Deux évangiles

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Deux évangiles
Deux évangiles
L'évangile du monde ou l'évangile de Jésus-Christ ?
David Shutes
[version 2.01 : octobre 2013]
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Table des matières
Introduction : quel évangile est l'évangile de Jésus-Christ ?.......................................2
Bien identifier l'évangile du monde................................................................................3
Le principe de base de l'évangile de Jésus-Christ........................................................6
C'est Jésus qui nous sauve du péché : le salut par la foi..............................................8
Jésus nous sauve du péché : l'espérance de la sainteté parfaite................................10
Jésus nous sauve du péché : la transformation profonde du caractère....................14
L'évangile de Christ dans la théologie de Paul : foi, espérance et amour.................17
La foi, l'espérance et l'amour dans l'épître aux Romains..........................................21
Un conflit très ancien.....................................................................................................24
Quelques formes de l'évangile du monde dans nos milieux aujourd'hui.................29
Conclusion : quel est notre évangile ?..........................................................................33
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Introduction : quel évangile est l'évangile de Jésus-Christ ?
En tant que chrétiens, nous croyons au salut par la foi en Jésus-Christ. Nous insistons que Christ est mort et
ressuscité, et que le salut nous est accordé parce que nous croyons en lui. Tout cela est juste, et important, et
fait la quasi-unanimité parmi tous ceux qui se disent chrétiens. Ce qui nous échappe souvent, toutefois, c'est
que ce n'est pas suffisant, ce n'est pas du tout l'ensemble du message de l'évangile. Il est très bien de parler du
salut par la foi, à cause de Christ et non à cause de nous, surtout dans un monde où la religion est dominée
par la notion d’œuvres humaines et du mérite humain. Mais il nous faut aussi savoir quel salut nous est
donné par la foi en Christ. C'est là, j'en suis persuadé, la grande question qui confronte la chrétienté au début
du 21ème siècle.
Il y a, bien sûr, beaucoup de religions différentes dans le monde, avec beaucoup de messages différents. Il est
d'ailleurs extrêmement déconcertant d'essayer de voir clair dans le foisonnement d'enseignements qui sont
proclamés de tous les côtés par toutes sortes de groupes, chrétiens et non-chrétiens. Toutefois, dans le fond, il
n'existe que deux messages fondamentalement différents. Toutes les religions que l'homme s'est données
annoncent l'un de ces messages, sous une forme ou une autre. Seul Jésus-Christ nous annonce l'autre.
L'un de ces messages nous montre comment nous en sortir avec nos souffrances, nos problèmes, tout ce qui
nous empêche d'être heureux. Ce message nous enseigne que, par l'aide de Dieu, des dieux, des esprits, du
« principe universel » ou de toute autre concept du divin, nous pouvons diminuer sérieusement, voire
éliminer totalement et définitivement, toutes ces difficultés. Ce qui motive ceux qui pratiquent la religion,
donc, quelle que soit sa forme, est le désir d'échapper à la souffrance. La vie est difficile et, si l'aide du divin
peut nous la rendre moins difficile, les contraintes et obligations de la religion peuvent largement se justifier.
Ce message est répandu dans tous les pays et dans tous les temps, car il est le message que cherche
naturellement le cœur humain pécheur. C'est pour cette raison qu'il convient bien de l'appeler « l'évangile du
monde ».
L'autre message nous montre comment Dieu, par Jésus-Christ, peut transformer nos cœurs pour nous délivrer
du péché. La motivation principale pour ceux qui acceptent un tel message n'est donc pas le désir d'échapper
à la souffrance mais le désir d'échapper à la corruption à l'intérieur d'eux-mêmes. La sainteté compte
infiniment plus, pour eux, que le confort, la prospérité et le bien-être personnel.
Il faut bien garder en tête que le fait d'utiliser des termes « chrétiens » n'en fait pas forcément un message
chrétien pour autant. Il est tout à fait possible de parler de la mort et la résurrection de Christ, du salut par la
foi, et d'un tas d'autres concepts bibliques, sans annoncer l'évangile de Jésus-Christ. Comme l'évangile du
monde découle directement du cœur de l'homme pécheur, il infecte aussi facilement le message chrétien que
celui de n'importe quelle autre religion. Il se substitue facilement ainsi à l'évangile de Jésus-Christ, sans que
l'on s'en aperçoive si on ne fait pas très attention.
C'est pourquoi Paul, dans 2 Timothée 3.5, parle de gens qui « garderont la forme extérieure de la piété, mais
ils en renieront la puissance ». La « forme extérieure » inclut une bonne partie du vocabulaire. Mais la
puissance de l'évangile de Jésus-Christ se trouve dans son pouvoir de nous délivrer du péché. Renier cette
puissance, c'est chercher autre chose que la délivrance du péché, tout en gardant une forme « chrétienne »
dans l'ensemble.
D'ailleurs, l'ensemble du passage dans 2 Timothée 3, depuis le début du chapitre, illustre bien à plusieurs
endroits l'enjeu entre l'évangile du monde et celui de Christ : « Sache que, dans les derniers jours, surgiront
des temps difficiles. Car les hommes seront égoïstes, amis de l'argent, fanfarons, orgueilleux,
blasphémateurs, rebelles à leurs parents, ingrats, sacrilèges, insensibles, implacables, calomniateurs, sans
frein, cruels, ennemis des gens de bien, traîtres, impulsifs, enflés d'orgueil, aimant leur plaisir plus que Dieu ;
ils garderont la forme extérieure de la piété, mais ils en renieront la puissance. Éloigne-toi de ces hommeslà. »
Ils sont « égoïstes » : leur priorité, c'est leur propre bien-être. Ils sont « amis de l'argent » : ils mettent leur
priorité dans la prospérité. Surtout, ils aiment « leur plaisir plus que Dieu ». Tout cela caractérise
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exceptionnellement bien certains même de ceux qui parlent du « salut par la foi en Jésus », tout en mettant
l'accent sur la richesse (« amis de l'argent »), leur propre bien-être (« égoïstes ») et la recherche des
bénédictions de Dieu, pour soulager leur difficultés, plutôt que la recherche du cœur de Dieu (« aimant leur
plaisir plus que Dieu »). Ceux qui se laissent entraîner dans l'évangile du monde ont très clairement d'autres
priorités que la sainteté et la communion avec Dieu.
Ceux qui aiment vraiment Dieu, en revanche, veulent s'approcher de lui. Ils le font pour lui-même et non
simplement pour les richesses qu'il peut nous donner. Ils savent aussi que le péché nous empêche de vivre
cette véritable intimité avec Dieu. Leur motivation profonde est donc la sainteté, afin de s'approcher de Dieu
et d'être comme lui. Ils peuvent se passer de la richesse, de la délivrance de leur souffrances, ou de leur
propre réussite, à condition de savoir qu'ils marchent de plus en plus près de Dieu.
Il est donc essentiel de savoir faire la différence entre ces deux messages. Si Paul met même un responsable
d'église, aussi bien formé dans la doctrine chrétienne que Timothée, en garde contre ce danger, c'est qu'il
n'est pas aussi facile qu'on pourrait le penser de faire la différence. Ceux qui ne s'attachent pas à Dieu luimême en premier mettront toujours leur propre bien-être en avant comme priorité, même dans leur foi. Ceux
qui veulent rester attachés à Dieu doivent donc faire très attention de ne pas se laisser entraîner dans ce piège
de Satan.
Le conflit entre ces deux messages est bien plus ancien que le christianisme. Depuis presque le début de
l'Ancien Testament, Dieu appelle l'homme à s'attacher à lui personnellement, à l'aimer en premier et à vivre
dans la sainteté, tandis que l'homme essaie constamment de déformer le message de Dieu, pour chercher la
protection, la délivrance des problèmes, ou la prospérité. Même de nos jours, le conflit entre ces deux
manières de concevoir les priorités spirituelles dépasse largement le cadre chrétien. Toutefois, ce qui doit
nous concerner le plus est la forme que prend ce conflit dans nos milieux chrétiens. « Qu'ai-je, en effet, à
juger ceux du dehors ? N'est-ce pas de ceux du dedans que vous êtes juges ? Ceux du dehors, Dieu les jugera.
Expulsez le méchant du milieu de vous » (1 Corinthiens 5.12-13).
Bien identifier l'évangile du monde.
Si nous comprenons bien ce qu'est l'évangile du monde, nous le reconnaîtrons facilement quand nous le
verrons, même s'il se déguise en message « chrétien ». Il est donc très utile de comprendre la pensée de base
de cette approche de la religion. L'évangile du monde prend des formes très variées, dont certaines ne
ressemblent pas du tout au christianisme ; ce ne sont pas ces formes-là qui constituent un risque pour nous,
donc nous ne les regarderons pas spécialement ici (sauf pour dire que la motivation de base – échapper à la
souffrance et les difficultés de cette vie – y reste inchangée). Mais les formes qui se rapprochent le plus du
message de la Bible méritent d'être regardées de près.
En vue de comprendre la motivation sous-jacente à cette
spiritualité, il faut commencer avec les problèmes de la vie.
Tout le monde en a. Les problèmes sont variables, selon les
gens, les cultures, les époques et les désirs de la personne, mais
ils sont toujours là. De nos jours, et dans nos pays occidentaux,
c'est peut-être le chômage, la maladie et la solitude qui nous
troublent le plus. Dans d'autres pays, la maladie passera peutêtre en premier (mais non les mêmes maladies), suivi de près
par la pauvreté. Peu importe. La nature précise des problèmes
qui nous empêchent d'être heureux et de profiter pleinement de
la vie n'est pas l'essentiel. Ce qui compte le plus, c'est de
comprendre que ces problèmes ne sont pas innés à nos
personnes. Ils viennent du dehors, comme tant d'attaquants qui
nous assaillent. Ils se situent dans les circonstances que nous
vivons, plutôt que dans notre nature elle-même.
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Ce sont ces problèmes qui nous troublent le plus et qui, par conséquent, nous préoccupent le plus. Certes,
nous sommes tous conscients de lacunes dans nos propres personnes, que nous aimerions changer, mais il est
très rare que ces défauts nous préoccupent le plus. Dans la mesure où nous sommes troublés par de telles
choses, c'est presque toujours à cause des difficultés qu'elles provoquent dans les circonstances de nos vies.
Je suis peut-être troublé par le fait d'être trop timide, mais si je le suis, c'est essentiellement parce que, à
cause de cette timidité, je n'ai pas beaucoup d'amis et je me sens très seul. Les défauts de mon caractère ne
sont donc pas des problèmes en soi, mais seulement des facteurs qui provoquent d'autres désagréments dans
les situations que je vis.
De ce fait, le « salut » que l'homme cherche le plus facilement et le plus naturellement, c'est d'être délivré des
problèmes qui le troublent, qui viennent de l'extérieur mais qui affectent le fond de sa personne. Dans cette
optique, le problème le plus fondamental qui doit être résolu par le salut n'est pas nous mais ce que nous
vivons. Le problème de base est extérieur à nos personnes.
Le but de l'évangile du monde : inciter Dieu à faire que ce que nous désirons
Le but de cette approche de la religion est donc de trouver le moyen pour obtenir de Dieu (ou des dieux, ou
esprits...) cette aide. Nous voulons que Dieu élimine tout ce qui nous trouble, mais il ne semble pas disposé à
le faire. L'essentiel de la religion consiste donc à découvrir ce qu'il faut faire pour que Dieu nous soit
favorablement disposé. Les moyens proposés pour y arriver varient énormément selon chaque religion, mais
c'est toujours le but. Par des sacrifices, par des bonnes œuvres, par des rites, par des prières bien faites, par
la louange ou l'adoration, ou par tout autre moyen proposé, il s'agit de convaincre Dieu – voire de l'obliger
carrément, dans certaines formes de cette spiritualité – de nous accorder ce que nous désirons : le
soulagement de nos maux, ou les bénédictions que nous cherchons.
Le fond de cette pensée n'est nullement la soumission à la volonté de Dieu. S'il est question d'obéissance ou
de soumission dans une telle conception de la religion, cela est toujours vu comme une contrainte que nous
acceptons en contrepartie des bénédictions que nous recevons. Dans le fond, donc, l'obéissance est
simplement un moyen de plus pour convaincre ou manipuler Dieu. L'obéissance ne découle pas de la
conviction que Dieu, dans sa sagesse infinie et son amour parfait, sait forcément mieux que nous ce qui est
bon et acceptable, mais seulement d'une obligation de faire ce qui nous est imposé, faute de quoi nous ne
recevrons pas l'aide que nous voulons.
Le fond de cette démarche spirituelle n'est pas de rechercher la volonté de Dieu, parce que nous l'aimons et
nous lui faisons confiance, mais de faire le nécessaire pour que Dieu nous donne ce que nous voulons. Nous
vivons des problèmes, nous voulons en être délivré, nous voulons donc que Dieu le fasse. C'est notre volonté
qui doit être accomplie et non la volonté divine. Cette démarche est exactement le contraire de celle qui
marque la personne de Jésus (voir par exemple Luc 22.42), car elle peut être résumée très simplement : « Pas
ta volonté mais la mienne. »
Voilà donc l'essentiel de l'évangile du monde : une préoccupation avec le bien-être personnel, un désir
fondamental d'être délivré des difficultés que nous vivons, et la recherche de bénédictions. Dieu, dans cette
spiritualité, est simplement l'exécutant : nous l'aimons pour ce qu'il peut faire plutôt que pour lui-même.
Nous cherchons surtout les moyens les plus efficaces pour l'influencer, pour qu'il réponde à nos désirs, et
nous lui obéissons uniquement dans la mesure où cela semble entrer dans ces moyens utiles pour l'influencer.
Le Seigneur devient le serviteur
Dans l'évangile du monde, sans que l'on s'en rende forcément compte, Dieu est réduit au rôle d'un serviteur.
Puisque c'est la volonté de l'homme qui s'accomplit et non la volonté de Dieu, même si les moyens utilisés
pour pousser Dieu à agir sont très « spirituels », c'est l'homme qui dirige et Dieu qui agit selon ce que
l'homme a décidé. Ceci pose un problème grave et fondamental dans la nature même d'une telle relation
avec Dieu. Dieu est le Maître et non le serviteur.
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Certains contesteront peut-être cette affirmation, en mettant en avant le principe que Jésus, en venant dans le
monde, a « pris la condition d'un serviteur » (Philippiens 2.7 ; voir aussi par exemple Marc 10.45 et Luc
22.27). Selon cette optique, la notion de Dieu comme serviteur ne ferait pas partie de l'évangile du monde,
mais bien du message biblique.
Il n'en est rien. Dans sa grâce, Dieu choisit de rendre service, dans pas mal de domaines. C'est la nature de
son amour. Mais il ne faut pas confondre magnanimité et servitude. Ce n'est pas parce que Dieu veut bien
nous aider que c'est à nous de lui dire ce qu'il doit faire et comment.
La différence se voit bien dans le texte de Jean 13.1-16. Quand Jésus a voulu illustrer pour les apôtres l'esprit
de serviteur qu'il voulait pour eux, il l'a fait en leur lavant les pieds. Arrivé à Pierre, celui-ci a refusé que
Jésus lui lave les pieds, se rendant bien compte que Jésus est le Maître et que la corvée de laver les pieds des
invités ne revient pas au Maître. Il lui a donc dit : « Jamais tu ne me laveras les pieds » (verset 8). Mais Jésus
lui répond : « Si je ne te lave pas, tu n'as pas de part avec moi. »
C'est là que Pierre change de discours. Puisque Jésus insiste pour prendre ce rôle de serviteur, Pierre se met à
lui dire tout ce qu'il doit faire : « Seigneur, non seulement les pieds, mais encore les mains et la tête » (verset
9). Mais Jésus n'est pas d'accord. Ce n'est pas parce qu'il veut montrer aux apôtres comment rendre service
qu'il acceptera de faire pour Pierre ce que Pierre devrait faire pour lui-même. Jésus est effectivement un
serviteur ; c'est lui-même qui l'a dit. Mais il est un serviteur qui décide quel service rendre et non un serviteur
qui reçoit des ordres.
Attention : cela ne veut pas dire que le croyant qui demande quelque chose au Seigneur est forcément
imprégné de l'évangile du monde. Nous avons le droit de lui demander. C'est même salutaire, car cela nous
rappelle notre dépendance : sans lui, nous ne sommes pas capables de nous occuper correctement de nos
vies. Mais demander une grâce n'est pas du tout la même chose que chercher le moyen de l'obliger à donner
ce qui est demandé. Dans 2 Corinthiens 12.8, l'apôtre Paul a bien demandé qu'il lui soit enlevé son « écharde
dans la chair ». Il a même insisté dans la prière, puisqu'il dit qu'il a « supplié » le Seigneur, et qu'il l'a fait
trois fois. Mais il a reconnu aussi que le Seigneur a le droit de dire non. Dans sa sagesse, Dieu lui a dit : « Ma
grâce te suffit, car ma puissance s'accomplit dans la faiblesse. » Et Paul a accepté cela, parce que Dieu n'est
pas un serviteur qui doit accomplir notre volonté. Au contraire, c'est à nous d'accomplir sa volonté.
La pensée que nous pouvons trouver le moyen de dire à Dieu ce qu'il doit faire fait bien partie de l'évangile
du monde. C'en est même une des caractéristiques les plus marquantes. « Je te demande ton aide, dans ta
grâce, mais tu as bien le droit de dire non, car c'est ta volonté qui doit s'accomplir et non la mienne » ne fait
pas partie de la motivation du cœur humain et pécheur. Au contraire, si la religion ne garantit pas la
possibilité de recevoir les bénédictions voulues, elle n'intéresse pas les gens de ce monde. L'évangile du
monde réduit donc forcément Dieu au rang d'un serviteur : il est puissant et capable, mais il doit faire ce que
nous lui demandons. Autrement, ce n'est pas la peine de se tourner vers lui. C'est ça, l'évangile du monde.
Un « autre évangile » qui n'existe pas dans la réalité
Un dernier mot sur cet évangile du monde s'impose : il ne faut pas croire que l'homme est appelé à choisir
entre cette approche de la vie spirituelle et l'évangile de Christ, comme si les deux étaient en compétition.
L'évangile du monde correspond au désir profond du cœur pécheur, qui ne veut pas que Dieu règne
réellement mais veut bien son aide pour nous délivrer de nos problèmes. Mais cet évangile n'a pas plus de
fondement que cela : il correspond à un désir, non à une réalité.
La raison en est simple : Dieu n'acceptera jamais ce rôle de serviteur où il est adoré, loué et obéi uniquement
en vue de la manipuler, afin de recevoir quelque chose en retour. Satan essaie depuis toujours de faire croire
aux humains que la religion fonctionne de cette manière, et propose aux hommes des religions qui
correspondent aux croyances et pratiques dont les gens sont habitués. Mais le « salut » de cet évangile du
monde n'existe pas. Dieu n'est pas un serviteur, il n'est pas là pour accomplir ce que nous lui demandons, et il
a d'autres priorités dans l'immédiat pour nous que d'éliminer nos difficultés et arranger nos vies. Cela, il le
fera bien un jour, quand nous serons auprès de lui et que le plus important (que nous verrons dans la suite)
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sera fait, mais le faire maintenant serait mettre la charrue avant les bœufs.
