Permanences du jeu politique en Algérie

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Permanences du jeu politique en Algérie
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Permanences du jeu politique en Algérie
par Mohammed HACHEMAOUI
| IFRI | politique étrangère
2009/02-2009/2 - Eté
ISSN 0032-342 X | ISBN 978-2-86592-537-7 | pages 309 à 321
Pour citer cet article :
— Hachemaoui M., Permanences du jeu politique en Algérie, politique étrangère 2009/02-2009/2, Eté, p. 309-321.
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Permanences du jeu politique en Algérie
par Mohammed Hachemaoui
Mohammed Hachemaoui est docteur en sciences politiques (Institut d’études politiques
de Paris). Ses travaux portent sur la sociologie des rapports de clientèle, la corruption, le
déploiement de l’État rentier et la résilience de l’autoritarisme. Professeur invité à
l’Université de Perpignan, il achève un ouvrage sur les cercles vicieux qui enchevêtrent
clientélisme et corruption dans l’Algérie contemporaine.
DOSSIER I ALGÉRIE : FAUT-IL CROIRE À LA TRANSITION ?
politique étrangère l 2:2009
Dès l’indépendance s’est affirmé en Algérie un système monopolisant, au
profit des « prétoriens », les divers niveaux de la décision. À la fin des
années 1980, les tentatives de réforme ont échoué face à la convergence
conjoncturelle des durs du régime et des islamistes. Après le tunnel des
années 1990, le président Bouteflika a sans doute réussi à imposer un
nouvel équilibre entre les divers cercles du pouvoir, mais l’Algérie n’est
toujours pas sortie du système né des années 1960.
politique étrangère
Depuis les émeutes sanglantes d’octobre 1988 qui ont marqué l’effondrement de la « légitimité historique » de l’élite dirigeante, le système algérien
a subi d’importantes métamorphoses. Tout a changé en Algérie sauf
l’essentiel : les règles du jeu ; celles-ci continuant de préempter la scène politique par-delà le turnover ou la longévité des gouvernants.
Les règles du jeu politique
La mainmise des militaires sur le « régime autoritaire1 » remonte à la formation, à la fin des années 1950, d’une bureaucratie militaro-policière :
l’armée des frontières. La mise en place du « régime prétorien2 » se fait en
trois temps : coup de force militaire de l’état-major général de l’Armée
pour écarter le gouvernement provisoire de la République algérienne dès
1. J. Linz, Totalitarian and Authoritarian Regimes, Boulder (CO), Lynne Rienner, 2000. L’auteur définit
les régimes autoritaires comme des « systèmes à pluralisme limité mais non responsables, sans idéologie directrice élaborée [...] ni volonté de mobilisation intensive ou extensive sauf à certains moments de
leur développement ».
2. S. Huntington, Political Order in Changing Societies, New Haven, Yale University Press, 1968, chap. 4.
Le régime prétorien implique un contrôle exercé par les militaires sur les sphères politique et économique.
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l’indépendance ; cooptation, après la prise d’Alger, d’un président et d’un
gouvernement sous influence ; prise de contrôle de l’État avec le putsch de
juin 1965. La force prétorienne a donné naissance au régime et façonné les
règles du jeu politique.
Ces règles peuvent être ainsi résumées : concentration monopolistique
des pouvoirs d’État entre les mains de quelques prétoriens ; exercice non
imputable du pouvoir et forte restriction de la participation politique ;
enfin, coût élevé de la prise de parole.
Les rapports de clientèle
Le Front de libération nationale (FLN) est resté sans statut jusqu’en 1960,
toute définition de ses pouvoirs étant jusqu’alors perçue par ses chefs
comme une entrave3. Aussi, loin d’être un front homogène de « frères », le
FLN ressemblait-il à un assemblage hétéroclite de réseaux clientélistes4. La
résilience des « solidarités primordiales »5 (tribales, régionalistes, etc.) a
fourni un idiome social et culturel naturel pour structurer les relations de
patronage et de clientélisme. L’adhésion des communautés de base à la
« communauté imaginée6 » passait le plus souvent par la négociation de
compromis fragiles entre chefs de guerre et notables du cru. Les rapports
de clientèle, loin de disparaître avec le state-building, se sont considérablement renforcés, offrant une compensation à l’arbitraire dans un système de
« pluralisme limité ».
L’insécurité des élites
Un dirigeant de la « révolution algérienne » a payé de sa vie son opposition
frontale au système prétorien : Abane Ramdane, voulant instaurer la primauté du politique sur le militaire, a remis en cause l’organisation même
du pouvoir7. Son assassinat (1957) inaugure le contrôle prétorien, l’homicide politique, la montée en puissance de la police politique et la dirty politics. Assassinats, règlements de compte, morts suspectes n’ont cessé
d’émailler depuis la politique algérienne8.
