L`organisation de la société sous l`Ancien Régime.

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L`organisation de la société sous l`Ancien Régime.
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L’organisation de la société sous l’Ancien Régime.
« Quant aux animées, les intelligences célestes ont leurs ordres hiérarchiques,
qui sont immuables. Et pour les regards des hommes qui sont ordonnés de Dieu pour
commander aux autres créatures animées de ce bas monde, bien que leur ordre soit
muable et sujet à vicissitude, à cause de la franchise et liberté particulière que Dieu leur
a données au bien et au mal, si est-ce qu’ils ne peuvent subsister sans ordre. Car nous
ne pourrions pas vivre ensemble en égalité de condition, […] il faut par nécessité, que
les uns commandent, et que les autres obéissent. Ceux qui commandent ont plusieurs
ordres, rangs ou degrés : les souverains seigneurs commandent à tous ceux de leur
État, adressant leur commandement aux grands, les grands aux médiocres, les
médiocres aux petits, et les petits au peuple. Et le peuple, qui obéit à tous ceux-là, est
encore séparé en plusieurs ordres et rangs, afin que sur chacun de ceux-ci il y ait des
supérieurs, qui rendent raison de tout leur ordre aux magistrats, et les magistrats aux
seigneurs souverains. Ainsi par le moyen de ces divisions et subdivisions multipliées, il
se fait, de plusieurs ordres un ordre général, et de plusieurs États un État bien réglé,
auquel il y a une bonne harmonie et consonance, et une correspondance et rapport du
plus bas au plus haut, de sorte qu’enfin par l’ordre un nombre innombrable aboutit à
l’unité. [...] Voilà quant à ceux qui commandent, et quant au peuple qui obéit, parce que
c’est un corps à plusieurs têtes, on le divise par ordres, états ou vacations* particulières.
Les uns sont dédiés particulièrement au service de Dieu ; les autres à conserver l’État
par les armes ; les autres à le nourrir et maintenir par les exercices de la paix. Ce sont
nos trois ordres ou États généraux de France : le clergé, la noblesse et le tiers état.
Mais chacun de ces trois ordres est encore subdivisé en degrés subordonnés, ou ordres
subalternes, à l’exemple de la hiérarchie céleste, dont traite saint Denis l’Aréopagite [...].
Les degrés ou ordres subalternes du clergé sont assez notoires, outre les quatre
mineurs, et celui de tonsure, il y a les ordres sacrés du sous-diacre, diacre, prêtre,
évêque, et enfin on a ajouté celui de cardinal, et il y a encore les divers ordres des
moines. Ceux de la noblesse sont la simple noblesse, la haute noblesse, et les princes.
Finalement au tiers état, qui est le plus ample, il y a plusieurs ordres, à savoir des gens
de lettres, de finance, de marchandise, de métier, de labour et de bras, dont toutefois la
plupart sont plutôt simples vacations que ordres formés. »
Loyseau, Charles, Les Œuvres de Maistre Charles Loyseau, contenant les cinq livres du
Droit des offices, les Traités des Seigneuries, des Ordres et simples dignités, du
Déguerpissement et délaissement par hypothèque, de la Garantie des rentes et des
abus des justices de village, Paris, chez Michel Brunet, 1678, « Le Traité des Ordres et
simples dignités », « Avant Propos », p. 1-2.
* Vacation : condition, état.
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Loyseau, Charles (Paris 1564-id 1627). Jurisconsulte français. Fils d’un jurisconsulte honoré de la
confiance de Diane de Poitiers et du duc d’Aumale, il est reçu avocat au Parlement de Paris, puis nommé
lieutenant particulier du présidial de Sens. Il occupe ensuite la place de bailli de Châteaudun pendant dix
ans, mais revient à la profession d’avocat à la fin de sa vie. Malgré ses nombreuses occupations, il publie,
en 1614, plusieurs traités : traité des Offices, des Seigneuries, des Ordres et simples dignités, du
Déguerpissement et délaissement par hypothèques, de la Garantie des rentes et abus des justices de
village. Ayant une connaissance profonde du droit romain, Loyseau s’attache à résoudre les difficultés du
droit coutumier. Il éclaircit un des domaines les plus ardus de ce droit dans son traité du
Déguerpissement. Ses œuvres, plusieurs fois rééditées, sont des témoignages importants sur notre
ancienne constitution féodale. Loyseau y traite de la lutte qui oppose la noblesse d'ancienne origine aux
officiers royaux qui constituent une élite, solidement formée à l'humanisme dans les collèges de jésuites
et d'oratoriens. Il y défend aussi l’idée selon laquelle la division de la société en plusieurs ordres est
voulue par Dieu.
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