la consommation dit d’ « urgence », sécurisé à 100% par de
l’or, physiquement conservé en garantie dans les agences le temps du crédit. Les clients utilisaient ce
financement pour alimenter et accroître le fonds de roulement de leurs business informels.
SEF s’est intéressé à cette nouvelle niche du marché pour poursuivre sa mission sociale, certes, mais
y a également trouvé un intérêt hautement stratégique. En effet, en 2012, SEF a vu son portefeuille
de clients traditionnel se transformer, avec un écart croissant entre les très petites entreprises et les
grosses entreprises qui elles, partaient vers les gros acteurs (banques, supermarchés…). SEF perdait
de plus en plus sa clientèle du secteur formel. Se tourner plus spécifiquement vers le secteur
informel s’inscrivait donc dans une démarche stratégique pour aider des activités à émerger, se
formaliser, et reconstruire ainsi un portefeuille d’entreprises fidèles et en croissance.
Les fondements de ce produits reposent sur :






des données de marché par région et par activité qui permettent de valider les niveaux
d’activités reportés par l’emprunteur
une méthodologie d’interview de l’emprunteur qui permet de croiser les informations
fournies
un système de scoring automatisé, développé en interne
une caution solidaire employée dans une entreprise formelle ou une administration
un produit simple, dont le montant maximum est limité à $1 500USD (alors que les autres
produits peuvent monter jusqu’à $3 000USD), un terme de 24 mois maximum et des
échéances mensuelles
des échéances plutôt petites, et un contact rapproché avec le client qui vient payer chaque
mois dans l’agence
SEF s’est appuyé sur sa méthodologie d’évaluation de crédit déjà bien rôdée sur les crédits agro et
business pour développer son produit et en limiter le risque.
Deux éléments clés ont été un préalable nécessaire au lancement du produit dans les meilleurs
conditions:

la collecte d’information sur le marché pour avoir des données de référence par région et par
activité s’est faite grâce aux données financières des petites entreprises déjà clientes, ainsi
qu’avec un travail de terrain assigné aux agents de crédit.
53

la création de la trame d’interview de l’emprunteur a été la partie la plus longue et la plus
complexe, notamment parce que c’était un élément qui n’existait pas pour les autres
produits, mais qui s’avérait essentiel quand on a si peu d’historique à analyser. Il s’agit là de
corroborer les données que le client ne peut pas prouver avec des questions pertinentes ;
par exemple pour un taxi « combien de fois par semaine allez-vous remplir votre réservoir de
carburant ? » qui permet de vérifier ses achats et ses ventes.
La phase pilote du projet a démarré début 2013 et a permis de mettre ces deux outils à l’épreuve, et
d’en ajuster les paramètres.
La politique de crédit a aussi été affinée :