3. M. Harbi, Le FLN, mirage et réalité – Des origines à la prise du pouvoir (1945-1962), Paris, Jeune Afrique, 1980 ; G. Meynier, Histoire intérieure du FLN, 1954-1962, Paris, Fayard, 2002.
4. M. Harbi, op. cit. [3].
5. C. Geertz, The Interpretation of Cultures, New York, Basic Books, 1977, chap. « The Integrative
Revolution : Primordial Sentiments and Civil Politics in the New States ».
6. B. Anderson, L’Imaginaire national. Réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme, Paris, La Découverte, 1996.
7. Sur l’assassinat d’Abane Ramdane, lire G. Meynier, op. cit. [3].
8. De Mohamed Khider à Mohamed Boudiaf en passant par Krim Belkacem, le colonel Abdelkader
Moulay, Ahmed Medeghri et Ali Mecili, la liste est longue.
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La corruption politique
Dans un contexte marqué par les conflits de répartition du pouvoir et de la
richesse, l’allocation des ressources de l’État permet aux prétoriens
d’atteindre un objectif impérieux : acheter le silence, sinon la complicité
des anciens acteurs de la guerre d’indépendance. La nationalisation des
intérêts étrangers et l’appropriation des logements et biens immobiliers
coloniaux fournissent aux prétoriens un précieux butin de guerre. Les
mouvements de fonds et de biens du patrimoine colonial, la réorganisation
étatique des circuits financiers et commerciaux qu’implique la « nationalisation » d’actifs internes et externes, permettent le premier transfert de
richesses de l’Algérie indépendante. L’opération de répartition des prébendes est menée, jusqu’au début des années
1970, sous le contrôle de la Sécurité militaire. La corruption est un
Les clients cooptés qui obtiennent, à bas prix, mécanisme de régulation
droits d’acquisition et concessions forment le des conflits
premier noyau du secteur privé. Celui-ci est
constitué d’anciens chefs maquisards, seigneurs de guerre, marchands
d’armes et/ou leurs parentèles respectives. D’autres cadres de la guerre,
écartés du pouvoir à l’indépendance, reçoivent sociétés nationales et
ambassades en compensation. La concurrence sur le partage des prébendes se pose, face à la répression politique, comme le seul jeu admis par le
système. Le groupe dirigeant, craignant les tentatives de putsch, est contraint – notamment depuis le « coup manqué » de décembre 1967 – de
céder aux chefs des régions militaires, alliés sans lesquels il n’aurait pu ni
mener à bien ses coups de force d’août 1962 et de juin 1965, ni survivre aux
tentatives de rébellions, fiefs et niches d’enrichissement qui compensent le
monopole grandissant du pouvoir réel.
DOSSIER I ALGÉRIE : FAUT-IL CROIRE À LA TRANSITION ?
Permanences du jeu politique en Algérie
La corruption, loin d’être occasionnelle, est, dès la mise en place du
régime, un mécanisme de régulation des conflits, un marché de substitution à la participation politique, une compensation économique à l’exclusion du pouvoir, un dispositif de contrôle politique, une ultima ratio qui
adoucit l’ordre prétorien, récompense les fidèles, compromet les concurrents, corrompt les opposants.
L’affaiblissement des institutions de contrôle et d’imputabilité
Le parti unique, qui à l’indépendance « n’est plus qu’une arène où des factions en armes confrontent des intérêts contradictoires et luttent pour le
pouvoir9 », subit rapidement un abaissement institutionnel : aucun congrès
9. M. Harbi, « L’implosion du FLN (été 1962) » in G. Meynier (dir.), L’Algérie contemporaine, Bilans et
solutions pour sortir de la crise, Paris, L’Harmattan/Le Forum de l’IRTS de Lorraine, 2000.
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du FLN ne se tient entre 1964 et la mort de Houari Boumediene en décembre
1978. La coalition au pouvoir a tôt consacré, en trois étapes, le collapsus de
l’assemblée parlementaire. Le trafic des listes de candidats aux élections à la
Constituante incarne la première étape. Le texte de la Constitution de l’Algérie indépendante – conçu hors Constituante – et sa présentation, en août
1963, à une assemblée parallèle constituée des « forces vives de la nation »
provoquant la démission de Ferhat Abbas, éphémère président de la
Constituante, composent la deuxième. Et en troisième étape, intervient la
dissolution de l’Assemblée dans l’ombre du pronunciamiento de juin 1965.
La deuxième APN, contrôlée, ne verra le jour qu’en 1977, au terme du processus de consolidation du régime autour du raïs.
Qui gouverne ?
