Violations des droits des travailleurs-ses chez deux sous

Transcription

Violations des droits des travailleurs-ses chez deux sous
SACOM – Students and Scholars Against Corporate Misbehaviour
Violations des droits des travailleurs-ses
chez deux sous-traitants de Disney, et Walmart en Chine, certifiés par la
Fédération internationale des industries du jouet
Rapport d’enquête
30 novembre 2010
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Ce n’est pas la première fois que l’Association des étudiants et universitaires contre la
mauvaise conduite des entreprises (SACOM) fait état de violations des droits
fondamentaux des travailleurs chez des sous-traitants de Walmart et de Disney, certifiés
par la Fédération internationale des industries du jouet. Il est honteux que ces
organisations – compte tenu des énormes ressources dont elles disposent – ne contrôlent
pas efficacement leurs fournisseurs et les usines certifiées. L’inefficacité dont elles font
preuve dans le contrôle et dans l’amélioration apportée aux usines, permet aux abus de
perdurer, voire pire, de devenir une pratique commune.
Ces six derniers mois, des chercheurs de la SACOM ont enquêté auprès de deux usines,
Sunny Toys (Shenzhen) Co. Ltd. et Dongguan Crown-Ace Toys Company Ltd., qui sont
toutes deux certifiées par la Fédération internationale des industries du jouet, et
produisent pour Disney et Walmart. Cette enquête de la SACOM a permis de révéler les
violations suivantes :
- heures supplémentaires excessives : jusqu’à 160 heures supplémentaires par mois,
incluant des heures de nuit soit plus de quatre fois la limite légale autorisée par la loi
chinoise ;
- heures supplémentaires payées en dessous des minimums légaux ;
- pas de jour de repos dans le mois, ou un ou deux jours de repos par mois ;
- déductions de salaires forcées et injustifiées pour l’hébergement et la nourriture,
imposées à des travailleurs n’étant pas hébergés dans les dortoirs de l’usine ;
- amendes punitives ;
- pas d’assurance sociale adaptée pour les travailleurs ;
- discrimination sexuelle à l’embauche ;
- problèmes de santé et de sécurité au travail ;
- mécanisme de représentations des travailleurs inefficace ;
- travail d’enfant ;
- tricheries pendant les audits.
Les conditions de travail citées ci-dessus violent de manière flagrante les lois du travail
chinoises. Elles traduisent également des problèmes de gestion systémiques, qui
conduisent la SACOM à se demander ce que Walmart, Disney et la Fédération
internationale des industries du jouet mettent en place, dans le cadre de leurs
programmes de responsabilité sociale d’entreprise, pour contrôler les conditions de
travail chez ces fournisseurs. Ces entreprises commandent des audits pour surveiller leur
chaine d’approvisionnement, mais la qualité de ces audits est très questionnable, et ces
derniers s’avèrent inefficaces à détecter les violations des droits des travailleurs qui ont
réellement cours dans les usines.
Le 10 juillet 2010, le South China Morning Post rapportait que le Vice-président des
opérations en Asie de la Fondation CARE de la Fédération internationale des industries du
jouet avait déclaré lors d’un séminaire que « les problèmes de corruption et de salaires
ne sont pas les seuls problèmes… nous trouvons des cas de travail des enfants tous les
mois ». Cependant, lorsque la SACOM et la Campagne « C’est pas du jeu ! » ont écrit au
Bureau de la Gouvernance de la Fondation, demandant plus d’information sur les
problèmes de corruption, salaires et travail des enfants, la Fédération internationale des
industries du jouet a refusé de fournir des chiffres sur les violations qu’elle avait mises à
jour. L’information est également absente de son rapport biannuel, récemment publié. La
SACOM regrette le manque de transparence de la Fédération internationale des industries
du jouet, et ses tentatives de couvrir l’ampleur réelle des violations dans l’industrie du
jouet en Chine.
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Sunny Toys (Shenzhen) Co. Ltd.
