Thème du voyage en Orient - Enseignement et religions

Transcription

Thème du voyage en Orient - Enseignement et religions
www.enseignement-et-religions.org/
_______________
"Jérusalem, nous conjuguons ton nom", Christian Bernard, octobre 2001
SEQUENCE DE FRANÇAIS SURLE THEME DU VOYAGE EN ORIENT
Dans le cadre de ce travail interdisciplinaire entrepris sur Jérusalem, nous proposons pour des élèves
de seconde, deux groupements de textes à étudier selon les deux approches générales du dossier : la
ville sainte en elle-même, le regard porté sur l'autre dans sa dimension religieuse différente.
Sont présentés dans ce dossier :
- le double corpus des textes choisis,
- la démarche générale des deux séquences d'études,
- des fiches faisant le point des connaissances et des pré-requis historiques.
SOMMAIRE
1-
JERUSALEM, VILLE SAINTE
1.1) Jérusalem par Chateaubriand : Extrait de "Itinéraire de Paris à Jérusalem", 1811. Texte cité dans
"Le voyage en Orient" de Jean-Claude Berchet: anthologie des voyageurs Français dans le levant
au XIXème siècle, Bouquins, 1985 pp. 607-608.
1.2) Jérusalem par Lamartine : Extrait de "Voyage en Orient", 1835, cité dans Berchet, pp. 638-639.
1.3) Jérusalem par Flaubert : Extrait de sa Correspondance, lettres du 9 et du 20 Août 1850, publiée
en 1910 - Edition La Pléiade.
1.4) Jérusalem par Loti : Extrait de "Jérusalem", 1895, début du texte. Edition Christian Pirot, 1997,
pp. 21-22.
2-
REGARDS SUR LA RELIGION DES AUTRES
2.1) Sur l'islam
a) Les Arabes et l'islam par Chateaubriand : Extrait de "Itinéraire de Paris à Jérusalem", édition de
poche, Garnier Flammarion, pp.267 et 300
b) Loti et l'islam à Jérusalem : Extrait de "Jérusalem", édition Ch. Pirot, 1997, pp.160-161.
2.2) Sur les Juifs
a) Vus par Chateaubriand : Extrait de "Itinéraire de Paris à Jérusalem", édition de poche, GF 1968,
pp.364-65.
b) Vus par Loti : Extrait de "Jérusalem", édition Ch. Pirot, 1997, pp.105-107.
3-
BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE
3.1) Pour trouver des textes
Berchet Jean-Claude, Le voyage en Orient, anthologie des voyageurs Français dans le Levant au XIXe
siècle, Bouquins, 1985, 1108 p.
Aziza Claude, Le rêve à l'ombre du Temple, Omnibus, 1994, 1324 p.
Revue Dédale, Multiple Jérusalem, printemps 1996, Maisonneuve et Larose.
3.2) Des études:
Hublard Marie-Jeanne, L'attitude religieuse de P. Loti, thèse de doctorat, Fac des Lettres de l'Université
de Bâle, 1943, Fribourg, Suisse, 1945, 168 p.
Bassan Fernande, Chateaubriand et la Terre Sainte, Paris, PUF, 1959.
Quella-Villéger Alain, Pierre Loti, le pèlerin de la planète, Aubéron, 1998, 524 p.
Hublard Marie-Jeanne, L'attitude religieuse de Loti, Thèse de doctorat, Fribourg 1945.
Berchet J.-C., Loti au pays des patriarches in Les Méditerranées de Loti, Aubéron, 2000.
Mendelson D., Jérusalem, ombre et mirage, L'Harmattan, 2000, 297 p.
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
1/32
A - LE DOUBLE CORPUS DES TEXTES
1 – JERUSALEMENT VILLE SAINTE
1.1) Jérusalem par Chateaubriand : Extrait de "Itinéraire de Paris à Jérusalem", 1811. Texte cité dans
"Le voyage en Orient" de Jean-Claude Berchet: anthologie des voyageurs Français dans le levant
au XIXème siècle, Bouquins, 1985 pp. 607-608.
Tout à coup à l'extrémité de ce plateau, j'aperçus une ligne de murs gothiques flanqués de tours
carrées, et derrière lesquels s'élevaient quelques pointes d'édifices. Au pied de ces murs paraissait un
camp de cavalerie turque, dans toute la pompe orientale. Le guide s'écria : "El-Cods!" La Sainte
(Jérusalem)! Et il s'enfuit au grand galop.
Je conçois maintenant ce que les historiens et les voyageurs rapportent de la surprise des Croisés et
des pèlerins, à la première vue de Jérusalem. Je puis assurer que quiconque a eu comme moi la
patience de lire à peu près deux cents relations modernes de la Terre Sainte, les compilations
rabbiniques, et les passages des anciens sur la Judée, ne connaît rien du tout encore. Je restai les yeux
fixés sur Jérusalem, mesurant la hauteur de ses murs, recevant à la fois tous les souvenirs de l'histoire,
depuis Abraham jusqu'à Godefroy de Bouillon, pensant au monde entier changé par la mission du Fils
de l'Homme, et cherchant vainement ce temple, dont il ne reste pas pierre sur pierre. Quand je vivrais
mille ans, jamais je n'oublierai ce désert qui semble respirer encore la grandeur de Jéhovah, et les
épouvantements de la mort.
Vue de la montagne des Oliviers, de l'autre côté de la vallée de Josaphat, Jérusalem présente un plan
incliné sur un sol qui descend du couchant au levant. Une muraille crénelée, fortifiée par des tours et par
un château gothique, enferme la ville dans son entier, laissant toutefois au-dehors une partie de la
montagne de Sion, qu'elle embrassait autrefois.
Dans la région du couchant et au centre de la ville, vers le calvaire, les maisons se serrent d'assez près;
mais au levant, le long de la vallée de Cédron, on aperçoit des espaces vides, entre autres l'enceinte qui
règne autour de la mosquée bâtie où s'élevaient le château Antonia et le second palais d'Hérode.
Les maisons de Jérusalem sont de lourdes masses carrées, fort basses, sans cheminée et sans fenêtre;
elles se terminent en terrasses aplaties ou en dômes, et elles ressemblent à des prisons ou à des
sépulcres. Tout serait à l'œil d'un niveau égal, si les clochers des églises, les minarets des mosquées,
les cimes de quelques cyprès et les buissons de nopals ne rompaient l'uniformité du plan. A la vue de
ces maisons de pierres, renfermées dans un paysage de pierres, on se demande si ce ne sont pas là les
monuments confus d'un cimetière au milieu d'un désert ?
Entrez dans la ville, rien ne vous consolera de la tristesse extérieure : vous vous égarez dans de petites
rues non pavées, qui montent et descendent sur un sol inégal, et vous marchez dans des flots de
poussière, ou parmi des cailloux roulants. Des toiles jetées d'une maison à l'autre augmentent l'obscurité
de ce labyrinthe; des bazars voûtés et infects achèvent d'ôter la lumière à la ville désolée; quelques
chétives boutiques n'étalent aux yeux que la misère; et souvent ces boutiques même sont fermées, dans
la crainte du passage d'un cadi. Personne dans les rues, personne aux portes de la ville; quelquefois
seulement un paysan se glisse dans l'ombre, cachant sous se habits les fruits de son labeur, dans la
crainte d'être dépouillé par le soldat; dans un coin à l'écart, le boucher arabe égorge quelque bête
suspendue par les pieds à un mur en ruine : à l'air hagard et féroce de cet homme, à ses bras
ensanglantés, vous croiriez qu'il vient plutôt de tuer son semblable, que d'immoler un agneau. Pour tout
bruit dans la cité déicide, on entend par intervalles le galop de la cavale au désert : c'est le janissaire qui
apporte la tête du Bédouin, ou qui va piller le Fellah.
Je m'arrêtai avant de descendre dans la vallée de Térébinthe, pour regarder encore Jérusalem. Je
distinguai par-dessus les murs le dôme de l'église du Saint-Sépulcre. Il ne sera plus salué par le pèlerin,
car il n'existe plus; et le tombeau de Jésus-Christ est maintenant exposé aux injures de l'air. Autrefois la
chrétienté entière serait accourue pour réparer le sacré monument; aujourd'hui personne n'y pense, et la
moindre aumône employée à cette œuvre méritoire paraîtrait une ridicule superstition. Après avoir
contemplé pendant quelque temps Jérusalem, je m'enfonçai dans les montagnes. Il était six heures
vingt-neuf minutes, lorsque je perdis de vue la Cité Sainte: le navigateur marque ainsi le moment où
disparaît à ses yeux une terre lointaine qu'il ne reverra jamais."
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
2/32
1.2) Jérusalem par Lamartine : Extrait de "Voyage en Orient", 1835, cité dans Berchet, pp. 638-639.
Cet espace est inondé déjà de la lumière ondoyante et vaporeuse du matin; après les collines
inférieures qui sont sous nos pieds, roulées et brisées en blocs de roches grises et concassées, l'œil ne
distingue plus rien que cet espace éblouissant et si semblable à une vaste mer, que l'illusion fut pour
nous complète, et que nous crûmes discerner ces intervalles d'ombre foncée et de plaques mates et
argentées, que le jour naissant fait briller ou fait assombrir sur une mer calme. Sur les bords de cet
océan imaginaire, un peu sur la gauche de notre horizon, et environ à une lieue de nous, le soleil brillait
sur une tour carrée, sur un minaret élevé, et sur les larges murailles jaunes de quelques édifices qui
couronnent le sommet d'une colline basse, et dont la colline même nous dérobait la base: mais à
quelques pointes de minarets, à quelques créneaux de murs plus élevés, et à la cime noire et bleue de
quelques dômes qui pyramidaient derrière la tour et le grand minaret, on reconnaissait une ville dont
nous ne pouvions découvrir que la partie la plus élevée, et qui descendait le long des flancs de la colline:
ce ne pouvait être que Jérusalem ; nous nous en croyions plus éloignés encore, et chacun de nous,
sans oser rien demander au guide, de peur de voir son illusion détruite, jouissait en silence de ce
premier regard jeté à la dérobée sur la ville, et tout m'inspirait le nom de Jérusalem. C'était elle! Elle se
détachait en jaune sombre et mat, sur le fond bleu du firmament et sur le fond noir du mont des Oliviers.
Nous arrêtâmes nos chevaux pour la contempler dans cette mystérieuse et éblouissante apparition.
Le soleil laissait dans l'ombre son flanc occidental; mais rasant de ses rayons verticaux sa cime,
semblable à une large coupole, il paraissait faire nager son sommet transparent dans la lumière, et l'on
ne reconnaissait la limite indécise de la terre et du ciel qu'à quelques arbres larges et noirs plantés sur
le sommet le plus élevé, et à travers lesquels le soleil faisait passer ses rayons. C'était la montagne des
Oliviers ; c'étaient ces oliviers eux-mêmes, vieux témoins de tant de jours écrits sur la terre et dans le
ciel, arrosés de larmes divines, de la sueur de sang, et de tant d'autres larmes et de tant d'autres
sueurs, depuis la nuit qui les a rendus sacrés.
Un petit mur de pierres sans ciment entoure ce champ, et huit oliviers, espacés de trente à quarante pas
les uns des autres, le couvrent presque tout entier de leur ombre. Ces oliviers sont au nombre des plus
gros arbres de cette espèce que j'aie jamais rencontrés: la tradition fait remonter leurs années jusqu'à la
date mémorable de l'agonie de l'homme-Dieu qui les choisit pour cacher ses divines angoisses. Leur
aspect confirmerait au besoin la tradition qui les vénère; leurs immenses racines, comme les
accroissements séculaires, ont soulevé la terre et les pierres qui les recouvraient, et, s'élevant de
plusieurs pieds au-dessus du niveau du sol, présentent au pèlerin des sièges naturels, où il peut
s'agenouiller ou s'asseoir pour recueillir les saintes pensées qui descendent de leurs cimes silencieuses.
Un tronc noueux, cannelé, creusé par la vieillesse comme par des rides profondes, s'élève en large
colonne sur ces groupes de racines, et, comme accablé et penché par le poids des jours, s'incline à
droite ou à gauche, et laisse pendre ses vastes rameaux entrelacés, que la hache a cent fois retranchés
pour les rajeunir. Ces rameaux vieux et lourds, qui s'inclinent sur le tronc, en portent d'autres plus jeunes
qui s'élèvent un peu vers le ciel, et d'où s'échappent quelques tiges d'une ou deux années couronnées
de quelques touffes de feuilles, et noircies de quelques petites olives bleues qui tombent, comme des
reliques célestes, sur les pieds du voyageur chrétien. Je fermai un moment les yeux, je me reportai en
pensée à cette nuit, veille de la rédemption du genre humain, où le Messager divin avait bu jusqu'à la lie
le calice de l'agonie, avant de recevoir la mort de la main des hommes, pour salaire de son céleste
message.
Je demandai ma part de ce salut qu'il était venu apporter au monde à un si haut prix; je me représentai
l'océan d'angoisses qui dut inonder le cœur du Fils de l'homme quand il contempla d'un seul regard
toutes les misères, toutes les ténèbres, toutes les amertumes, toutes les vanités, toutes les iniquités du
sort de l'homme. Je me relevai, et j'admirai combien ce lieu avait été divinement prédestiné et choisi
pour la scène la plus douloureuse de la passion de l'homme-Dieu.
J'aurais, moi, humble poète d'un temps de décadence et de silence, j'aurais, si j'avais vécu à Jérusalem,
choisi le lieu de mon séjour et la pierre de mon repos précisément ou David choisit le sien à Sion. Que
ne puis-je l'y retrouver, pour chanter les tristesses de mon cœur et celles du cœur de tous les hommes
dans cet âge inquiet, comme il chantait ses espérances dans un âge de jeunesse et de foi !. Mais il n'y a
plus de chant dans le cœur de l'homme, car le désespoir ne chante pas.
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
3/32
1.3) Jérusalem par Flaubert : Extrait de sa Correspondance, lettres du 9 et du 20 Août 1850, publiée
en 1910 - Edition La Pléiade.
a- Lettre à sa mère : Jérusalem, 9 août 1850
"Nous y sommes arrivé hier au soir à 4 heures et demie. C'est une date dans la vie, cela, pauvre chère
mère. Jusqu'à présent je n'ai encore rien vu que Botta deux fois, une porte, le couvent arménien, la
place où était la maison de Ponce Pilate et celle de sainte Véronique. Tout est fermé. C'est la fête du
Baïram (fin du ramadan). Demain seulement nous commençons nos courses. Jérusalem est d'une
tristesse immense. Ca a un grand charme. La malédiction de Dieu semble planer sur cette ville où l'on
ne marche que sur des merdes et où l'on ne voit que des ruines. C'est bougrement crâne. Dans ma
prochaine lettre je te parlerai un peu de tout cela, j'écrirai à Bezet, qui serait bien dupé si je ne lui
envoyais rien d'ici.
Ecris-moi toujours à Beyrouth.- Quant à mes lettres, tu sais qu'il ne faut s'attendre à aucune régularité! A
Beyrouth nous sommes restés 3 ou 4 jours de plus que nous (ne) voulions, grâce à la société que nous
y avons eue. Au lieu des braves gens ou des canailles plus ou moins embêtantes de l'Egypte (si ce n'est
lambert-Bey dont je crois t'avoir parlé et qui, lui, est un homme fort), nous sommes tombés sur un petit
groupe vraiment fort aimable : le consul et sa famille, le médecin français sanitaire, le chancelier, et le
directeur des postes, Camille Rogier, un brave peintre échoué là, et qui vit (moyennant la poste) à
orientaliser dans ce beau pays.
Notre voyage de Beyrouth à Jérusalem a duré 9 jours. Nous partions à 4 heures du matin, nous faisions
une sieste au milieu de la journée et nous nous arrêtions au coucher du soleil. Telle va être notre vie
pendant toute la Syrie. Nous couchons dans des caravansérails ou à la belle étoile sous des arbres.
Alors notre lanterne suspendue dans les branches éclaire le feuillage, nos bagages rassemblés en
cercle, et la croupe de nos chevaux rangés autour de nous, attachés à leurs piquets. Nous avons 45
mulets dont, pendant le jour, dans la marche, nous entendons sonner les grelots, din, din, tout le temps.
