enseignement du fait religieux

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enseignement du fait religieux
Projet nouvelle association.
ENSEIGNEMENT DU FAIT RELIGIEUX
Parmi les tâches qui se présentent aujourd’hui aux enseignants de l’école publique et pour lesquelles nous pourrons
nous engager, je veux en développer deux qui me semblent s’inscrire dans la laïcité scolaire telle qu’elle peut et
doit se vivre aujourd’hui.
La première concerne l’enseignement du fait religieux.
Le souci de la question remonte à novembre 1991 lorsque, à l’initiative de Philippe Joutard, alors recteur à
Besançon, est organisé par le CRDP de Besançon et la Ligue de l’Enseignement un grand colloque sur l’histoire
des religions. Suivra une réforme des programme du secondaire mise en place de façon progressive à la rentrée
1996 en collège et lycée. Suite aux événements du 11septembre 2001, Jack Lang confie à Régis Debray une
mission sur l’enseignement du fait religieux dans l’école laïque qui doit faire l’état des lieux et des propositions.
Dans son rapport remis au Ministre Jacques Lang, Régis Debray invite l’école à passer, concernant le phénomène
religieux, « d’une laïcité d’incompétence ( le religieux par construction ne nous regarde pas) à une laïcité
d’intelligence ( il est de notre devoir de le comprendre) »1.Ce rapport a été établi suite à la prise de conscience de
l’incapacité dans laquelle les enfants et jeunes d’aujourd’hui se trouvaient de comprendre la signification des
œuvres de notre culture. Ainsi, face à un Saint Sébastien criblé de flèches, ce sont les Indiens qui sont désignés
comme coupables ! Chacun de nous pourrait multiplier les exemples de ce type. Le ministère a suivi les
propositions du rapport, notamment la création d’un module dans la formation initiale des enseignants sur
« Philosophie de la laïcité et enseignement du fait religieux » (à ce jour fort peu proposé dans les IUFM). Il n’est
pas question de créer une nouvelle discipline, mais de permettre aux enseignants d’acquérir une meilleure
formation en ces domaines. Il me semble qu'actuellement la liberté est donnée aux enseignants de collège et de
lycée qui le souhaitent de se proposer pour cet enseignement dans leur établissement. Et ce sujet concerne tous les
niveaux d’enseignement, du primaire au supérieur, même s’il est clair que chaque niveau s’adapte à l'âge dont il a
la charge.
Notre histoire nationale étant ce qu'elle est, ce nouveau contenu est un sujet difficile à aborder pour de
nombreux enseignants du public. L’étude des religions a quitté l’université française en 1885, lorsque les crédits
ont été supprimés à la faculté de théologie de la Sorbonne. Certes, on a créé en 1880 une chaire d’histoire des
religions, et en 1886 la section des sciences religieuses à l’École Pratique des Hautes Études, mais ce n’est pas dans
le creuset universitaire proprement dit qu’on côtoie ces domaines, ce qui leur ôte un statut de normalité culturelle,
contrairement à ce qui se passe dans un pays comme l’Allemagne par exemple. Plus radicalement
l’anticléricalisme, qui pour une part a porté l’avènement de la laïcité, s’exprime toujours aujourd’hui dans un
laïcisme qui rejette la religion et y voit soit un obscurantisme, soit une maladie sociale, soit une faiblesse
psychologique. Il est clair que de telles positions rendent difficile une mise en place d’un enseignement du fait
religieux.
Mais même quand il n’y a pas d’hostilité à l’endroit du fait religieux, la difficulté de cet enseignement tient
aussi au fait que, sur ces sujets, nous véhiculons tous de nombreux préjugés, dans la méconnaissance où nous
sommes des religions des autres. Les manuels scolaires n’aident pas toujours car ils sont souvent les véhicules de
base de ces préjugés, comme l’on montré des études sérieuses. Une autre raison encore de la difficulté à enseigner
le fait religieux vient de la réticence, voire du refus de certains de nos élèves musulmans que leur religion soit
abordée par d’autres qu’eux mêmes.
