CAS NO 2 : NEGOCIATIONS AU SRI LANKA

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CAS NO 2 : NEGOCIATIONS AU SRI LANKA
Brigitte Kehrer Médiatrice internationale
ATELIER MEDIATION LE LYCEE DE LA PLANTA A SION 18 JANVIER 2010
CAS NO 2 : NEGOCIATIONS AU SRI LANKA
SITUATION : Début Mai 2009 à Colombo, capitale du Sri Lanka- Comment
consolider la paix. Que faire ?
PERSONNAGES :
Chef de l’armée gouvernementale cinghalaise, parle au nom du Président a plein
pouvoirs
Nouveau représentant défait de la rébellion tamoule ( leur grand chef légendaire
Prabakharan a été tué), n’a plus aucun pouvoir. Population décimée.
Enormément de réfugiés et déplacés affamés.
MEDIATEUR :Représentant de l’Union Européenne avec un co-médiateur du
Japon
OBSERVATEUR : un observateur de la Médiation
Sri Lanka : COMMENT GAGNER LA PAIX ? Mai 2009
Les armes se sont tues sur l’île Émeraude. Les Tigres tamouls (LTTE) sont vaincus et leur
redoutable chef Velupillai Prabakharan tué. Le président nationaliste du Sri Lanka peut
goûter la griserie de la victoire contre un mouvement qui existait depuis le début des années
1970. Cependant, s’il veut ramener durablement la paix civile au Sri Lanka, le président
Rajapakse doit poser en termes politiques la question de l’avenir de la minorité tamoule.
Après l’indépendance du pays, en 1948, c’est l’intransigeance de la majorité cinghalaise, qui
voulait construire l’identité nationale sur sa langue et sa religion – le bouddhisme - qui a
marginalisé les Tamouls et poussé les plus extrémistes d’entre eux à constituer un
mouvement indépendantiste armé. La loi de 1956 faisant du cinghalais l’unique langue
officielle du pays avait beaucoup contribué au sentiment des Tamouls d’être des citoyens de
seconde zone.
Brigitte Kehrer- Médiatrice Certifiée Consultante internat. Peace Building - [email protected]
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Les crimes des Tigres Tamouls, qui n’hésitaient pas à enrôler des enfants soldats et à
envoyer indifféremment hommes et femmes commettre des attentats suicides contre des
civils, ne changent rien à la nécessité d’une dévolution du pouvoir au profit des régions nord
et est occupées majoritairement par des Tamouls. Avec les enquêtes pour crimes de guerre
tant du côté de l’armée que de celui des Tigres, ce sera sans doute une étape indispensable
vers un avenir apaisé.
HISTORIQUE
Les Européens à la conquête de Ceylan
Ceylan, «perle à l'oreille de l'Asie» selon l'écrivain Francis de Croisset, devient indépendante
le 4 février 1948. Rebaptisée Sri Lanka, l'île n'en finit pas de souffrir du contentieux ethnique
légué par le colonisateur britannique. Béatrice Roman-Amat. Portugais, Hollandais et Anglais
ont successivement tenté de s'approprier les richesses de Ceylan. En 1505, les Portugais y
débarquent, sur les traces de Marco Polo, qui avait gardé un souvenir ébloui de l'île. Ils sont
attirés par la cannelle locale, mais se heurtent à la résistance du royaume de Kandy, installé
dans les hautes terres et finissent par abandonner Ceylan aux Hollandais.À la fin du XVIIIe
siècle, comme la France révolutionnaire occupe les Pays-Bas, les responsables hollandais
réfugiés à Londres autorisent l'Angleterre à prendre le contrôle de Ceylan (1796).
Les Britanniques introduisent la question tamoule
Dès 1815, les Britanniques s'assurent la domination de toute l'île, en faisant tomber un
royaume de Kandy en pleine décadence. Les Britanniques remplacent la culture de la
cannelle par celle du café puis du thé. Ils se mettent en quête d'une main-d'œuvre disponible
toute l'année pour ces nouvelles cultures, alors que le repiquage du riz accapare bon
nombre de Cinghalais. En se tournant vers les Tamouls d'Inde du Sud (issus de basses
castes), ils maintiennent les salaires au plus bas sur l'île. Les travailleurs tamouls «importés»
prennent racine dans le monde clos des plantations. Ils se concentrent essentiellement dans
la presqu'île de Jaffna et sur la côte orientale de l'île, conservant leur langue, leurs traditions
et leur religion (hindouiste pour l'essentiel alors que les Cinghalais sont bouddhistes). En
1946, à la veille de l'indépendance, on compte près de 800.000 Tamouls à Ceylan, soit 12%
de la population.
