Une belle rencontre pour « briser le mur invisible »,Un

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Une belle rencontre pour « briser le mur invisible »,Un
Une belle rencontre pour « briser le
mur invisible »
Se rencontrer en échangeant des savoirfaire
Échanges de techniques sur la broderie et la couture, découverte de mets
africains, discussions à bâtons rompus autour d’un repas. Voici un aperçu
des activités qui se sont déroulées lors la semaine valaisanne contre le
racisme du 14 au 21 mars 2011. C’est à cette occasion que deux univers
féminins se sont rapprochés à Ardon pour apprendre à mieux se connaître.
Une première.
« Concentre-toi bien sur la toile. Prends l’aiguille dans ta main droite,
passe-la une première fois comme ça, encore comme ça et une troisième
fois dans le sens inverse ». Sur un ton calme et posé, Mary-Jane, membre
de l’association de broderie Le Jardin des passions, apprend à Roza,
requérante d’asile, comment broder un motif sur une nappe. Cette scène,
peu habituelle, s’est déroulée le 15 mars dernier au Centre de formation
pour requérants d’asile, le Botza, dans le village valaisan d’Ardon qui
compte environ 2500 habitants.
C’est à l’initiative du Centre que cette rencontre a été organisée :
« Nous avons voulu profiter de la semaine valaisanne contre le racisme
pour rapprocher les brodeuses d’Ardon et les requérantes d’asile en
apprentissage dans notre Centre. Toutes vivent dans le même village sans
vraiment se connaître. Notre objectif était de briser le mur invisible
qui existe entre elles », expliquait à Voix d’Exils, Marie-Christine Roh,
chargée administrative au Botza, une semaine avant le début de la
rencontre.
L’idée depuis a fait son chemin. Une dizaine de brodeuses d’Ardon, pour
la plupart Suissesses, ont fait le déplacement au Botza. Le temps d’une
après-midi, elles ont appris aux requérantes d’asile les techniques
adéquates pour broder artistiquement des nappes, des rideaux, des
tableaux décoratifs et bien d’autres ouvrages. Les brodeuses n’ont pas eu
l’impression d’avoir donné sans rien recevoir en retour : « De leur côté,
les requérantes nous ont appris à fabriquer de petites roses en tulle. Je
n’avais jamais vu faire cela et je repars avec quelque chose de
formidable », assure Renée Praz, présidente du Jardin des passions.
Franchir les barrières linguistiques
Au delà des échanges de « techniques » dans le domaine de la couture et
de la broderie, la rencontre a aussi été l’occasion d’un grand brassage
culturel. « Je me sens si proche de toi », s’est exclamée une Suissesse
qui, pour la première fois, avait l’occasion de promener ses mains sur le
voile qui recouvrait la tête d’une Somalienne. Fières de leur tradition
d’hospitalité, les requérantes ont fait déguster à leurs hôtesses divers
mets africains, dont des beignets somaliens et du café érythréen.
« Manger ensemble avec des gens qu’on ne connaissait pas du tout avant
m’a fait un grand bien », a souligné Degho, requérante d’asile
somalienne. Et une autre de renchérir : « en faisant l’effort de discuter
avec nos visiteuses, j’ai laissé de côté ma peur de parler en français
approximatif. Je me suis rendu compte que j’avais franchi la barrière
linguistique ». « Je réalise une fois encore qu’aller à la rencontre de
l’autre est une vraie source de richesse », confie Teresa. En attendant,
pour Eva, membre du Jardin des passions, ce premier contact établi par
son association avec les requérantes d’asile n’est qu’une première
étape : « la porte est largement ouverte. C’est sûr, nous reviendrons ».
D’ailleurs rendez-vous a déjà été pris pour assister au défilé de mode
que projette le Botza en juin prochain.
Constant Kouadio et CDM
Membres de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils
Un voyage en train pour dépasser les
préjugés racistes
Une performance pour mettre en
doute les préjugés racistes
Pour donner un coup d’envoi à la semaine valaisanne d’actions contre le
racisme, qui s’est déroulée du 14 au 21 mars 2011, les Valaisans ont fait
le choix de l’originalité en invitant des personnalités à traverser tout
le canton à bord d’un train spécial afin d’interpeller la population. Si
la formule a permis de toucher beaucoup de monde, elle a aussi mis à jour
les scepticismes qui planent autour des modes de lutte contre le racisme.