Paul écrit aux croyants de la Galatie : « Je m'étonne que vous vous détourniez si vite de celui qui vous a
appelés par la grâce de Christ, pour passer à un autre évangile » (Galates 1.6). Il s'agit effectivement d'un
évangile où ils veulent « faire le nécessaire » (se faire circoncire, en l'occurrence) pour recevoir de Dieu, en
retour, le salut. C'est donc une forme de l'évangile du monde, bien sûr. Mais Paul ajoute aussitôt, dans le
verset 7 : « Non pas qu'il y en ait un autre, mais il y a des gens qui vous troublent et veulent pervertir
l'Évangile du Christ. »
« Non pas qu'il y en ait un autre. » L'évangile du monde n'est que tromperie et illusion. Il ne correspond à
aucune réalité spirituelle. Le véritable choix spirituel pour l'homme n'est donc pas entre l'évangile de Christ
et l'évangile du monde, mais entre l'évangile de Christ et rien. Ceux qui essaient de faire tout ce qu'ils
peuvent pour recevoir des bénédictions de Dieu et éviter des souffrances finissent toujours par expérimenter
les mêmes souffrances que tout le monde. Dieu accorde le salut par grâce à ceux qui viennent à l'évangile de
Christ, mais il ne donne rien à ceux qui essaient simplement de le manipuler dans un but égoïste et matériel.
Dans ce sens, donc, même s'il est tellement répandu dans la pensée des hommes, l'évangile du monde
n'existe même pas.
Le principe de base de l'évangile de Jésus-Christ.
Il est assez remarquable de constater que la plupart des chrétiens sont incapables de répondre à la question :
« Qu'est-ce que le salut ? » Si on leur pose la question, presque tout le monde donne une réponse qui met en
avant la foi en Jésus-Christ. Or cela répond à une autre question : « Comment peut-on recevoir le salut ? »
La différence est fondamentale, et importante. Imaginons un vendeur qui essaie de vendre un produit. Quand
un client potentiel lui demande ce qu'est le produit et pourquoi il en a besoin, le vendeur répond en
expliquant les moyens de paiement. Le client répète sa question, voulant savoir exactement ce qu'est ce
produit qu'on veut lui proposer, et le vendeur répond que ce n'est pas cher, c'est vraiment une bonne affaire.
Et ainsi de suite. Le client finira par penser que, ou bien le vendeur ne sait pas exactement ce qu'est ce
produit, ou bien il veut cacher quelque chose concernant sa vraie nature. En tout cas, une telle approche ne
sera pas du tout le moyen le plus efficace pour vendre.
C'est pourtant ce qui arrive trop souvent dans nos milieux. « Qu'est-ce que le salut ? » « Crois au Seigneur
Jésus et tu seras sauvé. » « Oui, mais qu'est-ce que vous me proposez, exactement ? » « C'est par la grâce que
vous êtes sauvé, par le moyen de la foi. » Nous savons comment recevoir le salut, mais nous sommes
beaucoup moins clairs sur ce qu'est le salut.
Si on tourne la question autrement, on a plus de chances d'avoir une réponse, mais elle sera presque toujours
incomplète : « Pourquoi ai-je besoin du salut ? » « Parce que vous êtes condamné à l'enfer pour vos péchés et
seul le salut vous permettra d'y échapper. » Cela sous-entend que le salut est une délivrance de l'enfer. Dans
le fond, le salut est en quelque sorte une « assurance incendie éternelle ».
Ce n'est pas exactement faux, mais c'est terriblement incomplet. Or, si c'est incomplet, cela veut dire que
ceux qui donnent une telle réponse ne savent pas vraiment ce qu'est le salut. Ils savent, en gros, comment le
recevoir (et encore, cela dépend de ce qu'ils ont entendu ; beaucoup mettent carrément en avant les « gros
péchés » qu'il faut éviter, les bonnes œuvres qu'il faut faire, voire même une mention explicite du mérite
humain, selon les églises qu'ils fréquentent), mais n'ont qu'une idée assez vague de ce que c'est. Cela est
catastrophique car, si on ne sait pas vraiment ce qu'est le salut, on peut difficilement savoir quand le « salut »
proposé n'est pas celui que Jésus nous offre. C'est de cette manière que l'évangile du monde entre si
facilement dans la pensée « chrétienne ».
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L'essentiel de l'évangile en quelques mots : Matthieu 1.21
Une des meilleures formulations de l'évangile, qui inclut aussi bien le moyen de salut que la nature du salut,
se trouve presque tout au début du Nouveau Testament. Chronologiquement, elle date d'avant même la
naissance de Jésus ; elle a été faite par un ange expliquant à Joseph comment cela se fait que sa fiancée, avec
laquelle il n'a jamais couché, est enceinte. Le texte se trouve dans Matthieu 1.20-21 : « Comme il y pensait,
voici qu'un ange du Seigneur lui apparut en songe et dit : Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre avec
toi Marie, ta femme, car l'enfant qu'elle a conçu vient du Saint-Esprit, elle enfantera un fils, et tu lui donneras
le nom de Jésus, car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »
L'ange dit clairement à Joseph que Jésus va sauver son peuple de ses péchés. C'est ainsi qu'il résume la vie et
la mission de Jésus-Christ. Ce résumé ne donne pas tous les détails, bien sûr, mais touche néanmoins du
doigt le plus important : Jésus sauve des péchés.
L'ange parle des péchés (au pluriel) mais on peut tout aussi bien parler du péché (au singulier). Le péché,
c'est le principe, la disposition du cœur. Les péchés, ce sont les actes, paroles, pensées et attitudes par
lesquels le péché se manifeste dans nos vies. Or, l'un ne va pas sans l'autre. Le péché ne peut que se
manifester ; il le fait par les péchés. Les péchés ne peuvent pas résulter d'autre chose que du péché. Si les
manifestations sont là, c'est que la racine l'est aussi. La Bible parle souvent des péchés, car c'est ce qui est
visible, c'est ce que nous pouvons comprendre le plus facilement. Mais il parle aussi du péché, au singulier,
c'est-à-dire la disposition de cœur qui produit ces péchés. Or, la manière dont Jésus nous sauve des péchés,
c'est en nous sauvant du péché. Si la racine est traitée, les manifestations disparaissent forcément.
Le péché est un peu plus difficile à comprendre que les péchés. Les péchés, ce sont les mensonges, les
violences, les actes méchants envers d'autres, et ainsi de suite. On peut les nommer, on peut les constater. En
plus, pour un péché donné, à un moment donné, il est toujours possible de l'éviter : on peut choisir de ne pas
mentir, mais plutôt de dire la vérité. On peut refuser de voler, et acheter à un prix correct à la place. On peut
ne pas tuer celui qui nous gêne, même si on se met en colère.
La même chose n'est pas vraie du péché, c'est-à-dire du principe de base dans nos vies. Je peux choisir de ne
pas manifester le péché par telle ou telle mauvaise action ou parole, mais je ne peux pas choisir de ne plus
être pécheur. Et si je suis toujours pécheur, inévitablement cela se manifestera, parfois, dans mes actes.
C'est ce qui fait que, si souvent, l'enseignement chrétien met l'accent sur les péchés plutôt que sur le péché :
il est plus facile d'interdire tel ou tel mauvais comportement que de corriger le problème de fond, la
disposition de base qui nous pousse à ces mauvais comportements. Cela est d'autant plus le cas qu'il nous est
souvent difficile de comprendre, dans le fond, ce qu'est le péché.
Qu'est-ce que le péché ?
Il existe différentes manières d'expliquer le péché, dont plusieurs sont tout à fait valables. Toutefois, les
meilleures manières de l'expliquer le font par rapport à notre relation avec Dieu, car la racine du péché,
comme nous le voyons dans le texte de Genèse 3, est liée à notre attitude vis-à-vis de Dieu. C'est donc en
parlant de la place de Dieu dans nos vies que nous pouvons le mieux comprendre ce qu'est le problème
fondamental du péché.
Il est à noter que le péché n'est pas le refus de Dieu, du moins pas toujours. Si tant de personnes qui sont
totalement en dehors du salut en Jésus courent après l'évangile du monde, c'est que les pécheurs peuvent bien
s'intéresser à Dieu. Le péché n'est pas toujours le refus de Dieu, mais c'est toujours, au minimum, le refus
que Dieu ait réellement la place qui lui revient dans nos vies. Bon nombre de pécheurs veulent bien avoir
Dieu dans leur vie, pour qu'il les aide avec tant de difficultés, mais ne veulent pas qu'il soit Dieu dans leur
vie.
Dans le premier chapitre de Romains, en expliquant ce qu'est le problème de base dont l'évangile est censé
être la solution, c'est exactement ce que l'apôtre Paul met en avant. Après avoir expliqué dans Romains 1.19-
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20 que l'existence de Dieu est évidente pour qui veut le reconnaître, Paul dit dans le verset 21 : « Ils sont
donc inexcusables, puisque, ayant connu Dieu, ils ne l'ont pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas rendu
grâces ; mais ils se sont égarés dans de vains raisonnements, et leur cœur sans intelligence a été plongé dans
les ténèbres. »
« Ils ne l'ont pas glorifié comme Dieu. » Les hommes pécheurs veulent bien « glorifier Dieu ». C'est
pourquoi il existe tant de temples, d'idoles, de rites impressionnants. Voulant tant « glorifier Dieu » afin qu'il
nous délivre de nos problèmes (c'est-à-dire, voulant pratiquer l'évangile du monde), ils sont prêts à beaucoup
de choses, même des choses difficiles et coûteuses, pour essayer de prouver à quel point il est important pour
eux. Important, oui, mais non en tant que Dieu. Ils sont prêts à « glorifier Dieu », mais non comme Dieu.
Le refus que Dieu soit réellement Dieu dans nos vies, c'est le péché. Il produit beaucoup de mauvaises
manifestations, qui sont les péchés, mais la racine est là, dans le refus de laisser Dieu prendre la place qui lui
revient : « Pas ta volonté, mais la mienne » résume bien l'attitude du pécheur envers Dieu, même (voire
surtout) quand le pécheur pratique la religion. Ce qui compte le plus pour les pécheurs, c'est ce que Dieu peut
faire pour les délivrer de leurs problèmes et non sa direction totale et incontestée dans la vie.
Il y a donc, au cœur de chaque être humain, un autre
problème. Ce problème est bien plus grave que les
problèmes qui nous viennent de l'extérieur, car il est en
nous, il nous empoisonne de l'intérieur. Même si tous les
problèmes de la vie étaient totalement éliminés, celui-ci
serait toujours là, une corruption profonde au cœur de
chacun de nous : « Mais ce qui sort de la bouche provient
du cœur, et c'est ce qui rend l'homme impur. Car c'est du
cœur que viennent les mauvaises pensées, meurtres,
adultères, prostitutions, vols, faux témoignages,
blasphèmes » (Matthieu 15.18-19). Les péchés, qui se
voient relativement facilement, viennent du péché, qui
est là au fond de notre être.
C'est donc ce problème fondamental, ce problème
intérieur, qui est la priorité de Dieu dans le salut. Nous
voulons qu'il élimine les problèmes autour de nous ; il
veut éliminer le problème en nous. Nous voulons qu'il transforme nos circonstances ; il veut transformer nos
cœurs. L'évangile de Jésus-Christ, en une petite phrase, est donc cela : Jésus nous sauve du péché.
Cette formulation de l'évangile a beaucoup d'implications, qui nous aident à mieux comprendre sa nature et
ses enjeux. Nous allons tourner notre attention pour un temps vers quelques-unes des implications les plus
importantes.
C'est Jésus qui nous sauve du péché : le salut par la foi.
Ceci nous met devant le moyen de salut : c'est Jésus qui nous sauve et non nous-mêmes. Le salut ne vient pas
de nous, de nos efforts, de nos bonnes intentions, de notre piété, de notre sincérité, de nos prières, ou de quoi
que ce soit qui a son origine en nous. Il est un don de Dieu, un cadeau que nous ne pouvons jamais mériter
parce que nous ne pouvons jamais faire le nécessaire pour le mériter.
La Bible nous dit qu'il est impossible d'être sauvé par nos œuvres, mais en même temps il nous montre
clairement ce qu'il faudrait faire pour y arriver : il faut garder la loi de Dieu. Il ne nous dit pas cela dans le
but de nous faire croire qu'il y a deux manières différentes pour arriver au salut, mais justement pour nous
aider à comprendre pourquoi il y en a, dans la pratique, qu'une seule.
=8=
Paul écrit dans Romains 2.13 : « Ce ne sont pas, en effet, ceux qui écoutent la loi qui sont justes devant
Dieu ; mais ceux qui pratiquent la loi seront justifiés. » Ces mots peuvent sembler étranges sous la plume de
celui qui est tant connu pour sa défense du salut par la foi seule : « ceux qui pratiquent la loi seront
justifiés. » Pourtant, c'est ce qu'il écrit.
Il ne faudrait pas déformer ce qu'il écrit, toutefois. Il n'a pas dit : « ceux qui essaient de garder la loi seront
justifiés », ni « ceux qui gardent la plus grande partie de la loi seront justifiés ». Celui qui veut être sauvé
par ses propres efforts doit garder toute la loi : « Car quiconque observe toute la loi, mais pèche contre un
seul commandement, devient coupable envers tous » (Jacques 2.10).
C'est logique. Le problème de base est le péché et non simplement les péchés. S'il y a un seul péché dans la
vie, c'est que le principe du péché est toujours présent. Ceux qui se préoccupent des œuvres peuvent
facilement penser que, parce qu'un bon nombre des mauvaises manifestations les plus visibles et les plus
graves sont éliminées, le problème n'y est plus, du moins pas trop. Mais dès qu'on raisonne en fonction de la
motivation de fond, un seul péché indique que le péché n'est toujours pas réglé.
Le jeune homme riche et le salut par les œuvres
C'est ce que Jésus a essayé de faire comprendre, sans grand succès, au jeune homme riche, dont l'histoire se
trouve dans Matthieu 19.16-22, Marc 10.17-22 et Luc 18.18-23.
Le jeune homme commence avec une question : « Bon Maître, que dois-je faire de bon pour hériter la vie
éternelle ? » (c'est la formulation qui en découle quand on rassemble ce qui est dit dans les différents récits).
Il n'a pas demandé : « Comment puis-je être sauvé ? » ou « Comment peut-on bénéficier de la grâce ? » Il a
demandé ce qu'il devait faire, lui, pour « hériter » de la vie éternelle. Un héritage n'est pas une grâce, ni un
cadeau inattendu. C'est un droit. Il veut donc savoir ce qu'il faut faire pour avoir droit, par ses propres efforts,
à la vie éternelle.
Jésus commence par lui faire remarquer que seul Dieu est bon. Il n'est pas en train de dire que le jeune
homme avait tort de l'appeler « bon Maître », car il est effectivement sans péché lui-même, mais il profite de
ces paroles pour faire ressortir la justice parfaite de Dieu : « à peu près bon » n'est pas assez bon pour Dieu.
Un Dieu parfaitement saint ne peut jamais approuver ce qui est seulement « un petit peu pécheur ». Quel
homme peut être à la mesure du Dieu qui a dit : « Soyez saints, car je suis saint » ? S'il reconnaît à quel point
seul Dieu est bon est juste, il verra tout de suite que sa question n'a pas de réponse : personne ne peut faire
suffisamment de bonnes choses pour avoir droit à la vie éternelle.
Jésus ajoute qu'il faut garder les commandements. Pas « faire de son mieux » ou « garder les plus
importants » mais garder toute la loi de Dieu. Normalement, le jeune homme aurait dû comprendre, surtout
après le rappel qu'aucun homme n'est bon comme Dieu est bon, qu'il n'a pas fait cela. Mais au lieu de
reconnaître son incapacité à garder parfaitement tous les commandements de Dieu, il dit simplement :
« Maître, j'ai gardé tout cela dès ma jeunesse. » Imprégné de la pensée religieuse de l'époque, il est persuadé
que ses efforts sont suffisants. Il voit tout de même que quelque chose lui manque, mais il ne pense pas que
ce soit dans sa conformité à la loi.
Pourtant, ce n'est pas le cas. La loi dit aussi : « Tu n'auras pas d'autres dieux devant ma face. » Jésus sait que
ce jeune homme a un autre dieu : son argent. Il ne dit pas que l'argent prend la place de Dieu chez tout le
monde, mais il sait que c'est un problème très répandu ; beaucoup de gens mettent plus d'importance à
gagner de l'argent qu'à se rapprocher de Dieu dans la sainteté. (L'évangile de la prospérité, si répandu de nos
jours, en est la démonstration incontournable.) Ce que Jésus lui demande n'est pas un principe général, qu'il
exige de tout le monde, mais est nécessaire pour ce jeune homme qui a permis que ses richesses prennent la
place de Dieu dans sa vie : « Vends tout ce que tu as, donne l'argent aux pauvres, et viens me suivre. »
Jésus essaie toujours de lui faire comprendre qu'il n'est pas possible de garder parfaitement la loi de Dieu.
C'est en se tournant vers Jésus qu'il va découvrir la grâce, le vrai moyen d'accéder à la vie éternelle. Mais le
jeune homme, au lieu de faire cela, s'en va tout triste : les exigences de Dieu sont trop fortes pour lui.
=9=
Ne le critiquons pas trop ; chacun de nous est dans le même cas quelque part. Nous avons tous des priorités,
des manières d'agir, ou de réagir, des pratiques ou des façons de parler, qui manifestent le péché dans nos
vies et dont nous ne pouvons pas nous débarrasser. Le tout, c'est de comprendre qu'à cause de cela, la
question du jeune homme est sans réponse dans la réalité : « Qu'est-ce que je peux faire, moi, pour avoir
droit à la vie éternelle ? » « Rien. »
C'est donc Jésus, et Jésus seul, qui nous sauve de nos péchés. Puisque Dieu ne peut approuver que la
perfection, aucun de nous n'est capable de nous sauver, ni même d'aider Jésus à le faire. Nos meilleurs efforts
dans ce sens sont totalement insuffisants pour un Dieu qui est parfaitement saint.
Mais Jésus peut nous sauver, et il le fait. Par sa mort il paie le prix de tous nos péchés, et par sa résurrection
il montre sa victoire sur la condamnation, en surmontant la mort qui résulte du péché. Il nous demande
simplement de croire qu'il l'a fait, et d'accepter le salut qu'il nous donne. Croire que sa mort et sa résurrection
suffisent pour nous, c'est la nature même de la foi qui sauve.
Le salut par la foi, oui, mais quelle foi ?
La foi n'est pas le fait de croire n'importe quoi : si on croit une chose qui n'est pas vraie, elle ne devient pas
vraie pour autant. La foi n'est pas, non plus, une force en soi, où ce serait la « qualité » de la foi qui aurait
une importance. Comme nous le rappelle Jacques, les démons croient très fermement que Dieu existe (Jaques
2.19) ; ils ne sont pas sauvés pour autant.
Si le salut nous est donné par la foi, c'est à cause du contenu de la foi, et non de la qualité de la foi. Le
contenu de la foi, c'est que nous « croyons en celui qui a ressuscité d'entre les morts Jésus notre Seigneur,
livré pour nos offenses, et ressuscité pour notre justification » (Romains 4.24-25). L'idée que c'est la qualité
de la foi qui compte vient de l'évangile du monde, où le but est d'influencer Dieu par ce que nous faisons : si
nous croyons avec assez de fermeté, selon cette pensée, Dieu agira. Plusieurs versets (en dehors de leurs
contextes, bien sûr) sont utilisés à l'appui de cet enseignement, mais le vrai principe biblique au sujet de la
foi concerne l'objet de la foi (il faut croire en Dieu, car c'est lui qui agit et non notre foi) et son contenu : la
foi qui sauve est la confiance en la mort de Christ pour payer pleinement le prix de notre péché.
