Les plateformes santé ne cessent de ramener l`opticien à un

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Les plateformes santé ne cessent de ramener l`opticien à un
"Les plateformes santé ne cessent de ramener l’opticien à un
simple exécutant"
vendredi, 18 septembre 2015
À peine dévoilée dans la presse, l'offre "Carte Blanche - Prysme" a suscité beaucoup de réactions
chez les opticiens. C'est une nouvelle fois la légitimité des réseaux de soins qui fait question. Dans ce
débat, la Fnof vient à son tour de prendre position.
Prysme, rappelons-le d'emblée, c'est le nom de cette offre sans reste à charge à travers laquelle
Carte Blanche propose sa propre collection de montures, notamment françaises, "de qualité",
associées à des verres Nikon, Essilor ou Zeiss. Une première, dans l'univers des réseaux de soins, qui
fait bien des remous. A peine présentée, cette offre inédite a suscité de vives réactions de la part de
nombreux opticiens qui ont massivement investi les réseaux sociaux pour faire entendre leur
indignation. En cause d'abord : le fait que cette collection maison, baptisée 1796, soit une des
conditions du référencement des opticiens. En clair, un opticien qui veut se voir conventionner dans
le cadre du réseau Carte blanche en cours de renouvellement doit s'engager à proposer cette
collection. "Je trouve que Carte Blanche pousse le bouchon un peu trop loin, s'agace, comme nombre
de ses confrères, un opticien parisien qui s'estime d'autant plus apte à manifester son
mécontentement qu'il pensait de nouveau candidater à ce réseau : "Que la plateforme nous impose
sa collection est une nouvelle forme d'ingérence dans notre métier. Jusqu'où ira-t-on ?" Joint par
téléphone, Jean-François Tripodi, le directeur général de Carte Blanche prend acte de cette grogne,
avant de la relativiser : "Il y aura toujours des mécontents. Ce que je constate de mon côté, c'est
qu'en l'espace de trois jours, à partir du moment où nous avons lancé l'appel à candidatures pour le
renouvellement du réseau, plus de 1 300 opticiens se sont engagés dans la démarche de
conventionnement. C'est donc qu'ils jugent notre approche pertinente pour eux."
Si le reproche d'ingérence revient souvent sous la plume des opticiens qui prennent la parole sur les
réseaux sociaux, beaucoup s'interrogent d'autre part sur la centrale CBP, créée pour commercialiser
cette collection. Un rapide calcul est au centre de tous les débats : en admettant que 6 000 opticiens
au minimum, selon les prévisions de Carte Blanche, fassent l'acquisition de la totalité de la collection
1796 pour un montant avoisinant les 1 600 euros, la centrale CBP devrait engranger plusieurs
millions d'euros de chiffre d'affaires. Là-dessus, M. Tripodi assure vouloir jouer la carte de la
transparence : "Il faut avoir à l'esprit qu'un tel montant aura vite fait d'être absorbé, entre l'achat des
montures (300 000 ont déjà été commandées_ndlr) aux fabricants français, la logistique et le SAV, car
il y aura bien évidemment un SAV d'une durée de deux ans à compter de la date d'achat du produit
par l'opticien". Et le directeur général de Carte Blanche de préciser, sans doute pour calmer les
esprits, que l'opticien peut tout aussi bien, s'il le souhaite, passer par sa centrale habituelle pour
autant que celle-ci ait référencé la collection 1796 comme n'importe quelle autre marque de
montures.
Puisqu'aujourd'hui la plateforme propose - et, de fait, impose - ses propres lunettes, à quand une
offre de verres en marque propre ? La question est posée par bien des opticiens pour qui ce sera, à
coup sûr, la prochaine étape des plateformes de santé. "N'aurait-il pas intérêt, dans un futur proche,
à vendre leurs verres en leur nom ?", s'interroge une opticienne qui hésite encore à postuler au
réseau Carte Blanche. Réponse de M. Tripodi : "Diverses études internes menées auprès de nos
adhérents nous montrent qu'ils sont très attachés à la marque de leurs verres. Autant ils sont ouverts
dans le choix de la lunette, autant ils attendent vraiment un verre de marque. Donc, non, nous
n'avons pas vocation à produire nos propres verres."
Les explications et précisions du directeur général de Carte Blanche suffiront-elles aux yeux des
opticiens qui appellent déjà à boycotter le conventionnement de la plateforme ? Pas sûr. Ce qui est
certain en revanche, c'est qu'ils trouveront en la Fédération nationale des Opticiens de France un
relais de poids. Ce matin, Alain Gerbel, son président, a pris la parole dans un communiqué pour
dénoncer, selon lui, des "atteintes répétées à la liberté d’exercer des opticiens (qui) sont intolérables.
La surenchère permanente sur les conditions d’exercice (obligation d’une certification unique,
équipement en OPTOAMC, référencement des fournisseurs verres, …) n’est plus acceptable",
s'insurge-t-il après avoir constaté que "d’appels d’offres en appels d’offres, les plateformes santé ne
cessent de ramener l’opticien à un simple exécutant". Puisque "rien ne semble arrêter les
plateformes santé", la Fédération a mis en ligne sur son site (www.fnof.org) une pétition "Non aux
réseaux de soins en optique". Elle sera remise au Parlement et au Ministère de la santé début
octobre.