Il y a aussi un âne pour le chef muletier, grand bonhomme maigre qui porte un parapluie pour se garantir
du soleil, et un cheval sur lequel on met le manger des bêtes; enfin nos quatre chevaux pour nous. En
tout 10 bêtes et 8 hommes (car il y a 4 muletiers qui vont à pied): c'est bien là l'orient, et le vrai voyage.
Je jouis de tout; je savoure le ciel, les pierres, la mer, les ruines ; je casse-pète
J'ai vu Tyr, Sidon, le carmel, saint-Jean-d'Acre, Jaffa, Ramleh. Donc pendant 9 jours nous avons marché
à cheval au bord de la mer.
Adieu, pauvre vieille tant chérie. Demain nous nous levons du matin pour aller voir une cérémonie juive.
Mille baisers sur ta bonne mine. Ton fieux.
b- Lettre à Louis BOUILHET, Jérusalem, 20 août 1850.
Je dirai bien comme Sassetti : "Vous ne croiriez pas, Monsieur, eh bien ! Quand j'ai aperçu Jérusalem,
ça m'a fait tout de même un drôle d'effet." J'ai arrêté mon cheval que j'avais lancé en avant des autres et
j'ai regardé la ville sainte, tout étonné de la voir. Ca m'a semblé très propre et les murailles en bien
meilleur état que je ne m'y attendais. Puis j'ai pensé au Christ que j'ai vu monter sur le mont des Oliviers.
Il avait une robe bleue, et la sueur perlait sur ses tempes.- J'ai pensé aussi à son entrée à Jérusalem
avec de grandes cris, des palmes vertes, etc., la fresque de Flandrin que nous avons vue ensemble à
Saint-Germain-des-Prés, la veille de mon départ. A ma droite, derrière la ville sainte, au fond, les
montagnes blanches d'Hébron se déchiquetaient dans une transparence vaporeuse. Le ciel était pâle, il
y avait quelques nuages. Quoiqu'il fît chaud, la lumière était arrangée de telle sorte qu'elle me semblait
comme celle d'un jour d'hiver, tant c'était cru, blanc et dur. Puis Maxime m'a rejoint avec le bagage. Il
fumait une cigarette. Nous sommes entrés par la porte de Jaffa et nous avons dîné à 6 heures du soir.
Jérusalem est un charnier entouré de murailles.- Tout y pourrit, les chiens morts dans les rues, les
religions dans les églises : (idée forte). Il y a quantité de merdes et de ruines. Le Juif polonais avec son
bonnet de peau de renard glisse en silence le long des murs délabrés, à l'ombre desquels le soldat turc
engourdi roule, tout en fumant, son chapelet musulman. Les Arméniens maudissent les Grecs, lesquels
détestent les latins, qui excommunient les Coptes. Tout cela est encore plus triste que grotesque. Ca
peut bien être plus grotesque que triste. Tout dépend du point de vue. Mais n'anticipons pas sur les
détails.
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
4/32
Ensuite nous avons été à la maison de Ponce Pilate convertie en caserne. C'est-à-dire qu'il y a une
caserne à la place où l'on dit que fut la maison de Ponce Pilate. De là on voit la place du temple où est
maintenant la belle mosquée d'Omar. Nous t'en rapporterons un dessin. Le Saint-Sépulcre est
l'agglomération de toutes les malédictions possibles. Dans un si petit espace il y a une église
arménienne, une grecque, une latine, une copte. Tout cela s'injuriant, de maudissant du fond de l'âme,
et empiétant sur le voisin à propos de chandeliers, de tapis et de tableaux! C'est le pacha turc qui a les
clefs du Saint-Sépulcre. Quant on veut le visiter, il faut aller chercher les clefs chez lui. Je trouve ça très
fort. Du reste c'est par humanité. Si le Saint-Sépulcre était livré aux chrétiens, ils s'y massacreraient
infailliblement. On en a vu des exemples.
"Tanta religion! Etc.", comme dit le gentil Lucrèce. Comme art, il n'y a rien que d'archi-pitoyable dans
toutes les églises et couvents d'ici. Ca rivalise avec la Bretagne, sauf quelques dorures, des œufs
d'autruche enfilés en chapelet et des flambeaux d'argent chez les Grecs, lesquels ont au moins
l'avantage d'avoir du luxe. Et puis on est assailli de saintetés. J'en suis repu. Les chapelets,
particulièrement, me sortent par les yeux. Nous en avons bien acheté 7 ou 8 douzaines. Et puis, et
surtout, c'est que tout cela n'est pas vrai. Tout cela ment, tout cela ment. Après ma première visite au
Saint-Sépulcre, je suis revenu à l'hôtel lassé, ennuyé jusque dans la moelle des os. J'ai pris un saint
Matthieu et j'ai lu avec un épanouissement de cœur virginal le discours dur la montagne. Ca a calmé
toutes les froides aigreurs qui m'étaient survenues là-bas.- On a fait tout ce qu'on a pu pour rendre les
saints lieux ridicules. C'est putain en diable : l'hypocrisie, la cupidité, la falsification et l'impudence, oui,
mais de sainteté, va te faire foutre. J'en veux à ces drôles de n'avoir pas été ému; et je ne demandais
pas mieux que de l'être, tu me connais."
1.4) Jérusalem par Loti : Extrait de "Jérusalem", 1895, début du texte. Edition Christian Pirot, 1997,
pp. 21-22.
Jérusalem !…Oh! L'éclat mourant de ce nom !… Comme il rayonne encore, du fond des temps et des
poussières, tellement que je me sens presque profanateur, en osant le placer là, en tête du récit de mon
pèlerinage sans foi !
Jérusalem ! Ceux qui ont passé avant moi sur la terre en ont déjà écrit bien des livres, profonds ou
magnifiques. Mais je veux simplement essayer de noter les aspects actuels de sa désolation et de ses
ruines; dire quel est, à notre époque transitoire, le degré d'effacement de sa grande ombre sainte,
qu'une génération très prochaine ne verra même plus…
Peut-être dirai-je aussi l'impression d'une âme - la mienne - qui fut parmi les tourmentées de ce siècle
finissant. Mais d'autres âmes sont pareilles et pourront me suivre; nous sommes quelques-uns de
l'angoisse sombre d'à présent, quelques-uns d'au bord du trou noir où tout doit tomber et pourrir, qui
regardons encore, dans un inappréciable lointain, planer au-dessus de tout l'inadmissible des religions
humaines, ce pardon que Jésus avait apporté, cette consolation et ce céleste revoir… Oh! Il n'y a jamais
eu que cela; tout le reste, vide et néant, non seulement chez les pâles philosophes modernes, mais
même dans les arcanes de l'Inde millénaire, chez les sages illuminés et merveilleux des vieux âges…
Alors, de notre abîme, continue de monter, vers celui qui jadis s'appelait le rédempteur, une vague
adoration désolée.
Vraiment, mon livre ne pourra être lu et supporté que par ceux qui se meurent d'avoir possédé et perdu
l'espérance Unique; par ceux qui, à jamais incroyants comme moi, viendraient encore au Saint-Sépulcre
avec un cœur plein de prière, des yeux pleins de larmes, et qui, pour un peu, s'y traîneraient à deux
genoux.
Là-bas, il y a une grande ville qui commence d'apparaître, sur des montagnes pierreuses et tristes- un
amas de constructions éparses, des couvents, des églises, de tous les styles et de tous les pays; à
travers la pluie ou la poussière cinglantes, cela se distingue d'une manière encore confuse, et, de temps
à autre, de grosses nuées nous le cachent en passant devant.
Vers la partie gauche des montagnes, rien que de décevantes bâtisses quelconques; mais vers la droite,
c'est bien encore l'antique Jérusalem, comme sur les images des naïfs missels; Jérusalem
reconnaissable entre toutes les villes, avec ses farouches murailles et ses toits de pierre en petites
coupoles; Jérusalem sombre et haute, enfermée derrière ses créneaux, sous un ciel noir.
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
5/32
Pendant une rafale plus violente, le chemin de fer passe, siffle, affole mon cheval, met en plus complète
déroute mes pensées, qui déjà s'en allaient éparpillées au vent… .
Nous arrivons dans un creux profond, au pied d'une route ascendante, entre l'amas banal et pitoyable
des constructions qui couvrent la colline de gauche- hôtels, gare, usines- et les ténébreuses murailles
crénelées qui couvrent la colline de droite. Des gens de toutes les nationalités encombrent ces abords:
Arabes, Turcs, Bédouins, mais surtout des figures du Nord que nous n'attendions pas, longues barbes
claires sous des casquettes fourrées, pèlerins russes, pauvres moujiks vêtus de haillons.
Et enfin, vers la ville aux grands murs, qui nous surplombe de ses tours, de ses créneaux, de sa masse
étrangement triste, nous montons au milieu de cette foule, par ce chemin glorieux des sièges et des
batailles, où tant de Croisés sans doute sont tombés pour la foi. Des instants de compréhension du lieu
où nous sommes- et alors, d'émotion profonde-, mais tout cela, furtif, troublé, emporté par le bruit, par le
vent, par le voisinage des locomotives et des agences.
Mon dernier jour à Jérusalem, la fin de ce décevant pèlerinage qui d'heure en heure presque, s'est
toujours de plus en plus glacé. Avant de quitter Jérusalem, je veux aujourd'hui pénétrer une dernière fois
dans l'enceinte sacrée des musulmans, revoir la merveilleuse mosquée d'Omar, en rester au moinsfaute de mieux, hélas!- sur le souvenir de cette splendeur.
2-
REGARDS SUR LA RELIGION DES AUTRES
2.1) Sur l'islam
a) Les Arabes et l'islam par Chateaubriand : Extrait de "Itinéraire de Paris à Jérusalem", édition de
poche, Garnier Flammarion, pp.267 et 300
Si j'avais étudié avec tant d'intérêt au bord de leurs lacs les hordes américaines, quelle autre espèce de
sauvages ne contemplais-je pas ici! J'avais sous les yeux les descendants de la race primitive des
hommes, je les voyais avec les mêmes mœurs qu'ils ont conservées depuis les jours d'Agar et d'Ismaël;
je les voyais dans le même désert qui leur fut assigné par Dieu en héritage : Moratus est in solitudine,
habitavitque in deserto Pharan. Je les rencontrais dans la vallée du Jourdain, au pied des montagnes de
Samarie, sur les chemins d'Hébron, dans les lieux où la voix de Josué arrêta le soleil, dans les champs
de Gomorrhe encore fumants de la colère de Jéhovah, et que consolèrent ensuite les merveilles
miséricordieuses de Jésus-Christ.
Ce qui distingue surtout les Arabes des peuples du Nouveau-Monde, c'est qu'à travers la rudesse des
premiers on sent pourtant quelque chose de délicat dans leurs mœurs : on sent qu'ils sont nés dans cet
orient d'où sont sortis tous les arts, toutes les sciences, toutes les religions. Caché aux extrémités de
l'Occident, dans un canton détourné de l'univers, le canadien habite des vallées ombragées par des
forêts éternelles, et arrosées par des fleuves immenses; l'Arabe, pour ainsi dire jeté sur le grand chemin
du monde, entre l'Afrique et l'Asie, erre dans les brillantes régions de l'aurore, sur un sol sans arbre et
sans eau. Il faut, parmi les tribus des descendants d'Ismaël, des maîtres, des serviteurs, des animaux
domestiques, une liberté soumise à des lois. Chez les hordes américaines, l'homme est encore tout seul
avec sa fière et cruelle indépendance : au lieu de la couverture de laine, il a la peau de l'ours; au lieu de
la lance, la flèche; au lieu du poignard, la massue.
Monuments de la nature et non de l'histoire, les tombeaux de ses pères s'élèvent inconnus dans des
forêts ignorées. En un mot, tout annonce chez l'Américain le sauvage qui n'est point encore parvenu à
l'état de civilisation, tout indique chez l'Arabe l'homme civilisé retombé dans l'état sauvage.
Les écrivains du dix-huitième siècle se sont plu à représenter les Croisades sous un jour odieux. J'ai
réclamé un des premiers contre cette ignorance ou cette injustice. Les Croisades ne furent des folies,
comme on affectait de les appeler, ni dans leur principe ni dans leur résultat. Les chrétiens n'étaient
point les agresseurs.
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
6/32
Si les sujets d'Omar, partis de Jérusalem, après avoir fait le tour de l'Afrique, fondirent sur la Sicile, sur
l'Espagne, sur la France même, où Charles-Martel les extermina, pourquoi des sujets de Philippe Ier,
sortis de la France, n'auraient-ils pas fait le tour de l'Asie pour se venger des descendants d'Omar
jusque dans Jérusalem. C'est un grand spectacle, sans doute que ces deux armées de l'Europe et de
l'Asie, met Jésus-Christ au milieu de leurs adorateurs. N'apercevoir dans les croisades que des pèlerins
armés qui courent délivrer un tombeau en Palestine, c'est montrer une vue très bornée en histoire. Il
s'agissait, non seulement de la délivrance de ce Tombeau sacré, mais encore de savoir qui devait
l'emporter sur la terre, ou d'un culte ennemi de la civilisation, favorable par système à l'ignorance, au
despotisme, à l'esclavage, ou d'un culte qui a fait revivre chez les modernes le génie de la docte
antiquité, et aboli la servitude ? Il suffit de lire le discours du pape Urbain II au concile de Clermont, pour
se convaincre que les chefs de ces entreprises guerrières n'avaient pas les petites idées qu'on leur
suppose, et qu'ils pensaient à sauver le monde d'une inondation de nouveaux barbares. L'esprit du
Mahométisme est la persécution et la conquête; l'Evangile au contraire ne prêche que la tolérance et la
paix. Aussi les chrétiens supportèrent-ils pendant sept cent soixante-quatre ans tous les maux que le
fanatisme des Sarrasins leur voulut faire souffrir.
Où en serions-nous, si nos pères n'eussent repoussé la force par la force ? Que l'on contemple la
Grèce, et l'on apprendra ce que devient un peuple sous le joug des Musulmans. Ceux qui
s'applaudissent tant aujourd'hui du progrès des lumières, auraient-ils donc voulu voir régner parmi nous
une religion qui a brûlé la bibliothèque d'Alexandrie, qui se fait un mérite de fouler aux pieds les
hommes, et de mépriser souverainement les lettres et les arts ?
Les Croisades, en affaiblissant les hordes mahométanes au centre même de l'Asie, nous ont empêchés
de devenir la proie des Turcs et des Arabes.".
b) Loti et l'islam à Jérusalem : Extrait de "Jérusalem", édition Ch. Pirot, 1997, pp.160-161.
Autant cette place du Saint-Sépulcre, constamment ouverte à tous, est étroite, écrasée et sombre,
autant il y a d'espace, de vide et de silence, là-bas, autour de la mosquée bleue. Depuis quinze jours
que je n'étais venu dans ce désert de l'Enceinte sacrée, le printemps y a travaillé beaucoup; entre les
vieilles dalles blanches, l'herbe a monté, les coquelicots et les marguerites ont fleuri avec une profusion
nouvelle.
Aujourd'hui, sous les quelques arbres centenaires, groupés ça et là au hasard, sont assises à l'ombre,
les pieds dans les fleurs, des femmes arabes qui, à notre approche, se voilent jusqu'aux yeux. Mais
l'espace est si grand, que leur présence y est comme perdue, et c'est la solitude quand même. Aux
abords immédiats de la mosquée, où les dalles sont plus intactes, où l'herbe est moins haute et plus
rare, il y a une morne réverbération de soleil sur le pavage blanc et sur les édicules secondaires,
portiques ou mirhabs, dont le sanctuaire est entouré.
A cette plus grande lumière d'aujourd'hui, elle semble avoir vieilli, l'incomparable mosquée d'Omar. Elle
garde toujours le brillant de ses marbres et de ses ors, les reflets changeants de ses mosaïques, les
transparences de pierreries de ses verrières; mais ses treize siècles se lisent, à je ne sais quoi de
déjeté, de poussiéreux que le soleil accentue; elle a l'éclat atténué des belles choses près de finir; elle
fait l'effet presque de ces vieux brocarts somptueux, qui tiennent encore, mais qu'on oserait à peine
toucher. Sous le grand rocher noir qui est au centre, on peut descendre, par des marches de marbre,
dans une sorte de grotte obscure et infiniment sainte, à laquelle se rattache une légende mahométane
sur l'ange Gabriel. La voûte, très basse, en est polie par le frottement des mains ou des têtes humaines
- et là encore, on prend conscience d'années sans nombre.
