Rééducation Orthophonique

Transcription

Rééducation Orthophonique
44e Année
Juin 2006
Trimestriel
N° 226
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Fondatrice : Suzanne BOREL-MAISONNY
La déglutition
dysfonctionnelle
Rééducation
Orthophonique
Rencontres
Données actuelles
Examens et interventions
Perspectives
Fédération Nationale des Orthophonistes
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Sommaire
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N° 226
Rééducation Orthophonique, 145, Bd Magenta, 75010 Paris
Ce numéro a été dirigé par Gilles Leloup et Isabelle Eyoum, orthophonistes.
LA DÉGLUTITION DYSFONCTIONNELLE
Une approche pluridisciplinaire
de la rééducation de la déglutition dysfonctionnelle.
Gilles Leloup, orthophoniste, Paris
1. La rééducation de la déglutition dysfonctionnelle
vue par une orthophoniste débutante,
Anne Thaler-Seguin, orthophoniste, Nogent-sur-Marne
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1. La déglutition dysfonctionnelle, quoi de neuf ?
Edith Lejoyeux, Professeur d'orthopédie dento-faciale, Paris
2. Sémiologie de la déglutition dysfonctionnelle
et des dysfonctions oro-faciales,
Gilles Leloup, orthophoniste, Paris
3. Rééducation de la déglutition : intérêts et limites,
Gisèle Thépault, orthodontiste, Aulnay-sous-Bois,
Maryvonne Fournier, kinésithérapeute, Paris
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1. Place de l’orthophoniste dans les traitements orthodontiques,
Eric Allouch, orthodontiste, Levallois-Perret
2. Réharmonisation des arcades dentaires,
Claude Lumbroso, orthodontiste, Paris
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3. Les priorités de la rééducation,
Maryvonne Fournier, kinésithérapeute, Paris
4. Prise en charge de l’adulte « demandeur »
de rééducation de déglutition dysfonctionnelle,
Isabelle Eyoum, orthophoniste, Nogent-sur-Marne
5. Réponses de l’orthophoniste face à un frein de langue,
Bernard Sergent, Chantal Zbinden-Trichet, Arnaud Picard,
Service de Chirurgie Maxillo-faciale et Plastique,
Hôpital d’enfants Armand Trousseau, Paris
6. La glossoplastie : un geste mutilant à proscrire,
Laurence Benouaiche, Chef de Clinique Assistant,
Chirurgie Plastique, Maxillo-faciale et Stomatologie Pédiatrique,
CHU Necker-Enfants-malades, Paris
7. Glossoplastie et freinectomie du point de vue de l’orthophoniste,
Agnès Randon, orthophoniste, Le Pré Saint-Gervais
8. La chirurgie maxillo-faciale et la prise en charge orthophonique,
Thierry Loncle, chirurgien, Paris,
Laurence Mouton, orthophoniste, Clermont-en-Argonne
9. La rééducation orthophonique pré et post-opératoire
des dysmorphoses maxillo-mandibulaires,
Laurence Mouton, orthophoniste, Clermont-en-Argonne
1. La langue, organe clé des oralités,
Catherine Thibault, orthophoniste, Paris
2. La langue dans le concept ostéopathique,
Thierry Leboursier, ostéopathe, Paris
3. Traitements fonctionnels des Dysfonctions de l’Appareil Manducateur,
Frédéric Martin, Sonia Brunet, Christèle Gau, orthophonistes, Paris
4. Cervicalgie, rôle de la langue dans les traitements
dento-posturomandibulogiques,
Jacques Brassecasse, chirurgien-dentiste,
Alexandre Serge Puenté de Blas, prothésiste-dentaire, Courcouronnes.
5. Dysphagie et déglutition dysfonctionnelle,
Gilles Leloup, orthophoniste, Paris,
Isabelle Eyoum, orthophoniste, Nogent-sur-Marne.
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Une approche pluridisciplinaire de la rééducation
de la déglutition dysfonctionnelle
Gilles Leloup
Orthophoniste
Attaché de consultation à l’hôpital Trousseau, doctorant à Paris VII,
Chargé d’enseignement au centre de formation en orthophonie de Paris
3 bis rue Louise Michel
92300 Levallois-Perret
L
a pluridisciplinarité se construit autour d’échanges théoriques et cliniques. La rencontre entre orthodontiste, chirurgien–dentiste, stomatologue, ostéopathe, kinésithérapeute, psychologue et orthophoniste veut
souligner que la déglutition dysfonctionnelle ne se résume pas seulement à une
rééducation de la langue mais à une prise en charge globale des dysfonctions
oro-faciales, des dysmorphoses dento-alvéolaires, de l’équilibre postural et de
son oralité.
En France, Romette (1975) fut une des premières à essayer de définir une
classification des comportements neuro-musculaires lors de la déglutition. Elle a
opposé d’une part la déglutition fonctionnelle subdivisée en déglutition fœtale,
primaire, infantile, mature et d’autre part la déglutition dysfonctionnelle décrite
en fonction de l’asynchronisme des muscles masticateurs. Cette hypothèse de
travail reprise par de nombreux auteurs, a l’avantage de ne pas définir comme
pathologique un processus de maturation connu : le geste de déglutition, et
d’aborder cette anomalie en référence à la posture mandibulaire. Ce processus
renvoie à l’interrogation sur la normalité et la variabilité du geste de déglutition
chez l’adulte. La relation entre ventilation et posture linguale est systématiquement associée au diagnostic d’une anomalie du premier temps de la déglutition.
Cette réflexion sur le diagnostic des dysfonctions linguales est menée
parallèlement aux travaux de Barrett (1978), l’initiateur de la myothérapie fonctionnelle et de Garliner (1983). Un premier cours fut organisé en France en
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juillet 1971. Cette rééducation est certainement la plus répandue. Elle a donné
lieu à des adaptations plus ou moins fidèles. Elle repose sur un ensemble de
techniques d’éducation et de rééducation des fonctions musculaires oro-faciales
comme la ventilation, les postures (labiales, linguales, mandibulaires), la mastication et la déglutition. Si l’école américaine a introduit le concept de prise en
charge des dysfonctions oro-faciales, elle développera et affirmera la responsabilité prédominante de la langue dans l’étiologie des dysharmonies dentaires
pour ensuite se rétracter.
Il en reste (tout du moins en France et chez les orthophonistes) l’idée que
la langue est coupable de tous les maux, surtout lors de la déglutition. Mais,
comme le rappelle, E.Lejoyeux dans son article, il est acquis que les pressions
exercées lors de la déglutition ne sont plus considérées comme des facteurs étiologiques significatifs, de l’œuf ou de la poule, les causes sont multifactorielles
et la place de la ventilation prépondérante dans l’enchaînement dysfonctionnel.
Quel lien entre les travaux de Romette et de Barrett ? L’une est orthodontiste, l’autre rééducateur. Tous deux développeront des méthodes d’évaluation et
de classification mais pour l’une, la finalité est la stabilité du traitement orthodontique, pour l’autre la rééducation de la langue et particulièrement le geste de
déglutition.
Le défaut du thérapeute est de vouloir répondre trop vite à un symptôme
par une technique rééducative compromettant l’efficacité du traitement car ignorant les troubles associés et l’étiologie de la dysfonction. La déglutition fixe les
conduites rééducatives au détriment de la prise en charge des autres fonctions.
Une importance est donnée à l’articulation qui tout comme le geste de déglutition est soumise à une grande variabilité de réalisation. L’ensemble des facteurs
associés au mouvement et la position linguale est négligé.
L’orthodontiste craint pour la stabilité du traitement. Lorsqu’il diagnostique une déglutition « atypique » et demande une rééducation de la déglutition, il donne rarement des informations sur l’articulé dentaire ou sur un trouble
de la ventilation, les liens entre langue et troubles associés ne sont pas toujours
évoqués. Depuis plusieurs années, le concept d’éducation fonctionnelle qui
consiste à proposer des écrans labiaux, vient en partie résoudre les problèmes de
fonction.
Il semble que pour l’un et l’autre la réponse se veut rééducative ou éducative mais qu’il manque une grille commune d’évaluation et une recherche de
diagnostic différentiel. Car si la rééducation de la déglutition et la pose d’appareillage mobile donnent dans la plupart des cas de bons résultats, il reste des
patients réfractaires aux traitements sans que cela ne relève nécessairement de la
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chirurgie maxillo-faciale. Sur ce sujet, L.Mouton fera part de son expérience de
la rééducation pré et post chirurgicale et des récidives.
Comment avancer ensemble dans la prise en charge des dysfonctions linguales ?
Tout d’abord, je pense qu’une grande partie des rééducations de la déglutition dysfonctionnelle peuvent être traitées dans le cabinet de l’orthodontiste
soit par appareillage mobile, soit par une explication des conséquences sur le
futur traitement et par la proposition d’exercices. La succion du pouce est généralement bien négociée « au fauteuil ». Si elle perdure, il est alors nécessaire
de faire appel à un thérapeute extérieur. De même, lorsque des questions se
posent sur les risques de récidive de traitement, sur la capacité d’un patient à se
motiver, sur une résistance aux forces activées en bouche, elles doivent amener
le praticien à adresser le patient à un rééducateur.
La place de l’orthophoniste, du kinésithérapeute est de pouvoir faire un
diagnostic différentiel des dysfonctions oro-faciales, de prendre en charge des
patients avec une problématique autour de l’espace-bouche. Leur rôle est aussi
d’accompagner le traitement orthodontique, d’expliquer qu’il n’est pas possible
de corriger une posture ou un mouvement du fait de l’environnement musculaire
ou de l’articulé, de rappeler que la déglutition dysfonctionnelle est la conséquence, le plus souvent, d’une cascade dysfonctionnelle dont les marqueurs sont
la ventilation buccale, la posture linguale basse et des parafonctions (Leloup,
2004). Ce point sera développé dans une approche de la sémiologie de la déglutition dysfonctionnelle.
La trame de ce numéro est d’apporter à chacun une part de réflexion sur
le diagnostic des dysfonctions oro-faciales, de ne pas limiter la langue à la
déglutition. L’introduction d’A.Thaler-Seguin, jeune orthophoniste, illustre bien
la complexité de cette rééducation, la nécessité de se former et d’avoir une
connaissance de l’anatomie et des fonctions. La rééducation de la déglutition est
souvent considérée comme une rééducation mineure car simpliste. Son
approche nécessite une évaluation précise des dysfonctions orales. La lourde
tâche de faire un point sur les travaux autour des interactions forme-fonction est
assumée par E. Lejoyeux, professeur d’orthopédie dento-faciale. Elle décrit le
concept d’éducation fonctionnelle qui constitue un moyen de neutraliser les dysfonctions au cabinet. G. Thepault, orthodontiste, nous invite à réfléchir sur les
intérêts et les limites de la rééducation, de la relation entre les maloclusions et la
posture linguale. Elle propose un protocole sur la chronologie des différentes
étapes de rééducation et orthodontique. Ce protocole a été conçu en partenariat
avec M. Fournier, kinésithérapeute qui nous rappelle les priorités de la rééduca-
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tion. Car cette rééducation n’est pas de la seule compétence des orthophonistes.
Elle fait partie d’un territoire partagé avec les kinésithérapeutes qui bénéficient
aussi d’une formation anatomo-fonctionnelle. On doit à M. Fournier d’avoir
défini une prise en charge systématique de la ventilation.
Ces auteurs soulignent la complexité des relations entre la langue, les
limites à se focaliser sur un geste atypique ou primaire de déglutition. Ils invitent à réfléchir sur la posture linguale de repos et sur la place prépondérante de
la ventilation dans le maintien des dysfonctions linguales.
Le bilan et la prise en charge des fonctions oro-faciales doit aussi reposer
sur une connaissance des anomalies orthodontiques dans le sens sagittal, vertical et transverse. La langue est un muscle de compensation, il faut pouvoir analyser sa place selon l’état de l’articulé dentaire et l’importance de la dysharmonie dento-alvéolaire. E.Allouch, orthodontiste, nous en fait une description et
nous spécifie que le traitement orthodontique ne se résume pas à déplacer des
dents mais « à créer ou construire une occlusion thérapeutique stable qui soit
compatible avec l’enveloppe fonctionnelle du patient ». La stabilité du traitement dépend de la qualité de l’occlusion et de la normalisation des facteurs
fonctionnels. Sur ce sujet, C. Lumbroso, également orthodontiste, apporte sa
conception du traitement orthodontique et occlusodontique. Il pose la question
des rapports entre l’occlusion, la croissance condylienne, la ventilation et les
fonctions oro-faciales et décrit les orientations du traitement orthodontique.
La clinique est peu exposée dans ce numéro, nous renvoyons le lecteur à
l’ouvrage collectif paru en 2004 : « les approches thérapeutiques en orthophonie » sous la direction de T. Rousseau. Cependant la rééducation de la déglutition dysfonctionnelle de l’adulte est abordée par I. Eyoum. Cette prise en charge
est particulière, elle nécessite patience et psychologie et elle est de longue durée
car il faut pouvoir désamorcer le processus dysfonctionnel.
Un espace a été réservé à la prescription d’une rééducation des fonctions
linguales suite à une intervention sur le frein de la langue, ou bien, suite à une
glossoplastie. La nécessité d’une rééducation après une frénoplastie est débattue. Selon B. Sergent, elle n’est pas nécessaire. Cet auteur, chirurgien-stomatologue, nous apporte des réponses face à la question d’un frein trop court. La
rééducation est abordée par A. Randon qui fait part de son expérience dans la
prise en charge de patient après glossoplastie. Cette intervention est considérée
par L. Benouaiche comme un geste mutilant à proscrire qui a des conséquences
somesthésiques, motrices et psychologiques. Cette opération chirurgicale n’est
réservée qu’en cas de lymphangiome de langue ou de macroglossie de Wideman
Becwith. Dans les autres situations, mêmes difficiles, les orthodontistes et les
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chirurgiens maxillo-faciaux parviennent à apporter des réponses à un trouble du
volume lingual.
L. Mouton, orthophoniste et T. Oncle, chirurgien, nous font part de leurs
expériences et de l’interdépendance entre le geste chirurgical et la rééducation
des fonctions de la face. L’intérêt de ce type de prise en charge est de mieux
comprendre comment la langue vient reprendre une place dans une nouvelle
« boîte linguale », comment l’environnement et l’équilibre musculaire s’harmonisent selon les différentes postures labiale, linguale et mandibulaire.
Ces approches rééducatives après intervention chirurgicale ne sont pas
différentes du travail « classique » d’une rééducation dysfonctionnelle et soulignent l’importance de la posture linguale au repos et de la prise en compte de
son environnement.
C. Thibault, orthophoniste ouvre la dernière partie consacrée aux perspectives, mais elle aurait pu commencer ce numéro, tant l’importance de la prise en
compte de l’oralité et du « moi lingual » est déterminante dans la réussite
d’une rééducation des fonctions linguales. Nous invitons le lecteur à consulter le
numéro de rééducation orthophonique consacré aux « troubles de l’oralité alimentaire chez l’enfant » qu’elle a coordonné.
Puis T. Leboursier, ostéopathe, nous décrit avec précision et clarté les
relations posturales. La langue, par ses relations avec plusieurs systèmes fonctionnels locaux, régionaux ou à distance est comme une toile d’araignée. Elle
entretient d’une part des relations avec le temporal, la mandibule, le pharynx
et l’os hyoïde, d’autre part avec la chaîne musculo-aponévrotique antérieure
(linguale) et avec le système cranio-sacré. La langue intervient régulièrement
dans la méthodologie diagnostique et thérapeutique ostéopathique. Ce champ
d’investigation est indispensable, il amène le thérapeute à réfléchir sur le diagnostic différentiel de déglutition dysfonctionnelle. La langue n’est bien souvent que l’informateur d’une anomalie de posture. Les traitements fonctionnels des dysfonctions de l’appareil manducateur suivent cette compréhension
globale de la personne. La définition de ces dysfonctionnements intègre la
notion de désordre cranio-mandibulaire et de désordres temporo-mandibulaires. Les patients présentent des dérangements articulaires, des douleurs aux
ATM, névralgies faciales, maux de tête acouphènes. F. Martin, orthophoniste,
nous décrit avec précision les troubles de l’occlusion, les dysfonctionnements
oro-faciaux et posturaux, leur diagnostic et leur prise en charge. C’est par le
traitement de pathologies complexes que l’on cerne l’enchevêtrement des
fonctions de la sphère oro-faciale et de ses liens avec son environnement musculaire et osseux.
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Dans un article original, J.Brassecasse, chirurgien-dentiste et A.S. Puente
de Blas, prothésiste, nous font part de leur expérience clinique sur les relations
entre dysfonctions linguales, la pose de prothèses dentaires et les pathologies du
dos.
Enfin, nous aborderons avec I. Eyoum, orthophoniste, les points de rencontre entre la déglutition dysfonctionnelle et la dysphagie. Pourquoi vouloir
dissocier des rééducations qui reposent sur le même axe anatomo-fonctionnel ?
La myothérapie fonctionnelle a, aux Etats-Unis, toute sa place dans le traitement des dysphagies. Il faut faire reposer le bilan et la rééducation sur une
connaissance du normal et du pathologique selon l’appareillage neuro-anatomique. Aux troubles de déglutition s’associent dans notre champ de compétence
la phonation, l’articulation et la rééducation vélo-tubo-tympanique. Les
démarches d’analyse et rééducatives sont identiques.
La réussite du traitement des fonctions oro-faciales est sous la dépendance de la motivation du thérapeute, d’un travail pluridisciplinaire et de la prise
en compte de la globalité corporelle et psychique de nos patients..
REFERENCES
BARRETT, R.H., HANSON, M.L. (1978). Oral myofunctional Disorders. St.Louis : Mosby.
LELOUP G., LANGEL C., PERSONNAZ B. (2004). Rééducation des fonctions oro-faciales :
rééducation de la déglutition dysfonctionnelle ou atypique (pp 29-67). In Les approches
Thérapeutiques en Orthophonie. Isbergues : Ortho Edition.
ROMETTE, D. (1982). Les déglutitions. Orthod Fr, 53, 565-569.
Sous la direction de ROUSSEAU, T. (2004). Les approches Thérapeutiques en Orthophonie. Isbergues :
Ortho Edition.
Sous la direction de THIBAULT, C. (2004). Les troubles de l’oralité alimentaires chez l’enfant.
Rééducation Orthophonique, n°220. Isbergues : Ortho Edition
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La rééducation de la déglutition dysfonctionnelle vue par une orthophoniste débutante
Anne Thaler-Seguin
Résumé
Cet article rend compte du regard que porte une orthophoniste débutante sur la rééducation
de la déglutition dysfonctionnelle. Après un bref aperçu de la formation théorique reçue en
ce domaine, nous montrons l'apport indispensable des stages pour acquérir des repères cliniques et découvrir la diversité d'une prise en charge, plus intéressante qu'il n'était apparu
initialement.
Mots clés : déglutition dysfonctionnelle, formation théorique, stage, adaptation de la prise
en charge, repères cliniques
Speech and language therapy of dysfunctional swallowing: a
beginner’s point of view
Abstract
This article presents a beginner speech and language therapist’s point of view on the therapy of dysfunctional swallowing. After a brief overview of the theoretical teachings received
in this field, we underline the essential benefits of practical training both for the acquisition
of clinical landmarks and for an exposure to the diversity of the rehabilitation process, a process which turned out to be more interesting than we initially surmised.
Key Words : Speech and language therapy of dysfunctional swallowing: a beginner’s point
of view
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Anne THALER-SEGUIN
Orthophoniste
11 rue Saint Quentin
94130 Nogent-sur-Marne
Courriel : [email protected]
D
urant la formation initiale, la rééducation de la déglutition dysfonctionnelle fait l'objet d'un TD de 2 heures. Résolument pratique, ce cours,
donné en groupe restreint, a l'ambition de nous proposer une marche à
suivre pour ce type de prise en charge.
Effectivement, l'enseignant réussit ce tour de force de passer en revue
tous les éléments essentiels à connaître, à savoir les médecins prescripteurs,
les circonstances fréquentes de cette rééducation, le profil des patients
concernés, les différents volets du bilan et le programme de rééducation, le
tout en l'espace de 2 heures. Muni de son matériel de rééducation, il parvient
même à agrémenter son tour d'horizon de quelques mises en garde savoureuses, telle que la protection du bureau contre une projection d'eau inopinée, au moment de l'exercice de la cage à eau ou encore le rappel d'un signe
qui doit alerter : un enfant rouge écarlate quand on l'empêche de respirer par
la bouche!
Conscient de la rapidité de cet apprentissage, l'enseignant doit estimer
que nos stages nous permettront ensuite d'approfondir cette base de travail,
notamment ceux effectués en stomatologie. Mais il faut savoir que ce dernier est
optionnel dans le cursus des stages et que, de toute façon, les places sont en en
nombre insuffisant pour toutes les demandes. Quant au stage libéral, il n'offre
pas systématiquement cette opportunité, selon les pathologies que le maître de
stage choisit de traiter dans son cabinet.
♦ La nécessité d'une fo rm a t i o n c o m p l é m e n t a i re en sta ge
Il apparaît a posteriori que les observations effectuées en stage sont essentielles pour mener à bien cette prise en charge, qui ne ressemble guère à cette
mécanique bien huilée, dont le TD donne involontairement l'image.
La première difficulté se présente au moment de l'étape initiale du bilan :
comment peut-on relever des anomalies de posture linguale, de dysmorphose
dento-alvéolaire, de respiration, de tonicité orbiculaire ou encore d'éventuelles
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contractions faciales, si l'on ne dispose pas de points de référence visuels, issus
de l'observation attentive de patients ? Aussi précise soit-elle, une description
anatomique et physiologique de la déglutition dysfonctionnelle ne peut remplacer à elle seule les bénéfices d'une observation in situ, à moins qu'elle ne soit
étayée de supports visuels de qualité, tels que des photographies en gros-plan et
des petits films-vidéo.
Or l'importance du bilan m'apparaît encore plus clairement aujourd'hui,
depuis que j'ai pu expérimenter moi-même cette prise en charge. C'est notamment cette étape qui m'a permis d'appréhender la variété des rééducations de la
déglutition.
En premier lieu, cette diversité résulte de la multiplicité des dysfonctions
que l'on peut observer : en effet, en faisant l'inventaire précis des caractéristiques morphologiques et fonctionnelles de la zone oro-faciale des patients, j'ai
pris conscience d'un fait évident pour une orthophoniste confirmée : une bouche
ne ressemble à aucune autre bouche ! Pourtant, lors de mes études, je croyais en
un type globalement homogène de déglutition dysfonctionnelle, mis à part
quelques caractéristiques secondaires. Or, de cette spécificité morphologique et
fonctionnelle propre à chaque patient, découle l'adaptation du programme de
rééducation, qui doit se modeler à ses dysfonctions particulières.
Mais la variété de cette rééducation ne résulte pas des seules données anatomo-fonctionnelles des patients. Elle tient aussi à l'éventail de populations, qui
peut être concerné par ce geste dysfonctionnel de déglutition : enfants, adolescents et quelquefois adultes. Pour ces patients d'âge divers, on ne peut pas tenir
le même discours et avoir la même attitude, sous peine de recueillir au mieux
une attention polie, sinon une indifférence marquée. En effet, on nous l'a signalé
suffisamment lors de la formation : si l'on veut atteindre le résultat escompté, on
doit obtenir du patient un réel investissement dans la rééducation. Rien qu'en
cela, celle-ci apparaît beaucoup moins simple et mécanique qu'on pouvait le
supposer à première vue.
Ainsi, lorsqu'on a l'occasion d'observer cette rééducation chez un adolescent, on s'aperçoit du caractère original de cette prise en charge. Touchant une
zone plutôt intime et à forte charge affective (la bouche), de plus à un âge où les
sentiments de pudeur et de gêne dans le rapport au corps peuvent être parfois
exacerbés, la rééducation se doit alors d'être décontractée et doit laisser place à
l'humour pour mettre à l'aise le patient. Bien sûr, pour toutes les praxies linguales un peu délicates, on n'hésite pas à donner soi-même le bon modèle. Cela
aide le patient à dépasser sa retenue première mais cela demande un petit entraînement préalable devant un miroir ! Car, on ne réussit pas toujours, par
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exemple, à faire la "langue de rat" du premier coup…
Avec des enfants, on s'attache plutôt à présenter les exercices comme des
jeux pour contrecarrer l'ennui qu'ils peuvent ressentir lors de certaines praxies,
et ce, même s'ils ont compris l'enjeu de la rééducation. Il faut rester vigilant
devant les signes de désinvestissement qu'ils expriment et qui laissent à penser
que l'entraînement quotidien à la maison n'est pas effectué. Aussi essaie-t-on de
trouver un équilibre entre la décontraction et le maintien d'une exigence de
régularité dans le travail. Trouver la bonne attitude à avoir, élément qui apparaît
comme un facteur important de réussite, est, reconnaissons-le, grandement facilité par l'observation de la manière de faire des maîtres de stage. Si tant est qu'on
puisse y adhérer, bien entendu! Mais de façon générale, c'est une des rééducations, me semble-t-il, qui se nourrit le plus du savoir-faire des aînés.