Jésus est donc le moyen du salut dans l'évangile biblique. C'est lui, et lui seul, qui nous sauve du péché. Le
moyen de salut est un élément essentiel de cet évangile, car toute question de mérite humain nous met
directement dans l'évangile du monde, où nous essayons de manipuler Dieu, par nos actes, notre piété, ou
tout autre moyen, afin qu'il nous donne ce que nous voulons recevoir. Le seul rôle de l'homme dans le salut
est de croire que Jésus a fait tout seul tout ce qui est nécessaire pour nous racheter du péché. (Et encore,
même cela nous serait impossible sans l’œuvre de Dieu en nous, mais ce n'est pas notre sujet ici.)
Nous avons donc raison d'insister sur la foi seule comme moyen de salut. Tout message qui n'inclut pas ce
principe n'est pas l'évangile de Christ, mais l'évangile du monde. Toutefois, si nous voulons annoncer
l'évangile, il n'est pas suffisant de parler uniquement du moyen du salut. C'est là la plus grande erreur de la
théologie moderne : Trop souvent, nous estimons que tout message qui proclame le salut par la foi en Christ
est forcément juste. Pourtant, ce n'est pas du tout le cas. La foi comme seul moyen de salut est un élément
essentiel de l'évangile, mais n'est pas du tout sa totalité. Nous allons donc voir les autres aspects de ce
message contenus dans cette même formulation : « Jésus nous sauve du péché. »
Jésus nous sauve du péché : l'espérance de la sainteté parfaite.
Le verbe « sauver » veut dire « délivrer ». Sauver quelqu'un de la noyade, c'est le délivrer : il ne sera plus en
train de se noyer. Sauver quelqu'un de la pauvreté, c'est faire en sorte qu'il ne soit plus pauvre. Sauver
quelqu'un de la maladie, c'est le guérir, pour qu'il ne soit plus malade.
= 10 =
Si nous appliquons ce principe à l'annonce de l'évangile dans la bouche de l'ange qui a parlé à Joseph, on
constate un élément important du salut qui est annoncé à maintes et maintes reprises dans la Bible (y compris
dans l'Ancien Testament) mais qui manque souvent dans notre compréhension et notre proclamation : si
Jésus nous délivre du péché, c'est que nous ne serons plus pécheurs.
Trop souvent, dans l'annonce de l'évangile, le salut est réduit au simple pardon : « Crois en Jésus et tu seras
pardonné de tes péchés ; tu iras au ciel plutôt qu'en enfer. » Cela n'est pas faux, mais ce n'est pas la totalité, ni
l'aspect le plus important, de ce que dit la Bible sur le salut. L'évangile, tel que l'ange l'annonce (et tel que
l'ensemble de la Bible l'enseigne) n'est pas « Jésus nous pardonne du péché » mais « Jésus nous sauve du
péché. » Le pardon en fait partie, mais est très loin d'être le plus important.
Sauvé du péché ou sauvé uniquement de la condamnation ?
La condamnation pour le péché est une réalité. Dieu, qui est parfaitement saint, ne peut jamais accepter dans
sa présence et dans son royaume ceux qui ne sont pas saints. A maintes reprises, d'une manière ou d'une
autre, la Bible dit « Nul ne peut voir Dieu et vivre ». Nous sommes des pécheurs impurs ; il est trois fois
saint. Un pécheur ne peut qu'être renvoyé de la présence de Dieu. « Éloignez-vous de moi, vous qui
commettez l'iniquité » (voir, par exemple, Matthieu 7.23).
Si nous sommes renvoyés de la présence de Dieu, nous
nous trouvons forcément dans un lieu où Dieu n'est pas
présent, où le péché est sans frein, où les pécheurs (à
commencer avec Satan lui-même) font tout le mal qu'ils
veulent. Cela implique une existence horrible, un lieu de
souffrance, une situation insupportable. La
condamnation pour le péché est la pire des choses qui
peut nous arriver.
La condamnation est donc un problème qui nous guette,
de même que tant d'autres. Bien sûr, il s'agit d'un
problème extrêmement grave, le plus grave de tous,
mais qui fait néanmoins partie des problèmes extérieurs
à notre personne qui peuvent nous affecter et nous faire
souffrir. Toutefois, à la différence des autres problèmes
qui nous viennent de l'extérieur, celui-ci est le résultat
direct du problème intérieur, le péché.
Dès que nous comprenons cela, nous voyons que la
première priorité de Dieu ne peut pas être simplement de
nous délivrer de cette condamnation. Éliminer la
condamnation sans résoudre le problème du péché, ce serait mettre l'accent sur le bien-être personnel plutôt
que sur la sainteté. Cela nous mettrait directement dans l'évangile du monde. En revanche, si Dieu résout
d'abord le problème en nous (le péché), cela éliminera immédiatement la condamnation. Et inversement, si le
péché en nous n'est pas réglé, la condamnation ne peut pas être éliminée car, dans notre état actuel, « nul ne
peut voir Dieu et vivre ».
La condamnation pour le péché, avec toute la souffrance qu'elle implique, préoccupe très souvent ceux qui
croient à la Bible beaucoup plus que le péché lui-même. Il semble beaucoup plus important d'être délivré de
la condamnation que d'être délivré du péché. C'est pourquoi nous réduisons si facilement l'évangile à un
message de pardon. Mais l'essentiel n'est pas d'être pardonné, c'est d'être délivré.
La sainteté parfaite est essentielle pour se tenir devant Dieu
C'est cela, d'ailleurs, qui nous permet l'espérance d'être, un jour, dans la présence de Dieu. Comment un Dieu
parfaitement saint peut-il nous accueillir auprès de lui si le péché est encore présent en nous ? Pardonner le
= 11 =
péché, c'est reconnaître qu'il existe et choisir de ne pas condamner à cause de ce péché. Mais comment cela
peut-il se faire, sans compromettre la sainteté de Dieu ?
La réponse que nous entendons souvent est : « Il nous voit à travers Christ. » Cela voudrait dire que le salut
n'est, dans le fond, qu'une sorte de « fiction légale » par laquelle Dieu agit envers nous comme si nous étions
sans péché, alors que nous le sommes. Mais le salut est beaucoup plus que le pardon : « Jésus nous sauve du
péché. » Il nous délivre. Il fait en sorte qu'il n'y a plus de péché en nous.
Comment se fait-il donc que nous sommes toujours pécheurs, alors que nous sommes au Seigneur ? C'est que
le processus du salut n'est pas terminé. « Nous sommes sauvés en espérance » nous dit Paul dans Romains
8.24. Et il ajoute aussitôt : « Or, l'espérance qu'on voit n'est plus espérance : ce qu'on voit, peut-on l'espérer
encore ? » Sauvé en espérance veut dire que le processus a bien commencé, que nous avons l'assurance
d'aller jusqu'au bout si c'est vraiment ce salut-là que nous voulons, mais que ce que nous vivons actuellement
n'est pas la totalité de l’œuvre de Dieu.
C'est de cette manière que nous pouvons entrer un jour dans la présence même de Dieu. Quand il aura
terminé son œuvre de salut en nous, nous ne serons plus des pécheurs pardonnés. Il aura éliminé totalement
et définitivement le péché en nous. Jude 1.24 dit que Dieu « peut vous préserver de toute chute et vous faire
paraître devant sa gloire, irréprochables dans l'allégresse ». Si nous sommes irréprochables, cela veut dire
qu'il n'y a plus de péché en nous. Ce n'est pas simplement que Dieu ne tient pas compte de ce dont il pourrait
nous reprocher, mais qu'il n'y a plus rien à reprocher.
Sans cette sainteté, sans l'élimination totale du péché en nous, il ne nous serait jamais possible de « paraître
devant sa gloire ». Le verbe traduit « paraître » ne signifie pas « apparaître » ; il ne s'agit pas d'une simple
apparence, comme si Dieu nous voyait d'une manière alors que la réalité est autre. Le sens est bien « se tenir
dans sa présence ». Nous viendrons un jour dans la présence de Dieu, dans toute sa gloire, et ce qui nous
permettra de le faire sans être renvoyé aussitôt par sa sainteté parfaite, c'est que nous serons nous-mêmes
réellement irréprochables : l’œuvre de Christ, qui nous délivre du péché et ne se contente pas simplement de
nous pardonner, sera achevée.
Ceci n'est pas un simple point de doctrine obscure. C'est la nature même du salut que Jésus nous propose, et
qu'il rend possible par sa mort et sa résurrection. Tant de textes bibliques l'affirment très clairement : Jésus
peut et veut nous transformer, nous purifier, nous sanctifier, nous rendre semblables à lui-même. Le but n'est
pas simplement de me délivrer d'un grand problème qui va me faire beaucoup souffrir, la condamnation,
mais de me délivrer d'un problème qui, actuellement, définit tout mon être : le péché. Le problème le plus
grave n'est pas ce qui m'arrive, ni même ce qui va m'arriver après la mort. Le problème, c'est moi. Alors que
l'évangile du monde veut que Dieu fasse son œuvre dans les circonstances que nous vivons, Dieu veut faire
son œuvre en nous d'abord.
La motivation du croyant découle de ce qu'il a compris de l'évangile
Cela a une importance absolument capitale dans la compréhension de l'évangile. Jésus est mort pour que
nous puissions être changés, transformés, délivrés du péché qui caractérise nos motivations et nos actes
actuellement. C'est le salut qu'il nous propose. Si nous ne voulons pas cela, si nous voulons seulement être
délivrés de la maladie, la pauvreté, la vie dure, ou la souffrance, c'est que nous ne voulons pas le salut que
Jésus nous offre.
C'est extrêmement grave. Dieu n'oblige personne à se convertir contre sa volonté. Il fait en nous une œuvre
que nous ne pouvons même pas comprendre, par son Esprit, pour nous appeler à lui et, sans cette œuvre,
aucun pécheur n'aurait jamais l'idée de se tourner vers lui pour qu'il soit réellement Dieu dans nos vies.
(Vouloir son aide pour nos difficultés, oui. Mais vouloir qu'il soit le Maître incontesté de nos vies ? Non.
C'est tout le contraire de la motivation du pécheur.)
Toutefois, si nous ne voulons pas cela, si jusqu'au bout nous refusons ce salut qu'il nous propose, il ne va pas
nous sauver malgré nous. C'est ainsi que Jésus s'est lamenté au sujet de Jérusalem, juste quelques jours avant
= 12 =
la crucifixion : « Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés,
combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes,
et vous ne l'avez pas voulu ! » (Matthieu 23.37).
« J'ai voulu … et vous ne l'avez pas voulu ! » Sans l'appel de Dieu, personne ne se tournerait vers lui, mais
même avec cet appel, ceux qui ne veulent pas le salut qu'il propose ne seront pas sauvés. C'est pourquoi « il y
a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus » (Matthieu 22.14).
L'aboutissement de l’œuvre de la croix en nous, c'est la sainteté parfaite qui seule nous permettra d'entrer
dans la présence de Dieu. C'est notre véritable espérance, incomparablement plus importante que la
perspective d'une vie où « il n'y aura plus de larmes, ni de mort, ni de deuil, ni de cri, ni de douleur »
(Apocalypse 21.4). Bien sûr, la pensée d'une vie sans toutes ces souffrances nous motive tous ; il n'y a aucun
mal dans cela. Mais si c'est notre première motivation, si notre priorité est d'être délivré de nos souffrances
plus que d'être délivré de notre péché, c'est que nous n'avons pas compris l'évangile de Jésus-Christ.
Comprendre que Jésus nous sauve du péché, que c'est l'aspect le plus important de toute son œuvre (c'est
pourquoi l'ange met cela en avant quand il résume en quelques mots la raison de la venue de Jésus dans ce
monde), c'est comprendre en même temps le but à poursuivre, pour nous qui avons accepté ce message.
L'évangile du monde propose comme but principal de nous délivrer des difficultés ; Jésus propose de nous
délivrer du péché. Il est absolument essentiel de saisir cette distinction, et de voir clairement en quoi ce
programme est radicalement différent de l'évangile du monde, si nous voulons entrer pleinement dans le plan
de Dieu pour nous. Si nous poursuivons un autre but spirituel, même si nous le faisons « par la foi en
Christ », nous ne sommes pas sur le chemin que Jésus a ouvert pour nous, chemin qui nous mènera jusque
dans la présence de Dieu lui-même, irréprochables et saints parce qu'il nous aura transformés totalement.
La place de l'obéissance dans la vie chrétienne
Entre autres, la compréhension de la nature de l'évangile (délivrés du péché et pas simplement pardonnés du
péché pour que Dieu puisse nous « bénir » ; Actes 3.26 montre clairement que la vraie bénédiction de Dieu
consiste justement à nous délivrer du péché) changera radicalement notre manière de vivre l'obéissance.
Notre attitude en ce qui concerne l'obéissance sera bien différente, selon que nous désirons prioritairement
être délivrés du péché ou de nos difficultés personnelles. Si le but est d'être délivré du péché, qui fausse nos
désirs, nos attitudes et nos valeurs, il est évident qu'il est nettement mieux de se laisser conduire par un Dieu
qui sait infiniment mieux que nous ce qui est bon et juste, et qui fait tout pour notre bien. Ce n'est pas pour
rien que l'apôtre Paul, qui avait longtemps résisté à la volonté de Dieu, dit par la suite que la volonté de Dieu
est « bonne, agréable et parfaite » (Romains 12.2). Obéir à Dieu est par conséquent un privilège et non une
contrainte. Ce n'est que quand nous pensons que les désirs égoïstes de nos cœurs ont quelque chose de bon
que nous pouvons penser que l'obéissance à la volonté de Dieu va nous priver de quelque chose qui est
réellement bon.
Attention, cela ne veut pas dire que tout vrai croyant accepte toujours immédiatement et joyeusement la
volonté de Dieu dans sa vie, ou que nous ne sommes pas au Seigneur parce que, parfois, nous avons du mal à
accepter l'obéissance. Cette réticence à obéir à la volonté de Dieu n'est pas bonne mais, malheureusement,
elle est inévitable par moments, justement parce que nos cœurs sont tordus par le péché. Trop souvent, même
quand nous sommes sincères à vouloir marcher avec Dieu et nous laisser délivrer du péché, nous trouvons le
moyen de discuter, d'essayer de faire autre chose.
Mais quelque part, malgré tout, notre intelligence reconnaît que c'est mieux de faire sa volonté que la nôtre.
Heureusement qu'il est là pour nous guider. Quand nous agissons d'une manière qui n'est pas correcte, quand
nous ne savons pas ce qu'il faut faire, il est plus qu'utile d'avoir quelqu'un qui nous montre le bon chemin.
Malgré la réaction initiale qui aura si souvent tendance à rouspéter, nous savons que c'est sa volonté qui doit
être faite et non la nôtre.
Malgré notre tendance à résister à l'obéissance, donc, elle n'est ni une contrainte ni quelque chose que nous
offrons à Dieu en contrepartie de tout ce qu'il nous donne. Même quand elle nous coûte (on peut penser par
= 13 =
exemple à une personne qui choisit l'honnêteté alors qu'en trichant elle aurait pu éviter de gros ennuis
financiers), nous n'obéissons pas par peur de la punition, ou pour que Dieu nous donne une récompense, mais
parce que nous savons que sa volonté est juste. Le but du salut, justement, est de libérer notre cœur du péché
qui veut faire à sa tête plutôt que de reconnaître Dieu comme Dieu. L'attitude par excellence qui se forme
progressivement dans le cœur d'une personne qui a compris et accepté ce but est bien : « Pas ma volonté
mais la tienne. » L'obéissance à Dieu est la manifestation pratique de cette attitude.
Jésus nous sauve du péché : la transformation profonde du caractère.
Le salut est l’œuvre de Jésus et non le nôtre : cela nous montre le moyen du salut. Le salut nous délivre
totalement et définitivement de toute trace du péché : c'est la nature du salut. Et le salut, en transformant
notre caractère, va forcément produire des grands changements dans notre vie : c'est la manifestation du
salut.
Nous avons vu que Jésus nous sauve en premier, non des détresses de la vie ou même de l'au-delà (c'est-àdire, la condamnation), mais du péché. Or, si nous comprenons bien comment le péché se manifeste, nous
savons en même temps à quoi ressemble, dans un sens très pratique, le salut.
Dans l'évangile du monde, la démonstration de la réalité du salut se trouve dans les délivrances et dans le
bien-être personnel qui en résulte. Une personne qui n'est pas délivrée de la maladie, de la pauvreté, ou de
tout autre problème, est vue en conséquent comme une personne qui n'a pas saisi pleinement ce salut.
Comme le moyen de salut dans l'évangile du monde est l’œuvre humaine qui influence Dieu pour qu'il soit
favorablement disposé à notre égard, une personne qui n'est pas délivrée de ses détresses est forcément une
personne qui a fait quelque chose qui déplaît à Dieu (ou, vu d'un autre côté, qui n'a pas fait quelque chose qui
pourrait plaire à Dieu). C'est ce que les trois amis de Job ont passé tant de temps à essayer de lui dire (sans
grand succès, d'ailleurs, même si Job n'était pas en mesure de mettre le doigt précisément sur ce qui n'allait
pas dans leurs propos). C'est aussi ce qui se dit encore de nos jours, malheureusement, même dans certaines
églises qui se réclament fortement de la Bible.
Dans l'évangile de Jésus-Christ, la démonstration de la réalité du salut est tout simplement le progrès vers la
sainteté. Les bénédictions, les délivrances, l'épanouissement, la joie, même le pardon des péchés, sont tous
des aspects secondaires. Le salut mis en place par Jésus consiste surtout à nous délivrer du péché. Dans la
mesure où cette délivrance du péché progresse dans nos vies, donc, cela se verra dans la transformation de
notre caractère.
La délivrance totale des souffrances, des maladies, des maux de tous types, viendra uniquement le jour où le
problème du péché est résolu. En attendant, Dieu peut nous permettre de vivre toutes sortes de difficultés,
même des difficultés extrêmement graves, parce que les éliminer n'est pas son premier but. Dans la mesure
où ces difficultés peuvent nous pousser plus près de Dieu, renforcer notre dépendance, ou même encourager
quelqu'un d'autre en voyant notre fidélité dans l'épreuve, elles font partie de ce que Dieu permet dans le but
d'éliminer le péché.
Quand cette délivrance du péché sera totale et définitive, les souffrances qui résultent du péché n'auront plus
lieu d'exister et Dieu les éliminera : « Il ne se fera ni tort, ni dommage sur toute ma montagne sainte ; car la
connaissance de l'Éternel remplira la terre, comme les eaux recouvrent (le fond de) la mer » (Ésaïe 11.9). Ce
ne sera que quand toute la terre sera absolument inondée par la connaissance de Dieu, quand chaque cœur
humain sera rempli à 100 % de la présence de Dieu, qu'il n'y aura plus « ni tort, ni dommage ». Tant que le
péché existe encore sur la terre, les « torts et dommages » recommenceraient aussitôt, même si Dieu les
éliminait maintenant, parce que le cœur pécheur fait du mal aux autres. C'est pourquoi la priorité de Dieu est
d'éliminer le péché ; l'élimination des souffrances n'interviendra que quand le royaume éternel de Christ sera
établi sur la terre.
= 14 =
Le pécheur agit par égoïsme et non par amour
C'est là où nous touchons du doigt la nature du cœur pécheur : il fait du mal aux autres, parce qu'il pense
d'abord à lui-même.
Nous voyons ce principe déjà dans Genèse 3. Adam et Ève venaient de pécher et, dès qu'Adam pense que
Dieu va le punir, il dit que c'est la faute de sa femme. Au lieu de protéger sa femme, sa priorité est de se
protéger lui-même, y compris si cela veut dire que la femme qu'il est censé aimer doit porter seule la punition
de Dieu.