l’objet du crédit a été mieux défini, avec des restrictions selon les activités, car certains
utilisaient ce crédit comme un crédit à la consommation et non pour une activité génératrice
de revenus. (ex : un travailleur dans la construction ne peut pas emprunter pour s’acheter un
ordinateur, car ce n’est pas un besoin directement lié à l’activité).
le niveau de garantie requise a été assoupli ; trop peu de personnes étaient en mesure de
remplir les conditions voulues (salaire de la caution doit être supérieur à tel montant) et cela
ne faisait pas grand sens pour certains petits prêts. La formule a été changée afin d’ouvrir les
possibilités d’emprunter à plus d’individus. Ainsi le montant qu’il est possible d’emprunter et
le terme sont déterminés par le montant du salaire du garant selon cette règle : l’échéance
mensuelle de remboursement ne peut pas dépasser 45% du salaire mensuel du garant.
A fin 2013, ce produit n’a que 6 mois d’existence, il compte 400 clients qui représentent un encours
de $400 000USD, avec un PAR30 à 0% pour l’instant. Il reste donc encore certainement des leçons à
apprendre de cette initiative.
« Nous n’avons pas le sentiment de nous être lancés sur un produit risqué - explique Hayk Minasyan ,
le Manager de Projet - on observe que ces clients suscitent souvent une plus grande confiance,
comparé à certains du secteur formel qui n’hésitent pas à vous tromper sciemment. Ces gens ont en
fait parfaitement la capacité de s’endetter et la volonté de vous rembourser, car vous leur donnez
une chance que personne d’autre ne leur accorde. Si en outre, vous leur offrez un produit bien
adapté à leur besoin, alors vous gagnez également leur confiance, et la relation n’en sort que plus
renforcée. »
Informations recueillies par Anne-Laure Behaghel auprès de Hayk Minsan, Manager de Projet chez
SEF, en janvier 2014
Voir aussi :
 Le site de SEF International: http://sefmicro.org/
 Des profils de clients de ce produit sur la plateforme de financement de Kiva
SEF International appartient à VisionFund International – la filiale microfinance de World Vision
International.
54
Pour aller plus loin
Il n’existe encore aucune ressource en ligne sur ce type de produit en microfinance.
55
Crédits aux salariés
Opportunités pour les IMF
Il existe un segment de marché des salariés qui reste peu desservi par les banques commerciales ;
celles-ci ont plutôt tendance à offrir des crédits aux salariés de grandes entreprises privées, avec des
taux d’intérêt que les IMF ont du mal à concurrencer. Cela laisse néanmoins à l’écart tout le monde
salarié issu du tissu de l’entreprenariat local, ou encore les fonctionnaires des administrations
locales.
Une diversification des risques à moindre coût. S’orienter vers les salariés représente souvent une
entrée dans un segment de marché tout nouveau, en direction de clients avec lesquels l’IMF n’a
jamais eu a priori de relation préalable. Dans la plupart des cas d’ailleurs, la relation se déplace du
client seul à une relation tripartite avec un employeur également. Cette ouverture de l’offre est en
général réalisable avec le même effectif, avec souvent un meilleur rendement et des coûts de gestion
plus bas. Enfin, le risque est mitigé par un paiement de l’échéance sécurisé.
Les IMF peuvent ainsi s’inscrire dans leur zone d’opération en tissant des liens avec les employeurs
locaux, s’assurer des flux stables avec la domiciliation de salaire, et proposer des services adaptés à
des individus disposant aussi de faibles revenus.
Pour comprendre
Un crédit à la consommation. La plupart du temps, on observe que les salariés empruntent pour le
compte de proches qui ne seraient pas éligibles à un crédit autrement, ou bien pour couvrir des
urgences familiales, ou encore pour combler un besoin de trésorerie en fin de mois. Finalement,
l’objet du crédit importe peu au prêteur tant que son montant est garanti.
Une gestion facilitée. En exigeant la domiciliation du salaire, l’IMF peut limiter fortement le temps
passé à l’évaluation de la demande de crédit. Les remboursements se font soit avec le versement du
salaire ou d’une portion du salaire sur le compte de l’emprunteur auprès de l’IMF, soit par
prélèvement direct de l’employeur qui rembourse l’IMF directement et remet le solde en espèces ou
par chèque au salarié.
Risques/Recommandations
Une évaluation de l’employeur autant que de la solvabilité du client. Le meilleur moyen de se
prémunir du risque d’impayés est de s’assurer que l’employeur est sérieux. On a parfois tendance à
penser que les fonctionnaires sont des clients peu risqués, c’est une affirmation à vérifier, car parfois,
l’administration peut faire preuve de délais très longs dans le paiement des salaires, entraînant pour
l’employé une spirale d’endettement dont il est ensuite difficile de sortir. Par ailleurs, une relation
étroite et de confiance entre l’IMF et l’employeur ne peut qu’être bénéfique pour anticiper tout
problème.
56
A travers les procédures de reporting, on devra être en mesure d’identifier des tendances non
seulement par agent de crédit ou par agence, mais aussi par employeur, et d’analyser les niveaux de
concentrations du risque.
La fluidité de la procédure de remboursement. Les cas problématiques viennent souvent du fait que
les remboursements sont prélevés ‘automatiquement’ sur le salaire. En effet, dans les cas où les
clients traditionnels remboursent leur échéance en espèce au guichet en général, c’est le caissier qui
s’assure de l’affectation des fonds au remboursement du crédit, et s’il y a surplus, il dépose le reste
sur le compte du client. Dans le cas des salariés, les dates de versement du salaire sont souvent
aléatoires et le système d’information doit être taillé pour ce type de contrainte. Notamment il vaut
mieux avoir un paramétrage qui permet de vérifier tous les jours le solde du compte pour prélever
l’échéance dès que le versement à a eu lieu.
On pourra aussi s’assurer d’une bonne mise en place en attendant le premier versement de salaire
sur le compte du client avant de décaisser le crédit.
Un autre danger latent de ce type de produit est le surendettement. Bien que l’objectif soit de
réduire les coûts de gestion de ce type de crédit, il s’agit pour les IMF de maintenir un niveau
suffisant d’analyse préalable pour prémunir les clients de ce risque. Ainsi la consultation d’un bureau
de crédit ou d’une centrale de risques seront essentiels. En outre, un suivi rapproché de ce
portefeuille doit être maintenu, afin de détecter très rapidement les cas problématiques.
Renforcer le contrôle interne et la prévention de fraudes. Une des caractéristiques du crédit aux
salariés est la forte rotation des clients ainsi qu’une relation de l’IMF plus distendue avec le client.
Ces éléments augmentent considérablement le risque de fraude, en particulier de clients fictifs, des
fausses lettres d’employeurs ou le détournement d’échéances.
Exemples
Capitec en Afrique du Sud
Pour la plupart des travailleurs pauvres (traduit de l’anglais ‘working poor’ ) d’Afrique du Sud, avoir
un compte bancaire est un luxe qu’on ne peut se payer ; les comptes courant sont trop onéreux et
les crédits salariés (sur un mois) sont à 30% de taux d’intérêt. En outre, le système bancaire s’est
tissé pendant l’apartheid, quand il ne servait que des clients blancs de la classe moyenne et
supérieure. Même après 1994, il a fallu quelques années pour que les banques se tournent vers les
autres segments de marché.
Capitec a été créée en 2000 pour apporter une réponse aux besoins spécifiques des travailleurs
pauvres. Sa particularité dans le marché fut d’ouvrir ses agences dans les townships, là où de
nombreux pauvres travaillent ou transitent quotidiennement, comme les gares ou devant les mines.
A la différence des banques du pays, il n’y a pas de vitre entre le banquier et le client, la plupart des
agences sont souvent sans caisse ni coffre, pas d’espèce, et donc sans gardiens armés, une étonnante
57
absence dans un pays réputé pour sa criminalité. Une manière de faire tomber certaines barrières
qui pouvaient intimider les moins aisés. De la banque avec de la dignité.
Les clients ne font pas la queue debout, ils sont assis jusqu’à ce qu’un conseiller se libère. Les clients
ne remplissent pas des formulaires, , ils donnent leurs informations qui sont entrées par un agent de
la banque directement dans le système informatique. Ouvrir un compte prend 10mn, obtenir un
crédit salarié peut-être 20mn.
Capitec offre à ces travailleurs des comptes d’épargne rémunérés, avec des cartes de retrait, ainsi
qu’un crédit sur un mois moitié moins cher que le même produit auprès des banques, qui permet de
combler les besoins en trésorerie une fois que le salaire est dépensé.
Capitec est une des 4 plus grandes banques aujourd’hui en Afrique du Sud et dessert 4.7 millions de
clients (2012) avec un réseau de plus de 500 agences.
D’après http://www.rath.us/random-stuff/interestingarticles/In_South_Africa_a_model_bank_for_Third_World.txt
Pour aller plus loin

« Consumer Credits for the Poor – Risk or Opportunity? », responsAbility, 2008
http://www.responsability.com/domains/responsability_ch/data/free_docs/rADiscussionPaper5ConsumercreditsforthepoorriskoropportunityEN.pdf
Cet article revient sur les arguments du débat sur la pertinence des prêts à la consommation
dans le secteur du microcrédit. Il remet en perspective le besoin de diversification pour
s’attaquer aux multiples facettes de la pauvreté, notamment au travers du crédit à la
consommation sécurisé par un salaire. Un retour sur des expériences d’échec laisse le lecteur
cependant conscient des risques et des mesures à adopter pour gérer ce type de produit avec
précaution.

