ANNEXE Leçon 6: La Nation start-up

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ANNEXE Leçon 6: La Nation start-up
ANNEXE
Leçon 6: La Nation start-up
ANNEXE 1
Article de Vincent Lamigeon
"L'incroyable machine de guerre d'Israël"
(Challenge, 21 mars 2014)
ENQUETE
Fort d'une industrie de pointe et d'une armée, Tsahal, prête à essayer tous les
prototypes, l'Etat hébreu est devenu l'un des plus puissants marchands d'armes du
monde.
C'est un engin étrange, aux faux airs de Batmobile. Un drone futuriste que bichonnent
deux techniciens dans un hangar discret de Yavné, morne zone industrielle au sud de TelAviv. L'AirMule, sorte de voiture volante d'une tonne dont les deux rotors sont intégrés au
châssis –et donc protégés–, est conçu pour évacuer les soldats blessés ou transporter du
matériel en zone de guerre urbaine, là où les hélicoptères, plus vulnérables, ne peuvent
passer.
Rafi Yoeli, le patron de la start-up Urban Aeronautics, caresse le fuselage de la bête: "Il y a
dix ans, cet engin relevait de la science-fiction, sourit cet ancien du géant Israel Aircraft
Industries (IAI), où il avait participé au lancement du drone Scout dès 1976. C'est la
deuxième révolution du secteur, après la création des premiers drones." Le prototype sera
testé en conditions réelles fin 2014 dans le désert du Néguev, au sud du pays, sous l'œil
de Tsahal, l'armée israélienne, et de l'US Navy, qui ont participé au financement.
7% du marché mondial
L'AirMule, futur carton commercial ? Ce ne serait pas le premier best-seller de l'armement
Made in Israël. Avec 7,5 milliards de dollars d'exportations en 2012, deux fois plus qu'il y a
dix ans, et 7% de part de marché mondial, Israël est désormais le cinquième vendeur
d'armes du monde. Il devance même largement les Etats-Unis dans les ventes mondiales
de drones, selon le cabinet Frost & Sullivan. "Israël a réussi à prendre des positions très
fortes dans les pays émergents, notamment en Inde et en Amérique du Sud", souligne
Guy Anderson, analyste en chef au cabinet IHS.
Fort de quatre champions qui réalisent 80% de leurs ventes à l'export (IAI, Elbit Systems,
Rafael et IMI), l'Etat hébreu épingle même à son tableau de chasse des pays musulmans,
tels la Turquie, l'Algérie ou le Pakistan! Comment ce pays de 8 millions d'habitants, plus
petit que la Normandie, s'est-il transformé en une telle machine de guerre ? En opérations
militaires quasi constantes, Israël a réussi le tour de force de transformer sa situation
géopolitique en argument commercial. "Le fait que nos produits, comme les radars ou les
avions de surveillance, soient utilisés en grandeur nature par l'armée israélienne est un
atout décisif", confirme Boaz Nathan, responsable marketing d'Elta, la filiale électronique
d'IAI.
Pionnier des drones
Tsahal joue les super-VRP des drones Heron et Hermes, des missiles du champion
israélien Rafael, ou encore du bouclier antimissile Iron Dome, qui intercepte les roquettes
lancées de Gaza ou du sud du Liban. Pilier d'un pays qui consacre 5,7% de son PIB à la
défense, et où le service militaire est une institution intouchable (trois ans pour les
hommes, deux pour les femmes), l'armée est aussi un partenaire ultraréactif pour
l'industrie. "Ici, tout est fluide. Iron Dome a été développé en trois ans, assure Rafi Yoeli, à
Urban Aeronautics. Il aurait peut-être fallu dix ans dans un pays plus grand."Cette capacité
d'adaptation a fait d'Israël un précurseur de l'utilisation des drones, dix ans avant les
Etats-Unis.
"Nous avons commencé à travailler sur le sujet après la guerre du Kippour en 1973, où
40% de l'aviation israélienne avait été détruite faute de renseignements fiables, explique
Shmuel Falik, directeur régional de Malat, la division drones d'IAI. Cette expérience nous a
donné une avance technologique décisive : nous sommes en duopole avec les Etats-Unis
sur les drones de surveillance." IAI développe la gamme la plus large du marché, du
Butterfly, microdrone de 13 grammes capable d'entrer dans les bâtiments, au Heron TP de
5 tonnes et au drone kamikaze Harop, qui peut tourner des heures pour identifier sa cible
avant de fondre sur elle. Le concurrent Elbit Systems est leader des drones tactiques
(courte portée) avec sa gamme Hermes.
Obsession du high-tech
Le mot d'ordre israélien : le high-tech, rien que le high-tech. "Israël s'est spécialisé sur des
niches dont ses groupes sont leaders, comme les drones, l'électronique de défense, les
missiles, les systèmes de défense aérienne ou la cyberguerre", résume Pierre Razoux,
directeur de recherche à l'Institut de recherche stratégique de l'Ecole militaire (Ir sem). "On
ne se bat pas sur les prix ou sur des imitations des produits de la concurrence, confirme
Daniel Friedmann, vice-président de la branche aérospatiale d'Elbit. Nous visons plutôt les
marchés à forte valeur ajoutée, par exemple, les cas ques de pilotes de chasseurs ou
l'avionique."Coté au Nasdaq, le groupe a vendu plus de 11.000 casques sur tous les types
de plateformes, des MiG-21 russes aux F-35 américains et Mirage 2000 français. Soit
85% de part de marché mondial.
Cette obsession du high-tech donne à l'arsenal militaire israélien des airs de film de
science-fiction. Comme le bouclier antimissile qu'Israël est en train de développer : le
système Iron Dome contre les roquettes ; David's Sling contre les missiles de moyenne
portée ; et Arrow 3, un système développé avec Boeing destiné à intercepter d'éventuels
missiles balistiques dans l'espace. Rafael a même annoncé en février au Salon
aéronautique de Singapour le développement d'un système, Iron Beam, qui détruira les
roquettes par rayon laser, façon Star Wars…
Soutien massif américain
Israël s'attaquera-t-il un jour aux platebandes américaines sur les grands systèmes
d'armes, comme les chasseurs ? "Le pays avait essayé de lancer son propre avion de
chasse dans les années 1980, le Lavi, un projet torpillé par les Américains qui ne voulaient
pas de cette nouvelle concurrence, rappelle Pierre Razoux. Désormais, les groupes
israéliens se positionnent sur des matériels que les Etats-Unis ne proposent pas à
l'export."
La contrepartie, c'est le soutien fiinancier massif de Washington, qui verse à Israël 3
milliards de dollars par an sous forme d'aides militaires, soit 25% du budget de défense du
pays. Derrière la réussite de l'industrie militaire israélienne, le grand frère américain n'est
jamais loin.