Revue de littérature sur la compression musculaire

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Revue de littérature sur la compression musculaire
Revue de littérature sur la compression musculaire
1. Introduction
L’importance hémodynamique de la « pompe veineuse » des membres inférieurs (le cœur périphérique) et le rôle des
valvules veineuses dans la qualité du retour veineux sont bien établis. Cependant, des questions persistent ou
émergent quant aux effets délétères des stress mécaniques répétés induits par l’exercice musculaire sur le système
veineux, ainsi que sur les réels effets du port de bas ou chaussettes de contention pour corriger ces effets.
D'ailleurs, le terme de compression élastique est plus approprié que le terme de contention. En effet, la pression
s’exerce en permanence sur le membre à traiter en raison de la présence des fibres élastiques alors que l’on devrait
réserver le terme de contention aux seuls bandages peu ou non élastiques qui exercent une pression faible au repos
mais élevée à l’effort.
Dans l’insuffisance veineuse chronique, les perturbations hémodynamiques sont dépendantes de l’exercice et peuvent
en constituer un facteur limitant. Chez le sujet sain, l’effort prolongé et/ou répété peut aussi présenter une influence
sur le système veineux capillaire des jambes. Le recours au port de produits compressifs pourrait dans ce cas présenter
une action favorable sur la microcirculation cutanée bien que très peu de travaux scientifiques soient dirigés dans ce
sens. L’adaptation des veines des membres inférieurs lors de l’effort musculaire ainsi que le bénéfice du port de
chaussettes de compression n’ont été étudiés que très rarement. Avec une compression élastique externe spécialement
mise au point, une augmentation du métabolisme musculaire via des adaptations hémodynamiques peut être observée
et pourrait favoriser une meilleure récupération après l’effort.
La revue de synthèse ci-dessous se propose de faire un état des connaissances actuelles sur l’impact réel du port de
collants, bas ou chaussettes de compression sur les propriétés musculaires hémodynamiques pendant et après des
exercices prolongés (en endurance) et explosifs (en force–vitesse).
2. Cœur périphérique et dynamique veineuse à l’exercice musculaire
Pour se redresser et vivre debout, l’homme a dû développer au cours de son évolution des mécanismes permettant le
retour du sang des membres inférieurs vers le cœur. Les valves veineuses, le mécanisme de pompe musculaire et la
pression négative occasionnée par le diaphragme lors de l’inspiration sont les mécanismes majeurs permettant le
retour veineux [34]. Pour les membres inférieurs, ce retour en direction du cœur se fait pour les 9/10 du volume par les
veines profondes, c’est-à-dire les veines les plus proches des os (tibia et péroné pour la jambe et fémur pour la cuisse),
alors qu’un dixième du volume transite par les veines superficielles. Ces deux compartiments sont reliés entre eux par
les veines dites perforantes.
De la position allongée à la position érigée, la pesanteur fait augmenter la pression hydrostatique et provoque
l’accumulation du sang dans les jambes. Le cœur doit donc augmenter sa fréquence de battement pour maintenir un
débit cardiaque suffisant, même si ce débit reste inférieur de 20 à 30 % en position érigée par rapport à la position
allongée.
Les diverses adaptations physiologiques précédemment décrites peuvent être optimisées avec pour conséquence la
possible diminution ou le recul de l’apparition de l’altération de la fonction musculaire (vasculaire et métabolique) en
situation d’exercice ou de repos. Cette optimisation peut se concevoir notamment par l’application d’une compression
externe de surface sur les masses musculaires mises en mouvement.
Lors de contractions musculaires dynamiques, le flux sanguin musculaire est diminué par la compression mécanique
des fibres musculaires et la possible occlusion des vaisseaux intramusculaires [33].
Fig. 1. Action musculaire (effet de pompe)
permettant le retour veineux vers le cœur.
1 : valvules proximales et distales ouvertes par le
flux sanguin veineux remontant vers le cœur.
2 : les muscles contractés du mollet compriment les
veines intramusculaires (veines jumelles) et
intermusculaires (veine poplitée), et chassent le sang
à haut débit vers le cœur dans la circulation profonde.
Dans le même temps, le reflux entraîne la fermeture
.
des valvules en aval (distales) du site de compression
des veines par les muscles. Le flux veineux ne peut
donc se diriger qu’en direction du cœur.