Les sanctuaires des musulmans ne causent jamais, comme les sanctuaires chrétiens, l'émotion douce
qui amène les larmes; mais ils conseillent les détachements apaisés et les résignations sages ; ils sont
les asiles de repos où l'on regarde passer la vie avec l'indifférence de la mort. En particulier, tout ce
silencieux Haram-ech-Chérif, avec sa mélancolie et sa magnificence, est bien le lieu de rêve qui n'émeut
pas, qui n'attendrit pas, mais qui seulement calme et enchante. Et, pour moi, il est le refuge qui convient
le mieux aujourd'hui ; de même que cet islam vers lequel j'avais incliné jadis, pourrait, compris d'une
certaine manière, devenir plus tard la forme religieuse extérieure, toute d'imagination et d'art dans
laquelle s'envelopperait mon incroyance.
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
7/32
2.2) Sur les Juifs
a) Vus par Chateaubriand : Extrait de "Itinéraire de Paris à Jérusalem", édition de poche, GF 1968,
pp.364-65.
Au milieu de cette désolation extraordinaire, il faut s'arrêter un moment pour contempler des choses plus
extraordinaires encore. Parmi les ruines de Jérusalem, deux espèces de peuples indépendants trouvent
dans leur foi de quoi surmonter tant d'horreurs et de misères. Là vivent des Religieux chrétiens que rien
ne peut forcer à abandonner le tombeau de Jésus-Christ, ni spoliations, ni mauvais traitements, ni
menaces de la mort.
Jetez les yeux entre la montagne de Sion et le temple ; voyez cet autre petit peuple qui vit séparé du
reste des habitants de la cité. Objet particulier de tous les mépris, il baisse la tête sans se plaindre; il
souffre toutes les avanies sans demander justice; il se laisse accabler de coups sans soupirer; on lui
demande sa tête: il l'a présente au cimeterre. Si quelque membre de cette société proscrite vient à
mourir, son compagnon ira, pendant la nuit, l'enterrer furtivement dans la vallée de Josaphat, à l'ombre
du temple de Salomon. Pénétrez dans la demeure de ce peuple, vous le trouverez dans une affreuse
misère, faisant lire un livre mystérieux à des enfants qui, à leur tour, le feront lire à leurs enfants. Ce qu'il
faisait il y a cinq mille ans, ce peuple le fait encore. Il a assisté dix-sept fois à la ruine de Jérusalem, et
rien ne peut le décourager; rien ne peut l'empêcher de tourner ses regards vers Sion. Quand on voit les
Juifs dispersés sur la terre, selon la parole de Dieu, on est surpris sans doute : mais, pour être frappé
d'un étonnement surnaturel, il faut les retrouver à Jérusalem ; il faut voir ces légitimes maîtres de la
Judée esclaves et étrangers dans leur propre pays; il faut les voir attendant, sous toutes les
oppressions, un roi qui doit les délivrer. Ecrasés par la Croix qui les condamne, et qui est plantée sur
leurs têtes, cachés près du temple dont il ne reste pas pierre sur pierre, ils demeurent dans leur
déplorable aveuglement. Les Perses, les Grecs, les Romains ont disparu de la terre; et un petit peuple,
dont l'origine précéda celle de ces grands peuples, existe encore sans mélange dans les décombres de
sa patrie. Si quelque chose, parmi les nations, porte le caractère du miracle, nous pensons que ce
caractère est ici. Et qu'y a-t-il de plus merveilleux, même aux yeux du philosophe, que cette rencontre de
l'antique et de la nouvelle Jérusalem au pied du Calvaire: la première s'affligeant à l'aspect du sépulcre
de Jésus-Christ ressuscité; la seconde se consolant auprès du seul tombeau qui n'aura rien à rendre à
la fin des siècles !
b) Vus par Loti : Extrait de "Jérusalem", édition Ch. Pirot, 1997, pp.105-107
Puisque je suis sur le mont Sion, je vais, jusqu'au coucher du soleil, errer chez ces Juifs qui, surtout
depuis les dernières persécutions russes, reviennent en masse vers Jérusalem. C'est aujourd'hui le jour
du sabbat, et le calme règne dans leur quartier sordide. Fermées, toutes les petites échoppes où se
brocantent la guenille et la ferraille, et on n'entend plus le martelage coutumier des innombrables
ferblantiers. Les belles robes de velours et les toques de fourrures qui sont sorties hier au soir des
coffres, pour aller au mur des Pleurs, circulent aujourd'hui au soleil d'avril. Plusieurs personnages en
habit de fête se promènent, par les rues empestées et étroites, un livre de psaumes à la main.
La grande synagogue : dans la cour dont elle est entourée, jouent des enfants trop blancs et trop roses ;
jolis quelquefois, mais l'œil trop futé, l'attitude trop sournoise; déjà l'air d'avoir conscience de l'opprobre
héréditaire et de couver des rancunes contre les chrétiens. Leurs cheveux blonds sont tondus ras,
excepté au-dessus des tempes où ont été respectées ces mèches qui deviendront plus tard les
traditionnelles papillotes, mais qui pour le moment leur font des oreilles d'épagneul.
On éprouve presque un sentiment de pitié, quand, après toutes ces magnificences des églises, on
regarde ce pauvre sanctuaire à l'abandon, des bancs déserts; des murs simplement plâtrés, dont le
crépissage tombe. Quelques vieilles barbes, quelques vieilles papillotes grises sommeillent dans des
coins, sous leurs bonnets à long poil; d'autres, qui lisaient leur bible à demi-voix chantonnante, en se
dandinant comme des ours, nous jettent un regard faux, qui semble glisser le long de leur nez mince. On
entre ici le chapeau sur la tête, et le janissaire qui m'escorte y prend une expression de superbe
insolence. Le soleil printanier entre ici comme à regret, avec un rayonnement triste, sur ces quelques
vilains vieillards et sur toutes ces places vides.
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
8/32
Il y a des vieillards surtout, des vieillards à l'expression basse, rusée, ignoble. Mais il y a aussi quelques
tout petits Juifs, frais comme des bonbons de sucre peint, qui portent déjà deux paillotes comme les
grands, et qui se dandinent et pleurent de même, une bible à la main. Ce soir, du reste, ils sont presque
tous des "Safardim", c'est-à-dire des Juifs revenus de Pologne, étiolés et blanchis par des siècles de
brocantages et d'usure, sous les ciels du Nord; très différents des "Ackenazim", qui sont leurs frères
revenus d'Espagne ou du Maroc et chez lesquels on retrouve des teints bruns, d'admirables figures de
prophètes.
En pénétrant dans ce cœur de la juiverie, mon impression est surtout de saisissement, de malaise et
presque d'effroi. Vraiment, cela laisse un indélébile stigmate, d'avoir crucifié Jésus; peut-être faut-il venir
ici pour bien s'en convaincre, mais c'est indiscutable, il y a un signe particulier inscrit sur ces fronts, il y a
un sceau d'opprobre dont toute cette race est marquée.
Contre la muraille du temple, contre le dernier débris de leur splendeur passée, ce sont les lamentations
de Jérémie qu'ils redisent tous, avec des voix qui chevrotent en cadence, au dandinement rapide des
corps. Si les crânes branlants et les barbes blanches sont en majorité au pied du Mur des Pleurs, c'est
que, de tous les coins du monde où Israël est dispersé, ses fils reviennent ici quand ils sentent leur fin
proche, afin d'être enterrés dans la sainte vallée de Josaphat. Et Jérusalem s'encombre de plus en plus
de vieillards accourus pour y mourir.
En soi, cela est unique, touchant et sublime : après tant de malheurs inouïs, après tant de siècles d'exil
et de dispersion, l'attachement inébranlable de ce peuple à une patrie perdue! Pour un peu on pleurerait
avec eux - si ce n'étaient des Juifs, et si on ne se sentait le cœur étrangement glacé par toutes leurs
abjectes figures. Mais devant ce mur des Pleurs, le mystère des prophéties apparaît plus inexpliqué et
plus puissant. L'esprit se recueille, confondu de ces destinées d'Israël, sans précédent, sans analogue
dans l'histoire des hommes, impossibles à prévoir, et cependant prédites, aux temps mêmes de la
splendeur de Sion, avec d'inquiétantes précisions de détails.
En sortant de ce repaire de la juiverie, où l'on éprouvait malgré soi je ne sais quelles préoccupations
puériles de vols, de mauvais œil et de maléfices, c'est un soulagement de revoir, au lieu des têtes
basses, les belles attitudes arabes, au lieu des robes étriquées, les amples draperies nobles.
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
9/32
B - LES DEUX SEQUENCES PEDAGOGIQUES
1-
PREMIERE SEQUENCE, SUR JERUSALEM COMME VILLE SAINTE
1.1) Choix d'une problématique
a) générale
La mode du voyage en Orient inaugurée par Chateaubriand demeure intacte tout au long du XIXème
siècle. La plupart des voyageurs écrivains de cette époque passent par Jérusalem, étape essentielle de
ce besoin d'Orient. Etudier ces passages avec des élèves de seconde permet de leur montrer que dans
tout voyage, préalable à la mise en récit, il y a une part déterminante de rêves, voire de fantasmes. La
problématique générale consiste à poser l'hypothèse qu'il n'y a pas d'Orient réel sans Orient rêvé
préalable.
Il y a chez nos auteurs toujours présence de présupposés culturels et religieux. Leur rêve d'Orient peut
être positif dans la mesure où cela les pousse à découvrir une réalité toute autre. Il n'y a pas d'objectivité
du récit de voyage mais au contraire, c'est une Jérusalem toute subjective qui sera présentée.
A ce titre, les passages choisis appartiennent à des registres littéraires particuliers. Le lyrisme, au sens
d'expression du sentiment personnel, ou d'un chant de déploration, l'emporte. Nous trouvons également
un registre polémique dans la mesure où les uns et les autres essaient d'argumenter leur déception de
Jérusalem.
Ces textes se présentent comme des récits de voyages. Nous avons là incontestablement de concrets
témoignages de terrain sur Jérusalem au XIXème siècle. Nos auteurs pensent dépeindre Jérusalem et
l'Orient en général, tels qu'ils sont et rapporter à leurs compatriotes leur expérience de voyage un peu
exemplaire. La question devra être posée, pourquoi voyagent-ils ? Qu'est-ce qui fait courir ces auteurs
qui plus est, à une époque où matériellement il est difficile voire périlleux d'aller à Jérusalem. Nous
verrons qu'il s'agit d'une recherche de la foi chrétienne, que chacun court en vain après ses origines, on
comprendra la vanité de ce genre de quête.
Le fait religieux est consciemment ou non, à la base de ce voyage quasi initiatique. Ce fait religieux est-il
transformé par le séjour à Jérusalem ? Le regard de nos voyageurs écrivains, nous devrons l'étudier, n'a
pas vraiment changé, même s'ils ont été fortement marqués à vie, les récits vont servir à argumenter
cela.
b) Objectif pédagogique
En étudiant cette première série de textes sur Jérusalem, nous poursuivons deux objectifs :
- un d'ordre littéraire :
* Quel est le projet littéraire ?
* Quelles sont les fonctions des descriptions, qui les fait et pour qui ? Pour chaque texte, les élèves en
travail autonome préalable au cours rempliront une grille à double entrée sur le destinateur et le
destinataire. La grille complète que nous proposons plus bas peut servir de corrigé et de point de
départ des lectures et études.
- un d'ordre institutionnel, à savoir l'étude du genre. Ces textes n'appartiennent pas aux mêmes genres,
nous avons du narratif, du descriptif et de l'épistolaire. A partir de ce constat d'éparpillement des
genres, voir ce qui fait la cohérence du dossier.
En conclusion de ces deux objectifs, nous proposons une question d'évaluation, de lecture transversale :
En quoi les quatre descriptions de Jérusalem participent-elles des mêmes présupposés, reflet du
XIXème siècle ? L'intérêt c'est que nous avons des auteurs qui se positionnent de l'athéisme déclaré à
une attitude religieuse sociologique comme Chateaubriand. Aussi, est-il important de montrer aux élèves
qu'aucun de nos auteurs ne peut se défaire de la dimension religieuse de sa culture, que l'étude du fait
religieux c'est aussi l'implicite culturel même là où parfois on ne l'attend pas.
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
10/32
1.2) Analyse des pré-requis, présentée ici sous forme très abrégée
a) Acquis culturels
Mobilisation du programme d'histoire de seconde : le XVIIIème siècle, la révolution de 89 et les
premières révolutions industrielles créent un ensemble de facteurs déstabilisateurs qui entraînent
souvent chez les contemporains, une perte de repères et de références religieuses.
b) Acquis méthodologiques
Mobilisation du programme de français de seconde concernant l'énonciation qui pose la question du
destinataire du texte ainsi que son genre,
Le subjectif et l'objectif comme dimension d'une œuvre, l'implicite, les présupposés,
La dimension argumentative polémique des descriptions.
1.3) Stratégie d'exploitation des textes
a) La démarche
Repérer pour la séquence un texte central à partir duquel les autres seront vus. Ce texte choisi permet
de poser des jalons pour l'ensemble du regroupement. Ici, ce sera le texte de Chateaubriand car c'est lui
qui au début du XIXème siècle initie le genre. Il a eu sous les yeux une Jérusalem en ruines occupée
par les Turcs et qui se souvient d'un événement récent, l'intrusion de l'occident lors de la campagne
d'Egypte de Bonaparte. C'est ici une lecture de type exhaustif qui est proposée pour ce texte central.
Mettre ce texte en perspective comparée avec deux autres, ceux de Flaubert et de Loti, deux
personnages athées ou du moins agnostiques. La question centrale est de savoir si ce fait d'être
agnostique va modifier la perspective de la perception du paysage ? L'hypothèse de lecture, c'est
précisément que non, cela ne change rien. Ce sera ici une lecture méthodique des textes. Il faudra faire
la liste des ressemblances et celle des différences en notant bien les éléments nouveaux (par exemple,
Loti proclame ouvertement son absence de foi). Conclure sur une sorte de constat de pensée unique,
tout au moins fort semblable : ces hommes du XIXème siècle n'ont pas beaucoup plus de repères après
qu'avant leur passage à Jérusalem.
Opposer le quatrième texte, celui de Lamartine, aux autres. L'opposition ne porte pas sur le contenu des
idées mais sur les procédés, ici la démarche est plus symbolique et picturale. Cette étude sera menée
dans le cadre d'un apprentissage de commentaire composé, épreuve écrite qui sera parachevée en
classe de première. Au bac de français, une œuvre iconographique est de plus en plus présente avec le
dossier littéraire. Nous proposons ici "l'Agonie au jardin des oliviers" d'Andréa Mantegna (1460, Musée
de Tours). Le tableau ici sert à étayer les hypothèses de lecture, à repérer les mêmes lignes de force. Le
commentaire composé peut avoir un libellé directif du genre :"étude des lignes, opposition verticalité et
horizontalité".
Envisager un prolongement par une question d'ensemble. Bien préciser que le but est de rappeler la
cohérence du regroupement de textes, et de souligner que l'étude du fait religieux ici n'a rien à voir avec
une démarche prosélyte, nous sommes dans une démarche distanciée où le fait religieux est fondement
culturel. Nous proposons que les élèves, à grands traits comparent deux œuvres picturales. A celle de
Mantegna toute pétrie de religiosité, on opposera une lithographie du XIXème siècle sur Jérusalem vue
du Mont des Oliviers. L'étude montera qu'au XIXème siècle, il y a permanence du fait religieux vivant
mais sans foi, ou fortement atténuée. Le but est de montrer que l'on trouve dans le document
iconographique ce que l'on a dans les textes.
b) Le déroulement de la séquence
Préalable : les dossiers sont distribués aux élèves, le travail d'énonciation est effectué en autonomie.
1ere séance (2 heures) : approche des textes
Corrigé en commun de la recherche.
Travail ensemble du décodage des textes : cf. la grille ci-dessous.
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
11/32
2ème séance (1 heure) : étude du texte pivot
Dire pourquoi on a choisi ce texte de Chateaubriand.
Etude de la culture biblique dans la description de Jérusalem, des présupposés du discours.
A grands traits : idéalisme chrétien face à Jérusalem et déception.
3eme séance (2 heures) : Jérusalem sous l'angle du matérialisme
Mise en perspective des textes de Flaubert et de Loti.