Mugwang’a T, Cracknell D, « Microfinance Institutions and Salary Based Consumer
Lending », MicroSave Briefing Note #45
http://www.microsave.net/files/pdf/BN_45_MFIs_and_Salary_Based_Consumer_Lending.pdf
Cette note synthétise les expériences rassemblées par les ARP (Action Reseacrh Partners) de
MicroSave. Elle présente les différentes stratégies de gestion du risque qui ont été utilisées par
les ARP dans le développement de ce type de produit.
58
Crédits « verts »
Opportunités pour les IMF
L’accès à l’énergie, en particulier à une énergie propre et/ou renouvelable est un défi majeur pour les
populations des pays émergents ou en voie de développement. Selon l’International Energy Agency,
68% de la population d’Afrique Sub-saharienne n’a pas accès à l’électricité, tandis que 700 millions
d’individus y utilisent encore des quantités considérables de biomasse pour se chauffer et faire la
cuisine.
Un coût d’accès en baisse. On constate que, souvent, l’accès à des modes d’énergie modernes
revient souvent moins cher aux ménages que les sources d’énergie traditionnelles, mais l’obstacle se
situe au niveau de l’investissement initial. De nombreux efforts ont été mis dans le développement
technologique pour tenter de réduire ce coût d’entrée. Aujourd’hui des partenariats stratégiques
entre IMF et fournisseurs peuvent permettre de développer des offres tout à fait pertinentes.
L’IMF comme acteur du changement de comportement. L’IMF peut également participer à éveiller
les consciences de leurs clients sur les enjeux du changement climatique et sur la préservation de
l’environnement
Cependant, ce type de financement reste encore fortement dépendant de l’engagement du secteur
public. L’expérience acquise avec les projets de première génération, comme avec UNDP pour la
fourniture de digesteurs à biogaz domestiques au Népal, ou d’installations photovoltaïques
domestiques au Népal, au Sri Lanka, au Bengladesh, puis au Kenya et en Tanzanie (cf. Glemarec Y.,
« Financing off-grid sustainable energy access for the poor », Energy Policy, vol 47, 2012 [article
payant]) montre que dans presque tous les cas, le secteur public a dû apporter des ressources
significatives pour réduire le coût des technologies d’énergie propre, pour faciliter l’accès au
financement pour les plus pauvres, et pour éliminer les obstacles infrastructurels et apporter des
garanties de qualité aux utilisateurs.
Pour comprendre
Il existe deux manières pour une IMF de s’intéresser au financement « vert ».
Financer l’utilisateur final. Souvent dans le cadre de partenariats avec le fournisseur, l’IMF peut
soit donner directement un crédit à l’achat au client final, soit vendre elle-même le produit à
crédit. Dans certains cas, l’IMF peut également négocier un accord avec le fournisseur de système
d’énergie et proposer à l’utilisateur final de prendre en leasing, ou de louer les appareils.
Financer la filière. Une IMF peut participer au développement d’une filière en apportant le
financement nécessaire aux TPE et PME qui produisent les équipements, et/ou en soutenant le
développement d’un réseau de distribution dans les zones plus reculées. Voir à ce sujet le projet
Nafa Naana d’Entrepreneurs du Monde au Burkina Faso.
59
Le produit financé est le cœur de la transaction. Du produit financé va dépendre les conditions du
crédit ; en effet, un prêt pour financer l’achat d’une lampe LED à rechargement solaire ne pourra pas
avoir les mêmes caractéristiques qu’un crédit qui financera une pompe à eau solaire pour une
exploitation agricole.
Par ailleurs, l’IMF doit impérativement avoir effectué ses propres contrôles qualité sur le produit qui
va être financé, car le remboursement du crédit dépendra énormément de la satisfaction du client;
un emprunteur qui va voir son installation hydro-électrique tomber en panne n’aura, d’une part,
probablement plus de revenus pour rembourser son prêt, et aura d’autre part toutes les raisons de
ne pas vouloir rembourser un produit défectueux que l’IMF lui aura ‘vendu ‘.
Cuisson et éclairage comme entrée en matière dans le secteur de l’énergie propre. Aujourd’hui les
bonds technologiques en matière d’économie d’énergie sont tels que s’offrent aux populations,
même de très faible revenu, des solutions très rentables, comme par exemple les lampes à système
LED pour remplacer l’éclairage au pétrole, ou les foyers de cuisson améliorés, avec un rendement
énergétique bien supérieur aux foyers traditionnels.
Le biogaz, les bio-digesteurs, qu’est-ce que c’est ? Les bio-digesteurs sont particulièrement utiles
pour des éleveurs, car ils convertissent le fumier et autres déchets verts en méthane, qui est ensuite
utilisé en énergie de cuisson pour la cuisine. Les résidus solides de ces bio-digesteurs peuvent eux à
leur tour être utilisés comme engrais. Il faut cependant noter que le méthane n’est pas aussi efficace
énergétiquement que le gaz en bouteille, et que son utilisation demande donc plus de temps de
cuisson. Ce type d’installation peut être utile dans des communautés rurales composées d’éleveurs
de bétail ou de volaille.
Risques/Recommandations
Faire un crédit abordable. Il est essentiel de comprendre les dépenses d’un ménage en énergie au
préalable, pour évaluer ce que les ménages vont être prêts à dépenser pour de nouvelles sources
d’énergie.
Le problème de la maintenance des équipements revient souvent. On équipe des zones rurales en
panneaux solaires, qui tombent finalement en panne, que personne ne sait réparer sur place, et qui
finissent par se détériorer et polluer. Tout partenariat avec un fournisseur doit assurer un service
après-vente. On a vu des fournisseurs d’appareil photovoltaïques organiser dans les villages reculés
qu’ils desservaient des formations gratuites pour les électriciens du village afin qu’ils puissent assurer
le service après-vente du temps de la garantie, tout en étant rémunéré pour cela par le fournisseur.
Cela crée de l’activité pour eux, ainsi que des compétences supplémentaires dans le village.
La mise en place de solution de recyclage est un préalable avant de s’engager. Les batteries
utilisées dans les systèmes photovoltaïques sont extrêmement polluantes car dotées en métaux
lourds et toxiques. A défaut de système public de recyclage, l’IMF doit s’assurer que les batteries ne
sont pas jetées dans la nature en fin de vie, et doivent prévoir une solution avec le fournisseur pour
la récupération des vieux matériaux.
60
Exemples
L’expérience de Xac Bank en Mongolie
Xac-Bank est née en 2001 de la fusion de deux institutions financières à forte vocation de
développement. Elle est aujourd’hui une des plus grandes institutions en Mongolie (près de 25 000
clients et 100 agences en 2012), et représente dans le secteur un modèle de banque commerciale
avec forte mission sociale.
Xac Bank finance des produits ‘verts’ depuis 2009 et a accepté de répondre à nos questions.
Le Portail : Pourquoi avez-vous décidé de lancer des produits « verts » ? Quel type d’enjeu cela
représentait-il pour votre organisation ?
XB : XacBank a décidé de s’engager sur une triple « bottom-line » (eq. objectif de résultat) : les
individus, la planète et les bénéfices. Le département Eco Banking de XacBank englobe la partie
planète et individus de cet engagement et fait de XacBank un pionnier dans le secteur financier
mongol sur cet aspect –là.
P : Quand avez-vous lancé cette initiative ?
XB : Les premiers crédits « verts » ont été décaissés en 2009 grâce à un financement à taux
concessionnel du FMO (la Banque de Développement Néerlandaise) destiné à financer des panneaux
solaires, des foyers améliorés, des sols chauffants et des constructions à bonne efficacité
énergétique. Peu après, Millenium Challenge Corporation [un fonds de développement américain] et
Clean Air Fund [un projet de la BERD] se sont mis à subventionner à petite échelle ce type de
produits, puis ont étendu leur programme pour toucher la totalité des quartiers ‘ger’ [ger est la
tente circulaire traditionnelle de Mongolie, les quartiers ger désignent des quartiers péri-urbains très
pauvres de la capitale Oulan Bator.] Ces deux étapes ont permis d’identifier la demande, de
déterminer quelles sont les difficultés à proposer des produits nouveaux à des ménages qui ont
toujours eu un mode de vie nomade.
P : Quels éléments essentiels préalables ont été nécessaires à la mise en place de ces produits?
XB : Au départ, le financement à taux concessionnel a été primordial. Le succès que l’on observe
aujourd’hui dans la distribution des produits repose également sur des subventions offertes par des
organisations qui voulaient voir un changement rapide, notamment sur les foyers améliorés. A
présent que les subventions touchent à leur fin, le facteur essentiel de la pérennisation du
département Eco Banking sera la sécurisation de revenus issus du marché de la finance carbone.
Nous avons aussi compris que l’éducation de notre clientèle cible sur la valeur ajoutée de ces
nouvelles technologies était d’une importance considérable. C’est ainsi que nous avons mis en place
des centres exposant nos produits au centre des quartiers ger, à des endroits facilement accessibles.
P : Est-ce que ce produit s’adresse à vos clients existants ? ou est-ce pour capter une nouvelle
clientèle ?
XB : XacBank a toujours été orientée vers le bas de la pyramide au travers de ses activités de
microfinance, et ces produits s’adressent à cette même cible. Le taux de pauvreté des quartiers ger
est bien plus élevé que dans le reste d’Oulan Bator, et la promiscuité exacerbe cette pauvreté. Alors
61
que les activités générales en microfinance de XacBank se sont peut-être concentrées sur les zones
rurales, le phénomène d’urbanisation de masse de nombreux citoyens traditionnellement nomades
signifie que la plupart de ces personnes ressemblent à nos clients habituels de la microfinance.
P : Quelles sont les caractéristiques de votre clientèle ? A quel type de besoin spécifique répondezvous ?
XB : La plupart des personnes vivant dans les quartiers ger n’ont pas d’accès à l’électricité, ni au
chauffage ou à l’eau courante. Les ménages se chauffent et cuisinent au charbon, ce qui contribue à
près de 60% de la pollution hivernale d’Oulan Bator. [Selon une étude de l’OMS publiée en 2011,
Oulan Bator serait la 2ème ville la plus polluée au monde].
Au départ, nous avons concentré nos efforts sur la réduction de la pollution avec des foyers de
cuisson améliorés et des couvertures de ger qui permettent de mieux isoler la tente. Nous allons
également commencer à offrir des panneaux solaires et des chauffe-eau solaires. Enfin, nous venons
tout juste de démarrer le financement de latrines améliorées qui évitent aux déchets de se déverser
dans le sol.
P : Qu’est-ce qui fait la différence entre ces produits et vos crédits ‘traditionnels’ ?
XB : Les crédits ‘verts’, comme je vous le disais, sont encore largement subventionnés. Nous pouvons
également nous permettre de prendre des garanties mobilières sur ce type de prêts. A mesure que
nous allons sortir des subventions et que nous allons entrer sur le marché de la finance carbone,
nous comptons créer un fonds spécial qui contribuera à réduire les taux d’intérêts de nos ecoproduits, ou pour servir de garantie aux clients qui n’en ont pas.
P : Est-ce que vous avez une histoire ou une anecdote que vous aimeriez nous raconter pour
illustrer le succès de votre produit ?
XB : Effectivement, ce qui a été surprenant fut l’apparition du terme ‘Xac Stove’ pour désigner les
foyers (stove en anglais) que nous distribuons. Dans les quartiers ger, il est souvent fait référence
aux Xac Stove pour désigner ces fameux foyers améliorés qui utilisent moins de charbon et réduisent
la pollution. Ainsi, dans ces quartiers-là, XacBank a considérablement amélioré sa visibilité, et
l’utilisation du terme Xac Stove nous a démontré à la fois les bénéfices que l’utilisateur en retire ainsi
que le succès du programme.
P : A quels défis avez-vous du faire face ?
XB : Initialement, il y a eu une grande réticence à l’utilisation de ces foyers améliorés, car les familles
étaient habituées aux anciennes technologies, et que parfois même, les foyers existants ne
pouvaient se démonter facilement.
P : Quelle recommandation feriez-vous à un confrère qui aurait envie de se lancer ?
XB : Dans les pays où les technologies vertes sont encore nouvelles, développer une méthodologie
de commercialisation du produit pour répondre aux attentes et éduquer les clients est absolument
essentiel. Dans ce cadre-là, nous avons développé des centres d’exposition de nos produits, pour
que les clients puissent les voir, les toucher, les expérimenter directement, pour être convaincus de
leur utilité.
Il s’agit également de trouver un moyen d’offrir ces produits de manière pérenne mais abordable
pour le client, que ce soit via la finance carbone, ou en finançant ces activités via des excédents
62
d’autres activités…
Propos recueillis par Anne-Laure Behaghel en janvier 2014 auprès de Batzul Dolgorsuren, Spécialiste
du projet au sein de la division Microfinance de XacBank
Lire aussi :
 Le rapport annuel 2012 de XacBank : XacBank’s 2012 Annual Report
 Une étude sur le cas XacBank publié par Arc Finance : Arcfinance Report
Une référence dans le domaine : Grameen Shakti
Grameen Shakti est une ONG fondée en 1996 au Bengladesh, affichant une des plus fortes
croissances du secteur. A fin 2012, l’ONG avait installé plus d’un million de systèmes photovoltaïques
domestiques (Solar Home System – SHS), près de 600 000 foyers de cuisson améliorés et 24 000
usines à biogaz. A fin 2007, c’était 130 000 SHS, 5 000 foyers améliorés et 2000 usines à biogaz.
Les fondements de son modèle sont :
 ses partenariats avec des fabricants internationaux pour la production de systèmes solaires
simples, efficaces, de qualité et à bas coût
 l’apport en microcrédit jusqu’à 90% du coût du système via la Grameen Bank - les kits
solaires (SHS) sont vendus entre 92€ et 680€ selon la capacité du panneau solaire
 son ancrage communautaire avec de la formation de jeunes techniciens, la scolarisation des
enfants de foyers équipés, le développement de l’entreprenariat local, la collecte de batterie
usagées etc…
L’IMF attribue son succès essentiellement à l’association de ses crédits « verts » à des activités
génératrices de revenus, ainsi qu’au renforcement du réseau local d’entrepreneurs dans le secteur
de l’énergie.
Par ailleurs le gouvernement a encouragé la mise en œuvre des énergies renouvelables comme
solutions autonomes d’électrification, comme les systèmes solaires domestiques (SHS). Ainsi, les
droits d'importation sur les SHS ont été éliminés en Avril 2000.
En juin 2012, un partenariat enter GS et Schneider Electric a été signé pour étendre la gamme de
services proposés.
Lire aussi : « Grameen Shakti: la success story du microcredit vert », Lescuyer T.,MicroWorld, 2011
Pour aller plus loin