3 : lors de la relaxation des muscles, les veines inter et intramusculaires se dilatent, ce qui s’accompagne d’un bref
reflux qui entraîne la fermeture des valvules proximales, empêchant le sang de redescendre. La contraction des
muscles ayant permis de vider le réservoir veineux, la pression dans ce compartiment a diminué. Cette réduction de la
pression veineuse favorise le déplacement du sang des artères vers ces segments veineux, où la pression et le volume
ont diminué. Le sang est dans le même temps aspiré depuis le réseau superficiel à travers les veines perforantes et
depuis la région inférieure de la jambe (pied). Il est à noter que le phénomène de pompe musculaire est affecté par la
fréquence de contraction musculaire. Par exemple, en modifiant la cadence de pédalage pour une puissance mécanique
fixée, il a été observé que la conductance vasculaire totale était plus élevée pour les cadences à haute fréquence [9]. Ce
paramètre a été attribué à un effet de pompe musculaire plus important.
Intéressons-nous à présent plus précisément à l’évolution de la pression veineuse dans la jambe lors de la marche.
Pollack et Wood [26] ont, dès 1949, mesuré de manière invasive les variations de pression veineuse au niveau de la
cheville lors de la locomotion. En position érigée (statique), la pression moyenne à la cheville est de 87 mmHg,
valeurs confirmées par Stick et al. [31] (84 mmHg). Les pressions intramusculaires (PIM) sont de 37 et 35 mmHg en
position érigée contre 8 et 11 mmHg en position allongée, dans les muscles soléaire et jambier antérieur,
respectivement [23].
À 6 km/h, les facteurs favorables et défavorables à l’accumulation de sang se compensent mutuellement [31]. Les PIM
dans les muscles soléaire et jambier antérieur passent, respectivement, de 37 et 35 mmHg au repos en position érigée,
à 152 et 84 mmHg lors de la marche à 4,3 km/h et 226 et 145 mmHg lors de la course à 10,1 km/h [23].
Au début d’un exercice de course à allure modérée (10 km/h), une augmentation du volume du mollet se produit, pour
atteindre un maximum en sept minutes, correspondant à une augmentation de 2,5 % par rapport au volume de repos.
Ce phénomène serait lié aux processus accompagnant l’augmentation du métabolisme musculaire, notamment la
vasodilatation qui augmente le volume sanguin dans les veinules et petites veines [31].
Donc, il apparaît que l’exercice musculaire permet d’optimiser le retour veineux grâce à l’effet de pompe musculaire.
Mais les contractions musculaires répétées vont également comprimer les vaisseaux nourriciers intramusculaires,
limitant probablement l’apport de sang et d’oxygène [28]. Cette situation provoquerait la mise en route de la glycolyse
avec production d’acide lactique et la survenue d’altérations structurelles réversibles d’où l’apparition d’une fatigue
musculaire, de douleurs et de courbatures dans les jours suivant l’exercice ou la compétition. Le temps de remplissage
veineux reste vraisemblablement aussi affecté par les modifications chimiques (acidose métabolique) à l’intérieur des
muscles jambiers.
Ces remarques amènent la question suivante : est-ce que la compression élastique externe peut s’avérer efficace au
repos et à l’exercice pour corriger ces altérations veineuses ?
3. Effets de la compression élastique externe au repos en orthostatisme (position verticale)
Kraemer et al. [17] ont étudié l’effet du port de bas de contention en position orthostatique prolongée. Ces auteurs ont
mesuré une diminution du gonflement des chevilles et des mollets d’environ 50 % par le port de bas de contention
appliquant des pressions comprises entre 5,2 et 9 mmHg au niveau de la cuisse et entre 6,8 et 8,4 mmHg au niveau du
mollet. La chaussette de contention appliquant une pression supérieure à 10 mmHg (11, 18 et 22 mmHg en moyenne)
prévient complètement le gonflement des chevilles [24].
En revanche, l’absence d’effet au niveau de la cuisse indique que les niveaux de compression utilisés dans cette étude
sont bien en dessous de ce qui pourrait être nécessaire pour affecter les masses musculaires les plus volumineuses
[17].
D’un point de vue sensoriel, une diminution de l'inconfort perçu au niveau des membres inférieurs a été ressentie
grâce au port de vêtements de contention (chaussette et bas).
