Gédéon réinvente son doudou

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Gédéon réinvente son doudou
UTILISATION ET REPRODUCTION INTERDITES
LES SOLUTIONS DE GÉDÉON
Gédéon réinvente son doudou
Je suis triste ! Oui, triste comme un clown sans nez rouge, triste comme un singe sans
grimace, triste comme un poulet déplumé. J’ai tant de chagrin que je pleure sans pouvoir
m’arrêter. Au moment d’aller faire dodo, les larmes me montent aux yeux parce qu’il fait
tout noir et que les ombres me font peur. Je pleure aussi quand je suis fatigué d’avoir
trop joué. Et aussi quand je suis en colère après mon petit frère Léonard qui a collé ses
crottes de nez sur mon cahier de poésie. Même les câlins tout tendres de maman
n’arrivent pas à me consoler. Ni même ses gâteaux au chocolat qui coule sur les doigts et
me font des moustaches gluantes.
Mon doudou chéri, c’était un éléphant que j’avais appelé Fanfan. Quand on est bébé,
c’est facile à prononcer.
Pfft disparu, comme ça, sans prévenir ! Où, quand, comment ? Impossible de me souvenir.
Comment ais-je pu faire une chose pareille ? Le perdre, le laisser partir, pire l’abandonner.
Je m’en veux tellement que je m’arracherais les cheveux.
Je l’ai cherché partout vous pensez bien : dans le four de mamie Alice, dans les pantoufles
de papi Robert, sous le capot de la voiture de papa, dans les culottes de tante Berthe et
même dans la purée de Léonard. Mais je ne l’ai jamais retrouvé…
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C. Léron
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Il me manque tellement… J’aimais le prendre contre mon cœur et le dorloter
tendrement. Je lui mordillais les oreilles et je me sentais mieux aussitôt. Ça énervait papa
et maman parce qu’ils trouvaient qu’il était sale comme une limace et qu’il sentait
mauvais. Mais moi je trouvais qu’il sentait bon l’amour. Tu me manques mon Fanfan chéri.
Je l’aimais tant que je le gardais tout le temps avec moi. Je sais que je suis bien trop grand
pour avoir encore un doudou. Mais ça, c’est papa qui le dit. Papa il répète sans cesse :
- Allons Gédéon, à 6 ans, tu es un grand garçon. Tu n’as plus besoin de doudou.
Et moi à chaque fois je lui réponds la même chose.
- Bien sûr que si, je suis encore tout petit.
Non mais qu’est ce qu’il en sait lui ! On perd la mémoire quand on grandit ? Je suis sûr que
mon papa il a un doudou aussi rien qu’à lui mais qu’il a oublié de le dorloter. Alors moi
mon doudou je le cachais tout au fond de ma poche pour que personne ne se moque.
Maman m’a raconté que c’était mamie Francine qui l’avait déposé sur mon couffin le jour
où je suis né. Depuis, il ne m’a plus jamais quitté. Je le vois sur toutes les photos de
famille. Doudou Fanfan avec nounou Jeannette, doudou Fanfan apprend à marcher,
doudou Fanfan fait des pâtés de sable.
Il ne m’a plus jamais quitté jusqu’à ce jour maudit où je suis sorti jouer sous la pluie.
Maman n’était pas d’accord, elle disait que j’allais prendre froid. Je ne l’ai pas écouté,
j’avais bien trop envie de sauter dans les flaques et de me couvrir de boue. Depuis ce jour
maudit de pluie, ma poche est vide et mon cœur aussi. Voilà ce que c’est de désobéir …
J’ai demandé à maman de m’aider à le retrouver. Maman, elle a aussi beaucoup cherché
sans rien trouver non plus, alors elle me répond bien ennuyée :
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C. Léron
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- Mon chéri, c’est terrible, mais tu sais bien que Doudou Fanfan reste introuvable.
Imagines qu’il est parti se promener dans un monde enchanté. Un monde où il y a plein de
doudou éléphants. Peut-être est-il tombé amoureux, peut-être était-il fatigué d’être un
doudou et qu’il se repose sous un cocotier.
Alors moi je m’énerve et crie en tapant des pieds :
- C’est n’importe quoi, les doudous ne font pas des choses comme ça !
- Choisis en un nouveau dans ton coffre à jouet. Poursuit-elle.
- Mais non, aucun autre ne me plait.
Elle comprend vraiment rien maman, un doudou, c’est pour la vie !
Ce soir, maman rentre du travail avec un nouveau Fanfan. Elle rit, elle saute en l’air en me
tendant sa trouvaille.
- Regarde Gédéon, je l’ai trouvé ce matin au centre commercial !
Pauvre maman... Là, c’est vraiment la catastrophe : je crie, je hurle et je tape des pieds, je
me jette par terre et me roule en boule.
- Mais ce n’est pas mon doudou, ce n’est pas mon Fanfan ! Tu vois bien, il n’a pas de trous.
Sa trompe est lisse et ses oreilles sans couleur. Et puis, il n’a pas d’odeur, il me fait peur.
Cet éléphant est différent !
Maman s’approche de moi et pose sa douce main sur ma joue. C’est bien aussi la main
d’une maman. Je me blottis dans ses bras et lui chuchote doucement.
- Merci quand même maman d’avoir essayé.
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C. Léron
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Calmé, je monte dans ma chambre. Je pose sur mon lit ce doudou tout neuf qui sent le
plastique.
Je le regarde, il me regarde. C’est vrai qu’à bien y songer, cet éléphant ressemble trait
pour trait à mon Fanfan. D’ailleurs, si je regarde bien dans mon album…celui où il y a les
photos de ma naissance….Peut-être que si…..et si…..oh mais oui, il se pourrait bien que
….
- C’est moi le roi des Gédéon car j’ai trouvé ma solution !
Je suçote la trompe de l’animal jusqu’à ce qu’elle devienne molle comme un chamallow.
Je lui peinturlure ses oreilles pour qu’elles aient meilleure mine. Avec une paire de
ciseaux, je fais des trous dans son dos. Je le frotte contre mon cœur pour lui donner une
odeur. Toute la nuit je lui raconte des histoires pour lui remplir la mémoire.
Le lendemain matin pendant que je brosse mes dents, maman trouve le doudou dans
mon lit.
- Gédéon ! J’ai retrouvé Fanfan ! Il était caché sous les draps ! S’écrie-t-elle en secouant la
peluche.
J’éclate de rire. Sacré maman, elle n’y a vu que du feu.
- Et oui maman, Fanfan est rentré tout embêté, et il a promis de ne plus jamais se sauver !
Je fais un clin d’œil complice à mon doudou et lui chuchote dans son oreille multicolore :
- Fanfan, ce sera notre premier secret rien qu’à nous.
Dorénavant, Fanfan restera toujours dans mon lit, il m’attendra le soir que je vienne lui
raconter de nouvelles histoires.
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C. Léron

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