« CleanStart: Microfinance opportunities for a clean energy future », UNCDF, & UNDP, 2012
Cette publication se présente comme un guide méthodologique pour l’élargissement de l’accès
des pauvres et des micro-entrepreneurs à une énergie propre, à travers la microfinance et une
chaîne de valeur renforcée dans le secteur de l’énergie.
63

« World Energy Outlook 2013 », International Energy Agency, 2013
Ce lien présente un extrait de la publication complète (qui est payante et disponible directement
sur le site www.iea.org) sur l’accès à l’énergie dans les pays en voie de développement.

« Energy for all : Financing access for the poor », International Energy Agency, OCDE, 2011
Ce rapport présente les conclusions préliminaires du World Energy Outlook 2012, avec les
actions à mettre en œuvre pour donner accès au plus grand nombre à des formes d’énergie
moderne d’ici 2030. Le constat y est notamment fait que les besoins en investissement les plus
forts se situent en Afrique Sub-saharienne.
 Lescuyer T., « Microfinance et environnement: une alliance à concrétiser », MicroWorld, 2012
Un article intéressant sur les enjeux et expériences dans le domaine.
 Rippey P., « Microfinance et changement climatique : menaces et opportunités », CGAP Focus
Note n°53, Mars 2009
Une note détaillée sur le changement climatique, son impact sur le développement économique,
et les différentes approches à ce problème, notamment ce que les IMF peuvent faire dans ce
domaine.