Le pouvoir régalien comprend trois niveaux de décision. Le premier
nomme aux postes stratégiques (ministres, présidents-directeurs généraux
de grandes sociétés nationales, gestionnaires des capitaux d’État, responsables d’antennes commerciales à l’étranger, chargés de l’intermédiation
financière) et contrôle les grandes opérations commerciales et financières
extérieures. Le colonel Boumediene – président du Conseil de la révolution, président du Conseil des ministres et ministre de la Défense – gouverne ce champ de la décision important entre tous par la Sécurité
militaire, rattachée à son cabinet10. Deuxième niveau, directement lié au
patron du régime, celui des intermédiaires occultes : « bandits sédentaires11 », ils tirent de colossaux bénéfices des surfacturations et rétrocommissions auxquelles donne lieu, dans l’ombre, la stratégie des
« industries industrialisantes ». Troisième niveau : l’allocation des crédits,
l’attribution des marchés, l’octroi de privilèges et le contrôle du recrutement. Ce champ est sous la surveillance permanente des administrations
de souveraineté (ministère de l’Intérieur, police, préfectures, directions du
contrôle financier) – elles-mêmes tenues par les services de sécurité12.
La succession est une phase cruciale, ici comme ailleurs. Houari Boumediene disparaît (1978) en laissant une crise économique aiguë et une seule
institution politique : l’Armée. Les prétoriens sont encore les maîtres du
jeu. Leur conclave préside à la cooptation du colonel Chadli Bendjedid13, le
10. M. Harbi, L’Algérie et son destin, croyants et incroyants, Paris, Arcantère, 1992, p. 187 ; G. Hidouci,
Algérie, la libération inachevée, Paris, La Découverte, 1995.
11. M. Olson, « Dictatorship, Democracy, and Development », American Political Science Review,
vol. 87, n° 3, septembre 1993.
12. G. Hidouci, op. cit. [10].
13. W. Zartman, « L’élite algérienne sous la présidence de Chadli Bendjedid », Maghreb-Machrek,
n° 106, octobre-décembre 1984 ; « The military in the Politics of Succession: Algeria » in J. Harbeson
(dir.), The Military in African Politics, Santa Barbara (CA), Greenhood Publishing Group, 1987.
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FLN sous contrôle cautionnant leur choix. N’entendant pas être écartés de
la prise de décision politique et économique, ils décident de procéder à un
partage des pouvoirs d’État. Si Boumediene était le patron de l’Armée,
Chadli, candidat coopté par ses pairs, ne sera au mieux qu’un primus inter
pares. Les « gardiens » instituent donc un Premier ministre, et confient
cette charge à un des leurs. Une formule à deux avantages : restreindre et
contrôler le pouvoir du nouveau président ; opérer un équilibre régional
au sommet du régime, avec un chef de l’État issu de l’Est et un Premier
ministre originaire de l’Ouest. Chadli réussit cependant, en s’alliant aux
chefs des régions militaires, à neutraliser ses rivaux dans l’élite dirigeante
et à prendre, après trois ans de manœuvres, le contrôle de l’appareil le plus
puissant du régime : la Sécurité militaire.
DOSSIER I ALGÉRIE : FAUT-IL CROIRE À LA TRANSITION ?
Permanences du jeu politique en Algérie
Le nouveau pouvoir opte pour l’État rentier distributeur et déploie son
dispositif de décision sur trois niveaux. Le premier cercle de la décision se
concentre, depuis que Chadli est parvenu à consolider son régime, au
niveau du cabinet présidentiel14. Formé de militaires, il est le lieu d’exercice
du pouvoir réel ; il gouverne en tant que tel les instances stratégiques : la
Défense, la Sûreté, le Commerce extérieur, et préside au recrutement des
dirigeants aux postes clés de l’État. Le deuxième niveau du dispositif,
directement lié au cabinet présidentiel, concerne, comme sous Boumediene, les « intermédiaires institutionnels » et les gros patrons privés
proches du nouveau pouvoir. Le troisième niveau, contrôlé par les services
de sécurité, comprend les administrations ministérielles, les départements
(wilayas) et les petites et moyennes entreprises ; le parti et le syndicat
venant en renfort.
Si le premier quinquennat de Chadli est irrigué par le boom pétrolier, le
second accuse le reflux de la rente : le contre-choc pétrolier de 1985 provoque une sévère crise fiscale qui fissure le bloc autoritaire. Deux groupes
s’affrontent au sommet : l’appareil du parti, qui détient le monopole du
discours idéologique et a des relais dans le gouvernement ; le cabinet présidentiel, qui détient le pouvoir réel et contrôle l’armée, les services de
sécurité, les ministères de l’Intérieur, des Finances, du Commerce, les
importations, les banques, la Sonatrach... Le parti unique entend poursuivre sur la voie du « socialisme spécifique », refusant toute réforme du
système ; l’aile islamo-nationaliste du FLN allant jusqu’à revendiquer une
plus large application de l’arabisation et de l’islam. Le cabinet présidentiel
entend aller vers une sorte d’« autoritarisme libéralisé15 ». Son agenda : en
14. G. Hidouci, op. cit. [10].
15. Sur cette notion, voir G. O’Donnell et Ph. Schmitter (dir.), Transition from Authoritarian Rule. Tentative Conclusions about Uncertain Democracies, Baltimore, Johns Hopkins University, 1986.