Profil de l’usine
Adresse : Meng Tuo Li Road, Sha Yi Sha Pu Song Gang Street, Boan District, Shenzhen
City, Guangdong Province, Chine
Tel : (86) 0755 2705 07 10
Fax : (86) 0755 2705 07 16
Produits : jouets électroniques et en peluche
L’usine fournit
industries du
compliance » :
internationales
Walmart et Disney. Elle est certifiée par la Fédération internationale des
jouet, dans le cadre de son CARE Process (numéro de « seal of
C2883). Voici l’information que l’on trouve sur le site de la Fédération
de l’industrie du jouet :
Source: Base de données de la Fédération internationale des industries du jouets.
Le siège de Sunny Toys a été établi il y a 15 ans, à Hong Kong. La société possède trois
usines et centres de recherche et de développement en Chine continentale. La société
possède également une unité de commercialisation, qui reçoit les commandes
directement des entreprises clientes. Lorsqu’elle n’a pas une capacité suffisante de
production, elle sous-traite ses commandes à d’autres usines. Les produits qu’elle
fabrique sont vendus aux Etats-Unis, en Europe et au Japon.
La société emploie environ 300 personnes, majoritairement des femmes. Les travailleurs
viennent de différentes provinces (Henan, Hubei, Guangxi, Sichuan, Anhui and Jiangxi,
etc.).
Méthode d’enquête
L’enquête à Sunny Toys a été menée entre mai et octobre 2010. Un enquêteur de la
SACOM a postulé chez Sunny Toys pour un emploi d’ouvrier et s’est fait embaucher
comme travailleur infiltré en septembre. Il a quitté son poste début octobre. Des
entretiens ont également été menés avec une trentaine de travailleurs à l’extérieur de
l’usine.
Résultats
Salaires
Les travailleurs-ses sont payé-es à l’heure ou à la pièce, en fonction du département
dans lequel ils-elles travaillent. Au département des échantillons, le salaire de base est le
salaire minimum de 1100 Yuans, plus les bonus. Le montant du bonus varie en fonction
des mois, et les travailleurs-ses ne savent pas comment celui-ci est calculé.
Salaires bas et arbitraires
Les travailleurs-ses dans les autres départements sont payés à la pièce et ne touchent
pas de supplément lorsqu’ils font des heures supplémentaires. Ils ne connaissent pas le
prix payé à la pièce avant que le produit fini soit fabriqué et le salaire payé. Si les
nouveaux ne sont pas suffisamment rapides, ils sont rémunérés au salaire minimum
seulement.
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Le département « montage » paie les travailleurs-ses à la pièce également. Mais sur la
base du travail de l’ensemble des ouvriers-ères du département. Les travailleurs-ses ne
comprennent donc pas non plus comment leur salaire est calculé.
Les travaiileurs-ses du département « couture » sont également payés à la pièce. Des
travailleurs-ses ont révélé aux enquêteurs de la SACOM qu’ils-elles travaillaient 28 jours
par mois. En août et septembre 2010, ils ont touché entre 1600 et 1800 YUANS par
mois. Pendant ce temps, des travailleurs-ses du département « emballage » ont travaillé
30 jours en août, avec seulement un jour de repos. Ils-elles ont travaillé de 8 heures à
23 heures tout le mois, avec plusieurs jours où ils ont du travailler de nuit, et ont touché
entre 1500 et 1700 YUANS. Les travailleurs-ses interviewé-es se sont plaint-es du travail
difficile et des bas salaires. Un travailleur qui a travaillé dans l’usine pendant cinq ans
s’est plaint que son salaire était le même que celui des nouveaux employés.
Retard de paiement
Les salaires sont versés sur les comptes en banque des travailleurs-ses entre le 22 et le
25 du mois, chaque mois. Les salaires sont payés un mois en retard. Les travailleurs-ses
qui démissionnent avant la fin du premier mois ne touchent donc pas de salaire du tout.
Des travailleurs-ses ont déclaré que pour commencer à être payé-es, ils-elles avaient du
travailler trois mois. Des travailleurs-ses ont déclaré ne pas avoir reçu de fiche de paie.
Déductions déraisonnables de salaires pour la nourriture et l’hébergement
Une prime de 30 YUANS par mois est accordée aux travailleurs-ses pontuel-les et
présent-es tous les jours du mois. Cependant, 60 YUANS de frais d’hébergement sont
déduits des salaires de l’ensemble des ouvriers-ères les trois premiers mois après leur
embauche, qu’ils logent ou pas dans les dortoirs de l’usine.