Recherche des indices de réalisme. Chez Flaubert, l'implicite, le pragmatisme l'emportent. Il se montre
mécréant tout en étant marqué par sa présence dans ce lieu non neutre qu'est Jérusalem. Il continue à
se tourner vers le matérialisme. Loti, lui, déçu de ne pas retrouver la foi de son enfance protestante, se
tourne vers une vision esthétique de l'islam, comme substitut de compensation.
4eme séance (1 heure) : prolongement pictural.- repérage et interprétation.
Etude de la symbolique des lignes : repérage des axes horizontaux, verticaux et obliques dans les mots
(indices de lieux par exemple),
Signification; quelles connotations ? Positives ou négatives, qui ces axes concernent-ils ? Le fait
religieux est présent dans cette ritualisation du paysage1.
Retrouver dans un tableau les mêmes symboliques (lithographie de Jérusalem vue du Mont des
oliviers) : l'ombre du premier plan, c'est l'horizontalité, l'humain, au loin, la verticalité, la lumière, le
transcendant, …), idée de contrastes.
5eme séance (1 heure) : commentaire composé sur le texte de Lamartine
PROPOSITION DE CORRIGE
1) Etude de l'illusion du voyageur à travers les jeux de lignes
* Illusion initiale : l'horizontalité écrasée
* Verticalité salvatrice
* Révélation progressive : la dynamique du texte fonctionne en effet de zoom.
2) Le Mont des Oliviers et l'angoisse surmontée du Christ.
Cela forme une sorte de dyptique, c'est le même schéma de lignes qui va de l'humain au transcendant
mais vu du Christ. Lamartine a en tête ce que le Christ a vécu ici, cela influence sa perception des
lignes.
* L'horizontalité de l'angoisse : le Christ angoissé lors de son agonie est humain.
* Le poète touché par la transcendance, par contagion du site de la ville sainte.
* L'impuissance finale du poète à demeurer dans cet état, à retenir le transcendant. Il y a brouillage des
axes, et retour à l'horizontalité, à l'humain.
Séance 6 (1 heure) : synthèse ; question d'ensemble
Le but est de montrer que les opinions religieuses des voyageurs écrivains ont moins d'importance que
la culture de leur époque, que celle ci incorpore une forte imprégnation religieuse. Le fait religieux en
tant que ciment culturel est plus important que l'engagement, d'où la nécessité de l'enseigner, dans une
perspective de laïcité bien comprise. Le fait religieux dans nos textes nourri les représentations même
chez les non croyants.
Sous forme d'échange oral dans la classe, textes et images, mènent au constat que même s'il y a
déchristianisation dans les engagements personnels, cela ne gomme pas le fait culturel.
2 - DEUXIEME SEQUENCE : Etude de l'altérité à travers le regard sur la religion de l'autre
Le corpus de textes présentés est simple, deux textes sur l'islam et deux textes sur les Juifs, deux de
Chateaubriand en début de siècle, et deux de Loti en fin de XIXème siècle.
2.1) 1ere séance (1 heure) : constitution d'une grille de lecture à double entrée qui permet de mesurer
les appréciations portées sur l'islam et le judaïsme à Jérusalem.
Chateaubriand
Loti
Indices dépréciatifs
Indices laudatifs
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
12/32
Comment ces éléments sont-ils justifiés par les auteurs ? Nous partons de jugements de valeur qui se
veulent objectifs et qui en fait constituent le subjectif du fait religieux. Ce tableau de repérage permet de
s'assurer de la compréhension de la lecture des textes.
2.2) Deuxième séance (1 heure 30) : Les Juifs
Etude comparée des deux textes.
Pour Chateaubriand, il y a une forte perspective d'argumentation historique explicite, histoire et mythe
chrétien se mêlent (Salomon, la croix), il y a une mythification de l'histoire, les arguments sont tout sauf
scientifiques.
Chez Loti, il y a des traces de perspectives historiques, mais c'est une sorte de racisme qui s'étale sans
véritable effort d'argumentation : "Ce sont des Juifs !" tout le racisme, l'antisémitisme de la fin de siècle
est là, sans avoir à se justifier. L'esthétisme est ici un procédé descriptif au service des présupposés. Le
descriptif sert d'argumentatif. Cette étude de la présence du fait religieux qui influence la perception de
l'autre, est le parallèle du premier groupement de textes où il influençait la vision de Jérusalem.
2.3) Séance 3 (1 heure 30) : l'islam. Toujours dans une démarche comparative
Chateaubriand charge énormément l'islam et les Arabes, il argumente par des faits historiques avérés.
L'objectif de cette première partie de séance est de faire la différence entre ce qui relève de l'explicatif et
de l'argumentatif dans le texte. Comment à partir de fait historique, il s'en sert dans un sens polémique,
violemment. Apprendre à repérer et apprendre à penser, à faire fonctionner une démarche critique.
Loti ne cherche pas à argumenter par référence à des faits historiques, la démarche se réduit aux lieux,
qui ne sont plus guère que des emplacements. Il y a chez lui l'image de la vacuité des religions au-delà
de l'image visuelle de leur fragilité qu'il essaie de donner. L'esthétique sera finalement la seule manière
de sauver une démarche religieuse, celle de l'islam, et encore très extérieure. Etudier avec les élèves
les sensations visuelles évoquées .Il recherchait une vision matérialiste de la transcendance dans la
magnificence. Y a t-il ici un rejet de son éducation de ferveur protestante ?
2.4) Séance 4 (1 heure) : synthèse et prolongement
L'objectif est de montrer la nécessité d'avoir une certaine connaissance du fait religieux pour déjouer les
pièges d'une argumentation qui peut être fallacieuse comme chez Chateaubriand, pour avoir un regard
critique sur les présupposés des auteurs. Cette synthèse menée oralement avec le groupe classe peut
se matérialiser pour mémoire sous forme d'un simple tableau comme suit : un seul exemple est ici placé :
Ce qui relève du fait
historique avéré ou du
constat objectif.
Chateaubriand
Ce qui relève du
préjugé
Incendie de la bibliothèque
d'Alexandrie
Ce qui relève de son
exploitation fallacieuse
Les Arabes et l'islam,
contraires à la civilisation
Loti
Eventuellement pour terminer, le professeur peut interroger sa classe sur la persistance de telles
démarches chez certains de nos contemporains et de la pertinence de savoir pareillement décoder
certains propos d'actualité.
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
13/32
C - CONNAISSANCES GENERALES SUR LE VOYAGE EN ORIENT
Si les Européens prennent l'habitude l'aller en Méditerranée dès la Renaissance, l'expression de
"voyage en Orient" est bien une invention des romantiques du XIXème siècle. L'Orient est alors, comme
le mot Levant, un concept flou : "Rien de plus mal défini que la contrée à laquelle on applique ce nom"
écrit consciemment Pierre Larousse en 1874. Le mot Orient passe d'une vague réalité géographique
désignant les rives musulmanes méditerranéennes, à une réalité de type fantasmatique de l'imaginaire
européen.2
L'expression "Voyage en Orient" va être officialisée, canonisée en quelque sorte, par Lamartine qui
publie en 1835 ses "Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient",
ouvrage que nous désignons actuellement par "Voyage en Orient" tout court.
Ce présent travail consiste donc à analyser la vision de Jérusalem qu'en ont tirée un certain nombre
d'écrivains qui l'ont visitée au XIXème siècle. Nous reprendrons ici la double thématique de l'ensemble
de notre dossier, à savoir, la considération de la ville sainte en elle même, et le regard porté sur les
religions présentes. C'est la raison pour laquelle nous proposons deux séries de textes selon ces deux
approches.
1-
LE CADRE GENERAL
1.1) Quels sont les écrivains concernés ?
Le voyage en Orient, très à la mode durant tout le XIX7ME siècle a attiré de nombreux écrivains qui, une
fois de retour dans leur pays d'origine, se sont fait un devoir de publier un récit de leur périple. Nous ne
retiendrons ici que Jérusalem dans ce "grand circuit" oriental plus ou moins standardisé qui allait de
l'Egypte à la Grèce;
Qui sont ces écrivains-voyageurs à Jérusalem ? Nous ne retiendrons que les plus célèbres, à savoir,
quatre Français, deux Anglais, deux Américains et un Russe.3
a) Les quatre Français sont des auteurs prolifiques et reconnus de leur vivant, leur œuvre s'étale tout
au long du siècle:
* Chateaubriand est le premier grand écrivain à initier cette mode par son séjour effectué en 1806 et
relaté en 1811 dans "L'Itinéraire de Paris à Jérusalem".
* Lamartine rapporte de son bref passage en 1832, un "Voyage en Orient" qui sera publié en 1835.
* Flaubert, dans ses "Carnets et Notes de voyages en Orient," évoque Jérusalem qu'il visite en
1850.
* Loti, en fin de siècle, précisément en 1895, développe longuement dans "Jérusalem" une
description de la ville, de ses habitants et de ses propres sentiments suite à son séjour effectué
l'année d'avant, en 1894.
Nerval lui n'a pas pu se rendre en Palestine en raison d'une épidémie de peste qui y sévissait, son
"Voyage en Orient" de 1851 n'évoque donc pas directement Jérusalem, mais il compense par le récit
qu'il fait de la rencontre entre la reine de Saba et le roi Salomon.
b) Les deux auteurs anglais sont W.M. Thackeray, B. Disraeli, deux personnages plus connus d'ailleurs
pour leur engagement politique.4
c) H. Melville et M. Twain sont deux écrivains fondateurs de la jeune littérature américaine. Melville a
séjourné à Jérusalem en 1857 et en a ramené "Le Journal d'une visite en Europe et au Levant",
Quant à Twain, de son passage dans la ville sainte en 1867, il rapporte "Les Innocents".
d) Quant au voyageur-écrivain russe, il s'agit également d'un très grand; Gogol, l'auteur des "Ames
mortes". Dans sa correspondance, il évoque son séjour à Jérusalem en 1842.
Tous ces écrivains sont issus de pays riches et développés du XIXème siècle, ils sont tous des
personnages importants de leur époque soit dans le domaine politique comme Chateaubriand qui fut
ambassadeur, Lamartine ministre sous la IIème République, Disraeli, Premier Ministre de la reine
Victoria, soit bien entendu, dans le domaine littéraire.
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
14/32
1.2) Pour tous, ce voyage en Orient n'est pas banal, et de ce fait préparé de longue date
Ce voyage est le voyage dont on rêve. Chacun ne cesse de le fantasmer, de se le représenter avant de
l'accomplir et de le mettre ensuite en texte ou en peinture. Chateaubriand l'écrit : "J'ai toujours rêvé le
pèlerinage à Jérusalem et j'ai fini par l'accomplir". Lamartine après lui déclare : "Si je puis amasser
seulement 100 louis, j'irai en Grèce et à Jérusalem". Flaubert en fait longtemps à l'avance l'annonce à
ses amis, cela le transporte de joie lorsqu'il y pense. Loti écrit 18 ans avant son départ : "Je pense aller
bientôt à Jérusalem".
Face à un tel enthousiasme unanime, nous devons nous interroger sur les raisons qui motivent ce
voyage. Pourquoi ces personnages célèbres rêvent-ils d'aller en Orient et spécialement à Jérusalem ?
Etait-ce pour eux une classique motivation croyante, était-ce un pèlerinage accompli dans la foi après
tant d'autres hommes et femmes depuis l'antiquité ? Pas vraiment, mis à part Gogol, les autres sont fils
du siècle des Lumières qui a crée une rupture dans le pèlerinage traditionnel. Chateaubriand écrit à ce
sujet : "je serai peut-être le dernier Français sorti de mon pays pour voyager en terre sainte, avec les
idées, le but et les sentiments d'un ancien pèlerin… Lorsqu'en 1806 j'entrepris le voyage d'outre-mer,
Jérusalem était presque oubliée; un siècle anti-religieux avait perdu mémoire du berceau de la religion".
En fait, même chez lui, le christianisme relève plus de l'idéologie que de la foi. Lamartine comme Loti
plus tard, ont en grande partie perdu la foi à l'adolescence, quant à Flaubert, il exècre la religion et
Nerval n'eut de Dieu que Napoléon et de religion que l'ésotérisme.
Nos voyageurs-écrivains ne sont pas poussés non plus par le souci d'un reportage scientifique sur
Jérusalem comme en son temps le fit Volney fin XVIIIème siècle. Ce n'est pas non plus un voyage
d'agrément, mais une aventure qui engloutit leur fortune. Si parfois ce voyage en Orient en général, peut
être accompli pour des raisons de santé, la Méditerranée en effet était alors conseillée pour les maladies
nerveuses ou de poitrines, ce ne pouvait être le cas pour un séjour à Jérusalem, ville sale et sans
hygiène aux dires de tous.
Par contre ces écrivains souffrent tous d'un certain mal-être, ce voyage singulier, mûrement réfléchi, est
réalisé lors d'une période de crise dans leur vie personnelle. Chateaubriand, en difficulté avec Napoléon,
vient de perdre un être cher, sa sœur Lucile alors qu'il n'est pas très heureux en ménage. Lamartine
entre dans une phase difficile de sa vie après son échec aux élections présidentielles de 1848, Flaubert
qui a terminé ses études de droit, perturbé par des problèmes familiaux, refuse de s'engager dans la vie
professionnelle. Loti a pris un long congé de six mois pour se ressourcer, se retrouver après ses
péripéties turques. Ce que le siècle appelle Orient, ne serait-il pas en fait une sorte de terre maternelle,
ou pour reprendre une formule de Nerval, "la matrice originelle, le fantasme de son enfance" ? Ainsi, ce
voyage en Orient et spécifiquement à Jérusalem, fait fonction, bien avant Freud, de retour thérapeutique
à l'enfance.
Sur le plan professionnel, ce regard géographique et thérapeutique vers Jérusalem, s'accompagne d'un
retour à une littérature pétrie de religion, de Bible. Chateaubriand songe à décrire la vie des premiers
chrétiens dans les Martyrs, où Jérusalem occuperait la scène centrale. Juste avant son départ,
Lamartine dans ses Harmonies poétiques et religieuses (1830) a des titres de poèmes très évocateurs :
Hymne au Christ, le temple de Sion. . Flaubert fasciné par l'Orient vient de publier Smarrh (1834) inspiré
du Livre de Job où il évoque le Christ mourant au Mont des Oliviers : "pendant trois ans, dit-il, je n'ai lu
que la Bible le soir avant de m'endormir".
1.3) Les conditions matérielles du voyage à Jérusalem ont bien évolué tout au long du XIXème siècle
Si c'est une véritable aventure à hauts risques lorsque Chateaubriand l'entreprend en 1806, en fin de
siècle cela s'est banalisé au point que Pierre Loti fulmine contre l'invasion touristique qui lui pollue
l'image qu'il souhaite avoir de ce périple.
Chateaubriand rencontre tous les aléas et dangers de la marine à voile. Les tempêtes méditerranéennes
et les péripéties qu'il décrit pour arriver en terre sainte, rappellent fortement celles que vécut Saint Paul
18 siècles plus tôt. Le voyage à terre est lui aussi hasardeux et dangereux, tant du fait des conditions
inconfortables des chemins, du logement, du manque d'hygiène et des maladies endémiques - la peste
sévit fréquemment à Jérusalem empêchant des voyageurs d'y séjourner - que des habitants de la région
qui ne voient en ces riches voyageurs chrétiens, donc impies, que des proies à dévaliser. Le brigandage
oblige nos voyageurs à cheminer solidement escortés.
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
15/32
Le progrès industriel venu d'Europe introduit des facilités de voyage: les bateaux à vapeur se
généralisent dès 1850 et le chemin de fer relie les principales villes du Proche-Orient en fin de siècle. Le
voyage en Orient devient plus rapide, plus confortable. Par contre, la petite ville même de Jérusalem,
enclavée dans la montagne reste longtemps difficile d'accès, la montée à partir de jaffa était difficile et
périlleuse. La première diligence n'est mise en service qu'en 1869 et encore n'est-elle pas à l'abri
d'attaques de bandits de grand chemin, le train lui, n'arrive qu'en 1892.
La ville de Jérusalem, sale, sans conditions modernes d'accueil, semble dans ces récits être damnée,
c'est vraiment un voyage qui se mérite ! C'est pourquoi le nombre de visiteurs au XIXème siècle est
assez restreint par rapport à tous ceux qui font ce grand circuit oriental mais qui se contentent de longer
la côte de Syrie Palestine.