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finir avec l’appareil du FLN, coopter une « société civile bon chic, bon
genre », opérer un transfert des actifs publics rentables aux patrons privés
qu’il a désignés, et associer ces derniers aux firmes étrangères présentes
dans le pays. Entre les deux groupes, la lutte d’appareils fait rage, les
émeutes d’octobre 1988 constituant le point d’orgue de la confrontation.
Les réformateurs à l’épreuve des prétoriens
Un troisième groupe fait son apparition à partir de 1986, autour de
Mouloud Hamrouche, nouveau secrétaire général de la présidence, et de
Ghazi Hidouci, nouveau conseiller économique du président. Ils mettent
en place une équipe soudée, composée de cadres supérieurs du Plan, de
juristes du Secrétariat général du gouvernement, de chefs d’entreprises
publiques et d’universitaires. Les analyses que l’« équipe des réformes »
fait parvenir directement au président tranchent avec les recettes du
régime. Chadli, déstabilisé par les campagnes de rumeurs, décide de
s’affranchir des appareils, et appuie le « groupe des réformes » dont la stratégie est d’opérer, sans le dire, un « harcèlement institutionnel » pour
aboutir à une sortie de l’autoritarisme16. La première réforme concerne
l’agriculture ; elle est adoptée début décembre 1987. La loi, en dépit de
l’obstacle constitutionnel qui interdit la délivrance des titres de propriété,
confère aux producteurs agricoles un droit de jouissance perpétuelle transmissible aux héritiers. Une batterie de huit lois est promulguée le 12 janvier
1988. La réforme promulguée 10 mois avant les émeutes d’octobre 1988
introduit une double rupture : elle affaiblit les tutelles ministérielles sur les
entreprises publiques et fait de l’État un actionnaire du capital et non plus
un gestionnaire de l’entreprise. Ces lois ouvrent la voie partiellement au
droit commercial et à l’introduction du contrôle social des travailleurs et
des commissaires aux comptes sur l’administration des sociétés17.
En
En septembre 1989, les réformateurs, après avoir élaboré la réforme constitutionnelle de novembre 1988 – qui institue la fonction de chef du gouvernement responsable devant l’Assemblée – et
1989, les réformateurs rédigé la Constitution de février 1989 qui
sont appelés au abolit le parti unique et le monopole de l’État
gouvernement sur le fonctionnement de l’économie, instaure
la séparation des pouvoirs et consacre le pluralisme –, sont appelés par Chadli à diriger le gouvernement, au moment où
l’état des finances est exsangue. Le « groupe des réformes », profitant de
16. G. Hidouci, op. cit. [10].
17. G. Corm, « La réforme économique algérienne : une réforme mal aimée », Maghreb-Machrek,
n° 139, janvier-mars 1993.
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l’acuité de la crise, arrache les attributs de l’action gouvernementale du
président ; le cabinet présidentiel, pensant avoir affaire à des « techniciens »
sans envergure politique, laisse faire avant de se raviser. Les réformateurs
parviennent ainsi à obtenir les postes clés de l’Intérieur, de l’Économie, du
Commerce et de la Justice ; les ministères des Affaires étrangères et de la
Défense relevant du cabinet présidentiel. Le « gouvernement des réformes »
procède, contre les règles prétoriennes, à la nomination des cadres supérieurs de l’État sans tenir compte des « habilitations » des services de sécurité, réduisant par là l’emprise de la police politique sur les institutions. La
réforme de la justice consacre la suppression des juridictions d’exception,
l’indépendance des juges et le contrôle, par le procureur, de l’appareil policier. Le gouvernement réformateur lève les contraintes qui pesaient sur le
droit de grève et de manifestation. La rupture avec les anciennes règles du
jeu politique est aussi symbolique, comme l’attestent les suppressions des
ministères des Moudjahidines et de l’Information.
DOSSIER I ALGÉRIE : FAUT-IL CROIRE À LA TRANSITION ?
Permanences du jeu politique en Algérie
Les réformes opèrent une rupture tout aussi franche avec l’économie
politique de l’État rentier. Le gouvernement de M. Hamrouche, pour éliminer l’intermédiation parasitaire, décide la mise en place d’un régime facilitant les activités commerciales des firmes étrangères en Algérie et la
légalisation des activités de service couvertes par le marché noir. L’objectif
poursuivi est d’assécher – en mettant en place une économie ouverte où les
nouveaux acteurs peuvent s’installer sans payer de droit d’entrée aux
« intermédiaires » – les circuits du marché parallèle qui alimentent, parmi
d’autres, le Front islamique du salut (FIS)18.