« Combiner Microfinance et Energies Vertes », ADA, 2011
http://www.ada-microfinance.org/download/101/dt19-energies-vertes-fr-en-2011-.pdf
Dossier thématique issu du 19ème Midi de la Microfinance, regroupant le CGAP Focus Note n°53,
ainsi qu’une publication en anglais du Center for Financial Inclusion présentant les résultats des
projets Energy Links. Ce dernier projet, initié en 2007, a tenté d’élaborer un modèle de
financement de l’énergie pour les plus pauvres en Afrique. Cette publication en présente les
leçons.
 « Financement de l’énergie : l’expérience de MicroEnergy International », Le Portail, nov 2009
https://www.lamicrofinance.org/content/article/detail/25207
Cet article du Portail relate un entretien avec Jonas Van der Straeten et Noara Kebir, de
MicroEnergy International. Il comporte également des liens à explorer pour aller plus loin.
64
Services financiers spécifiques pour les jeunes
Opportunités pour les IMF
Les jeunes (15 à 24 ans dans la plupart des définitions) représentent un quart de la population
mondiale, or un jeune sur cinq vit avec moins d’$1 USD par jour. 90% des jeunes vivent dans les pays
en voie de développement, dans des économies qui peinent à leur offrir des activités
professionnelles à la hauteur de leur qualification et de la rémunération nécessaire.
Les jeunes sont encore aujourd’hui souvent considérés comme une cible trop risquée qui offre peu
de garanties à des fournisseurs de services financiers. Mais de nombreuses expériences ont
démontré que c’est un marché, et qu’il était viable.
Voici quelques idées préconçues contredites par des recherches et des expériences mises en œuvre :
◊
◊
◊
Les jeunes sont économiquement actifs : l’accès à l’éducation est souvent un obstacle pour
les jeunes issus de familles à faible revenus. Les jeunes sont donc très tôt mis à contribution
pour les revenus du ménage, au travers d’activités informelles, dans des entreprises
familiales ou dans l’agriculture, la pêche ou le commerce. En Afrique, de 30% à 80% environ
des jeunes âgés de 15 à 19 ans travaillent et de 50% à 90% des jeunes âgés de 20 à 24 ans
(World Youth Report, 2007). Par ailleurs, pour les jeunes issus de familles plus aisées, il a été
démontré qu’ils épargnent et investissent.
Les jeunes empruntent : les jeunes sont dans une période cruciale de transition dans leur
vie, et ont besoin de capital pour financer ces différentes étapes comme leurs études, le
démarrage d’une activité professionnelle, leur mariage, leur maison etc… Une ONG
Zambienne, Camfed, œuvre pour l’épanouissement des femmes à travers un programme
finançant leur habitat et leurs activités professionnelles. Une étude montre que 20% de ces
femmes réinvestissent les revenus générés par leurs activités dans une épargne destinée à
financer des études (Making Cents International, 2008). Au Rwanda, le gouvernement à lancé
un programme conjoint de MIGEPROF (Ministère de la Promotion du Genre et de la Famille),
du MYICT (Ministère de la Jeunesse), du Business Development Fund (BDF) et de Rwanda
Cooperative Agency (RCA) qui cible les femmes et les jeunes pour leur faciliter l’accès au
crédit, avec une adhésion remarquable des institutions financières.
Les jeunes épargnent : les jeunes ont un comportement d’épargnants au même titre que les
adultes à faible revenus. Ils mettent de côté pour pouvoir faire face à des imprévus tels que
la maladie ou le décès : ou bien pour retourner à l’école, améliorer leur logement ou
réinvestir dans leur activité professionnelle. De nombreux programmes, comme Youth Start
de UNCDF ou YouthSave de Save the Children ont examiné la possibilité d’utiliser les comptes
d’épargne comme outils de développement et d’inclusion financière des jeunes dans les pays
en voie de développement.
Un monde d’opportunités s’ouvre à cette population et par extension aux institutions financières qui
les accompagneront dans cette transition. Offrir des services financiers appropriés pour la jeunesse
permet de leur assurer un avenir à long-terme, et peut contribuer à les insérer comme membre actif
du développement économique d’une communauté.
65
Pour une institution, capter une clientèle jeune peut lui permettre de constituer une base de
clientèle fidèle à long-terme, quitte à ce que ce soit un investissement au départ qui ne porte ses
fruits qu’à horizon de plusieurs années.
Pour comprendre
Un produit conçu pour convenir spécifiquement aux jeunes n’aura pas forcément besoin d’être très
différent des autres produits proposés par l’institution. L’essentiel repose dans la définition que
l’institution donne au segment de marché qu’elle voudra servir: s’adresse-t-on aux mineurs ? à des
étudiants ou à des jeunes travailleurs ? en zone rurale ou en zone urbaine ? sont-ils encore sous le
toit de leurs parents ou ont-ils leur propre famille ?... Il s’agira donc probablement de soussegmenter la cible en fonction de l’étape dans laquelle se trouve le jeune dans sa vie.
Ce qui va donc être déterminant dans l’élaboration des services financiers adaptés sera bien entendu
la connaissance des besoins spécifiques du segment de population choisi. Il s’agira de comprendre la
vie que mènent ces jeunes, quelles aspirations ils ont, à quelle étape ils se trouvent, à quelles
opportunités et menaces ils sont soumis durant leurs périodes de transition… Et de là, définir quelle
problématique l’institution souhaite et peut résoudre avec un service financier.
A l’issue de cette analyse, l’institution déterminera s’il est plus judicieux de créer de nouveaux
produits pour les jeunes, ou si sa gamme de produit existante peut être commercialisée
différemment de manière à séduire également les jeunes.
Selon l’objet du crédit, il sera peut-être utile de se référer aux autres fiches spécifiques (crédit à
l’éducation, crédit aux entreprises en démarrage, crédit habitat etc…)
Risques / Recommandations
Le résultat d’une enquête globale menée en 2009 par Making Cents International et les expériences
tirées d’organisations pionnières dans le domaine des services financiers ciblés pour les jeunes ont
permis de faire ressortir des lignes directrices pour le développement de ces produits :
D’après: Storm L., Porter B., Macaulay F., «Emerging guidelines for linking youth to financial
services», Enterprise Development and Microfinance Vol. 21 No. 4, 2010
1. Impliquer les jeunes dans les études de marché et le développement de produits
Les méthodes de recherche participatives (MARP) sont d’autant plus pertinentes sur ce segment de
marché qu’elles permettent de surmonter les stéréotypes que l’on peut avoir sur les besoins des
jeunes. Il sera donc judicieux d’inclure des jeunes, non seulement en tant que sujets, mais aussi dans
le développement des outils de l’étude de marché et l’analyse de ses résultats. La méthode du
groupe de discussion (Focus Group Discussions) constitue un outil très adapté à ce type d’étude, en
segmentant par âge, sexe, et statut socio-économique. Cela ne signifiera pas nécessairement un
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produit par type de groupe, mais les résultats permettront d’identifier les leviers de flexibilité que le
produit devra apporter pour convenir aux plus nombreux.
2. Développer des produits et services qui reflètent la diversité des jeunes
Les caractéristiques d’un produit devront correspondre à l’étape de la vie dans laquelle le jeune se
trouve. L’étudiant n’aura pas les mêmes besoins que le jeune entrepreneur ou la jeune fille qui se
marie. Si ces différences sont bien identifiées lors de l’étude de marché, la phase de développement
du produit saura prendre en compte de manière plus efficace les besoins propres à sa clientèle-cible.
Encore une fois, il ne faudra pas forcément un tout nouveau produit ; pour un produit d’épargne par
exemple, il s’agira peut-être de simplement réduire le solde minimal requis pour les plus jeunes.
3. Assurer que les jeunes ont des espaces sécurisés et encourageants
Les jeunes sont plus vulnérables que les adultes et ils auront besoin de se sentir à l’abri de toute
pression extérieure pour se sentir encouragés à utiliser les services proposés à leur rythme et selon
leurs besoins propres. Mettre en place des espaces et des canaux de distribution favorisant l’accueil
du jeune, et l’échange avec d’autres jeunes ne pourra que contribuer à le mettre en confiance et le
responsabiliser sur la gestion de son argent. Si la réglementation le permet, le jeune sera d’autant
plus motivé qu’il pourra maitriser lui-même ses transactions financières.
4. Lier les jeunes à des services complémentaires non-financiers
Le passage de l’enfance à l’âge adulte correspond pour beaucoup au passage de la dépendance
économique à l’indépendance. Cette transition doit impérativement être accompagnée par des
formations à la gestion d’un budget, à la culture de l’épargne etc… D’autres types de jeunes comme
les enfants des rues sont encore plus vulnérables et peuvent requérir un accompagnement qui va
même au-delà de l’apprentissage de la gestion financière. Les institutions qui ont démarré des
services financiers pour les jeunes ont systématiquement offert un bouquet de services nonfinanciers de priorité pour leur clientèle jeune, afin d’outiller le jeune pour mieux faire face aux défis
et mieux gérer les risques qui pourraient entraver sa réussite et qu’il ne saurait surmonter avec sa
petite expérience.
5. Optimiser les compétences en établissant des partenariats
L’institution n’aura peut-être pas les capacités internes pour développer une gamme complète de
services. Etablir un partenariat stratégique, avec des établissements de formation, ou des ONG
spécialisées… peut s’avérer être un moyen efficace d’offrir un panel sur mesure ou plus large de
services.
6. Impliquer la communauté
La communauté proche du jeune représente un élément essentiel de soutien et d’influence, mais
aussi une source d’information riche pour le développement d’un produit.
Les obstacles potentiels à appréhender:
Les limites d’ordre légal. Une des limites majeures à l’accès aux services financiers reste le plus
souvent la limite d’âge. De nombreux gouvernements estiment que les jeunes mineurs ne sont pas
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en mesure de s’engager dans un contrat juridique de prêt, de posséder et d’utiliser leur propre
