Une graphie commune pour le poitevin

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Une graphie commune pour le poitevin
Une graphie commune pour le poitevin-saintongeais,
entre pragmatisme et innovation [*]
Liliane Jagueneau (Université de Poitiers)
Dans cette présentation les langues d'oïl périphériques (wallon, picard, normand, gallo,
poitevin-saintongeais, bourguignon-morvandiau, champenois, lorrain, franc-comtois) sont
considérées comme idiomes de la même famille linguistique que le français, mais distincts,
comme des langues émergentes en cours d'aménagement, se dotant progressivement d'outils
susceptibles de contribuer à leur pratique et à leur reconnaissance institutionnelle
(Eloy-Jagueneau).
La graphie élaborée par l'UPCP-Métive [1] dans le cadre de l'aménagement du
poitevin-saintongeais sera analysée comme graphie émergente combinant continuité et
innovation par rapport à la graphie de la langue de référence, le français.
L'analyse des caractéristiques de cette graphie sera donc orientée vers la mise en évidence de son
rôle dans le processus d'émergence, en relation directe avec l'élaboration par les aménageurs,
d'une nouvelle image de la langue. L'élaboration et la mise en oeuvre de cette graphie constituent
un exemple de « contre-stigmatisation », telle qu'elle a été mise en évidence par Jean-Léo
Léonard et moi-même (Léonard-Jagueneau, 2013) à partir des travaux de Goffman (1963) dans
des grilles d'analyse catégorielle « stigmatisation/contre-stigmatisation », présentées en annexe 2,
qui ont permis d'indexer les discours de micro-aménageurs recueillis dans les enquêtes Les
Langues et vous. Il s'agit de montrer comment l'élaboration et l'utilisation de cette graphie
participent à l' « innovation » par opposition au « conformisme » lié à la stigmatisation (patois
qui ne s'écrivent pas, ou ne peuvent s'écrire qu'à partir du français, avec une différenciation
graphique faible...), comment la « normalisation » s'oppose à la « normification », etc.
Plus précisément nous allons voir comment cette graphie innove et avec quelle visée, et
comment elle conserve et adapte des graphies antérieures, et pourquoi, avant d'évoquer sa
réception par les usagers et quelles pistes peuvent se dégager pour des évolutions.
1 Innover : c'est souvent ce qui frappe d'abord dans la graphie de l'UPCP, même si en
réalité l'innovation y est assez modérée.
1.1 Innovation et conscientisation (unité et cohérence de la langue, contre l'acceptation d'un
patois incohérent). L'innovation tend à renouveler la vision de la langue :
1.1.1 Unité et cohérence de la langue sont mises en évidence par les conventions graphiques,
conçues pour cela. Par exemple :
régularité des marques
- morphologiques : marques du pluriel toujours notés par « s » pour les noms et adjectifs,
conjugaisons notées en Ø/s/e ou t/un/éz/ant quelle que soit la prononciation des nasales,
l'essentiel étant de signaler que la personne 6 se distingue de la 3, alors qu'elle était souvent
écrite « « ons », le scripteur puisant dans les marques du français, en les « recyclant », même si
elles ne sont pas appropriées.
- phono-graphématiques: pour les consonnes, le graphème « jh » représente toutes les
réalisations des chuintantes sonores (expirées et non-expirées) et « gh » englobe toutes les
réalisations palatalisées de /g/, comme « çh » englobe toutes celles de /k/(cf ci-après).
Graphie qui identifie les éléments de construction des mots :
- « our » pour [u] ou [ur] : lavour, footbalour...;
- « ea » pour [ja] (ya), [ɛ] (è), [ɥa] (ua)...: martea, coutea...
graphie fixe de la base des noms d'animés au masculin et au féminin et d'une façon plus large
des bases et des dérivés : tantin/tantine ; chén/chéne ; cop/copàe au lieu de « cot »...
1.1.2 Spécificité par rapport au français :
Alors qu'on voit parfois des textes entièrement écrits en orthographe française dans lesquels
émergent des mots en langue régionale, la graphie du poitevin-saintongeais va inverser cette
pratique écrite en s'appliquant à toute la chaine parlée, d'où pourront parfois ressortir des mots
français. Elle va s'appliquer à mettre en évidence l'originalité du poitevin-saintongeais par
rapport au français sur tous les plans : grammatical, phonético-phonologique et lexical. Ainsi
seront soulignés par des graphèmes particuliers:
•
diphtongaison des voyelles accentuées : « àu » pour [aw], [o] ou [ɑ]; « àe », « ae », « ai »,
« àie » pour [e:], [ej] (éï), [aj] (aï), [a] (morphophonogrammes englobant les différentes
réalisations des marques de l'infinitif et du participe passé, masculin et féminin).
• palatalisation des consonnes occlusives /k/ et /g/ devant voyelle antérieure : « çh » et « gh »
• expiration des chuintantes sonores : « jh »
• point d'articulation de certaines voyelles nasales : « un »
caractéristiques qui n'étaient pas nécessairement soulignées antérieurement : par exemple le
« jh » n'apparait pas chez Burgaud des Marets, au XIXe siècle.