Weiss et al. [35] ont étudié les améliorations induites par le port de bas de contention sur du personnel de bord dans
l’aviation. Ces auteurs ont recueilli une amélioration des signes et symptômes d’inconfort, tels qu’une diminution du
gonflement des jambes, de la fatigue ainsi que de la douleur et de l’oppression par le port régulier de bas de contention
appliquant des pressions de 8–15 mmHg ce qui signifie également que de faibles pressions sont suffisantes.
Concernant les effets vasculaires induits par la compression externe positive sur les membres inférieurs, l’utilisation
de la technique d’imagerie doppler a permis de mettre en avant une réduction significative du diamètre des veines
poplitées et tibiales postérieures, démontrant une diminution de la stagnation de sang par le port de bas de contention à
compression graduelle [17]. Partsch et Partsch [25] ont mis en avant que la diminution du calibre des veines
permettant d’accélérer le flux sanguin du mollet nécessite une pression entre 35 et 40 mmHg en position debout.
Lawrence et Kakkar [20] ont comparé plusieurs profils de pression appliqués sur le membre inférieur au regard de la
vitesse du sang dans les veines profondes et le débit sanguin musculaire du mollet. Il se dégage de cette étude que le
profil de pressions de 18, 14, 8, 10 et 8 mmHg sur la cheville, le mollet, le genou, le bas et le haut de la cuisse
respectivement, est celui qui produit le plus d’effet positif chez des personnes allongées ne souffrant pas de maladie
vasculaire. La vitesse du sang était alors augmentée de 75 % dans les veines profondes. En utilisant d’autres profils de
pression, ces auteurs ont montré que la compression du mollet est l'élément déterminant dans l’amélioration du retour
veineux, bien plus que la différence de pression entre la cheville et le mollet.
Sparrow et al. [30] ont testé l’hypothèse d’une possible diminution du sang stagnant dans les jambes en position érigée
induite par l’application d’une pression autour du mollet (compression sous le genou uniquement). Ils ont ainsi mesuré
le volume de sang dans le mollet par scintigraphie avec application de plusieurs profils de pression sur le mollet, et en
gonflant un brassard à 20 et 40 mmHg de pression autour du haut de la cuisse de manière à simuler artificiellement
une altération du retour veineux. Leur conclusion est que le profil de pression préconisé par Lawrence et Kakkar [20]
permet d’éliminer la stagnation de sang induite artificiellement en gonflant un brassard à 20 mmHg autour du haut de
la cuisse [30].
Shiroishi et al. [29] ont évalué les effets du port de chaussettes de contention sur le volume sanguin et l’oxygénation
tissulaire avec l’aide de la spectroscopie proche infrarouge. En utilisant différentes chaussettes de contention, ces
auteurs ont établi une corrélation négative entre la désoxyhémoglobine (HHb) et la pression externe, ainsi qu’entre
l’hémoglobine totale (Hbtot) et la pression externe. Ils concluent que le port de chaussettes de contention améliore la
saturation en O2 du tissu musculaire par l’augmentation de l’éjection veineuse et/ou la prévention de la stase veineuse
et la conservation des apports d’O2 [29]. Cependant trop peu d'études se sont penchées sur cette question pour en
confirmer les résultats.
Enfin, une étude originale récente [3] a mis en avant une augmentation du débit sanguin veineux de l’avant-bras par
l’application de manchons de compression placés autour des muscles de l’avant-bras. Leurs résultats font état d’un
effet maximal avec une pression externe de l’ordre de 20 mmHg augmentant le débit sanguin de plus de 115 %.
Au repos (i.e., en l’absence de l’effet de pompe musculaire) la contention, plus particulièrement celle de la
jambe semble avoir, au moins en théorie, des effets bénéfiques pour diminuer la stase veineuse et améliorer le
retour veineux. Cependant, les pressions exercées doivent être optimales (entre 8 et 18 mmHg au niveau du
mollet) afin d’éviter tout excès entraînant alors des effets délétères et des inconforts. La question de l'intérêt du
port de chaussette de contention en position allongée chez le sportif reste à être approfondie.
4. Effets de la compression élastique externe lors d'un exercice dynamique
4.1.
Exercice dynamique local : cas de la flexion plantaire
Les exercices de montée sur pointe de pieds sont utilisés dans le milieu médical pour évaluer le degré de
développement des pathologies vasculaires. Un des intérêts majeurs de cet exercice dynamique local de flexion
plantaire est qu’il permet de s’affranchir des limitations systémiques des patients lors d’exercices globaux, du fait de
la faible sollicitation cardiopulmonaire qu’il engendre. Il est donc possible d’évaluer localement les bénéfices apportés
par la compression externe sur la fonction vasculaire du muscle.