Heures de travail
Il n’y a qu’un shift dans l’usine. Les travailleurs-ses commencent à 8 heures tous les
matins jusqu’à midi, puis de 13h 30 jusqu’à 17h30. Les heures supplémentaires
commencent à partir de 18h. Dans la mesure où aucun supplément n’est prévu pour les
travailleurs-ses « à la pièce », ces derniers-ères ne pointent pas pour leurs heures
supplémentaires.
Longues heures de travail, travail de nuit
Les heures supplémentaires varient
selon les départements. Pendant la
saison haute (pic de production), de
mai à novembre, les travailleurs-ses
doivent travailler pendant de très
nombreuses heures. Les travailleurs du
département
« couture »
travaillent
jusqu’à 22h la plupart des jours en
septembre, et jusqu’à 22h30 en
octobre.
Les
ouvriers-ères
qui
travaillent « à la main » ont travaillé
jusqu’à minuit en octobre. Les ouvriersères du département « emballage »
travaillent généralement jusqu’à 23h, et
doivent parfois travailler toute la nuit.
Des travailleurs-ses interrogé-es ont
rapporté que le 30 septembre ils avaient travaillé jusqu’à 4heures du matin et
recommencé à 8 heures le jour suivant. Ces pratiques violent l’article 36 de la loi du
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travail chinoise, qui dispose que les heures de travail ne devraient pas dépasser 40
heures par semaine.
Heures supplémentaires obligatoires
Les travailleurs-ses déclarent être épuisé-es par leur travail. Ils-elles n’ont généralement
que deux jours de repos par mois. Certain-es travailleurs-ses se plaignent même de
travailler tout le mois sans jour de repos.
Cela viole les dispositions de l’article 38 de la loi chinoise du travail, selon lequel les
entreprises doivent garantir aux travailleurs-ses au moins un jour de repos tous les sept
jours.
Les travailleurs-ses disent que la direction se montre autoritaire en la matière et qu’il est
obligatoire de rester pendant les shifts d’heures supplémentaires.
Pendant l’enquête de la SACOM, il y avait le Festival de la mi-automne en septembre et
le jour de la fête nationale. En 2010, trois jours fériés sont théoriquement accordés pour
le Festival de la mi-automne et sept jours pour la fête nationale, selon des accords
approuvés par le conseil d’état. Cependant, à Sunny Toys, aucun jour férié n’est accordé
ces jours-là, et les heures supplémentaires effectuées alors ne sont pas payées selon ce
que prévoit la loi. Seul un jour a été accordé pour le festival de la mi-automne et deux
jours pour la fête nationale. Cela viole les articles 40 et 44 d la loi du travail chinoise.
Management
Les travailleurs-ses peuvent prendre des vacances. Ils-elles sont autorisé-es à boire de
l’eau et aller aux toilettes. Une note explicative, affichée derrière la pointeuse dans le
dortoir liste ce qu’il est interdit de faire. L’une de ces règles est que les travailleurs-ses
ont interdiction de sortir de l’usine sans autorisation d la direction. Une autre règle est
que les travailleurs-ses ont interdiction de parler les un-es avec les autres pendant les
heures de travail.
Les travailleurs-ses rapportent que les managers se montrent autoritaires et les
réprimandent lorsque leur productivité n’est pas suffisante. Lorsque les travailleurs-ses
sont en retard plus de trois fois dans le mois, des déductions sont faites sur leurs
salaires. Si certains produits sont défectueux, des amendes sont imposées. Par
conséquent, les travailleurs-ses doivent continuer à travailler et maintenir une bonne
productivité.
Assurance sociale
L’article 3 de la loi du travail chinoise prévoit que les travailleurs-ses doivent avoir accès
à des assurances sociales, notamment une assurance pour accidents du travail et une
assurance médicale. L’employeur et l’employé-e sont obligés de contribuer au fonds
d’assurance sociale (article 72 et 73). Cependant, les travailleurs-ses interrogé-es disent
n’avoir qu’une assurance médicale. Et 4 YUANS sont déduits de leu salaire chaque mois.