Les réformateurs, sans soutien dans le commandement militaire, ont pris
le risque de ne laisser aux faucons et aux radicaux de l’opposition d’autre
choix que l’illégalité pour avorter la transition19. Les prétoriens gardaient la
capacité et plus encore la volonté de préserver les anciennes règles du jeu
politique, quel qu’en soit le coût.
Les dirigeants du FIS, portés par la victoire de leur formation aux élections locales de juin 1990 au moins autant que par la guerre du Golfe, se laissent gagner par la radicalisation. Manipulés, ils lancent un mot d’ordre de
« grève générale » tantôt pour faire échec aux lois électorales élaborées par le
gouvernement réformateur en vue des législatives du 27 juin, tantôt pour
exiger une élection présidentielle anticipée. Abassi Madani et Ali Benhadj
18. Pour une revue de la théorie de l’État rentier, voir M. Ross, « Does Oil Hinder Democracy ? », World
Politics, vol. 53, avril 2001. Entretien avec M. Hamrouche, mai 2005. Sur le FIS, voir S. Labat, Les Islamistes algériens. Entre les urnes et le maquis, Paris, Seuil, 1995.
19. A. Przeworski, Democracy and the Market. Political and Economic Reforms in Eastern Europe and
Latin America, Cambridge (NY), Cambridge University Press, 1991.
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choisissent la confrontation. Les faucons, qui avaient déployé des unités
militaires près des agglomérations pour « assurer le bon déroulement des
législatives », tiennent, avec la manifestation de rue des radicaux, le prétexte
recherché pour évincer les réformateurs. Mais le temps joue contre les
faucons. Le 3 juin 1991, le Fonds monétaire international (FMI) offre aux
réformateurs algériens, en même temps qu’un accord de financement, la crédibilité internationale. Au bout d’une semaine, la « grève insurrectionnelle »
du FIS a échoué à mobiliser les masses, mais de la place du 1er Mai, à Alger,
deux véhicules banalisés tirent – comme lors des émeutes d’octobre 1988 –
sur les manifestants et les forces de l’ordre, faisant plusieurs victimes. Les
faucons, qui déploient derechef l’Armée dans la rue, parviennent à imposer
l’état de siège dans la nuit du 4 au 5 juin. Le groupe des réformateurs, rejetant la « solution chilienne », dépose la démission du gouvernement.
Abdelkader Hachani20, en réussissant à conduire le FIS – miné après
l’échec de la grève et l’incarcération de ses deux dirigeants – aux législatives reportées au 27 décembre 1991, neutralise la fureur des radicaux et
déjoue les calculs des faucons. Le coup d’État de janvier 1992, qui limoge
le président Chadli en annulant, entre les deux tours, les élections législatives remportées par le FIS, laisse face à face faucons et radicaux. Se déclenche alors un engrenage infernal de terrorisme et de dirty politics.
La force prétorienne, « troisième vague » de la démocratisation oblige,
gouverne dans l’ombre : la formule consomme trois chefs d’État en sept ans
(1992-1999), la collégialité prétorienne empêchant l’émergence d’un primus
inter pares et favorisant le partage du pouvoir. Les logiques de fiefs, de régionalisme et de patronage président à la gestion des appareils et des institutions de l’État. Le contrôle de l’économie n’échappe pas à la règle. Les
prétoriens, renouant avec les anciennes règles du jeu, parviennent, en dépit
ou en raison d’un conflit sanglant, à assurer la survie du régime21.
Bouteflika : la quête du leadership
Le départ anticipé de Liamine Zeroual de la présidence traduit l’échec du
chef de l’État à exercer ses prérogatives constitutionnelles. C’est encore le
collège des prétoriens qui coopte le nouveau président. Le général Larbi
Belkheir, « parrain du régime », réussit, au terme d’un « intense lobbying22 », à convaincre ses pairs de l’intérêt stratégique que représente la
20. A. Hachani, ingénieur en pétrochimie et chef de file des « technocrates » du FIS, faisait l’objet d’une
surveillance policière permanente depuis sa libération en juillet 1997. Le numéro 3 de l’ex-FIS a été
assassiné le 22 novembre 1999 (Le Monde, 23 novembre 1999).
21. I. Werenfels, Managing Instability in Algeria. Elites and Political Change since 1995, Londres, Routledge, 2007.
22. K. Nezzar, Le Sultanat de Bouteflika, Paris, Transbordeur, 2003.
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cooptation d’Abdelaziz Bouteflika. À l’heure où le pouvoir militaire algérien essuie les pressions internationales subséquentes aux massacres de
l’automne 1997, la désignation d’un civil réputé pour son penchant pour le
secteur privé, son expérience dans la diplomatie, des amitiés avec les émirs
du Golfe, et un art tribunicien consommé, présente nombre d’avantages.