Avec des adolescents plus mûrs ou avec les adultes, on utilise un tout
autre registre : on peut étayer son programme de rééducation d'informations
scientifiques, qui donnent du poids aux exercices proposés, suscitent la curiosité
et viennent renforcer la motivation. Ainsi, les patients sont toujours surpris d'apprendre que l'être humain avale environ 2000 fois par jour sa salive. Or, cette
donnée physiologique permet facilement de comprendre les conséquences sur
les articulés dentaires d'une protrusion linguale à la déglutition, même si on sait
aujourd’hui que l’origine des dysharmonies dento-alvéolaires est plurifactorielle
(génétique, langue, respiration, posture).
Mais c'est aussi une population plus exigeante, dans la mesure où certains
n'hésitent pas à nous questionner sur la raison d'être de chaque exercice. Or la
réponse ne supporte pas l'à peu près, notamment si l'on souhaite que l'exercice
soit réalisé avec sérieux. De surcroît, avoir soi-même pleinement conscience de
l'importance de chaque exercice nous conforte dans l'idée de ne pas avancer tant
que le patient ne réussit pas parfaitement l'étape en cours. Mais encore faut-il
avoir le minimum d'expérience qui permet de savoir quand le patient maîtrise
suffisamment le geste recherché.
Ce niveau de maîtrise et la culture scientifique qui l'accompagne ne peuvent s'obtenir qu'avec un véritable approfondissement de la prise en charge.
♦ C o n c lusion
Grâce aux stages effectués en libéral, j'ai eu maintes fois l'occasion d'observer cette rééducation et j'ai ainsi pu compléter la formation reçue en faculté.
Ainsi, c'est sans trop d'inquiétude que j'ai abordé mes premières rééducations de
déglutition dysfonctionnelle, car j'avais les références cliniques nécessaires pour
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évaluer cette fonction. De plus, j'avais une idée du langage à tenir au patient
mais aussi aux parents, que j'inclus dans la prise en charge au moment du bilan,
en les informant de ce que je découvre. Généralement, ils deviennent alors des
partenaires actifs de la rééducation.
La qualité du travail observé en stage m'a aussi permis d'investir cette
rééducation différemment que je ne l'aurais fait avec ma seule formation théorique, même complétée de recherches personnelles dans les ouvrages spécialisés. J'ai découvert une prise en charge plus variée, plus exigeante et plus pointue
d'un point de vue scientifique que je ne l'avais imaginé.
Les orthophonistes que cette rééducation n'intéresse pas, auraient peutêtre un regard différent sur cette prise en charge s'ils avaient pu bénéficier d'une
formation plus approfondie, qui ne tienne pas simplement au hasard des stages.
Car, après tout, celle-ci apporte, quand on exerce en cabinet libéral, une bouffée
d'air frais au sein du large pan des rééducations du langage écrit.
REFERENCES
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La déglutition dysfonctionnelle : quoi de neuf ?
Edith Lejoyeux
Résumé
Les travaux de recherche sur les interactions forme - fonction apportent peu d’éléments
nouveaux. Les pressions exercées lors de la déglutition dysfonctionnelle ne sont plus considérées comme des facteurs étiologiques significatifs. Facteurs aggravants mais non déterminants, elles doivent être éliminées pour faciliter le traitement orthodontique et assurer une
meilleure stabilité des résultats. Les techniques d’éducation fonctionnelle se développent au
cabinet d’orthodontie. Respiration, déglutition et fonction labiale sont considérées comme
un ensemble indissociable dans lequel la respiration nasale joue un rôle prépondérant.
Mots clés : déglutition dysfonctionnelle, respiration, fonction labiale, éducation fonctionnelle.
Dysfunctional swallowing: What is new in the field ?
Abstract
Research on interactions between form and function is scarce. Abnormal pressure during
tongue thrusting is no longer considered of clinical significance if postural positioning is
normal. Nevertheless, this problem should be resolved in order to facilitate orthodontic
correction and enhance the stability of results. Myofunctional therapy can be performed by
orthodontists with newly developed appliances in order to simultaneously control nasal
breathing, mature swallowing and mouth closure.
Key Words : dysfunctional swallowing, breathing, labial function, functional remediation.
Rééducation Orthophonique - N° 226 - juin 2006
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Edith LEJOYEUX
Professeur d'orthopédie dento-faciale
Faculté de chirurgie dentaire
Université Paris 7
16 rue de Tilsitt
75017 Paris
T
rès étudiée dans les années 50-80 en tant que facteur étiologique des
malocclusions, la déglutition, avec ses différentes modalités d’exécution,
a cessé d’être un sujet de controverses et d’études, du moins dans les revues
orthodontiques américaines.
L’évolution des chapitres des grands manuels américains est très révélatrice. Seul, « Contemporary Orthodontics » (3ed 2000) de Proffitt W.R12
consacre encore un chapitre complet à l’étiologie des problèmes orthodontiques.
Dans la série « Orthodontics, current principles and techniques » de
Graber T.M et Vanarsdall, R.L5, il faut remonter à la 2ème édition de 1994
pour trouver quelques pages consacrées au sujet à l’intérieur du chapitre « diagnostic et plan de traitement ». Dans la dernière édition de 2005, le thème a disparu. Il faut donc se tourner vers des revues médicales, ou vers des publications
consacrées à la physiologie orofaciale, si on cherche des avancées dans ce
domaine au cours des dix dernières années.
Les orthodontistes américains ont-ils donc résolu tous les problèmes
qu’ils se posaient en cette matière ? N’est-ce pas plutôt qu’en proie à la frénésie
esthétique qui secoue leur microcosme, ils ont abandonné un sujet momentanément résolu par les techniques de contention collées invisibles proposées bien
souvent pour la vie.
En France, où les praticiens s’intéressent toujours aux traitements interceptifs fonctionnels, l’idée continue à faire son chemin discrètement, comme le
montrent des publications de l’Orthodontie Française de 200113 et 2002 4.
♦ R appels généra u x
Le temps initial
C’est en absorbant le liquide amniotique dès la 12ème semaine in utero,
et parfois en suçant son pouce, que le fœtus développe les mouvements de suc-
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cion qui sont indispensables à sa croissance et à sa survie après la naissance.
« Le fœtus déglutit approximativement 5 ml/ de liquide par kg de poids à
l’heure, soit un total de 850ml par jour » (Derkay et Schechter)3.
Les fonctions de déglutition et de succion sont vitales pour le nourrisson.
La succion-réflexe induite par la stimulation des lèvres initie la déglutition. Succion et déglutition forment un couple indissociable. La cavité buccale est petite
car la mandibule est petite, la langue occupe tout l’espace et sa position de repos
est antérieure.
La déglutition est donc un comportement inné, avec un contrôle subconscient, qui évoluera sur le plan physiologique avec l‘âge et le contexte anatomique qui l’accompagne.
Chez l’enfant qui tète, déglutition et respiration sont intimement liées.
Le rythme des contractions des lèvres, de la langue et des mouvements de la
mandibule aboutit à une synergie qui évoque l’action d’un organe moteur
« composite ».
La déglutition inhibe la respiration.
La succion en tant que simple processus réflexe va se complexifier et
acquérir un contrôle conscient à mesure que se développent d’autres fonctions.
Jusqu’à l’âge de 3 mois, le nourrisson ne fait pas la différence entre aliments
liquides et solides et tente d’utiliser le même mode de succion pour les deux.
L a m a t u r a t i o n s e c o n d a i re
C’est avec l’apparition des fonctions de phonation et mastication, que les
lèvres, les joues, la langue et la mandibule vont acquérir de nouveaux schémas
moteurs. Émettre des sons, mastiquer, déplacer la nourriture dans la bouche et
former le bol alimentaire sont autant de nouvelles fonctions indépendantes.
Elles induisent l’apprentissage de nouveaux schémas moteurs qui font intervenir
le niveau cortical. Le premier temps de la déglutition devient volontaire.
L’apparition des dents représente un changement majeur dans l’évolution
du contexte morphologique. Elle s’effectue progressivement, selon la règle des
quatre six (un groupe de dents chaque six mois). L’établissement de la denture
temporaire s’achève vers 3 ans avec la mise en place des secondes molaires
temporaires qui fixent les rapports d’occlusion. La présence des dents constitue
un élément majeur de transformation du contexte buccal, à la fois physique et
physiologique.
Les dents délimitent une frontière entre la langue et l’enveloppe fonctionnelle constituée par les joues et les lèvres. Elles fixent une dimension verticale
ainsi qu’un rapport sagittal et transversal entre les mâchoires. Elles apportent
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un nouvel ensemble de récepteurs sensoriels et mécaniques qui introduisent des
schémas moteurs trigéminaux. Le règne de la motricité faciale exclusive pour le
déplacement synergique de la mandibule et de l’enveloppe faciale s’achève.
L’éducation de la mastication d’aliments solides va jouer un rôle considérable dans la maturation de la motricité linguale. Le premier temps de la déglutition est un processus extraordinairement complexe : la nourriture est écrasée
entre les dents en une série de cycles, au cours desquels la langue maintient le
bol contre le palais dur et le répartit dans la cavité buccale pour qu’il soit soumis
au broyage par les dents, jusqu’à un point d’insalivation et de finesse des particules considéré comme compatible avec sa déglutition.
Il faut une synergie exceptionnelle entre les muscles élévateurs : digastrique, génioglosse, géniohyoïdien et mylohyoïdien pour coordonner cette
action en évitant que la langue ne soit meurtrie par les dents. Les muscles intrinsèques de la langue forment la dépression initiale centrale qui permet au bol de
se rassembler puis de se disperser dans la cavité buccale. Le buccinateur maintient le bol entre les dents, tout comme il participait à la stabilisation de la
langue au cours de la déglutition au temps où l’enfant était édenté.
À cette phase, sous l’effet de la contraction du palatoglosse, le voile du
palais est appliqué contre la base de la langue, ce qui permet à la ventilation
nasale de se poursuivre.
Cette capacité d’avaler, de boire et de respirer simultanément caractérise
certaines espèces animales. Les nouveaux-nés avalent de manière rythmique
entre les respirations.
La déglutition de la salive bénéficie des progrès de la motricité linguale et
surtout de la rupture de la synergie langue-lèvres-joues. Elle s’effectue désormais arcades serrées, l’occlusion dentaire remplace la langue dans son rôle de
calage mandibulaire. Elle se produit environ 1000 fois par jour (800 fois le jour)
mais dure 1 seconde.
♦ Les dif f é re n t s m o d e s d e d é g l u t i t i o n
Le mode mature est présent chez certains enfants à partir de 3 ans, mais
dans la majorité des cas, il ne s’installe pas avant 6 ans. Il reste inachevé chez
10 à 15% d’une population adulte normale.
Le passage à la déglutition mature est retardé lorsqu’il existe des habitudes de succion ou lorsque les conditions anatomiques sont perturbées :
Le ve r r ouilla ge buccal antér ieur doit pouvoir êtr e obten u de f açon ph ysiolo gi q u e m e n t é c o n o m i q u e .
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Pour Ballard 1, la fermeture de l’orifice labial est une organisation réflexe
nécessaire à la déglutition. En présence d’une béance antérieure ou d’une malocclusion de classe 2 division 1, la persistance de la déglutition infantile :
arcades séparées, projection antérieure de la langue et contraction périorale pour
amener les lèvres en contact, est un mode d’adaptation efficace pour obtenir un
verrouillage buccal antérieur.
Dans ce cas, la correction du cadre squelettique permet au mode de
déglutition de changer spontanément.
La distance ve r ticale entr e le maxillair e supér ieur et la mandibule déter mi n a n t l ’ e s p a c e d é v o l u à l a l a n g u e d o i t ê t r e s u f fi s a n t e t a n t d a n s l a r é g i o n a n t é r i e u r e q u e d a n s l a r é g i o n p o s t é r i e u r e.
L’interposition de la langue entre les arcades dentaires constitue un excellent moyen d’augmenter la dimension verticale et donc l’espace qui lui est
dévolu. Dans les malocclusions de la classe II, une profonde supraclusion incisive s’accompagne d’une diminution de la hauteur de l’étage inférieur. Ces
sujets déglutissent arcades séparées avec interposition linguale.
Dans le cas des sujets de classe 2 division 1, la langue s’interpose sur
toute la longueur de l’arcade. Cette praxie est une double accommodation qui
vise à rétablir un espace suffisant pour la langue et le verrouillage buccal antérieur.
Dans les malocclusions de classe 2 division 2 avec bi-rétroalvéolie antérieure, l’interposition de la langue s’effectue au niveau des secteurs latéraux.
Comme dans le cas précédent, cette adaptation vise à augmenter l’espace disponible pour la langue. L’interposition ne se fait qu’au niveau des molaires car
l’orientation linguale des dents antérieures rejette la langue dans une position
postérieure.
Subtelny14 fait remarquer que, chez certains sujets présentant une distorsion de la mandibule par manque de développement vertical de la branche montante, on rencontre des langues projetées en avant.
Tout se passe comme si l’espace dévolu à la langue dans la région postérieure étant trop faible, la langue vient fonctionner dans une région antérieure
où l’espace utilisable est plus grand.
Il doit e xister une har monie entr e le volume lingual et la taille de l’ar c man dibu l a i r e.
Chez le jeune enfant, la langue atteint très vite sa taille définitive alors
que la croissance mandibulaire est loin d’être terminée. La dysharmonie entre le
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volume de la langue et la taille du maxillaire peut donc n’être qu’une étape
intermédiaire. Elle disparaîtra spontanément au cours du développement de
l’enfant ainsi que les praxies anormales.
La ventila tion doit êtr e nasale
Chez le nouveau-né, la respiration est nasale, la bouche étant close par le
contact actif de la langue contre la musculature labio-jugale.
À l’occasion d’un épisode fortuit d’obstruction des narines, l’enfant
acquiert le mécanisme de la respiration buccale. Celle-ci n’est donc pas un
réflexe inné mais un réflexe acquis dans le but d’une accommodation physiologiquement économique.
Les expériences de Harvold 6, 7 menées sur des singes en cours de croissance, montrent que l’obstruction totale des narines conduit l’animal à mettre
en place un système de ventilation orale qui lui est totalement étranger.
Du reste, il est nécessaire d’établir progressivement l’obstruction pour lui
permettre d’apprendre comment survivre en respirant par la bouche. L’expérience dure 18 mois.
Au bout d’un certain temps, la forme de la lèvre supérieure et celle de la
langue se modifient pour créer un conduit pour le passage de l’air. La lèvre
supérieure s’élève de façon rythmée tandis que les muscles de la lèvre inférieure ne semblent pas participer à cette adaptation. En règle générale, la hauteur de l’étage inférieur augmente, le plan mandibulaire devient plus oblique et
l’angle goniaque s’ouvre, différents types de malocclusions apparaissent.
Il faut attendre un an après la suppression de l’obstruction pour que la
respiration redevienne normale. La lèvre et la langue retrouvent une forme normale, mais les malocclusions persistent. Pour Harvold 7, il est évident que
« l’enfant possède des ressources au moins équivalentes à celles du jeune singe
lorsqu’il s’agit d’établir une respiration buccale ».
Ce type de respiration qui n’est au début qu’un processus d’adaptation
peut devenir une véritable habitude. L’enfant n’utilise plus que ce mode ou respire alternativement par le nez ou par la bouche. Les lèvres sont constamment
entr’ouvertes, empêchant la maturation de la fonction labiale.
Ceci se vérifie particulièrement bien chez des enfants qui présentent des
végétations ou des amygdales très volumineuses. Non seulement ils respirent
par la bouche, mais pour faciliter le passage de l’air, ils ont tendance à propulser leur mandibule au repos et en fonction. Il existe souvent une projection
associée de la langue au cours de la déglutition et de la phonation.
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Le couloir aérien doit avoir un volume suffisant pour permettre le libre
passage de l’air. On ne considérera pas tant, lors de l’examen clinique, la valeur
absolue du volume des tissus adénoïdiens que celle de l’espace ménagé entre
eux et la partie dorsale de la base de la langue.
L’inflammation chronique du pharynx peut créer un comportement lingual anormal. Pour éviter un contact douloureux au cours des différents mouvements de déglutition et de phonation, la mandibule est propulsée, la langue se
projette en avant.
♦ L e s i n t e r a c t i o n s fo r m e - fo n c t i o n
En Europe et en France tout particulièrement, de nombreux auteurs, à la
suite des travaux de Talmant 16, considèrent que la ventilation nasale joue un rôle
majeur dans la croissance faciale lié au caractère primordial de la fonction.
Les études menées par Linder Aronson 10 montrent de manière statistiquement significative que les enfants avec une obstruction pharyngée associée à
des végétations volumineuses et une réduction du flux aérien, ont une hauteur
faciale totale et inférieure plus élevée qu’un groupe témoin. Ils présentent aussi
des mandibules rétrognathiques et des plans mandibulaires plus obliques.
Après traitement chirurgical ORL et retour à la respiration nasale, il
observe un changement de direction de la croissance mandibulaire qui devient
plus horizontale que dans le groupe témoin. Comme chez le jeune singe, la disparition du stimulus environnemental se traduit par une adaptation favorable du
schéma facial.
L’auteur demeure prudent. Il conclut qu’il est souhaitable « d’éliminer
ou de minimiser le plus tôt possible les facteurs d’environnement qui influencent négativement la posture mandibulaire, l’occlusion et l’alignement
dentaire ». Les traitements orthodontiques pourraient bénéficier de conditions
plus favorables et être plus efficaces, même dans les types faciaux les moins
favorables. Le mode de respiration apparaît comme l’un des facteurs d’une
équation multifactorielle complexe et son rôle ne doit pas être surestimé. Même
significatives, les différences des valeurs observées pour la hauteur faciale sont
faibles. Ce facteur n’est certainement pas déterminant mais aggravant.
Du reste, une étude anglaise parue dans les années 50 9 et citée par Proffitt, montre que la répartition des malocclusions entre sujets d’un groupe témoin
et les patients d’une clinique ORL est presque la même.
Il est vraisemblable que « langue et voie respiratoire constituent dans
certaines conditions, une association de malfaiteurs par cumul des contraintes
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de l’une et de l’autre ». (H. Petit 11). La langue n’occupe jamais une position
haute normale lorsque la ventilation est buccale.
Si l’on admet avec G Couly 2 que « la langue est un incontestable appareil naturel d’orthopédie et de développement », on comprend que la ventilation
orale devient une cause majeure de l’endognathie maxillaire puisque la langue
exerce normalement une influence déterminante sur la croissance transversale
du maxillaire par son action sur la suture médiopalatine en conjonction avec
celle des muscles dilatateurs des narines.
Par son point d’appui musculaire mandibulaire antérieur, la langue
entraîne propulsion et abaissement de la mandibule et donc stimulation des
muscles propulseurs (ptérygoïdiens externes) et abaisseurs. Une langue qui se
projette en avant favorisera : prognathie mandibulaire et/ou excès vertical selon
son site appositionnel et ses caractères propres.
La déglutition avec interposition antérieure devient un facteur étiologique, si elle s’accompagne d’une position de repos de langue protrusive.
♦ L’éduca tion fonctionnelle
Tous les patients porteurs de malocclusions présentent un certain degré de
dysfonctions qu’il est nécessaire de neutraliser, si on veut intervenir pour les
intercepter ou les traiter avec une bonne chance de stabilité.
Le concept d’éducation fonctionnelle a donc remplacé la simple prescription de séances d’orthophonie. Déglutition, phonation et respiration constituent
un ensemble dont le dénominateur commun est la langue. Une récente étude 8 a
été menée dans le département d’orthodontie de l’université de Hambourg. Un
groupe de 45 enfants âgés de 3 à 16 ans nécessitant un traitement myofonctionnel a été divisé en deux groupes par tirage au sort. 19 enfants ont été confiés à
des orthophonistes en ville et servent de groupe contrôle, les 26 autres ont suivi
au sein de l’université, un programme d’éducation fonctionnelle avec un écran
labial souple. L’âge moyen dans les deux groupes est respectivement de 8,3 ans
et 8,4 ans. L’expérience a duré 6 mois. La supériorité du travail avec l’écran est
mise en évidence à la fois par la rapidité et l’intensité des résultats obtenus. La
respiration buccale est réduite significativement dans 70% des cas et le mode de
déglutition avec une posture linguale haute a évolué parallèlement. Les enfants
traités ont une augmentation significative de la force des lèvres. « L’amélioration constatée parallèlement de la respiration buccale et du mode de déglutition
souligne l’interaction entre la persistance du mode de respiration buccale et la
déglutition infantile soulignée par la littérature, et donc l’influence du mode res-
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piratoire sur la mise en place d’un mode physiologique de déglutition. La récidive du mode de déglutition est souvent due à l’échec de la correction de la respiration buccale ».
En méthode bioprogressive, « la prise de conscience, la motivation du
patient et l’éducation de ses fonctions font partie de la première étape de tous
les traitements ».
Ce travail est entrepris directement par le praticien après un examen clinique approfondi qui évalue systématiquement : les voies respiratoires nasopharyngées et le mode respiratoire, la déglutition, les habitudes para fonctionnelles, et la musculature périorale. Selon l’âge de l’enfant et le bilan ORL,
différents programmes sont proposés.
Lorsque la perméabilité des voies aériennes est acquise, l’éducation fonctionnelle associe systématiquement l’apprentissage de la respiration nasale, du
verrouillage buccal et de la déglutition sans interposition entre les arcades. Un
aspect ludique est donné au travail de l’enfant.
Chez les plus jeunes, l’écran labial (figures 1a et b) est facilement substitué à la tétine et le jeu consiste à retenir l’écran par la force des lèvres lorsque la
maman ou le praticien cherche à tirer dessus.
Chez les plus grands, on préfère les gouttières en silicone de type « position trainer T4K et T4B » mises au point par le groupe australien Myofunctional Research de Chris Farrell1 et popularisées par les travaux de D. Rollet 14
(figures 2a, b et c). Plus récemment, les EF1 et EF2 mis au point par la firme
Orthoplus ont fait leur apparition (figures 3a et b). Par leurs prolongements vestibulaires, ils permettent d’assouplir parallèlement les sillons labiomentonniers
profonds qui sont un frein à la correction des classes 2 par mouvement de glissement mésial de l’arcade mandibulaire.
Toutes ces gouttières sont construites en légère propulsion mandibulaire.
Elles présentent une surépaisseur latérale pour libérer les condyles mandibulaires, une surface vestibulaire rugueuse de stimulation de la lèvre inférieure et
une languette interne permettant à l’enfant de prendre conscience de la position
de sa langue et de la contrôler.
Le programme d’éducation fonctionnelle propose au patient un travail
quotidien. Le jour, après avoir nettoyé et mouché son nez, l’enfant est invité à
exécuter une ou deux séries d’exercices de ventilation nasale bilatérale et alternée lente, les lèvres closes pour éviter tout passage de l’air par la bouche.
1 www.myoresearch.com
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Ensuite, il porte l’appareil environ deux heures à la maison, au cours des activités de lecture, jeu ou travail à l’ordinateur, télévision. L’attention est concentrée
sur la fermeture des lèvres et le repérage de la posture linguale. À mesure que
s’éduque la ventilation nasale, l’enfant pourra conserver son appareil toute la
nuit. Les progrès sont en général rapides si la motivation de l’enfant et celle de
la famille ont été suscitées par la conviction du praticien, appuyée sur la présentation de cas similaires. Deux exemples cliniques illustrent ce travail.
Cas n°1 : Audrey âgée de 8 ans. Les photos du visage de face et de profil (figures 4 a et b) illustrent la dysfonction labiale avec interposition de la lèvre
inférieure. L’éducation fonctionnelle est réalisée à l’aide d’un EF2. (figures 5 a,
b, c et d).
Cas n°2 : une béance antérieure apparaît brusquement au cours de la
phase de recul incisif, chez une adolescente traitée en technique multiattache
bioprogressive après extraction des 14-24. Un T4B est utilisé. Des exercices de
ventilation sont prescrits. L’appareil est porté deux heures par jour après le collège et toute la nuit. Au bout d’un mois, la béance s’est refermée. L’éducation
sera maintenue jusqu’à la fin du traitement actif et pendant la phase de stabilisation. (figures 6 a et b).