4.2.
Exercice dynamique global
Lors de la locomotion pédestre, l’augmentation des pressions sous la plante du pied et l’augmentation des PIM dans
les muscles de la jambe et surtout du mollet influent grandement sur l’hémodynamique veineuse. De plus, la
sollicitation métabolique plus importante comparée à un exercice local engendre une augmentation du débit cardiaque
et du travail respiratoire (pression intra thoracique) et ces deux paramètres sont reconnus pour influencer le flux
sanguin dans les membres inférieurs.
Lors de marche à 4,3 km/h et lors de course à 10,1 km/h, Murthy et al. [23] n’ont pas observé de modification des PIM
dans les muscles soléaire et jambier antérieur induite par le port de chaussettes de contention appliquant des pressions
de 17 à 28 mmHg à la cheville. Considérant la PIM des jambes comme un index objectif de la fonction de pompe
musculaire, Murthy et al. [23] ont conclu que l’application d’une compression lors d’un exercice dynamique ne
permet pas d’améliorer la fonction de pompe musculaire chez des sujets sains.
En revanche, Maton et al. [21] ont mis en avant une augmentation de la PIM au mollet au repos et lors d’exercices
isométriques et concentriques de flexion dorsale de la cheville grâce au port de chaussettes de contention appliquant
des pressions comprises entre 6 et 11 mmHg. L’augmentation brutale de la PIM en début de contraction (majorée par
le port de chaussettes de contention) peut chasser le sang hors des veinules du muscle et des capillaires
d’approvisionnement, et également augmenter le retour du flux sanguin veineux par le mécanisme de « pompe
musculaire ». Maton et al. [21] concluent que lors de contractions dynamiques, les chaussettes de contention peuvent
augmenter le retour veineux du sang.
Malgré l’augmentation de la PIM soupçonnée d’accroître de manière préjudiciable le phénomène d’ischémie lors de la
contraction, le port de chaussettes n’engendrait pas une fatigue plus prononcée, et n’accélérait pas son apparition [22].
Les travaux de Maton et al. [21] [22] tout comme ceux de Murthy et al. [23] n'ont pas décelé de modification de
l’activité électromyographique (EMG) des muscles de la jambe, dont l’évolution permet de rendre compte des
phénomènes de la fatigue neuromusculaire.
Il faut enfin noter que les études de Maton et al. [21] [22] concernent un exercice dynamique local alors que celle de
Murthy et al. [23] un exercice global.
Parmi les études qui se sont penchées sur les effets de la compression sur la performance, celles de Duffield et al. [36],
[37], [38] concluent à l'absence de bénéfices liés au port de chaussettes de compression sur les différentes
performances réalisées dans leur études par des joueurs de cricket (interval-training, circuit-training, lancers). Ils
évoquent néanmoins une possible réduction des traumatismes post-exercice et observent systématiquement une
diminution de la douleur ressentie lorsque les chaussettes sont portées après l'effort. Il faut souligner qu'aucune des 3
études de Duffield et al. ne précisent les niveaux des pressions appliqués. Ceci nous amène à penser que certains
manufacturiers ne maitrisent pas eux-mêmes les pressions de leurs produits, et on a vu que c'était un paramètre
essentiel à maitriser.
Kemmler at al. [40] montrent un effet sur la performance (test incrémenté de 1km/h toutes les 5') grâce au port de
chaussettes appliquant une compression dégressive chez des coureurs de niveau moyen âgés de 25 à 60 ans. Dans cette
étude il y a une différence de pression entre la cheville (24mmHg) et le mollet (18-20 mmHg) mais les pressions au
mollet sont constantes. C'est à cette spécificité technique que les auteurs attribuent le gain de performance par rapport
aux autres études. Plus précisément, les auteurs émettent l'hypothèse que de la compression et du soutien aux tissus
musculaires résulte une diminution du coût énergétique à une charge de travail donnée. Cette hypothèse a également
été évoquée par Bringard et al. [39].