compte d’épargne. A cela se rajoute parfois l’obligation de fournir des papiers d’identité que les
jeunes n’ont pas, ou un justificatif de domicile. La présence d’un responsable légal/tuteur est parfois
nécessaire, mais il faut que les contours du contrat délimitent bien les responsabilités et obligations
de chacun pour protéger les intérêts du jeune.
La rentabilité à court-terme. Les jeunes commencent petit. Or les coûts fixes liés à la provision de
services financiers peuvent s’avérer non rentable sur des faibles montants. Par ailleurs, capter une
clientèle de jeunes peut s’avérer coûteuse pour une institution.
L’innovation technologique peut constituer une issue propice à ce type de limite. En effet, les jeunes
sont un public en général très ouverts aux nouvelles technologies (téléphone portable, internet,
branchless banking…) ce qui peut permettre de réduire considérablement les coûts d’administration
de leurs produits financiers.
L’adhésion interne de l’institution. Un produit destiné aux jeunes demande un engagement fort de
la part du management de l’institution, afin d’encourager des efforts qui n’auront pas
nécessairement un résultat tangible et immédiat. Il s’agit également de rassembler les effectifs de
l’institution autour de ces produits, les former à servir ce type de clientèle, et promouvoir leur
commercialisation. Recruter des jeunes pour servir des jeunes peut se révéler un excellent moyen
d’instiller la notion de services aux jeunes au sein de l’institution.
Exemples
Epargne et Education financière en République Dominicaine : Banco ADOPEM
Banco ADOPEM, membre du réseau Women’s World Banking, a développé deux produits d’épargne
spécifiquement dessinés pour les jeunes de 7 à 24 ans, sous l’appellation ‘Mía’ qui veut dire ‘à moi’
en espagnol. Le produit d’épargne Mía est un compte facile à ouvrir, et ne coûte rien tant que le
compte est mouvementé dans une période de 6 mois. Chaque produit se distingue par la tranche
d’âge à laquelle il s’adresse car en dessous de 16 ans, il est interdit d’avoir un compte en banque.
Ainsi pour les plus jeunes (jusqu’à 15 ans) l’ouverture d’un compte sera possible sous la
responsabilité d’un tuteur, et le dépôt initial sera inférieur à celui requis pour les plus âgés.
En terme de marketing, Banco ADOPEM a développé une campagne ciblée avec des slogans tels que
« Ahorrar te hace grande » (‘Epargner te rend grand/adulte’). L’institution a adapté ses agences à
ces nouveaux clients en adoptant des caisses prioritaires Mía, des coins Mía avec des panneaux
d’affichage ciblés, identifiables grâce aux couleurs de la campagne Mía. Chaque nouveau client
recevra un carnet d’épargne et une petite tirelire. Les agences proposent même des marchepieds
pour que l’enfant atteigne la hauteur de la caisse.
Début 2010, Banco ADOPEM a également développé un programme d’éducation financière adapté
qui fut diffusé par certains professeurs dans les écoles du pays comme une activité périscolaire.
Différents problèmes ont poussé Banco ADOPEM à transformer cette offre d’éducation en une
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session unique proposée dans les écoles. Ces sessions peuvent même se dérouler sous forme de jeu,
très appréciés par les jeunes, et couvrent le sujet de l’épargne, ses objectifs et avantages. Depuis
peu, Banco ADOPEM teste également les plans d’épargne personnalisés. Des agents de la banque
vont aider le client à dresser un plan d’épargne initial, en fonction de ses objectifs et ses capacités à
épargner. Au fil du temps, le client va s’attacher à suivre ce plan, avec une aide constante et
personnalisée à chaque retrait ou dépôt à l’agence. Cette approche a tendance à motiver les jeunes
clients à atteindre leurs objectifs d’épargne et peut en définitive représenter une stratégie rentable
pour l’institution.
A fin 2011, Banco ADOPEM comptait plus de 10 000 clients du produit Mía, dont 60% de filles.
Environ 30% des comptes avaient connu des transactions dans les trois derniers mois, et plus de
5000 jeunes avaient suivi une session d’éducation financière. Aujourd’hui, ce produit fait partie
intégrante de la gamme de produits de Banco ADOPEM ; il est considéré comme un produit d’appel
pour une clientèle future fidèle.
Cependant ces résultats positifs n’ont pas été sans leur poser quelques difficultés à surmonter : il a
fallu assurer des investissements financiers avec un rendement plus incertain et lointain que les
autres produits d’épargne, gagner l’adhésion et la motivation du personnel sur cette clientèle,
maintenir une dynamique auprès des clients pour encourager les transactions et construire un
montant significatif d’épargne, et enfin trouver des méthodes rentables et efficaces de fournir des
services annexes d’éducation financière.
Source : European Microfinance Dialogue n°5, 2012
Une gamme complète de produits pour les jeunes : Al-Amal (Yemen)
Créée en 2008, Al-Amal s’est fondée sur le principe de l’inclusion financière des populations exclues
des services financiers, et cible plus particulièrement les jeunes hommes et femmes. Afin de réaliser
sa mission, Al-Amal est entrée dans un partenariat stratégique avec Silatech, une organisation Qatari
qui œuvre pour l’emploi et l’intégration des jeunes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. En 2009,
ces deux partenaires lancent le Youth Loan Fund, pour faciliter l’accès au crédit et à des services nonfinanciers à des jeunes entrepreneurs yéménites entre 18 et 30 ans, avec comme objectif plus
spécifique le soutien à l’entreprise et à la création d’emploi.
Grâce à ce fond, la banque a pu assouplir la condition suivant laquelle il était nécessaire d’avoir au
moins 6 mois d’activité préalable pour obtenir un crédit, et s’est mise à accepter des emprunteurs
n’ayant aucun historique entrepreneurial. Dès la fin 2011, les jeunes représentaient 35% du
portefeuille de clients de la banque pour un encours de 2,2 millions d’euros. Le crédit moyen se situait
juste en dessous (101€) de celui des crédits classiques (186€). L’objet des crédits était essentiellement
à vocation d’investissement ou pour du fonds de roulement dans des TPE telles que des librairies, des
points de service téléphoniques, des services de transport ou des petites cantines.
Par ailleurs, Al-Amal a aussi mis en place un programme d’épargne pour les jeunes de moins de 18
ans. A fin 2011, elle comptait près de 9 000 comptes épargne de mineurs, soit 40% du nombre
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d’épargnants avec un encours moyen de 10€. En outre, plus de 5 000 jeunes adultes avaient eux aussi
opté pour un compte d’épargne.
Al-Amal offre une large gamme de produits financiers pour les jeunes, et les accompagne
systématiquement d’une offre de services non-financiers.
 Crédit : les 4 produits de crédits-jeunes ont les mêmes termes que les produits traditionnels pour
les adultes, mais se démarquent sur les conditions d’accès:
 le crédit peut servir au démarrage d’une activité, alors que pour les adultes, il faut avoir 6
mois d’activité au minimum. Les agents de crédit sont donc formés pour procéder à une
enquête de caractère du jeune entrepreneur et à une analyse approfondie du business plan.
 moins de garanties matérielles, et plutôt des cautions solidaires. Les jeunes doivent se
constituer en groupes solidaires comprenant au moins 3 femmes.
 des alternatives à la carte nationale d’identité sont autorisées, comme une confirmation de
la municipalité ou un acte de mariage.
 des agents de crédits dédiés et formés pour travailler avec les jeunes
 un service à domicile. Les jeunes, et plus particulièrement les femmes sont souvent intimidés
dans une agence. Pour atteindre cette population, Al-Amal a engagé des femmes agents de
crédit qui se déplacent directement au domicile de ces jeunes femmes pour leur offrir les
services financiers à domicile.
 Epargne : une offre d’épargne spécifique pour les mineurs (<18ans) existe également, avec pour
caractéristique majeure un solde minimum plus faible, et la nécessité de se faire accompagner
par un parent ou un tuteur pour toute opération sur le compte.
 Assurance : l’offre d’assurance décès de l’emprunteur est la même pour les jeunes que pour les
adultes. Cette assurance couvre le solde restant dû et une somme est reversée aux proches.
 Crédit à l’éducation : plus récemment, Al-Amal a développé un produit destiné aux parents qui
ont des enfants encore à l’école, ou à des jeunes travailleurs qui veulent reprendre les études en
parallèle. Al-Amal connecte les jeunes aux universités et encourage ainsi l’éducation supérieure
des jeunes yéménites.
 Services non-financiers : Al-Amal propose à ses jeunes clients des formations sur l’entreprenariat,
un programme d’éducation financière spécialement dédié aux femmes, et une multitude de
modules sur la gestion financière, le service client, le marketing, les ventes…
Al-Amal a également développé un programme de perfectionnement professionnel pour des
étudiants d’université, afin de leur donner de plus grandes chances de trouver un emploi à la
sortie. Ce programme fait intervenir des professionnels qui mettent les étudiants en situation.
Cela leur permet de gagner une expérience pratique essentielle pour démarrer une carrière.
Al-Amal a également développé des partenariats locaux et nationaux pour permettre aux jeunes
de s’inspirer et de se mettre en contact au travers de réseaux.
Résultats et leçons tirées :
A fin 2011, le programme Youth Loan Fund avait atteint 92% d’autonomie financière et prévoyait
d’être rentable à fin 2012. Même au plus fort de la terrible crise traversée par le pays en 2011, le
PAR30 du portefeuille de crédits-jeunes n’a pas dépassé 2%, comparé à 5.9% pour l’ensemble du
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portefeuille. Al-Amal attribue ses bons taux de remboursements à la flexibilité de son modèle de
crédit, à la loyauté de ses clients, et à la culture du remboursement ponctuel qui leur a été instillé dès
le début. Le succès au niveau de la rentabilité est lié à la bonne structure de son modèle où la
tarification des crédits-jeunes accompagne le développement et la croissance sur ce segment de
marché. Cependant Al-Amal a reconnu qu’une grande partie de ses pertes s’est faite sur les
entreprises en démarrage.
Les facteurs de succès qu’Al-Amal a relevés sont :