♦ C o n c lusion
À l’heure actuelle, la dissociation des activités musculaires au cours des
différentes fonctions qui intéressent la sphère oro-faciale n’est plus possible. Il
est clair que la hiérarchisation des fonctions en fonction de leur date d’apparition et de leur rôle vital conduit à considérer que la respiration et la déglutition
ont partie liée. Il devient illusoire d’imaginer rééduquer la déglutition si la ventilation orale persiste, en particulier la nuit. C’est pendant cette longue phase de
repos, qui chez les jeunes enfants peut atteindre douze heures, que la posture
linguale influence le plus vraisemblablement la morphologie des arcades. Il
devient intéressant de proposer un système d’éducation fonctionnelle global
associant travail conscient le jour et travail passif la nuit. Les exercices de prise
de conscience de la position et des mouvements de la langue alternent avec le
port d’appareils souples permettant de mémoriser ces acquis dans le cadre d’un
mode de respiration nasal contrôlé.
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F ig 1a
F ig 1b
F ig 1a et 1b : Ecr an lingual
F ig 2b
F ig 2a
F ig 2c
F ig 2a, 2b, 2c : go u t t i è res en silicone de
type « p o s i t i o n t r a i n e r T 4 K e t T 4 B »
F ig 3a
F ig 3b
F i g 3 a e t 3 b : g o u t t i è re s e n s i l i c o n e E F 1 e t E F 2
F ig 4a
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F ig 4b
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F ig 4a, 4b : Cas n°1 :
Au d rey âgée de 8 ans. Visa ge
de f ace et de profil. Les photos
i l l u s t re n t l a d ysfo n c t i o n
la biale avec interposition de la
l è v re i n f é r i e u re
F ig 5a, 5b, 5c, 5d : Au d rey âgée de 8 ans. L’éducation fonctionnelle est réalisée à l’aide d’un EF2.
F ig 6a, 6b : C a s n°2 : u n e b é a n c e a n t é r i e u re ap p a r a î t b r u s q u e m e n t a u c o u r s de la phase de recul inci sif, c hez une adolescente tr aitée en tech n i q u e m u l t i at t a c h e b i o p rogr essive après ex t r action des 14-24. Un
T4B est utilisé. Des exe rcices de ventila t i o n s o n t p rescr its. L’a p p a reil est por t é d e u x h e u re s p a r j o u r
a près le collèg e et toute la n uit. Au bout d’un mois, la béance s’est ref e r mée . L’éduca tion ser a m a i n t e n u e j u s q u ’ à l a fi n d u t r a i t e m e n t a c t i f e t p e n d a n t l a p h a s e d e s t a b i l i s a t i o n .
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Sémiologie de la déglutition dysfonctionnelle
et des dysfonctions oro-faciales
Gilles Leloup
Résumé
Le terme de déglutition dysfonctionnelle doit être préféré à celui de déglutition atypique ou
de déglutition infantile. L’importance donnée à la langue dans le cadre des dysharmonies
dento-alvéolaires et plus particulièrement le rôle des pressions linguales exercées lors de
la déglutition sur les dents ne sont plus considérés comme déterminants. La déglutition
dysfonctionnelle n’est qu’un des marqueurs spécifiques des dysfonctions oro-linguales qui
doivent être relevés lors du bilan de la déglutition et des fonctions oro-myo-fonctionnelles.
Les trois autres marqueurs sont la ventilation buccale ou mixte, la posture linguale au
repos et les parafonctions. La ventilation buccale semble désormais considérée comme un
élément déterminant du maintien des dysfonctions oro-faciales.
Mots-clés : dysfonctions oro-faciales, déglutition dysfonctionnelle, ventilation buccale, posture linguale, parafonctions.
Dysfunctional swallowing and oral motor dysfunction
Abstract
The term “dysfunctional swallowing” should be preferred over “atypical swallowing” or
“immature swallowing”.
The importance given to tongue movement in the case of dental alveolar structural abnormality, and more specifically the impact of tongue pressure on the teeth during the swallowing process, are no longer considered as a determining factor.
Dysfunctional swallowing is only one of several specific markers of oral lingual dysfunction
to be taken into consideration during the assessment of swallowing and of the oral muscular
functions.
The three other factors are oral or mixed breathing, tongue posture at rest, and associated
functions. Oral breathing is now considered to be the determining factor in the maintenance
of oral and facial motor dysfunctions.
Key Words : oro-facial dysfunctions, dysfunctional swallowing, oral ventilation, tongue posture, parafunctions.
Rééducation Orthophonique - N° 226 - juin 2006
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Gilles LELOUP
Orthophoniste
Attaché de consultation
à l’hôpital Trousseau,
doctorant à Paris VII,
Chargé d’enseignement au centre
de formation en orthophonie de Paris
3 bis rue Louise Michel
92300 Levallois-Perret
L
a déglutition dysfonctionnelle n’est plus considérée comme un facteur
étiologique significatif des déformations dento-alvéolaires, les pressions
exercées lors de cette déglutition sont considérées seulement comme des
facteurs aggravants. La relation langue-forme garde une spécificité dans le cas
d’une infraclusion dans le sens vertical mais encore faut-il définir si cette poussée linguale est à porter au crédit du geste de déglutition, de la posture au repos
ou à un mouvement de succion. Est-ce à dire qu’il ne faut plus prendre en
compte ce trouble de déglutition ou bien développer un nouveau concept rééducatif dans le champ plus vaste des dysfonctions linguale et oro-faciales ?
Le bilan de la déglutition, tel qu’il est défini dans la nomenclature orthophonique, ne se limite pas à évaluer la normalité du geste de déglutition mais
doit aboutir à une observation précise de la langue et de son environnement
musculaire, osseux et dentaire. La langue est constituée de 17 muscles, elle est
un organe musculaire impair et médian, arrimée par sa base au plancher mais
libre dans sa partie antérieure. Elle constitue une véritable « toile d’araignée ».
La langue, de par sa place, sa mobilité, ses relations anatomo-fonctionnelles
avec les structures de son environnement, son rôle dans les fonctions de nutrition et de communication, est au centre des différents niveaux de traitement
gnosique et de coordination praxique. Elle contribue à l’équilibre musculaire de
la tête et du cou, équilibre qu’il faut savoir explorer. Il ne s’agit donc plus de
parler de déglutition mais de fonctions linguales dans le contexte général des
fonctions oro-faciales.
Le diagnostic orthophonique et la rééducation de la déglutition dysfonctionnelle reposent sur une connaissance des relations anatomiques et fonctionnelles (respiration, déglutition, succion), posturales et psychiques.
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♦ Le c hoix d’une terminolo gie
Préférer le terme de déglutition dysfonctionnelle à celui de déglutition
atypique, infantile ou immature découle de la nécessité d’une classification précise des comportements neuro-musculaires et d’une normalisation du vocabulaire rencontré dans la littérature. La normalité du geste de déglutition est discutable tout comme les différentes périodes de maturation du geste de déglutition.
Les termes de déglutition primaire, déglutition infantile ou encore
juvénile recouvrent de façon imparfaite la réalité clinique des dysfonctions linguales. Parler de déglutition primaire, c’est faire référence au geste de succiondéglutition du nourrisson : la langue est posée sur le mamelon ou la tétine avec une
coaptation étanche des lèvres et un va-et-vient lingual réalisant le vide intra buccal
: le lait est aspiré. La protraction linguale fait intervenir le muscle transverse et le
génio-glosse qui prennent appui sur le plancher de la langue (le mylo-hyoïdien), ce
geste de protraction est suivi d’une rétraction linguale et d’un abaissement de la
mandibule (le digastrique et le génio-hyoïdien). C’est ce même geste de succion
qui est décrit chez le suceur de pouce, chez l’enfant ou l’adulte pulseurs.
Il semble que ce ne soit pas la pulsion linguale qui soit la principale responsable des désordres dentaires mais la posture mandibulaire et la posture linguale. Lors d’un geste de succion répétitive souvent activée sous l’effet du stress
ou compulsionnelle, la poussée linguale entraîne une déformation dans le sens
vertical de type supraclusion incisive avec parfois contact palatin. La responsabilité de la langue ne porterait donc pas sur l’acte de déglutition. Les déformations dans le sens transversal ne peuvent être expliquées par une déglutition primaire. Enfin, la persistance d’un mouvement de protraction linguale n’est pas
nécessairement considéré jusqu’à 12 ans comme pathologique.
Aussi, ces terminologies peuvent être conservées dans le cadre des dysfonctions linguales antérieures lorsque le mouvement de succion perdure ou
bien lorsqu’il est associé à une parafonction mais elles restent restrictives pour
expliquer l’étiologie dysfonctionnelle.
La déglutition atypique est un terme qui a surtout été utilisé dans la littérature anglo-saxonne, il induit qu’il existerait un geste typique de la déglutition.
Bassigny (1991) parle d’une interruption dans la maturation de la déglutition du
nourrisson faisant ainsi un amalgame entre déglutition infantile et déglutition
atypique. Un geste atypique serait défini par une activité électro-myographique
anormale des muscles de la face (Graber, 1972). Pour la déglutition atypique,
les enregistrements relèveraient une activité excessive du carré du menton et des
orbiculaires alors que pour la déglutition typique l’activité du masséter et du
ptérygoïdien externe serait deux fois plus importante. La langue n’est donc pas
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l’élément clinique déterminant la déglutition atypique, c’est l’activité de compensation, la fermeture excessive des lèvres et l’absence de contact occlusal
(absence de contraction des masséters) qui traduit l’absence d’élévation de la
langue sur la suture palatale. Pour rappel, une déglutition typique s’effectue
dents en contact (tension du masséter et du ptérygoïdien externe), élévation du
dos de langue sur la voûte palatine puis sur le voile (tension du stylo-glosse).
Mais des auteurs comme Cauhépé en 1955 ou Romette (1976) s’interrogeaient
déjà sur la normalité de la déglutition adulte. Le geste se doit avant tout d’être
fonctionnel dans le sens d’une économie praxique et fonctionnelle avec occlusion dentaire et sans excès de compensation musculaire.
La description d’une différence d’activation musculaire pour différencier
la déglutition recouvre bien les signes cliniques visibles lors la phase volontaire
(phase orale et linguale) et ces derniers constituent la base du diagnostic d’une
dysfonction tel qu’elle est décrite par Romette (1975,1982) :
• une contraction des muscles faciaux et des lèvres
• une protrusion linguale
• une absence de contact dentaire.
Il y a un bien un atypisme de fonctionnement mais si le patient boîte, estce parce qu’il a une épine dans le pied, une rétraction d’un muscle de la jambe
ou une séquelle d’hémiplégie ? Cette définition donne des critères d’inclusion
mais ne permet pas de réfléchir sur l’étiologie du geste dysfonctionnel.
♦ La déglutition dysfonctionnelle
Le choix de cette terminologie ou pour être plus précis celui de déglutition salivaire dysfonctionnelle (Deffez, 1995) permet de rappeler que la déglutition n’est pas un facteur significatif mais un facteur aggravant et rentre dans le
cadre plus large des dysfonctions oro-faciales.
Les anomalies de fonctionnement de la déglutition peuvent être d’origines diverses : neurologique (bulbaire, cortical), génétique et dentaire (croissance maxillaire et mandibulaire, déformations dento-alvéolaires), respiratoire
(ventilation buccale), posturale (chaîne musculaire), orale (trouble de l’oralité).
Mastiquer et avaler sont sous la dépendance de schèmes moteurs complexes, le
mouvement de la langue est sous la dépendance de facteurs environnementaux,
fonctionnels et psychiques.
La déglutition dysfonctionnelle se différencie de la dysphagie qui est une
difficulté à déglutir, d’origine organique ou fonctionnelle et qui peut affecter
toutes les phases de la déglutition.
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La déglutition dysfonctionnelle est soit consécutive à la persistance d’un
geste immature de type succion/déglutition (déglutition primaire ou infantile)
pouvant être associé à un trouble de l’oralité ou bien un geste d’adaptation, de
compensation consécutif à un ensemble de dysfonctions oro-faciales (une ventilation buccale, des postures basses linguale et mandibulaire, une incompétence
labiale, des parafonctions). Elle ne porte que sur la phase linguale, et ne relève
pas d’un pronostic vital. La problématique relève de la coordination du geste.
Le diagnostic de déglutition dysfonctionnelle peut-être simple et celle-ci
relève de la triade de Romette ou bien elle peut-être être associé à une autre dysfonction. La ventilation est considérée comme un des éléments les plus pertinents dans le maintien d’une déglutition non fonctionnelle. La taille de la cavité
buccale et l’état de l’articulé dentaire vont avoir une influence sur la posture linguale au repos. De même, un étalement de la langue en « gouttière linguale »
ou un appui excessif sur une partie de l’articulé dentaire peut informer sur un
déficit postural. L’absence ou la difficulté de perception de la sphère oro-faciale
sont de bons indicateurs du niveau de sensibilité perceptive du patient et jouent
un rôle déterminant dans le succès d’une rééducation : il est difficile de corriger
ce qui n’est pas perçu. Cette sensibilité peut renvoyer à l’investissement psychique et à un trouble de l’oralité, la bouche est un espace transitionnel entre le
monde et son corps.
Dans la littérature, la déglutition dysfonctionnelle est décrite comme le
résultat de l’association de plusieurs facteurs : une étiologique génétique (Soulet,1989), une étiologie anatomique (Couly, 1989), le volume lingual, la forme
des lèvres (Fieux et Coll.,1956), une immaturité psycho-affective (Rousseau,1997), des parafonctions comme la succion du pouce (Deffez, 1995), une
respiration buccale (Talmant,1982), des troubles de la phonation (Netter,
1968), des troubles de l’articulation (Maurin,1998), la posture linguale (Raberin,1997).
Ainsi, même si ces associations ne sont pas systématiques, le thérapeute
qui prend en charge des troubles de la déglutition, doit s’interroger sur un diagnostic différentiel. La connaissance de ces associations permet d’optimiser le
diagnostic clinique et l’efficacité de la rééducation.
♦ C r i t è re s d e d i a gnostic
L’évaluation et la rééducation des fonctions oro-faciales peuvent être définies selon 4 marqueurs spécifiques de dysfonctions (Leloup 2004) :
• une déglutition dysfonctionnelle,
• une respiration ou ventilation buccale ou mixte,
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• une posture linguale de repos basse,
• les parafonctions.
Ces 4 marqueurs sont considérés comme spécifiques à une dysfonction
oro-faciale, le maintien de l’un de ces marqueurs ne permettra pas une correction globale des anomalies fonctionnelles car il y a une interaction dysfonctionnelle entre-eux.
La stabilité de la rééducation de la déglutition dépend d’une respiration
nasale. La rééducation de la déglutition ne doit pas être travaillée sans avoir au
préalable corrigé ou, tout du moins, amorcé le travail rééducatif sur la ventilation et la posture linguale. Ce travail de correction passe par la perception et le
mouvement (Leloup, 1995). De ces corrections initiales dépendront la réussite
et la stabilité du traitement. Le maintien d’un trouble articulatoire audible ou
non est moins pertinent. Il est en rapport avec l’articulé dentaire et le volume
lingual.
Les anomalies de ventilation buccale, de posture linguale et les parafonctions constituent les 3 premiers axes d’intervention. La rééducation du geste de
déglutition découle de la correction de ces dysfonctions.
La déglutition d ysfonctionnelle :
La contraction des lèvres, du mentonnier et l’absence de contraction le
plus généralement des muscles masticateurs (masséter, temporal et ptérygoïdien) suffisent à confirmer un geste dysfonctionnel de la langue lors de la déglutition. Il n’est donc absolument pas nécessaire de soulever la lèvre du patient
pour tenter de voir où se place la langue. Il est demandé au patient de boire un
peu d’eau à la paille afin de contrôler le volume de liquide aspiré, garder l’eau
dans sa bouche puis avaler. Lors de cette évaluation, il est souhaitable de vérifier
si le sujet peut, sur ordre, avaler dents en contact (non serrées) et de valider s’il
n’existe pas de déséquilibre de contraction des masséters pouvant être associé à
un déséquilibre occlusal ou un dysfonctionnement de l’ATM.
Ce temps d’observation et de palpation des muscles de la face donnera les
informations sur l’environnement musculaire de la langue.
Ventilation buccale et persistance de l’anomalie du geste de déglutition
sont intimement liées. Il faut également concevoir ce geste selon l’état de l’articulé dentaire : il est difficile de concevoir de rééduquer la déglutition avec une
béance incisive stable. Enfin, le mouvement de pulsion linguale lors de la déglutition dépend du niveau de maturation : il faut pouvoir tenir compte de l’âge du
patient et de son degré de motivation. La relation entre la précision de l’agilité de
la pince digitale et le degré de maturation est un bon indicateur de la maturité.
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L a re s p i r a t i o n o u v e n t i l a t i o n bu c c a l e o u m i x t e
La ventilation doit être naso-nasale, elle se fait sans effort, sans crispation
faciale ou posturale. Une ventilation buccale induit obligatoirement une langue
basse. Talmant (1979) souligne que « les contraintes ventilatoires sont sousjacentes à l’exercice des principales fonctions oro-faciales ». Les muscles
génio-glosses en appui sur la symphyse mandibulaire empêchent la langue d’encombrer l’oro-pharynx avec l’action de traction des stylo-glosses : la posture de
repos de la langue est haute. Une position linguale basse est antinomique à un
geste efficace de déglutition qui nécessite une élévation de l’appareil hyolaryngé. La ventilation buccale modifie l’ensemble des postures de la zone orofaciale (mandibulaire, labiale et linguale). La langue ne peut donc être prête à un
geste fonctionnel de déglutition.
L’évaluation de la ventilation se fait d’abord dans la salle d’attente puis
lors de l’anamnèse, bien souvent le patient qui respire par la bouche est voûté.
La respiration nasale sur commande entraîne une contraction des lèvres et/ou
des muscles mentonniers, le sujet abandonne rapidement ce type de respiration
pour aspirer par la bouche. Fournier (1991) propose le test de Rosenthal pour
différencier un vrai et un faux respirateur buccal. Le respirateur buccal ne peut
maintenir 10 à 15 amples respirations nasales sans une augmentation du pouls et
une ouverture buccale. La dilatation des ailes du nez est également évaluée, il
s’agit de demander au patient de respirer par le nez en essayant d’obtenir un
mouvement des muscles dilatateurs, il est absent chez les respirateurs buccaux.
Enfin, un exercice d’agilité digitale* 1 est proposé, il est, chez les patients, généralement associé à un mouvement parasite de la langue (comme chez le jeune
enfant lorsqu’il se concentre pour réaliser des praxies gestuelles) et à une ouverture de la bouche.
L a p o s t u re linguale de repos
Elle se définit dans le cadre plus global des postures linguale, labiale et
mandibulaire. Ferré et Fournier (1996) la définissent par une pointe de la langue
au contact de la papille rétro-incisive, le dos affleure la concavité du palais dans
son ensemble et les bords sont étalés contre les collets des dents latérales et
antérieures supérieures. La langue libère le carrefour aérien supérieur, la ventilation est naso-nasale. La posture linguale est soumise aux contraintes respira-
1* porter chaque doigt l’un après l’autre sur le pouce, commencer par les doigts de la main dominante. On
observe des syncinésies de la main controlatérale et un mouvement de la langue. Le degré de maturité est évalué selon l’importance des syncinésies de la main et de la langue.
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toires. Il est absolument nécessaire de faire la relation entre une position basse
de la langue et une ventilation buccale, si ce n’est pas le cas, un diagnostic différentiel est à faire.
Ce diagnostic peut alors relever d’un dysfonctionnement postural. La station érigée de l’homme n’est possible que par l’action de tensions musculaires
de l’ensemble des muscles du corps humain. Il y aurait une interdépendance
entre les différentes postures au niveau des pieds, de la colonne vertébrale, du
bassin, du cou, du crâne, de la mandibule, et il semble admis qu’un dysfonctionnement de l’une d’elles puissent avoir des conséquences sur l’équilibre et la
posture adjacente (Raberin, 1997). Ces concepts sont particulièrement décrits en
ostéopathie (Leboursier, 2006) et en posturologie (Marino et Coll.,2004).
Une langue basse, en gouttière occlusale ou festonnée unilatéralement,
doit alerter le thérapeute sur une posture de compensation linguale à un possible
trouble d’origine dorsale, cervicodorsale et rachidienne (concept des chaînes
musculaires, Nahmani. 1990, Struys-Denis. 1991). Un dysfonctionnement de la
posture linguale est décrit dans le cadre d’un dysfonctionnement de l’appareil
manducateur (Martin, 2004).
Des anomalies de la place au repos de la langue peuvent se rapporter à un
trouble de l’articulé dentaire : la langue se place dans les espaces. Cette adaptation à l’articulé s’observe lors du traitement orthodontique, la langue ne se
conforme pas à une réduction de son espace et engendre des pressions linguales
(Andrianopoulous & Coll., 1987).
La posture linguale est sous la contrainte du volume lingual. Il faut alors
différencier une macroglossie vraie où le volume de la langue excède celui de la
cavité buccale avec un pronostic de détresse respiratoire et un trouble de l’alimentation, d’un étalement lingual consécutif à une ventilation buccale, une
langue atone ou hyperactive.
Enfin, la mobilité et la taille du frein lingual doit être évaluée, elle conditionne la place et le mouvement de la langue dans la cavité buccale.
L e s p a r a fo n c t i o n s
La succion du pouce est la parafonction la plus caractéristique. Certains
auteurs, comme Deffez et Coll. (1995) soulignent que la succion du pouce n’entraîne un retentissement sur l’articulé dentaire que si elle s’accompagne d’une
anomalie posturale de la langue. La succion d’un ou des doigts entretient toujours une anomalie de posture linguale, voire labiale ou mandibulaire (Langel,
2004). Ces succions favorisent une langue basse ou une pulsion, il est donc
nécessaire de les évaluer.
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Le mouvement de succion peut être compris plus spécifiquement comme
la persistance d’un mouvement de succion/déglutition et avoir des relations avec
l’oralité primaire et secondaire (Thibault, 2004). A la succion du pouce, on peut
associer la pulsion linguale. Cette pulsion est difficile à diagnostiquer, elle peut
persister pendant le sommeil, réapparaître en période de stress, constituer une
conduite compulsionnelle. Elle est à différencier d’un retard de maturation ou
d’un geste d’adaptation ou de compensation posturale.
Les autres parafonctions sont l’onychophagie ou simplement mordiller un
ongle qui peut s’apparenter à un geste de succion (mordre amène la langue sur
la région de contact). Les conduites de mâchonnement de stylo, par exemple,
semblent avoir moins de conséquences sur la posture linguale mais plus sur les
rapports d’occlusion.
L’évaluation repose principalement sur l’anamnèse et sur l’observation du
patient lors du bilan. Un déplacement sélectif d’une canine peut évoquer un
geste répété pour mordre un ongle.
♦ C o n c lusion
Le diagnostic de la déglutition dysfonctionnelle est plus complexe que la
simple contraction des muscles labiaux et mentonniers ou de la pulsion linguale
lors d’une incompétence de fermeture labiale. Paradoxalement, ce n’est pas le
diagnostic d’une anomalie de la déglutition qui permettra de construire des
hypothèses de traitement rééducatif. La déglutition salivaire est sous la dépendance d’une cascade dysfonctionnelle qui se compose de marqueurs spécifiques
dont la ventilation et la posture linguale au repos semblent les plus pertinents.
Le traitement d’un des marqueurs suffit à corriger le geste de déglutition. La
langue est avant tout un informateur précis des anomalies fonctionnelles.
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Rééducation de la déglutition :
intérêts et limites
Gisèle Thepaut, Maryvonne Fournier
Résumé
La stabilité de nos résultats de traitement représente l’accomplissement ultime de notre
pratique clinique. Nous sommes convaincus que cette stabilité est liée aux activités neuromusculaires oro-faciale, linguale et posturale.
L’observation attentive, en début et en fin de traitement, de la déglutition, de la ventilation et
de la phonation de nos patients nous permet d’espérer réduire nos difficultés cliniques.
L’automatisation des fonctions et la stabilité des postures représentent le but à atteindre.
Mots clés : déglutition, fonctions, sphère oro-faciale-langue, dysfonctionnement, automatisme.
Remediation of swallowing: advantages and limitations
Abstract
Optimal clinical practice aims for the stability of therapeutic results. We are convinced that
such stability is associated with oral-facial neuro-muscular activities, both lingual and postural.
Close observation, at the beginning and at the end of treatment, of our patients’swallowing,
breathing and phonation, should help us resolve some of our clinical difficulties. Our main
objectives are that functions become automatic and postural stability.
Key Words : swallowing, functions, oral-facial-lingual sphere, dysfunction, automatic.
Rééducation Orthophonique - N° 226 - juin 2006
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Gisèle THEPAUT
Orthodontiste
Attachée à la faculté de chirurgie dentaire
de Paris VII
70 avenue Anatole France
93600 Aulnay sous Bois
Maryvonne FOURNIER
Kinésithérapeute
Attachée à la faculté de chirurgie dentaire
de Paris VII
16 rue de Tilsitt
75017 Paris
A
vant de pouvoir attendre un résultat satisfaisant sur les plans esthétique
et fonctionnel, un traitement orthodontique requerra d’importants
efforts de la part du patient et de son praticien. Malheureusement, chacun d’entre nous a pu observer des traitements mal terminés, des récidives,
regrettables remises en cause de notre minutieux travail. Nous éprouvons alors
un sentiment d’insatisfaction mais aussi la conviction qu’une attention accrue,
portée dès le diagnostic initial, à des postures non équilibrées ou à des praxies
néfastes, pourrait constituer une prévention efficace de ces difficultés : rééducation de la déglutition, phonation, ventilation et postures diverses.