Seul-es les travailleurs-ses du département « coupe » ont une assurance contre les
accidents du travail. Et d’après les travailleurs-ses, seuls les membres de la direction ont
accès à une système de retraite.
5
Santé et sécurité
Le bruit et la poussière sont les
deux principales menaces pour la
santé dans les ateliers. Au
département « remplissage », où
travaillent quatre ouvriers-ères,
l’aération est mauvaise, et il n’y
a qu’un ventilateur pour tout le
département.
Le
sol
est
recouvert d’une épaisse couche
de poussières coton. La peau des
travailleurs est recouverte de
poussières de coton également.
L’environnement est bruyant, et
seul l’un des travailleurs porte
des protections auditives. Les
travailleurs-ses disent ne pas
vouloir porter l’équipement de
Département remplissage de Sunny Toys
protection en raison de la chaleur.
Au département « manuel », les ouvriers-ères doivent souder les yeux des jouets. La
température est élevée, et le risque de brûlure est important. Les travailleurs-ses
révèlent que les gants qui leurs sont fournis ne sont pas adaptés et pas pratiques à
utiliser. Par conséquent, ils-elles ne portent ni gants, ni masques dans les ateliers.
Dans le département « coupe », également rempli de poussières de coton, les
travailleurs-ses ne portent pas de masques.
Dortoirs
Les dortoirs sont situés dans un bâtiment de
trois étages. Il y a quatre lits superposés dans
chaque chambre, et généralement cinq à six
travailleurs-ses par chambre. Les chambres sont
très petites, sombres et humides. Un quota
d’électricité est attribué pour chaque chambre.
Les travailleurs-ses doivent payer s’ils souhaitent
avoir davantage d’électricité.
Procédures de recrutement et de démission
La procédure de recrutement est sexuellement discriminatoire. D’après les agents de
sécurité de l’usine, avant, la direction embauchait indifféremment hommes ou femmes.
Mais depuis juin cette année, l’usine n’embauche plus que des femmes.
Sunny Toys ne signe de contrats de travail avec les travailleurs-ses que le deuxième
mois après la date d’embauche. L’article 10 de la loi du travail chinoise dispose que le
contrat de travail doit être signé durant le premier mois qui suit l’embauche. Les
pratiques de recrutement de Sunny Toys contreviennent donc aux dispositions de la loi
chinoise en la matière.
L’article 37 de la loi chinoise du travail dispose que les travailleurs-ses peuvent –
pendant la période d’essai - démissionner avec un simple préavis de trois jours. Mais la
direction de l’usine exige des travailleurs-ses qu’ils-elles travaillent au moins trois mois
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avant de pouvoir démissionner. En outre, qu’il-elle soit ou non en période d’essai, le-la
travailleur-se doit respecter, selon la direction de l’usine, un préavis de 30 jours pour
démissionner. De nombreux-ses travailleurs-ses rapportent toutefois qu’il est en réalité
assez facile de démissionner pendant la saison basse, et que la direction autorise alors
les travailleurs-ses à partir le jour-même.
Système de représentation des travailleurs
La plupart des travailleurs-ses ne savent pas qu’un système de représentation des
travailleurs-ses existe. Seules quelques-uns-es rapportent que les représentants des
travailleurs-ses sont ceux-celles qui font valoir des opinions quant à l’état des dortoirs ou
à la qualité de la nourriture. Les travailleurs-ses ne font pas non plus la différence entre
les représentants-es des travailleurs-ses et le syndicat, et ne savent pas s’il y a ou pas
un syndicat dans l’usine.
Tricherie pendant les audits et méconnaissance du Code de conduite
Certain-es travailleurs-ses disent avoir assisté à des inspections d’usine. Certain-es
disent également avoir été interrogé-es par les auditeurs. Ils-elles avaient reçu des
instructions de leurs superviseurs pour répondre « correctement » aux questions des
auditeurs. Les travailleurs-euses interrogé-es disent ne pas croire que le travail des
auditeurs puisse les aider.