Bouteflika, mal élu, refuse pourtant les habits d’un
« trois quarts de président » et affirme sa volonté Ancien architecte
de leadership sur l’ensemble du système. Ancien
du régime, Bouteflika
prétorien et architecte du régime, il s’attaque, en
fin connaisseur, à trois leviers du système : la s’attaque aux leviers
Sonatrach, la Banque d’Algérie et l’administration. du système
Le locataire du palais d’El-Mouradia engage un
bras de fer avec les « décideurs » et menace par deux fois de démissionner.
Les prétoriens lâchent du lest et lui permettent d’abroger le fameux décret
présidentiel 89/44 par lequel le président Chadli avait délégué au chef du
gouvernement ses prérogatives de nomination aux emplois civils de l’État.
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Permanences du jeu politique en Algérie
Mais les règles informelles ne se modifient pas à coup de décrets. Les
prétoriens n’entendent pas se faire dépouiller du pouvoir réel par celui
qu’ils ont fait président. Ils opposent une fin de non-recevoir à la volonté
de Bouteflika de nommer Noureddine Yazid Zerhouni, son bras droit, à la
tête du ministère de la Défense. La partie d’échecs traîne et le premier gouvernement formé par Bouteflika ne voit le jour que neuf mois après son
élection. On peut identifier, parmi les détenteurs des principaux ministères, les représentants des différents appareils du régime.
Les ministres du président
Bouteflika parvient tout de même à obtenir des postes clés au gouvernement, dont les ministères de l’Intérieur et de l’Énergie, le ministère des
Finances et le ministère de la Participation et de la Coordination des réformes. Les ministres du président ont un commun dénominateur : ils sont
tous, comme lui, issus de la région de Nedroma (Tlemcen).
Les ministres des prétoriens
Alors que valsent chefs d’État et de gouvernement, certains ministres appuyés
par les « décideurs » ont une longévité exceptionnelle. Ahmed Ouyahia, chef
de gouvernement de décembre 1995 à septembre 1998, est nommé ministre
d’État, ministre de la Justice ; Chérif Rahmani et Aboubakr Benbouzid, présents depuis le début des années 1990, sont maintenus au gouvernement, à la
tête du secteur de l’Aménagement du territoire, ou du ministère de
l’Éducation ; Abdelmalek Sellal, ministre de l’Intérieur depuis septembre
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politique étrangère l 2:2009
1998, obtient le ministère de la Jeunesse. Des ministres réputés proches du
général Larbi Belkheir, tels Mourad Medelci et Abdelmadjid Tebboune,
entrent au gouvernement.
Si, en deux quinquennats, le président a changé six fois de chef de gouvernement avec autant de remaniements ministériels, il a, en revanche,
maintenu en poste deux ministres en dépit des pressions des prétoriens :
Yazid Zerhouni au ministère de l’Intérieur et Chakib Khelil à l’Énergie. Le
premier pour réduire l’emprise des services ; le second pour nouer un lien
stratégique avec l’Administration américaine. Les ministres des prétoriens
ne sont cependant pas en reste : ils occupent depuis le deuxième mandat
des ministères à gros budget : Aménagement du territoire, Environnement
et Tourisme, Travaux publics, Ressources hydriques ou Éducation nationale.
Bouteflika s’emploie à faire du palais d’El-Mouradia le lieu du pouvoir
réel. Le Conseil du gouvernement est désormais réduit à une instance formelle qui adopte sans discuter les projets de la présidence. Après dix ans
de dispersion du pouvoir, la centralisation présidentielle provoque des
crises au sommet, dont la dynamique imprime un mouvement oscillatoire
entre les deux figures du régime : les prétoriens et le raïs.
La première crise politique éclate en août 2000. Bouteflika décide de
modifier le cadre institutionnel de gestion des capitaux de l’État : le projet
de loi prévoit de remplacer le Conseil national des privatisations de l’État
– qui supervise les holdings publiques et regroupe les ministres ayant
partie liée avec l’activité économique – par un Conseil d’orientation et de
coordination des participations de l’État aux membres choisis par le président. Et ce dernier décide de légiférer par ordonnance – la Constitution l’y
autorisant entre deux sessions parlementaires. Le chef du gouvernement,
« mis devant le fait accompli », démissionne23. Les prétoriens obligent le
locataire du palais d’El-Mouradia à faire machine arrière et imposent la
nomination du général L. Belkheir – le prétorien ayant « vendu » la candidature de Bouteflika aux « décideurs » – comme directeur du cabinet de la
présidence ; le retour en force du « parrain du régime » sonne comme une
volonté affirmée de mettre sous contrôle le nouveau chef de l’État.
Deux autres projets du président subissent un sort similaire. Le premier,
fin 2000, entendait déposséder la Banque d’Algérie de la gestion des
réserves de devises, au profit du ministère des Finances. L’autre prévoyait
23. Entretien avec Ahmed Benbitour, octobre 2008. Fait rarissime, la lettre de démission du chef du gouvernement est publiée dans le journal gouvernemental El Moudjahid.