♦ Ap p r é h e n d e r l ’ o c c lusion comme point d’équilibre e n t re les
fonctions
L’occ lusion est une nég ocia tion
En présence d’une praxie ou d’une posture atypique, la correction forcée induite
par l’orthodontiste contraint l’ensemble de la sphère oro-faciale à « négocier »
un nouvel équilibre parfois non souhaitable, et qui peut conduire à la récidive.
En prenant conscience des fonctions et postures atypiques de son patient,
l’orthodontiste peut mieux comprendre l’origine de certaines instabilités occlusales. En préparant ou en complétant son traitement par une rééducation adaptée, il renforce la stabilité du résultat et diminue les risques de récidives.
La langue comme moteur et mat rice
Si une langue en mauvaise position n’engendre pas forcément de dysmorphose
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ni de dysfonctions, à l’inverse l’eexistence d’une malocclusion va systémati q u e m e n t d e p a i r avec une mauvaise position de la langue. Il est par conséquent indispensable, en présence d’une malocclusion d’observer la position de
la langue et de savoir déceler la nécessité de sa rééducation.
Ce diagnostic est incontournable. D’une part parce que la langue est le
moteur de la mandibule (Maryvonne Fournier). A la phonation, il existe des
mouvements inconscients de propulsion et de rétropulsion qui disparaissent
lorsque la langue est en mauvaise position. La mandibule semble alors figée dans
une position. D’autre part, parce que la langue constitue la matrice fonctionnelle
(Moss) de l’arcade maxillaire : une langue très basse, par exemple, reposant sur le
plancher buccal, s’observe dans les classes III avec atrésie du maxillaire.
♦ L e rega r d de l’ort h o d o n t i s t e
E t re a t t e n t i f a u x s i g n a u x d ’ a l e r t e
C’est prendre en compte les postures et les fonctions de la sphère oro-faciale.
En effet, lors de l’activité musculaire oro-faciale il apparaît que la déglutition n’en
représente qu’un temps très limité (environ 10 minutes par jour), elle ne peut donc
pas à elle seule être la cause de déformations osseuses ou de déplacements dentaires. Nous devons systématiquement rechercher la « triade de Château » :
• Position linguale au repos
• Déglutition
• Position linguale lors de la phonation,
Et ne jamais nous satisfaire de la seule rééducation de la déglutition. Ce
serait alors programmer l’échec de cette rééducation !
Notre expérience nous a amené, avec Maryvonne Fournier, à y ajouter
absolument l’obtention d’une bonne ventilation et d’une posture labiale harmonieuse, à supprimer les habitudes nocives ainsi que les dysfonctionnements cranio-mandibulaires.
Tout ceci nous oblige à un véritable examen orofacial.
Aspect oro-f acial
• Examen de l’occlusion labiale
La tonicité labiale doit être suffisante pour compenser une poussée linguale atypique. Aussi une bouche entrouverte doit impérativement faire l’objet d’un diagnostic différentiel.
Ventilation buccale
Tout bon orthodontiste sait qu’une ventilation optimale est nasale et qu’il faut
l’enseigner à son patient, car elle permet le filtrage, l’humidification et le
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réchauffement de l’air inhalé ainsi que la thermorégulation cérébrale.
Lèvres courtes et/ou atones
C’est un élément de diagnostic important car la brièveté labiale entraîne un
mauvais pronostic esthétique et une difficulté pour la rééducation neuro-musculaire.
Interposition linguale entre les arcades au repos ou à la déglutition
Si une langue en mauv aise position n’eng e n d r e pas fo r cément de d ysmor phose ni de d ysfonctions, à l’inve r se , l’e xistence d’une malocc lusion est tou j o u r s associée à une mauv aise position de la langue . Il est par conséquent
nécessaire, en présence d’une malocclusion, d’observer la position de la langue
et de savoir déceler la nécessité de sa rééducation.
Sillon labio-mentonnier
Un sillon trop tendu, induit par une déglutition atypique selon M. Fournier, peut
provoquer une linguo-version des incisives inférieures, un affaiblissement du
parodonte parfois associé à une récession gingivale, ou une récidive des malpositions dentaires réduites par le traitement orthodontique.
• Posture linguale
En position physiologique, la pointe de la langue repose sur les papilles retroincisives supérieures et son inclinaison postéro-inférieure, en direction pharyngée, dégage le carrefour aérien supérieur.
La posture est mauvaise lorsque la langue n’occupe pas cette position physiologique.
Les fo n c t i o n s
• La déglutition
On appréciera la position de la langue qu’il y ait ou non contraction oro-faciale.
Lors de la déglutition physiologique, la pointe de la langue s’appuie sur les
papilles retro-incisives : il y a un léger contact inter-dentaire, sans aucune
contraction musculaire de la sphère oro-labiale.
Lorsque la déglutition est atypique, la langue adopte les mêmes mauvaises positions qu’au repos mais de manière accentuée.
• La phonation
C’est le moment de l’observation autant que de l’écoute !
Ce travail doit être impérativement confié au rééducateur spécialisé au moindre
soupçon. Il recherchera une mauvaise position linguale lors de la prononciation
des palatales, des sifflantes, des chuintantes, des fricatives, des labiales ainsi que
d’un sigmatisme. La persistance d’une mauvaise phonation empêchera l’auto-
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matisation d’une déglutition physiologique.
• La ventilation
Chez l’enfant, une ventilation optimale est l’assurance d’une bonne qualité de
sommeil, d’une croissance harmonieuse, d’une meilleure concentration intellectuelle ainsi que d’une moindre incidence des affections oto-rhino-laryngologiques (otites, ronflements, apnées du sommeil même légères, rhino-pharyngites
à répétition). L’harmonie fonctionnelle recherchée par l’orthodontiste dépasse
donc le cadre oro-facial et s’adresse au bien-être général du patient.
• Les dysfonctions cranio-mandibulaires :
Un dysfonctionnement des ATM va systématiquement de pair avec une mauvaise position linguale. Lorsque l’on traite le premier, il est donc fondamental
d’y associer une rééducation neuro-musculaire de la seconde, y compris dès le
plus jeune âge.
♦ Q u a n d d o i t - o n e n t rep re n d re la rééduca tion ?
Il est parfois difficile de se déterminer sur la chronologie des différentes
étapes de rééducation et orthodontique tant ces deux disciplines sont complémentaires dans les traitements.
Suivant l’enseignement de Maryvonne Fournier voici notre protocole de
travail :
R é é d u c a tion précoce : ava n t l e t ra i t e m e n t o r t h o d o n t i q u e
Dans les cas de :
- Ventilation buccale, patient fatigué, yeux cernés.
- Déglutition atypique sans dysmorphoses majeures.
- Lèvres atones associées ou non à des troubles de la phonation.
- Troubles de la phonation.
- Craquements articulaires car ils précèdent souvent les douleurs des ATM et
les dysfonctionnements cranio-mandibulaires.
- Avant tout traitement orthodontique en technique linguale.
- Dysfonctionnement cranio-mandibulaire.
Pendant le traitement orthodontique
- Après la dépose d’un dysjoncteur palatin et d’un Quad’helix.
- A l’apparition d’une gingivite chronique pouvant signer un problème ventilatoire peu visible, souvent nocturne.
- En cours de rétraction incisives dans les traitements de Classe II1 ou Classe
II2 avec extraction de prémolaires. Dans ces traitements, il y a réduction de
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la « cage à langue », il est donc primordial d’évaluer les éventuelles répercussions sur les fonctions linguales et les ATM.
- Les traitements orthodontiques incluant un temps chirurgical orthognatique. Il est indispensable d’inclure une rééducation linguale et labiale pré
et post-chirurgicale. La rééducation entreprise avant l’acte chirurgical est le
garant d’une bonne stabilité post-chirurgicale.
- L’apparition de craquements articulaires en cours de traitement orthodontique doit être immédiatement prise en compte et traitée par le rééducateur.
A la fi n d u t r a i t e m e n t a c t i f
Lors de la phase de stabilisation des traitements d’orthopédie-dentofaciale :
- Dès la dépose des appareils orthodontiques si une rééducation avait déjà
eu lieu précédemment ainsi que dans les cas de traitements ortho-chirurgicaux.
- Systématiquement dès l’apparition, même minime de béances latérales
et/ou d’une diminution du recouvrement incisif.
- La mise en place de plaques amovibles de stabilisation doit être contrôlée par le kinésithérapeute. Il y a toujours à craindre une mauvaise réaction linguale.
♦ Les limites de la rééduca tion
Force est de constater que les rééducations neuro-musculaires linguale,
labiale, fonctionnelles récidivent fréquemment. Mais s’agit-il vraiment d’une
récidive ? Cela supposerait qu’il y ait eu guérison. Il semble plutôt que le but
recherché, à savoir l’automatisation de la posture, de la fonction n’ait pas été
obtenu. C’est pourtant cela la véritable guérison. Nous ne sommes pas assez
vigilants pour contrôler minutieusement si l’automatisme a été obtenu. Nous
nous contentons souvent d’observer les réponses neuro-musculaires aux ordres
donnés. Il s’agit bien au contraire d’obtenir un automatisme donc une praxie
sans conscience.
Dia g n o s t i c d u p r a ticien
Fréquemment l’orthodontiste ne prend en compte que la déglutition atypique, négligeant les problèmes de posture linguale, de ventilation, de phonation
et des troubles des ATM. Les résultats obtenus sont très limités car l’enfant est
dans l’impossibilité d’exécuter les exercices demandés.
Les d y s m o rp h o s e s t r è s i m p o r t a n t e s
Les grands décalages squelettiques et/ou dentaires empêchent d’entre-
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prendre une rééducation globale avant le début du traitement orthodontique ; et
pourtant dans ces cas les dysfonctions linguales à la déglutition, à la phonation
empêchent le bon déroulement du traitement orthodontique. C’est pourquoi une
coopération étroite doit s’établir entre l’orthodontiste et le rééducateur afin d’organiser un vrai travail d’équipe autour du patient.
Les anomalies O .R.L
Cloisons déviées, syndromes allergiques… empêchent une bonne ventilation et donc une réponse favorable à la rééducation de la déglutition. Il faut donc
aborder ces problèmes avec le patient et l’orienter vers un O.R.L après avoir fait
le diagnostic différentiel indispensable.
L a r é é d u c ation
Une rééducation inachevée, sans automatisme acquis, entraînera une récidive totale des acquis de la rééducation entreprise.
Il faut évoquer ici l’importance du dialogue entre l’orthodontiste et le
rééducateur, de la pédagogie du thérapeute qui doit motiver son patient, exiger
sa coopération et mener la rééducation jusqu’à son terme : ne jamais se satisfaire d’une bonne posture acquise mais non automatisée.
Les habitudes nocive s n o n t raitées
La persistance de la succion d’un doigt, d’un crayon que l’on cache parfois à l’orthodontiste ou au rééducateur empêchent l’obtention d’une déglutition
physiologique.
L a p o s t u re
Un intérêt particulier sera porté à trois éléments : les pieds, les épaules et
la tête. Ils sont souvent des signaux d’alerte associés à une dysmorphie maxillaire ou à un dysfonctionnement lingual.
Nos a p p a r e i l s o r t h o d o n t i q u e s
Les dysjoncteurs, les Quad’helix et les ancrages (arcs linguaux, transpalatin Nance…) retardent la mise en route de toute rééducation.
Les appareils de contention, s’ils sont amovibles et recouvrent le palais
risquent de provoquer une rechute de la posture linguale ou de la déglutition.
La coopéra tion du patient
L’orthodontiste et le rééducateur doivent faire preuve d’une grande pédagogie pour motiver leurs patients. Il faut établir un véritable dialogue, créer une
équipe au service du patient pour obtenir sa coopération totale.
♦ C o n c lusion
Toute dysmorphose est toujours rééducable à condition de demeurer vigi-
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lant dans tous nos actes thérapeutiques.
Si seul le triptyque lingual (repos, déglutition, phonation) est en cause, il
sera possible de surseoir à la rééducation jusqu’à la fin du traitement orthodontique. Mais si ce triptyque est particulièrement perturbé et associé à d’autres
troubles (ventilation, troubles de l’ATM et habitudes nocives), il faudra déclencher immédiatement la rééducation et ne pas manquer de faire un bilan en fin de
traitement ODF.
Reste qu’une des conditions essentielles au succès de ce traitement global
demeure l’état d’esprit du patient et sa capacité de prise de conscience. C’est
bien un individu qu’il faut motiver afin qu’il travaille chaque jour. Pour que
cette demande du praticien aboutisse, il faut que le patient sache parfaitement
pourquoi il mène cet effort. S’il s’agit d’un enfant, il faudra aussi que ce travail
soit son désir et non seulement celui de ses parents, et que cela l’amuse. Autant
de conditions qui obligent le praticien à être lui-même pleinement convaincu de
REFERENCES
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- CHAUVOIS, A., FOURNIER, M., GIRARDIN, F. (1991). Rééducation des fonctions dans la thérapeutique orthodontique. S.I.D.éd., Paris.
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- LINDER-ARONSON, S. (1970). Adenoids. Their effect on mode of breathing and nasal airflow and
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Orthod Fr 53 : 493-500.
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Febiger Inc ed., Philadelphia.
- POLGAR, G., WENG, T.R. (1979). The fonctional development of the respiratory system. Am Rev Respir Dis 120 : 625-695.
- TALMANT, J., ROUVRE, M., THIBULT, J.L., TURPIN, P. (1982). Contribution à l’étude des rapports
de la ventilation avec la morphogénèse cranio-faciale. Déductions thérapeutiques concernant
l’O.D.F. Orthod Fr 53 : 7-181.
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Place de l’orthophoniste dans les traitements
orthodontiques
Eric Allouch
Résumé
L’étude et la rééducation des fonctions oro-faciales sont indissociables des traitements
orthodontiques. En fonction de la situation clinique, la rééducation sera effectuée avant,
pendant ou après le traitement orthodontique.
Mots clés : anomalie, âge, appareillage.
The role of the speech and language therapist in orthodontic treatment
Abstract
The study and remediation of oro-facial dysfunctions are an essential part of orthodontic
treatment. Depending on the clinical situation, remediation will be accomplished before,
during or after the orthodontic treatment.
Key Words : abnormality, age, appliance.
Rééducation Orthophonique - N° 226 - juin 2006
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Eric ALLOUCH
Orthodontiste
18 rue Pasteur
92300 Levallois-Perret
Courriel : [email protected]
L
’orthopédie dento-faciale ou orthodontie a pour objectif d’améliorer
l’harmonie du visage et de la denture et de permettre un déroulement
satisfaisant des fonctions.
L’orthodontie a beaucoup évolué ces dernières années tant au niveau technique
que philosophique. Aujourd’hui un traitement d’orthodontie ne peut se concevoir sans intégrer l’étude et au besoin la rééducation des fonctions oro-faciales.
L’orthophoniste est devenu un collaborateur important à chaque étape du traitement.
Lors de la phase initiale, il peut être à l’origine du dépistage des anomalies
orthodontiques ou participer au diagnostic des dysfonctions oro-faciales. L’orthophoniste est souvent la première personne du corps médical qui observe la
cavité buccale d’un enfant avec un regard orthodontico-conscient.
Pendant le traitement, une rééducation est souvent menée en parallèle des mécaniques orthodontiques afin de permettre ou de faciliter les mouvements dentoalvéolaires.
A la fin du traitement, l’obtention et le maintien d’un équilibre fonctionnel est
un critère fondamental de la stabilité des résultats thérapeutiques.
♦ Les anomalies ort h o d o n t i q u e s
Les malocclusions rencontrées sont souvent une combinaison d’anomalies dentaires, dento-alvéolaires et basales.
Les anomalies dentaires
Il faut distinguer :
• les anomalies de forme, ou de formation de la dent
• les anomalies de nombre : dents surnuméraires ou au contraire agénésie
• les anomalies de situation : transposition, ectopie,…
• les anomalies d’éruption : retard, inclusion,…
Le dépistage précoce permet souvent un traitement simplifié de ces anomalies. Il est important de :
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• compter les dents
• rechercher un retard d’éruption
• se méfier des asymétries d’évolution entre arcades ou entre un côté et son
opposé.
Les anomalies dento-alvéolaires
L e s e n s s a gi t t a l e t l e s c l a s s e s d ’ A n g l e
Angle a établi une classification qui permet de décrire les relations d’arcades
dans le sens antéro-postérieur :
la c l a s s e I :
C’est la situation idéale où la première molaire inférieure est mésialée d’une
demi cuspide par rapport à la première molaire supérieure.
Fig 1 : Classe I
la c l a s s e I I :
C’est la distoclusion des premières molaires inférieures avec deux subdivisions
en fonction de l’axe des incisives supérieures.
La classe II division 1 présente une vestibulo-version des incisives supérieures.
C’est l’anomalie la plus fréquente.
Fig 2 : Classe II division 1
Fig 3 : Classe II division 2
La classe II division 2 présente une linguo-version des incisives supérieures.
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la c l a s s e I I I :
Souvent appelée prognathie, c’est la mésioclusion des premières molaires inférieures avec au niveau antérieur une occlusion inversée ou non.
Fig 4 : Classe III
Le sens v e r t i c a l
En normoclusion, les dents maxillaires recouvrent les dents mandibulaires antérieurement et latéralement. Le recouvrement idéal des incisives est d’environ 2
mm.
Fig 5 : normoclusion dans le sens vertical
Fig 6 : infraclusion ou béance antérieure
Il faut distinguer l’infraclusion ou béance et la supraclusion :
• L’ i n f raclusion :
Aussi appelée béance, elle est caractérisée par une insuffisance ou une absence
de recouvrement. Souvent située dans le secteur antérieur, elle peut être localisée à un secteur latéral.
Les dysfonctions et les parafonctions en constituent l’étiolo gie la plus fréquente.
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Seules des actions combinées de l’or t h o d o n t i s t e e t d e l ’ o r t h o p h o n i s t e p e r m e t t e n t u n e f e r m e t u re r a p i d e , c o m p l è t e e t s t a b le des béances.
• L a s u p r a c lusion
Elle est caractérisée par un recouvrement incisif excessif (plus de 3 mm).
Fig 7 : supraclusion
Le sens tr ansv e r s a l
En situation normale les dents s’engrènent et les cuspides vestibulaires des dents
inférieures sont en relation avec le sillon mésio-distal des dents maxillaires.
Les anomalies transversales correspondent à des troubles de l’occlusion dans le
Fig 8 : normoclusion dans le sens transversal
sens vestibulo-lingual au niveau des secteurs latéraux. Elles peuvent être uni ou
bilatérales, localisées à une ou plusieurs dents, d’origine alvéolaire ou basale.
On peut distinguer :
• l’occ lusion inve r sée
La forme mineure est l’occlusion en bout à bout.
Souv e n t a s s o c i é e à u n e s i t u a t i o n b a s s e d e l a l a n g u e e t à u n e d é g l u t i t i o n
d ysfonctionnelle , elle se corr ige simplement si elle est dépistée précocement.
l’inocc l u s i o n v e s t i b u l a i r e
Fig 9 : occlusion inversée bilatérale
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l’inocc l u s i o n l i n g u a l e
Fig 10 : inocclusion vestibulaire
• Les anomalies basales
Fig 11 : inocclusion linguale
Elles affectent la position des mâchoires dans les trois sens de l’espace et
aggravent souvent les anomalies dento-alvéolaires.
Leur correction chez l’enfant passe par un déverrouillage de la malocclusion afin de rétablir un cadre occlusal et fonctionnel permettant une croissance
harmonieuse.
Chez l’adulte la correction est chirurgicale.
♦ Les traitements orthodontiques
L’âge d e t r a i t e m e n t e n o rt h o d o n t i e .
L’âge optimal de traitement est l’âge où le traitement est le plus rapide, le plus
efficace et le plus stable.
Il dépend bien évidemment de la malocclusion et du type de traitement.
Il en existe deux principaux :
Le tr aitement d’inter ce ption :
Il s’agit de corriger une anomalie pour éviter qu’elle ne s’aggrave ou
entraîne des malocclusions irréversibles. Il est suivi d’une phase de surveillance, puis d’une éventuelle deuxième phase de traitement lors de
l’apparition des dents définitives.
Tr aitement cor r ectif :
Il s’agit de corriger une ou des anomalies en une phase de traitement.
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Une visite de contrôle c h e z l ’ o r t h o d o n t i s t e e s t re c o m m a n d é e d è s 8 a n s p o u r
dépister des anomalies, mettre en place des tra i t e m e n t s i n t e rceptifs ou surveiller l’évolution des dents définitives.
Les ap p a reillages ort h o d o n t i q u e s
On peut différencier deux grandes catégories : les appareils amovibles et les
appareils fixes.
les a p p a r eils amovib les
Il existe beaucoup d’appareillages différents et en faire la liste est impossible. Les appareillages utilisés aujourd’hui ont été adaptés pour respecter l’enveloppe fonctionnelle et favoriser des conditions favorables pour la croissance.
On peut citer l’abandon des frondes occipitaux-mentonnières, les évidements
des plaques palatines pour stimuler une posture linguale haute, et l’utilisation
d’appareils dits fonctionnels, type ELN, lip-bumper ou régulateur de Frankel.
L’ELN ou enveloppe linguale nocturne guide la langue dans sa position
naturelle, au niveau des rugosités palatines, et permet de créer un environnement fonctionnel favorable à une croissance harmonieuse.
Le lip-bumper ou pare-choc s’interpose entre les lèvres et les dents, au
maxillaire ou à la mandibule. Il est indiqué notamment en cas de forte tonicité
Enveloppe linguale nocturne (ELN)
labiale, d’interposition ou de succion de la lèvre inférieure.
Le régulateur de fonctions de Frankel éloigne, grâce à des écrans, les forces
centripètes des lèvres et des joues et permet à la langue d’exprimer toute son
action conformatrice avec une expansion spontanée d’environ 4 à 5 mm sur
l’arcade alvéolo-dentaire.
les a p p a r eilla ges f ixes
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Ce sont les appareillages multi-bagues ou multi-attaches. Les bagues sont
des dispositifs scellés qui entourent la dent, alors que l’attache, aussi appelée
verrou ou bracket, plus petite est collée sur la dent.
C’est la technique la plus utilisée en orthodontie. Elle permet de déplacer
de façon individuelle chacune des dents de l’arcade dans les trois sens de l’espace. En fonction des forces employées, des mouvements de version, de translation, d’ingression, d’égression, ou de rotation peuvent être réalisés.
La question du moment de la rééducation des dysfonctions a parfois été
posée : avant, pendant ou après la phase multi-attache ?
Un recul incisif chez un patient qui présente une pulsion linguale est long
et difficile et peut même comporter des risques de résorption radiculaire si la
dysfonction n’est pas corrigée.
La rééducation d’une déglutition dysfonctionnelle chez un patient qui
présente une béance antérieure est certainement facilitée si la béance est fermée
orthodontiquement.
C’est souvent l’association orthodontie-orthophonie qui permet d’obtenir
une correction efficace, rapide et sans complication. Chaque situation doit être
étudiée et adaptée à la clinique : parfois la rééducation pré-orthodontique permettra de créer des conditions favorables au traitement, souvent les actions de
l’orthodontiste et de l’orthophoniste seront menées en parallèle, et dans certains
cas l’orthodontie sera un préalable à la rééducation qui permettra de stabiliser
les résultats obtenus.
♦ C o n c lusion
La problématique orthodontique n’est plus de savoir comment déplacer
les dents mais où les déplacer. Il faut créer ou reconstruire une occlusion thérapeutique stable qui soit compatible avec l’enveloppe fonctionnelle du patient.
Les facteurs fonctionnels et posturaux sont une des causes principales des récidives orthodontiques car la forme des arcades dentaires est déterminée par les
pressions des muscles qui les enserrent. La stabilité du traitement repose évidemment sur la qualité des finitions occlusales mais aussi sur l’obtention et le
maintien de fonctions normalisées.
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REFERENCES
1 - BASSIGNY F. (1991). Manuel d’Orthopédie Dento-Faciale. – Masson, Paris.
2 - CHAUVOIS A., FOURNIER M., GIRARDIN F. (1991). Rééducation des fonctions dans la thérapeutique orthodontique.- Ed. SID, Paris.
3 - FLAGEUL F, LEJOYEUX E. (1999). Orthopédie Dento-Faciale : une approche bioprogressive.Quintescence International, Paris.