Bien que Disney et Walmart communiquent leurs codes de conduite à leurs fournisseurs,
les travailleurs-ses de l’usine disent n’en avoir jamais entendu parler. Ils-elles disent
également ne les avoir jamais vus affichés dans l’usine et n’en avoir jamais été informées. Ils-elles ne peuvent donc pas utiliser les codes pour défendre leurs droits.
7
Dongguan Crown-Ace Toys Company Ltd.
Profil de l’usine
Adresse : Humen Town, Dongguan City, Guangdong Province, Chine
Tel : (86) 076 9555 5828
Fax : (86) 076 9555 5870
Produits fabriqués : jouets électroniques et en peluche, appareils photos numériques.
L’usine fournit Walmart et Disney. Elle est certifiée par la Fondation internationale de
l’industrie du jouet, dans le cadre du CARE Process (numéro de « seal of compliance » :
C0022). L’information relative a l’usine sur le site de la Fédération internationale des
industries du jouet est la suivante :
Source: Base de données sur les usines de la Fédération internationale des industries du
jouet.
Le siège de la société Dongguan Crown-Ace Toys a été établi en 1995. L’actionnaire le
plus important de la société était le magnat hong-kongais Li Ka Shing, jusqu’au rachat de
la société par une entreprise italienne en 2009. Actuellement, Crown-Ace possède quatre
unités de production et emploie entre 4000 et 5000 personnes. En 1999, la société
employait 10 000 personnes. Les employés de Crown-Ace viennent des provinces de
Hubei, Henan, Anhui, Hunan, Jiangxi, Sichuan et Gansu.
Les produits fabriqués par Crown-Ace sont vendus aux Etats-Unis, en Europe et au
Japon.
Méthode d’investigation
L’enquête à Dongguan Crown-Ace Toys s’est déroulée entre juillet et octobre 2010. Les
enquêteurs se sont entretenus avec une quarantaine de travailleurs-ses, à l’extérieur de
l’usine.
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Résultats
Salaires
Le salaire de base à Crown-Ace est de 920 YUANS, c’est-à-dire, le salaire minimum légal.
Les travailleurs-ses travaillent six jours par semaine. Les heures supplémentaires sont
payées 150% du taux de base, qu’elles soient travaillées en semaine ou le samedi.
Seules les heures travaillées le dimanche sont payée 200% du taux de base.
Bas salaires : insuffisants pour vivre
Pendant la saison haute, lorsque les travailleurs-ses travaillent le plus, jusqu’à 23h tous
les jours, ils-elles peuvent toucher entre 1800 et 2200 YUANS par mois. Certain-es
peuvent aller jusqu’à 2400 YUANS par mois. Pendant la saison basse, les travailleurs-ses
se voient proposer moins d’heures supplémentaires, et les salaires deviennent alors
insuffisants pour survivre.
Plusieurs travailleurs-ses d’âge moyen signalent qu’ils-elles ne restent dans cette usine
que parce qu’ils-elles rencontrent des difficultés à trouver du travail ailleurs, en raison de
leur âge, parce qu’ils-elles sont considérés trop âgé-es. Les travailleurs-ses plus jeunes
disent ne pas vouloir rester longtemps dans cette usine, et ne pas recommander à leurs
amie-s de venir travailler dans cette usine pendant la saison basse, car les salaires y sont
trop bas.
Heures de travail
Il existe trois catégories de
travailleurs-ses qui commencent
leur journée de travail à trois
heures différentes : 7h20, 8h15 et
8h30. Ils-elles font une pause pour
déjeuner à respectivement 12h15,
12h30
et
12h45.
Ils-elles
travaillent ensuite sans s’arrêter
jusqu’à 19h, heure de la pause
d’une heure pour le dîner. Puis
commencent
les
heures
supplémentaires à 8h, jusqu’à 23h
ou minuit.
Les jours de semaine, 6,67 heures
sont comptabilisés comme heures
« normales » par jour. Le reste
étant
comptabilisé
comme
« heures supplémentaires ». Ce
système a été mis en place pour
éviter
de
payer
double
les
travailleurs-ses qui font des heures supplémentaires le samedi.