Nous avons déjà vu, en considérant le moyen du salut, que personne ne peut être sauvé en gardant la loi de
Dieu, puisque personne ne peut la garder parfaitement. Nous avons vu aussi qu'en théorie, si une personne
pouvait garder réellement la loi, cela serait suffisant. La loi codifie donc le comportement que Dieu peut
approuver, le comportement qu'aucun être humain en dehors de Jésus lui-même ait été capable de vivre. Si
nous voulons savoir à quoi ressemble une personne sans péché, donc, il suffit de regarder ce que dit la loi.
Au premier abord, la loi de Moïse semble très compliquée. Étalée sur quatre livres différents (en considérant
la Genèse simplement comme arrière-plan historique), elle compte des centaines de commandements. Rien
que la longueur de la loi en fait un sujet qui n'est pas facile à maîtriser.
En plus, une bonne partie des commandements dans la loi sont d'ordre symbolique : « La loi, en effet,
possède une ombre des biens à venir et non pas l'exacte représentation des réalités » (Hébreux 12.1). C'est
aussi le principe de Colossiens 2.16-17 : « Ainsi donc, que personne ne vous juge à propos de ce que vous
mangez et buvez, ou pour une question de fête, de nouvelle lune, ou de sabbats : tout cela n'est que l'ombre
des choses à venir, mais la réalité est celle du Christ ». Si nous voulons comprendre le fond de la pensée de
ces « ombres » nous devons donc nous attacher à l'esprit de la loi et non à la lettre, et cela, en tenant bien
compte du contexte historique si nous voulons bien saisir cet « esprit de la loi ».
Quand tout cela est fait, toutefois, la pensée de base de la loi n'est pas si compliqué que cela. Jésus, à
plusieurs reprises (Matthieu 22.34-40, Marc 12.28-31, Luc 10.25-28 ; le passage de Luc n'est pas en parallèle
avec les passages en Matthieu et en Marc, mais parle d'un incident ayant eu lieu plusieurs mois plus tôt), et
Paul (dans Romains 13.8-10 et Galates 5.14) l'ont fait tous les deux en un seul mot : l'amour. La loi est
longue et compliquée parce qu'elle décrit dans beaucoup de situations différentes ce qu'implique cet amour.
Mais le principe de base est toujours le même : l'amour.
Le péché, qui est le refus que Dieu ait réellement la place de Dieu dans nos vies, est forcément en même
temps le refus de sa loi comme principe directeur inconditionnel. Un pécheur peut bien accepter la loi de
Dieu sur tel ou tel point, ou dans telle ou telle situation, mais uniquement parce qu'il voit son avantage dans
cela. Mais il ne se soumet pas réellement à la loi de Dieu : « la chair ne se soumet pas à la loi de Dieu, elle en
est même incapable » (Romains 8.7). Le péché se manifeste, dans le fond, par l'égoïsme, c'est-à-dire, le refus
d'aimer réellement son prochain et de mettre le bien-être des autres avant le sien.
Le salut – la délivrance du péché – se manifeste surtout par l'amour des autres
Si le salut de Dieu a pour but de nous délivrer du péché, cela veut dire que ce refus de vivre vraiment dans
l'amour de Dieu pour les autres va disparaître. Autrement dit, dans la mesure où le péché disparaît, l'amour
apparaît. Cela est bien conforme à l'enseignement de la Bible. Le salut se met en place dans nos cœurs par
l’œuvre du Saint-Esprit. La manifestation par excellence de l’œuvre du Saint-Esprit est, par définition, le
fruit de l'Esprit. Et le fruit de l'Esprit est, en tout premier lieu, l'amour.
La sainteté est souvent comprise comme quelque chose de très mystique. Mais la réalité de la sainteté est très
simple et très pratique. Le chapitre 19 du Lévitique commence avec le commandement : « Vous serez saints,
car je suis saint, moi, l'Éternel, votre Dieu » (Lévitique 19.2). L'ensemble du chapitre passe en revue les
commandements de Dieu, montrant comment ils se vivent dans la pratique. Il se termine avec un résumé du
contenu, dans le verset 37 : « Vous observerez toutes mes prescriptions et toutes mes ordonnances et vous les
= 15 =
mettrez en pratique. Je suis l'Éternel. »
Ce chapitre fait donc le lien entre la sainteté et l'obéissance. Si nous voulons être saints, comme Dieu est
saint, nous devons obéir à ses commandements. Or, c'est aussi dans ce chapitre que se trouve le célèbre
commandement, au verset 18 : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Ce principe est même répété
vers la fin du chapitre, en parlant des étrangers présents parmi le peuple (pour éviter qu'on puisse penser
qu'aimer son prochain ne s'applique qu'à ses amis et sa famille) : « Vous traiterez l'immigrant en séjour parmi
vous comme un autochtone du milieu de vous ; tu l'aimeras comme toi-même, car vous avez été immigrants
dans le pays d'Égypte » (verset 34). Lévitique 19 fait donc le lien, non seulement entre la sainteté et
l'obéissance, mais entre la sainteté, l'obéissance et l'amour.
Dans un sens, la vraie sainteté, la vraie obéissance et le vrai amour sont des facettes différentes du même
comportement : la sainteté se manifeste dans l'obéissance et l'obéissance se manifeste dans l'amour du
prochain. La manifestation par excellence du salut est donc très simple : ce n'est pas dans les dons spirituels,
ni dans l'énergie déployée pour servir Dieu, ni dans les belles prières ou belles prédications qu'on est capable
de faire, mais dans l'amour qu'on voit la réalité du salut dans une vie. Les plus grands « hommes de Dieu »
ne sont pas ceux qui ont des titres impressionnants, ni ceux qui sont les responsables des grandes églises, ni
ceux qui font des miracles et des prodiges, mais ceux qui mettent le bien-être des autres avant leur propre
bien-être.
Le cœur du vrai croyant est un cœur de serviteur
Jésus a insisté sur ce principe, même auprès des douze apôtres, a plusieurs reprises :
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« Jésus les appela et dit : Vous savez que les chefs des nations les tyrannisent, et que les grands abusent de leur
pouvoir sur elles. Il n'en sera pas de même parmi nous. Mais quiconque veut être grand parmi vous sera votre
serviteur et quiconque veut être le premier parmi vous sera votre esclave » (Matthieu 20.25-27 ; voir aussi
Marc 10.42-44).
« Ne vous faites pas appeler directeurs, car un seul est votre Directeur, le Christ. Le plus grand parmi vous sera
votre serviteur. Qui s'élèvera sera abaissé, et qui s'abaissera sera élevé. » (Matthieu 23.10-12).
« Alors il s'assit, appela les douze et leur dit : Si quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le dernier de tous et le
serviteur de tous » (Marc 9.35).
« Jésus leur dit : Les rois des nations les dominent et ceux qui ont autorité sur elles se font appeler bienfaiteurs.
Il n'en est pas de même pour vous. Mais que le plus grand parmi vous soit comme le plus jeune, et celui qui
gouverne comme celui qui sert. Car qui est le plus grand, celui qui est à table, ou celui qui sert ? N'est-ce pas
celui qui est à table ? Et moi, cependant, je suis au milieu de vous comme celui qui sert » (Luc22.25-27).
« Après leur avoir lavé les pieds et avoir repris ses vêtements, il se remit à table et leur dit : Comprenez-vous
ce que je vous ai fait ? Vous m'appelez : le Maître et le Seigneur, et vous dites bien, car je (le) suis. Si donc je
vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux
autres ; car je vous ai donné un exemple, afin que, vous aussi, vous fassiez comme moi je vous ai fait » (Jean
13.12-15).
Si Jésus met tant d'importance sur ce principe, s'il a tant insisté auprès de ses disciples pour qu'ils le
comprennent, c'est que cet esprit de service est absolument au cœur du message de l'évangile. L'évangile du
monde se laisse impressionner par les accomplissements et les bénédictions. L'évangile de Jésus-Christ a une
autre priorité : la sainteté qui se manifeste dans l'amour du prochain.
Que personne ne se vante donc de son progrès « spirituel » s'il n'est pas en train d'apprendre de plus en plus,
jour après jour et année après année, à manifester cet amour. « Aimez-vous les uns les autres ; comme je
vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres » (Jean 13.34). Et l'apôtre Jean nous rappelle
comment l'amour de Jésus se manifeste, de peur qu'il ne soit réduit à une simple question de sentiments forts
qui nous lient : « A ceci, nous avons connu l'amour : c'est qu'il a donné sa vie pour nous. Nous aussi, nous
devons donner notre vie pour les frères. Si quelqu'un possède les biens du monde, qu'il voie son frère dans le
besoin et qu'il lui ferme son cœur, comment l'amour de Dieu demeurera-t-il en lui ? Petits enfants, n'aimons
pas en parole ni avec la langue, mais en action et en vérité. Par là nous connaîtrons que nous sommes de la
vérité, et nous apaiserons notre cœur devant lui » (1 Jean 3.16-19)
= 16 =
Il n'y a pas de sainteté sans l'amour qui se donne, qui met le bien-être des autres avant son propre bien-être. Il
n'y a pas de salut sans cet amour. C'est tout le contraire de l'évangile du monde, qui met tout l'accent sur son
propre bien-être, mais c'est l'évangile de Christ, qui nous délivre du péché et qui nous rend donc capables
d'aimer comme il a aimé.
Cet amour qui se donne, même pour ceux qu'on n'apprécie pas forcément, est tellement différent de la
motivation humaine ordinaire qu'il ne peut venir que de Dieu. En même temps, si Dieu est à l’œuvre dans
une vie, un tel amour se manifestera forcément. C'est ce qui permet à l'apôtre Jean de dire non seulement que
tout vrai croyant est motivé par ce type d'amour, mais aussi que seuls les vrais croyants le sont : « Bienaimés, aimons-nous les uns les autres ; car l'amour est de Dieu, et quiconque aime est né de Dieu et connaît
Dieu. Celui qui n'aime pas n'a pas connu Dieu, car Dieu est amour » (1 Jean 4.7-8).
La nature du salut en Jésus, c'est d'être délivré du péché, pour devenir saint. Une des caractéristiques
principales de la sainteté est l'amour véritable, l'amour qui se donne, l'amour qui fait du bien à tous, tandis
que le péché se manifeste forcément dans le refus d'aimer. L'élimination du péché dans une vie se voit donc
le plus dans un cœur qui apprend de plus en plus à aimer vraiment.
L'évangile de Christ dans la théologie de Paul : foi, espérance et amour.
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« Maintenant donc ces trois choses demeurent : la foi, l'espérance, l'amour ; mais la plus grande, c'est
l'amour » (1 Corinthiens 13.13).
« Pour nous, c'est de la foi que nous attendons, par l'Esprit, l'espérance de la justice. Car, en Christ-Jésus, ce
qui a de la valeur, ce n'est ni la circoncision ni l'incirconcision, mais la foi qui est agissante par l'amour »
(Galates 5.5-6).
« C'est pourquoi moi aussi, ayant entendu parler de votre foi au Seigneur Jésus et de votre amour pour tous les
saints, je ne cesse de rendre grâces pour vous : je fais mention de vous dans mes prières ; afin que le Dieu de
notre Seigneur Jésus-Christ, le Père de gloire, vous donne un esprit de sagesse et de révélation qui vous le fasse
connaître ; qu'il illumine les yeux de votre cœur, afin que vous sachiez quelle est l'espérance qui s'attache à son
appel, quelle est la glorieuse richesse de son héritage au milieu des saints » (Éphésiens 1.15-18).
« Nous avons en effet entendu parler de votre foi en Christ-Jésus et de l'amour que vous avez pour tous les
saints, à cause de l'espérance qui vous est réservée dans les cieux, et que la parole de vérité, celle de
l'Évangile, vous a précédemment fait connaître » (Colossiens 1.4-5).
« Nous nous souvenons sans cesse, devant Dieu notre Père, de l'œuvre de votre foi, du travail de votre amour,
et de la fermeté de votre espérance en notre Seigneur Jésus-Christ » (1 Thessaloniciens 1.3).
« Mais nous qui sommes du jour, soyons sobres : revêtons la cuirasse de la foi et de l'amour, ainsi que le
casque de l'espérance du salut » (1 Thessaloniciens 5.8).
« Paul, apôtre du Christ-Jésus, par ordre de Dieu notre Sauveur et du Christ-Jésus notre espérance, à Timothée,
mon enfant légitime en la foi : Grâce, miséricorde et paix de la part de Dieu le Père et du Christ-Jésus notre
Seigneur. Comme je t'y ai exhorté, à mon départ pour la Macédoine, demeure à Éphèse, afin de recommander à
certaines personnes de ne pas enseigner d'autres doctrines et de ne pas s'attacher à des fables et des généalogies
sans fin, qui favorisent des discussions plutôt que l'œuvre de Dieu dans la foi. Le but de cette recommandation,
c'est l'amour qui vient d'un cœur pur, d'une bonne conscience et d'une foi sans hypocrisie » (1 Timothée 1.1-5).
Décidément, l'apôtre Paul regroupe régulièrement la foi, l'espérance et l'amour. Dans 1 Corinthiens 13.13, il
les cite même comme trois principes que les croyants sont censés connaître et, encore plus parlant, associer.
Il est évident que dans son enseignement, non seulement dans ses écrits mais aussi de vive voix (puisqu'il
s'attend à ce que l'église de Corinthe reconnaisse « ces trois choses » qui semble être fondamentales dans la
vie chrétienne), il les utilisait souvent.
La nature de la foi, de l'espérance et de l'amour dans la théologie de Paul
Nous savons aussi, par ses écrits, ce que Paul met dans ces trois termes :
La foi est fondamentale dans son enseignement. Par la foi, il entend la confiance en l’œuvre de Christ, qui a
= 17 =
fait tout le nécessaire pour notre salut. La foi est contrastée avec « les œuvres » : nous comptons sur ce que
Christ a fait et non sur ce que nous faisons. Quelques exemples seulement suffiront pour nous rappeler ce
qu'il dit sur ce point :
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« O Galates insensés ! qui vous a fascinés, vous, aux yeux de qui a été dépeint Jésus-Christ crucifié ? Voici
seulement ce que je veux apprendre de vous : Est-ce en pratiquant la loi que vous avez reçu l'Esprit, ou en
écoutant avec foi ? » (Galates 3.1-2).
« C'est par la grâce en effet que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c'est le
don de Dieu. Ce n'est point par les œuvres, afin que personne ne se glorifie » (Éphésiens 2.8-9).
« Pourtant moi-même j'aurais sujet de mettre ma confiance dans la chair. Si d'autres croient pouvoir se confier
en la chair, à plus forte raison moi : circoncis le huitième jour, de la race d'Israël, de la tribu de Benjamin,
Hébreu né d'Hébreux ; quant à la loi, Pharisien ; quant au zèle, persécuteur de l'Église ; quant à la justice
légale, irréprochable. Mais ce qui était pour moi un gain, je l'ai considéré comme une perte à cause du Christ.
Et même je considère tout comme une perte à cause de l'excellence de la connaissance du Christ-Jésus, mon
Seigneur. A cause de lui, j'ai accepté de tout perdre, et je considère tout comme des ordures, afin de gagner
Christ, et d'être trouvé en lui, non avec une justice qui serait la mienne et qui viendrait de la loi, mais avec la
justice qui est (obtenue) par la foi en Christ, une justice provenant de Dieu et fondée sur la foi » (Philippiens
3.4-9).
L'espérance, aussi, est un sujet qu'il développe régulièrement. Il a bien compris que le but du salut est de
nous délivrer du péché ; l'aboutissement de ce processus, donc, est notre espérance. Il en parle à plusieurs
reprises dans ses épîtres :
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« Il vous a maintenant réconciliés par la mort dans le corps de sa chair, pour vous faire paraître devant lui
saints, sans défaut et sans reproche » (Colossiens 1.22).
« Le mystère caché de tout temps et à toutes les générations, mais dévoilé maintenant à ses saints, à qui Dieu a
voulu faire connaître quelle est la glorieuse richesse de ce mystère parmi les païens, c'est-à-dire : Christ en
vous, l'espérance de la gloire. C'est lui que nous annonçons, en avertissant tout homme et en instruisant tout
homme en toute sagesse, afin de rendre tout homme parfait en Christ » (Colossiens 1.26-28).
« Ce n'est pas que j'aie déjà remporté le prix ou que j'aie déjà atteint la perfection ; mais je poursuis (ma
course) afin de le saisir, puisque moi aussi, j'ai été saisi par le Christ-Jésus » (Philippiens 3.12).
Ses épîtres regorgent d'enseignements pratiques au sujet de l'amour qui, dans sa théologie, est un élément
absolument indispensable de toute vie chrétienne authentique. Quelques extraits :
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« L'amour est patient, l'amour est serviable, il n'est pas envieux ; l'amour ne se vante pas, il ne s'enfle pas
d'orgueil, il ne fait rien de malhonnête, il ne cherche pas son intérêt, il ne s'irrite pas, il ne médite pas le mal, il
ne se réjouit pas de l'injustice, mais il se réjouit de la vérité ; il pardonne tout, il croit tout, il espère tout, il
supporte tout » (1 Corinthiens 13.4-7 – on pourrait facilement citer tout le chapitre).
« Frères, vous avez été appelés à la liberté ; seulement ne faites pas de cette liberté un prétexte pour (vivre
selon) la chair, mais par amour, soyez serviteurs les uns des autres. Car toute la loi est accomplie dans une
seule parole, celle-ci : Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Galates 5.13-14).
« Ainsi donc, comme des élus de Dieu, saints et bien-aimés, revêtez-vous d'ardente compassion, de bonté,
d'humilité, de douceur, de patience. Supportez-vous les uns les autres et faites-vous grâce réciproquement ; si
quelqu'un a à se plaindre d'un autre, comme le Christ vous a fait grâce, vous aussi, faites de même. Mais pardessus tout, revêtez-vous de l'amour qui est le lien de la perfection » (Colossiens 3.12-14).
« Le but de cette recommandation, c'est l'amour qui vient d'un cœur pur, d'une bonne conscience et d'une foi
sans hypocrisie » (1 Timothée 1.5).
Un évangile en trois parties essentielles et indissociables
Ces trois principes sont tellement imbriqués dans la théologie de Paul qu'on ne peut pas les dissocier. On
peut commencer avec n'importe lequel des trois, pour montrer que s'il est véritable et complet, il implique
forcément les deux autres :
•
La foi étant la confiance en l’œuvre de Christ, et l’œuvre de Christ ayant pour but de nous délivrer
du péché, la foi qui sauve s'accompagne forcément de l'espérance d'être un jour, quand nous serons
= 18 =
auprès de Dieu, totalement délivré du péché. En même temps, puisque l'évangile que nous acceptons
par la foi est l'évangile qui promet de nous délivrer du péché, cette foi se manifestera forcément par
un caractère transformé, un caractère marqué par l'amour de Dieu pour tous ceux qui nous entourent.
La vraie foi implique donc l'espérance et l'amour.
•
L'espérance ne vient que de la foi, puisque le but de la sainteté parfaite ne peut jamais s'accomplir
par nos propres efforts. Cette transformation ne peut venir que de l’œuvre de Christ. Même si la
réalité du salut dans nos vies se voit dans nos efforts à avancer vers ce but, à poursuivre cette
transformation, ces efforts ne contribuent rien à notre salut. C'est Dieu qui le fait ; nos œuvres
constituent la manifestation de cette délivrance et non le moyen de la produire. Nous avons
simplement à croire en cette œuvre de Dieu et à l'accepter dans nos vies : la foi. Il n'y a donc pas
d'espérance sans la foi. Et dans la mesure où nous avançons vers cette espérance de la sainteté
parfaite, l'amour se manifeste forcément en nous. Le jour où nous aurons atteint l'espérance, l'amour
sera parfait en nous et caractérisera nos personnes pour toute l'éternité. La vraie espérance implique
donc la foi et l'amour.