Et pourtant tous ces obstacles ne suppriment pas cette impérieuse nécessité : il est important de nous ouvrir
et d’ouvrir nos élèves à cette dimension de la culture, pour comprendre le passé, fortement marqué par les religions,
mais aussi pour comprendre le présent et envisager l’avenir, parce qu’elles ont des incidences aussi bien positives
que négatives sur la réalité.
Il est clair qu’une matière aussi contestée ne peut être traitée par une seule personne. C’est pourquoi il
faudrait s’engager dans un travail d’équipe avec des collègues sans croyance religieuse et/ou d’autres religions,
afin de mettre en place dans nos établissements des formules d’enseignement qui soient acceptées par tous comme
conforme à un enseignement laïque. Comme cet enseignement peut être donné par des enseignants de toutes
disciplines, des relations peuvent se nouer entre collègues qui n’auraient pas eu autrement l’occasion de travailler
ensemble, ce qui ne peut qu’être bénéfique pour l’établissement et pour les élèves. Ce contenu d’enseignement non
attribué à des acteurs statutairement désignés permettrait que s’instaure une pratique collective porteuse de
changements bénéfiques dans les relations entre collègues.
1
Mireille Estivalèzes, Les religions dans l’enseignement laïque, PUF,mai 2005
Cela permettrait également de partager entre membres d’un même établissement notre conviction de la
valeur de la laïcité. Cela favoriserait une meilleure prise de conscience de ce qu’est la laïcité parmi les enseignants
et obligerait à inventer des activités susceptibles de permettre aux élèves également d’en acquérir une conscience
plus vive.
Ceci nous conduirait nous mêmes à nous ouvrir à une meilleure connaissance des autres religions et des
cultures dont elles font parties. Et cette ouverture serait forcément une chance pour mieux repérer ce qui peut faire
difficulté pour certains élèves qui nous arrivent de loin.
M-F. Tinel
Bron
La Baume le 28 avril 07
Atelier sur "l"enseignement du fait religieux"
La discussion fait d'abord apparaître un étonnement de la plupart des participants à la lecture de
la contribution de M-F. Tinel : dans les établissements, l'enseignement du fait religieux n'est pas un
enseignement spécifique, sauf initiative particulière relevant du Projet d'Établissement. Il fait partie des
programmes de l'Histoire-Géo, des Lettres et de la Philo. Il n'est enseignement spécifique qu'à l'IUFM
(peut-être pas partout), à destination des futurs enseignants.
Sur le fond, l'évocation du religieux correspond souvent à des mots vides de sens pour les élèves
actuels, privés de toute expérience de ce type. Dans l'Élémentaire, il s'agit moins d'un enseignement
structuré que de réponses ponctuelles à des questions (par exemple à l'occasion des fêtes de telle ou
telle religion). Il semble que l'abord du fait religieux soit souvent plus facile avec les élèves musulmans,
plus sensibles aux valeurs spirituelles.
Un large consensus semble se dessiner dans le groupe sur le fait que "l'Éducation Nationale ne
sait plus donner un sens à l'enseignement". Les enseignants de Lettres présents en particulier
dénoncent une "dérive techniciste" qui se préoccupe davantage de faire des élèves des spécialistes
pointus des techniques littéraires que de leur donner accès au sens des textes qu'ils étudient – religieux
ou pas.
Autres obstacles à cet "enseignement du fait religieux" : d'abord le manque flagrant de
connaissance des religions de la part de beaucoup de jeunes enseignants, mais aussi des restes
d'anticléricalisme, quelquefois le résultat d'une éducation dans une institution religieuse qui a laissé de
mauvais souvenirs.
Plus largement, des catéchistes ont le sentiment de parler à des enfants qui vivent dans un
"désert spirituel", y compris en famille. Tout ce qui touche à la religion et à la spiritualité a disparu de leur
horizon. S'ajoute à cela le fait que beaucoup d'élèves ne font pas de lien entre l'enseignement qu'ils
reçoivent et leur expérience concrète – et ne s'en soucient pas – même s'il existe une minorité qui entre
dans cette démarche. On signale les difficultés de certains collègues de Biologie avec des élèves
influencés par les intégristes de tout poil qui, par exemple, nient l'évolution.