Rimaud et al. [42] se sont intéressés à l'influence du port des chaussettes de compression progressive (22mmHg au
mollet, 12mmHg à la cheville) lors d'un test d'effort maximal en vélo et lors de la récupération passive (1h postexercice) sur la cinétique de disparition du lactate sanguin. Le résultat principal montre une concentration sanguine en
lactate plus importante à la fin de l'exercice réalisé avec les chaussettes. Cette accumulation est probablement plus le
fait d'une contribution plus importante du métabolisme anaérobie que d'une libération plus efficace du lactate
musculaire vers le sang.
Chatard [5] a également évalué l’effet du port de bas de contention (pression à la cheville 30 mmHg, pression au
mollet non renseignée), au cours d’un effort maximal (course de 5000m) [5]. Une chute de la performance de 2,3 %,
soit une augmentation moyenne du temps de course de 31 s avait été enregistrée, lorsque le 5000 m était réalisé avec
les bas de contention. Ainsi, les transports du lactate et de l’oxygène semblaient être "négativement" modifiés par le
port de bas de contention pendant la course [5].
Sperlich et al. [44] ont étudié les effets de différentes intensités de compression sur les paramètres métaboliques et
cardio-respiratoire lors d'un exercice sous-maximal (45minutes à 70% de VO2max). Les résultats ne révèlent pas de
modification des réponses métaboliques et cardio-respiratoires quelles que soient les compressions appliquées.
Ali et al. [43] ont eux testé l'effet de différentes intensités de compression (faible 12-15 mmHg; moyenne 18-21
mmHg; importante 23-32 mmHg) sur la performance lors d'un 10km de course à pied. La puissance des membres
inférieurs a aussi été testée avant et après le 10km via un saut avec contre-mouvement. Aucune différence de
performance n'est observée quelles que soient les conditions, cependant les compressions faibles et moyennes
semblent permettre une moindre diminution de la puissance des membres inférieurs après le 10 km. La compression
faible est la plus confortable pour les athlètes.
Enfin, Berry et al. [1] ont testé les effets de collants destinés à des sujets sains pour la pratique sportive lors de course
sur tapis roulant. Ces auteurs n’ont relevé aucun effet de ce type de collant sur les concentrations de lactate sanguin,
sur la fréquence cardiaque ou sur la consommation d’oxygène. Pour Berry et al. [1], bien qu’un des bénéfices
régulièrement présentés par ce type de vêtement soit une augmentation du retour veineux à l’exercice, il n’existe
aucune donnée appuyant cette information. Ces auteurs supposent que les pressions appliquées par ce type de
vêtement sont trop faibles pour produire un tel effet.
Les différentes études portant sur les effets du port de chaussettes de compression à l'effort ne permettent pas
de dégager un consensus qui confirmerait les effets observés au repos. L'absence, au sein de ces études,
d'information sur les pressions appliquées ou encore l'impossibilité de réaliser des études en double aveugle ne
permettent pas d’aboutir à des résultats concrets.
5. Effets de la compression élastique externe lors de la récupération
Maton et al. [22] réfutent l’hypothèse d’une diminution du temps de récupération par le port de chaussettes de
compression. Il était attendu grâce à l’augmentation de l’efficacité de la pompe musculaire une restauration plus
rapide du métabolisme initial, avec comme conséquence une diminution du temps nécessaire pour recouvrer le niveau
de force initial [22]. L’absence d’effet de la chaussette de compression est attribuée à plusieurs causes.
La première est que le mécanisme de pompe musculaire (essentiellement attribué au mollet) n’est que peu sollicité
pendant la récupération, comme en témoigne le niveau d’activité EMG très bas [22].
La seconde est que la récupération de force peut également dépendre de la récupération de la fatigue centrale, facteur
sur lequel les chaussettes n’ont, selon Maton et al. [22], aucun effet.
Cependant, ces auteurs suggèrent que les chaussettes de compression pourraient accélérer le processus de récupération
si des contractions dynamiques rapides, et donc activant de manière importante la pompe musculaire, étaient réalisées
durant la récupération. On pourrait par exemple imaginer l'utilisation combinée de la compression et de
l'électrostimulation sur le mollet (ndlr).
Enfin, Maton et al. [22] concluent que cette absence de résultats avec des pressions faibles (6 à 11mmHg) ne laisse pas
présager de l’effet que pourraient avoir des chaussettes induisant des PIM plus élevées.