le marketing et les canaux de distribution : pour faire face à l’analphabétisme, et pour se
distinguer des banques traditionnelles, Al-Amal a axé sa stratégie marketing sur le bouche-àoreille des clients et sur le porte-à-porte des agents de crédit. Pour atteindre la clientèle plus
jeune, AL-Amal a accru sa présence au sein des universités, des établissements de formation
professionnelle, à la télé et dans les loteries, où les jeunes se retrouvent. Par ailleurs, elle a
élargi ses horaires d’ouverture pour permettre aux jeunes de venir en-dehors des heures
d’école. En 2012, Al-Amal s’apprêtait à explorer des moyens technologiques, comme les
services SMS pour élargir son réseau de distribution et se rapprocher de ses clients.
la formation de son personnel : Al-Amal a compris que la jeunesse était plus à l’écoute d’un
personnel jeune et dynamique comme eux. Al-Amal s’est effectivement aussi beaucoup
appuyé sur Silatech pour former ses jeunes recrues. Ces jeunes agents de crédit ont
également bénéficié de formations complémentaires à la gestion d’entreprise, y compris les
formations dispensées aux jeunes clients, pour pouvoir accompagner au mieux les jeunes
entrepreneurs dans les difficultés qu’ils pouvaient rencontrer.
Al-Amal continue d’explorer de nouvelles méthodologies pour accroître son impact pour les jeunes.
Source : European Microfinance Dialogue n°5, 2012
Pour lire plus d’exemples :
 Youth Inclusive Financial Services Portal, http://yfslink.org/, est un portail internet qui veut
favoriser les échanges sur le sujet. Ils proposent notamment une carte interactive des différentes
initiatives qui existent.
 Le programme YouthStart de UNCDF a pour objectif d’élargir l’accès aux services financiers,
notamment l’épargne, pour les jeunes, en renforçant la capacité des prestataires de services
financiers et en aidant ces prestataires à communiquer mutuellement les enseignements dérivés
de leurs expériences auprès de ce segment de population.
 Toutes les publications relatives à ce projet, dont certaines sont en français, sont
disponibles sur le site de l’UNCDF :
http://www.uncdf.org/en/programme/publications?field_program_tid=428