•
L'amour étant l'accomplissement de la loi de Dieu (« L'amour ne fait pas de mal au prochain :
l'amour est donc l'accomplissement de la loi », Romains 13.10), il ne peut jamais se manifester
vraiment en nous par nos propres efforts, puisque nous sommes incapables d'accomplir la loi de
Dieu. L'amour de l'homme a ses limites strictes, tandis que l'amour de Dieu est sans limites. Il n'y a
donc que la transformation qui vient de Dieu seul qui peut nous apprendre à aimer véritablement.
Puisque cette transformation vient de l’œuvre de Christ, qu'il faut accepter par la foi, il n'y a pas
d'amour dans le sens divin sans la foi. Et puisque cet amour en nous est l’œuvre de Dieu, d'un Dieu
parfait qui finit ce qu'il commence, s'il est en train de développer l'amour en nous, c'est qu'il le fera
jusqu'au bout, jusqu'au jour où cet amour remplira parfaitement nos cœurs. Le vrai amour implique
donc la foi et l'espérance.
Cela veut dire que si un de ces éléments est faussé, les deux autres le sont aussi. Trop souvent, nous avons
essayé de construire notre théologie uniquement en fonction de la foi, mais le résultat est mauvais. La « foi
en Christ », si elle n'est pas accompagnée de l'espérance d'être délivré totalement du péché et de vivre dans
l'amour parfait, devient un prétexte pour courir après n'importe quelle délivrance (délivrance de la
condamnation et de la souffrance qui l'accompagne, délivrance de la maladie, délivrance de la pauvreté,
délivrance de l'échec, délivrance de la vie dure...) et nous nous trouvons précisément dans l'évangile du
monde. Certains vont jusqu'à enseigner explicitement que le salut n'a pas forcément besoin d'être
accompagné de repentance (c'est-à-dire, ils disent qu'on peut accepter un salut qui est censé nous délivrer du
péché, sans manifester le désir d'être délivré du péché !), parce qu'ils ont séparé la foi de l'espérance et de
l'amour.
Un message basé sur un seul des trois points est un message faussé
Mais « la foi en Christ » ne suffit pas si nous voulons vivre réellement dans l'évangile de Christ. La foi qui
sauve est la confiance en l’œuvre de Christ et cette œuvre se résume toujours par le même principe : Jésus
nous sauve (délivre) du péché. Le simple fait de « croire en Christ » n'est pas tout l'évangile, si cette foi n'est
pas l'acceptation du véritable salut mis en place par Jésus, un salut qui a pour but premier de nous
transformer, de nous purifier, de nous rendre saints.
De même, « l'amour » ne suffit pas, si cet « amour » est simplement la sentimentalité, l'appréciation des
amis, ou les efforts de la chair pour « faire des bonnes œuvres ». L'amour qui compte est l'amour qui se
donne sans compter, parce que le bien-être de l'autre compte plus que son propre bien-être. Certains essaient
de construire leur théologie uniquement sur le principe de l'amour, mais cet amour, divorcé de la foi en
l’œuvre de Christ et de l'espérance de la sainteté parfaite, n'est plus l'amour de Dieu.
Ce n'est pas Paul qui a inventé ces trois principes. Nous voyons qu'ils sont tous déjà très clairement
impliqués dans l'annonce de l'ange à Joseph, avant même la naissance de Jésus, pour résumer le but de sa
venue dans ce monde : Jésus sauvera son peuple du péché. Mais Paul a donné des noms à ces trois principes,
= 19 =
et a fait comprendre la relation entre les trois. Il montre que la théologie chrétienne n'est pas complète si les
trois ne sont pas à leur place, mais que les trois résument effectivement tout ce qui est vraiment essentiel
dans le message de l'évangile.
On peut donc illustrer la relation entre ces trois
principes par trois anneaux, imbriqués de
manière à se tenir tous les trois, mais aussi de
manière à ce qu'un seul qui n'est pas à sa place
défait toute la formation. Si l'un n'est plus là, les
deux autres se détachent aussi. Cela est vrai pour
n'importe quel des trois.
Les trois ensemble forment un tout cohérent, où
chaque élément garde sa place. Mais même un
seul qui n'est pas à sa place change tout : la foi
explique le moyen du salut (c'est Jésus qui sauve
du péché), l'espérance explique la nature du
salut (Jésus nous sauve du péché, c'est-à-dire il
nous en délivre) et l'amour explique la
manifestation du salut (Jésus nous sauve du
péché, pour que le caractère de Dieu se révèle en
nous).
Trop souvent, le message de l'évangile de JésusChrist a été faussé parce qu'un de ces éléments
n'est plus compris à sa juste valeur. Dans la doctrine Catholique au Moyen Age, avant la Réforme, la foi
n'était plus à sa place, ce qui a déformé tout le système théologique de l'époque. Malheureusement, dans la
doctrine actuelle, même dans les églises où la foi a été mise en avant d'une manière bien plus conforme aux
Écritures, c'est souvent l'espérance qui n'est pas à sa place : notre « espérance » consiste plus en des rêveries
au sujet d'un monde meilleur et sans souffrance, qu'un véritable engagement à poursuivre la sainteté parce
que nous voulons vraiment être « délivrés du péché ».
L'espérance est le point le plus difficile pour l'homme pécheur
Ceci est d'ailleurs un vieux problème, qui affecte tous les courants chrétiens, et qui n'est pas du tout unique
au monde moderne. La véritable espérance chrétienne, nous l'avons vu, est la perspective et le désir
d'atteindre la perfection dans la sainteté. Elle implique donc le fait de vivre la vie chrétienne dans ce but,
même si nous savons que nous n'y parviendrons jamais tant que nous sommes dans ce monde. Dès que
l'évangile du monde infecte le message chrétien, l'espérance est le premier élément à être faussé. Au lieu de
chercher la sainteté, au lieu d'être motivé par la sainteté, on recherche un bien-être bien plus immédiat et
physique.
Sachant cela, considérons l'implication du texte d'Éphésiens 1.15-18, cité en introduction à cette section avec
d'autres passages où Paul regroupe ces trois éléments de l'évangile : « C'est pourquoi moi aussi, ayant
entendu parler de votre foi au Seigneur Jésus et de votre amour pour tous les saints, je ne cesse de rendre
grâces pour vous : je fais mention de vous dans mes prières ; afin que le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ,
le Père de gloire, vous donne un esprit de sagesse et de révélation qui vous le fasse connaître ; qu'il illumine
les yeux de votre cœur, afin que vous sachiez quelle est l'espérance qui s'attache à son appel, quelle est la
glorieuse richesse de son héritage au milieu des saints ».
La phrase est longue est compliquée (ce qui est très typique de Paul), mais relevons ce qu'il dit précisément
au sujet de ces trois éléments de base : « … ayant entendu parler de votre foi ... et de votre amour … je fais
mention de vous dans mes prières … afin que vous sachiez quelle est l'espérance qui s'attache à son appel ».
Très intéressant. Il est conscient de leur foi et de leur amour, et il prie qu'ils comprennent également
l'espérance. Une telle prière reconnaît que l'espérance n'est pas toujours claire dans l'esprit des croyants. Il est
= 20 =
relativement facile de parler de « la foi en Jésus » et de « l'amour les uns pour les autres » mais lier tout cela
fermement à l'espérance de la sainteté, avec tout ce qu'elle implique de communion intime avec Dieu et de
vivre dans sa gloire, n'est pas toujours aussi facile. Une telle espérance est pourtant le but principal du salut.
Et si l'espérance n'est pas claire, la foi et l'amour ne le sont pas non plus.
Faisons donc comme Paul : ne construisons pas notre théologie sur un ou deux points, mais sur les trois qui,
ensemble, font un message cohérent et suffisant. Comprenons, annonçons et vivons non seulement la foi
comme moyen de salut, mais aussi l'espérance de la sainteté comme but primordial et l'amour comme
manifestation principale de ce salut dans nos vies.
La foi, l'espérance et l'amour dans l'épître aux Romains.
Ces trois principes sont développés en détail, et dans l'ordre, dans l'épître aux Romains. Comme ils sont
tellement importants, et comme des incompréhensions quant à leurs implications faussent si souvent le
message de l'évangile, il nous sera utile, avant d'aller plus loin, de voir cela d'un peu plus près. C'est dans
Romains que Paul développe sa théologie de la manière la plus complète et la plus systématique ; si nous
voulons donc bien saisir son enseignement sur la foi, l'espérance et l'amour, c'est dans Romains que nous
pouvons le faire.
Après l'introduction personnelle, qui concerne précisément ses relations avec les croyants dans la ville de
Rome (Romains 1.1-17), Paul aborde une première section (1.18 - 3.20) qui décrit le problème de l'homme :
le péché, la condamnation qui s'y attache, et l'impossibilité pour l'homme de s'en sortir par ses propres
efforts, même en essayant de garder la loi de Dieu. Dans cette section, les mots « foi », « espérance » et
« amour » n'apparaissent jamais. Il décrit l'homme naturel, qui n'a pas la foi dans le sens chrétien, qui n'a pas
d'espérance spirituelle, et dont l'amour n'est que l'appréciation de ceux qui nous font du bien.
Dès qu'il aborde son exposition systématique de l'évangile, il le fait en expliquant tout simplement ce que
veut dire la foi, l'espérance et l'amour. Il ne s'écarte de ces trois points que dans les chapitres 9 à 11, une sorte
de « parenthèse » dans son explication, qui explique la position de la nation d'Israël dans l'évangile en
explorant la relation entre l'espérance et la foi.
Romains 3.21 à 5.21 : la nature et l'importance de la foi
La deuxième grande section de Romains, 3.21 à 5.21, explique donc la foi, et la grâce dont Dieu fait preuve
en sauvant l'homme par la foi, sans les œuvres de la loi.
Paul commence cette section en expliquant le principe même de la foi : « Mais maintenant, sans la loi est
manifestée la justice de Dieu, attestée dans la loi et les prophètes, justice de Dieu par la foi en [Jésus] -Christ
pour tous ceux qui croient. Car il n'y a pas de distinction : tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu ;
et ils sont gratuitement justifiés par sa grâce, par le moyen de la rédemption qui est dans le Christ-Jésus.
C'est lui que Dieu a destiné comme moyen d'expiation pour ceux qui auraient la foi en son sang, afin de
montrer sa justice. Parce qu'il avait laissé impunis les péchés commis auparavant au temps de sa patience, il a
voulu montrer sa justice dans le temps présent, de manière à être (reconnu) juste, tout en justifiant celui qui a
la foi en Jésus. Où donc est le sujet de se glorifier ? Il est exclu. Par quelle loi ? Par la loi des œuvres ? Non,
mais par la loi de la foi. Car nous comptons que l'homme est justifié par la foi, sans les œuvres de la loi »
(Romains 3.21-28).
Il continue en montrant que la justification par la foi, qui est une grâce, n'est nullement une nouveauté,
puisque Abraham lui-même a été justifié par la foi. Il cite Genèse 15.6 comme preuve : « Abram crut en
l'Éternel qui le lui compta comme justice. » On pourrait très bien traduire ce texte : « Abram crut l'Éternel,
qui le lui compta comme justice. » Il ne s'agit pas de « croire en Dieu » simplement dans le sens de penser
qu'il existe, mais de croire ce qu'il dit, de lui faire confiance, d'avoir foi en lui. Tout Romains 4 explore cette
foi d'Abraham et ce que cela nous apprend sur la foi chrétienne.
= 21 =
La section sur la foi se termine avec le chapitre 5, qui introduit déjà le principe de l'espérance mais qui,
surtout, montre d'une manière extraordinaire que la grâce de Dieu, qui sauve par la foi ceux qui ne le
méritent pas parce qu'ils sont incapables de garder la loi, est infiniment plus forte que le péché et la
condamnation : « Si par la faute d'un seul, la mort a régné par lui seul, à bien plus forte raison ceux qui
reçoivent l'abondance de la grâce et du don de la justice régneront-ils dans la vie par le seul Jésus-Christ.
Ainsi donc, comme par une seule faute la condamnation s'étend à tous les hommes, de même par un seul acte
de justice, la justification qui donne la vie s'étend à tous les hommes. En effet, comme par la désobéissance
d'un seul homme, beaucoup ont été rendus pécheurs, de même par l'obéissance d'un seul, beaucoup seront
rendus justes. Or, la loi est intervenue pour que la faute soit amplifiée ; mais là où le péché s'est amplifié, la
grâce a surabondé » (Romains 5.17-20).
Romains chapitres 6 à 8 : la nature et l'importance de l'espérance
Les chapitres 6 à 8 explorent le principe de l'espérance. Le chapitre 6 et le début du chapitre 7 explorent une
implication troublante du salut : logiquement, puisque le but même du salut est de nous délivrer du péché,
nous ne devrions plus vivre dans le péché. Christ est mort dans le but de nous délivrer du péché et il est
ressuscité avec la victoire sur le péché et la mort ; si donc nous avons accepté son salut, il n'y a pas de raison
que le péché domine encore sur nous : « Nous qui sommes morts au péché, comment vivrions-nous encore
dans le péché ? » (Romains 6.2). « Ainsi vous-mêmes, considérez-vous comme morts au péché, et comme
vivants pour Dieu en Christ-Jésus. Que le péché ne règne donc pas dans votre corps mortel, et n'obéissez pas
à ses convoitises. Ne livrez pas vos membres au péché, comme armes pour l'injustice ; mais livrez-vous
vous-mêmes à Dieu, comme des vivants revenus de la mort, et (offrez) à Dieu vos membres, comme armes
pour la justice. Le péché ne dominera pas sur vous, car vous n'êtes pas sous la loi, mais sous la grâce »
(Romains 6.11-14).
C'est logique, c'est glorieux, et en même temps c'est troublant, puisque nous qui sommes en Christ constatons
encore le péché en nous. Nos actes ne sont pas toujours parfaits. Notre cœur n'est jamais parfaitement pur.
Nos pensées ne glorifient pas toujours le Seigneur. Paul reconnaît cela très explicitement dans la dernière
partie du chapitre 7, en utilisant son propre exemple : « Car je prends plaisir à la loi de Dieu, dans mon for
intérieur, mais je vois dans mes membres une autre loi, qui lutte contre la loi de mon intelligence et qui me
rend captif de la loi du péché qui est dans mes membres. Malheureux que je suis ! Qui me délivrera de ce
corps de mort ? Grâces soient rendues à Dieu par Jésus-Christ notre Seigneur ! ... Ainsi donc, par mon
intelligence, je suis esclave de la loi de Dieu, tandis que, par ma chair, je suis esclave de la loi du péché »
(Romains 7.22-25).
Paul dit qu'il « prends plaisir à la loi de Dieu dans son for intérieur », il dit même que « par son intelligence,
il est esclave de la loi de Dieu ». Il ne parle pas au passé, de ce qu'il vivait autrefois quand, pharisien zélé et
rempli d'orgueil, il se félicitait de sa piété parce qu'il mettait l'accent uniquement sur les parties de la loi qui
l'arrangeaient, tout en résistant à la volonté de Dieu dans d'autres domaines (comme l'amour du prochain). Il
parle de son cas actuel, avec l'intelligence renouvelée par l'Esprit de Dieu pour qu'il soit réellement « esclave
de la loi de Dieu » et il reconnaît que, même dans ce cas, le péché est encore là.
C'est grave. Si le but du salut est de nous délivrer du péché, comment expliquer que même ceux qui sont
sauvés sont encore pécheurs ? Le salut n'est-il qu'une illusion ?
Le chapitre 8 répond à la question – et termine donc la section – en mettant en avant l'espérance : l’œuvre du
salut n'est pas encore terminée mais, quand elle le sera, nous serons effectivement délivrés du péché. Le
chapitre 8 décrit cette espérance de différentes manières.
Le verset 4 confirme que le but du salut est bien « pour que la justice prescrite par la loi soit accomplie en
nous ». La justice « prescrite par la loi », c'est-à-dire la justice qu'exige la loi de Dieu, c'est la perfection,
comme nous l'avons vu. Or, ce verset dit que le but du salut n'est pas simplement de nous pardonner de nos
péchés, mais de nous transformer de manière à ce que la justice parfaite que la loi demande devienne une
réalité en nous. Mais le verset continue en précisant que cela s'accomplira en nous « qui marchons, non selon
la chair, mais selon l'Esprit ». Ceux qui ne désirent pas cette transformation, ceux qui préfèrent marcher selon
= 22 =
la chair en cherchant simplement les bénédictions de Dieu sans désirer qu'il soit réellement Dieu dans leurs
vies, ne sont pas concernés.
Le verset 29 dit, au sujet de ceux qui acceptent ce salut, que Dieu les a « prédestinés à être semblables à
l'image de son Fils ». Le terme « prédestiné » fait peur à beaucoup de gens mais ne doit pas nous troubler
spécialement. Il signifie « ordonné d'avance » et, dans le contexte, la traduction « prédestiné » est tout à fait
appropriée. « Pré-destiné » veut dire « la destination est fixée d'avance ». Comme un avion dont la
destination est connue avant qu'on accepte d'y monter ou non, la « destination », c'est-à-dire l'aboutissement
final des croyants, est connu aussi : ils vont être semblables à Christ, qui est parfait en sainteté, en
obéissance, et dans sa relation avec le Père.
D'ailleurs, même s'ils ne sont pas dans l'épître aux Romains, les seules deux autres utilisations de ce verbe
dans le Nouveau Testament pour parler des croyants (les autres utilisations parlent du fait que Jésus est « prédestiné » à la croix) mettent en avant, elles aussi, l'aboutissement final du salut. Ils se trouvent dans
Éphésiens 1.5 et 1.11. Éphésiens 1.5 dit que Dieu nous a prédestinés à être « adoptés » et Romains 8.24 nous
rappelle que « l'adoption », le moment où nous entrerons pleinement dans la relation Père-fils avec Dieu, est
encore à venir. Éphésiens 1.11-12 dit que nous sommes prédestinés à « célébrer la gloire de sa grâce » et
Romains 8.18 (décidément, ce terme renvoie toujours à Romains 8, le chapitre par excellence de l'espérance
dans les écrits de Paul) nous dit aussi que le moment où cette gloire sera pleinement révélée en nous (« en
nous » est une traduction plus précise que le « pour nous » de la Bible à la Colombe) est aussi futur.
Dieu a donc fixé d'avance le résultat du salut dans la vie des rachetés : devenir comme Christ. Le chapitre se
termine en disant que Dieu accomplira pleinement ce qu'il a commencé en nous (versets 31 à 34) et que rien
ne peut nous séparer de l'amour de Dieu (versets 35 à 39). Nous espérance est assurée parce qu'elle est
l’œuvre de Dieu et pas la nôtre. C'est lui qui nous sauve parfaitement du péché.
Romains chapitres 9 à 11 : le lien entre la foi et l'espérance
La section dans les chapitres 9 à 11 a engendré beaucoup de discussions, qui ont peut-être leur utilité, mais
qui ne s'appliquent pas spécialement à nos considérations ici. Le grand problème pour comprendre cette
section consiste à se rappeler qu'elle répond à une question qu'on ne se pose plus, c'est-à-dire l'acceptation
des non-Juifs dans le « peuple de Dieu ». Paul, ancien pharisien, aurait défendu mordicus autrefois la notion
que la seule manière pour un païen d'entrer dans le peuple de Dieu était de devenir Juif à part entière. Il sait
que cette position est défendue par beaucoup de Juifs et même par certains chrétiens, qui veulent par
conséquent que les non-Juifs qui se convertissent à Christ se fassent circoncire comme signe de leur
appartenance au peuple Juif, dont Jésus est le Messie.
Il argumente donc que Dieu n'a pas choisi tous les descendants physiques d'Abraham pour le salut (9.6-18),
qu'il est libre de choisir qui il veut (9.20-23), et que cela inclut des gens qui viennent des autres nations
(9.24-28). Toutefois, ayant parlé dans le chapitre 8 de l'espérance et du fait que la promesse de Dieu est sûre,
et reconnaissant que beaucoup de Juifs n'ont pas du tout cette espérance, il explique la raison en faisant le
lien entre les deux aspects du salut qu'il a développé jusqu'alors : la foi et l'espérance. Il écrit à la fin du
chapitre 9 que si les Juifs sont en grande partie en dehors de cette espérance, c'est parce que la plupart des
Juifs ne poursuivent pas le salut par la foi, mais par les œuvres (versets 30-32).
Le chapitre 10 montre que la foi ne peut venir qu'en entendant le message de l'évangile, mais qu'Israël l'a
bien entendu. Le dernier verset du chapitre dit que le problème se trouve dans la réaction d'Israël au message
de Dieu : Paul cite le prophète Ésaïe qui dit que le peuple d'Israël est « rebelle et contredisant » (Romains
10.21, citant Ésaïe 65.2). Le chapitre 11 termine la section en montrant que les Juifs ne sont pas rejetés par
Dieu pour autant (Paul, après tout, est Juif, comme il le rappelle au verset 1), mais Dieu retranche d'Israël
ceux qui refusent ce salut qui les libère du péché, tandis que ceux des nations qui l'acceptent sont en quelque
sorte « greffés » dans l’œuvre spirituelle que Dieu fait à travers la nation d'Israël (11.17-24).
L'enseignement de cette section est donc utile encore pour nous aujourd'hui, même si nous sommes
parfaitement habitués à l'idée que le salut concerne toutes les nations et non uniquement les Juifs, en nous
= 23 =
rappelant que l'espérance d'être totalement délivré du péché ne s'obtient que par la foi en l’œuvre de Christ. Il
ne sort pas du schéma « foi – espérance – amour » mais montre que la foi et l'espérance sont indissociables.
Romains 12.1 à 15.7 : la nature de l'amour dans des situations précises
La dernière section de l'épître, du chapitre 12 jusqu'au milieu du chapitre 15, décrit comment ce salut, qui
nous est donné par la foi et qui nous mènera jusqu'à l'espérance de la sainteté parfaite, se manifeste dans la
pratique : par l'amour. Certains des sujets abordés dans cette partie relèvent très clairement de l'amour, tandis
que d'autres ne semblent pas, au premier coup d’œil, parler de l'amour. Mais quand on tient compte de la
nature pratique de l'amour, tel que Paul le décrit dans 1 Corinthiens 13, on découvre très rapidement que
toute la section décrit différents aspects de l'amour chrétien :
•
•
•
•
Le chapitre 12 décrit d'une manière extraordinaire un amour qui va de plus en plus loin, jusqu'à faire du bien
même à ceux qui nous font du mal.
Le chapitre 13 explique comment l'obéissance aux lois, mises en place par les gouvernements pour le bien-être
de la société, est aussi une démonstration d'amour.
Le chapitre 14, abordant le sujet délicat de la viande sacrifiée aux idoles, enseigne l'amour, justement, comme
manière d'agir dans ce domaine, un amour qui recherche l'édification de l'autre plutôt que d'insister sur ses
propres droits.
Le début du chapitre 15 donne le principe général qui résume le tout : « Nous qui sommes forts, nous devons
supporter les faiblesses de ceux qui ne le sont pas, et ne pas chercher ce qui nous plaît. Que chacun de nous
plaise au prochain pour ce qui est bon, en vue de l'édification. Car le Christ n'a pas recherché ce qui lui plaisait,
mais, selon qu'il est écrit : Les outrages de ceux qui t'outragent sont tombés sur moi » (Romains 15.1-3)
Ce qui est le plus intéressant dans cette section, c'est que Paul l'introduit avec cette fameuse exhortation :
« Ne vous conformez pas aux au monde présent, mais soyez transformés par le renouvellement de
l'intelligence » (Romains 12.2). Nous voyons donc que ce « renouvellement de l'intelligence » est, tout
simplement, l'amour. Trop souvent, nous considérons l'amour comme quelque chose de sentimental. Paul
dit : « Laissez Dieu transformer votre intelligence : apprenez à aimer véritablement ! »
L'épître aux Romains est considérée depuis longtemps comme l'explication la plus complète dans la Bible de
ce qu'est le salut. Or, comme Romains explique tout simplement la nature, le rôle et l'importance de la foi, de
l'espérance et de l'amour, nous voyons que l'évangile ne peut pas se résumer par un seul de ces éléments.
Essayer de réduire l'évangile à la foi seulement (comme le font trop souvent certaines églises), essayer de le
réduire à la seule exhortation de nous aimer les uns les autres (comme le font si souvent d'autres églises), ou
essayer de tout faire entrer dans l'espérance d'un monde meilleur (la théologie mise en avant dans les
« Négros spirituels »), c'est fausser le tout. Si on ne comprend pas les trois éléments que Paul utilise pour
expliquer l'évangile (et qui sont les mêmes trois éléments mis en avant dès la toute première annonce de
l'évangile dans le Nouveau Testament, par l'ange à Joseph), l'élément qu'on essaie d'utiliser pour expliquer le
tout sera sérieusement déformé.
Un conflit très ancien.
Un seul des deux messages spirituels de base qui se proclament dans ce monde (l'évangile du monde qui veut
que Dieu nous aide avec nos difficultés, et l'évangile de Christ qui nous annonce comment Jésus peut nous
sauver du péché) plaît au pécheur. L'homme naturel désire une vie facile et n'est pas particulièrement opposé
à l'idée de Dieu, si Dieu peut l'aider à obtenir ce qu'il veut, du moment que ce n'est pas Dieu qui dirige. Mais
l'autre message veut transformer complétement cette mentalité de l'homme pécheur, nous apprenant à entrer
dans les valeurs de Dieu, à devenir saint comme il est saint. Comme de dernier message dérange l'homme
pécheur, l'homme cherche naturellement à le modifier, pour que le fond redevienne l'évangile du monde.
Nous avons regardé la différence entre les deux essentiellement d'un point de vue chrétien, afin de montrer
que tout message qui parle de la foi en Jésus n'est pas forcément pour autant l'évangile annoncé par l'ange à
= 24 =
Joseph et mis en place par Christ. Mais le conflit entre ces deux messages est bien plus ancien que le
message « chrétien » proprement dit. De tous temps, le message de Dieu pour l'humanité annonce le besoin
de se détourner du péché pour revenir à lui, dans la sainteté. Mais, depuis la chute, l'évangile du monde
correspond au désir du cœur humain. La tension entre ces deux approches de la vie spirituelle caractérise
donc l'histoire de la religion depuis que le péché existe sur terre.
Caïn et Abel : le conflit entre les deux messages se manifeste déjà
Genèse chapitre 3 décrit la chute dans le péché. Genèse chapitre 4 décrit le conflit entre Caïn et Abel et, par
la suite, les descendants de Caïn. Ce qui ressort clairement de ce chapitre 4, la première information que nous
avons sur l'histoire de l'humanité après la chute, c'est que le conflit entre ces deux approches de la vie
spirituelle est déjà là.
L'enjeu dans Genèse 4 n'est pas, comme certains l'ont dit, le type de sacrifice offert. On a dit que Caïn avait
tort d'apporter comme offrande le fuit du sol, puisqu'il faut qu'il y ait du sang versé pour qu'un sacrifice soit
accepté par Dieu. Mais c'est faux. D'une part, Caïn n'est pas responsable de ce que va dire la loi de Moïse,
des milliers d'années plus tard. Surtout que, même selon la loi de Moïse, des offrandes du fruit du sol sont
non seulement acceptables mais parfois exigées. Lévitique 2, par exemple, en parle longuement. Dieu n'a pas
rejeté Caïn à cause d'un simple symbolisme qu'il ne pouvait pas encore comprendre sans plus de révélations,
qui n'allaient intervenir qu'au fil des millénaires.
Il semble beaucoup plus clair ici qu'Abel a un véritable désir de s'approcher de Dieu dans la sainteté (dans
Matthieu 23.35, Jésus lui-même appelle Abel « le juste » et Hébreux 11.4 dit qu'il a agi par la foi), tandis que
Caïn est simplement jaloux de la bénédiction de Dieu sur son frère – il en veut autant. D'ailleurs, même après
le meurtre de son frère, alors qu'il a montré très clairement qu'il ne désire nullement être délivré du péché (il
ne montre absolument aucun signe de repentance mais profère uniquement des excuses), il se préoccupe plus
de la punition et de la protection que de la sainteté (versets 13-14).
Quelques générations plus tard, un de ses descendants montrera de manière encore plus flagrante que, malgré
deux meurtres (« J'ai tué un homme pour ma blessure et un enfant pour ma meurtrissure », verset 23 – tuer
une personne simplement par qu'elle nous a fait du mal est une réaction tout à fait démesurée et constitue
donc un meurtre), il réclame encore la protection de Dieu (verset 24). La relation intime avec Dieu a
dégénéré très rapidement, après que l'homme soit tombé dans le péché, pour devenir une religion qui se fiche
de la sainteté mais qui croit encore avoir droit à l'aide et à la protection de Dieu. L'évangile du monde est
donc présent depuis que le péché existe.
Jésus : Fils de David ou Fils de Dieu ?
A l'époque de Jésus, ce conflit prend une forme très particulière. On s'est souvent posé la question sur la
réaction du peuple Juif à la venue de Jésus : alors que ce peuple attendait ardemment le Messie, comment se
fait-il que dans sa grande majorité, il l'a rejeté ? La raison est simple : Jésus était bien le Messie que Dieu a
envoyé, mais il n'était pas le Messie que le peuple voulait.
Les Juifs de cette période attendaient un Messie qui allait mettre en place un royaume de paix, de prospérité,
et de bien-être général. Évidemment, il allait mettre les Romains dehors et libérer Israël, vraisemblablement
comme un premier pas avant de mettre en place un empire où ce serait Israël qui régnerait sur le monde
entier. Ils appelaient ce Messie « le Fils de David », puisque différentes prophéties montraient que le Messie
serait effectivement un descendant du roi David. Mais « Fils de David » voulait dire bien plus, dans leur
pensée, qu'un simple descendant. Le roi David avait vaincu les ennemis d'Israël (les Philistins) et avait mis
en place un empire qui s'étendait « de la rivière d'Égypte jusqu'à l'Euphrate ». C'était la plus grande
puissance mondiale de l'époque. Israël dominait tout le monde, et personne ne dominait Israël. Après les
siècles d'esclavage en Égypte, puis les siècles d'invasion et de domination par une puissance étrangère après
l'autre pendant la période des juges, c'était très agréable. La nation vivait avec une telle prospérité que les
richesses de Salomon sont devenues légendaires. « Le Fils de David » allait donc faire la même chose. Si
David pouvait le faire, le Messie pouvait bien le faire aussi.
= 25 =
La réalité historique : la « délivrance » sous David était bien limitée
En fait, le peuple se faisait des illusions au sujet de David. Il a construit son royaume pendant la période que
les historiens appellent « les siècles obscurs », une période énigmatique où, en même temps et pour des
raisons qui ne sont pas encore claires, toutes les grandes puissances de la région (les Égyptiens, les
Babyloniens, les Assyriens, les Hittites et même la civilisation grecque mycénienne) se sont effondrées dans
l'espace d'un peu plus d'un siècle, laissant un vide de pouvoir dans tout le Moyen Orient. Les petits peuples
que David a vaincus avaient très peu de puissance sur le plan militaire. David n'était pas du tout le grand
conquérant que le terme « Fils de David » laissait croire.
Quant à l'étendu du royaume de David, c'est un peu tiré par les cheveux de dire que David et Salomon
régnaient « depuis la rivière d'Égypte jusqu'à l'Euphrate ». Au sud d'Israël, entre Israël et le delta du Nil, le
paysage est essentiellement un désert. La « rivière d'Égypte » semble être, non le Nil (car malgré le désordre
en Égypte à l'époque, Israël n'a jamais contrôlé même le delta du Nil) mais un petit fleuve, souvent à sec
d'ailleurs, qui marque la limite théorique du territoire égyptien proprement dit. Il n'y avait pas de nations
puissantes entre Israël et ce bout de désert. Les Édomites étaient le seul peuple à peu près sérieux dans cette
partie du désert, et ils étaient bien moins nombreux que les Israélites. Régner « depuis la rivière d'Égypte »
n'était pas un grand exploit.
Au nord, David a vaincu un petit royaume du nom de Tsoba dans la vallée de la Bekaa (aujourd'hui une
partie du Liban) et leur alliés d'autour de Damas. Mais Damas était loin de devenir la puissance qu'elle allait
être plus tard, et même au plus fort de sa puissance, Damas n'a jamais dominé sur toute la région. Suite à la
défaite de Tsoba et Damas, un pays encore plus au nord, qui avait eu des troubles avec Tsoba, a payé des
tributs à David. Ce pays s'appelait Hamath. Hamath n'est pas devenu un véritable vassal d'Israël, mais c'était
au moins un protectorat. Or, Hamath contrôlait un couloir de désert qui leur donnait accès à l'Euphrate en
contournant les puissances qui se trouvaient au nord. Puisque Hamath payait un tribut à David, et puisque
Hamath contrôlait ce bout de désert qui s'étendait jusqu'à l'Euphrate, David pouvait dire qu'il « régnait
jusqu'à l'Euphrate ». Mais en fait il ne contrôlait rien du tout aussi loin dans le nord.
En plus, dès que les grandes puissances mésopotamiennes se sont réveillées après ces « siècles obscurs » (les
Assyriens étaient les premiers à le faire), Israël a perdu le contrôle de tout ce qui était au nord et même, par
la suite, sa propre indépendance. David n'avait jamais vaincu une grande puissance qui aurait été l'équivalent,
à l'époque, des Romains. Il en aurait été incapable. Et la lecture de 2 Samuel et 1 Rois nous montre que le
royaume de David n'était en rien un « âge d'or » sur le plan religieux, politique ou moral. L'idolâtrie était très
répandue, l'immoralité et l'injustice caractérisaient une grande partie du vécu quotidien, et David a dû mâter
une révolte après l'autre, y compris de la part de son propre fils.
Le peuple à l'époque de Jésus voulait le « Fils de David »
Mais tous ces détails étaient oubliés à l'époque de Jésus. Après des siècles de domination par les Assyriens,
les Babyloniens, les Perses, les Grecs, les Égyptiens, les Syriens et les Romains, les Juifs idéalisaient
l'époque de David et se focalisait sur la puissance, la paix et la prospérité de l'époque. Le Messie devait donc
faire autant.
Il est souvent question dans les évangiles du « Fils de David ». Mais ce n'est jamais Jésus qui s'appelle ainsi,
ni ses disciples qui utilisent ce titre. Quand il parlait de son humanité, il s'appelait « le Fils de l'homme ».
Mais il s'appelait aussi le Fils de Dieu, ce qui a provoqué pas mal de problèmes pour les Juifs. D'ailleurs, il a
fait tout un travail avec ses disciples, pendant environ trois ans, pour leur faire comprendre qu'il est le Fils de
Dieu, et ce que cela veut dire.
Le « Fils de David », dans la pensée des Juifs, devait venir pour faire quelque chose de similaire à ce que
David avait fait. Le « Fils de Dieu », en revanche, vient de la part de Dieu pour faire l’œuvre de Dieu. Et la
première priorité de Dieu, nous l'avons vu, est de délivrer son peuple du péché. L'enjeu entre les conceptions
« Fils de David » et « Fils de Dieu » n'est donc pas une question de l'humanité ou de la divinité de Christ.
= 26 =
(Cet enjeu-là est mis en avant par les termes « Fils de l'homme » et « Fils de Dieu », deux termes que Jésus a
effectivement utilisé pour lui-même.) C'est une question de priorité : le premier rôle du Messie est-il de
rendre la vie agréable pour le peuple, en le délivrant de ses problèmes, ou de rendre le peuple saint, en le
délivrant de ses péchés ?
Cela ne veut pas dire que Jésus n'a rien fait pour délivrer des gens. Au contraire, il a fait beaucoup de
miracles qui aidaient les gens avec leurs problèmes, que ce soient des problèmes très graves comme
ressusciter le fils unique – et, vraisemblablement, seul soutien financier – d'une veuve (Luc 7.11-15) ou des
situations franchement banales comme le fait de ne plus avoir assez de vin pour une fête de mariage (Jean
2.1-10). Surtout, il a fait énormément de guérisons.
Toutefois, son but premier n'était pas de faire des miracles. Il les a faits surtout pour deux raisons. D'une part,
les prophètes de l'Ancien Testament annoncent que le Messie mettra en place un royaume où il n'y aura plus
de mort, plus de maladie, plus de souffrance, plus de pauvreté, et ainsi de suite. Jésus savait qu'il n'allait pas
établir ce royaume éternel à ce moment-là, mais il a fait des miracles qui montraient clairement qu'il est
capable de le faire, quand le moment approprié sera venu et le problème majeur, celui du péché, réglé : il est
plus fort que la maladie, les démons, les orages, les privations, et même la mort. D'autre part, il faisait
souvent des miracles par simple compassion humaine : quand il était confronté à des malades, il les a guéris
par compassion, alors que ce n'était pas son but. Ses miracles montrent donc sa puissance et sa compassion,
mais non la priorité de sa mission. Sa priorité, à cette époque-là comme aujourd'hui, était de délivrer du
péché tous ceux qui acceptent ce salut.
L'apôtre Pierre et le Messie « Fils de Dieu »
L'apôtre Pierre a fini par bien comprendre cet enjeu. Quand Jésus a demandé à ses apôtres qui il était, pour
eux, c'est Pierre qui a pris la parole pour tout le monde : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Matthieu
16.16). Ce n'est pas à ce moment-là, après avoir suivi Jésus depuis environs trois ans déjà, que les disciples
ont finalement compris qu'il est le Messie (c'est-à-dire, le Christ). Ils avaient été disciples de Jean-Baptiste,
comme on le voit dans le premier chapitre de Jean et dans les critères pour remplacer Judas dans Actes 1.2122. Ils avaient entendu Jean dire que Jésus était le Messie (Jean 1.29-34) et ils l'ont cru (Jean 1.40-45). S'ils
sont devenus disciples de Jésus, c'est qu'ils pensaient qu'il était le Messie.
Jean, lui, avait bien compris l'enjeu spirituel du Messie : Dans Jean 1.29 il a dit : « Voici l'Agneau de Dieu,
qui ôte le péché du monde » et dans le verset 34 il dit précisément que Jésus est le Fils de Dieu. Mais les
disciples qui ont suivi Jésus ont mis plus de temps pour bien comprendre cela et, surtout, pour comprendre ce
que cela voulait dire. Ils ont vu Jésus faire des miracles et des délivrances mais ils l'ont entendu enseigner
aussi. Dans son enseignement il ne mettait pas l'accent sur les miracles ; au contraire, il semble souvent
réticent à en faire et, quand il en fait, assez souvent il ne veut pas que les gens le disent. (Il savait que cela
contribuerait simplement à répande encore plus la notion qu'il était le « Fils de David ».) Son enseignement
mettait l'accent plutôt sur un cœur transformé, une vie sainte, une optique spirituelle qui met ses priorités
dans les valeurs éternelles et non dans le bien-être matériel et immédiat. Mois après mois, cet enseignement
les a travaillés, jusqu'à ce qu'ils comprennent que Jésus n'est pas simplement un grand prophète qui fait
beaucoup de miracles, mais le Fils de Dieu, le Messie qui vient avant tout pour « ôter le péché du monde ».