La graphie doit ainsi faire prendre conscience des grandes tendances qui distinguent le
poitevin-saintongeais du français et contribuent à son unité.
• 1.2 Innovation et désenclavement (déghettoïsation)
En rendant visibles d'autres régularités, dans l'espace, la graphie favorise une vision désenclavée:
les rapports avec les autres variétés apparaissent, par exemple
• pour l'infinitif du premier groupe: on n'a pas 4 ou 5 possibilités mais une ou deux, les
réalisations diphtonguées étant toutes représentées par « àe » qui englobe:
- [e :] des zones périphériques,
• - diphtongaison en [ej], [aj]
- et réduction de la diphtongue [aj] à [a].
Seules les formes en [i] (issues de la diphtongaison dans le Mirebalais et autour) ou en [er] vers
Noirmoutier , ont une graphie propre.
• pour la palatalisation de [k] et [g]...
• pour la notation de la diphtongue /ea/ qui rassemble les réalisations en [ea], [ja] (ya), [ɛ] (è),
[ɥa] (ua)... et change ainsi le regard sur des formes qui pourraient paraitre hétéroclites, tout en
étant les continuateurs de [ea], et susceptibles de dresser des frontières entre les « parlers ».
•
1.3 Innovation et normalisation (au lieu de la « normification »)
Il s'agit donc de substituer à une quantité importante de variantes graphiques diatopiques
(géographiques), qui représentent une langue foisonnante où règne l'arbitraire - graphies
distinctives de micro-normes locales-, une ou deux, au maximum trois propositions graphiques
qui ordonnent les réalisations, les organisent et reflètent à la fois unité et diversité, la graphie
n'étant jamais un modèle de prononciation, mais un outil de notation commun.
• ainsi le graphème « ll » représente les prononciations en [j] (y) et en [lj] (ly)du phonème issu
de L ou LL latin accompagnés de [j] (y), en toute position : pllace, fille/felle, mell, all, llénàe...,
là où les graphies individuelles sont très variées chez les auteurs et chez un même auteur (au
moins 7 possibilités) : « ll » après cs, « ill » entre voyelles et « il » en finale (Eric Nowak, Lucie
Mémin), « i » , « y» ou « 'i » après cs, « ill » entre voyelles (Régis Courlit), « ll » après cs, « ill »
entre voyelles, « 'y » ou « y » après cs, « il » en finale, les mêmes graphèmes étant utilisés aussi
pour les [j] (y) d'autres origines ( Anne-Marie Gauthier).
• de même les occlusives palatalisées sont notées d'une seule façon, « çh » pour la sourde,
« gh » pour la sonore, quelle que soit la réalisation : [tʃ], [tj] (ty), [tʃj] (tchy), [ç] (« ch » doux de
l'allemand), [kj] pour la sourde et [gj], [dj] (dy), [dʒ ] (dj), [dʒj ] (djy), [j], pour la sonore.
Graphème englobant, donc, normalisant là où des graphèmes variés se rencontrent : çh, tch, th, ti,
thi, thy, thyi... et gh, gui, guy, ghy, ghi, dyi, dh... sans compter les apostrophes.
2 Adapter (pragmatisme, protagonisme et polyvalence)
La plus grande partie des graphèmes utilisés sont ceux du français et des langues romanes, et
lorsqu'ils sont partiellement nouveaux, ils sont construits à partir de graphèmes du français, du
latin, de l'espagnol., ou déjà utilisés dans des écrits en poitevin-saintongeais.
2.1 Pragmatisme :
2.1.1 Graphèmes du français
Nombre d'usages graphiques retenus dans cette graphie proviennent du français et on pense là à
ce que Fabrice Jejcic décrit comme complémentaire dans les graphies individuelles qu'il a
étudiées : « dialectalisation graphique » et « dosage dialectal » (Jejcic, Ecritures dialectales)
dans la mesure où un texte écrit dans cette graphie présentera une alternance de segments
directement lisibles par tout francophone et d'autres dont les règles de lecture ne peuvent se
déduire directement du français.
• Remarquons d'abord qu'aucun des graphèmes de cette graphie n'oblige à avoir recours aux
caractères spéciaux, l'usage des caractères du français suffisant aux distinctions retenues.
• la notation du « e » dit muet, est systématique, l'apostrophe n'étant pas retenue, ressentie
comme indue parce que liée à la stigmatisation de l'oral et/ou de la langue régionale.
• la notation de la plupart des consonnes est aussi la même qu'en français, y compris quand la
prononciation diffère, comme pour la chuintante expirée notée « ch », qui sert de modèle à la
sonore « jh ». Même le graphème « ll », plutôt innovant, n'est pas inconnu en français, après
« i » : fille, famille... La notation de /s/ se fait presque toujours comme en français : pllace,
maçun, fiançàe, masse, aspi... sauf en cas de « rectification » d'après l'étymologie : dançàe,
chaçàe... Le /k/, lorsqu'il n'est pas palatalisé, est aussi noté généralement comme en français :
calendre, capablle, quatre, quauqu'in, quésciun, queri, sauf dans deux cas :
- lorsque l'évolution de la voyelle fait choisir « qu » au lieu de « c »: quemandàe/coumandàe,
queme/coume... En ce cas le pragmatisme prend le pas sur l'unitarisme
- lorsque le français utilise « k » : à « kyste » correspondent soit « quiste », soit « çhiste »,
« kilo » : « quilo » ou « çhilo »
• pour les voyelles nasales, dont les réalisations varient géographiquement, les graphèmes
retenus : « an », « in », « un », « en », « én» s'appuient complètement ou partiellement sur ceux
du français. Ainsi « an » , qui peut être réalisé [ɑ̃] ou [ɔ̃] ou entre les deux, se retrouve dans les
mêmes mots qu'en français : chançun, chanp, tante... , comme « in » : vin, pin... et « en » : vent,
lentille... Et « én » se comprend à partir du graphème français « ien » dont il occupe souvent la
place : bén/« bien », chén/ « chien », vént/ « vient »...) et à partir des dérivés (« benaese ») ou
formes marquées (« chén/chéne »...).
Au total, l'exemple fourni en annexe 1 montre une large prédominance des formes communes
avec le français, les formes innovantes étant cependant nettement plus nombreuses dans l'édition
en graphie normalisée que dans l'édition antérieure, en « graphie localisée ».
2.1.2 Autre aspect de l'adaptation pragmatique : le maintien de la variation graphique
diatopique (géographique) ou diachronique lorsque les réalisations sont trop éloignées :
• variation diatopique
- phonétique : on l'a vu pour les réalisations du A long latin à l'infinitif (« àe », « i », « er »),
mais aussi dans le cas du suffixe issu de -ARIU : prmàe/premié, poumàe/poumié,
ouvràe/ouvrié... c'est aussi le cas de beaucoup d'autres variations vocaliques, comme [o]/[u] :
novéle/nouvéle ; [e]/[a] : lantérne/lantarne ; mais aussi : jaenablle/jhénablle, anàie/annàie...ou
consonantiques : patoulle/patroulle, li/lli, lour/llour ; variations vocaliques et consonantiques, par
exemple pour rencuntràe/renscuntràe, ou pour le démonstratif :çheu/queù/quou/çhou/çhau/quau...
- morphologique : i chantàe/jhe chanti ; lours/lourés (« leurs ») ; daus/dés (« des »)...
• variation diachronique : licour/liqueùr, lae/loe, rae/roe...
2.2 Protagonisme : au lieu de subir (victimisation) une situation graphique complexe et difficile
à maitriser, le scripteur peut, à travers la graphie proposée, devenir acteur, protagoniste, de
différentes façons, en particulier par le choix de graphies utilisées antérieurement en
poitevin-saintongeais
2.2.1 On peut considérer que la plupart des graphèmes distincts de ceux du français sont puisés
dans les écrits poitevins-saintongeais antérieurs, ce qui ne signifie pas qu'ils sont généralisés ni
connus des scripteurs des XXe-XXIe siècles. Les introduire est néanmoins une façon de
valoriser l'écrit poitevin-saintongeais, et les scripteurs : « ea » était utilisé au XVIe siècle,
« çh » et « jh » se trouvent chez Jônain, au XIXe siècle, de même que « ll » après cs, et le « jh »
était quasi-généralisé avant d'être retenu dans la graphie de l'UPCP. « Un » était utilisé par
Ulysse Dubois et plus largement, la graphie UPCP a été élaborée à partir de pratiques déjà
présentes dans Le Subiet, de façon non systématique.
2.2.2 Il faut remarquer que les graphies antérieures étant le plus souvent assez variées, le choix
opéré parmi celles-ci n'est pas neutre : le graphème retenu n'est en effet pas nécessairement le
plus courant, mais assez souvent celui qui met le mieux en évidence la spécificité du
poitevin-saintongeais. On peut considérer, comme on l'a montré en 1.2, que les scripteurs
participent ainsi à la construction collective de la langue à travers l'écriture normalisée de
celle-ci. C'est le cas pour la chuintante sonore, qui n'est pas expirée partout, mais est partout
notée « jh », prononciation à la fois majoritaire et distincte du français. Et il se trouve qu'en
même temps que la graphie normalisée retenait ce graphème, on se rendait compte que
l'expiration de la chuintante était présente au nord ouest du domaine, chez des locuteurs âgés,
ce qui confortait le choix de ce graphème, sans pertinence phonético-graphématique en Vendée,
mais majoritaire dans le centre et le sud du domaine linguistique. De même choisir « un » pour la
nasale dans « maçun », « bun »... c'est choisir à la fois le graphème qui traduit le mieux la
prononciation la plus centrale et celui qui s'éloigne du français « on », même si ce graphème n'est
pas le plus courant, pas plus que la réalité phonétique sur laquelle il s'appuie, inconnue dans une
très large périphérie.
2.3 Polyvalence : une dernière caractéristique de cette graphie c'est son intervention sur des
principes graphiques du français dont la mise en œuvre n'est pas aisée en français même. En
d'autres termes le système appliqué au poitevin-saintongeais pourrait sur certains points l'être au
français, c'est-à-dire qu'il va dans le sens de certaines propositions de réforme, non appliquées
mais possibles, en français [2]. Ainsi la mise en œuvre de la graphie du poitevin-saintongeais
devient un instrument critique de la graphie de la langue de référence et le scripteur dépasse
le seul objectif d'écrire la langue régionale en adoptant un regard critique sur une orthographe
sacralisée par l'environnement social. Ces « rectifications » consistent à
2.3.1 simplifier les doubles consonnes dont la pertinence n'est qu'étymologique. Le
doublement n'apparait que lorsqu'il a une justification autre que l'étymologie :
- « ss » /s/ comme graphème à valeur différente de « s » /z/ entre voyelles (basse/base)
- « ll » /lj/ réalisé [lj] ou [j] comme graphème à valeur différente de « l » /l/ (balle/bale)
- « n » lorsqu'il est inclus dans les digraphes « an » /ã/ réalisé [ɑ̃] ou [ɔ]̃ ou « en » et suivi d'une
syllabe qui commence par « n » (annàie)
2.3.2 supprimer des graphèmes à pertinence surtout étymologique, comme les « lettres
grecques » : « ph » remplacé par « f » (foto), « y » voyelle remplacé par « i » (dinamo, mistaere,
liçae...) , le « h » (oume, eule), le « s » final (tenp, mi/mie, participe passé de « metre »...), « m »
devant « p », « b », « m », remplacé par « n » (enmenàe, enbounesi...), t devant i pour noter [s],
remplacé par « c » (naciun...) .
2.3.3 rectifier certaines erreurs (étymologie), comme dans « dançàe », « cénc » (cinq), « den »
(dans), « sen » (sans)...
Le scripteur du poitevin-saintongeais peut ainsi jeter un regard critique correctif sur la graphie du
français : il dépasse non seulement le « complexe du patois », mais aussi l'attitude passive devant
des complications orthographiques dans la graphie de la langue plus ou moins ressentie au départ
comme modèle.
On se rapproche donc ainsi d'une graphie univoque, non parce qu'à un phonème correspondrait
un graphème et un seul, mais parce que les graphèmes seraient le plus proches possibles de cette
correspondance, tout en maintenant, pragmatisme oblige, une marge de variation.
3 Ajuster : problèmes liés à l'utilisation de la graphie et pistes pour des solutions
La pratique de ce système graphique dans l'édition (Geste éditons en particulier) et
l'enseignement (associations de l'UPCP et Université) depuis environ 25 ans permet, avec le
recul, un regard critique et une réflexion sur l'origine des résistances et certaines évolutions
possibles.
3.1 Un système adapté à certaines pratiques d'écriture
3.1.1 L'utilisation de ce système graphique ne présente guère de difficultés pour les nouveaux
apprenants, ceux qui n'ont pas ou peu d'image graphique mentale de la langue qu'ils
apprennent ou réapprennent dans une optique militante, conscients de contribuer ainsi à
l'émergence du poitevin-saintongeais comme langue et intéressés par l'ensemble de la langue
régionale, à partir d'une variété locale. Il y a, parmi ce public, des exceptions, très rares : certains
militants estiment en effet qu'un système graphique plus proche du français serait plus utile, plus
abordable pour tous, plus réaliste, en l'absence d'enseignement, et, même si ce système graphique
n'est pas particulièrement difficile, ils considèrent que la plus grande partie des locuteurs ne peut
pas l'apprendre ni le pratiquer comme scripteurs et comme lecteurs.
3.1.2 Pourtant la plupart de ceux qui sont motivés par le mouvement en faveur d'une langue
vivante, novatrice, adhèrent sans difficulté particulière à ces solutions graphiques, pour
différentes raisons :
- par réalisme ou économie : utiliser une graphie commune, c'est se dispenser d'en chercher une
pour soi ;
- par « docilité » scolaire : une langue/une graphie ;
- parce qu'ils ont testé et apprécié ces solutions graphiques, même si la maitrise parfaite de
celles-ci dépend de la fréquence de leur usage .
L'innovation présente dans ce système graphique est sans doute même perçue comme
représentant la force innovante d'une langue émergente.
3.1.3 Par ailleurs la connaissance d'autres systèmes graphiques que celui du français joue à
l'évidence un rôle dans le choix d'une graphie normalisée, critère plus ou moins corrélé à celui de
l'âge, les plus âgés ayant plus de difficulté que les jeunes, qui ont à peu près tous étudié d'autres
langues que le français et donc pratiqué d'autres systèmes graphiques.
3.1.4 Néanmoins le facteur déterminant est sans doute celui du réseau auquel est lié le
scripteur. Sauf exception les adhérents de l'UPCP-Métive sont plus enclins que les autres à
l'utiliser. La pratique de cette graphie relève au moins partiellement de la réticularité, même s'il
arrive qu'on reçoive, du Canada comme de France, des messages ou des textes utilisant cette
graphie, alors que leurs scripteurs ne semblent pas être directement en rapport avec le réseau qui
la promeut. La facilité de consultation sur Internet du « dicopoitevin » a sans doute contribué à
développer l'extension du réseau des scripteurs utilisant cette graphie.
3.2 Des difficultés liées à la situation sociolinguistique
3.2.1 L'absence d'enseignement généralisé a comme résultat une diffusion limitée de la
graphie. Par exemple pour « un », le choix de ce graphème, utilisé par Ulysse Dubois, renvoie à
une prononciation centrale qu'une périphérie très large ne connait pas. La fonction englobante de
« un » qui recouvre toutes les réalisations du O latin devant nasale n'est pas nécessairement
perçue par le scripteur ou le lecteur périphérique même averti qui, s'il a eu une pratique écrite
avant de connaitre la graphie de l'UPCP, ne reconnait pas la variété qu'il pratique et n'admet pas
nécessairement qu'on ne l'écrive pas « comme elle se prononce ».
3.2.2 Conflit avec le modèle sous-jacent (graphie du français) soit ponctuellement, pour la
notation de tel ou tel fait, soit globalement, tout écart avec l'orthographe scolaire pouvant être
ressenti comme une preuve de « déloyauté » : ainsi écrire l'infinitif du premier groupe « àe » et
non « er », ou renoncer à des logogrammes comme « à », « où », « et » semble constituer de
véritables obstacles pour certains.
3.2.3 Graphie qui peut être vécue comme imposée de l'extérieur et arbitraire : en l'absence
d'autorité académique, scolaire ou autre, la graphie peut être remise en cause par tout un chacun,
particulièrement en dehors du réseau UPCP, autour de la SEFCO, dont les scripteurs sont
majoritairement âgés et habitués à utiliser des graphies individuelles, même si cette graphie est
dans la continuité des tentatives antérieures. Précisons que ceux qui souhaitent une
reconnaissance du saintongeais en dehors du poitevin-saintongeais s'opposent à ce système
graphique unitaire.
3.3 Des pistes pour une évolution
Système graphique en place depuis plusieurs dizaines d'années, utilisé par la collection Parlanjhe
de Geste-éditions, la revue Bernancio, l'enseignement universitaire et les ateliers associatifs
d'Arantèle et Parlanjhe Vivant > possibilité d'esquisser un bilan et de définir des orientations
pour adapter la graphie à la demande sociale, par exemple :
3.3.1 Simplifier les règles, en particulier l'accentuation qui suppose une connaissance
exhaustive des réalisations possibles : pour choisir entre « ae » et « àe » il faut savoir si on peut
trouver la simplification en [a] > « àe » (fouràet, fàete...) ou non > « ae » (liçae...). Dans
d'autres cas il faut connaitre l'étymologie pour savoir si on écrit « àie » ou « alle » par exemple
(fàie ; falle). Le plus souvent la graphie du français, partagée par les scripteurs /lecteurs permet
de se sortir d'affaire, mais beaucoup de scripteurs n'analysent spontanément ni le statut
grammatical du mot (qui conditionne le choix entre « àe », « ai », « àie », « ét »... pour les
verbes) ni le statut phonologique des variantes phonétiques. Ajoutons que dans certains cas le
raffinement imposé par la différenciation entre « àe » et « ae » ne semble pas utile, de même que
la distinction, à justification étymologique et morphologique, entre « in » et « én » (on pourrait
écrire : « cinc », « vint », « chin » et néanmoins « chéne »)
3.3.2 Accorder plus de place à l'invention personnelle (auteurs) et collective (ateliers) dans un
cadre commun, en particulier pour la notation des variantes locales: c'est ce qui est fait de façon
très limitée dans l'édition (Devineau 2015), par le directeur de la collection Parlanjhe de Geste
éditions. Mais si cette pratique était plus étendue, l'adhésion des scripteurs pourrait en être
renforcée.
3.3.3 Enfin, point sensible, il pourrait être envisagé d'accepter les variantes dans le système de
notation lui-même pour tenir compte d'habitudes graphiques locales, en lien avec la
prononciation, par exemple pour la consonne occlusive palatalisée notée « çh », qui ne traduit
pas les réalisations en [tj] ou [tʃ], les plus nombreuses, écrites par les auteurs avec « t » : tch, ti,
ty... Cette dernière proposition, contraire aux principes mêmes d'une graphie commune, irait
comme la précédente dans le sens d'une graphie plus localisée, en y ajoutant la prise en compte
de traditions locales vivantes. Faut-il aller vers une « langue polygraphique » ? c'est la question
que posait Alain Dawson en 2002. Il est sûr que les promoteurs de la graphie de l'UPCP , qui ont
développé à Geste éditions, avec cette graphie, une collection « Parlanjhe » que des militants
d'autres langues d'oïl leur envient, le ressentiraient comme une régression, mais la graphie
appartient aux scripteurs et lecteurs, pas seulement à ses concepteurs et premiers diffuseurs.
Pour conclure, disons que la graphie n'est pas un ilot, un isolat dans les interactions
sociolinguistiques, mais un élément qui interagit avec d'autres, qu'il aurait fallu davantage
évoquer, de même qu'il aurait fallu citer et indexer nombre de discours plus ou moins
contradictoires tenus sur cette graphie, objet de débats mais dont la pratique s'étend, en même
temps que l'édition, les ateliers associatifs et la messagerie électronique où elle est pratiquée.
L'avenir nous dira ce qui résulte des tendances contraires actuellement à l'oeuvre, dans lesquelles
la graphie est incluse, sans en être l'essentiel sur le plan social, la pratique orale sur scène étant
largement aussi présente que la pratique écrite publiée.
-----------Bibliographie
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du Colloque Les langues de France et leur codification. Ecrits divers- Ecrits ouverts, Dominique Caubet, Salem Chaker,
Jean Sibille (éd.), L'Harmattan, 2002, p. 85-97.
Devineau Colette, Les Parlers de L'Epine et de l'île de Noirmoutier, Geste éditions, 2015.
Commission Parlanjhe de l’U.P.C.P. - Métive, Écri z-ou de maeme, Orthographe du poitevin-saintongeais:
http://www.arantele.org/ortho/ecri_z-ou.pdf
Dourdet Jean-Christophe « Normalisation graphique : usages et variations, pour qui, pour quoi ? Analyse comparée entre
poitevin-saintongeais et occitan limousin », dans Standardisation et vitalité des langues de France, Carnets de l'Atelier de
Sociolinguistique 2014 n°9, Jean-Michel Eloy (éd.) , UPJV-LESCLAP (CERCLL) EA 4283, L'Harmattan, 2014, p. 63-76.
Duguet Jacques, Bonnaud Pierre, « Graphie normalisée et dictionnaire », Aguiaine, SEFCO, sept.-oct.1971.
Eloy Jean-Michel et Jagueneau Liliane, « Dynamique de permanence et d'émergence des langues d'oïl: quel sens social ? »
dans L’Histoire sociale des Langues de France, coord. Kremnitz, Presses Univ. de Rennes, 2013, p. 385-394.
Gautier Michel, Grammaire du poitevin-saintongeais, Geste éditions, 1996. [p. 17-37 « Les sons et l'écriture » : présentation
des systèmes d'écriture : graphie normalisée et graphie localisée], Geste éditions, 1993.
Goffman Erving, Stigmate. Les usages sociaux des handicaps, trad. De l'anglais par Alain Kihm, Paris, Minuit, 1963.
Jagueneau Liliane « Ecrire en langue régionale : la normalisation graphique du poitevin-saintongeais », communication au 4e
Colloque d'ethnologie et de dialectologie du Centre-Ouest, dans Aguiaine-Le Subiet, revue de la SEFCO, Saint-Jean
d'Angély-17, Juillet-aout 1995, p, 9-24.
Jagueneau Liliane « La représentation de la langue dans les publications de chansons traditionnelles dans le Centre-Ouest de la
France », dans Langue, musique et identité dir. Jeremy Price, Licia Bagini, Marlène Belly, éd. Publibook, 2011, p. 221-236
[à partir de l’exemple des versions écrites de « L’ageasson »]
Jejcic, « Ecritures dialectales, (1865-1997), en marge de l'histoire de la langue : éléments pour une théorie sociolinguistique de
l'écrit », Journée d'étude Dialectes d’oïl, oralité et écriture : Sociolinguistique des systèmes graphiques (Approches,
théories, pratiques), organisée par Fabrice Jejcic et Jean-Léo Léonard, CNRS-Paris 1-LAMOP et Paris 4, 9 décembre 2015.
Léonard Jean-Léo et Jagueneau Liliane, « Disparition, apparition et réapparition des langues d'oïl », dans Bulletin de la Société
de Linguistique de Paris n° 108/1, 2013.
Pivetea Vianney, Dictionnaire Français> Poitevin-saintongeais / Poitevin-saintongeais > français, Geste éditions, 1996
(nouvelle édition 2006) [accessible en ligne: dicopoitevin.free.fr
.
Présentation succincte de la graphie:
http://pivetea.free.fr/parlanjhe.htm#GRAFANJHE ]
---------Annexe 1
Un exemple de texte dans deux graphies : graphie localisée et graphie normalisée de l'UPCP
Michel Gautier, début du poème « La Pibole », suivi de quelques mots isolés tirés de la suite du texte
dans La Pibole, Le Cercle d'or, 1979
Entcho moument darére l'ile d'Yu chétle souloll
Et leborjaïen tchomoument ramene sés olls
Le vent degalèrne rabiaolesusléstréres
Et bétout la nèrtai montrat dos bas dosroéres
Mé tn éll se fèrme et pis t'en saras rin mon ga
De la biataï de tcho péyi qu'te counèja
De sèr de sèr
D'ète tot sul me cope le respire
Sul et téri
(...)
enniaï
jaones
pibole hachaïe
dans l'édition de 1979
Nb total de graphèmes
(Nb de graphèmes distincts :
exemples)
dansMordiéne, Geste éditions, 1992
En çhaumoument darére l'ile d'Yeù chét le
souloll
Éle brjhàeen çhaumoument ramene sésolles
Le vent de galérnerabiaule su léstrérs
Ébétout la nértai munterat daus bas daus roeres
Mé ten éll se frmeé pi t'en saras rénmun ga
De la beataide çhaupéyis que te counés jha
De sérde sér
D'étre tot seùlme cope leréspir
Seùl é téri
(…)
enniai
jhàunes
pibole hachàie
Degré d'innovation/continuité
Innovation:dans l'édition 1992
Continuité : +
Graphèmes
connus
pour un
francophone
règles de
lecture
connues
Nb total de graphèmes
(Nb de graphèmes distincts :
exemples)
pour un
francophone
Environ 200
(environ 37 :« en », « tch », « o »,
« m », « ou », « t » final, « d »,
« a », « r », « é », « e » final,
« l », « i », « y » dvt voyelle, « u »,
« ch »,« s »...)
8
(1 : é/è accentués devant cs finale)
+
+
-
+
4
(2 : « ll » correspondant à [j] ou [lj]
et absence de « e » dit muet dans
« tn »)
-
-
Environ 190
(environ 24 :« en », « au » « m »,
« ou », « t » final, « d », « a »,
« r », « é », « e » final, « l », « i »,
« y » dvt voyelle, « u », « ch »,« s »,
« o »...)
4
(1 : é accentué devant cs finale)
21
(10 : « çh », « eù », « ll », absence de
voyelle dans la syllabe cs + r, « jh »,
« àe », « é » correspondant à [e] ou [ɛ]),
« un », « oe », « én »)
Annexe 2
Grille d'analyse catégorielle Stigmate/Contre-Stigmate
Les formes de la stigmatisation goffmanienne
Transcender le stigmate chez les « micro-aménageurs d'oïl »
Acceptation
Ghettoïsation
Conformisme
Conscientisation
Victimisation
Désenclavement
Incorporation
Innovation
Provocation
Protagonisme
Compensation
Réticularité
Euphémisation
Transgression
Normification
Individuation
Résilience
Dénomination
Idéalisation
Normalisation
Acculturation
Polyvalence
Pragmatisme
Médiation
D'après Léonard Jean-Léo et Jagueneau Liliane, « Disparition, apparition et réapparition des langues d'oïl », dans Bulletin de
la Société de Linguistique de Paris n° 108/1, 2013.
Annexe 3
Graphie de l'UPCP (d'après http://pivetea.free.fr/parlanjhe.htm#GRAFANJHE)
[La présentation commence par un rapide historique des premières tentatives de graphies communes, à partir des
années 1970 par Jacques Duguet, avec la SEFCO, avec Pierre Bonnaud et avec, à l'UPCP, une « graphie
localisée »]
GRAFANJHE NORMALESI (UPCP 1989) É LÉNGALLAJHE
GRAPHIE NORMALISÉE ET PRONONCIATION
TABLLA
CUNSOUNES MORABLLES (Consonnes non modulées)
b, d, f, l, m, n, p, r, t, v : notent approximativement les mêmes sons qu'en français.
c : -k devant a, o (carbàu : charbon ardent, coce : bûche) : (sauf dans la série quauque : quelque, quant : quand,
quau : quel etc.).
- s devant e, i, conformément à l'étymologie (cent : cent, citre : cidre).
ç : s devant a, o, u, conformément à l'étymologie (maçun : maçon, chaçour : chasseur).
ch : ch plus ou moins expiré (chevàu : cheval).
g : g devant a, o et consonnes (glla : glace).
gu : g devant e (guenelle : guenille).
h : expiration à l'initiale vocalique (huntous : honteux).
jh : j plus ou moins expiré (parlanjhe : langue, jha : pas, guère).
qu :k devant e, parfois i (quelle : quille, qui : qui).
s : -z entre voyelles (osea : oiseau).
-s dans les autres cas (sàu : sel).
ss : s entre voyelles (cassea : tesson).
x : gz (éxenplle : exemple, mais éspràe : exprès).
z : z à l'initiale où après consonne (zire : dégoût ; forzir : devenir fort).
CUNSOUNES MOLLÀIES (Consonnes palatalisées)
çh : [qui /tch /ti /çh], analogue au ch doux allemand (çhau [quio /tcho /tio /çho] : ce).
gh : [gui /dj /y] (ghére [guiére /djére /yére] : guère).
gn : gn (gna : agneau, sognàe : soigner).
ll : l mouillé, souvent réduit à y (égall : rosée, pllace : sol, place).
Les palatalisations de d et de t devant i ne sont pas notées (dire [diire /djire] : dire, petit [petiit /petchit] : petit).
CUNSOUNES DE DÉFINICIUN (Consonnes finales)
Elles sont notées en fonction de la prononciation ou des dérivations.
r : peut être muet, notamment dans les suffixes -our [our /ou] (paechour [péchour /péchou] : pêcheur).Idem pour
les finale -re précédées d'une consonne (vendre [vendre /vende]).
s : est la marque du pluriel, de la 2ème personne du singulier des verbes ou d'une dérivation au féminin (te
chantes : tu chantes, huntous, huntouse : honteux, honteuse).
s : final est toujours muet, sauf dans les adjectifs et déterminants devant voyelle (lés oseas, les oiseaux ; lés petits
oseas : les petits oiseaux) et dans certaines prépositions (dépeùs /dépis a matin : s prononcé z).
t : est la marque des 3èmes personnes du singulier et du pluriel des verbes et des dérivations (o vat : ça va,
chantant : chantent, pot, potàie : pot, potée). t final peut se prononcer.