4 - PATTI A., PERRIER D’ARC G. (2003). Les traitements orthodontiques précoces. - Quintescence
International, Paris.
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Réharmonisation des arcades dentaires
Claude Lumbroso
Résumé
La langue est au carrefour des fonctions de respiration, occlusion, mastication et déglutition.
Les dysfonctions oro-faciales peuvent modifier la croissance harmonieuse de la face et de la
denture et influer négativement sur l’équilibre physique et psychique des patients. Le traitement orthodontique et la rééducation doivent être pratiqués de conserve pour éviter le
risque de récidive.
Mots clés : langue, respiration, occlusion, mastication, déglutition, orthodontie, récidive.
Orthodontic treatment, occlusion, mastication and swallowing
dysfunctions
Abstract
The tongue is at the crossroad of different functions: ventilation, occlusion, mastication
(chewing) and swallowing. Oro-facial disorders can modify the harmonious growth of the
face and dentition and have a deleterious influence on the patient’s physical and psychological well-being. Orthodontic treatment and remediation must be applied simultaneously in
order to avoid the risk of recurrence
Key Words : tongue, ventilation, occlusion, mastication, swallowing, orthodontic treatment,
recurrence
Rééducation Orthophonique - N° 226 - juin 2006
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Claude LUMBROSO
Orthodontiste
Attaché à la faculté de chirurgie dentaire de
Paris VII
59 avenue de la Grande Armée
75016 Paris
Courriel : [email protected]
L
es orthodontistes ont, depuis plus d’un siècle, mis l’accent sur le rôle de
la langue, considérant qu’elle était souvent « l’ange destructeur » de
leur travail.
Le père de l’orthopédie-dento-faciale, Pierre Robin, avait une clinique de
soins à Paris, qu’il appela « Clinique Eumorphique » avec pour objectif de lutter contre la « glossoptose, la protection de l’enfance et la régénération de la
race ».(3)
Les praticiens voudraient conserver le résultat de leur travail sans que
« l’ange destructeur » n’agisse ; en fait, ils espèrent une respiration naso-nasale
sans obstacle et une mastication, une déglutition, une phonation et une posture
équilibrées.
Il existe schématiquement deux types de traitement orthodontiques, les
traitements multi-attaches, à visée essentiellement esthétique, pratiqués sur les
adolescents et les adultes surtout, et les traitements fonctionnels destinés aux
enfants en croissance.
La nature ne nous a doté ni d’un plan d’occlusion ni d’une trajectoire
condyliennne prédéterminés. Ce plan et cette trajectoire résultent des fonctions
qui les façonnent. Leur anomalie crée une pathologie et le but ou l’espoir de
l’orthodontiste est de normaliser les fonctions pour obtenir un plan d’occlusion
et des trajectoires condyliennes physiologiques.
Quand l’orthodontiste prévoit que le résultat du traitement risque de ne
pas être stable et que la récidive est à craindre, il fait appel à l’orthophoniste ou
au rééducateur de la respiration.
♦ Quels sont les r a p p o rt s e n t re occ lusion, re s p i r a tion et déglutition ?
Nous retiendrons seulement que la langue est au carrefour de ces fonctions et de nos exigences.
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Un certain nombre de traitements orthodontiques sont suivis d’une récidive, qui peut être très rapide. Elle est généralement due à une dysfonction linguale. Les enfants ayant eu un soutien orthophonique ou de kinésithérapie respiratoire, à condition qu’il ait été compris et intégré, ne présentent pas cette
récidive.
On peut en conclure que sans ce soutien, le résultat du traitement orthodontique est menacé.
L’examen clinique des patients dont le traitement est instable montre que
toutes les fonctions oro-faciales sont mal établies, ce qui prouve que la correction doit être globale. Elle doit inclure toutes les fonctions, qui n’ont été différenciées les unes des autres qu’artificiellement pour leur étude. (6 et 7)
La première manifestation du nouveau-né est un cri. La bouche est le
centre originel et principal des pulsions du nourrisson et le lieu d’échange privilégié avec son environnement. Le sein de la mère lui donne ses premiers
repères.
Malheureusement, on remplace le plus souvent et toujours trop tôt ce sein
maternel par le biberon. La déglutition de l’enfant au biberon est différente,
beaucoup plus « gloutonne », ce qui induit le développement d’une respiration
buccale. Sa sphère oro-faciale, moins sollicitée, va croître insuffisamment (6 et
4). Selon son type facial, l’enfant développera une insuffisance du maxillaire
supérieur, c’est le cas le plus fréquent, ou un excès mandibulaire.
Plus tard, la mastication dure contribuera à la croissance de la face et des
fonctions. (4)
Les troubles oro-faciaux influencent négativement l’équilibre physique et
psychique de nos patients, leur santé et leurs études. C’est pourquoi nous nous
efforçons de favoriser les fonctions pendant le traitement orthodontique et de
guider le jeu des muscles péri-faciaux pour obtenir une croissance, un développement les meilleurs possibles (1).
L’âge choisi pour débuter un traitement orthopédique est en moyenne de
9 à 10 ans, quand le tiers des racines des dents de lait a été rhysalisé. Il vise
trois objectifs :
• faire le lit du couloir dentaire (2),
• acquérir une déglutition et une mastication fonctionnelles,
• instaurer une respiration naso-nasale.
Nous devons aider les parents et l’enfant, souvent avec l’aide d’autres
thérapeutes (kiné-respiratoires, ostéopathes, orthophonistes, médecins ORL).(5)
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Cette étape est longue, et c’est normal, car les pratiques enseignées doivent être suffisamment intégrées pour devenir automatiques.
Bien sûr, il y aura toujours des enfants incapables de fournir cet effort ;
pour ceux-là, le traitement d’orthodontie se réduira à un alignement des dents et
une contention … éternelle.
Depuis que nos traitements ont pris en charge très tôt la normalisation de
ces fonctions, les extractions de compensation se sont révélées plus rares. La
face et les arcades se développent en acquérant un volume suffisant pour assurer
la mise en place de la denture. De plus, l’obtention d’une mastication bilatérale
et d’une harmonie musculaire favorisent une posture équilibrée.
L’adulte a deux motifs de consultation : le premier concerne l’esthétique
de sa denture, le second la manifestation d’une douleur ou d’une gêne. La plupart du temps, les problèmes fonctionnels seront les mêmes que ceux de l’enfant
mais leur correction sera différente. L’occlusion est installée depuis longtemps
et la pathologie peut préexister sans manifestation.
La rééducation des fonctions sera difficile à obtenir et à conserver car les
mauvaises habitudes sont engrammées dans le cortex.
À l’examen clinique nous mettons généralement en évidence une dysfonction de l’ATM et une malocclusion. Le patient se plaint d’une douleur d’apparition soudaine. Certains de ces patients adultes diront volontiers que leurs
dents « avant » étaient superbes, jusqu’au jour où une obturation, la mise en
place d’une couronne ou d’un bridge a provoqué une instabilité dentaire. On
apprend, en les interrogeant davantage, qu’au même moment ou à peu près, ils
ont eu à supporter un stress important.
Il faut alors expliquer que tous les paramètres nécessaires à l’apparition
de cette pathologie apparemment récente préexistaient mais se maintenaient
sous le seuil de tolérance, et cette démarche demande beaucoup de patience. Car
en fait, l’acte incriminé n’est responsable que d’avoir révélé l’instabilité d’un
équilibre de fortune acquis au fil du temps.
La tolérance à ces dysfonctions et l’absence de douleur étaient dues à
l’interposition de la langue entre les arcades. Mais qu’un changement dans son
environnement intervienne et la langue perd ses repères. Le seuil de tolérance
est dépassé et la douleur (ou la gêne) apparaît.
L’adulte consultant dont la motivation est exclusivement esthétique peut
présenter une dysfonction. Mais, la plupart du temps, elle se trouve sous le seuil
de tolérance et le traitement orthodontique ne devra surtout pas la révéler.
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F ig 4
♦ C o n c lusion
Nous pouvons dire que la face ne peut se développer de façon optimale
que si la respiration est nasale (et ce le plus tôt possible) et si la mastication est
bien bilatérale ….
L’aide de l’orthophoniste, d’un kinésithérapeute respiratoire, la consultation du médecin ORL sera utile pour les adultes comme pour les enfants. Le
résultat de la rééducation des adultes est plus fragile mais le patient est plus
coopératif, mieux motivé. Il se rend compte, in fine, du bienfait de la respiration
nasale sur la stabilité du traitement.
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REFERENCES
1- BONNET, B.(1992) Un appareil de reposturation linguale : l'Enveloppe Linguale Nocturne (ELN).
Revue ODF; 26 : 329 – 348.
2 - CHÂTEAU, M. (1993) Orthopédie Dento-Faciale. Tome 2, 6e édition, 248 – 251. Paris : CdP.
3 - PLANAS, P. (1992) La Réhabilitation Neuro- occlusale. Paris : Masson.
4 - ROBIN, P.(1989) Revue ODF- tiré à part : (1) (23)
5 - TALMANT, J., RENAUDIN, S., RENAN, P. (1998) Ventilation et mécanique des tissus mous faciaux.
Revue O.D.F, 2, 32 207-233.
6 - TALMANT, J., RENAUDIN, P., RENAUD, P . (1988) Ventilation et mécanique de l'oro-pharynx. Le
nom de la revue, 1, 32, 105 –166.
7 - TALMANT, J., ROUVRE, M., THIBULT, J.L, TURPIN, P. (1982) Contribution à l'étude des rapports
de la ventilation avec la morphogenèse crano-Faciale, déduction thérapeutique concernant.
Ortho.F., 53, 7-181.
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Les priorités de la rééducation
Maryvonne Fournier
Résumé
La rééducation de la déglutition doit être entreprise après un examen exhaustif des postures
et fonctions. Le patient devra acquérir l’automatisme des fonctions rééduquées. Un contrôle
systématique devra être effectué après tout traitement d’orthodontie.
Mots clés : langue, fonctions, coopération, automatisation, contrôle.
Therapeutic priorities
Abstract
Treatment of swallowing disorders must take place after a complete examination of postures and functions. Functions that have been remedied must reach an automatic level. A
check-up should be systematically performed after any orthodontic treatment.
Key Words : tongue, functions, cooperation, automatic function, check-up.
Rééducation Orthophonique - N° 226 - juin 2006
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Maryvonne FOURNIER
Kinésithérapeute
Attaché à la faculté de chirurgie dentaire de
Paris VII
16 rue de Tilsitt
75017 Paris
A
la suite d’un rapide examen, l’orthodontiste peut demander au kinésithérapeute un diagnostic approfondi. Celui-ci posera alors sur le patient
son regard particulier et aidera l’orthodontiste à déterminer quelles sont
les rééducations nécessaires, préalablement au traitement orthodontique et/ou en
complément de celui-ci. Nous présentons ici et détaillons ci-dessous, le questionnaire établi par Maryvonne Fournier. Cette fiche d’examen est utilisée par le
kinésithérapeute pour élaborer son diagnostic et sert de support lors du dialogue
engagé avec l’orthodontiste. Elle consiste en l’évaluation de huit éléments : la
langue, les lèvres, le buccinateur, le sillon labio-mentonnier, les ATM, la ventilation, les habitudes nocives et les postures.
♦ L e rega r d d u k i n e s i t h é ra p e u t e
Il s’agit de compléter l’observation clinique des déséquilibres anatomiques, osseux et/ou dentaires en cherchant les anomalies de position linguale
associées. Le diagnostic s’appuiera sur un véritable triptyque d’observation de
la langue (triade de Château) : au repos, lors de la déglutition et lors de la phonation.
La langue
• Examen au repos
En position physiologique, la pointe de la langue repose sur les papilles
retro-incisives et son inclinaison postéro-inférieure, en direction pharyngée,
dégage le carrefour aérien supérieur. En écartant les lèvres, la langue étant au
repos, on doit voir la face ventrale de la langue, ainsi qu’un espace entre celle-ci
et les arcades.
La posture est mauvaise lorsque :
La langue passe entre les arcades au niveau du bloc incisivo-canin ou plus
postérieurement.
La pointe de la langue passe sur les incisives mandibulaires et pousse en
avant les incisives maxillaires.
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La langue repose sur le plancher buccal stimulant une protrusion mandibulaire associée ou non à une proalvéolie.
La langue est invisible dans le secteur incisif mais peut être visible latéralement. La langue se trouve dos au palais, la pointe piquée sur le plancher buccal, derrière les apex incisifs mandibulaires.
• Examen à la déglutition
Lors de la déglutition physiologique, la pointe de la langue s’appuie sur
les papilles retro-incisives ; il y a un léger contact inter-dentaire, sans aucune
contraction musculaire de la sphère oro-faciale.
Lorsque la déglutition est atypique, la langue adopte les mêmes mauvaises positions qu’au repos, mais de manière accentuée. Pour en effectuer
l’examen, on demande au patient d’avaler sa salive et on regarde la musculature
oro-faciale (orbiculaire oblique des lèvres, modiolus, muscles mentonniers), afin
d’y observer une contraction caractéristique d’une déglutition atypique. Dès la
fin de cette contraction, si l’on écarte doucement les lèvres, on voit la langue
dans la même position qu’au repos mais de manière accentuée. Toutefois, l’absence de contraction musculaire ne signe pas nécessairement une bonne déglutition : c’est bien l’observation minutieuse de la langue et de sa dynamique, qui
permettent d’établir la diagnostic d’une mauvaise déglutition.
• Examen à la phonation
Les appuis linguaux varient en fonction de la nature des phonèmes prononcés. Lors de la prononciation des palatales (L, N, D, T), la langue appuie sa
pointe sur les papilles retro-incisives, et elle recule lors de celle des sifflantes et
des chuintantes (S, Z, CH, J).
Ces mouvements sont inconnus de nos patients en orthodontie et il faut
les rééduquer en leur faisant prononcer certains phonèmes.
L e s p a l a tales :
• L - « Le lait » : permet de mettre en évidence la position de référence
de la langue. La langue tape sur les papilles rétro-incisives et l’on ne voit
que le dessous de la langue.
• D, N, T - « Ta rtine - Dînette » : la langue doit taper contre les papilles
rétro-incisives et non sur les arcades. En cas de mauvaise position à la
prononciation, il est fondamental de faire prendre conscience au patient
de la position anormale de sa langue, si besoin en lui présentant un miroir.
Les sif flantes : S, Z - « Seize Saucissons » : à la prononciation, la
langue ne doit pas passer entre les arcades dentaires ni toucher le bloc
incisivo-canin, mais au contraire se trouver en position postérieure.
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Lorsque la langue passe entre les dents, il peut y avoir un sigmatisme
inter-dental, autrement dit un zozotement. Pourtant, ce n’est pas ce que
l’on entend qui doit interpeller, mais ce que l’on voit !
Les chuintantes : CH - « chien - ch at » : là encore, la langue doit se
trouver en position postérieure.
Les fr icatives : V, F - « veau - violon » : le bloc incisivo-canin maxillaire doit être en contact avec l’intérieur de la lèvre inférieure. S'il y a
morsure de la lèvre inférieure, il faut corriger ce défaut préjudiciable à la
bonne position des incisives inférieures.
Les la biales : M, B , P - « mamama » : les deux lèvres doivent aller à la
rencontre l’une de l’autre. Le patient ne doit bouger qu’une seule lèvre,
la supérieure ou l’inférieure, l’autre restant immobile ou presque. Sinon
il faut rééduquer car ce défaut semble préjudiciable à la position des incisives supérieures. Il arrive même que ces phonèmes soient prononcés en
labio-dentales : la lèvre inférieure vient au contact des dents maxillaires.
• Examen du frein lingual
La pointe de la langue doit rester en contact avec les papilles rétro-incisives supérieures et sans douleur lors d’une ouverture de 40 mm. S a n s
c o n t a c t o u e n p r é s e n c e d e d o u l e u r, il f a u d r a u n e r é é d u c a t i o n n e u ro m u s c u l a i r e afi n d ' é t i r e r l e f r ein.
Si de surcroît, la langue est bifide, une freinectomie est alors indispensable. Elle devra impérativement être associée à une rééducation neuromusculaire afin d’éviter toute formation cicatricielle handicapante.
Les lèvres
Pour mener à bien l’examen des lèvres, il est parfois nécessaire, au préalable, de les étirer vers l’avant pour prévenir une contraction volontaire de type
sourire ou pincement. On palpe ensuite le vermillon de la lèvre (orbiculaire
horizontal).
La tonicité est correcte lorsque l’on a sous les doigts une sensation d’élasticité musculaire ; elle est faible si l’impression est celle de coton hydrophile.
La lèvre supérieure peut aussi prendre l'aspect d'une sangle tendue sur le
maxillaire, avec un philtrum effacé. Dans ce cas, elle ne bouge pas lorsque le
patient essaie de faire vibrer ses lèvres : on observe ce phénomène dans certaines classes III ou en présence de séquelles de fentes palatines.
Le buccinateur
Le buccinateur est le muscle de l’ouverture labiale et du sourire. Il s’associe aux
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zygomatiques et aux risorius lorsque le sourire est forcé.
Quand une déglutition est atypique, ce muscle est étiré 2000 fois par jour par la
contraction de l’orbiculaire oblique. Or, tout muscle étiré perd de sa force et se
fatigue plus vite.
La faiblesse du buccinateur doit donc alerter. Il suffit de demander au patient
d’effectuer, trois fois de suite, un sourire forcé. Un sourire physiologique sera
large, symétrique, reproductible sans fatigue. A l’inverse, un manque de tonicité
du buccinateur se traduira par :
• Soit un sourire limité en amplitude, en répétition, en tenue ;
• Soit une participation des muscles peauciers du cou (plastyma)
• Soit une asymétrie du sourire.
Le sillon labio-mentonnier
Le sillon labio-mentonnier se situe au changement de courbure entre la lèvre
inférieure et le menton. Il s’agit donc d’une zone amusculaire, située entre deux
zones musculaires : les orbiculaires et les muscles mentonniers.
Ce sillon peut être effacé ou marqué. L’examen par la palpation cherchera
à évaluer sa plus ou moins grande souplesse. Il faut pouvoir le plisser en trois
petits plis parallèles et verticaux dans la région médiane (FOTO). S’il s’avère
tendu et profond, ce sillon peut être responsable d'un déficit parodontal avec ou
sans récession gingivale (DDP de Pougatch et Bassigny).
Les AT M
Un d ysfonctionnement des ATM est toujour s associé à une mauv aise position
linguale . L’inve r se n’est pas vr ai.
Le diagnostic repose avant tout sur l’anamnèse. Elle portera sur les bruits,
les douleurs, notamment le matin au réveil, à l’ouverture maximale, lors des
bâillements ou de l’ingestion d‘aliments durs. L’examen clinique permettra
d’évaluer l’amplitude des différents mouvements, leur déviations éventuelles à
l’ouverture et/ou à la fermeture, ainsi que les mouvements anormaux (arc de
cercle, zigzag, ainsi que tout problème articulaire et/ou musculaire).
Enfin, selon Dolto, la non-réponse ou la réponse limitée à l’ordre de propulsion mandibulaire ou de latéralité signe chez le patient une absence ou une
diminution de perception du schéma corporel.
L a ve n t i l a t i o n
Une v e n t i l a t i o n o r a l e e s t t o u j o u r s a s s o c i é e à u n e m a u v a i s e p o s i t i o n
linguale. L’anamnèse est essentielle pour déceler ce problème : bouche ouverte
en permanence, sensations de soif la nuit ou au réveil, problèmes ORL (rhinopharyngites à répétition, sinusites ou otites infectieuses ou séreuses).
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• Le diagnostic différentiel
L’objectif du diagnostic différentiel sera de déterminer si la ventilation buccale
est « vraie », c’est-à-dire liée à un dysfonctionnement des ailes narinaires et/ou
à un nez bouché, ou si elle est due à une mauvaise posture linguale. Dans ce
dernier cas le problème de la ventilation buccale sera réglé par la seule rééducation de la langue.
Les tests de Rosenthal, d’une part, et de Gudin, de l’autre, permettront de
poser ce diagnostic différentiel.
• Le test de Rosenthal
Le test de Rosenthal consiste à demander 15 respirations nasales douces au
patient, tout en observant son comportement et en repérant son rythme cardiaque par la prise du pouls.
Si le patient ne comprend pas l’ordre donné, il s’agit d’une immaturité de
la ventilation ;
Si le patient ne parvient pas à respirer, c’est que le nez est obstrué par un
défaut de mouchage, des mucosités dues à une rhino-pharyngite, des
polypes, ou des végétations volumineuses. Il faut apprendre au patient à
nettoyer son nez.
Nous serons en présence d'une ventilation buccale "vraie" :
– si le patient ouvre la bouche avant la 15ème respiration ;
– ou si son pouls a accéléré avant cette 15ème respiration ;
– ou si des taches rouges apparaissent sur ses pommettes ;
– ou s'il montre une transpiration de la lèvre supérieure ;
– ou s’il hausse les épaules, sollicitant ainsi les aspirateurs accessoires
que sont les scalènes ;
– ou s'il souffre de légers vertiges ou de céphalées (signes d’alcalose).
• Le test de Gudin
Le test narinaire de Gudin consiste à pincer les narines 1 seconde puis de les
libérer. Celles-ci doivent battre et s'écarter. Si elles restent collabées ou s’écartent sans battre, il y a dysfonctionnement. L’ouverture narinaire doit alors être
rééduquée.
♦ Les habitudes nocives
Ce sont des praxies répétées, souvent inconscientes mais nécessaires au
repos du patient. Ces habitudes entraînent des déséquilibres musculaires multiples et lorsqu’elles sont cachées au thérapeute, empêchent le bon déroulement
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de la rééducation. Il est donc important en cas de difficultés de résultats, de faire
un interrogatoire précis.
• La succion des doigts ou d’une tétine
Toute succion persistante empêche la langue de prendre sa bonne position.
• Autres habitudes nocives
Les autres habitudes nocives sont beaucoup plus inconscientes que la succion du
pouce et souvent moins visibles : elles nécessitent toutes de la relaxation.
L e t é t age de langue : il remplace très souvent la succion du pouce
lorsque celle-ci a été arrêtée de force ou de façon intempestive.
L e m o r dillement de la lèvre inféri e u re : cette praxie entretient un
éventuel décalage antéro-postérieur, d’autant plus aggravé si la lèvre inférieure
tape contre les incisives maxillaires.
L e b r uxisme : il peut être excentré alterné et dynamique, ou centré et
immobile. Dans ce second cas, les masséters sont constamment sollicités et des
troubles de l’appareil manducateur peuvent apparaître.
L a p o s t u re
Un intérêt particulier sera porté à trois éléments : les pieds, les épaules et
la tête. Ils sont souvent des signaux d'alerte associés à une dysmorphose maxillaire ou à un dysfonctionnement lingual.
• Les pieds
Il est très instructif d’observer comment le patient marche et déroule les
pieds. La posture podale postérieure peut être observée dans certaines Classes
III, de même qu'une posture podale antérieure peut l’être dans certaines Classes
II 1 et/ou retrognathies mandibulaires.
• Les épaules
L’horizontalité de la ligne des épaules du patient sera observée sur un
patient debout et de face. Pour faciliter cet examen, il suffit de coller une bande
adhésive sur un mur du cabinet. En cas d’asymétrie le patient sera incité à
consulter en vue d'une rééducation.
• La tête
Lorsque la tête du patient est déjetée en avant de la ligne du cou, on peut
pronostiquer qu'il sera quasi-impossible d'acquérir une ventilation naso-nasale
automatique pas plus qu’une mobilité normale de la mandibule (cf. Maryvonne
Fournier).
Les relations existantes entre les yeux, la langue et les pieds, imposent
l’examen attentif de la posture céphalique. La tête est-elle droite, penchée laté-
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ralement ou en rotation ? Une mauvaise posture de la tête peut évoquer une attitude scoliotique, une scoliose ou un problème oculaire.
♦ L e s p ri o rités de résultat
Si le diagnostic des déséquilibres neuro-musculaires (triade de Château),
des praxies perturbées a été fait avec minutie, il reste à obtenir des résultats qui
ne sont pas toujours faciles à visualiser car souvent le patient est appareillé.
Obtenir une bonne position linguale au repos
Le patient ne doit plus supporter la langue sur les dents. Car toute persistance d’une mauvaise position de repos va entraîner une récidive des dysfonctionnements oro-faciaux : déglutition, phonation, ventilation.
Déglutition
La rééducation se fera jusqu’à obtention définitive de la langue au palais
sans la moindre contraction (voir définition de la position physiologique en
début d’article).
En fin de rééducation, on ne doit voir que de bonnes déglutitions, inconscientes, au cours de 5 minutes de lecture.
L a p h o n ation
Les palatales doivent être prononcées pointe de la langue au palais sans
aucun effort ni conscience. De la même façon la langue ne doit pas être en
contact avec les arcades.
Les sifflantes, chuintantes et fricatives ne doivent plus être prononcées en
mordant la lèvre inférieure.