« Bonjour, nous célébrons la semaine valaisanne d’action contre le racisme. Voici l’affiche
sur l’événement avec un concours qui vous permet de gagner un ipod ». Munie d’un sac à dos,
un appareil photo autour du cou, Céline Exquis, déléguée à l’intégration de Monthey,
apostrophe les usagers du train régional qui vient de quitter Brigue pour Sierre. Quelques
minutes plus tôt, ses collègues des autres bureaux de l’intégration du canton venaient de
sensibiliser les passants au problème que représente le racisme à la gare de Brigue. Nous
sommes le 14 mars, jour du lancement de la semaine valaisanne d’action contre le racisme.
Cette célébration est en lien avec la journée internationale pour l’élimination de la
discrimination raciale commémorée par l’ONU tous les 21 mars en hommage aux 69 personnes
tuées par la police sud-africaine, lors d’une manifestation contre l’apartheid en 1960.
Le train spécial contre le racisme a relié le Haut-Valais au Bas-Valais en passant par les
gares présentes sur l’axe Brigue-St-Gingolph. « L’idée est de s’attaquer aux stéréotypes
qu’on entend sur l’origine, la religion ou le sexe » explique la déléguée à l’intégration de
Sierre, Marie-Françoise Pitteloud. S’adressant à ses concitoyens, la Conseillère d’Etat
Esther Waeber-Kalbermatten affirme « qu’il faut toujours faire un premier pas au-devant des
étrangers, s’ouvrir aux autres sans se laisser influencer par des slogans dépréciatifs vis-àvis de certaines populations ».
Du ludique contre le racisme
Que ce soit dans les gares de Brigue, Sierre, Sion, Martigny, Monthey et St-Gingolph, les
usagers ont eu droit à des présentations théâtrales contre le racisme. « Il paraît qu’il sent
mauvais », « Tu crois que c’est pour le permis ? » pouvait-on lire sur des pancartes brandies
par les comédiens. « J’ai
été interpellé par les affiches. J’ai noté qu’il faut qu’on soit
tolérant envers les étrangers dans notre société », affirme
Théophile, un Suisse de 20 ans.
Pour sa part, Céline Exquis déclare que « globalement, le public a été réceptif à notre
action. Beaucoup ont accepté de prendre nos affiches dans les trains et les gares. Mais le
fait qu’il y ait eu des gens qui ont refusé d’en recevoir montre qu’on a encore du travail à
faire pour briser les stéréotypes et en finir avec le racisme
dans notre société ». « Pour
réaliser l’intégration, nous devons vraiment lutter contre le racisme et la discrimination.
C’est indispensable » analyse quant à elle Esther Waeber-Kalbermatten. A y regarder de plus
près, les migrants partagent ce souhait, mais beaucoup ne croient pas à sa concrétisation.
« Nous voulons vraiment des actes concrets de la part des autorités »
Pendant que les officiels font leur discours à Viège, le sujet suscite des réactions de
toutes parts. « La scène à laquelle nous assistons est un pur folklore. Ce n’est pas avec un
train, fut-il rempli de représentants des autorités, qu’on va nous faire croire qu’on lutte
contre le racisme » lance Cheick O. réfugié somalien vivant à Sierre. Même réaction
pessimiste de la part des migrants qui, nombreux, ont fait le déplacement lors de l’arrêt du
train à la gare de Viège. « On a tellement vu d’actes racistes dans cette partie du Valais
que personne ne peut venir nous duper. Beaucoup de Hauts-Valaisans ont des préjugés sur les
étrangers et ce n’est pas un train qui va les faire changer d’avis » déclare Mader K. réfugié
érythréen.
« Nous voulons vraiment des actes concrets de la part des autorités » affirme
Christian, requérant d’asile. Et de poursuivre : « Le jour où les Valaisans arrêteront de
penser qu’à chaque fois qu’un homme d’origine africaine veut se marier avec une Suissesse
c’est uniquement aux fins d’obtenir un titre de séjour, le jour où la police cessera
d’arrêter les Africains à la gare en pensant qu’ils sont tous des dealers,
seulement à ce moment-là qu’on pourra dire que les préjugés racistes auront
alors c’est
réellement
diminués ».
Pour l’heure, Céline Maye, déléguée à l’intégration à Sion, se veut rassurante : « il faut
entreprendre beaucoup d’actions différentes pour lutter contre le racisme ; le train spécial
d’aujourd’hui est un événement parmi d’autres. Tout ne peut pas changer d’un seul coup.
J’exhorte les uns et les autres à garder espoir et la lutte contre le racisme sera un
succès ».
CDM, membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils