Analyse industrielle : La sous-traitance de la maintenance est

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Analyse industrielle : La sous-traitance de la maintenance est
Reportage
Solutions
Vu
chez
Solvay
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Reportage
Vu
chez
Solvay
ANA L Y S E I N D U S T R I E L L E
La sous-traitance de la main tenance est renforcée
mais reste sous surveillance rapprochée

Une dizaine de personnes d’Actemium sont installées sur le site de production de
Solvay à Tavaux (Jura). Elles réalisent près de 250 opérations de maintenance par
semaine sur quelque 1 250 analyseurs. Le contrat qui lie le prestataire à l’industriel
va bien au-delà de la maintenance classique curative ou préventive. En effet,
Actemium s’est engagé dans le suivi des équipements, l’amélioration des solutions
d’analyse et la réduction des coûts de maintenance. Le dialogue et la confiance
sont les bases de ce type de contrat. Ce qui n’empêche pas Solvay d’avoir mis en
place des indicateurs pour surveiller toute dérive de son prestataire.
N
ous avons évidemment des intérêts
divergents, mais ce qui compte, c’est
le dialogue », souligne Giacomo
d’Andrea, chef de service
chez Solvay. Entre Actemium et Solvay, il n’y a
pas de rapport de hiérarchie. Les responsables
parlent aux responsables. Les techniciens
parlent aux techniciens dans une relation de
partenaires plus que de clients/fournisseurs.
« On n’est pas derrière eux pour surveiller ce qu’ils
font, souligne Pierre-Jean Pillot, responsable
analyseurs industriels
de Solvay sur le site de
L’essentiel
Tavaux (Jura). Le contrat
s’établit sur la confiance. »
 Le prestataire s’est engagé
Située à 10 km de la
à améliorer la fiabilité
ville de Dole, l’usine de
et la maintenabilité des
équipements.
Tavaux est spécialisée
dans la fabrication de
 Il s’est engagé à réduire le
matières plastiques et
coût moyen de maintenance
par analyseur.
de produits chimiques.
C’est à elle seule une
 Il intervient en ingénierie et
ville, s’étendant sur
peut réaliser des solutions
d’analyse.
300 ha, avec 32 km de
route et 35 km de
 L’industriel a mis en place
voies ferrées. Construite
des indicateurs de suivi
du prestataire.
en 1930, à proximité
des mines de sel de
 Il maintient un agent de
Poligny (Jura), elle a
maintenance sur le terrain
qui assure l’interface.
développé ses activités
autour de la transfor Il garde la main pour la
définition des équipements.
mation du sel pour
obtenir du chlore au
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moyen de l’électrolyse. Aujourd’hui, Solvay
exploite une concession de mines de sel
d’Attignat dans l’Ain à plus de 1 000 m de
profondeur. Le site fabrique différents
produits issus de la chimie du chlore (soude
caustique, matières plastiques, solvants
chlorés, eau de Javel…). Elle est devenue la
plus importante unité de production du
groupe Solvay avec 1 500 salariés et 500 personnes d’entreprises extérieures. Parmi ces
dernières, 35 personnes sont salariées
d’Actemium (dont une dizaine pour la maintenance des analyseurs). Elles sont installées
à demeure dans une “base vie” (un grand
bungalow) au “quartier des prestataires”. Les
techniciens spécialisés effectuent plus de
250 opérations de maintenance chaque
semaine sur les quelque 1 250 analyseurs du
site : analyseurs de gaz et liquide, détecteurs
Analyseur sur site de carbone organique total (COT) sur la station
biologique de traitement d’eau.
A 10 km de Dole dans le Jura,
l’usine de Tavaux est
devenue la plus grande unité
de production du groupe
Solvay. Le site fabrique différents
produits issus de la chimie,
du chlore extrait des mines de sel
de la région.
de sécurité, automates d’analyses chimiques… Rien que pour le pH, l’usine compte
250 points de mesure. « Sur notre site, les
mesures de pH sont souvent effectuées dans des milieux
fortement acides ou fortement basiques », précise
Pierre-Jean Pillot (Solvay). Lorsque l’électrode
est plongée dans un mélange aqueux contenant des composés organiques à pH 12,5 et
à plus de 60 °C, sa maintenance est lourde
et exige des interventions quasi hebdomadaires. « A côté, et malgré les idées reçues, la maintenance d’un chromatographe gaz en ligne est bien
plus facile. »
Une culture de sous-traitance
Historiquement, le site Solvay de Tavaux a
toujours fait appel à des sociétés extérieures
pour la maintenance de ses analyseurs. Cela
a commencé il y a une quinzaine d’années.
Les analyseurs étaient beaucoup moins
fiables qu’ils ne le sont aujourd’hui. Le site
n’avait pas les compétences en interne pour
faire face à la charge de maintenance
engendrée par l’augmentation du nombre
d’analyseurs. Il a donc ensuite fait appel à un
sous-traitant, mais, à l’époque, aucun contrat
n’était signé. Il y a 9 ans, l’industriel a mis
en place un premier contrat de maintenance
avec son prestataire. Un suivi des équipements était déjà assuré mais il s’agissait d’une
maintenance essentiellement d’entretien ou
curative. La signature du dernier contrat en
2008 pour une durée de cinq ans avec
Actemium (groupe Vinci Energies) marque une
rupture. L’implication du sous-traitant est
devenue bien plus importante. Il s’engage,
avec le suivi individuel des analyseurs, dans
une stratégie d’amélioration et d’optimisation
des coûts.
De plus, la responsabilité du prestataire a été
élargie au-delà de la maintenance. En effet,
Actemium a développé depuis quelques
années un pôle ingénierie qui lui permet
aussi d’intervenir sur la conception et la réalisation de solutions d’analyse. « Nous sommes
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en mesure d’accompagner l’industriel tout au long du
cycle de vie de l’analyseur et de développer, si besoin
est, des nouvelles solutions d’analyses », explique
Robert Vanderkam, chef de l’entreprise
Actemium basée à Tavaux.
Pour Solvay, il s’agit d’un “plus” important :
auparavant, lorsqu’il y avait un problème, la
maintenance “remontait l’information”
mais ne pensait pas à d’autres solutions.
Aujourd’hui, la double compétence du prestataire l’autorise à proposer et réaliser des
mesures d’amélioration ou de remplacement. Il est ainsi déjà arrivé qu’Actemium
remette en question la pertinence d’un ana-
Des innovations technologiques à petit pas
« On ne peut pas changer tout le parc
d’un seul coup. Alors oui, les innovations
technologiques nous intéressent mais
à petit pas », souligne Giacomo d’Andrea,
chef de service chez Solvay à Tavaux.
Oui, pour les nouveaux analyseurs
à diodes laser TDL pour des mesures
d’oxygène ou autres mesures de gaz,
Oui, pour de nouvelles solutions
de microéchantillonnage type Nessi.
Quant au bus de terrain numérique,
il n’a pas été retenu : « il n’apporte pas
assez de valeur ajoutée sur un site déjà
existant », explique Giacomo d’Andrea.
Le site vient, seulement depuis deux ou
trois ans, de mettre en place les outils
pour l’exploitation des informations via
le protocole Hart. « Avant, on en disposait
mais on ne s’en servait pas. Aujourd’hui
on s’en sert et c’est très bien ».
Quant aux technologies de communication sans fil, le site bientôt octogénaire
les utilise depuis longtemps pour la
relève des points de mesure distants.
« Elles fonctionnent très bien. La seule
chose qui change maintenant avec
l’arrivée de nouveaux équipements, c’est
leur prix qui est beaucoup plus bas ».
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lyseur et supprime, en accord avec l’industriel, le point de mesure. Un autre exemple
porte sur un système de nettoyage automatique d’électrodes de pH en zone Atex qui
était fort consommateur d’acide : 200 litres
par mois pour un prix de 55 euros le litre.
Une idée proposée a conduit à la mise en
place d’un dispositif de recyclage qui réduit
de deux ou trois fois la consommation
d’acide.
L’homme “interface”
Dans le cadre de l’amélioration du parc
d’analyseurs, le sous-traitant a pris un rôle
plus important. « Il est certain que la perte
d’expertise en interne peut présenter un risque. Il faut
le dire clairement : c’est une difficulté », souligne
Pierre-Jean Pillot (Solvay). Ce sont eux
[Actemium] qui “sentent” les analyseurs et qui nous
alertent quand il y a un problème. Mais, ensuite, on
doit être capable de prendre le relais. » Il a donc été
essentiel pour Solvay de maintenir sur le
terrain un agent de maîtrise “maintenance”,
qui sert d’interface avec le prestataire. Ses
compétences dépassent le seul domaine de
l’analyse. Il connaît aussi l’instrumentation, ➜
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Les clés du contrat
Contrat signé en 2008 pour une durée de cinq ans
Parc : environ 1 250 analyseurs

Termes du contrat
Le prestataire s’engage sur :
 la maintenance curative (palliative, réparatrice)
 la maintenance préventive (systématique, conditionnelle, prévisionnelle)
 la mise en place d’un plan de progrès par analyseur
Objectif : accroître la fiabilité et la maintenabilité de chaque équipement pris
individuellement
Moyens : Actemium a fourni un logiciel de suivi des paramètres définis par Solvay
 la proposition d’axes d’amélioration (pouvant aller jusqu’à la réalisation
de nouveaux développements)
 la réduction du coût annuel de la prestation

Une base vie
Solvay met à disposition d’Actemium une base vie qui abrite 7 personnes dédiées
sur le site : 6 techniciens spécialisés et un responsable d’affaires.
Le local comprend :
 Un lieu de stockage de produits (réactifs, gaz étalons…)
 Une zone magasin pour le stockage de pièces de rechange
 Un laboratoire pour les prestations sur les analyseurs portatifs

Mesure d’humidité dans le dichloroéthane.
Différents niveaux de criticité
 380 équipements C1* : pannes devant être prises en compte et réparées
dans la journée
 350 équipements C2* : pannes devant être prises en compte dans la journée,
réparées en respect du délai demandé et équipements devant être opérationnels
avant le week-end
 520 équipements C3* : pannes devant être prises en compte dans la journée,
réparées en respect du délai demandé
*nombres arrondis pouvant évoluer

Formation
Actemium prévoit la planification de formations techniques lors de la mise en place
de nouveaux équipements

Réseau informatique
Actemium utilise le logiciel SAP de Solvay avec droit d’accès

Réunions
Le respect du contrat est encadré par des réunions planifiées
Réunion
Intervenant
Actemium
Intervenant
Solvay
Objectifs
Hebdomadaire
Responsable chargé
d’affaires
Agent de maintenance
- Commentaires
- Améliorations possibles
Mensuelle
Responsable chargé
d’affaires
- Agent de maintenance
- Chef de groupe
- Analyse des indicateurs
- Suivi des actions engagées
Trimestrielle
Responsable chargé
d’affaires
Représentants
(à définir)
- Réalisation d’un rapport
avec l’ensemble
des indicateurs,
présentation de l’activité,
des améliorations en vue…
Annuelle
Responsable chargé
d’affaires
Représentants
(à définir)
- Rapport annuel avec
l’ensemble des indicateurs,
axes d’amélioration,
consolidation du tableau
bonus/malus
- Actualisation du coût
du contrat
Autres réunions à la demande
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➜ les directives Atex, CEM… et il reste
confronté quotidiennement aux problématiques du terrain.
Si, par ailleurs, après avoir été contrôlé,
vérifié, voire changé, un équipement de
mesure ne donne pas les résultats escomptés,
et, s’il s’agit de mettre alors en cause une
déficience au niveau de la production, la
parole d’Actemium ne sera pas forcément bien
entendu… d’où l’intérêt de l’homme
“interface” qui, en interne, est mieux placé
pour avertir la production.
Solvay a également souhaité garder la main
pour la définition des équipements. « Si
Actemium pense qu’un matériel est obsolète, il nous en
fait part mais ce n’est pas lui qui décide d’en changer,
précise Giacomo d’Andrea (Solvay). Par ailleurs,
nous définissons le produit et réalisons les choix
techniques. Bien sûr, cela se fait dans la concertation
et parfois nous nous appuyons sur le savoir-faire
d’Actemium. »
pièces de rechange représente environ 40 %
du coût global de la prestation totale de
maintenance. Il s’agit donc d’un budget
significatif. Pour éviter une dérive trop
importante de ce budget, un niveau cible est
fixé pour une année entre les deux parties.
Si ce montant est dépassé, le surplus sera
divisé en deux, l’un à la charge de Solvay,
l’autre à la charge d’Actemium. De la même
manière, si le budget limite n’est pas atteint,
le gain sera lui également divisé en deux. Un
niveau cible est redéfini chaque année.
Ces indicateurs doivent inciter le prestataire
à faire des économies au profit de son client.
En contrepartie, le risque est que le premier
mette en place des mesures au moindre coût,
qui compenseraient sa perte de profit
personnel, au détriment de la qualité de la
maintenance. C’est la raison pour laquelle un
système de bonus/malus est utilisé. Le suivi
de paramètres indique le niveau de qualité
de la prestation. Il s’agit, par exemple, du
nombre de pannes ou le nombre d’équipements qui ne remplissent pas leur fonction.
Une augmentation du nombre d’analyseurs
défectueux indiquerait que le prestataire ne
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Principal indicateur de suivi du prestataire :
le coût moyen de maintenance par analyseur
fait plus correctement son travail. Dans ce
cas, un malus viendrait amputer sa facture.
Jusqu’à ce jour, le suivi des indicateurs
montre une progression favorable. Pour
Giacomo d’Andrea (Solvay), il est évident que
lorsque la courbe atteindra l’asymptote, il
faudra réfléchir à d’autres indicateurs ou à
une évolution du contrat. Le prestataire est
averti.
Marie-Pierre Vivarat-Perrin
Des indicateurs de surveillance
Le dialogue, comme on l’a déjà dit, est un
point clé de la réussite d’un tel contrat. Mais
l’industriel ne peut se contenter d’un accord
basé sur une confiance tacite. Pour éviter les
dérives, Solvay de Tavaux a mis en place un
certain nombre d’indicateurs de surveillance
afin de contrôler son prestataire. Depuis
2002, il surveille ainsi le premier indicateur
qui est “le coût moyen de maintenance par
analyseur”. Et, à ce jour, il baisse toujours. En
effet, le prestataire s’est engagé à réduire le
coût de sa prestation de maintenance. Un
autre indicateur est celui des pièces de
rechange. « C’est un indicateur fort qui offre un
gisement important d’économie », souligne
Giacomo d’Andrea (Solvay). Le coût des
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