Dans cette optique, Pierre écrit dans 2 Pierre 1.3-4 : « Sa divine puissance nous a donné tout ce qui contribue
à la vie et à la piété, en nous faisant connaître celui qui nous a appelés par sa propre gloire et par sa vertu. Par
elles les promesses les plus précieuses et les plus grandes nous ont été données, afin que par elles vous
deveniez participants de la nature divine, en fuyant la corruption qui existe dans le monde par la convoitise ».
Pierre parle de la puissance divine, oui, mais non pour dire que Dieu guérit toutes les maladies, calme tous
les orages et réconforte tous ceux qui sont dans le deuil. Il décrit les « promesses les plus précieuses et les
plus grandes » en faisant remarquer leur implications spirituelles : par elles, nous « devenons participants de
la nature divine » et nous « fuyons la corruption qui existe dans le monde ».
Bien sûr, être « participants de la nature divine » ne veut pas dire que nous allons devenir omnipotents, ou
= 27 =
que nous allons créer des mondes comme Dieu l'a fait. L'aspect le plus important de la nature de Dieu, c'est
son caractère : il est saint, il est bon, il est juste, il est amour. C'est dans ce sens que Dieu nous fera
« participer à la nature divine », c'est dans ces domaines que nous allons devenir « semblables à Christ ».
Quand le péché sera éliminé en nous, nous serons saints comme Dieu est saint, bons comme il est bon, justes
comme il est juste. Nous vivrons parfaitement l'amour de Dieu qui recherche toujours le bien-être des autres.
« La corruption qui existe dans le monde » est, bien évidemment, le péché. Pour Pierre, la promesse la plus
grande et la plus précieuse est d'être délivré du péché en devenant saint comme Dieu est saint. C'est là ce que
Jésus peut et veut faire, à cause de sa victoire sur le péché, pour tous ceux qui croient en lui. C'est ce que
Jean-Baptiste avait déjà dit au sujet de Jésus (il « ôte le péché du monde ») et les disciples ont fini par
comprendre que c'est de loin le plus important.
Mais ceux qui cherchaient le « fils de David » avaient d'autres priorités. Ceux qui utilisent ce terme dans les
évangiles sont des gens qui viennent chercher des délivrances, ou qui s'attendent à des bouleversements
politiques. La seule exception, c'est Matthieu qui, dans le premier chapitre de son évangile, l'utilise dans un
contexte où il fait comprendre très clairement qu'il veut dire simplement « descendant de David », puisqu'il
l'utilise pour Joseph aussi, et qu'il précise que Jésus est « fils d'Abraham » autant que « fils de David ». Son
but est justement de faire comprendre aux Juifs que Jésus est effectivement un descendant de David (ce qui
est nécessaire s'il est le Messie) mais qu'il n'est pas pour autant le « Fils de David » dans le sens qu'ils
pensaient.
Bartimée et le Fils de David
On voit bien la priorité de ceux qui voient Jésus comme « le Fils de David » dans l'histoire de Bartimée, dans
Marc 10.46-52. Cette histoire se trouve dans les trois évangiles synoptiques (Matthieu, Marc et Luc), mais
c'est bien la même histoire. Jésus pose une question très particulière à Bartimée et son collègue (Matthieu
nous apprend qu'en fait, ils étaient deux aveugles, même si Marc ne parle que d'un des deux) une question
qui, autant qu'on le sache, est unique : « Que veux-tu que je te fasse ? » A aucun autre moment dans les
évangiles nous ne voyons Jésus poser cette question à quelqu'un, du moins, pas de cette manière. (Un peu
plus tôt dans Marc 10, il a posé une question très similaire à Jacques et Jean, deux de ses apôtres, mais
uniquement parce qu'ils voulaient que Jésus fasse pour eux tout ce qu'ils désiraient – la question que Jésus
leur pose est plus une manière d'éviter de s'engager qu'une invitation.). La question est importante parce que
la réponse mettra en avant ce que la personne à qui elle est posée désire le plus.
Bartimée, qui avait bien appelé Jésus « Fils de David » répond : « Je veux recouvrir la vue. » Il demande un
miracle, même un grand miracle. Jésus le fait, pour lui montrer qu'il est capable de le faire et pour
l'encourager à le suivre, mais on voit que les priorités de Bartimée ne sont pas celles de Jésus. Pierre nous dit
que la chose la plus importante que Jésus peut faire pour nous est de nous délivrer du péché, mais Bartimée
n'a pas dit : « Change mon cœur, Seigneur, pour que je sois réellement saint. » Bartimée ne connaissait pas
encore Jésus, il n'avait jamais eu l'occasion d'entendre l'enseignement de Jésus. Il a certainement pensé, sur le
moment, qu'il avait demandé la chose la plus importante à Jésus, mais il ne savait pas ce qui était vraiment
important. La délivrance du péché ne le préoccupait pas ; il était bien enraciné dans la pensée « Fils de
David » et non « Fils de Dieu ».
Quelques jours plus tard, Jésus a confronté les Pharisiens avec cette question : « Que pensez-vous du Christ ?
De qui est-il le fils ? » (Matthieu 22.41-42). Ils ont répondu, très naturellement, que le Christ (c'est-à-dire le
Messie) est le Fils de David. Jésus leur fait remarquer que le Messie ne peut pas être le Fils de David,
puisque David (dans le Psaume 110) l'appelle « Seigneur ». Mais ils ne pouvaient pas accepter cela. Une des
choses qu'on va reprocher à Jésus, lors de son procès, est justement le fait de se faire appeler « Messie Fils de
Dieu » (Matthieu 26.63 ; Marc 14.61 ; Luc 22.70) et, quand il dit qu'il l'est, ils disent que c'est un blasphème.
Les Juifs avaient l'habitude à l'époque des « messies »qui s'annonçaient régulièrement. Mais un qui dit qu'il
est le Fils de Dieu, qu'il peut pardonner les péchés, que leur religion est faussée parce qu'ils mettent l'accent
sur le comportement légaliste et extérieur plutôt que sur un cœur transformé et purifié, n'est pas le Messie
qu'ils voulaient.
= 28 =
Ce qui est troublant, ce n'est pas un Bartimée qui, ne connaissant pas encore Jésus, s'intéresse davantage à sa
délivrance physique et immédiate qu'à la délivrance spirituelle du péché qui peut tout changer pour l'éternité.
Il est normal que quelqu'un qui vient de rencontrer Jésus ait une conception limitée de sa personne et de son
but principal. Bartimée ne pouvait pas lire les évangiles, montrant la fin de l'histoire de Jésus. Il ne pouvait
pas lire les épîtres qui expliquent tous les enjeux de l’œuvre de Jésus. Tout cela n'était pas encore écrit. Jésus
n'était même pas encore mort.
Mais nous, de nous jours, pouvons lire tout cela. Et alors que les évangiles et les épîtres expliquent si
clairement tout l'enjeu, on constate encore de nos jours que beaucoup d'églises prêchent cet évangile du
« Fils de David », cet évangile du monde. C'est cela qui est dramatique. Le conflit entre les deux messages
est très ancien, mais il est en même temps très actuel. Nous allons tourner nos regards sur les différentes
formes que l'évangile du monde prend de nos jours, même dans les milieux « chrétiens ». Nous verrons que,
malgré toute l'information supplémentaire dont nous bénéficions dans le Nouveau Testament, nous ne
sommes pas bien plus avancés aujourd'hui que ceux qui voulaient ne voir en Jésus que le Fils de David qui
les délivrerait de tous leurs problèmes. Nous parlons de la foi en Christ, de sa mort et sa résurrection, mais
trop souvent, l'évangile du monde a remplacé le vrai message de Christ et il n'en reste plus que la forme
extérieure.
Quelques formes de l'évangile du monde dans nos milieux aujourd'hui.
La forme la plus flagrante de l'évangile du monde, aujourd'hui, s'appelle l'évangile de la prospérité. Au nom
de Jésus, on promet richesse, guérison, réussite, épanouissement et maintes autres bénédictions à ceux qui
ont « la foi ». Très souvent, on promet la prospérité matérielle à ceux qui donnent de l'argent au Seigneur (ce
qui, dans la pratique, veut dire forcément : à ceux qui représentent Dieu, c'est-à-dire à ceux-là même qui
disent qu'il faut donner de l'argent afin de devenir prospère !) et, si la personne continue d'affronter des
difficultés, c'est forcément qu'elle n'a pas fait ce qu'il faut. Souvent, la solution est de donner plus d'argent !
Cet évangile de la prospérité est facile à dénoncer, car non seulement il est franchement contraire à
l'enseignement biblique, il devient très souvent une arnaque. C'est un message de secte, et non le message de
Jésus-Christ qui ne passait surtout pas son temps à encourager les gens à lui donner de l'argent. Pourtant,
l'évangile de la prospérité se manifeste plus souvent qu'on ne le pense, même parmi ceux qui s'en défendent.
Du moment qu'il n'est pas tout aussi flagrant, il passe souvent inaperçu. En Europe, en Amérique, il s'agit le
plus souvent d'autres formes de prospérité : physique, avec la promesse de guérison et, surtout,
psychologique, avec la promesse d'épanouissement, de paix intérieure et de bonheur constant. Mais cela est
simplement le reflet de la société. Puisque la prospérité psychologique est ce dont les gens ressentent le
besoin, c'est ce que cet évangile promet.
L'évangile du monde et la foi triomphaliste
On voit cette prospérité psychologique surtout dans le triomphalisme : un enseignement général qui dit que
ceux qui croient en Jésus auront toujours la victoire et peuvent surmonter tous les obstacles. « Je puis tout
par celui qui me fortifie ! » Oui, c'est une citation biblique (Philippiens 4.13). Mais dans le contexte, il
signifie exactement le contraire de ce que cet « évangile de victoire » annonce : Paul est en train d'expliquer
qu'il peut accepter aussi bien la prospérité que la pauvreté (verset 12), parce que Christ lui donne la force de
le faire. Mais dans l'évangile de prospérité psychologique, il ne s'agit plus de la force de faire face aux
situations difficiles, mais d'une garantie qu'on peut transformer toutes les épreuves en victoires, par la foi.
Le texte d'Hébreux 11.32-38 est très intéressant en rapport avec ce message triomphaliste : « Et que dirais-je
encore ? Car le temps me manquerait si je passais en revue Gédéon, Barak, Samson, Jephté, David, Samuel
et les prophètes qui, par la foi, vainquirent des royaumes, exercèrent la justice, obtinrent des promesses,
fermèrent la gueule des lions, éteignirent la puissance du feu, échappèrent au tranchant de l'épée, reprirent
des forces après avoir été malades, furent vaillants à la guerre et mirent en fuite des armées étrangères. Des
femmes retrouvèrent leurs morts par la résurrection. D'autres furent tortures et n'acceptèrent pas de
délivrance, afin d'obtenir une résurrection meilleure. D'autres éprouvèrent les moqueries et le fouet, bien
= 29 =
plus, les chaînes et la prison. Ils furent lapidés, mis à l'épreuve, sciés, ils furent tués par l'épée, ils allèrent çà
et là, vêtus de peaux de brebis et de peaux de chèvres, dénués de tout, opprimés, maltraités – eux dont le
monde n'était pas digne ! – errants dans les déserts, les montagnes, les cavernes et les antres de la terre. »
La première partie de ce texte (jusqu'au milieu du verset 35) met en avant des victoires qui ont été vécues
dans l'Ancien Testament par des gens qui vivaient par la foi. Mais la suite du texte met en avant des épreuves
et des souffrances dont les personnes n'étaient pas délivrées, et nous montre que ceux-là vivaient par la
même foi que ceux qui ont connu les délivrances miraculeuses.
Pourtant, on annonce facilement que « par la foi » ou « par la puissance de la louange » ou « la puissance de
la prière » nous allons croire à la victoire et « Dieu nous la donnera, au Nom de Jésus ! » Un tel
triomphalisme caractérise de plus en plus souvent certaines églises et tendances. La manifestation de la foi
telle que nous le voyons dans la deuxième partie de ce texte d'Hébreux 11 n'est pas considérée comme une
foi véritable. Si on n'a pas les victoires des versets précédents, on pense qu'on n'a pas prié correctement,
qu'on n'a pas loué Dieu assez, qu'on n'a pas réclamé la victoire...
Tant et tant de fois, on entend dans nos églises des témoignages dans le style : « J'étais dans une situation très
difficile, j'ai prié, et j'en ai été délivré. Le Seigneur est bon ! » C'est vrai que de telles délivrances existent, et
c'est vrai que le Seigneur est bon. Mais on n'entend pratiquement jamais : « J'étais dans une situation très
difficile, j'ai prié, je n'en ai pas été délivré, mais le Seigneur est quand même bon, parce que sa grâce me
suffit et j'ai l'assurance qu'aucune épreuve ne l'empêchera de me délivrer totalement du péché pour que je
puisse vivre avec lui pour l'éternité ! » C'est tout aussi vrai, et il y a beaucoup de cas (plus qu'on ne le pense)
de chrétiens véritables qui ne sont pas délivrés de leurs épreuves. Mais ceux-là osent à peine le dire, de peur
d'être considérés comme manquant de foi et de piété.
Quand l'évangile du monde influence l'évangile de Jésus-Christ, il devient facile de dire à quelqu'un qui est
dans l'épreuve : « Tourne-toi vers le Seigneur, crois en lui, et il te délivrera. » Pourtant, si on est en train de
parler du contexte immédiat et matériel dans cette vie, cela est loin d'être une certitude. Qui sont les
conseillers spirituels qui osent dire aux croyants : « Tourne-toi vers le Seigneur, crois en lui, et il fera son
œuvre dans ta vie. Il se peut bien que tu ne seras jamais délivré de cette épreuve tant que tu es sur cette terre,
mais le plus important ne peut jamais être perdu » ? Même dans les milieux qui rejettent l'évangile de la
prospérité, cet « évangile de victoire » est plus présent qu'on ne le pense, sous forme de bien-être
psychologique ou de santé physique. Ce n'est pourtant qu'une forme un peu modifiée de l'évangile de la
prospérité.
La nature de la foi, dans la Bible et dans l'évangile du monde
Une caractéristique de l'évangile du monde qui permet d'affirmer la victoire sur toutes les épreuves est la
conception même de la foi. Dans la Bible, la foi est tout simplement le fait de croire à ce que Dieu a promis :
« [Abraham était] pleinement convaincu de ceci : ce que (Dieu) a promis, il a aussi la puissance de
l'accomplir » (Romains 4.21). La foi d'Abraham n'était pas de croire à n'importe quelle bénédiction, ou de
croire que Dieu allait lui donner quelque chose simplement parce qu'il le « croyait » avec suffisamment de
conviction. La foi d'Abraham, que le Nouveau Testament nous présente comme le type même de la foi qui
sauve, c'était de croire en ce que Dieu a promis.
Il est extrêmement courant d'entendre, dans tous nos milieux, des propos dans le style : « La météo annonce
de la pluie pour la sortie d'église samedi, mais par la foi on va croire qu'il fera beau. » Qu'est-ce que la foi
vient faire là-dedans ? Sachant que la foi biblique est le fait de croire ce que Dieu a promis, où est la
promesse de Dieu comme quoi il fera beau samedi ? Si Dieu l'a promis alors, oui, on peut savoir, par la foi,
que cela se fera. Mais s'il ne l'a pas promis, il s'agit de présomption et non de foi. On peut toujours lui
demander, mais on ne peut pas avoir l'assurance « par la foi » qu'il répondra positivement.
L'enjeu est énorme. Par une telle « foi » on réduit Dieu à un simple exécutant qui doit accomplir ce que nous
avons décidé. Le but n'est plus de laisser nos cœurs se transformer par lui, pour que « sa volonté soit faite sur
la terre, comme au ciel », mais de croire que Dieu va accomplir notre volonté, simplement parce que nous
= 30 =
pensons que nous avons « la foi ». Ce n'est pas la foi biblique. Ce n'est pas la foi qui fait partie du
programme « foi – espérance – amour » de l'apôtre Paul.
Cette « foi » est en fait « la foi dans la foi » plutôt que la foi en Dieu. Dans cette optique, c'est à nous de
décider ce que nous désirons, et c'est la foi elle-même qui est agissante pour l'accomplir. Dans le principe
biblique de la foi (« convaincu que ce que Dieu a promis, il a la puissance de l'accomplir ») c'est Dieu qui
prend l'initiative, en faisant la promesse, et c'est Dieu qui finit le processus en accomplissant ce qu'il a
promis. Notre foi se place au milieu, dans un processus qui commence avec Dieu et qui se termine avec
Dieu. C'est le principe d'Hébreux 12.2 qui dit que Jésus est « l'initiateur » de la foi (le mot grec signifie qu'il
est celui qui agit en premier) et aussi celui qui mène le processus jusqu'au bout.
Mais l'évangile du monde ne veut pas d'une foi où c'est Dieu qui fait presque tout. Comment influencer Dieu
avec une telle foi ? Si c'est lui qui décide et c'est lui qui accomplit, l'homme qui vit par la foi doit entrer dans
la volonté de Dieu. Mais si la « foi » devient une véritable puissance en soi, une force spirituelle que nous
pouvons exercer en fonction de nos désirs et de ce qui nous semble important, alors nous pouvons mieux
espérer recevoir les délivrances que nous voulons. Une telle conception de la foi n'a rien à voir avec
l'enseignement biblique, mais correspond très bien à l'évangile du monde. Le fait que cette manière de
concevoir la foi soit si répandue dans les églises « chrétiennes » de nos jours montre bien à quel point
l'évangile du monde y a pénétré.
La prière et le jeûne ne sont pas des moyens pour manipuler Dieu
Dans un sens très similaire, une autre manifestation de l'évangile du monde parmi nous se voit dans une
conception trop largement répandue de la prière et du jeûne. Dans la Bible, la prière est la communion avec
Dieu et la recherche de sa volonté. La prière par excellence est « Ta volonté et non la mienne » ou, comme
c'est tourné dans la prière célèbre que Jésus a enseigné à ses disciples : « Que ta volonté soit faite sur la terre,
comme au ciel. » Mais dans l'évangile du monde, la prière devient, elle aussi, une force que nous pouvons
exercer, afin d'influencer Dieu pour qu'il nous donne ce que nous voulons.
Certains chrétiens sont choqués d'entendre qu'il n'y a pas de puissance dans la prière, mais c'est vrai. La
puissance est en Dieu et non dans la prière : la prière demande, elle ne commande pas. Si nous pensons que
par les bonnes formulations très spirituelles, la répétition incessante de « Seigneur » partout dans nos prières,
la voix élevée, la « conviction » avec laquelle nous prions, le nombre de personnes qui prient, le nombre de
fois que nous prions, ou toute autre caractéristique de la prière nous allons « mieux influencer Dieu », c'est
que nous sommes dans l'évangile du monde et non l'évangile de Jésus-Christ. Dans la parabole de Jésus dans
Luc 18.10-14, c'est le Pharisien qui a « bien prié ». Mais c'est le collecteur d'impôt qui a prié une prière que
Dieu peut entendre.