Les labiales : les deux lèvres doivent venir au contact l’une de l’autre.
Tonicité labiale
Il faut impérativement :
- Tonifier l’orbiculaire horizontal et surtout pas l’orbiculaire oblique déjà le plus
souvent trop tonique.
- Ne pas oublier le buccinateur s’il est jugé trop faible.
- Libérer le sillon labio-mentonnier s’il est trop tendu. Cependant, ce travail ne
servira à rien si la rééducation de la déglutition n’est pas obtenue.
Ventilation buccale
Il est impératif de retrouver une ventilation naso-nasale sans effort aussi
bien au repos que durant l’effort. Il faut se rappeler que si la ventilation nasonasale est difficile à obtenir, la posture de la langue peut en être responsable.
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Les AT M
Il ne faut jamais oublier de contrôler le bon fonctionnement des ATM.
Une bonne rééducation linguale va soulager les ATM et très souvent leur permettre de retrouver une fonction harmonieuse. Il faudra néanmoins contrôler
les mouvements mandibulaires, leur amplitude, les mouvements anormaux, les
éventuelles douleurs à distance. Se rappeler que « la langue est le moteur de la
mobilité mandibulaire ».
L a p o s t u re
Les traitements orthodontiques ne seront pas stables si les postures ne
sont pas bonnes.
Les ha bitudes nocives
Impossible de considérer une rééducation terminée si un bruxisme persiste. Des séances de relaxation seront nécessaires pour faire disparaître
bruxisme, tétage de langue, mordillement de la lèvre inférieure, de la joue.
A c q u i s i t i o n d e s a u t o m a tismes
Le patient devra être suffisamment motivé afin de poursuivre sa rééducation jusqu’à son terme, à savoir, l’acquisition de l’automatisme. Nous ne
devons pas nous contenter d’observer les réponses musculaires aux ordres
donnés mais obtenir des postures, fonctions et praxies s’effectuant « sans
conscience » .
♦ Contrôle des résultats obtenus
Il s’agit d’un travail d’équipe avec l’orthodontiste. Que la rééducation ait
eu lieu avant le traitement orthodontique ou pendant, il faut absolument un
contrôle après la dépose des appareils et en fin de stabilisation (contention).
Libérée des contraintes orthodontiques, la sphère oro-faciale nécessite
toute notre attention. Parfois quelques séances chez le kinésithérapeute seront
nécessaires pour confirmer l’automatisation des fonctions.
♦ C o n c lusion
Le questionnaire présenté ici permet d’évaluer l’importance des déséquilibres musculaires ainsi que leur siège exact.
Il est toujours possible de rééduquer de mauvaises fonctions ou postures.
Un buccinateur affaibli, une lèvre atone, un défaut de prononciation, le
bruxisme ou une langue basse sont autant d’éléments qui peuvent être rééduqués par la kinésithérapie, l’orthophonie ou la relaxation.
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L’orthodontiste se doit donc d’y être sensible et d’y sensibiliser son
patient : il optimise ainsi les chances de succès et de pérennité de son traitement et œuvre au bien-être général de l’adulte ou de l’enfant qu’il suit.
A condition d’être convaincu de l’importance de l’automatisation de la
posture linguale et des praxies oro-faciales, de l’obligation d’obtenir un équilibre fonctionnel entre antagonistes et agonistes et enfin aboutir à un patient à
l’aise dans son visage et son corps.
REFERENCES
CHAUVOIS, A., FOURNIER, M., GIRARDIN, F. (1993). Rééducation des fonctions dans la thérapeutique orthodontique. S.I.D. éd., Paris,
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Prise en charge de l’adulte « demandeur » de
rééducation de déglutition dysfonctionnelle
Isabelle Eyoum
Résumé
La prise en charge de ce trouble dysfonctionnel concerne habituellement l’enfant plus que
l’adulte. Pourtant il est moins rare qu’on pourrait le penser d’avoir une demande de soins
pour l’adulte.
La demande émane de l’orthodontiste ou bien du dentiste qui suivent l’adulte consultant
pour des problèmes dentaires (déchaussement, déplacements secondaires à une déglutition
dysfonctionnelle). Pourtant souvent l’adulte vient de son propre chef pour savoir s’il y a
encore quelque chose à faire pour corriger sa gêne. Sa motivation peut-être une gêne fonctionnelle, une anomalie de prononciation mal vécue ou une raison esthétique, liée à un travail où le visage et le sourire ont une importance sociale : hôtesse d’accueil, commercial(e),
instituteur(rice), professeur. Le plus souvent ce sont des femmes qui consultent. Elles sont
plus assidues à la rééducation, investissent pleinement le travail à faire à la maison et, en
général, elles ont la ténacité voulue pour mener à bien un long travail de maîtrise de leur
déglutition.
Mots clés : déglutition dysfonctionnelle, adulte, rééducation, motivation, psychologie.
Remediation of swallowing disorders in adults asking for treatment.
Abstract
The treatment of swallowing disorders concerns children more often than adults. However,
requests made by adults are not as rare as one may think.
The referral is made by the patient’ s orthodontist or dentist who follow him (her) for dental
problems that are secondary to a swallowing disorder. However, the adult may consult of his
own volition to find out if some action can still be taken. The reasons for consulting may be
functional hindrance, articulation disorders or aesthetic reasons related to professions that
value facial appearance and smiling: hostess, businessman, teacher. Women consult more
often than men. Furthermore, they are more motivated and carry out the exercises and the
long home-based program to the end.
Key Words : swallowing disorder, adult, treatment, motivation, psychology.
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Isabelle EYOUM
Orthophoniste
Chargée de cours à Paris VI
et à l’université de Besançon
11 rue de Saint-Quentin
94130 Nogent-sur-Marne
L
a prise en charge de la déglutition dysfonctionnelle de l’adulte est particulière. Elle nécessite patience et psychologie. En effet, c’est une rééducation de longue durée car le patient adulte a « imprimé » un mauvais
mécanisme pendant de nombreuses années qui s’est automatisé au fil du temps.
Il va falloir « casser » ce conditionnement pour le remplacer par le déroulement correct des processus de la fonction de déglutition.
La rééducation sera longue (environ 24 mois) et la répétition des exercices peut s’avérer fastidieuse pour le patient. Il faut donc pouvoir le motiver
jusqu’à l’obtention du geste correct permettant une déglutition fonctionnelle.
Parmi les adultes ayant suivi une rééducation de ce type, les trois cas présentés dans cet article m’ont paru les plus représentatifs du travail de l’orthophoniste dans cette prise en charge si spécifique.
♦ P r é s e n t a t i o n d e t ro i s c a s d ’ a d u l t e s
P re m i e r c a s
Madame Patricia P., âgée de 48 ans, consulte le 14 /02/ 2001, envoyée par
son orthodontiste qui lui a posé des bagues pour la deuxième fois consécutive.
Un premier traitement orthodontique avait été pratiqué en 1998. L’appareillage
avait été déposé en 1999 et replacé 6 mois plus tard, en raison d’une récidive,
objectivée par la réapparition du diastème initial des incisives centrales supérieures. Le praticien n’avait apparemment pas remarqué de déglutition dysfonctionnelle lors de la première pose de bagues et se demande si cette récidive est
la conséquence d’un mouvement d’appui lingual.
Le bilan orthophonique révèle :
– une béance latérale supérieure gauche et un diastème incisif,
– des lèvres peu toniques,
– un filet lingual très court gênant l’ascension linguale,
– des buccinateurs asymétriques et peu fonctionnels,
– une ventilation de type buccal,
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– une onychophagie importante qu’elle ne peut inhiber même pendant l’examen (en rapport avec la béance gauche),
– un geste impulsif répétitif de se passer la langue sur les lèvres,
– des syncinésies bracchiales (sursaut avec resserrement des bras et élévation
des épaules lors de la déglutition volontaire),
– une articulation parfaite.
La langue, au repos, est plate, largement étalée sur le plancher et prend
appui, lors de la déglutition, à la hauteur des canines supérieures.
A la suite de nombreuses explications, Madame P. prend conscience de la
raison qui fait que sa déglutition dysfonctionnelle perdure et accepte de suivre
des séances d’orthophonie.
Elle est dans un métier de relation, travaillant comme directrice d’usine et
devant avoir de fréquents contacts commerciaux. Elle dit, elle-même, que son
charme et son sourire sont des atouts de vente ! Or, depuis un ou deux ans, son
articulé dentaire se dégrade, ses canines se tournent vers l’extérieur et il se
forme une béance antérieure marquée, ce qui l’a conduite à suivre un traitement
orthodontique.
Elle est assez stressée et avoue qu’elle a sucé son pouce jusqu’à l’âge de
40 ans, suite, pense-t-elle, à de très mauvaises relations avec sa mère. Au décès
de celle-ci, elle a suivi une psychanalyse et a réussi à arrêter cette succion du
pouce. A cause du stress dû aux difficultés de son entreprise, elle a débuté une
onychophagie massive, elle se ronge les ongles au sang, parfois jusqu’à la
lunule. Elle dit qu’elle ne peut s’en empêcher. Pour ses rendez-vous d’affaires,
elle se colle des faux ongles.
Mme P. a compris assez rapidement les mouvements à exécuter, la musculature labio-jugo-linguale s’est restaurée en 3 semaines d’exercices. En volontaire, elle peut obtenir une déglutition correcte avec appui palatal et recul de
langue correct. Par contre, elle se dit incapable de le faire sans y réfléchir tout
au long du repas. 40 séances( sur deux années) se sont avérées nécessaires pour
obtenir l’automatisation du mécanisme. Tout au long de chaque séance, nous
avons travaillé aussi sur la prise de conscience de ce qui déclenchait le geste de
porter ses ongles entre les dents et je lui ai fait observer au miroir qu’à cet instant, la langue venait se glisser entre les dents pour téter l’ongle juste avant
qu’elle le mordille puis qu’elle l’arrache avec ses incisives. Elle a alors réalisé
que ce conditionnement, opéré plusieurs fois par jour, de façon inconsciente,
allait à l’encontre de l’automatisation du processus normal de déglutition. Nous
avons essayé d’aborder ce problème avec humour en jouant à nous attacher les
mains pendant la séance, ou en poussant un cri d’alerte dès que je voyais monter
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la main vers la bouche, etc. A la maison, elle s’est rendue compte que c’est en
regardant la télévision que l’onychophagie était la plus intense. Elle s’est également rendue compte que si ses mains étaient occupées, elle se rongeait moins
les ongles. Nous avons donc alterné à la maison, soit le port de gants, soit le fait
de tricoter ou de broder un canevas pour tenter un déconditionnement.
En Juillet 2002, nous avons pris d’un commun accord la décision d’arrêter la prise en charge. L’articulé dentaire n’avait pas bougé depuis 8 mois, date
de dépose des bagues, et elle se sentait capable de maîtriser ses impulsions
« onychophagiques ».
Deuxième cas
Madame Marie-Claude F., institutrice, âgée de 46 ans, vient consulter en
janvier 2003, envoyée par son orthodontiste. La béance antérieure supérieure est
telle que la fermeture buccale est incomplète, les lèvres ne peuvent se toucher.
Les incisives centrales supérieures se détachent en avant et sont encadrées des
deux autres incisives voisines légèrement plus en retrait. Elle se plaint surtout
d’un trouble de prononciation, encore plus que de l’aspect esthétique. En effet,
elle a quitté sa classe de CP pour enseigner en CM 1 et les élèves se moquent
d’elle ouvertement, ce qu’elle ne peut plus supporter.
Le passage de la langue entre les mâchoires qui ne la contiennent plus
provoque un déplacement des points d’articulation sur le /s/, le /t/, (moins sur le
/n/ et le /d/). De plus, on voit sortir l’apex lingual, même au repos. Cette dame
est très motivée actuellement. Pourtant, à 18 ans, elle avait déjà été suivie pour
un trouble de l’articulé dentaire, on lui avait fait passer des radios panoramiques
montrant, dit-elle, que « ses mâchoires n’étaient pas dans l’axe habituel ».
Devant le coût de l’opération annoncée, elle avait décidé de repousser dans le
temps l’appareillage proposé.
Le bilan orthophonique révèle :
– une béance antérieure très marquée,
– une prognathie avec proalvéolie supérieure, déviation des incisives en
avant et vers le haut,
– un chevauchement des canines,
– au repos, la langue est largement étalée en position interdentale, l’apex sortant légèrement sous les incisives centrales relevées,
– la fermeture labiale n’est pas complète même à l’effort,
– lors de la déglutition, le sillon naso-labial est tendu,
– la houppe du menton est contractée, en accord avec la compensation lors
de la fermeture pour déglutir,
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– les buccinateurs semblent fonctionnels et symétriques lors du serrage dentaire des molaires mais Mme F. se plaint d’une gêne lors de la mastication
des aliments qui lui est pénible et elle a modifié son alimentation de ce fait
en privilégiant les aliments mous, blancs de poulet, jambon, poisson ou
steaks hachés, purées, yaourts,
– pour dormir, elle sent « qu’elle est obligée de téter sa langue ». La succion de la langue se poursuit donc depuis des années. Le matin, l’oreiller
est trempé de salive par malocclusion labiale,
– la ventilation est totalement buccale, le test du ballon est impossible (ce
test consiste à faire gonfler par le patient un ballon tenu entre les lèvres
sans le tenir avec les mains, il renseigne sur le manque de force labiale
dans le cas où le ballon s’échappe des lèvres à la première poussée, ou sur
la mauvaise gestion de la ventilation nasale si le patient « réavale » par la
bouche l’air du ballon au lieu d’inspirer par le nez),
– on note la présence de syncinésies digitales lors de la déglutition,
– l’articulation montre un sigmatisme interdental marqué sur le /s/ et le /t/,
plus léger sur le /n/, très léger sur le /d/.
La prise en charge a débuté à la suite du bilan, Mme F. étant très motivée
et poussée par le stress ressenti au travail. Au bout de 40 séances, (hebdomadaires pour les 20 premières, puis tous les 15 jours pour les suivantes), elle est
arrivée à ressentir l’appui lingual au palais, le recul important que cela entraînait
chez elle, et les modifications que cela provoquait. En effet, les incisives se sont
redressées et la fermeture buccale étant possible, le sigmatisme sur le /s/ commençait à régresser sérieusement. Parallèlement, pour l’aider à conserver une
ventilation nocturne nasale, une enveloppe linguale nocturne (E.L.N.) lui a été
prescrite par l’orthodontiste.
Mme F. est revenue en Janvier 2005, 7 mois après l’arrêt de sa prise en
charge. L’articulation étant normalisée et la mastication ne la faisant plus souffrir, la pose de bagues a alors permis à Mme F. de retrouver un sourire satisfaisant. Par sécurité, il lui a été placé un fil dentaire pour contention, à l’arrière des
dents de la mâchoire supérieure. Mme F. est très satisfaite et a retrouvé son
humour et sa gaieté.
Tr oisième cas
Monsieur Guy V. âgé de 48 ans, vient consulter en mai dernier, adressé
par son orthodontiste qui voit son état facial se dégrader au fur à mesure que ses
soins avancent, ce qui lui pose problème.
Le bilan orthophonique révèle que ces troubles remontent à 8 ans et qu’ils
empirent avec le temps quels que soient les traitements proposés par les nom-
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breux spécialistes consultés. Il y a une vingtaine d’années, Mr V. a subi l’extraction d’une canine. Pendant douze ans, rien n’a semblé bouger dans sa dentition.
Il y a huit ans, son dentiste constatant un trouble de l’articulé dentaire, lui propose de déplacer la prémolaire pour la mettre à la place de la canine manquante
et, par un appareillage, de corriger le trouble. Après la dépose de l’appareillage,
il y eut quelques semaines de rémission, puis un blépharospasme (spasme de la
paupière) très important est apparu, gênant Mr V. dans son travail. On lui plaça
des gouttières à porter jour et nuit, puis un bridge fut prévu pour remplacer la
prémolaire déplacée. Avec l’appareillage orthodontique (bas et haut), les douleurs arrivèrent à un degré maximal, nécessitant l’injection de Botox pour faire
céder le spasme.
A l’examen clinique, l’hémi-spasme facial est complet : front, paupières
supérieure et inférieure, lèvre droite, surtout à la commissure, menton et cou.
Monsieur V. souffre beaucoup, n’arrive plus à travailler correctement, ressent
une gêne pour parler et pour mastiquer.
Quelques stimulations faciales sur le trajet du nerf facial et à la jonction
du trijumeau semblent le soulager mais cela ne dure que quelques minutes.
Devant ce tableau, il semblait logique de chercher une cause provoquant cette
névrite chronique et comme la vaso-dilatation provoquée par les stimulations
faciales le soulageait quelques minutes, il paraissait envisageable de penser à un
conflit vasculo-nerveux. Je lui ai donc conseillé d’aller voir un chirurgien très
compétent dans le domaine maxillo-facial. La suite a été fort heureuse pour ce
patient que je n’ai vu finalement que le temps du bilan !!!
Son témoignage me semble tout à fait important. Aussi, à ma demande, il
a accepté de se livrer afin que son « aventure » puisse aider d’autres patients
souffrant du même mal, car ces personnes sont trop souvent dites « patients
psycho-somatiques » (surtout si leur vécu se prête à ce diagnostic hâtif).
TEMOIGNAGE de Monsieur Guy V., patient né en Janvier 1957
Je tiens à témoigner d'une expérience médicale qui a mal commencé et
qui heureusement, grâce à l'enchaînement de certaines rencontres et le non
conformisme de certains médecins ou praticiens, m'ont amené à une guérison à
laquelle je ne croyais plus…
Il y a bientôt 9 années, le 26 décembre 1996, je perdais ma fille Caroline
qui nous quittait des suites d'une tumeur cérébrale foudroyante, elle avait 3 ans
et demi. Depuis cette date, beaucoup de choses dans ma vie ont changé. Ce qui
est certain, c'est que j'étais sujet à des douleurs faciales environ une année
avant le décès de ma fille et que les spasmes se sont accentués progressivement
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après son décès. J'ai donc commencé à consulter, il y a 8 ans environ, pour un
trouble qui a été longtemps identifié comme une pathologie liée à cet événement douloureux ou au stress. Les médecins généralistes que je consultais
m'ont prescrit du Magnésium, du Rivotryl, du Lexomil, du Myolastan ou
d'autres neuroleptiques de ce genre pendant quelques années. La douleur s'installait, le sommeil devenait difficile, la vie en société se compliquait, je fuyais
par principe les rencontres, les dîners entre amis, voire les rendez-vous professionnels et toute tentative d'expression orale nécessitant des efforts considérables. Je commençais à déprimer sérieusement. Pendant les trois années qui
ont suivi, j'ai tenté d'autres pistes sur conseil médical : extraction des 4 dents
de sagesse, 2 acupuncteurs, 1 magnétiseur, 1 médecin kinésiologue et même un
psychothérapeute, tout cela sans succès. Il y a 5 ans, ces troubles devenant
chroniques et entraînant des crispations faciales extrêmement douloureuses, je
décidais de consulter une neurologue parisienne qui ne sut que préconiser l'injection de toxine botulique pour tenter de me soulager. Cette aventure entraîna
des complications car une paralysie de la lèvre supérieure droite ajouta, à mes
maux, un handicap supplémentaire pendant quelques semaines. Le spasme était
toujours là et cette expérience m'a éloigné de la voie médicale traditionnelle.
Mon horizon, bien trouble, commença à s'éclaircir avec la rencontre d'une
ostéopathe remarquable, spécialisée dans le traitement des douleurs faciales
(Elisabeth Roux). Pendant toutes ces années de galères, elle a été la partenaire
de mes soulagements ponctuels, elle m'a offert en me soulageant quelques
heures, des moments de répit après chaque séance et me préparait pour les
réunions importantes (car je dirige une entreprise d'une vingtaine de personnes, ce qui n'autorise pas les pauses médicales longues). Ces troubles persistant et s'aggravant, j'explorais une voie nouvelle, celle de l'orthodontie. Tout
le monde sait que les dents sont un acteur majeur de notre équilibre, et me
voilà parti pour un traitement de 14 mois avec un accompagnement toujours
aussi soutenu de mon ostéopathe. Au cours du traitement, j'ai ressenti une amélioration sensible mais j'étais encore très loin de la solution. Il faudra, grâce à
mon orthodontiste (le Dr Laurence de Maistre) que je rencontre tout d'abord
une orthophoniste (Isabelle Eyoum) qui, consciente du chemin jusque là parcouru, pressent un conflit vasculo-nerveux. Elle m'envoie donc vers un chirurgien de Caen, spécialisé en chirurgie maxillo-faciale, le docteur Daniel Labbé,
qui me prescrit une IRM pour rechercher l'éventuelle présence d'un conflit vasculo-nerveux, et là « BINGO ! » l'examen pratiqué en pleine crise, révèle
l'origine certaine de tous mes maux. Je peux mettre un nom sur ma maladie :
un spasme hémi-facial. Mais voilà les spécialistes sont ra res, et le Dr Labbé,
spécialisé dans la chirurgie réparatrice, m'oriente vers un autre spécialiste,
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sûrement un des meilleurs. Il s'agit du professeur Jacques Magnan, chef de service ORL à l'hôpital Nord de Marseille. J'ai donc pris contact avec le service
de cet hôpital et j'ai rencontré pour la première fois Monsieur Jacques Magnan
le 12 juillet 2005. Au premier coup d'œil sur mon I.R.M., il me rega rde droit
dans les yeux avec un sourire rassurant et me dit "je vais vous guérir Monsieur
V.". Je n'espérais même pas cela, il m'aurait dit : "je vais vous soulager", j'aurais été le plus heureux des hommes.
Il m'a montré l'anomalie, sur les clichés, et ce fameux conflit entre artère
cérébelleuse et nerf facial. Il me restait à prendre un rendez-vous pour une
intervention. Celle-ci fut pratiquée le 22 septembre 2005 à Marseille. Je suis
entré en salle d'opération à 16h45 pour en sortir à 19h15 débarrassé de ma
douleur. J'ai passé une semaine dans le service du professeur Magnan, aidé
par une équipe remarquable, à son image et depuis, je profite tous les jours, de
chaque moment sans douleur avec un plaisir que vous ne pouvez pas imaginer.
Un grand merci à tous les artisans de cette difficile aventure, aux personnes
qui ont su m'accorder leur attention et à toute ma famille, car ce qui était difficile pour moi l'était tout autant pour elle.
Merci, merci, mille fois merci !!!!
Guy V., le 8 novembre 2005
♦ C o n c lusion
Ces trois études de cas tenteraient de montrer que la prise en charge de
l’adulte ayant une déglutition dysfonctionnelle ne se résume pas simplement à
une rééducation d’une bonne position linguale mais à une prise en compte des
parafonctions (cas 1 et 2) comme l’onycophagie de Mme P. ou la pulsion linguale de Mme F. Par contre, pour M.V., il s’agissait de poser un diagnostic
orthophonique différentiel qui l’orienta alors vers la nécessité d’une intervention
chirurgicale.
L’intérêt de la prise en charge de patients adultes ayant une plainte de
dysfonction linguale permet, une fois encore, de réfléchir à notre champ de
compétence, à la fois sur le versant anatomo-fonctionnel en relation avec un
traitement orthodontique et, d’autre part, à la nécessité de pouvoir orienter le
patient souffrant de douleurs oro-faciales vers des thérapeutes compétents spécialisés dans ce domaine.
Contrairement à l’enfant, l’adulte a une plainte spécifique. Il ne s’agit pas
de le convaincre de l’utilité d’une prise en charge et d’une rééducation mais de
répondre à la gêne ou aux douleurs qu’il vit au quotidien. C’est pour cela que la
prise en charge est certainement plus longue mais moins souvent sujette à la
récidive.
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Page 83
REFERENCES
CHAUVOIS A., FOURNIER M., GIRARDIN F. – Rééducation des fonctions dans la thérapeutique
orthodontique, Editions SID, Nantes, 1991, pp 75-181
MAURIN N.- Rééducation de la déglutition, L’Ortho-Edition, Isbergues, 1988, 159 p.
MOUTON L. – Dysfonction neuro-musculaire de la cavité buccale, Glossa, 1993, 36, pp 40-43
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Réponses de l’orthophoniste face à un frein de
langue
Bernard Sergent, Chantal Zbinden-Trichet, Arnaud Picard
Résumé
Le diagnostic d’un frein court lingual repose essentiellement sur le retentissement fonctionnel qu’il entraine. Une frénoplastie chirurgicale est indiquée en cas de retentissement
orthophonique ou orthodontique.
Mots clés : : frein de langue.
How the speech and language therapist treats patients with tongue
frenum
Abstract
A diagnosis of short lingual frenum is made according to its functional repercussions. Surgical plasty of the tongue frenum is appropriate when there are speech and language or
orthodontic consequences.
Key Words : tongue frenum.