Lire aussi le chapitre I (p19), l’exemple de Uganda Finance Trust :
« Youth Financial Inclusion : Promising Examples for Achieving Youth Economic
Empowerment », European Microfinance Dialogue, Octobre 2012
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Pour aller plus loin :

« Understanding Youth and their Financial Needs », SEEP Youth & Financial Services Working
Group, 2013

YouthStart a développé une série de guides du formateur (en anglais) destinés à des
formations pour accompagner une institution financière dans le développement de services
financiers adaptés aux jeunes :
 Module I : « Youth Development Programming »
 Module II: « Pilot testing Youth Financial Services »
 Module III: « Integration of Youth Financial and Non-Financial Services »
 Module IV: « Client Protection Principles for Youth »
 « Uganda Finance Trust (UFT), ou le portrait d’une IMF ougandaise au service de l’inclusion
financière des jeunes », Portail Microfinance, Projecteur de Novembre 2013
https://www.lamicrofinance.org/content/article/detail/56832
 Storm L., Porter B., Macaulay F., «Emerging guidelines for linking youth to financial services»,
Enterprise Development and Microfinance Vol. 21 No. 4, 2010
 Kilara T., Latortue A., « Les perspectives émergentes de l’épargne des jeunes », CGAP Focus Note
n°82, Juillet 2012

« Youth and economic opportunities », Innovations Journal, MIT Press, Septembre 2013

« Youth Financial Inclusion : Promising Examples for Achieving Youth Economic
Empowerment », European Microfinance Dialogue, Octobre 2012
Une compilation de cas d’institutions ayant mis en œuvre des services financiers pour les jeunes.

Evaluation d’un programme pour jeunes adolescentes au Kenya et en Ouganda, par
MicroSave, 2012
http://www.microsave.net/resource/youth_inclusive_financial_services_yifs_lesson_key_consid
erations_part_i_1
http://www.microsave.net/resource/youth_inclusive_financial_services_yifs_lesson_key_
considerations_part_ii
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