SOI ET AUTRUI a connaissance de soi est à la base de toute

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SOI ET AUTRUI a connaissance de soi est à la base de toute
SOI ET AUTRUI
L
a connaissance de soi est à la base de toute relation avec autrui. L’homme
ignorant sa condition d’homme et la possibilité de son évolution apparaît
condamné à la destruction et à la mort. La connaissance de soi étant œuvre
de vie, celle-ci détermine des rapports vivants, qu’il s’agisse de soi ou des autres.
La qualité des relations avec autrui, l’influence ou la liberté à l’égard d’un
milieu donné sont donc déterminées par la connaissance ou l’ignorance de soi.
L’ignorance de soi est semblable à une muraille d’enceinte privée de portes et de
fenêtres. Cette prison l’homme la porte en lui, car c’est en lui qu’il se trouve
emmuré, séparé de lui-même et des autres. Tant qu’un homme n’a pas fait tomber
les murs qui l’isolent, toute communion lui demeure impossible. Se tenant dans le
monde de l’apparence et de l’opinion, il ne franchit pas le seuil de ses propres
frontières. Jouet de l’imagination, du mensonge et des bavardages, il dépend des
jugements d’autrui ; d’un autrui emmuré lui aussi dans ses propres limites ; d’où
l’importance donnée aux menus événements de l’existence de soi et des autres :
papillonnement, frivolités, divertissements, jeux liés au hasard. Prisonnier, la
chambre du trésor lui est inaccessible, qu’il y pénètre, le voici en relation avec tout
ce qui vit. A cet instant une communion s’opère dans la lumière. Cette clarté
n’exclut pas les ombres, mais celles-ci n’apparaissent ténébreuses qu’en raison
même de la réalité de la lumière.
En pénétrant dans la chambre du trésor par la connaissance de soi, l’homme
devient conscient ; sa conscience est née. Auparavant, il en parlait, il la nommait
comme on désigne une réalité qu’on croit connaître, en fait elle était inexistante. Et
l’homme se rend compte de son erreur lors de l’avènement en lui d’un état de
conscience comportant une nouvelle façon de penser, d’agir et de se comporter
envers autrui. Il y a autant de différence entre ce qu’il est devenu et ce qu'il était,
qu’entre l’esclave enchaîné et l’homme libre.
D’où il apparaît évident que l’indépendance ou la dépendance à l’égard d’un
milieu donné est liée au choix d’intériorité ou d’extériorité. Que l’homme se tienne
à la jointure de son intériorité et de son extériorité, le voici libre et spontané à
l’égard de lui-même et d’autrui. Qu’il demeure dans la seule zone d’extériorité, il
apparaît mordu par les événements, bousculé par le flux et le reflux quotidien de
l’existence, esclave de son milieu, de son métier, proie facile que le moindre choc
entame ou fait exulter. Ainsi l’homme automate réagit suivant les pressions du
dehors, les circonstances le modifient et le jettent dans l’instabilité. Cependant
chaque être possède en lui un axe de permanente stabilité, le difficile est de
l’atteindre et d’y plonger ses racines.
L’attention donnée à l’intériorité dépend de la direction du regard, la
transformation qui s’opère peu à peu dans l’être étant l’effet de cette orientation.
Celle-ci naît de l’intensité de son désir : sortir de prison.
Seul un être ayant conquis son autonomie peut conférer un sens à son destin.
Marie-Madeleine Davy, 1962

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