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de dispenser la Sonatrach de rapatrier les devises de ses recettes d’exportation des hydrocarbures à la Banque d’Algérie24.
La deuxième crise éclate en mai 2003. Depuis l’ouverture à Paris d’une
enquête préliminaire contre le général K. Nezzar pour sa « responsabilité
directe dans la politique de répression généralisée »25, le conflit est ouvert avec
le chef d’état-major M. Lamari. Bouteflika « retarde la prise en charge par la
présidence des frais du procès intenté par l’ancien ministre de la Défense K.
Nezzar contre le sous-officier déserteur H. Souaïdia26 », qui se tient à Paris le 5
juillet 2002. Le chef d’état-major, qui multiplie les déclarations dénonçant la
« cabale contre les généraux algériens », est quasi officiellement opposé à un
second mandat de Bouteflika. Son groupe soutient ouvertement Ali Benflis, et
entend faire du chef du gouvernement et secrétaire général du FLN, le joker
pour battre le « président-candidat ». Bouteflika, pris de court, limoge le locataire du palais du gouvernement début mai 2003, lui fermant un an avant
l’élection présidentielle l’accès aux moyens de l’administration27.
DOSSIER I ALGÉRIE : FAUT-IL CROIRE À LA TRANSITION ?
Permanences du jeu politique en Algérie
La troisième crise surgit en mai 2006. Bouteflika, fort de son triomphe à
l’élection du 8 avril 2004, consolide sa position28. La démission de
M. Lamari est officialisée le 3 août. Le lendemain, le président Bouteflika –
devenu ministre de la Défense depuis sa réélection – opère un mouvement
au sein du commandement supérieur de l’Armée et limoge le général Fodil
Bey-Chérif, allié du chef d’état-major déchu, et chef de la très stratégique
Ire région militaire29. En août 2005, il frappe un autre coup en nommant le
général L. Belkheir, directeur de son cabinet depuis l’été 2000, ambassadeur à Rabat. Bouteflika, décidé d’en finir avec ses adversaires du centre,
s’attaque à Tonic Emballage : navire amiral d’un conglomérat privé de
plus de dix filiales étroitement lié au général Mohamed Lamari. Le raïs,
comme pour infliger une correction, ordonne l’arrêt du financement du
groupe, érigé entre 2000 et 2004 grâce au crédit de 65 milliards de dinars
(650 millions d’euros environ) accordé par une banque publique sur la
base d’une hypothèque surévaluée30.
Bouteflika, septuagénaire, est cependant arrêté dans son élan par la
maladie, qui le contraint à s’absenter cinq longues semaines, à réduire ses
24. Entretiens anonymes avec un ex-ministre et un ancien haut responsable, mai-juin 2008.
25. « Un général algérien et la justice française », Le Monde, 26 avril 2001.
26. Entretien anonyme avec un général à la retraite.
27. M. Hachemaoui, « Clientélisme et corruption dans le système politique algérien », thèse de doctorat,
IEP de Paris, 2004.
28. Bouteflika a obtenu 84,9 % de suffrages. L’élection présidentielle du 8 avril 2004 a été qualifiée par
le chef de la délégation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) de
« conforme aux standards européens ». Le Monde, 11 avril 2004.
29. I. Werenfels, op. cit. [21].
30. Le Quotidien d’Oran, 8 septembre 2005.
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politique étrangère l 2:2009
activités et qui libère les rumeurs de succession. C’est dans ce contexte qu’il
évince le chef du gouvernement Ahmed Ouyahia le 24 mai 2006. En limogeant, cinq mois après sa sortie du Val-de-Grâce, le protégé du DRS, il
signifie qu’il est maître du jeu, neutralise, « syndrome Benflis » oblige, un
présidentiable et prépare, à un an des élections législatives31 de mai 2007,
la victoire du FLN, dont il est président d’honneur.
La dernière crise s’étend de mai 2006 à novembre 2008. Le raïs, du haut
du ministère de la Défense, avance sur l’échiquier deux pièces maîtresses.
La première est l’annonce, lors du 44e anniversaire de l’indépendance du
pays, de sa décision d’amender la Constitution avant la fin 2008. La
deuxième pièce est non moins gagnante : le raïs, chef des armées, élève
Mohamed Mediene au grade de général de corps d’armée. En officialisant
sa décision d’amender la Loi fondamentale, le président voudrait clôre les
spéculations sur sa succession. En élevant Mohamed Mediene, il signifie le
soutien du patron de la DRS à son entreprise politique.
par
Mais au moment où le raïs semble passer en force, la machine se grippe.