1.4) Sur place, à Jérusalem : fantasmes et réalités
Tous les écrivains que nous avons sélectionnés, Chateaubriand, Lamartine, Flaubert et Loti, ont reçu
une éducation religieuse chrétienne. Jérusalem évoque pour eux le théâtre de nombreux souvenirs
bibliques, depuis le sacrifice d'Abraham jusqu'à la passion de Jésus : "C'est la Bible et l'Evangile à la
main que l'on doit parcourir la terre sainte", conseille Chateaubriand. Tous s'essaient à cet exercice qui
consiste à surimposer le texte aux paysages et aux lieux.
Les chroniques des croisades, certaines œuvres littéraires comme Athalie de Racine ou La Jérusalem
délivrée du Tasse, constituent des sources d'inspiration et de références. Ainsi, la ville sainte est perçue
dans sa gloire d'autrefois, la ville "déicide", la "ville coupable", condamnée par Dieu est rejetée dans
l'ombre du passé. La thématique de l'ombre est au cœur des conceptions de chacun, elle fait écho à
l'obscurantisme dans lequel le siècle passé a enfermé le religieux. P. Loti l'exprime clairement :"Je veux
simplement essayer de noter les aspects actuels de sa désolation et de ses ruines; dire quel est à notre
époque transitoire, le degré d'effacement de sa grande ombre sainte qu'une génération prochaine ne
verra même plus". Jérusalem réduite à l'ombre de ce qu'elle fut et à l'image de ce que l'on s'en faisait, la
tentation est alors grande de la "déréaliser", de la conceptualiser.
Dès le milieu XIXème siècle, à cette thématique de l'ombre s'articule celle du mirage. Le terme exprime
l'émerveillement des occidentaux face à la lumière, aux couleurs méditerranéennes. "Ce phénomène
pouvait être considéré en fait comme une variante de l'ombre : le reflet, non plus obscur, mais lumineux
d'une hypothétique réalité, autrement dit un ensemble d'idées reçues et d'images brillantes accumulées
dans l'univers des idées et des représentations imaginaires et qui s'évanouissent, l'une après l'autre, à
mesure que l'on s'en approche ou que l'on s'en éloigne".5
C'est le Français Gaspard Monge en 1809 qui rendit compte scientifiquement de ce phénomène
extraordinaire qui défie l'opposition classique du réel et de l'imaginaire qu'avaient constaté les hommes
de l'expédition de Bonaparte en 1799. Réinvesti en littérature, ce terme de mirage permet de conférer un
certain degré de réalité à l'imaginaire du voyage. Gaston Bachelard disait "qu'en littérature, le mirage
apparaît comme un rêve retrouvé".6
Certes Chateaubriand et Lamartine n'utilisent pas ce mot trop récent pour eux mais son équivalent de
sens dans l'expression d'une "ville sortant de la lumière". L'écriture de Chateaubriand a été définie
comme une technique de la "réverbération", de la "superposition" et de la "surimposition".
Nos voyageurs écrivains partent avec cette conscience que Jérusalem n'est plus qu'une ombre dont ils
attendent une vision sous forme de mirage. Mirages au pluriel devons nous dire, comme cette mosaïque
qu'est le miroir aux alouettes. En effet, le nom de Jérusalem s'est conceptualisé en "ville de paix", et
ainsi, s'est déterritorialisé de son lieu d'origine. On ne compte plus au XIXème siècle, le nombre de
nouvelles Jérusalem qui fleurissent dans des contrées très diverses comme Kiev pour Gogol ou sur les
rives du Mississipi pour Melville. Tout cela crée une très grande ambiguïté. Si d'un certain côté ces idées
préparent une certaine désacralisation du lieu pour les chrétiens, et cela en opposition aux attitudes
juive et musulmane, elles ne pouvaient dans l'immédiat qu'entraîner une forte déception chez nos
voyageurs. N'en sont-ils pas tous plus ou moins conscients, comme Loti qui affirme à l'avance qu'il sera
déçu par Jérusalem.
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
16/32
Sur place, certaines réalités exaspèrent nos voyageurs. Avec l'amélioration de l'accessibilité et l'arrivée
de hordes de touristes-pélerins, le commerce de "bondieuseries" se développe aux abords du Saint
Sépulcre. "On est assailli de saintetés" gémit Flaubert, "J'en suis repu. Les chapelets particulièrement,
me sortent par les yeux. Nous en avons bien acheté 7 ou 8 douzaines". Même Lamartine qui ne peut
entrer dans la ville pour cause de peste, se voit proposer par dessus les murailles ces " souvenirs pieux"
vendus par les religieux chrétiens. Vendeurs, mendiants, lépreux, tous pressent nos visiteurs de leur
accorder un "bakchiche". "Plus encore que notre rêve oriental, notre rêve religieux en est froissé" se
désole P. Loti. Afin de ne pas choquer sa pieuse mère, il conclut :"La déception, s'il y en avait une, ce
serait sur moi que je la reporterais et non sur la religion".
En quittant Jérusalem chacun cherche une dernière vision désespérée certes mais positive à conserver
en mémoire: pour Chateaubriand, c'est la grotte où Jérémie fit entendre ses lamentations, pour
Lamartine, la vallée de Josaphat, et la mosquée d'Omar et son esthétisme pour Loti.
1.5) Le retour de Jérusalem et la mise en récit
Ce voyage à Jérusalem, préparé, médité de longue date, ne pouvait pas de pas laisser sa forte
empreinte sur nos auteurs une fois de retour en France.
Chateaubriand dans une lettre à son ami Joseph Joubert écrit :"Jérusalem, le Jourdain et la Mer Morte
m'ont singulièrement frappé; c'est partout la grandeur, la solitude, la simplicité et l'épouvantement de la
Bible. Je crois que vous me trouverez un peu changé … et je me sens naturellement plus grave et plus
triste". Le voyage à Jérusalem les a tous profondément marqué au point de changer leur vie.
Chateaubriand faute de faire un séjour "à la Grande Trappe", s'enferme dans sa nouvelle propriété de la
vallée-aux-loups - "cette maison de jardinier cachée dans les collines" dit-il -. Les habitués des salons
parisiens le surnomment "le pèlerin". L'itinéraire de Paris à Jérusalem publié en 1811 remporte un franc
succès, il est élu à l'Institut et considéré comme le "premier écrivain de France". Il s'attaque alors à ses
mémoires et écrit le 4 oct. 1811 :"Ce jour anniversaire de ma fête et de mon entrée à Jérusalem, je tente
à commencer l'histoire de ma vie". Son entrée dans Jérusalem est considérée comme son entrée dans
la vie, comme une seconde naissance.
Lamartine lui se souviendra toute sa vie de ce quart d'heure passé au Saint Sépulcre : "je ne suis plus le
même homme au physique et au moral" affirme t-il. Flaubert, tellement déçu de ce voyage, décide de ne
rien écrire malgré une forte pression éditoriale. Il s'enferme dans son bureau que Baudelaire compare à
la cellule de saint Antoine, y reçoit ses amis, rédige Mme Bovary. Il ne publiera ses notes sur Jérusalem
que plus tard, en 1880. Loti entre lui aussi dans une nouvelle phase de sa vie, il épouse une jeune
basque et rêve dans ce pays basque où la tradition chrétienne est toujours vivante, de retrouver une
religiosité vainement cherchée à Jérusalem.
Leur œuvre postérieure à tous les quatre se ressent de ce passage à Jérusalem dans la mesure où elle
sera plus marquée par des préoccupations religieuses. Chateaubriand après les Martyrs et ses
Mémoires d'Outre-tombe rédige une tragédie intitulée Moïse. Plusieurs passages des martyrs sont le
reflet direct de ses souvenirs de Jérusalem. Lamartine inclut des éléments bibliques dans Jocelyn
(1836), et les allusions aux lieux saints sont nettes dans les recueils de poèmes intitulés La chute d'un
ange (1838), les Recueillements poétiques (1839). Parallèlement à Mme Bovary, Flaubert travaille sur
sa Tentation de saint Antoine. Des œuvres plus tardives comme Herodius, Un cœur simple, sont truffées
de réminiscences. De retour de Jérusalem, Loti écrit en terre basque le Mariage de Ramuntcho (1897),
œuvre fortement marquée par le christianisme, comme une suite de sa quête entreprise à Jérusalem.
La mode du voyage en Orient décline au XXème siècle, les nombreuses publications font perdre un peu
d'attraits, les écrivains continuent d'y aller comme G. Duhamel, J. Kessel, Dostoïevski, ils en rapportent
des articles certes, mais pas d'œuvres majeures. Au XXème siècle, Jérusalem devient progressivement
un enjeu politique entre Palestiniens à majorité musulmans et colons juifs qui affluent.
De nos jours, elle est devenue l'enjeu majeur dans un conflit qui s'éternise, elle retrouve une réalité
matérielle et symbolique qui interdit de la considérer sous le double regard d'ombre et de mirage comme
l'ont fait les grands écrivains du XIXème siècle. Aucun regard n'est ni plus juste ni plus faux qu'un autre,
tout regard est situé dans l'histoire.
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
17/32
2-
LE REGARD SUR LES AUTRES
2.1) Les arabes et l'islam vus par Chateaubriand
Par son passage en Terre Sainte en 1806, Chateaubriand ouvrit la voie d'une mode du voyage
pèlerinage qui durera tout le XIXème siècle. Il séjourna à Jérusalem du 4 au 12 octobre 1806, le récit en
fut publié en 1811 dans son Itinéraire de Paris à Jérusalem et de Jérusalem à Paris. C'est un voyage qui
l'a marqué à tel point qu'il s'en félicita dans son ouvrage :"J'ai toujours rêvé le pèlerinage à Jérusalem, et
j'ai fini par l'accomplir".
a) Une perception des Arabes qui ne tient pas compte de leur islamité
Ce Proche-Orient lui apparaît comme la terre des premières civilisations, comme leur berceau : "ce sont
les brillantes régions de l'aurore" dit-il, au double sens du terme, alors que les terres américaines qu'il a
visitées auparavant, sont perçues comme celles de "l'extrémité de l'occident". La géographie
"civilisationnelle" de Chateaubriand est simple, la civilisation née en Orient s'épanouit maintenant en
Europe, et touchera demain le continent américain. C'est une géographie orientée d'est en ouest. Le
jugement est tranché. Si les hordes de sauvages d'Amérique vont accéder à "l'état de civilisation", les
Arabes eux sont perçus comme des témoins des origines de l'humanité. Ces Arabes sont l'exemple
même "d'hommes civilisés qui retombent à l'état sauvage". Les Arabes sont des sauvages ! Le regard
de Chateaubriand est terrible : "Les Arabes partout où je les ai vus, m'ont paru d'une taille plutôt grande
que petite. Leur démarche est fière. Ils sont bien faits et légers (…). Rien n'annoncerait chez eux le
sauvage, s'ils avaient la bouche toujours fermée; mais aussitôt qu'ils viennent à parler, on entend une
langue bruyante et fortement aspirée; on aperçoit de longues dents éblouissantes de blancheur, comme
celles des chacals et des onces : différents en cela du sauvage américain, dont la férocité est dans le
regard et l'expression humaine dans la bouche".7
Pour Chateaubriand, les Arabes sont une sorte de peuple fossile, qui mène une vie absolument
identique à celle de l'antiquité : "J'avais sous les yeux les descendants de la race primitive des hommes,
je les voyais avec les mêmes mœurs qu'ils ont conservées depuis les jours d'Agar et d'Ismaël". Il écrit
également par ailleurs " On aime à distinguer dans leurs usages quelques traces des mœurs des
anciens jours, et à retrouver chez les descendants d'Ismaïl des souvenirs d'Abraham et de Jacob".
Ce point de vue de Chateaubriand qui se veut ethnologue, ignore un fait fondamental qui est la
conversion des Arabes à l'islam au VIIème siècle de notre ère. Certes quelques Arabes ont adopté le
christianisme, mais la grande majorité de ce peuple professe l'islam avec une très forte conscience
d'une rupture majeure de style de vie entre l'avant et l'après de la révélation que Dieu a accordée à
Mahomet, son dernier Prophète. Avant dit-on dans l'islam, c'est le temps de la "jahiliyyad", c'est-à-dire le
temps de l'ignorance qui correspond à l'époque du paganisme, de l'obscurité avant l'aurore et la lumière
de l'islam. Ce concept clef de l'islam est donc nié totalement par Chateaubriand lorsqu'il pose comme
vérité l'immobilisme arabe depuis les origines de l'humanité.
b) Les Arabes vus au travers de la Bible
Ce regard de Chateaubriand sur les Arabes découle en partie d'une certaine lecture de la Bible. En
prenant la Bible, ancien et nouveau testaments, comme référent culturel, il rompt nettement avec le
siècle des lumières qui précède. Selon la tradition issue de la Bible, le peuple arabe descend d'Ismaël,
le fils qu'Abraham eut avec Agar sa servante égyptienne.
Si le peuple juif, peuple élu dans la Bible, descend lui d'Isaac, fils légitime d'Abraham, il est dit en
Gn XXI, 13 à propos d'Ismaël : "Je ferai aussi de lui une nation, car il est ta descendance". Le texte
biblique indique aussi qu'Abraham à la demande de son épouse Sara, chassa Agar et son fils : Gn XXI,
14 :"Elle s'en alla et se mit à errer dans le désert de Bersabée" - désert situé au sud d'Israël actuel-.
Dieu intervint, sauva Ismaël de la mort, et "l'installa dans le désert de Parân" Gn XXI, 21.8
Chateaubriand en conclue que Dieu pour toujours a assigné aux Arabes le désert en héritage, un peu
comme une condamnation perpétuelle. Pour lui, les Arabes ne prennent sens qu'à la lumière du texte
biblique rédigé dans l'antiquité.
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
18/32
Il est important de rappeler à nos élèves que ce texte a été écrit par l'un des grands écrivains français il
n'y a que deux siècles, et cela afin de bien montrer à la fois l'évolution de notre regard sur les Arabes
accomplie depuis, et en même temps, l'énormité des préjugés d'où nous venons. Cela ne peut pas ne
pas laisser de traces.
c) La perception de la religion musulmane par Chateaubriand est terriblement négative, cela n'étonne
pas trop après ce que nous venons de voir.
Les expressions du texte sont très fortes :
- "un culte ennemi de la civilisation, favorable par système à l'ignorance, au despotisme, à l'esclavage",
- "l'esprit du mahométisme est la persécution et la conquête",
- "le fanatisme des Sarrazins",
- "une religion qui a brûlé la bibliothèque d'Alexandrie, qui se fait un mérite de fouler aux pieds les
hommes, et de mépriser souverainement les lettres et les arts".
Analysons cette dernière accusation. La bibliothèque d'Alexandrie est évoquée par Chateaubriand
comme un symbole de l'épanouissement de la culture antique, voire de la culture tout court en général.
En effet, avec ses quelques 700 000 volumes, elle fut le grand centre d'activité intellectuelle du monde
ancien. Détruite par le feu, plus ou moins accidentellement, à deux reprises en 47 av. J.-C. et en 391
après J.-C., elle le fut délibérément en 645 par l'Emir Amr Ibn al-As. Son supérieur, Omar, condamna les
livres comme inutiles si leur contenu était en accord avec Le Livre, c'est-à-dire le Coran, ou dangereux
dans le cas contraire. Dans les deux cas de figure, les livres d'Alexandrie devaient être brûlés, ce qui fut
fait.9
Chateaubriand rappelle cette "autodafé", et en rend responsable l'islam. C'est effectivement une certaine
compréhension totalitaire et exclusiviste du Coran, qui mène à une telle attitude face à la pluralité de la
pensée et de l'écrit. Dans l'Egypte contemporaine, nous avons vu en 2001 le pouvoir politique bannir
certains ouvrages d'un salon du livre afin de satisfaire certaines tendances islamistes modérées
associées au pouvoir. Ce que dénonce Chateaubriand existe toujours, mais faut-il affirmer avec lui que
c'est bien "une religion" qui a fait cela? L'islam est-il intrinsèquement mauvais et hostile à la civilisation ?
La réponse est non ! Ne confondons pas des dérives, des actes politiques et militaires commis au nom
de la religion et cette dernière. Va-t-on accuser le christianisme des mêmes caractéristiques parce qu'en
vingt siècles d'histoire des hommes ont commis des massacres, des destructions de patrimoines
culturels - pensons aux conquistadors en Amérique latine face aux indiens - ?