Berry et McMurray [2] ont évalué chez des sujets sains l’effet du port de chaussettes de contention initialement
destinées à des patients souffrant d’insuffisance veineuse lors d’exercices épuisants de course et de pédalage. Ces
auteurs ont observé une diminution de la concentration de lactate veineux post-exercice en portant des chaussettes de
compression dégressive appliquant des pressions de 18 mmHg sur la cheville et 8 mmHg sur le mollet pendant
l’exercice et la récupération. Le fait que la concentration de lactate ne soit pas modifiée lorsque les chaussettes sont
portées uniquement pendant l’exercice amène ces auteurs à conclure que les chaussettes réduisent la diffusion du
lactate hors du lit musculaire après l’exercice. En d’autres termes, le lactate serait retenu par le muscle, probablement
à cause d’une inversion du gradient de pression [2]. Cette étude est régulièrement citée pour mettre en avant les effets
bénéfiques du port de chaussettes de compression à l’exercice. Cependant notons que le premier résultat est toujours
mis en avant, alors que la conclusion générale des auteurs est souvent passée sous silence puisque moins valorisante
pour les produits de compression.
Enfin, Jakerman et al. [41] montrent que le port de chaussettes de compression (niveau de pression non précisé)
améliore la récupération 24, 48 et 72h (augmentation de la performance post-récuperation, diminution de la perception
subjective de la douleur) après des exercices de pliométrie (saut avec contre-mouvement) chez de jeunes femmes.
Rimaud et al. [42] se sont intéressés à l'influence du port des chaussettes de compression progressives (22mmHg au
mollet, 12mmHg à la cheville) lors d'un test d'effort maximal en vélo et lors de la récupération passive (1h postexercice) sur la cinétique de disparition du lactate sanguin. Si le port de chaussettes lors de l'exercice semble conduire
à une diminution de la capacité d'échange du lactate en raison de troubles du flux sanguin lors de la récupération
passive (mêmes chaussettes que lors de l'effort), la capacité d'élimination du lactate augmente. Néanmoins, de l'avis
des auteurs, l'efficacité du port des chaussettes de compression lors de la récupération passive reste très limitée.
Les quelques résultats concernant l’application de pressions pendant l’exercice et/ou pendant la récupération
suggèrent que des pressions jusqu’à 30 mmHg sont appropriées pendant la phase de récupération, mais trop
importantes pour être appliquées pendant l’exercice. Ainsi, il n’est pas impossible que les effets négatifs
rapportés chez les sujets sains lors de la locomotion soient dus en partie à des pressions externes excessives. En
effet, de nombreuses études [4,11,14,24] ont montré que l’application de pressions relativement faibles suffisait
à produire des augmentations du retour veineux et du débit sanguin. Durant l’exercice, il serait intéressant de
tester des pressions intermédiaires entre 30 mmHg à la cheville [5], et les pressions appliquées par un collant de
course standard [1] qui sont bien souvent inférieures à 5 mmHg au mollet.
6. Conclusion
La mise au point de chaussettes de compression externe destinées à des sujets sains nécessite de prendre en compte la
physiologie vasculaire chez cette population. Il est aussi nécessaire de considérer les différents mécanismes mis en
œuvre en fonction de la position et de l’exercice musculaire pour développer un produit spécifique à un usage. Cela
tend à montrer qu’il n’est pas satisfaisant d’utiliser un traitement développé pour certaines pathologies vasculaires et
de le transférer à une population saine ou sportive, sans prendre en compte les différences physiologiques importantes
entre ces populations. Pour le sujet sain dont les mécanismes assurant le retour veineux (en position orthostatique et
lors de la locomotion) sont considérés comme fonctionnels, il est nécessaire de ne pas dépasser des pressions de 30
mmHg à la cheville, voire 18 mmHg au mollet pour un produit destiné à un exercice mobilisant des masses
musculaires importantes (e.g., marche, course). Pour un produit destiné à être porté lors de la récupération, c’est-à-dire
en absence de toute activité des membres actifs, les pressions peuvent être légèrement supérieures, bien que la
diminution de la stase veineuse et l’amélioration du retour veineux se produisent à partir de pressions de l’ordre de
15–20 mmHg au mollet. Des pressions trop importantes n’apportent non seulement pas de gain significatif, mais
peuvent conduire à une altération de la circulation sous-cutanée.
Enfin, l'intérêt des vêtements compressifs dans le domaine sportif pourrait être dans le maintien musculaire pendant
les efforts engendrant un grand nombre de microtraumatismes musculaire. C'est un domaine qui demande également à
être abordé scientifiquement.
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