Tenants et sortants du pouvoir s’affrontent par « affaires » interposées. Les
extraits, publiés par un journal proche des hardliners, d’un rapport accablant de l’Inspection générale des Finances sur les marchés publics obtenus
par Brown Root & Condor32 en violation
Tenants et sortants de la loi, mettent en évidence la responsadu pouvoir s’affrontent bilité du plus puissant ministre du prési« affaires » interposées dent33. La deuxième affaire implique un
général proche des prétoriens – limogé
lors du remaniement de l’état-major34 de mai 2005 – dans un vaste trafic de
drogue à Oran35. La troisième, emblématique, autour de El-Khalifa Bank,
implique tous les groupes du pouvoir36.
L’impunité judiciaire neutralise les adversaires du centre mais ne calme
pas la situation. Le blocage perdure sur fond d’attentats revendiqués par
« Al-Qaïda au Maghreb islamique ». La machine présidentielle tente, en
31. M. Hachemaoui, « Algeria’s May 17, 2007 Parliamentary Elections or the Political Representation
Crisis », Arab Reform Initiative, juillet 2007, disponible sur Arab.reform.net.
32. Brown Root & Condor est une joint venture algéro-américaine dont le capital est détenu par Kellog Brown
& Root (filiale d’Halliburton), la Sonatrach et le Centre national de recherche nucléaire de Draria (ministère
de la Défense). Spécialisée dans l’« Engineering, Procrument and Construction », elle emploie plus de 1 000
salariés, affiche, en 2006, un chiffre d’affaires de 20 milliards de dinars et a obtenu de nombreux gros contrats
dont le siège du ministère de l’Énergie et les hôpitaux militaires d’Oran et de Constantine.
33. « Affaire BRC. Les chiffres d’un scandale », Le Soir d’Algérie, 21 octobre 2006.
34. El Watan, 5 mai 2005.
35. « Mystérieux silence autour du Pablo Escobar algérien », El Watan, 5 octobre 2006 ; « Ahmed Zendjabil se met à table », El Watan, 16 octobre 2006 ; El Khabar, 17 octobre 2006 ; « Révélations sur le
cartel d’Oran », El Watan, 18 octobre 2006.
36. M. Hachemaoui, « La corruption politique en Algérie : un système de gouvernement », article à paraître.
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décembre 2007, de remettre le train de la ûhda talitha 37 en marche. Le FLN, la
centrale syndicale et les associations de la « famille révolutionnaire » diffusent le mot d’ordre de révision constitutionnelle. Mais alors que, au début de
l’année 2008, la tournée du président dans le grand Sud avait semblé donner
le coup d’envoi de la campagne, la machine se grippe à nouveau, stoppant
brutalement l’impressionnant dispositif électoral du raïs.
Les adversaires du président sont à la manœuvre : le très influent
L. Belkheir qui, depuis sa mise à l’écart, s’oppose au « troisième mandat » de
Bouteflika, est annoncé comme futur ministre de l’Intérieur. L’arrestation, le
14 août 2008 à Marseille, puis la mise en examen de Mohamed Ziane Hasseni, chef du protocole au ministère des Affaires étrangères, comme commanditaire présumé de l’assassinat d’Ali Mécili38 (1987), fragilise L. Belkheir,
alors tout-puissant directeur du cabinet présidentiel. La lenteur et la tiédeur
des réactions officielles d’Alger jettent le trouble sur l’affaire. Belkheir, septuagénaire, hospitalisé, doit quitter Paris le 30 octobre 2008 dans un avion
médicalisé dépêché par le chef du gouvernement Ahmed Ouyahia – rappelé
aux affaires le 28 juin. L’ancien homme fort du régime devait être entendu le
lendemain par le juge chargé de l’affaire39.
DOSSIER I ALGÉRIE : FAUT-IL CROIRE À LA TRANSITION ?
Permanences du jeu politique en Algérie
Les deux principaux groupes du pouvoir se neutralisent : si Bouteflika
n’est pas en mesure de se succéder à lui-même sans l’appui de l’appareil
du DRS, ce dernier n’est pas parvenu à élaborer une formule alternative, le
raïs ayant acquis d’incontestables pouvoirs. Le compromis, laborieux, est
enfin trouvé : Bouteflika, qui a redoré l’image internationale du régime et
accordé le pardon aux terroristes, est le candidat de la stabilité. Le projet
d’amendement de la Constitution, présenté le 30 octobre 2008, est
approuvé par le Parlement 13 jours plus tard dans un unanimisme qui rappelle le temps du parti unique. La machine électorale se met en marche.
Tout a changé en Algérie sauf l’essentiel : les règles du jeu. Le prolongement, conforme à ces règles, du bail de Bouteflika à la présidence pour un
troisième mandat, présente l’avantage, pour les acteurs dominants du
régime, de reconduire le robuste statu quo autoritaire.
MOTS CLÉS
Algérie, système de pouvoir, armée, Bouteflika
37. « Troisième mandat ».
38. H. Aït Ahmed, L’Affaire Mécili, Paris, La Découverte, 2007 (2e éd.).
39. Voir Bakchich.info.
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