Les travailleurs-ses doivent se présenter au travail 10 minutes avant de prendre leur
poste, pour le « rassemblement du matin », mais ce temps n’est pas comptabilisé, et
n’est pas payé.
Ouvriers-ères de Crown-Ace Toys déjeunant à l’extérieur
de l’usine
Travail de nuit
Les travailleurs-ses disent travailler environ 70 heures par semaine. Pendant la saison
haute, ils-elles peuvent même travailler jusqu’à 80 heures par semaine. Dans les ateliers
de production, il n’est pas rare que les travailleurs-ses travaillent jusqu’à 23h ou minuit.
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Les travailleurs-ses du département « assemblage » ont travaillé de nuit plusieurs nuits
en septembre. Ils-elles rapportent que le nombre d’heures supplémentaires qu’ils
travaillent par mois pendant la saison haute peut s’élever à 160 ou plus. Cela correspond
à plus de quatre fois la limite légale en Chine. Certain-es travailleurs-ses rapportent avoir
travaillé pendant trois semaines consécutives, sans jour de repos, puis avoir eu une
semaine entière sans travail. Des travailleurs-ses temporaires rapportent avoir travaillé
pendant 20 jours consécutifs, sans jours de repos, et n’avoir pu se reposer qu’après avoir
quitté l’usine.
Les heures supplémentaires sont obligatoires : les ouvriers-ères doivent rester travailler
lorsque la direction l’exige, notamment lorsque les commandes affluent.
Management
Les travailleurs-ses sont punis de 100 YUANS d’amende s’ils-elles fument.
A partir d’octobre, l’usine a introduit une « prime de présence ».
Un retard d’une minute est puni d’une amende 5 à 10 YUANS, qui sont directement
déduits du salaire de l’employé-e.
Pour un retard de plus de 10 minutes, l’employé-e n’est tout simplement pas autorisé-e à
travailler de la matinée.
Amendes pour avoir été aux toilettes
L’accès des travailleurs-ses aux toilettes est restreint. Les travailleurs-ses qui souhaitent
aller aux toilettes doivent demander une autorisation expresse. Ces autorisations sont
accordées de manière très limitées. Dans certaines lignes de production, il n’y a qu’une
autorisation pour 60 travailleurs. Des agents de sécurité sont postés près des toilettes. Si
des travailleurs-ses vont aux toilettes sans autorisation expresse, ils-elles se voient
infliger une amende de 100 YUANS.
Assurance sociale
Les assurances sociales, notamment la retraite, l’assurance contre les accidents du
travail et l’assurance médicale, sont prévues par l’article 3 de la loi chinoise du travail.
Cependant, les travailleurs-ses de Crown-Ace ne sont couvert-es que par une assurance
médicale. Seuls les employé-es de la direction et les ouvriers-ères les plus agé-es
bénéficient de la retraite.
Santé et sécurité
Au département « emballage », la quasi-totlaité des travailleurs-ses souffrent d’allergies.
Ils-elles ont les bras couverts de rougeurs qui les démangent. Ils-elles ne comprennent
pas de quoi il s’agit, mais n’apprécient pas de travailler dans ce département.
Pas d’équipement de protection adapté
Au département « injection », le niveau sonore est particulièrement élevé, mais les
travailleurs-ses ne se voient pas fournir de protection auditive. Dans l’unité de peinture,
l’odeur est très forte. La direction fournit des masques jetables aux travailleurs-ses, mais
les travailleurs-ses les trouvent inadaptés. Ils-elles souffrent régulièrement de vertiges.
Hébergement et nourriture
Une chambre type du dortoir de Crown-Ace peut héberger jusqu’à 16 ouvriers-ères. Les
travailleurs-ses trouvent les conditions d’hébergement trop mauvaises, et préfèrent
dormir en dehors de l’usine. Les travailleurs-ses qui sont hébergé-es dans les dortoirs de
l’usine paient 80 YUANS par mois, qui sont déduits de leur salaire. Les chambres des
10
dortoirs n’ont ni eau chaude, ni climatisation. Les travailleurs-ses qui décident de loger
en dehors de l’usine, doivent payer entre 150 et 200 YUANS pour leur hébergement.
