Pierre Lemaire Bruno Morin Gouverner avec la peur : La Terreur

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Pierre Lemaire Bruno Morin Gouverner avec la peur : La Terreur
Pierre Lemaire
Bruno Morin
Gouverner avec la peur : La Terreur (1793-1794)
En quoi le bouleversement de valeurs lié à la Révolution amène-t-il au mode de gouvernement de la
Terreur ?
La révolution amène de nombreux renversements, qui ne sont pas forcément bien vu par l'opinion ;
notamment le renversement des principales structures d'Ancien Régime avec la mort du roi, jusque
là figure quasi-divine intouchable ; la mise en place de la République, qui renverse les structures de
pouvoir et hiérarchies précédentes ; et l'atteinte portée à l'Eglise, qui amène notamment à la
constitution d'un clergé réfractaire. Tout cela crée de fortes oppositions, que la Terreur cherche à
atténuer en les canalisant dans divers mesures, permises par le pouvoir des comités. Ces mesures
amènent à de nombreuses exécutions. Mais ce ne sont pas seulement les « ennemis » de la
révolution qu'il s'agit de canaliser , mais aussi les divisions internes, qu'elles soient liées à trop de
modération, ou au contraire à une trop forte radicalité.
I/ Un renversement de valeurs
a) L'exécution de Louis XVI
Les adieux de Louis XVI à sa famille
Suite à la fuite de Varennes, la confiance dans le roi c'est déjà estompée. Le 20 novembre 1792, sont
découverts dans l'armoire de fer des documents compromettant qui lui valent l'accusation de
conspiration et de trahison contre l'état. Son procès a lieu du 10 décembre au 26 décembre ; et le 17
janvier, la convention vote à 361 voix contre 360 l'exécution de Louis XVI. Il est exécuté le 20
janvier. On entre alors dans une véritable rupture. Premièrement si il a trahi la nation, il en est plus
l'incarnation. De plus, l'inviolabilité du roi est complètement écrasée par cette exécution. C'est un
grand choc pour l'opinion. Beaucoup ne sont pas favorables à cette décision, comme le montre le
scrutin de la Convention, très serré.
b) La république
Unité indivisible de la République, Liberté, égalité, fraternité, ou la mort
Cette estampe met en avant les valeurs de la République mise en place le 20 septembre 1792. On y
voit la devise « Liberté, égalité, fraternité », l'idée d'une république une et indivisible. Ces messages
sont accompagnés de plusieurs symboles républicains tel que la cocarde, dont le port est rendu
obligatoire pour tous à partir du 21 septembre 1793. On est donc déjà dans une première rupture par
rapport au système de la monarchie absolue. Mais cette estampe qui date de 1793 rajoute le terme
« Ou la mort », ce qui montre bien l'aspect autoritaire et radical de la période de la Terreur, à travers
cette forme extrême d'imposition de valeurs.
c) La volonté d'instaurer une religion civile
La fête de l'être suprême, le 08 juin 1794
En novembre 1793, les montagnards veulent mettre en place le culte de la Raison, un culte
totalement athée. Robespierre substitue à cela le culte de l'être suprême, déiste, c'est-à-dire croyant
en l'existence d'un dieu et de son influence, sans pour autant lui assimiler de dogmes. Robespierre
pensait en effet que la religion pouvait apparaître comme un moyen positif sur le moral du peuple,
permettant l'unité et la canalisation. Ainsi, on opère ici un véritable bouleversement par rapport aux
dogmes de la religion catholique, puisque les valeurs sont ici la vertu et la justice au sein d'une
République religieuse. De plus la symbolique emprunte désormais au registre du civil et de
l'antiquité (Char antique avec la statue de Cérès, arbre de la liberté, autel de la patrie, bouquet d'épis
et de fleurs des champs...). On a donc une nouvelle forme religieuse qui entre en rupture avec la
chrétienté.
II/ La Terreur comme moyen de canalisation
a) L'aristocratie de l'Ancien Régime
L'aristocrate croyant à la contre-révolution
L'une des peurs des administrateurs de la Terreur c'est les hauts dignitaires de l'Ancien Régime, les
anciens membres de la noblesse qui travaillaient au service du roi et qui bénéficiaient de nombreux
privilèges, notamment fiscaux. Ils ont beaucoup perdu avec la révolution, et sont donc
potentiellement accusés de vouloir la démanteler, afin de revenir au régime de la monarchie, à
l'image du général Dumouriez suite à la bataille de Neerwinden, le 16 mars 1793. Ainsi, suite à son
discours du 10 octobre 1793, St. Just met en place un décret plaçant ministres et généraux sous
surveillance des deux comités, notamment contre les fonctionnaires d'Ancien Régime, mais aussi
les fonctionnaires neutres, l'idéal étant le fonctionnaire républicain.