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Bernard SERGENT
Chantal ZBINDEN-TRICHET
Arnaud PICARD
Service de Chirurgie Maxillo-faciale
et Plastique
Hôpital d’enfants Armand Trousseau
26 avenue de Dr Arnold Netter
75571 Paris cedex 12
Université Pierre et Marie Curie, Paris 6
Laboratoire INSERM U 714
Institut Biomédical des Cordeliers IFR58
15-21 rue de l’Ecole de Médecine
75270 Paris cedex 06
L
’orthophoniste peut-être confronté
au problème d’un frein court de la
langue essentiellement dans 2 circonstances :
- lors de l’évaluation de troubles
simples de l’articulation liés à un
défaut de mobilité et/ou de positionnement de la langue
- lors de l’évaluation de la persistance d’une déglutition infantile ou
dysfonctionnelle associée des
troubles d’articulation.
Lorsque l’évaluation des troubles d’articulation est motivée par la brièveté du frein de la langue, les troubles retrouvés sont limités. Ils intéressent uniquement la réalisation des consonnes suivantes:
Les dorso-alvéolaires /s, z/
Les apico-dentales /t, d, n/
Les dorso-palatales /ch, j, z/
L’apico-alvéolaire /l/.
Dans ces cas, la langue rencontre des difficultés ou est dans l’impossibilité de se positionner correctement, ceci selon l’importance de la brièveté.
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Lors de l’évaluation de la persistance d’une déglutition infantile ou dysfonctionnelle, aux troubles simples d’articulation déjà cités vont s’ajouter ceux
dus aux malpositions dentaires, aux troubles de l’articulé dentaire et à un possible diastème inter-incisif.
Dans tous les cas, ces troubles d’articulation ne seront jamais responsables à eux-seuls, d’un retard de parole et/ou de langage mais peuvent l’accompagner. Ils restent isolés et facilement réversibles après chirurgie et rééducation
orthophonique.
♦ Dia gnostic positif
Un frein de langue est qualifié de court s’il entraine une ankyloglossie. Le
problème est qu’il n’existe pas de définition claire de l’ankyloglossie (1). D’une
façon générale, on s’accorde pour parler d’ankyloglossie lorsque, dans le sens
vertical, l’élévation de la langue est limitée et ne peut venir au contact du palais
antérieur, et lorsque dans le sens sagittal, la protraction de la langue ne lui permet pas de dépasser de plus de 1 mm l’arcade dentaire inférieure (2).
La forme typique, cliniquement évidente, associe une corde tendue à la
palpation du plancher buccal et une déformation en cupule de la face supérieure
de la pointe de la langue en protraction (voir photo). Dans les formes anatomiquement moins évidentes, le diagnostic de frein court sera le plus souvent porté
sur le retentissement fonctionnel, comme cela a été envisagé dans les circonstances de découverte (3).
♦ Tr a i t e m e n t
Lors de la période néo-natale, le frein court présente une partie antérieure,
grande surface triangulaire qui s’étend de la face inférieure de la pointe de
langue au plancher buccal, pellucide, (on parle quelquefois de filet), non vascularisée. C’est cette partie pellucide qui sera sectionnée aux ciseaux, à l’aide
d’une sonde cannelée stérile soulevant doucement la langue. Cette frénotomie
est réalisée sans anesthésie, le plus souvent par le pédiatre, en maternité. Sa simplicité en fait retenir l’indication systématique.
Chez l’enfant plus grand, c’est une frénoplastie qui est réalisée. Elle peut
avoir lieu vers 4-5 ans en cas de retentissement orthophonique, et alors réalisée
sous anesthésie générale. En l’absence de retentissement orthophonique, mais
en cas de retentissement orthodontique, elle aura lieu vers 6-8 ans, sous anesthésie locale à partir de 7 ans et si l’enfant est coopérant ; sinon elle est réalisée
sous anesthésie générale.
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Il s’agit d’une intervention chirurgicale, au bloc opératoire. C’est une
plastie d’allongement du frein. Plusieurs techniques ont été décrites : plastie en
Z, plastie en double Z, plastie en V-Y. Si le frein est très épais et bref, avec accolement de la langue aux muscles génio-glosses, on associera à la plastie
muqueuse, une dissection pelvi-linguale, prudente, pour ne pas léser les
branches distales du nerf lingual.
Ces différents types de plasties muqueuses sont bien sûr suturés et il
n’existe pas de risque de réaccolement. Il n’est donc pas nécessaire de pratiquer
une rééducation post-opératoire spécifique, sauf cas particulier d’ankyloglossie
très sévère. Une rééducation orthophonique viendra parfaire le résultat de la
correction chirurgicale des troubles d’articulation induits par la brièveté du
frein.
En conclusion, si un frein court n’a pas été sectionné en période néonatale, il devra faire l’objet d’une frénoplastie vers l’âge de 4-5 ans en cas de
retentissement sur les gestes d'articulation ou sur le geste du premier temps de la
déglutition, ou vers l’âge de 7-8 ans en cas de retentissement sur la croissance
maxillaire et le développement dento-alvéolaire.
REFERENCES
1. LALAKEA ML, MESSNER AH. (2003). Ankyloglossia : the adolescent and adult perspective. Otolaryngol Head Neck Surg, 128(5) : 746-752.
2. WARDEN PJ. (1991). Ankyloglossia : a review of the literature. Gen Dent ; 39 : 252-53.
3. DEVAUCHELLE B. (1996). Langue et Dysmorphose. Monographies de chirurgie réparatrice.
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La glossoplastie : un geste mutilant à proscrire
Laurence Benouaiche
Résumé
La glossoplastie entraine un véritable handicap fonctionnel et social et son indication mérite
d’être discutée.
Mots clés : langue, glossoplastie, complications.
Glossoplasty: a mutilating act that should be banned
Abstract
Glossoplasty can result in serious functional and social handicaps; its indications deserve to
be thoroughly discussed.
Key Words : tongue, glossoplasty, complications.
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Laurence BENOUAICHE
Chef de Clinique Assistant
Chirurgie Plastique, Maxillo-faciale et
Stomatologie Pédiatrique
CHU Necker-Enfants-malades
149 rue de Sèvres
75015 Paris
Courriel : [email protected]
L
a glossoplastie consiste à remodeler une langue dont le volume excessif
est à l’origine d’une anomalie qui serait corrigée par ce geste chirurgical.
Le type et le volume de la résection linguale sont déterminés par les anomalies secondaires à la macroglossie. Encore pratiqué par de nombreux chirurgiens, ce geste correspond pourtant à une amputation partielle de la langue,
« cet œil qui goûte », ce vecteur du langage si fondamental qu’on parle de
« langue » pour désigner la communication parlée.
Quelles en sont actuellement les indications, les modalités. Devant la gravité des complications, ne faudrait-il pas rediscuter l’intérêt de cette
intervention ?
♦ L e s I n d i c a tions
L’indication de la glossoplastie est indiscutable dans le cas des exceptionnels lymphangiomes, angiomes de la langue, pour la macroglossie congénitale
de Wiedemann Beckwith.
Les lymphangiomes sont des cavités remplies de lymphe bordées d’un
épithélium, elles peuvent être associées à des vaisseaux sanguins, constituant
alors un hémolymphangiome. Ces malformations résultent du développement
anormal de structures lymphatiques et vasculaires au cours de la vie embryonnaire. Elles sont découvertes au niveau lingual entre un et cinq ans lors d’une
infection oropharyngée ou d’une poussée dentaire à l’origine d’une poussée
inflammatoire.
Le syndrome de Wiedemann Beckwith est un syndrome polymalformatif
dont la macroglossie congénitale est un signe quasi constant. Il est observé dans
1/13700 naissances. C’est une maladie multigénique secondaire à une dérégulation de l'expression des gènes de la région chromosomique 11p15, soumise à
empreinte parentale. Il associe un défaut de fermeture de la paroi abdominale
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(l’omphalocoele en particulier 1), une hypoglycémie néonatale, une hypertrophie
hémicorporelle, une viscéromégalie, un gigantisme. Il prédispose au développement de tumeurs embryonnaires dont la plus fréquente est la tumeur de Wilms
ou néphroblastome. La macroglossie résulte d’une hyperplasie musculaire avec
augmentation du nombre des myocytes.
Pour toutes ces malformations, la langue ne trouve pas sa place en position de repos dans la cavité buccale, en l’absence de malformation primitive des
maxillaires : Il s’agit d’une macroglossie vraie. La langue sort de la bouche
entraînant une béance avec déformation rapide et importante des dents et des
maxillaires. La muqueuse est extériorisée, sèche et rôtie et souvent recouverte
de vésicules claires ou hémorragiques qui se rompent et entraînent une fuite de
liquide séro hématique 2. Cette exsudation parfois abondante peut être responsable d’une anémie. La gêne à l’alimentation est importante.
Le geste de réduction du volume de la langue dépend de l’anomalie et
cherche à construire une langue symétrique s’intégrant au mieux dans la cavité
buccale. Pour les lymphangiomes, il est pratiqué en dehors des périodes inflammatoires, en particulier les poussées dentaires du jeune enfant. Si le pronostic
respiratoire est menacé, une trachéotomie pourra être discutée plutôt qu’un
geste de réduction risquant d’entraîner une poussée de lymphangiome résiduel.
Les indications posées en orthopédie dento-faciale sont compréhensibles
puisque la langue joue un rôle primordial dans la croissance faciale et l’équilibre buccal. L’excès de volume lingual peut entrainer différentes anomalies :
Premièrement, les troubles alvéolo-dentaires : la béance incisive, la vestibuloversion incisive ;
Deuxièmement, les troubles squelettiques : l’excès de croissance sagittale et/ou verticale.
La conférence de consensus ANAES 2002 admet que « la macroglossie
est évoquée dans les étiologies de béance antérieure et latérale qui peut nécessiter une glossoplastie au plus tôt à l’adolescence ». Elle bénéficie d’un « avis
favorable sans réserve » des experts de l’ANAES formulé le 08/06/2000.
Pour ces indications, le geste chirurgical respecte la symétrie médiane
aussi bien dans l’exérèse que dans la fermeture. On peut réaliser des glossoplasties médianes ou bien marginales.
1 Omphalocoele, hernie ombilicale, diastasis des grands droits sont des équivalents cliniques pour établir le
diagnostic de syndrome de Wideman Beckwith.
2 liquide séro hématique : sang et sérum mêlés
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♦ Le g este c h i ru rgical
On tracte la langue par un fil passé dans le raphé médian, on sectionne le
frein lingual qui semble réduire le risque d’ankyloglossie. La section antérieure
est réalisée entre deux pinces formant les cotés d’un losange dont la pointe de la
langue forme les deux autres cotés. Il faut ligaturer les artères linguales, assurer
l’hémostase et suturer de la profondeur vers la surface par des fils résorbables.
Un traitement médical antibiotique et antalgique est mené pour 6 jours. L’alimentation est reprise dès que possible d’abord liquide puis solide. Ensuite, on
demande au patient de réaliser des exercices de diction quotidiens pendant plusieurs mois. Ces exercices permettent de réduire les problèmes d’élocution
observés après l’intervention.
Les troubles alvéolo-dentaires seraient rapidement corrigés.
♦ Les complica tions
La langue sert à la communication parlée qui s’élabore depuis la petite
enfance. Les difficultés phonétiques sont une complication majeure d’autant plus
difficile à rattraper que le patient est plus âgé. En dessous de l’âge de 15 ans, les
défenseurs de la technique considèrent que la récupération phonétique est complète au 6ème mois. Cependant, ils admettent qu’après l’âge de 40 ans, la récupération phonétique est quasiment impossible, et la glossoplastie contre indiquée.
Notre expérience clinique nous a plutôt fait envisager les complications
dramatiques de cette technique.
La langue est « un œil qui goûte », sa représentation topologique au
niveau cortical est vaste tant au niveau des aires motrices et prémotrices, somesthésiques qu’associatives (aires du langage). Les papilles qui comportent les
récepteurs sensitifs épicritiques, nociceptifs, thermiques et les récepteurs gustatifs des bourgeons du goût sont disposées dans la langue mobile, siège de la
glossoplastie. Si la forme, la consistance et la texture de la substance en bouche
sont moins bien perçues, le fait de ne pas percevoir la température est une véritable menace. Le risque de brûlure est réel au cours du repas, même si le reste
de la cavité buccale est sensible.
Enfin, les patients opérés se plaignent de troubles gustatifs au niveau du
salé et du sucré dont les récepteurs sont sur les bords latéraux et la pointe de
langue. Ces troubles gustatifs sont très invalidants et déprimants pour les
patients.
En définitive, que penser de cette intervention qui tend à isoler le
patient ? Il ne parle plus normalement, ne peut plus partager de repas normaux,
voire n’embrasse plus comme avant.
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À l’Hôpital Necker-Enfants Malades où nous prenons en charge des
enfants porteurs de fentes, de malformations du squelette facial, nous ne pratiquons la glossoplastie qu’en cas de lymphangiome de langue ou de macroglossie de Wideman Becwith, jamais à des fins d’orthopédie dento-faciale. Les
orthodontistes et chirurgien maxillo-faciaux parviennent conjointement à restaurer l’équilibre dento-facial dans des situations difficiles sans recourir à la glossoplastie, et nos jeunes patients ont le sourire.
REFERENCES
AGENCE NATIONALE D’ACCREDITATION ET D’EVALUATION EN SANTE. (2002). Indications de
l’orthopédie dento-faciale et dento-maxillo-faciale chez l’enfant et l’adolescent. Pa ris : ANAES.
BENNACEUR S., COIFFIER T., COULY G. (1996) Biologie du développement de la langue « Langue et
dysmorphie ». Pa ris : Masson.
COHEN MM Jr. (2005). Beckwith-Wiedemann syndrome : historical, clinicopathological, and etiopathogenetic perspectives. Pediatr Dev Pathol. May-Jun ; 8(3) : 287-304.
COULY G., COLTEY P. LE DOUARIN N.M. (1993). The triple origin of skull in higher vertebrates.
Development,117 : 409-429.
COULY G. (1989). « La langue, appareil naturel d’orthopédie dento-faciale pour le meilleur et pour
le pire » . Rev Orthop Dento-faciale 23 : 9-17.
DELAIRE J. Langue et dysmorphie in « Langue et dysmorphie ». Paris : Masson.
DEPLAGNE H. Glossoplasties in « langue et dysmorphie ». Paris : Masson.
FUENTES A., SANCHIZ O. (1992). Innervation et vascularisation microscopique de la langue. Rev. Stomatol. Chir. Maxillofac. 93, 274-284.
GAMARRA M., GALY-BERNADOY M., PERI G. (1978). Résultats à long terme des glossectomies.
Rev Stomatol, Pa ris, 79, 4 : 331-333.
PERI G., GAMARRA M., MONDIE J., GOLD D. (1989). Glossectomies Rev Orthop. Dento-faciale,
23 :183-188.
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Glossoplastie et freinectomie du point de vue
de l’orthophoniste
Agnès Randon
Résumé
La glossoplastie et la frénectomie : actes à éviter ?
Mots clés : langue, frénectomie, freinectomie, frénulectomie, glossoplastie, rééducation.
Glossoplasty and frenulectomy from the point of view of the speech
and language therapist
Abstract
Glossoplasty and frenulectomy: interventions to be avoided?
Key Words : tongue, glossoplasty, frenulectomy, remediation.
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Agnès RANDON
Orthophoniste
3 rue J.B. Sémanaz
93310 Le Pré Saint Gervais
Courriel : [email protected]
L
a glossectomie partielle modulante ou glossoplastie n’est qu’exceptionnellement indiquée. Elle est déconseillée par le comité d’éthique, elle
serait admise dans le cadre de l’ANAES.
La conférence de consensus ANAES 2002 (1) admet que « la macroglossie est évoquée dans les étiologies de béance antérieure et latérale qui peut
nécessiter une glossoplastie au plus tôt à l’adolescence ». Elle bénéficie d’un
« avis favorable sans réserve » des experts de l’ANAES formulé le 08/06/2000.
Actuellement, elle est réalisée seulement pour prévenir des troubles liés à
la macroglossie, notamment la glossoptose, responsable de troubles occlusaux
associés à des difficultés respiratoires : syndrome de Seip Berardinelli 1.
Auparavant, elle était surtout pratiquée lors de résection mandibulaire 2 : la
langue volumineuse, basse propulse la mandibule inférieure en avant et généralement entraîne une béance antérieure ou latérale. il s’agit d’équilibre des forces en
présence, lèvres et langue. « La perturbation d’un de ces éléments retentit à des
degrés variables sur les autres, qui, à leur tour, par un système de feed-back
contribuent à dévier la croissance et entraînent des dysmorphoses dont la plus fréquente est la rétromandibulie fonctionnelle » (2) ainsi que la promandibulie.
Lorsque le traitement orthodontique et la rééducation orthophonique
avaient échoué et que la cavité buccale était trop petite par rapport à la grosseur
de la langue, on pratiquait une glossoplastie (associée à une ostéomandibulie).
Le modelage lingual devait respecter le styloglosse ( muscle élévateur du dôme
lingual ) et réduire le volume pour que le dôme lingual trouve une position palatale de confort. Le tracé de l’opération est en double losange (sont excisés un
triangle de l’apex ainsi qu’un losange au milieu de la langue).
Cette intervention est de plus en plus rare car vécue comme une mutilation
par le patient avec des risques de complications : rétractions des tissus cicatriciels, langue en boule, perte définitive de sensibilité, difficulté d’articuler, etc.
1. syndrome de Seip Berardinelli, appelé aussi diabète lipoatrophique : affection congénitale extrêmement rare
(lipoatrophie généralisée, hypertrophie musculaire…)
2. résection mandibulaire : ostéotomie pour un recul mandibulaire, réduction osseuse, en cas de promandibulie.
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La rééducation de la glossoplastie est simple sur le plan fonctionnel, elle
repose sur les principes d’entraînement musculaire et proprioceptif de la déglutition dysfonctionnelle et se résume en peu de mots : c’est la même que celle
des déglutitions atypiques. Par contre, l’orthophoniste a un rôle de soutien, de
réassurance primordiaux car le patient a subi un important traumatisme opératoire voire psychologique. Il existe bien souvent des conséquences sur la sensibilité, sur la perte du goût.
Les exercices musculaires : Il faut obtenir une posture palatale de repos
de la langue et reculer les points d’articulation. Ce travail de positionnement
lingual se fait dès le lendemain de l’opération, bouche fermée, langue en haut
et en arrière, on mobilise la langue en douceur (praxies linguales classiques).
En général, le patient connaît les exercices de rééducation puisqu’ils ont été
pratiqués en pré-opératoire. Si besoin, on propose des exercices de déglutition, de perceptions (reconnaissance de différents stimuli : toucher, saveurs et
flaveurs).
La lecture différée est aussi un bon moyen de se familiariser avec cette
nouvelle sensation de langue.
♦ F rénectomie, (freinectomie ou frénulectomie) (4). Lorsque le frein labial est
trop court, il peut y avoir une petite intervention (sans anesthésie générale). Ce
frein court (entre la lèvre et la gencive) n'est gênant que pour l'hygiène des dents
et des gencives. Il n'y a pas de rééducation.
Lorsque le frein lingual est trop court et adhère jusqu'au bout de la
langue, on peut parler d'ankyloglossie (agkilos = déformé ou boucle et glossa =
langue).
Le frein limite les mouvements normaux de la langue ; il est court et
fibreux. Il est le seul vestige de l'adhérence initiale lors du développement de
l'embryon. (4)
L'ankyloglossie peut être complète en cas de fusion totale entre la langue
et le plancher de la bouche ou partielle lorsque le frein est trop bref (le cas le
plus courant).
L'ankyloglossie est rare dans la population des nouveaux-nés. La plupart
du temps, elle est observée sans véritables conséquences pour le nourrisson
atteint (cela n'entrave pas l'allaitement). L'intervention chirurgicale ne s'impose
pas mais peut être nécessaire en cas d'association démontrée entre une ankyloglossie et d'importants troubles de l'allaitement. (4)
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Par contre un frein trop court peut empêcher la position palatale de la
langue (acquise normalement vers deux ou trois ans) et être responsable d’une
croissance insuffisante du palais. (3)
♦ R é é d u c a t i o n l i n g u a l e p o u r é v i t e r u n e f reinectomie :
La partie antérieure du frein lingual est une membrane fine qui, à force d’exercices, peut s’étirer. Les exercices consistent à maintenir le dôme lingual au
palais, tout en ouvrant et fermant la bouche (de bas en haut, mais aussi mouvements de diduction, de droite à gauche).
♦ R é é d u c a t i o n l i n g u a l e a p r è s f reinectomie :
Normalement, le patient a suivi une rééducation pour déglutition dysfonctionnelle, donc avec bilan préalable et exercices de la langue dans toutes ses fonctions : déglutition, articulation. Ces exercices doivent être effectués sans douleur, en douceur, la langue bien en pointe pour que le frein ne se rétracte pas. Il
est demandé une fréquence d’étirements pendant 5 minutes toutes les 2 heures
sur 5 jours.
Premier jour postopératoire : (Exercices statiques)
Bouche fermée, langue au palais, ouvrir tout doucement. Bouche grande
ouverte, déplacer doucement la langue d'avant en arrière et de droite à gauche.
Dire "la la la". Position de repos à travailler : le dôme lingual touchant le
palais, les molaires en contact.
Deuxième jour :
On ajoute des exercices de claquements doux de la langue.
Troisième jour :
Passez la langue sur les lèvres supérieure et inférieure, la bouche bien ouverte,
veillez à ne pas faire frotter la zone de suture sur les dents. La bouche ouverte,
faire passer la langue de la joue droite à la joue gauche.
Quatrième jour :
Reprendre tous les exercices des praxies linguales.
La cryothérapie peut redonner des perceptions sensorielles au niveau du
frein (à l’aide de petits glaçons dans un doigtier), il faudra également faire des
massages endo-buccaux (masser le frein de la langue au doigt protégé par un
gant de chirurgien ou un doigtier). Ces exercices peuvent également être utilisés
lors de la glossoplastie.
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♦ C o n c lusion
Information, prévention et rééducation ont un rôle primordial afin d’éviter
au maximum ces interventions agressives.
REFERENCES
(1) Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé. (2002). Indications de l’orthopédie dentofaciale et dento-maxillo-faciale chez l’enfant et l’adolescent. Paris : ANAES.
(2) THEMAR P. (1990). Stomatologie de l’enfant : chirurgie maxillo-faciale de l’adolescent. Revue
Soins : gyn., puer., pédiatrique n° 114.
(3) FELLUS P. (1898) . Modifications dynamiques et posturales de la langue : influence sur la croissance
faciale. Revue d’orthopédie dento-faciale extrait vol 23 n°1.
(4) Canadian Paediatric Society (2002). Paediatr chid health vol 77.
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La chirurgie maxillo-faciale et la prise en
charge orthophonique
Thierry Loncle, Laurence Mouton
Résumé
La prise en charge des dysmorphoses maxillo-mandibulaires de l’adulte jeune est encore
assez mal connue des orthophonistes. Elle nécessite l’intervention d’une équipe pluridisciplinaire comprenant l’omnipraticien, le chirurgien maxillo-facial, l’orthodontiste, l’orthophoniste, auxquels s’ajoutent parfois l’O.R.L., le phoniatre ou le posturologue. Le travail de l’orthophoniste en période préopératoire implique de bien connaître le type de chirurgie
proposée afin d’anticiper le geste chirurgical.
Nous vous proposons une approche des différentes techniques d’ostéotomies pratiquées, du
bilan chirurgical.
Mots clés : chirurgie orthopédique des maxillaires, bilan préopératoire et ostéotomies maxillaires, travail pluridisciplinaire.
Maxillofacial surgery and speech and language therapy
Abstract
Therapy for jaw dysmorphic disorders in young adults is still poorly known among speech
and language therapists. It requires interventions from a multidisciplinary team, including a
GP, a specialized surgeon, a specialist in orthodontics, a speech and language therapist, as
well as an ENT specialist, a phoniatrician or a posturologist. Speech and language therapy
prior to surgery requires that surgical techniques be well understood, in order to take into
account the surgical intervention to come.
This article presents various techniques of osteotomy, as well as the assessment carried out
by the surgeon.
Key Words : surgery of jaw dysmorphic disorder, assessment before and after surgery, jaw
osteotomy, multidisciplinary work.
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Thierry LONCLE
Chirurgien
Service d’Oto-Rhino-Laryngologie
Chirurgie Cervico-Faciale
et Maxillo-Faciale
36, rue d’Assas
75006 Paris
Courriel : www.institut-vernes.fr
Laurence MOUTON
Orthophoniste
5, place de la République
55120 Clermont en Argonne
L
a chirurgie orthognathique a pour but de corriger les anomalies des bases
osseuses maxillaires et mandibulaires en rétablissant une occlusion et
une fonction correcte, mais doit aussi rétablir l’équilibre et l’harmonie de
la face. Cette stratégie thérapeutique nécessite une étroite collaboration entre le
chirurgien, l’orthodontiste, l’omnipraticien et l’orthophoniste, notamment dans
les cas de dysmorphoses avec béance où la rééducation linguale est un élément
fondamental pour éviter toute récidive.