Il y a une cantine dans l’usine. Des frais sont déduits des salaires des travailleurs-ses
pour payer la nourriture : le petit-déjeuner est facturé 1 à 2 YUANS, le diner entre 2 et 5
YUANS, les gouters la nuit entre 2 et 4 YUANS etc. Les travailleurs-ses se plaignent de la
qualité de la nourriture, et beaucoup préfèrent manger dehors. Certain-es demandent à
des membres de leur famille de leur apporter à manger et mangent dans la rue, à
l’extérieur de l’usine.
Procédures de recrutement et de démission
La direction exige pour le
recrutement
la
présentation
d’une carte d’identité et d’une
carte de santé. La direction a
installé une annonce à l’extérieur
de
l’usine.
Certain-es
travailleurs-ses sont recruté-es
via des agences.
L’usine pousse les travailleursses à démissionner pendant la
saison basse
Ces derniers mois, Crown-Ace ne recrute plus que des
femmes
L’usine recrute des travailleursses temporaire pendant la saison
haute. Elle trouve différents
moyens
pour
pousser
les
travailleurs-ses à démissionner
ensuite pendant la saison basse.
Ces derniers mois, l’usine n’embauche plus que des femmes.
Les enquêteurs de la SACOM ont rencontré un jeune ouvrier mineur (de moins de 16
ans) qui a avoué avoir utilisé la carte d’identité d son frère pour se faire embaucher. Il a
admis ne pas supporter la masse de travail que lui imposait l’usine et souhaiter
démissionner la semaine suivante.
Le système de représentation des travailleurs
La plupart des travailleurs ne savent pas qu’il existe des représentants des travailleursses à Crown-Ace. Ils-elles ne savent pas s’il existe un syndicat dans l’usine.
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Conclusions et demandes
Les deux usines, Sunny Toys et Crown-Ace Toys, produisent pour le premier distributeur
au monde d’une part (Walmart) et le plus grand groupe de divertissement d’une autre
(Disney). Elles sont toutes deux certifiées par l’organe de certification de la Fédération
internationale de l’industrie du jouet : la fondation CARE, laquelle est soutenue par plus
de 700 entreprises du jouet.
On aurait donc pu s’attendre à ce que ces deux usines soient surveillées de près, et
soutenues de manière adéquate, afin de mettre en place les nécessaires améliorations.
Cependant, tous les ans, la SACOM continue de mettre en lumière des violations des
droits fondamentaux des travailleurs-ses chez des sous-traitants de Disney et Walmart,
et dans des usines certifiées par la Fédération internationale de l’industrie du jouet. Ces
deux usines, Sunny Toys et Crown-Ace Toys n’en constituent d’ailleurs que deux
exemples supplémentaires/
La SACOM demande :
- à la Fédération internationale des industries du jouet : de se montrer plus transparente
quant aux véritables problèmes dans l’industrie du jouet ;
- A Disney, Walmart et à la Fédération internationale des industries du jouet : de
s’assurer qu’il soit mis un terme aux violations constatées chez Sunny Toys et Crown-Ace
Toys, et de fournir des recours aux travailleurs-ses dont les droits sont violés. Un plan
d’action corrective devrait être annoncé publiquement, afin que le grand public et les
travailleurs-ses puissent juger de sa mise en œuvre ;
- A Disney, Walmart et à la Fédération internationale des industries du jouet : améliorer,
avec la participation d’ONG, le système de vérification mis en place par les entreprises ;
- A Disney et Walmart: d’augmenter le prix à la commande afin que leurs fournisseurs
puissent verser un salaire décent à leurs travailleurs-ses ;
- A Disney, Walmart et à la Fédération internationale des industries du jouet :
s’assurer qu’un système de représentation des travailleurs soit mis en place chez les
fournisseurs, à même de défendre les droits des travailleurs-ses et d’améliorer les
conditions de travail. La SACOM pense en effet que les travailleurs-ses sont les mieux
placés, les plus efficaces et les plus légitimes pour contrôler les conditions de travail sur
leur lieu de travail.
Contact :
CHAN Sze Wan, Debby
Project Officer
Email: [email protected]
Tel: +852 2392 5464 or +852 6756 8964
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