Ceci est un point capital dans l'enseignement du fait religieux, sachons bien montrer aux élèves la
différence entre une religion, en l'occurrence ici l'islam, et l'instrumentalisation de cette religion à des fins
idéologiques, politiques ou simplement militaires.
C'est l'occasion d'évoquer quelques aspects du raffinement des arts musulmans, littératures,
architecture.., de rappeler la longue lignée des poètes illustres de civilisation musulmane, qui vont d'Abû
Nuwâs à Adonis notre contemporain. Certes, les contes des "Mille et une Nuits" tellement populaires en
occident depuis le XIX e siècle, ont tendance à éclipser les autres chefs d'œuvre. En quelques mots
également, le professeur peut rappeler tout ce que la science occidentale doit à l'héritage araboislamique10.
L'islam prône t-il "un culte favorable au despotisme "? Indéniablement, chez Chateaubriand qui écrit en
1806, l'islam est confondu avec la religion du régime turc. La turcophobie de l'auteur s'exprime ici
totalement. En 1806, les relations diplomatiques sont encore fraîches entre la France de Napoléon et
l'Empire turc qui a été défait militairement en 1799 lors de l'expédition de Bonaparte. On retrouve ici le
"Comment peut-on être Persan" de Montesquieu. L'Europe des lumières ne peut admettre le despotisme
non éclairé. Ce dernier est attribué à l'islam.
d) "L'esprit du Mahométisme est la persécution et la conquête"
Cela, aux yeux de Chateaubriand justifie les croisades du passé. Son argumentation est une réaction à
celle du siècle des lumières. L'occident n'a pas à rougir de son ancienne identité chrétienne, n'a pas à se
culpabiliser d'avoir été l'agresseur des musulmans au Moyen Âge. Ce point de vue dit Chateaubriand est
faux : l'action des croisés, dont quelques uns de ses ancêtres, était une réponse à l'agression
musulmane des touts débuts de l'islam.
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
19/32
C'est l'islam qui est mauvais par nature, à qui l'occident a enlevé à deux reprises sa capacité à nuire : en
732 à Poitiers11, au XIIème siècle au Proche-Orient. Avec une telle conception, Chateaubriand aurait été
de nos jours un fervent défenseur de la thèse américaine de Samuel Huntington sur le "Choc des
civilisations".12 " Il s'agissait de savoir qui devait l'emporter sur la terre ".13
Un certain courant de préjugés actuels et très répandus estime comme Chateaubriand que l'islam est
fanatique, intolérant et guerrier par opposition à un christianisme issu de "l'Evangile qui ne prêche que la
tolérance et la paix". C'est oublier que l'étymologie du mot islam dérive de la racine triconsonantique
arabe SLM, qui donne salam, à savoir la paix, le salut… On a souvent traduit islam par soumission,
ouvrant ainsi la voie au préjugé d'une religion fataliste, résignée. La traduction est mauvaise, par islam il
faut entendre une "déprise de soi pour une remise de soi, confiante et dans la paix à Dieu. C'est un
abandon paisible et spontané dans un acte libre, en être libre"14
Le texte de Chateaubriand taxant les musulmans de "nouveaux barbares" fait curieusement écho à
l'actualité internationale de ce début XXIème siècle. A deux siècles de distance, un regard semblable est
posé par des occidentaux sur l'islam, regard que certains finiraient par croire authentique à force de
répétition. C'est le rôle de l'enseignement des faits religieux sous son angle laïc et culturel que de
démasquer ces tendances lourdes de nos opinions occidentales.
Par ailleurs, un gros travail est à effectuer en terre d'islam. C'était le cas dans l'empire ottoman qu'a
connu et fustigé à juste titre Chateaubriand, et c'est encore le cas de nos jours où l'on n'entend
certainement pas assez les voix de certains intellectuels musulmans capables de répondre à la vision
des islamistes.
Document annexe
Voici ce que l'on peut encore lire fin XIXème siècle à propos des religions comparées, islam et christianisme lors
de la bataille de Poitiers en 732, dans un manuel scolaire d'histoire de 1899.
"Charles Martel venait de sauver la Gaule et l'Europe entière. Les Francs, à peine convertis, venaient de faire
triompher la religion du Christ vaincue et proscrite alors dans la terre même où elle avait pris naissance".
Extrait du manuel "Leçons complètes d'Histoire de France, à l'usage des Cours supérieurs des Ecoles primaires,
des écoles professionnelles et des candidats aux brevets de capacité", par G. Ducoudray, 13e édition, 1899, Paris,
Hachette, 586 p.
2.2) Loti et l'islam
a) Situation de ce passage dans l'œuvre de Pierre Loti
Ce voyage- pèlerinage à Jérusalem, Loti y pense depuis longtemps, il l'entreprend à titre privé lors d'un
congé sans solde en 1894. Ce périple de quatre mois vécu comme une véritable aventure, un voyage
comme autrefois "au pays des patriarches, suit l'itinéraire préconisé par les premiers guides touristiques.
Il traverse le Sinaï au printemps pour arriver à Jérusalem à la période de Pâques. Son séjour dans la
ville sainte va du 29 mars au 16 avril 1894. Loti renoue ainsi avec la grande tradition à la fois littéraire et
spirituelle inaugurée par Chateaubriand en 1806. Il commence à rédiger son récit de voyage dès son
retour à Rochefort dans l'été 1894. Après une première publication partielle sous forme de livraisons
bimensuelles dans la Nouvelle Revue, il fit paraître en 1895 l'ensemble de son récit de voyage sous
forme de trois volumes intitulés Le Désert, Jérusalem et la Galilée, une sorte de triptyque centré sur la
ville sainte.
Le deuxième volume, Jérusalem d'où est extrait notre texte, est tout entier sous le signe de la mort,
l'angoisse majeure de l'homme. A Jérusalem, Loti est allé exiger un signe de la part de Dieu, ce signe lui
a été refusé; au saint Sépulcre le tombeau est vide, de ce vide, Loti ne peut comprendre la promesse de
résurrection. Dieu est mort et nous sommes orphelins disait déjà Musset dans La confession d'un enfant
du siècle.
Jérusalem est bien le pays de la mort, par contraste, le troisième volume, la Galilée, fait exploser la vie
dans des paysages verdoyants. Ce contraste avait été également souligné par d'autres écrivains avant
lui, comme Lamartine ou Renan.
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
20/32
b) Sa vision de l'islam est celle d'un incroyant mais pétri de culture protestante
La première véritable rencontre de Pierre Loti avec l'islam remonte à 1876 lors de son séjour en Turquie,
c'est-à-dire, dix ans avant cette visite faite à Jérusalem, troisième ville sainte du monde musulman. Déçu
par ce pèlerinage sans foi, par ses nombreuses et pathétiques visites au Saint Sépulcre, Loti décide de
se tourner vers le sanctuaire musulman pour conserver avant de partir quelque chose de positif de son
séjour d'un peu moins de trois semaines à Jérusalem. Ce qu'il dit de l'islam dans ces quelques lignes est
significatif de son attitude religieuse qui a en fait peu changé tout au long de sa vie d'adulte.
Eduqué dans une stricte tradition protestante calviniste par sa mère, Loti perd très tôt la foi, mais, il
gardera toujours la nostalgie de cette enfance pieuse. Loti est un inquiet, un éternel insatisfait, tiraillé par
toutes les contradictions du XIXème siècle finissant. Il oscilla toute sa vie et toute son œuvre entre deux
pôles que sont le nihilisme absolu et la nostalgie de la foi chrétienne. Du premier sont issus son
scepticisme, l'attrait et en même temps l'horreur du néant d'où viennent et retournent les humains, le
désir de ne se tenir qu'au concret, à la réalité matérielle. Du second sortent le goût, du mystère, du
monde du rêve, de l'imagination. Dans ce balancement continu entre le matériel et le surnaturel, entre
rationalisme et besoin de mystère, se situe le fond de sa pensée tragique, de son attitude religieuse en
général.
Si son nihilisme lui montre partout le néant et la tromperie religieuse, il sait toutefois que l'homme ne
peut vivre ainsi, qu'il a besoin d'illusion. La religion assume cette fonction d'illusion qui masque le vide et
permet ainsi de vivre. Toutes les religions, quelles qu'elles soient, appartiennent pour Loti à l'histoire,
elles ne sont que des survivances, des ruines, elles vont elles aussi, comme l'homme, vers leur néant.
Dans ce passage, à plusieurs reprises, Loti souligne ce poids du temps qui passe et qui use : "Ses treize
siècles se lisent à je ne sais quoi de dejeté" dit-il de la Mosquée d'Omar, "elle a l'éclat des belles choses
près de finir", elle est "comme un vieux brocart " rongé par le temps. Dans la cavité sainte située sous le
rocher de la Mosquée d'Omar, la marque des mains des fidèles a patiné la pierre : "On prend
conscience " souligne t-il "d'années sans nombre". Les religions appartiennent au passé, il n'en
contemple que les ruines. Son esprit est celui de son temps, à savoir le rationalisme, le positivisme, le
sensualisme. Dans son ouvrage intitulé Mort de Philae, il tient le discours suivant à propos de la
condition humaine où chacun vit, meurt et retourne au néant :"C'est peut-être cela du reste qui est la
plus terrifiante de toutes nos notions positives".
Sur ces sujets, il n'y a pas chez Loti de passage purement philosophique où il exposerait clairement ses
convictions intimes, il faut donc glaner ici et là au hasard de descriptions, d'impressions, des
renseignements sur sa vision de l'homme, du monde, des religions. Il préfère les sensations, les images,
au langage abstrait. ans ce texte, il oppose nettement son attitude personnelle à l'égard du christianisme
à son rapport à l'islam, et cela, à propos de ses impressions face aux deux monuments phares que sont
le Saint Sépulcre et la Mosquée d'Omar. C'est l'ambiance des deux sanctuaires, leurs effets sur son
âme qui lui importent et non pas tellement les dogmes et croyances de ces deux religions en elles
mêmes.
Le Saint Sépulcre est ouvert à tous, les foules s'y pressent pour souffrir avec le Christ sur les lieux de sa
passion : c'est un lieu qui émeut, qui "appelle les larmes". N'a-t-on pas dit de Loti qu'il était "un réaliste
greffé sur un romantique" ?" L'émotion douce amène les larmes" certes, mais c'est tout !
Cela ne débouche pas sur une consolation, sur l'espérance du salut. L'émotionnel puissant n'éteint pas
l'angoisse de la mort, du néant. L'émotion n'est pas la foi ! Il est très intéressant se souligner ce trait
auprès des élèves, de leur montrer que nous sommes actuellement dans une époque où beaucoup
recherchent l'émotionnel, que c'est l'une des formes les plus courantes de la religiosité actuelle.
Précisément, le sanctuaire musulman lui n'émeut pas. Notons que cette remarque n'engage que Pierre
Loti, un occidental à qui somme toute, les autres religions demeurent assez impénétrables. Un
musulman pieux lui ne manquerait pas d'être ému à la Mosquée d'Omar, car le lieu lui parle. L'espace
sacré autour de la Mosquée d'Omar, le Haram-ech-Chérif, est perçu comme un lieu "calme et
enchanteur", un "refuge, un asile de repos". En effet, les clichés de Loti sur l'islam et sur l'Orient en
général, lui sont très agréables.
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
21/32
A la Passion rédemptrice du Christ qui le torture sans le convaincre ni l'apaiser, il préfère l'idée du
fatalisme oriental. Les expressions "détachements apaisés" et" "résignations sages", font référence à cet
a priori du fatalisme musulman qui supprime l'angoisse par une attitude de résignation. Le sanctuaire
musulman devient cet "asile de repos où l'on regarde passer la vie avec l'indifférence de la mort".
L'individualiste qu'est Loti peut-il accepter un tel détachement, une telle dépossession de soi ? Cette
question se reposera lors d'un voyage en Inde face au bouddhisme. La réponse est non pour le fond
mais oui pour l'illusion apaisante que procure cette "résignation sage".
Ce n'est pas la religion musulmane avec ses dogmes et ses rites qui l'attire tellement - il n'a jamais
conçu l'idée de se convertir -, mais son art géométrique, linéaire et dépouillé. Loti regarde l'islam en
esthète. La jouissance esthétique seule est capable de le délivrer de son angoisse métaphysique, tout
au moins en apparence. L'Orient musulman n'est pour lui qu'un cadre, une forme. L'islam dit-il dans ce
passage peut "devenir la forme religieuse extérieure toute d'imagination et d'art dans laquelle
s'envelopperait mon incroyance". Loti, cet incroyant, a besoin d'illusion, d'anesthésier son angoisse. Le
"silencieux Haram-ech-Chérif, avec sa mélancolie et sa magnificence est bien le lieu de rêve" idéal.
L'islam est en quelque sorte sa drogue douce qui masque ses difficultés à vivre sans religion. Ce
rationaliste découvre les limites de la raison, cet incroyant adopte un apparat de religion, une illusion
formelle apaisante, l'islam. Le choix de ne retenir qu'une forme, qu'un extérieur de l'islam, tient aussi au
fait que cette religion comme les autres est sur son déclin : "L'islam s'éteint comme un grand soleil pour
qui c'est bientôt l'heure du soir" écrit-il par ailleurs. La Mosquée d'Omar à Jérusalem présente pour lui
ce curieux mélange de splendeur esthétique- la magnificence, et de désuétude - la mélancolie.
Nous sommes avec ce texte un peu avant 1900, cette vision d'un islam sans avenir est bien entendu à
mettre en lien avec l'actuelle vision de l'islam des élèves. Comment a-t-on pu passer d'un tel jugement
de déclin à un réveil contemporain de l'islam ? Au-delà du simple constat de l'erreur d'appréciation de
Loti, nous devons nous, un siècle plus tard, nous interroger sur notre propre regard. Cette inquiétude
présente, face à un islam qui fait peur à beaucoup, relève-t-elle d'un regard pertinent sur l'avenir de
l'islam ?
Sachons ne pas juger trop vite, sachons nous interroger, sachons ne pas transformer trop rapidement
nos opinions en certitudes: oui l'islam appartient au passé dit Loti, oui l'islam est par définition fanatique
et intolérant dit actuellement l'opinion publique.
C'est à nouveau l'occasion de rappeler deux points forts de notre démarche pédagogique:
- quand cela est possible, ne pas hésiter à faire le lien entre l'objet d'étude et les connaissances et
images environnementales de l'élève,
- toujours privilégier une culture de la question plutôt qu'une culture de la réponse.
c) Eléments de compréhension et d'analyse du texte.
Pour les deux monuments évoqués ici, le Saint Sépulcre et le Dôme du Rocher dit "Mosquée d'Omar",
voir les pages 99, 106.
Relevé effectué par les élèves des expressions employées pour décrire l'attitude de Loti.
Monument
symbole
Christianisme
Saint Sépulcre
Islam
Mosquée d'Omar
Accès
couleur
Permanent
étroit
Sombre
Ouvert à tous
foules
Réglementé
Vaste
désert
Sensation procurée
Loti face aux deux
sanctuaires
Emotion douce qui Souffrance
mène aux larmes
Pas d'apaisement
Loti trouve le calme,
Pavage blanc
Détachement apaisé,
c'est le lieu qui lui
Morne réverbération
résignation sage
convient le mieux
du soleil
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
22/32
A PROPOS DE QUELQUES EXPRESSIONS EMPLOYEES PAR LOTI
"Une légende mahométane sur l'ange Gabriel". C'est une allusion au célèbre voyage nocturne (isra
en arabe) effectué par le Prophète Mahomet sur sa jument ailée – Buraq -, du sanctuaire de la Mecque
au temple de Jérusalem. Guidé par l'ange Gabriel, il est déposé sur le rocher où jadis Dieu demanda à
Abraham de lui sacrifier son fils Isaac - Ismaël pour l'islam -. De ce rocher sacrificiel, toujours guidé par
l'ange Gabriel, le Prophète monte jusqu'au trône de Dieu pour négocier le nombre de prières
quotidiennes. Ce mystérieux voyage nocturne et cette ascension ou Miraj en arabe, sont des légendes
assez tardives, mises par écrit seulement au XIIIème siècle en Espagne. On en trouvera le texte publié
en français dans la collection de poche "Lettres Gothiques" n° 4529, 376 pages, sous le titre "le livre de
l'échelle de Mahomet" La préface de Roger Arnaldez, bon spécialiste de l'islam, donne un bon aperçu
de cette œuvre littéraire.