b) L'arrestation des girondins
La chute des girondins au palais des Tuileries, le 31 mai, 1er et 2 juin au Palais des Tuileries
Les aristocrates d'Ancien Régime ne sont plus les seuls à apparaître comme les ennemis de la
Révolution, au fur et à mesure que les événements se déroulent et que des divisions se créent à la
Convention. Ainsi, les Girondins qui sont jusque là majoritaires à la Convention s'opposent petit à
petit aux Montagnards, en partie menés par Robespierre. Les premiers préconisent l'arrêt de la
Révolution ; alors que les seconds, veulent des mesures de plus en plus drastiques, de crainte q'un
arrêt de la Révolution vienne favoriser le retour de la monarchie. Ainsi sont mis en place des
institutions centralisatrices tel que le comité du salut public et le tribunal révolutionnaire, alors que
les girondins sont favorables à la décentralisation. Après avoir voulus mettre en accusation Marat,
ce à quoi il répond en organisant une insurrection à la convention, qui conduira à l'arrestation des
girondins. La Révolution cherche donc à canaliser les plus modérés. A partir de ce moment là, les
montagnards ont libre cours pour mettre en place les mesures révolutionnaires.
c) L'arrestation des hébertistes
Le chariot des hébertistes, en route pour l'échafaud, passant devant le club des jacobins, rue St Honoré, le 13 mars
Après l'arrestation des girondins, les députés de la convention les plus radicaux, regroupés par la
suite sous le nom d'« hébertistes », en raison de la proximité de certains avec Hébert, auteur du
journal révolutionnaire le Père Duchesne, ont la possibilité de faire passer des mesures de plus en
plus radicales. C'est ainsi qu'ils obtiennent le vote de la loi des suspects, le 17 septembre 1793, qui
permet, plus ou moins, d'arrêter tout ennemi potentiel de la Révolution. Ils sont favorables,
contrairement à Robespierre, à une déchristianisation totale. Au cours de l'affaire de la falsification
du décret liquidant la Compagnie des Indes, les « hébertistes » tentent de mettre en accusation
certains députés. Robespierre parvient alors à dégager une majorité afin de procéder à l'exécution de
certains d'entre eux, dont Hébert, le 24 mars 1794. Ainsi, avec cette exécution on voit que les
mesures de la Terreur permette aussi de canaliser les plus radicaux.
III/ Les mesures mis en place
a) Le rôle accru des comités
Comité de sûreté général, arrestation de Lavoisier et de Guillaume de Malhesherbes
Parmi les mesures essentielles de la Terreur, on note la mise en place de comité exécutifs, qui petit à
petit occupent une place de plus en plus importante. Le comité de sûreté général existe dès 1791 et
est chargé d'appliquer les mesures de police contre les suspects, en envoyant les suspects au tribunal
révolutionnaire, via les accusateurs publics. Le comité du salut public est crée le 06 avril 1793. On
parle à l'arrivée de Robespierre du « grand comité du salut public ». Il se dote de prérogatives de
plus en plus fortes, tel que l'initiative législative le 04 décembre 1793, ou encore la dissolution des
ministères en sa faveur en mars 1794. Ainsi les comités deviennent les instances centrales de la
Terreur, avec le tribunal révolutionnaire. On voit ici l'arrestation de Lavoisier et Guillaume de
Malhesherbes, car fermiers généraux, une fonction très mal vue dans l'Ancien Régime, car chargés
de prélever l'impôt.
b) Les emprisonnements massifs
Le corridor de la prison St. Lazare
La réforme du tribunal révolutionnaire et la loi des suspects conduisent à des arrestations massives.
Au plus fort de la Terreur, on trouvera jusqu'à 200000 prisonniers dans les prisons. On voit ici la
prison de St. Lazare était depuis le XVII un bâtiment appartenant à l'ordre de Saint Vincent de Paul,
les Lazaristes. Une partie du bâtiment servait aussi de maison de correction pour les personnes de
bonne famille. Les religieux en sont expulsés au cours de la Révolution, afin de la convertir en
prison, pour accueillir l'afflux de prisonniers.
c) Les exécutions de masse
Fusillade de Lyon commandée par Colloit-D'Herbois, le 24 décembre 1793 ou 24 frimaire an II de la République
Une autre mesure qui apparaît centrale au cours de la Révolution, c'est les exécutions en masse.
Cela correspond à la volonté de mettre en place une justice exemplaire. A partir du 19 mars 1793,
les personnes pris les armes à la mains avec une cocarde blanche sont exécutées. Selon l'historien
Eric De Mari, la Terreur c'est 17000 exécutions légales, dont 13000 sommaires, sans jugement, en
raison de la loi du 19 mars 1793. Collot d'Herbois est envoyé à Lyon pour y réprimer la révolte
fédéraliste qui s'y déroule, comme dans de nombreux autres départements, suite à l'arrestation des
girondins le 02 juin. Il y établit un comité de démolition, abolit les remparts, et procède à de
nombreuses exécutions, préférant la canon à la guillotine jugée trop lente.