VOYÉLES DE GOULE (Voyelles orales)
a : a antérieur ou postérieur (pale : pelle, achét : ver de terre).
e : e central ou muet (felle : fille, se reviràe : se retourner).
é : [é /è] (éparàe : étendre, prmére : première, nét [var. de neùt] : nuit).
eù : [eu /u] (çheù [çheù /tchu] : cela.
i : -i (i : je, idàie : idée).
- y, semi-voyelle après consonne et devant voyelle (aviant : avaient).
o : ouvert ou fermé (pibole : flûte, pot : pot).
ou : ou (pibolour : joueur de flûte).
r : r voyelle ou métathèse possible de er/re (crve, grouàie). Les réalisations peuvent être [er /or/ re] (grouàie
[guerouaïe, gorouaïe] : groupe, couvée).
u : u (çhule : recule).
y : y à l'initiale et entre deux voyelles (yin : un, créyant : croient).
au : o fermé dans les radicaux en position non accentuée et susceptibles de se diphtonguer en àu (échaudi,
chàud). Articles au [o], dau [do] conformément à l'étymologie.
ae : [é/è] dans les radicaux en position non accentuée et susceptibles de se diphtonguer en àe (paechour,
pàeche).
VOYÉLES DE NÀES (Voyelles nasales)
Elles sont fixées en tenant compte de l'étymologie.
an : [an /on parfois in] (chante [chante /chonte]).
en : [an parfois in] (den [dan /don /din] : dans).
én : [in] dérivés possibles en -éne/-ene (chén, chéne /chene : chien, chienne).
in : [in] dérivés en -ine (boquin, boquine : bocain, bocaine). Préfixes négatifs in- (insérviablle).
un : [on/an/in] dérivés en -oun, -oune (bessun, bessoune : jumeau, jumelle, muntit : monta).
ùn : [in] rare, dérivés en -une (coumùn, coumune : commun).
DIFTUNGUES (Diphtongues)
àe : [é /eï /aï /aè] réduction possible en [a]. Elle concerne les è longs issus notamment de -es-, des suffixes latins
-ariu, -are (màe : moi, tàete : tête, poumàe : pommier).
ai : [eï /aï /é /i] concerne notamment les participes passés masculins (latin -atu), les nom abstraits (latin -ate) ;
(faticai : fatigué, beatai : beauté).
ae : [aï /é] concerne aussi des é pouvant être diphtongués en Bas-Poitou, mais non réduits à [a] ou à [i] ; (jhamae
: jamais).Concerne des diphtongues particulières au Bas-Poitou (bae /bén : bien, vaet /vént : vient).
àie : [eïe /aïe /ie /ée] concerne notamment les participes et les noms féminins (latin -ata) ; (faticàie : fatiguée,
annàie : année).
Les graphies àe, ai, àie seront étendues aux régions où la diphtongue est peu sensible, réduite à é ou restée à
l'étape d'un è long, notamment en Saintonge, Civraisien.
àu : [ao /a /ou /o] (chevàu [chevao /cheva /chevou /chevo] : cheval, chàude [chaode /chade /choude /chode] :
chaude).
ea : [èa /ia /è /ua /a] (coutea [coutèa /coutia /coutè /coutua /couta] : couteau).
oe : [oé /wé /oï parfois o] (Poetou : Poitou, poessun [poéssin /possin] : poisson, maroe [maro] : marais).
oé, oén : [oé], [oin] après les consonnes labiales (moé /màe : moi, poén /pén : pain).
oa : [oa /wa] rare (poas /poes : puits).
Les nombreuses diphtongues nasales ne seront pas notées.
[*] Communication présentée à la Journée d'étude « Dialectes d’oïl, oralité et écriture : points de vue sociolinguistiques
(Approches, théories, pratiques) » organisée au CNRS à Villejuif (Paris) le 9 décembre 2015 par Fabrice Jejcic, LAMOP
(UMR 8589)CNRS Paris 1 et Jean Léo Léonard, STIH (EA 45 09), ParisSorbonne
[1] On trouvera en annexe 3 une présentation succincte du système graphique élaboré à la fin des années (19)80 par la
Commission Parlanjhe de l'Union Pour la Culture Populaire en PoitouCharentes et Vendée, union d'une quarantaine
d'associations, et d'adhérents individuels, de Vendée, DeuxSèvres, Vienne, CharenteMaritime et Charente fondée en 1969
(www.metive.org), Créé à partir d'essais d'auteurs de la SEFCO (Société d'Ethnologie et de Folklore du CentreOuest), ce
système graphique est utilisé par l'éditeur Geste éditions, par les ateliers de langue régionale de l'UPCPMétive et dans
l'enseignement universitaire. Il est présenté de façon détaillée dans la Grammaire du poitevin-saintongeais (Gautier, 1993)
et sur le site www.arantele.org (Ecri zou de maeme).
[2] On y retrouve en particulier les simplifications appliquées par Jules Ronjat dans sa Grammaire istorique des Parlers
Provençaux modernes.