Cette croyance solidement installée dans l'imaginaire musulman a donné lieu à de nombreuses
reproductions figuratives dans l'art. D'ailleurs, l'ouvrage de la collection Mazenot consacré à l'art
islamique ouvre sur ce sujet en première de couverture.
Noter que Loti désigne ce point de croyance musulmane par l'expression de légende, ce qui montre bien
qu'il n'y adhère pas, que son attirance pour l'islam se situe ailleurs.
Le monument dont parle Loti n'est pas véritablement une mosquée, il retrouve de nos jours son
appellation de Dôme du Rocher. Cet ancien et magnifique monument religieux est la fierté de l'ensemble
du monde musulman, le symbole de Jérusalem avec son dôme recouvert d'or.
Le Haram-ech-Chérif que l'on écrit plutôt actuellement sous la forme "Haram es-Sherif", est l'esplanade
sacrée sur laquelle les musulmans ont érigé la Mosquée Lointaine (El Aksa) en plus du Dôme du
Rocher.
Le mirhab (ou mihrab) est un élément architectural, le plus souvent dans la mosquée, sous forme de
niche arquée qui indique la direction (qibla) de la prière. Le mihrab matérialise et symbolise la caverne,
l'intériorité. L'homme reçoit Dieu dans son cœur. Le plus ancien mihrab est celui que mentionne Loti :
"sous le grand rocher noir, on peut descendre… dans une sorte de grotte obscure et infiniment sainte".
2.3) Les Juifs à Jérusalem vus par Chateaubriand
Tous les voyageurs écrivains du XIXème siècle ont été frappés par l'état de délabrement total de la ville
sainte et l'ont souligné fortement dans leurs récits. Ce que Chateaubriand considère comme "encore
plus remarquable", c'est que dans cette "désolation extraordinaire" deux groupes d'hommes
s'accrochent avec ténacité aux lieux saints de leur religion, et cela, malgré l'accablement et la
persécution menés par les maîtres Turcs du pays. Ce sont d'une part les membres des congrégations
religieuses chrétiennes qui gravitent autour du Saint Sépulcre, et surtout, les Juifs sordidement installés
à l'ombre du souvenir de leur Temple.
Comment ce Français qui vient de vivre la Révolution de 89 émancipatrice des Juifs de France
considère t-il ceux de Jérusalem ? Comment apparaît le judaïsme dans le regard d'un intellectuel
chrétien début XIXème siècle ?
a) Qui sont ces Juifs "dispersés sur la terre" - la diaspora -, ou survivant à Jérusalem ?
Pour Chateaubriand, il n'y a pas de doute, ce sont bien les mêmes que les Juifs de l'antiquité, c'est
d'ailleurs son étonnement majeur : comment, alors que les grands peuples antiques, Grecs, Romains
ou, Perses ont disparu, ce petit peuple, parmi les premiers à émerger de l'histoire, est-il toujours présent
et égal à lui-même - "un peuple encore sans mélange !". Cette illusion de pureté de race est un préjugé
qui perdurera longtemps. Cette vue est bien sur fausse, les Juifs de cette époque ne sont absolument
pas les descendants directs du peuple antique. Aucun peuple n'a vraiment échappé aux brassages de
l'histoire, pas même les Juifs. Cette vue figée du peuple juif est l'un des préjugés les plus tenaces. Un
même peuple accroché à un même lieu. Ce peuple dit-il a "assisté 17 fois à la ruine de Jérusalem".
Certes la ville a été maintes fois prise et malmenée par des peuples conquérants, mais le coup fatal
pour les Juifs fut la destruction du Temple par les Romains. L'attachement au lieu, au-delà de la
disparition physique du Temple, se comprend si on se rappelle que pour les Juifs, Dieu a établi une fois
pour toute sa présence en ces lieux (la shekhina).
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
23/32
Chateaubriand estime que les Juifs sont ici à Jérusalem chez eux, dans leur patrie légitime : "dans les
décombres de sa patrie, ce sont les légitimes maîtres". Cette affirmation peut surprendre sachant que
les Juifs ont été dispersés par les Romains après 135. Chateaubriand fonde cette légitimité sur le passé
biblique. Cet argument d'une terre donnée par Dieu à son peuple élu est encore employé par certains
courants juifs dans l'Etat actuel d'Israël. L'argumentation purement biblique fait fi de toute autre légitimité
d'occupation. En 1806, lors de son voyage, Chateaubriand fustige l'occupant turc. Les Juifs sont dit-il,
"esclaves et étrangers dans leur propre pays".
b) Ce sont en effet des Juifs profondément humiliés par Les Turcs que rencontre Chateaubriand
à Jérusalem
Ces Juifs "baissent la tête" souffrent toutes les "avanies, "sont accablés de coups", "vous les trouverez
dans une affreuse misère" averti Chateaubriand s'adressant aux futurs pèlerins. Ce qui l'étonne, c'est la
résignation de ce peuple qui n'émet aucune plainte face aux injustices et persécutions dont il est victime,
comme si, ce qu'il attend n'était pas de ce monde.
En effet, le messianisme religieux est au centre de la compréhension de ce passage. Le chrétien qui
s'exprime alors en Chateaubriand ne peut comprendre et admettre que ce peuple juif ne reconnaisse
pas Jésus comme le Messie attendu. "Ils demeurent toujours dans leur déplorable aveuglement"
déclare-t-il. Les mots sont forts : "demeurent", c'est toujours l'idée de l'immobilisme, les Juifs ne
changent pas, ce sont les mêmes qu'au temps de Jésus, "le déplorable aveuglement" signifie qu'ils ne
se rendent pas à l'évidence d'un Jésus qui est bien le Messie, le verbe voir = comprendre, qui est utilisé
renvoie pour un chrétien à toute l'activité de Jésus guérissant les aveugles. Ces aveugles là ne veulent
pas être guéris, voilà ce qui scandalise Chateaubriand. Ils attendent toujours le Messie : "un roi qui doit
les délivrer". Le messianisme est perçu ici dans sa dimension politique. Ne pas croire qu'aussi bien
dans l'antiquité que de nos jours, les Juifs sont tous en attende d'un sauveur, cela est vrai pour certains
courants du judaïsme, mais pas tous. Les divergences sont également nombreuses sur la forme que
doit prendre cette venue messianique.15
Globalement, le regard circonstancié de Chateaubriand sur les Juifs de Jérusalem est ambivalent. D'un
côté, il reprend le vieux discours chrétien à l' égard du peuple déicide, donc condamné, rejeté par Dieu
lui-même, "écrasés par la croix qui les condamne", et par ailleurs, sa haine des Turcs oppresseurs ici
comme en Grèce, lui fait percevoir ces Juifs avec une certaine compassion : "Ces maîtres légitimes sont
esclaves chez eux". On ne sait plus très bien de qui vient la punition, de Dieu ou des Turcs ? Ou des
deux ? Les Turcs étant le bras séculier de Dieu comme jadis les Babyloniens. Les Juifs présentés ici
sont somme toute certes écrasés mais résignés, comme hors du temps, suspendus à l'éternelle
promesse divine de sauver quoiqu'il advienne, son peuple élu.
2.4) Les juifs a Jérusalem vus par P. Loti
Dès la première lecture de ce texte, on peut être choqué par le ton très dur de cette envolée judéophobe
qui ne se retrouve pas par ailleurs dans les autres ouvrages de Loti. Comment comprendre ce regard
terrible à l'encontre des Juifs de Jérusalem ? Est-ce la seule influence d'un contexte international et
national défavorable et persécuteur à leur encontre ? Le texte de Loti est publié en mars 1895 dans
Jérusalem, c'est l'époque du tout début de l'affaire Dreyfus en France. Ou bien, les véritables raisons
sont-elles à rechercher dans les ressorts de l'ouvrage lui-même ?
Avant de tenter d'élucider cette question de fond, nous allons expliquer brièvement les références
religieuses juives utilisées ici par Loti ainsi que l'allusion aux persécutions russes qui suscitent un
mouvement migratoire "de masse vers Jérusalem".
a) Eléments de la religion juive cités dans le texte
Trois lieux
Le Mont Sion est l'éperon rocheux situé entre les deux vallées du Cédron et du Tyropeon. Sur cet
ancien lieu cananéen, David édifia la première cité juive. A l'intérieur de la vieille ville, depuis plusieurs
siècles, le quartier juif se situe au sud-est où la porte de Sion ou porte de David, fait face au Mont Sion
plus au sud. Le terme Sion désigne souvent l'ensemble de la ville, comme un autre nom pour dire
Jérusalem. De même que David est devenu le roi idéal, sa cité devient la capitale d'un Israël idéalisé.
Les Juifs de la diaspora rêvent de retourner à Sion. Le mouvement nationaliste de "retour au pays",
lancé fin XIXème siècle, s'appelle le sionisme.
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
24/32
La vallée de Josaphat correspond à la partie de la vallée du Cédron juste à l'est de l'emplacement du
Temple. Le nom Josaphat donné à cette zone vient de l'hébreu qui signifie "Dieu juge". En effet, dans
les croyances juives liées à l'espoir de résurrection, idée apparue au IIe siècle avant J.-C., ce lieu doit
être celui du jugement dernier. Ainsi s'explique cette coutume juive de venir finir ses jours à Jérusalem
de façon à être enseveli à Josaphat afin de profiter en premier de la future résurrection. Cette tradition
juive a été au cours des siècles, imitée par des chrétiens et des musulmans qui ont établi un grand
cimetière sur le versant occidental du Cédron, juste sous les murs de la vieille ville.
Le mur des Pleurs, ou mur des Lamentations, ou Mur occidental, voire tout simplement, le Mur. Il s'agit
d'une partie du soubassement du mur de l'esplanade qui portait le temple juif, et de nos jours, les deux
mosquées. Suite à la destruction du Temple par les Romains à deux reprises, en 70 et en 135, seules
ces assises matérialisent désormais pour les Juifs cette présence physique de Dieu à Jérusalem. C'est
ici que les Juifs, hommes et femmes, viennent prier, prier pour le Temple perdu certes, mais aussi prier
dans l'espérance que Dieu viendra à nouveau sauver son peuple. A l'époque de Loti, si les Juifs
bénéficient d'une certaine acceptation au sein de l'empire ottoman, à Jérusalem leur accès au Mur est
sévèrement réglementé. C'est un étroit couloir de 3 à 4 mètres de large, 16coincé entre les grosses
pierres hérodiennes du mur proprement dit et de sordides maisons du quartier juif.17 Il faut acquitter une
taxe pour venir y prier et encore toute installation est interdite, même simple, comme des sièges, un
auvent, des pupitres ou le déploiement des rouleaux de la Torah. De nombreux petits papiers glissés
dans les interstices des pierres, sont des indices spécifiques de la foi tenace des Juifs sur ce site. Leur
dévotion est cependant souvent perturbée par des jets de pierres ou de détritus du haut du Mur par des
musulmans. Lors de son premier voyage à Jérusalem, le juif français, Edmond de Rothschild tente de
racheter le Mur des lamentations au "Waqf" musulman, nom de l'association propriétaire. Le projet
échoua du fait de l'opposition du rabbin séfarade qui craignait qu'un massacre s'en suive.18 Pierre Loti
affirme que les Juifs au Mur récitent les lamentations de Jérémie. En effet, selon la tradition, Jérémie,
l'un des grands prophètes juifs, témoin de la destruction du Temple de Salomon et du Royaume de Juda
en 587 avant J.-C., passe pour être l'auteur du Livre des Lamentations, l'un des livres de la Bible. Ce
Livre ouvre sur la désolation de Jérusalem et se clôt sur une prière d'espoir : "O seigneur, souviens-toi
de nous et sauve-nous".
Fête et culte
Le sabbat. Loti décrit ce jour, qui va du vendredi soir au samedi soir, comme un jour de fête religieuse
où toute activité est suspendue. Le Chabbat (écriture plus proche de la prononciation hébraïque), 7e jour
de la semaine est donc jour de repos, et cela en commémoration du repos divin lors de la création.19
La synagogue est le lieu de la prière publique juive, elle existe déjà à l'époque du Temple, mais devient
avec sa destruction, le seule lieu désormais pour un culte sans sacrifice. Lors des cérémonies
religieuses, tête couverte, les Juifs viennent y lire les rouleaux de la Torah précieusement conservés et
vénérés dans une sorte de tabernacle appelé l'Arche sainte. A propos de livres saints du judaïsme, Loti
parle de Bible et de "livre de psaumes" ou psautier. Ces expressions relèvent plus du christianisme que
du judaïsme. Un Juif généralement ne se promène pas une Bible à la main. Pour faire comprendre
éventuellement aux élèves ce que sont réellement les livres sacrés juifs, sources et commentaires,
consulter le petit ouvrage sur le judaïsme pour débutant (note 4) où ce sujet complexe y est clairement
et simplement exposé.
b) Les Juifs à Jérusalem que rencontre Pierre Loti sont en fait peu nombreux, quelques milliers
seulement, et, cependant, leur nombre a cru fortement depuis quelques années auparavant. Loti le
souligne et attribue cette migration de la diaspora aux persécutions qu'ils subissent dans l'empire russe.
Qu'en est-il de ces persécutions qui vont susciter une première "aliya", une "montée vers Jérusalem" ?
Le siècle des Lumières avait conduit à l'émancipation des Juifs dans de nombreux pays européens. Ce
mouvement libérateur cesse dans les années 80 du XIXème siècle. L'Europe de l'ouest cesse de
soutenir le mouvement et laisse ainsi s'épanouir la violence de l'antijudaïsme du monde orthodoxe. Le
premier massacre de Juifs (pogrom) a lieu dans la troisième ville de l'empire russe, Odessa en 1821.
Lors de l'assassinat de l'empereur Alexandre II en 1881, ce sont les Juifs qui sont accusés par la
population. Le pouvoir emboîte le pas et publie toute une législation discriminatoire à leur encontre. Dès
lors, les solutions passent par l'émigration. Celle-ci se dirige essentiellement vers l'Europe occidentale et
notamment l'Allemagne, vers l'Amérique et secondairement vers la Palestine. Dans ces années qui
précédent le voyage de Loti à Jérusalem, se mûrit en Europe l'idée d'une installation dans une patrie en
Palestine, ce qui s'institutionnalisera avec le sionisme de Th. Herzl deux ans plus tard en 1897 lors du
congrès de Bâle.
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
25/32
Loti cite, en inversant les termes, les deux grandes branches du peuple juif :
- les Ashkenazes ou Achkhenazim en hébreu, sont les Juifs originaires d'Europe Centrale et Oriental,
- les Séfarades ou Sépharades (Sefaradim), sont des Juifs originaires du bassin méditerranéen, surtout
après leur expulsion d'Espagne et du Portugal. A Jérusalem les Ashkenazes viennent alors de
Bielorussie, ils sont fin XIX e siècle, plus nombreux que les séfarades. Certes Loti inverse les noms,
mais perçoit bien la différence vestimentaire que conservent ces deux groupes juifs.
c) Le regard hostile de Loti à l'égard des Juifs
Les expressions employées dans sa description des Juifs de Jérusalem semblent sortir tout droit de la
pire des caricatures tellement elles sont insupportables. S'il y a bien dans son tableau quelques enfants
juifs couleur rose bonbon, la plupart des personnages sont des vieillards qui font peur. Le regard est
faux, l'expression est basse, rusée, ignoble, leur visage où se remarque leur long nez mince est encadré
de vieilles papillotes grises et coiffés d'un chapeau ou d'un bonnet aux longs poils. A les voir dit-il, on a
"le cœur glacé par toutes leurs abjectes figures". On ne peut guère faire plus fort dans ce domaine. Tous
les poncifs sont présents. Le Juif est l'autre dont il faut se méfier mais cependant sa misère fait pitié.
Pourquoi un tel passage qui a choqué bien de ses contemporains, alors qu'on ne retrouve pas une telle
virulence dans ses autres œuvres où des Juifs sont présents : Aziyadé, vers Ispahan, Turquie
agonisante ?, alors qu'il avait de bons amis juifs : le philosophe Bergson, l'actrice Sarah Bernhardt,
jusqu'à son éditeur, la maison Calmann-Levy.