Les nationalismes... après l'indépendance
Les Britanniques ont favorisé très tôt l'émergence d'une élite anglicisée, capable de gérer les
affaires politiques, pour en faire un modèle d'«home rule» (autonomie). Un parti nationaliste
a été créé en 1918, sur le modèle du Congrès indien ; hommes et femmes ont obtenu le droit
de vote dès 1932. L'île bénéficie de la sorte d'une décolonisation en douceur, à la différence
du reste des Indes. Après l'indépendance, un régime démocratique se met en place mais
échoue à donner une place à la minorité tamoule. En 1956, la célébration du 2.500e
anniversaire du nirvâna de Bouddha donne l'occasion à des moines extrémistes d'appeler à
la renaissance et la protection de la culture cinghalaise face aux élites anglophones et aux
Tamouls. La même année, le cinghalais est décrété langue officielle unique du pays, ce qui
provoque l'ire de la communauté tamoule, concentrée dans le Nord et l'Est du pays. En
1959, le premier ministre est assassiné par un moine bouddhiste. De violentes émeutes
éclatent entre Tamouls et Cinghalais. Mme Sirimavo Bandaranaike, veuve du premier
ministre assassiné, accède au pouvoir avec l'appui d'un parti trotskiste ! Elle mène une
politique socialiste de nationalisation des industries, des terres et des plantations de thé et
d'hévéas, qui appartenaient encore souvent à des Britanniques. Elle projette également,
mais sans succès, de rapatrier 500.000 Tamouls en Inde, en accord avec New-Delhi qui
craint que le séparatisme tamoul ne fasse tache d'huile !
Brigitte Kehrer- Médiatrice Certifiée Consultante internat. Peace Building - [email protected]
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La guerre civile
En 1972, le pays adopte le nom sanskrit de Sri Lanka, «l'île resplendissante». Cependant,
les tensions ethniques dégénèrent en guerre civile. Des Tamouls convaincus de l'échec du
dialogue politique forment le «Mouvement des Tigres de libération de la patrie tamoule»
(LTTE), sous l'impulsion de leur chef Villupilai Prabakaran. Ils déclenchent des vagues
d'attentats et mènent une véritable guérilla contre l'armée sri lankaise. Des pogroms antitamouls ont lieu en représailles. Mais le LTTE bénéficie du soutien des services secrets
indiens qui espèrent ainsi affaiblir un régime sri lankais considéré comme proaméricain. Ses
combattants en arrivent à occuper le tiers de l'île... En 1987, le premier ministre indien Rajiv
Gandhi obtient la signature d'un accord qui garantit une certaine autonomie à la province du
nord-est et confère à l'armée indienne un rôle de maintien de la paix dans les zones
tamoules. Le LTTE refuse néanmoins de rendre les armes et se replie dans la jungle
impénétrable. En 1991, Rajiv Gandhi est assassiné par une indépendantiste tamoule qui lui
passe autour du cou un collier de fleurs piégé. Deux ans plus tard, c'est le tour du président
sri lankais. Après les attentats du 11 septembre 2001, le LTTE est inscrit sur les listes
d'organisations terroristes des États occidentaux. La population civile tamoule, qui se
partage entre une majorité hindouiste et une minorité chrétienne, est prise en tenaille entre
d'une part l'armée sri-lankaise, qui ne fait pas de quartier et enferme les réfugiés dans des
camps ; d'autre part les Tigres tamouls, dont la férocité n'a guère d'égale dans le monde
actuel, qui enrôlent de force les enfants et se servent des civils comme boucliers humains.
Comme si ce drame ne suffisait pas, le sud du Sri Lanka est également durement touché par
le tsunami de décembre 2004 (près de 40.000 morts)...L'assassinat du ministre sri-lankais
des affaires étrangères en 2005 donne le signal d'un nouveau durcissement. Le nouveau
président de la République, Mahinda Rajapakse, est un nationaliste qui refuse toute
autonomie tamoule. Il lance une nouvelle offensive contre le nord du pays. Fin 2008,
Kilinnochchi, capitale des Tigres, tombe dans les mains de l'armée qui peut dès lors
envisager un «assaut final» contre le LTTE, cela dans un redoublement de violence :
massacres de civils, viols et mutilations, pillages etc.
Le conflit sri-lankais s'achève le 17 mai 2009 par la chute du dernier réduit indépendantiste.
Il a provoqué la mort d'environ 70.000 personnes depuis son déclenchement.
ARTICLE CONTRADICTOIRE
La fin du « processus de paix » sri lankais –février 2009 K. Ratnayake - WSWS
Dans un communiqué conjoint publié la semaine passée, les quatre co-présidents,
encouragés par le nouveau gouvernement Obama à Washington, ont abandonné tout
semblant de neutralité en demandant aux Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE) de
déposer leurs armes et de se rendre au gouvernement du Sri Lanka. Enrobé d’hypocrites
préoccupations quant à la situation critique des civils pris dans les combats, le communiqué
lance un appel au LTTE « à discuter avec le gouvernement du Sri Lanka des modalités pour
mettre un terme aux hostilités, y compris le dépôt de leurs armes, la renonciation à la
violence, l’acceptation de l’offre d’amnistie du gouvernement sri lankais ; et la participation
au processus en tant que parti politique afin d’arriver à une solution politique juste et
durable ». C’est le comble de l’absurde ! Avec le soutien des Etats-Unis, le gouvernement sri
lankais a déjà rejeté tous pourparlers avec le LTTE en le déclarant organisation terroriste. Le
président Mahinda Rajapakse insiste pour dire que seule une reddition totale et
inconditionnelle mettra fin au combat. Son gouvernement a même rejeté un appel des coprésidents pour « un cessez-le-feu » le temps de permettre l’évacuation des malades et des
blessés. Son offre d’amnistie ne s’adresse qu’aux échelons inférieurs du LTTE et non à la
direction du LTTE. Tout ceci tourne en dérision les appels à la négociation, à la participation
politique et « à une solution politique juste et durable ».
Le communiqué est remarquable aussi pour ce qu’il ne dit pas. Il n’appelle pas à mettre fin
immédiatement aux combats, au retrait de toutes les troupes sri lankaises sur les lignes du
cessez-le-feu de 2002, et au retour des négociations de 2002-2003 soutenues
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internationalement. En d’autres termes, les co-présidents n’observent même plus les
subtilités diplomatiques du soi-disant processus de paix auquel ils s’étaient jadis engagés.
L’ignoble hypocrisie affichée par les co-présidents ne devrait surprendre personne. Les
Etats-Unis, l’Union européenne (UE), la Norvège et le Japon ont tous soutenu, d’une
manière ou d’une autre, la fausse « guerre mondiale contre le terrorisme » de Washington et
son occupation néocoloniale de l’Afghanistan et de l’Irak. Leur soutien au « processus de
paix » au Sri Lanka n’était pas motivé par leur préoccupation concernant 25 années de
souffrance de la population de l’île mais par des intérêts économiques et stratégiques des
principales puissances, et avant tout de l’impérialisme américain. Plusieurs processus
avaient contribué au cessez-le-feu du 22 février 2002.
En avril et en mai 2002, le LTTE avait infligé une série de défaites militaires dévastatrices à
l’armée sri lankaise en capturant la stratégique Passe de l’Eléphant et en menaçant
d’écraser les 50 000 hommes piégés sur la péninsule de Jaffna. Le gouvernement de la
présidente Chadrika Kumaratunga avait été plongé dans une crise politique et économique
profonde alors qu’elle se précipitait pour acheter du matériel dans le but de consolider
l’armée et son gouvernement. Suite au 11 septembre 2001, des sections de l’élite dirigeante
sri lankaise avaient entrevu l’occasion de forcer le LTTE à rejoindre la table des négociations
en posant leurs conditions, au risque sinon de devenir la cible de « la guerre contre le
terrorisme » américaine. Lorsque Kumaratunga résista, son gouvernement perdit sa majorité
parlementaire et le parti rival United National Party (Parti national uni, UNP) remporta
l’élection et signa le cessez-le-feu. Les Etats-Unis appuyèrent conditionnellement le
processus de paix. Washington était préoccupé par l’impact de la guerre sri lankaise pourrait
avoir dans l’Inde voisine où ils étaient en train de nouer rapidement des liens économiques
et stratégiques plus étroits. Le cessez-le-feu fut immédiatement acclamé internationalement
comme étant un signe annonciateur de la paix, de la démocratie et de la prospérité pour
cette île ravagée par la guerre et un exemple pour le monde. Les co-présidents promirent le
versement de 4,5 milliards de dollars d’aide pour la reconstruction, comme moyen de
remporter un avantage politique.
Il devint rapidement évident que les co-présidents étaient loin d’être impartiaux. Alors que les
extrémistes cinghalais à Colombo se plaignaient amèrement de la partialité pro-LTTE, le
processus penchait toujours lourdement au détriment du LTTE qui était obligé de
formellement renoncer à ses exigences pour un petit Etat dans le Nord et l’Est avant même
le début des négociations. Les pourparlers échouèrent en avril 2003 avant même qu’une
discussion en vue de trouver une solution politique ait pu commencer, après une série de
provocations navales qui firent couler des navires du LTTE. La dernière goutte qui fit
déborder le vase fut le refus des Etats-Unis de rayer le LTTE de la liste des organisations
terroristes, l’empêchant de ce fait de participer aux pourparlers à Washington. Comme ce fut
le cas de toutes les tentatives antérieures de négocier la fin de la guerre, l’establishment
politique sri lankais qui fonde depuis 1948 son régime sur l’idéologie de suprématie
cinghalaise, se révéla incapable de faire la moindre concession. Le gouvernement UNP fut
accusé par la présidente Kumaratunga, par l’armée et les partis chauvins cinghalais, tel le
Janatha Vimukthi Peramuna (Front populaire de libération, JVP), de trahir la nation par le
simple fait d’envisager un accord de partage du pouvoir entre les élites cinghalaise et
tamoule. Kumaratunga prit finalement la décision de dissoudre le gouvernement en 2004. En
coulisses, l’armée sri lankaise profita du cessez-le-feu pour se réarmer et ré-entraîner ses
forces ébranlées avec l’aide des Etats-Unis et d’autres alliés. Tandis que Washington
continuait de reconnaître en paroles le mérite du processus de paix, un certain nombre de
diplomates et de généraux américains de haut rang multiplièrent les visites à Colombo et des
accords furent signés. Les conditions étaient réunies pour relancer la guerre lorsque
Mahinda Rajapakse remporta de justesse les élections en 2005 grâce au soutien du JVP. De
faibles tentatives de faire redémarrer les pourparlers de paix échouèrent en avril 2006 quand
le gouvernement Rajapakse insista pour que soit réécrit le cessez-le-feu de 2002 dans le but
de favoriser l’armée sri lankaise. Mais la fin était proche. Une série de meurtres provocateurs
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et d’enlèvements signalaient que Rajapakse avait détaché de sa laisse l’armée avec ses
escadrons de la mort et ses paramilitaires. En janvier 2006, l’ambassadeur américain,
Jeffrey Lunstead, avait déjà notifié le soutien de Washington pour la guerre en mettant en
garde le LTTE qu’il aurait à faire face « à une armée sri lankaise plus forte, plus capable et
plus déterminée » à moins qu’il ne renonce à la violence et qu’il se désarme. Les Etats-Unis
appuyèrent la menace non seulement par une aide militaire mais par une campagne
diplomatique en exerçant une pression sur l’UE et le Canada pour qu’ils interdisent le LTTE
et retirent de ce fait leur soutien politique et financier vital à la diaspora tamoule. Quiconque
a suivi les événements de ces deux dernières années avec un minimum de distance ne sera
pas surpris par le récent communiqué publié par les co-présidents. De légères protestations
épisodiques concernant les sévices les plus flagrants de l’armée sri landaise ont été
accompagnées d’accusations portées contre le LTTE pour avoir cherché à défendre son
territoire. Les Etats-Unis et leurs coprésidents alliés n’ont émis aucune critique contre le
gouvernement Rajapakse lorsqu’il a lancé une offensive après l’autre à partir de juillet 2006
en flagrante violation du cessez-le-feu de 2002 et a fini par rompre complètement l’accord au
début de l’année dernière.
Les co-présidents ne sont pas des spectateurs impuissants et passifs, mais bien des
participants actifs et qui portent la responsabilité politique pour la guerre perpétrée par le
gouvernement sri lankais et la catastrophe humanitaire qui se déroule en ce moment dans le
Nord du Sri Lanka. Le processus entier souligne le fait que les revers du LTTE ne sont pas
simplement d’ordre militaire mais découlent de la banqueroute de sa perspective politique.
Son adoption du faux processus de paix en 2002 n’était pas une aberration mais le résultat
d’un programme pour un Eelam indépendant qui a toujours été basé sur l’obtention du
soutien de l’une ou de l’autre des principales puissances. Aujourd’hui, le LTTE continue de
lancer des appels au bon vouloir de cette même « communauté internationale » qui soutient
la guerre du gouvernement. Son séparatisme tamoul qui représente les intérêts de la
bourgeoisie tamoule a exclu toute approche à la seule force sociale qui est capable de
défendre de façon conséquente les droits démocratiques. La mort du processus de paix est
également un témoignage accablant de ses défenseurs les plus en vue à Colombo, les
représentants radicaux, le Nava Sama Samaja Party (NSSP) et l’United Socialist Party
(USP).
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