Quant au jeûne, il est intéressant de constater que la loi de Moïse n'en parle jamais. Le jeûne a été ajouté bien
plus tard dans la religion juive, ce qui leur a permis d'y mettre ce qu'ils voulaient. Le Nouveau Testament
n'en parle que très peu, et jamais en dehors du contexte de la culture juive. Il est donc très hasardeux de dire
exactement quelle place le jeûne peut et doit avoir dans une foi précisément chrétienne. Trop souvent, en tout
cas, le jeûne est vu comme un moyen de « renforcer la prière ». Mais le jeûne que Dieu honore est le
renoncement provisoire aux choses de ce monde, même des choses foncièrement légitimes comme la
nourriture, afin de chercher vraiment la face de Dieu. Pour le jeûne, comme pour la prière, tout ce qui est vu
comme moyen d'influencer Dieu pour qu'il nous donne ce que nous désirons relève clairement d'une optique
qui dit « Pas ta volonté mais la mienne », ce qui est tout le contraire de la démarche biblique.
Nous avons le droit de demander de l'aide auprès de Dieu
Prenons bien note que la contamination de l'évangile du monde dans les églises chrétiennes n'est pas dans le
simple fait de demander à Dieu de nous aider. Il nous invite à le faire, à plusieurs reprises dans le Nouveau
Testament (voir, par exemple, 1 Pierre 5.7). « Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien » fait autant
partie de la prière que « que ton nom soit sanctifié » et « que ton règne vienne ». Chacun de nous bénéficie
régulièrement de la protection de Dieu et de son intervention pour nous délivrer de certaines difficultés. Cela
= 31 =
fait partie d'une relation normale avec Dieu. Heureusement qu'il peut nous aider, quand cela est conforme à
sa volonté.
Le problème n'est pas quand on demande, mais quand cela devient la priorité, surtout quand cela devient une
telle priorité que la recherche de la sainteté ne fait même plus partie de la vie « chrétienne ». Dans la
parabole du fils prodigue, le jeune homme ne voulait pas se soumettre à la volonté de son père. Pensant
mieux diriger sa vie loin de la maison, il est parti pour vivre dans la débauche. Il a finalement reconnu son
erreur quand il était obligé de constater qu'il était incapable de pourvoir à ses besoins, tandis que la manière
dont son père gérait ses affaires faisait qu'il y avait « du pain en abondance » chez lui, même pour le moindre
des serviteurs. Mais il est important de noter que Jésus ne lui a pas fait dire, à ce moment-là : « J'irai chercher
le pain de mon père. » Il avait déjà essayé cela, quand il est parti de la maison avec les richesses de son père
mais sans la soumission à sa volonté. Le résultat était catastrophique. Jésus lui fait dire au contraire : « J'irai
vers mon père. » Le but n'est pas les richesses du Père, mais le Père lui-même.
Bénéficier du « pain du Père » n'est pas un péché, ni le fait de l'apprécier, ni même le fait de le demander. Le
problème, c'est quand « le pain du Père » passe avant le Père lui-même. Dieu ne prend jamais la deuxième
place ; pourtant, dans trop de manières de concevoir la vie chrétienne, la recherche des bénédictions de Dieu
passe bien avant la recherche de Dieu lui-même.
Un tel évangile est foncièrement centré sur l'homme plutôt que sur Dieu. Ce qui est mis en avant, ce sont les
bénédictions que nous recevons quand nous venons à Dieu, plutôt que la sainteté qu'il met en place en nous
et la relation avec lui-même qui en résulte. Jésus n'a pas dit qu'il est le seul chemin pour venir à la vie
abondante, ou pour venir au ciel, ou même pour venir au pardon. Il est effectivement le seul chemin qui nous
permet d'obtenir réellement ces choses, mais ce n'est pas le but pour autant. Il dit qu'il est le seul chemin pour
venir au Père. Un évangile centré sur Dieu cherche Dieu, et cherche à éliminer totalement le péché qui nous
sépare de lui. Un évangile centré sur l'homme cherche surtout les bénédictions de Dieu.
Cela peut être des bénédictions « bassement matérielles » comme dans les formes flagrantes de l'évangile de
la prospérité, mais cela peut aussi être des bénédictions plus « spirituelles » comme la guérison, la réussite,
ou le bonheur. Dans nos pays occidentaux riches, comme nous avons vu avec cet « évangile de victoire »,
l'homme ne cherche pas spécialement la richesse matérielle auprès du Seigneur, puisqu'il peut l'avoir ailleurs
sans difficultés, mais il veut que Dieu le rende heureux, qu'il le protège de tout sentiment d'échec, de peur ou
de tristesse.
L'évangile juridique : le pardon comme bénédiction suprême
Toutefois, là où l'évangile du monde se manifeste le plus dans
le monde moderne, c'est dans la proclamation de ce qu'on
peut appeler « l'évangile juridique ». C'est une conception de
l'évangile qui met tout l'accent sur la condamnation avec
toutes ses conséquences fâcheuses et douloureuses, et qui le
contraste avec le pardon et ses conséquences de bonheur
éternel. Comme nous l'avons déjà vu, en explorant le fait que
Jésus nous sauve du péché et ne se limite pas simplement à
nous pardonner, la condamnation est une circonstance de plus
qui vient de l'extérieur et nous fait vivre une situation de
souffrance. En tant que tel, selon l'évangile de Jésus-Christ, la
priorité de Dieu n'est pas de nous délivrer simplement de la
souffrance de la condamnation mais de nous délivrer du
péché en nous qui produit cette condamnation. Si le péché est
éliminé, la condamnation l'est forcément aussi. Pourtant, il est
incontestable que pour beaucoup de chrétiens, l'évangile se
réduit à : « Crois en Jésus et tu auras le pardon et, par
conséquent, la vie éternelle. »
= 32 =
Attention, cela ne veut pas dire que personne ne s'intéresse à être délivré du péché. Encore heureux. Mais
comme l'évangile est trop souvent « tronqué », la recherche de la sainteté est vue comme un « plus », comme
quelque chose qui motive « les plus spirituels » plutôt que comme la nature même de l'évangile. Il est
relativement facile de convaincre quelqu'un à « accepter Jésus » s'il croit que l'enfer existe, ou pourrait
exister, en vue d'être pardonné pour échapper à la punition. Il est beaucoup plus difficile de faire comprendre
à quelqu'un le besoin d'être délivré du péché, et pas simplement de la punition pour le péché.
Il n'est pas faux d'annoncer le pardon en Jésus. Le pardon existe, il fait partie des plus grandes bénédictions
de Dieu, et il ne se trouve qu'en Christ. Mais même le pardon n'est pas le but, et il n'est surtout pas la nature
du salut. La nature du salut, c'est d'être transformé de manière à ce que le péché soit totalement éliminé en
nous, et le but est la communion parfaite et éternelle avec Dieu lui-même. L'évangile du monde met plus
d'accent sur le bien que Dieu nous fait que sur la recherche de cette sainteté et cette relation ; ne déformons
pas l'évangile de Jésus-Christ en essayant de le présenter de la même manière.
Conclusion : quel est notre évangile ?
Il existe deux messages religieux très différents dans notre monde. L'un des deux se présente sous beaucoup
de formes différentes, ce qui cache souvent le fait qu'il n'y en a que deux. Celui-ci peut très bien se présenter
avec des termes qui sont très similaires à ceux qui sont utilisés pour décrire l'autre, ce qui cache souvent la
différence énorme entre les deux. Mais il est absolument essentiel, si nous voulons profiter pleinement de
l’œuvre de Christ, de faire la différence : être délivré des problèmes qui nous font souffrir, même de la
condamnation pour le péché (qui fait partie des souffrances), n'est pas du tout la même chose que d'être
délivré du péché. Le monde veut que Dieu change nos circonstances ; Dieu veut changer nos cœurs.
Cette différence a besoin d'être très claire et très explicite dans deux domaines différents : notre propre façon
de comprendre le salut que nous vivons, et notre manière d'annoncer l'évangile à ceux qui nous entourent. Il
est important de bien comprendre les enjeux dans ces deux domaines.
Soyons au clair dans nos propres vies d'abord
Commençons avec nous-mêmes. Avant de parler aux autres, il faut être sûrs d'avoir bien compris les
implications dans nos propres vies.
Qu'est-ce qui nous motive le plus : les bénédictions de Dieu, ou l’œuvre spirituelle de Dieu ? D'un côté nous
avons le pardon pour éviter l'enfer, la guérison physique, la résolution de nos problèmes quotidiens, le bienêtre personnel, la richesse, la réussite, et tant d'autres avantages personnels. De l'autre côté, nous avons la
sainteté et la relation avec Dieu. Et attention, la sainteté et la relation avec Dieu ne sont pas des moyens pour
obtenir des bénédictions ; si quelqu'un accepte de « vivre dans la sainteté » uniquement en vue d'obtenir des
réponses à la prière, ou une « puissance spirituelle », la soif de la sainteté, la soif de Dieu, n'est pas son vrai
but.
D'ailleurs, on ne peut pas vraiment séparer la sainteté et la relation avec Dieu. Puisque le péché est, dans le
fond, le refus d'accepter que Dieu ait réellement dans nos vies la place qu'il devrait avoir, être délivré du
péché, c'est être délivré d'un tel refus. Par conséquent, la sainteté n'est pas simplement une condition
nécessaire pour une relation avec Dieu, c'est une relation avec Dieu. En même temps, vivre une vraie
relation avec Dieu, c'est-à-dire accepter de le glorifier comme Dieu (Romains 1.21), c'est aussi se laisser
diriger par sa loi d'amour parfait, ce qui implique forcément la sainteté.
Ce n'est donc pas pour rien que la Bible présente parfois le but du salut comme une relation avec Dieu (« La
vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu », Jean 17.3 ; « Mon but est de le connaître,
lui », Philippiens 3.10, ainsi que bien d'autres passages) et parfois comme la sainteté parfaite, l'élimination
totale du péché en nous (« ...Afin de rendre tout homme parfait en Christ », Colossiens 1.28 ; « Nous serons
semblables à lui », 1 Jean 3.2 ; « ...afin que par elles vous deveniez participants de la nature divine, en fuyant
= 33 =
la corruption qui existe dans le monde par la convoitise », 2 Pierre 1.4, et tant d'autres passages). Mais
présenté d'une manière ou l'autre, c'est le but. Ce n'est jamais un simple moyen, en vue d'obtenir quelque
bénédiction.
Si nous comprenons que la sainteté parfaite est le but du salut, cela affectera profondément notre manière de
vivre ce salut :
D'une part, nous ne nous contenterons jamais des acquis. Puisque aucun de nous n'arrive à la sainteté parfaite
dans cette vie, puisque aucun de nous ne vit une relation parfaite avec Dieu, cela veut dire que le but est
toujours devant. Nous ferons comme Paul, selon ce qu'il dit de sa propre manière de vivre la vie chrétienne
dans Philippiens 3.12-14 : « Ce n'est pas que j'aie déjà remporté le prix ou que j'aie déjà atteint la perfection ;
mais je poursuis (ma course) afin de le saisir, puisque moi aussi, j'ai été saisi par le Christ-Jésus. Frères, pour
moi-même je n'estime pas encore avoir saisi (le prix) ; mais je fais une chose : oubliant ce qui est en arrière
et tendant vers ce qui est en avant, je cours vers le but pour obtenir le prix de la vocation céleste de Dieu en
Christ-Jésus. » Il n'a pas encore atteint la perfection, donc il continue de courir vers le but. Son salut n'est pas
un « billet pour le paradis » qu'il a déjà validé, mais un parcours qu'il n'a pas encore terminé. Dans les versets
15 et 16 il exhorte tout le monde à avoir cette même attitude, et d'avancer tous, quel que soit le degré de
maturité que nous avons.
D'autre part, si notre but principal est de vivre la sainteté parfaite, nous chercherons à vivre la sainteté
parfaite. Bien sûr, nous n'y arriverons pas, et nos efforts ne contribueront pas à notre salut (c'est Jésus qui
nous sauve du péché), mais nous essaierons d'avancer dans ce sens simplement parce que c'est notre but. La
poursuite de la sainteté vient très naturellement à ceux qui désirent réellement la sainteté ; cela découle tout
droit du fait même d'accepter le salut. Le salut en Jésus a pour but de nous délivrer du péché ; nous acceptons
ce salut. Si donc nous sommes conséquents avec notre choix, il n'est pas nécessaire de nous obliger à
poursuivre la sainteté.
Il s'ensuit que les véritables priorités d'une personne se voient dans ses choix de vie. Quelque part, chacun de
nous est forcément conséquent avec son but profond. Jésus a dit : « Là où est ton trésor, là aussi sera ton
cœur » (Matthieu 6.21). Si mon vrai trésor est une relation avec Dieu dans la sainteté, mon cœur s'y attachera
d'une manière tout à fait naturelle et ma vie en sera le reflet. C'est donc là que nous devons vérifier si nous
avons bien compris, pour nous-mêmes, la nature du salut. Quelle est notre préoccupation principale : la
sainteté, ou le soulagement de nos difficultés de tous les jours ? Si tous les croyants étaient vraiment
conscients que le but principal du salut est d'être délivré du péché, la sainteté serait un thème traité beaucoup
plus souvent dans les livres, les témoignages, les prédications et les chants chrétiens.
Soyons au clair aussi dans l'annonce de l'évangile aux autres
Ensuite, si nous sommes nous-mêmes au clair dans notre compréhension de l'évangile, si cela se voit dans
notre façon de le vivre, nous serons en mesure d'annoncer ce message avec beaucoup plus de précision.
Il est important de présenter tous les aspects de l'évangile : « Jésus nous sauve du péché. »
• Jésus nous sauve du péché : c'est entièrement son œuvre. Le salut n'est pas le résultat de nos efforts
ou de notre mérite, même pas en partie. Ceci nous montre le principe du salut par la foi.
• Jésus nous sauve du péché : le salut qu'il propose ne se limite pas à nous pardonner, pour qu'il puisse
nous faire du bien. Si ce n'est pas la perspective de la sainteté qui nous intéresse, nous ne sommes
pas en train d'accepter le salut que Jésus nous offre. C'est la véritable espérance du croyant.
• Jésus nous sauve du péché : ce qu'il élimine prioritairement n'est pas les souffrances, mais le
caractère mauvais qui est en nous. Son œuvre change le cœur, avant de changer les circonstances
difficiles. Cela produit dans chaque croyant le vrai amour divin.
Le message du salut est donc foi, espérance et amour, chacun à sa place et présenté dans le sens que lui
donne l'enseignement biblique : le moyen du salut (la foi en l’œuvre de Jésus), la nature du salut (l'espérance
de la sainteté parfaite), et la manifestation du salut (l'amour de Dieu qui se développe en nous). Il ne suffit
pas d'annoncer un de ces trois points (la foi, ou l'amour, qui sont les deux les plus mis en avant, isolés des
= 34 =
autres). Ayons l'honnêteté de présenter tout le plan de Dieu, pour que les gens puissent vraiment savoir s'ils
veulent y adhérer ou non.
L'évangile du monde, nous l'avons vu, existe depuis que le péché humain existe tout simplement parce qu'il
correspond au désir du cœur pécheur : de par notre nature, nous ne voulons pas que Dieu soit réellement
Dieu dans nos vies, mais nous voulons bien qu'il nous délivre de nos problèmes. C'est donc de cette manière
que l'homme est disposé à comprendre l'évangile. Sachant cela, soyons aussi clairs que possible. Les
raccourcis (« Crois en Jésus et tu auras la vie éternelle ! » « Donne ton cœur à Jésus et tu entreras dans la
joie du Seigneur ! » « Accepte le Seigneur et tu auras la paix avec Dieu ! »...) ne peuvent être que des
accroches relevant de la « pré-évangélisation ». Ils ne doivent pas être considérés comme des présentations
suffisantes en soi.
Quand le geôlier philippien a demandé à Paul et Silas ce qu'il fallait faire pour être sauvé, ils ont répondu :
« Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé, toi et ta famille » (Actes 16.31). Mais au lieu d'en rester là, ils
ont ensuite passé un long moment (une bonne partie de la nuit, apparemment) à lui annoncer l'évangile
(verset 32). Sans cela, la petite phrase « spirituelle » aurait certainement été comprise dans un sens qui la
ferait entrer parfaitement dans l'évangile du monde. Même la phrase qui a servi de base à nos réflexions,
« Jésus nous sauve du péché », ne peut jamais suffire toute seule, sans explications. Le cœur pécheur se
débrouillera toujours pour le comprendre de travers, dans un sens qui le fait entrer dans l'évangile du monde.
Il y a des personnes qui défendent explicitement l'annonce initiale d'un message « tronqué », pour qu'il soit
accepté. L'argument avancé est que les gens acceptent plus facilement un simple message de pardon et de
bénédiction. Plus tard, une fois qu'ils sont dans les églises, il sera temps de leur expliquer l'importance de la
repentance, de l'engagement, du changement du cœur. Cette approche est non seulement malhonnête (dans le
fond, il s'agit d'ajouter des conditions importantes une fois que les gens ont déjà « signés le contrat »), elle
produit des églises remplies de personnes qui ont une fausse conception de l'évangile et qui la propagent à
leur tour.
En réalité, il n'est pas du tout dit qu'une personne qui « accepte l'évangile » acceptera ce changement
fondamental du message, si le message annoncé à l'origine tournait autour des bénédictions qu'elle pouvait
recevoir en se tournant vers Jésus. Accepter l'évangile du monde, même s'il est présenté dans des termes
« chrétiens », ne demande pas au pécheur de changer fondamentalement d'attitude en ce qui concerne la
sainteté et la place de Dieu comme Dieu dans sa vie. Cela étant le cas, il n'est pas étonnant que tant de
personnes, devenues « chrétiennes » par l'annonce d'un tel message, résistent si fortement toute leur vie à
l'idée de mettre la priorité sur la poursuite de la sainteté.
Bien sûr, il est plus facile de « faire des convertis » avec l'évangile du monde ; il correspond à ce que les gens
veulent entendre, après tout. Cela permet des statistiques plus impressionnantes, des églises plus grandes et,
par conséquent, plus d'argent donné dans la collecte. Mais cela ne facilite pas la compréhension du véritable
message de Christ, pour ceux qui « viennent au Seigneur » par un tel message. Si nous voulons être des
disciples de Jésus, annonçons le message de Jésus : le plus important n'est pas les difficultés de la vie, mais
le péché du cœur.
L'évangile de Jésus-Christ : un message tout suffisant !
L'évangile de Jésus-Christ est un message extraordinaire et puissant. Extraordinaire, parce qu'il est
totalement différent de tout ce que les religions proposent dans ce monde, y compris les religions
« chrétiennes » qui sont tellement répandues. Puissant, parce qu'il transforme nos cœurs tordus, nous délivre
du péché, et nous fait entrer réellement dans le royaume de Dieu. L'évangile du monde, à côté, est un
message ordinaire et impuissant. Ordinaire, parce qu'il ne propose rien que tant d'autres religions ne
proposent pas, et impuissant parce qu'il ne transforme pas l'être humain.
Avec un message si extraordinaire et si puissant qui est mis à notre disposition, il est vraiment dommage de
ne pas en profiter pleinement, en le vivant dans son ensemble, et en le proclamant avec fidélité dans ce
monde qui en a tant besoin.
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Jésus nous sauve du péché. Voilà pourquoi il est venu vers nous et, si nous avons compris ce message, voilà
pourquoi nous sommes venus à lui. Il veut – et il peut – produire en nous cette sainteté parfaite qui se
manifeste non seulement dans un comportement correcte mais aussi – et surtout – dans une communion
intime et parfaite avec Dieu, dans la gloire, pour l'éternité. Le désir le plus profond du cœur de chaque vrai
croyant est donc de vivre cet évangile libérateur : « Oui, Jésus, sauve-moi de mon péché, pour que je sois
saint comme toi ! »
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