Certes Loti participe aux préjugés de son temps20 mais la clef est à rechercher dans la logique même de
l'ouvrage Jérusalem. Même sans foi, c'est un pèlerin qui va à Jérusalem, à la recherche d'une éventuelle
grâce du Christ. Fortement déçu de l'échec de "sa mise en demeure", n'ayant pas retrouvé la foi de son
enfance, le vieux réflexe chrétien anti-juif se réveille et même s'exaspère, mais seulement sur les lieux
saints de Jérusalem, lieu de l'acte criminel reproché aux Juifs.
Oui, pour Loti, les Juifs de son époque portent bien la marque de leur condamnation par Dieu, à ça ne
se discute pas dit-il, "c'est incontestable" ! "Il y a un signe particulier inscrit sur ces fronts !" Une
deuxième raison tient aux destinataires de l'ouvrage. Jérusalem est destiné, dédié aux chrétiens, à
Juliette Adam profondément catholique et antisémite, aux Turcs aussi"21 Il pense peut être ainsi faire
plaisir à ses lecteurs catholiques qui en France, ne vont pas tarder à se déchirer lors de l'affaire Dreyfus.
Sa passion pour les Turcs et pour l'islam dans une certaine mesure, l'ont aussi conduit à durcir
sottement son regard sur les juifs. La dernière phrase de son texte souligne bien le contraste qu'il
entend faire connaître entre "les têtes basses" des Juifs et "les belles attitudes arabes : "au lieu des
robes étriquées, les amples draperies nobles".
L'antisémitisme de Loti est ambigu, presque instinctif, en tout cas non "fondé scientifiquement" comme
essaieront de le faire d'autres après lui. S'il compatit avec les éternelles souffrances juives, aussitôt il se
reprend : " Pour un peu on pleurerait avec eux, si ce n'étaient des Juifs!".
Ce texte de Loti montre bien comment une culture religieuse même chez un incroyant affiché, peut
orienter le regard, combien le fait religieux est complexe. On ne peut pas à la lecture de ce texte ne pas
avoir en tête tous les évènements postérieurs qui toucheront le peuple juif, la ville de Jérusalem et
même le regard nouveau qu'essaieront d'avoir les catholiques après Vatican II sur les Juifs, ces ex
étranges étrangers !
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
26/32
ANNEXE 1 : ETUDE SYNTHETIQUE DU PREMIER GROUPEMENT DE TEXTES
1 - Motivation du voyage
FLAUBERT
Date du voyage
Août 1850
Date de publication
1880-1910
2 - Les modalités du voyage
3 - Les images en tête (image rêvée)
Voyage à cheval escorté d'une
imposante caravane de 8
hommes et de 10 mulets,
4 chevaux.
Bivouac à la belle étoile ou en
caravansérail, départ tôt le
matin pour éviter la chaleur
Impression d'aventure, c'est
"le vrai voyage".
"C'est bien là l'orient". Le voyageur a
l'esprit pétri de clichés qu'il est
heureux de retrouver.
"J'ai aperçu Jérusalem… j'ai pensé
au Christ". La ville est perçue
comme figée dans cet acte créateur
du christianisme
CHATEAUBRIAND
Octobre 1806
1811
LAMARTINE
Octobre 1832
1835
LOTI
Avril 1894
1895
Essai de retour aux origines
afin de retrouver des
repères disparus dans cette
époque "de décadence",
dans "cet âge inquiet".
Voyage à cheval avec
compagnons et escorte et un
"guide".
"Nous arrêtâmes nos chevaux
pour la contempler".
Voyage à cheval (et en
costume local), impression
d'aventure.
Mais, à cette époque,
apparaissent de nouvelles
De son "âme tourmentée"
conditions de voyages : le
monte "une vague adoration chemin de fer: "le chemin de
désolée"
fer passe, siffle, affole mon
cheval"
Retrouver la foi perdue de
son enfance: "le récit de
mon pèlerinage sans foi"
4 - Image trouvée
"Jérusalem est d'une
tristesse immense"
"la malédiction de Dieu
semble planer sur cette ville
FLAUBERT
où l'on ne marche que sur
des merdes et où l'on ne voit
que des ruines".
" Une ville désolée"
"Les maisons sont de
lourdes masses carrées…
elles ressemblent à des
prisons ou à des sépulcres".
CHATEAUBRIAND Impression de "monuments
confus d'un cimetière au
milieu d'un désert". Un
sentiment de paysage
minéral qui inspire l'idée de
tristesse, voire de mort.
5 - Le cadre de la ville
"Jérusalem est un charnier
entouré de murailles".
"Le ciel, les pierres, les
ruines".
Des montagnes, un désert de
pierres parsemés de quelques
cyprès et "de buissons de
nopals" (le nopal est une
cactée qui donne les figues de
barbarie).
"Jamais je n'oublierai ce désert
qui semble respirer encore la
grandeur de Jéhovah et les
épouvantements de la mort".
"La Sainte", "El-Cods" en arabe :
conscience du caractère sacré de
Jérusalem.
"La cité déicide". La ville est perçue
essentiellement dans sa dimension
chrétienne des origines (la ville juive
a mis à mort Dieu incarné en
Jésus).
Il a en tête toute l'histoire biblique de
Jérusalem, ainsi que les chroniques
historiques des croisades.
Jérusalem, la ville de l'histoire, du
passé :"les souvenirs de l'histoire".
"C'était elle !".
"C'était la montagne des Oliviers".
Les images de l'histoire sainte de
son enfance sont omniprésentes à
sa pensée. Chaque lieu saint
évoque immédiatement une scène
d'évangile.
"C'est bien encore l'antique
Jérusalem, comme sur les images
des naïfs missels" : les clichés en
tête sont ceux véhiculés par la
religion chrétienne dans sa version
populaire.
6 - le registre des couleurs
"Les montagnes blanches
d'Hébron".
Le ciel est pâle, blanc dur
Il rêve d'une peinture du Christ en
robe bleue sur un décor de palmes
vertes.
Pas de mention de couleur
particulière, mais d'obscurité.
"L'obscurité de ce labyrinthe".
Un paysan se glisse dans l'ombre".
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
27/32
4 - Image trouvée
5 - Le cadre de la ville
6 - le registre des couleurs
LAMARTINE
"Contempler Jérusalem
dans cette mystérieuse et
éblouissante apparition"
Décrit-il ce qu'il voit, ou ne
se complait-il pas dans
"l'illusion" entretenue d'une
Jérusalem idéalisée ?
Même remarque dans
l'adéquation décrite entre le
paysage du Mont des
Oliviers et la scène associée
de l'agonie du Christ.
"J'admirai combien ce lieu
avait été divinement
prédestiné"
un paysage de collines
des murs de pierres sèches
entourent les champs.
Un paysage de vieux oliviers
noueux.
Une impression presque de
mirage offerte par un espace
inondé de lumière
LOTI
Une volonté de "noter les
aspects actuels de sa
désolation et de ses ruines".
"La masse étrangement
triste" de cette "ville aux
grands murs".
L'impression d'une ville qui
appartient au passé, comme
d'ailleurs les religions.
"Oh ! l'éclat mourant de ce
nom!".
Un cadre de montagnes et de
collines
Un contraste entre la vieille
ville entourée de "ténébreuses
Couleurs sombres :
murailles crénelées qui
"Jérusalem sombre et haute… sous
couvrent la colline de droite" et
un ciel noir"
le quartier moderne des
hôtels, de la gare, des usines
qui forment "un amas banal et
pitoyable des constructions".
FLAUBERT
7- sites mentionnés
Mont des oliviers et Saint
Sépulcre.
Maisons de Pilate et de Ste
Véronique.
La porte de jaffa et un
couvent arménien
8 - éléments de description
9 - Quelle présence humaine ?
Des murailles en bon état.
Le Saint sépulcre avec ses
différentes chapelles
Des Juifs polonais, des Arméniens,
des Grecs, des latins, des Coptes.
Des soldats turcs, le pacha turc
Une "muraille crénelée fortifiée
par des tours et un château
gothique".
Des maisons aux formes
Le Mont des oliviers, le Mont
"lourdes et carrées", serrées,
Sion, le calvaire, le Dôme de
"basses, sans cheminée et
l'église du Saint Sépulcre, le
sans fenêtres ; elles se
CHATEAUBRIAND
temple (juif) lui est détruit.
terminent par des terrasses
Les vallées du Cédron et de
aplaties ou en dôme".
Josaphat
"Le labyrinthe du bazar voûté".
Une silhouette urbaine faite de
"clochers d'églises et de
minarets de mosquées".
LAMARTINE
LOTI
Beaucoup de couleurs assez
austères.
Jérusalem "se détache en jaune
sombre et mat sur le fond bleu du
firmament et sur le fond noir des
Oliviers".
(Les oliviers) "Quelques tiges
noircies de quelques petites olives
bleues".
"Quelques arbres larges et noirs".
le janissaire (soldat turc membre de
la garde du sultan).
le cadi (juge musulman)
le bédouin (arabe nomade)
le fellah (paysan)
le boucher arabe
Mont des oliviers
Mont Sion
"Quelques pointes de
minarets, des créneaux de
murs, quelques dômes qui
pyramident derrière la tour".
Description du Mont des
oliviers.
Absence humaine dans ce passage.
-Le Saint Sépulcre, la
Mosquée d'Omar : "la
merveilleuse Mosquée
d'Omar".
Murailles et grands murs
Des "couvents et églises de
tous styles et de tous pays.
"Des gens de toutes nationalités :
des Arabes et des Turcs, des
bédouins.
Des figures du nord que nous
n'attendions pas, pèlerins russes"
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
28/32
FLAUBERT
10- références religieuses.
11 - Conclusion de cette visite à Jérusalem.
Il imagine le Christ "montant sur le Mont
des Oliviers".
C'est la fin du mois de ramadan, tout est
fermé pour la fête musulmane de Baïram
(expression turque).
Lui l'incroyant s'étonne d'être ému à la vue de
la cité sainte :" Vous ne croiriez pas. et bien,
quand j'ai aperçu Jérusalem, ça m'a fait tout
de même un drôle d'effet". "C'est une date
dans la vie, cela pauvre chère mère" écrit-il en
arrivant. Certes, il sera très déçu par ce qu'il
vit.
Il regrette d'être dans une époque antireligieuse, où la religion est vécue comme une
"El Cods" la Sainte pour l'islam.
"ridicule superstition".
"La mission du Fils de l'Homme"
Lui en garde la nostalgie.
CHATEAUBRIAND
Cite
Abraham,
les
"compilations
Jérusalem est comparée à cette terre
rabbiniques".
familière et maternelle que quitte à regret le
navigateur.
LAMARTINE
LOTI
"L'agonie (et la passion) de l'hommeDieu".
"L'océan d'angoisse qui dut inonder le
cœur du Fils de l'homme".
Cite le roi juif David dont descend Jésus.
Nous ne sommes plus dans l'âge de la foi,
mais dans un âge "inquiet".
Lamartine regrette d'être un poète du temps "
de la décadence", il est déçu par Jérusalem, il
le savait bien avant : ne parle t-il pas dès le
début du texte, d'illusion. Jérusalem est un
mirage.
"Celui qui jadis s'appelait le rédempteur".
Ce voyage-pèlerinage à Jérusalem est
décevant : ce n'est pas vraiment une surprise,
il le savait à l'avance.
Faute d'en ramener la foi, il veut garder un
bon souvenir, un souvenir esthétique :" revoir
la merveilleuse mosquée d'Omar, en rester,
faute de mieux hélas, sur le souvenir de cette
splendeur".
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
29/32
ANNEXE 2 : ILUSTRATIONS
1 - Jérusalem vue du mont des Oliviers par David ROBERTS
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
30/32
2 – L'AGONIE AU JARDIN DES OLIVIERS , d'André Mantegna, 1460, Musée de Tours
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
31/32
1
Voir Littérature, rites et liturgies, sous la direction d'Emmanuel Godo, Imago, 2002, 306 p.
2
G. Barthèlemy, Images de l'Orient, Parcours de lecture, B. Lacoste, 126 p. 1992.
3
Une anthologie des voyageurs français dans le Levant au XIX e siècle : Jean-Claude Berchet, Le Voyage en
Orient, Bouquins, R. Laffont, 1108 p., 1985.
4
Thackeray, Notes sur un voyage de Cornhill au Caire, 1846. Disraeli évoque son séjour de 1831 dans sa
correspondance.
5
Page 43 de David Mendelson, Jérusalem, ombre et mirage, Coll. Comprendre le Moyen Orient, L'Harmattan,
2000, 295 p.
6
G. Bachelard, L'air et les songes. Essai sur l'imagination du mouvement, Paris, José Corti, 1943, p.200
7
Les références des citations sont données dans David Mendelson, op. cit.
8
Ismaël en hébreu donne Ismaïl en arabe. Dans l'islam, le lieu d'errance d'Agar, mère des Arabes et de son fils
Ismaïl est identifié à la Mecque où se trouve le puits de Zamzam que Dieu fit jaillir au pied d'Ismaïl assoiffé.
9
Récemment à Alexandrie, sur l'emplacement même de la bibliothèque antique, dans le cadre d'un projet
conduit par l'Unesco et par l'Etat égyptien, a été construite une nouvelle bibliothèque. C'est un immense
bâtiment moderne, de forme circulaire comportant neuf niveaux et descendant au-dessous du niveau de la
mer. Sur 60 000 m2, elle accueillera 5 millions de volumes.
10
Voir sur ce point Paul Bamlta, Islam, civilisation et sociétés, Edition du Rocher, 296 p, 1991. L. Gardet,
C. Bouamrane, Panorama de la pensée islamique, Sindbad, 361 p., 1984.
11
Sur ce mythe de la bataille de Poitiers de 732 où Charles Martel sauve l'occident, voir l'excellent petit ouvrage
d'Elisabeth Carpentier, Les batailles de Poitiers, Charles Martel et les Arabes en 30 questions, Geste Editions,
63 p., 2000.
12
S. Huntington, Le choc des civilisations, New York, 1996, trad. française, Paris, le seuil, 1997.
13
Dans la présentation comparée des religions faite par Chateaubriand, c'est exclusivement le christianisme qui
transmit à l'Europe le bel héritage culturel antique. Nous savons combien cette vue est fausse. L'islam, par la
Sicile, par l'Andalousie, fit passer tout un pan non négligeable de cette culture antique. Citons au moins le
philosophe Averroès - Ibn Rushd en arabe, qui fit connaître Aristote à l'occident chrétien.
14
Ghaleb Bencheikh, Alors, c'est quoi l'islam ? Presses de la renaissance, 2001, 105 p. L'auteur, expose à la
suite des attentats du 11 septembre 2001, ses réponses claires en faveur d'un islam ouvert face aux préjugés
d'une part et face aux dérives islamistes d'autre part. Un petit livre à recommander.
15
A Jérusalem, cette attende messianique existe toujours, en juillet 2002, certains Juifs avaient cru déceler cette
venue en interprétant un suintement sur une pierre du Mur des Lamentations.
16
Voir la lithographie de l'Allemand Gustave Bauermfein (1848-1904) et que l'on peut trouver dans le Magazine
Méditerranée, Hors Série n° 2 intitulé Jérusalem, de nov. 1994, p.45.
17
Ce n'est qu'en 1967, lors du succès militaire d'Israël lors de la guerre des 6 jours, que l'esplanade du Mur fut
créée au prix de destructions de maisons palestiniennes.
18
Henry Laurens, La question de Palestine, T.1 (1799-1922), Fayard, 1999, 713 p. cf. p. 130.
19
Voir le long article, Chabbat dans le Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme, chez Robert Laffont, collection
Bouquins, et pour les élèves, consulter Charles Szlakmann, le Judaïsme pour débutants, La découverte, 2000,
192 p. De nombreux petits dessins humoristiques font facilement comprendre des choses difficiles.
20
H. Laurens, dans La question de Palestine p. 93, explique fort bien le basculement des esprits en Europe
occidentale à partir des années 1880 vers ce qui s'appelle désormais l'antisémitisme. La philologie est alors la
science qui domine. Les Juifs sont perçus comme une race, cette nouvelle forme de judéophobie est liée au
passage des nationalités au nationalisme. C'est l'époque du grand succès de librairie de Drumont avec sa
France juive de 1886.
21
Alain Quella-Villéger, Loti, le pèlerin de la planète, Editions Aubéron, 1998, 524 p., cf. p. 219.
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org – 2008
32/32