♦ L e d i a gnostic
Il repose sur :
– l’examen clinique,
– l’étude des téléradiographies et des photos,
– l’articulé dentaire et les moulages dentaires avec set-up chirurgical.
L’examen c linique compre n d :
➞ L’étude de face et de profil du patient :
– harmonie du visage,
– relief des pommettes,
– position de la pointe du nez, largeur des ailes narinaires,
– position des lèvres (sourire gingival qui n’est pas toujours disgrâcieux),
– saillie mentonnière,
– la distance cervico-mentonnière,
– l’angle cervico-mentonnier.
➞ Il apprécie la tonicité de la sangle labiale, recherche une macroglossie,
une anomalie de position de la langue au cours de la phonation, de la dégluti-
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tion, notamment dans les cas de béance antérieure.
➞ Il recherche l’existence de signes de dysfonctionnement temporo-mandibulaire (A.T.M).
Les téléradio gr a phies
Ce sont des radiographies permettant de réduire l’agrandissement et les
distorsions des différents reliefs osseux. Elles sont pratiquées de face et de profil, elles permettent des études céphalométriques qui ont pour but d’apprécier
les décalages des bases osseuses (maxillaires – mandibulaires) et de mettre en
évidence l’existence d’inclinaisons dentaires compensatrices ou non.
Celle que nous utilisons est l’analyse structurale et architecturale craniofaciale de Jean Delaire avec simulation des déplacements des bases osseuses sur
set-up céphalométrique (c’est-à-dire une projection du résultat osseux postopératoire).
Le bilan photogr a p h i q u e
• Il est important et comporte des photos de face, profil et trois-quarts.
• Ces photos permettent une analyse précise des différents étages de la face :
* pommette saillante ou non,
* forme du nez :
- projection de la pointe
- largeur du nez : dans la mesure où elle augmente dans les cas
d’avancée maxillaire, on en tiendra compte pour la mesure du geste
chirurgical.
* existence d’une incompétence labiale,
* sourire gingival,
* existence ou non d’une ptose sous-mentonnale (« double menton »)
permettant un recul mandibulaire,
* angle cervico-mentonnier,
* distance cervico-mentonnière.
Ces différents éléments interviennent dans le choix du type d’intervention.
Les moulage s d e n t a i res
Ils sont le plus souvent mis sur articulateur semi-adaptable et permettent
de simuler l’occlusion obtenue après chirurgie et de vérifier la bonne concordance d’arcades obtenue après traitement orthodontique.
Il est en effet, en général, nécessaire d’avoir une phase orthodontique pré
et post-chirurgicale qui a pour but d’aligner les arcades dentaires, de décompenser si nécessaire une anomalie alvéolodentaire (dans la mesure où cette anoma-
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lie permettait auparavant de compenser la déformation des arcades), pour permettre une bonne concordance d’arcades après chirurgie et de parfaire l’occlusion en postopératoire.
♦ C e rt a i n s p rincipes ch i ru rgi c a u x i m p o r t a n t s
➞ Le blocage intermaxillaire sur élastiques est presque systématique, il
est en moyenne d’une semaine, même en cas de chirurgie bimaxillaire.
➞ Les ostéosynthèses sont pratiquées à l’aide de miniplaques en titane,
ce qui permet de réduire le temps de blocage intermaxillaire.
➞ Les soins postopératoires comportent un passage de 24 h en soins
intensifs avec ablation de la sonde gastrique le soir de l’intervention, la sortie du
patient se faisant en général à J3 postopératoire. Le patient s’alimente le lendemain de l’intervention, nourriture liquide puis mixée.
➞ Il faut noter que les patients peuvent s’exprimer normalement pendant
la période de blocage intermaxillaire.
➞ Après la levée du blocage, en générale à J8 postopératoire, il est souhaitable d’avoir une période de rééducation sur tractions élastiques de 8 à 15
jours.
♦ Les diff é rentes ostéotomies maxillo-mandibu l a i res
Ces interventions sont pratiquées sous anesthésie générale, et nécessitent
une technique rigoureuse ainsi qu’une infrastructure adaptée à ce type de chirurgie. Elles permettent de modifier les différentes parties du squelette facial.
Depuis l’existence de traitements orthodontiques, on pratique davantage d’ostéotomies mandibulaires et maxillaires totales (voir ci-dessous) que d’ostéotomies segmentaires, l’orthopédie dento-faciale permettant de corriger les anomalies alvéolo-dentaires.
Ostéotomies maxillaires
➞ Ostéotomie de type Lef o r t I :
Elle permet de mobiliser l’infrastructure maxillaire dans les trois sens de
l’espace. Il est aussi possible d’avancer, d’impacter ou d’abaisser le plateau
maxillaire en un ou plusieurs fragments (disjonction médiane, ostéotomie tripartite, ostéotomie quadripartite).
➞ Ostéotomie de Wassm u n d :
Elle permet de réduire une projection antérieure excessive du bloc incisivo-canin maxillaire. Elle consiste en une mobilisation du bloc incisivo-canin
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Après ostéotomie de Sch u ch a rd t
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supérieur pour le reculer, voire l’impacter dans les espaces d’extraction des premières prémolaires supérieures. Les indications de ce type d’ostéotomie ont nettement diminué avec les traitements orthodontiques pré-chirurgicaux.
➞ Ostéotomie de Sch u ch a r dt :
Il s’agit d’une ostéotomie du groupe prémolo-molaire supérieur qui associe une impaction et/ou une expansion permettant de réduire une béance verticale antérieure ou de traiter un problème transversal intéressant les secteurs prémolo-molaires.
Ostéotomies mandibu l a i res
➞ O s t é o t o m i e s a gi t t a l e d e l a m a n d i b u l e :
Elle a pour but de mobiliser la totalité de l’arcade mandibulaire. Elle permet ainsi de déplacer l’arcade inférieure dans les trois sens de l’espace :
– avancée, recul,
– élévation, abaissement,
– dérotation (avancée d’un côté, recul de l’autre).
➞ Ostéotomie de type Khöle :
Elle permet de mobiliser le bloc incisivo-canin mandibulaire pour niveler
la courbe de spee (plan occlusal) en l’ingressant. Elle peut aussi permettre un
recul nécessitant alors l’avulsion (extraction) des premières prémolaires.
➞ Les génioplasties :
Il s’agit d’une ostéotomie horizontale située à la partie basse de la région
mentonnière permettant de corriger les anomalies de la région mentonnière dans
les trois sens de l’espace, le plus souvent vertical et antéro-postérieur mais aussi
dans le sens transversal.
♦ E n c o n c lusion
La stratégie thérapeutique repose donc sur l’étude de l’analyse cutanée en
étroite corrélation avec l’analyse squelettique et dentaire en se basant sur l’étude
des photographies, des téléradiographies avec set-up céphalométrique et des
moulages dentaires mis sur articulateur semi-adaptable.
Elle doit aussi prendre en compte le psychisme du patient.
Cette stratégie thérapeutique nécessite donc une étroite collaboration
entre le chirurgien, l’orthodontiste, l’orthophoniste et l’omnipraticien. L’orthophoniste, dont le rôle sera primordial avant comme après le geste chirurgical,
doit connaître les différents types de chirurgie et savoir lire par exemple une
céphalométrie.
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Lorsque la décision d’une telle intervention a été prise et acceptée en
toute connaissance de cause par le patient, le rôle de l’orthophoniste en période
préopératoire est prépondérant. C’est en effet le praticien auquel il aura le plus
souvent à faire, qui se doit donc d’être capable de l’informer et de le rassurer
quant aux répercussions fonctionnelles, esthétiques et psychologiques d’un tel
geste. Les relations entre les différents intervenants de l’équipe pluridisciplinaire seront donc fréquentes sans négliger aucun des aspects de cette prise en
charge.
Les dysmorphoses maxillo-mandibulaires ont des répercussions sur la
déglutition, la respiration, l’occlusion dentaire, la mastication, l’articulation de
la parole, la phonation, la posture, sans compter les retentissements qu’elles
peuvent entraîner dans la vie socio-affective du patient.
Le renforcement de la motivation de ce dernier devra être constante
même si l’on a parfois l’impression de se répéter.
La prise en charge des dysmorphoses maxillo-mandibulaires nécessite
une communication constante entre tous les membres de l’équipe pluridisciplinaire dont fait partie le patient en tant qu’acteur, au sens plein du terme, de sa
transformation. L’évolution de la rééducation, la structure osseuse, l’alignement
et l’occlusion dentaire, les fonctions et la réaction du patient face à sa « transformation progressive », forment un tout indissociable et l’on ne peut traiter
chaque élément de façon indépendante.
La responsabilité de l’orthophoniste est en outre fortement engagée dans
ce type de rééducation, car c’est lui qui estime quand et si l’intervention peut
avoir lieu.
REFERENCES
DAUTREY J., LONCLE T. (1995). L’ostéotomie de Schuchardt. Institut Arthur Vernes.
LONCLE T., LEZY J.P., IMBERT G., LEIBA J.M., MAYET M. (1989). Indications chirurgicales
des dysmorphoses maxillaires. La vie médicale n° 4.
LONCLE T., MOUTON L. (1993). Prise en charge des dysmorphoses maxillo-mandibulaires. Glossa,
les cahiers de l’UNADRIO, n°63.
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La rééducation orthophonique pré et postopératoire des dysmorphoses maxillomandibulaires
Laurence Mouton
Résumé
La prise en charge des dysmorphoses maxillo-mandibulaires concerne l’adulte jeune. Elle
nécessite l’intervention d’une équipe pluridisciplinaire comprenant le chirurgien maxillofacial, l’orthodontiste, l’orthophoniste, auxquels s’ajoutent, si besoin est, l’O.R.L., le phoniatre ou l’ostéopathe. Le travail de l’orthophoniste implique de bien connaître les différentes techniques d’ostéotomies afin d’anticiper le geste chirurgical.
Nous vous proposons une approche des bilans orthophoniques pré et postopératoires et de
la rééducation, suivie d’une étude de cas.
Mots clés : chirurgie orthopédique des maxillaires, bilan orthophonique préopératoire, rééducation pré et postopératoire, travail pluridisciplinaire.
Speech and language therapy for jaw dysmorphic disorders before and
after surgery
Abstract
Therapy for jaw dysmorphic disorders involves young adults. It requires the intervention of a
multidisciplinary team, including a surgeon, a specialist in orthodontics, a speech and language therapist, as well as an ENT specialist, a phoniatrician or a posturologist. This type of
therapy implies a good understanding of the surgical techniques involved in order to take
into account the surgical intervention to come.
This article presents speech and language assessments and therapy performed before and
after surgery, as well as a case study
Key Words : dysmorphic surgery, assessment before surgery, speech and language therapy
before and after surgery, multidisciplinary work.
Rééducation Orthophonique - N° 226 - juin 2006
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Laurence MOUTON
Orthophoniste
5, place de la république
55120 Clermont-en-Argonne
L
es indications de chirurgie orthopédique des maxillaires s’adressent le
plus souvent à l’adulte jeune, lorsque sa croissance osseuse est complète
en cas de béance antérieure et/ou verticale, de latéro-déviation mandibulaire, de prognathisme mandibulaire, de micrognathie ou de bi-prognathie. Nous
n’aborderons pas ici les cas de reconstruction post-traumatique qui concernent
également le travail de l’orthophoniste.
Cette stratégie thérapeutique nécessite une étroite collaboration avec le
chirurgien, l’orthodontiste voire d’autres praticiens, les dysmorphoses maxillomandibulaires ayant des répercussions sur la déglutition, la respiration, l’occlusion dentaire, la mastication, l’articulation de la parole, la phonation, la posture,
sans compter les retentissements qu’elles peuvent entraîner dans la vie socioaffective du patient.
Lorsque la décision d’un tel geste chirurgical a été prise et acceptée en
toute connaissance de cause par le patient, le rôle de l’orthophoniste est prépondérant en période préopératoire. C’est en effet le praticien auquel le patient sera
le plus souvent confronté, qui se doit donc d’être à même de l’informer et de le
rassurer quant au type d’ostéotomie envisagé, aux répercussions fonctionnelles,
esthétiques et psychologiques d’une telle intervention. Les relations entre les
différents intervenants concernés seront donc fréquentes sans négliger aucun des
aspects de cette prise en charge.
La motivation du patient devra être renforcée très souvent même si l’on a
parfois l’impression de se répéter.
♦ L e b i l a n o r t h o p h o n i q u e p r é o p é r a t o i re
Il a lieu lorsque tous les examens ont été réalisés par le chirurgien et l’orthodontiste, voire d’autres spécialistes si nécessaire, il est souhaitable de rencontrer le praticien chargé d’intervenir afin de connaître le type d’ostéotomie
proposé, d’étudier la céphalométrie, les téléradiographies et les moulages dentaires du patient.
Puis l’orthophoniste réalise une évaluation des différentes fonctions
concernées :
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- Eva l u a tion des fonctions linguales : la position de repos de l’apex lingual, la forme et l’aspect de la langue (présence ou non de traces d’occlusion
sur la langue, morsures…), l’existence ou non d’un frein bref (étirable mécaniquement ou nécessitant une freinectomie), l’organisation tonique de chaque
groupe musculaire de la langue (élévation, rétraction, latéro-déviation, propulsion…), les appuis linguaux lors de la déglutition avec présence/absence de
contraction des masséters, de contact dento-dentaire et l’éventuelle participation
de la lèvre inférieure au verrouillage buccal.
- Eva l u ation des fonctions labiales et jugales : la réalisation des praxies
bucco-faciales, l’existence ou non d’une compétence labiale (tonicité estimée à
2 kg chez l’adulte, hauteur du stomion 1, aspect des lèvres, éversion ou contraction
exagérée, qualité du sourire), l’examen des freins labiaux, la tonicité jugale.
- Eva l u ation des fonctions vélaires : la tonicité vélaire, le réflexe nauséeux, l’existence d’une déhiscence sous-muqueuse, la présence de végétations
adénoïdes, l’aspect de la luette, la présence d’une déperdition nasale uni ou bilatérale, l’existence d’une compétence isthmique 2.
- Eva l u a tion de la mobilité mandibu l a i re : la tonicité des muscles élévateurs, abaisseurs et diducteurs de la mandibule, les éventuelles dysfonctions
douloureuses ou non des articulations temporo-mandibulaires (A.T.M), l’analyse de la mastication (broyage complet du bolus, comminution 3, mastication
unilatérale…).
- Eva l u ation de l’articulat i o n d e l a p a role et de la phonation : les
points d’articulation utilisés par le patient pour l’articulation des apico-alvéolaires, des sifflantes et des chuintantes, la présence de sigmatismes, la qualité de
la voix, la mobilité laryngée, la fatigabilité à la phonation prolongée.
- Eva l u a tion de la re s p i ra tion : la présence ou non d’une respiration
buccale exclusive ou mixte, d’un bavage nocturne, de ronflements, la fréquence
et le type des affections O.R.L., les traitements suivis, l’inversion possible du
réflexe narinaire 4, le mode respiratoire (thoracique supérieur ou thoraco-abdominal, tension de la ceinture scapulaire…).
1. Stomion : hauteur du point de jonction entre les lèvres situé à plus ou moins 1,5 mm du bord libre des incisives supérieures.
2. Compétence isthmique : possibilité de fermeture des voies aériennes supérieures par le voile du palais, du
rétrécissement ou de l’élargissement de l’isthme du gosier lors de la phonation ou de la déglutition.
3. Comminution : action d’écraser ou de fragmenter le bol alimentaire par pressions successives de la langue
contre le palais en l’absence de mastication ou en cas d’édentation totale ou partielle.
4. Réflexe narinaire : à l’inspiration, mouvement de dilatation des ailes du nez, chez le respirateur buccal, les
ailes se pincent.
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- Eva l u a tion de l’occlusion et de l’art i c u l é d e n t a i re : l’existence ou
non de dents manquantes, de diastèmes, d’avulsions 5, de bruxisme, de prothèses, les traitements orthodontiques déjà réalisés, en cours ou prévus, l’occlusion (position d’intercuspidie maximale, relation centrée, latéralité, côté travaillant et non-travaillant en rapport avec le geste de mastication, dimension
verticale d’occlusion).
- Eva l u a tion de l’équilibre du massif facial et de la posture : l’harmonie entre les trois étages de la face de face, de profil et de trois quarts, les tics et
les attitudes nocives, les douleurs au niveau des cervicales et des trapèzes,
l’étude des téléradiographies.
- Eva l u ation de la motiva t i o n d u p atient et de son entoura ge : les
répercussions dans sa vie actuelle de sa dysmorphose (gênes, douleurs référées
ou à distance, conduites d’évitement, perturbations de la vie sociale et affective…), l’anticipation de la modification du visage et des réactions des proches,
la compréhension et l’intégration de toutes les implications de la future intervention.
♦ L a r é é d u c a t i o n p r é o p é r a t o i re
Une fois toutes les informations délivrées au patient sur le déroulement
de la rééducation et de l’acte chirurgical, et de leurs visées thérapeutiques, l’intervention orthophonique va pouvoir débuter. Cette phase du traitement est la
plus importante et aussi la plus délicate. C’est de son résultat final que dépend
la décision d’opérer ou non. C’est en effet l’orthophoniste qui a la lourde responsabilité d’autoriser l’équipe à mettre en place le protocole chirurgical. Si le
résultat est imparfait ou si l’on sent que le patient n’a pas pu ou su intégrer et
automatiser les nouvelles fonctions, on décidera alors soit d’intervenir à minima
soit de ne pas intervenir du tout, la récidive étant très difficile à vivre pour le
patient.
La rééducation consistera en une hyper-correction 6 des dysfonctions
constatées dans le bilan, sans négliger aucun de ses aspects, en gardant constamment à l’esprit le résultat postopératoire envisagé. Cette hyper-correction n’est
5. Avulsions : extractions dentaires ou extractions de germe de dent de sagesse.
6. Hyper-correction sur une structure osseuse encore existante : il s’agit de donner à la langue la place qu’elle
devra occuper à l’intérieur de la cavité buccale au repos comme en fonction, lorsque les maxillaires et l’articulé dentaire seront corrigés. Par exemple : en cas de classe III très prononcé (prognathisme mandibulaire), il
faudra lors du temps préopératoire, exagérer le recul de l’apex lingual pour la position de repos et pour la
déglutition, travailler davantage sur les élévateurs et rétracteurs linguaux.
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pas facile à obtenir car on travaille sur une structure osseuse encore inexistante.
D’où la nécessité de renforcer, séance après séance, la motivation du patient, de
l’informer du but de chaque exercice et de répondre à chacune de ses craintes ou
de ses interrogations concernant le déroulement et les suites de l’intervention
(oedèmes, éventuelles douleurs, blocage intermaxillaire, rééducation sur élastiques…). N’oublions pas qu’il s’agit de jeunes adultes n’ayant pour la plupart
jamais subi d’intervention.
Nous rééduquerons donc : la position de repos lingual et la déglutition,
en tonifiant ou détendant les groupes musculaires concernés, les compétences
labio-jugale et isthmique (le voile du palais), la mobilité mandibulaire en phonation et en mastication (qui, lorsqu’elle est incomplète, entraîne des troubles
digestifs et des embarras gastriques), l’articulation de la parole et de la voix si
besoin est, la respiration nasale et la tonicité diaphragmatique (les techniques de
relaxation peuvent être introduites), la suppression des tics et attitudes nocives.
Toutes ces fonctions seront travaillées en coordination les unes avec les
autres afin qu’elles s’automatisent et qu’elles puissent s’harmoniser naturellement au réveil du patient. Parallèlement un travail avec les autres praticiens de
l’équipe pourra être mené en fonction des troubles présentés. La durée de la
rééducation est variable d’un sujet à l’autre en raison de l’importance de sa dysmorphose, de sa capacité à intégrer les nouveaux schémas neuro-musculaires et
de sa psychologie. On peut quand même estimer en moyenne, que 20 à 30
séances en préopératoire et une dizaine en postopératoire sont nécessaires.
♦ L a r é é d u c a t i o n p o s t o p é r a t o i re
Une fois de plus, j’encourage tous les orthophonistes intéressés par cette
rééducation à assister à l’intervention de leur patient -les chirurgiens ouvrent
facilement leurs portes- afin d’être mieux à même de comprendre, d’analyser le
geste opératoire et d’enrichir leur pratique. De plus, le patient que l’on accompagne au bloc nous en est souvent reconnaissant et se sent réellement pris en
charge par une véritable équipe.
La rééducation postopératoire débute généralement à J+15, lorsque l’ouverture buccale sur élastiques est possible. Nous allons donc prendre en charge :
les douleurs ou les insensibilités qui peuvent subsister et qui peuvent être ressenties entre 3 à 6 mois en postopératoire mais qui ne sont pas toujours présentes, la résorption des oedèmes (l’aspect extérieur de la face retrouve sa normalité à environ J+21, les oedèmes internes liés à l’incision de la muqueuse
disparaissent en totalité au bout de 6 mois en moyenne), la consolidation
osseuse (dans de rares cas, le retrait des microplaques en titane s’avère néces-
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saire 1 an à 18 mois après l’intervention), la transformation du visage et ses
répercussions sur le patient et son entourage, l’affinage des positions linguales,
des mouvements mandibulaires et leur harmonisation en surveillant leur amplitude, une éventuelle correction de la fermeture buccale, labiale et de l’équilibre
musculaire de la face. Nous pouvons être amenés à pratiquer massages et drainages lymphatiques en cas de persistance des oedèmes ou de tensions musculaires, à contrôler la physiologie des fonctions suivant l’évolution d’un possible
traitement d’orthodontie…
Tous les acteurs de l’équipe pluridisciplinaire, avec le patient comme partenaire, seront amenés à se revoir à intervalles plus ou moins réguliers jusqu’à
complète automatisation des fonctions, disparition des oedèmes, correction définitive de l’articulé dentaire et de l’occlusion. Le résultat sera considéré comme
positif par toute l’équipe et le patient de 1 an à 18 mois après l’intervention s’il
n’existe ni début de récidive, ni gêne fonctionnelle, ni perte de sensibilité ni
douleurs référées.
♦ Etude de cas
Nous vous proposons d’étudier un cas de récidive où la patiente a d’ellemême accepté une seconde intervention. Il s’agit d’une jeune femme d’une
vingtaine d’années, Melle M., présentant une importante béance verticale. Il est
décidé à l’époque de pratiquer une ostéotomie de Schuchardt, opération réalisée
par un praticien émérite, celui-là même qui a remis ce type d’intervention en
pratique car moins invasif que l’ostéotomie de Lefort 1.
Melle M. a négligé la recommandation de rééducation orthophonique qui
lui avait été faite à ce moment-là, n’attachant que peu d’importance au rôle de la
langue dans sa dysmorphose.
Nous la rencontrons 3 ans plus tard alors que la béance a récidivé et que
son occlusion dentaire s’est dégradée.
L’examen clinique met alors en évidence :
– une protrusion linguale totale au repos comme en fonction.
– une langue portant de fortes marques d’indentation.
– des élévateurs et rétracteurs linguaux 7 hypotoniques.
– des lèvres minces et tendues tentant de camoufler les arcades lors du sourire.
7. Les élévateurs linguaux : stylo-glosse, amygdalo-glosse. Rétracteurs linguaux : glosso-staphylins, muscles
longitudinaux supérieures et inférieures, hyo-glosses.
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– un réflexe nauséeux aboli, avec la présence d’angines récurrentes. On
constate souvent chez le respirateur buccal une diminution ou une abolition
de ce réflexe car une ventilation buccale exclusive provoque une anesthésie
de l’oro-pharynx à l’origine de rhinites (surinfection par vidage incomplet
du cavum) et d’angines (air inspiré ni filtré, ni humidifié, ni réchauffé).
– une musculature mandibulaire hypotonique, des douleurs au niveau des
A.T.M., avec une mastication partielle, l’occlusion n’étant réalisée que sur
les dernières molaires, la patiente allant jusqu’à privilégier les textures alimentaires molles.
– un important sigmatisme interdental portant sur toutes les apico-alvéolaires
et les sifflantes [l-n-t-d-s-z].
– une ventilation de type mixte.
Melle M. ne supporte plus alors son sourire, son articulation et évite au
maximum tout contact avec des personnes ne faisant pas partie de son entourage
proche.
La rééducation préopératoire nécessitera 25 séances réparties sur 6 mois,
le contrôle d’une position de repos physiologique n’a pas posé trop de difficultés. En revanche, le travail préopératoire de rotation mandibulaire afin de pouvoir établir en postopératoire une mastication complète et des mouvements
amples, la rééducation de l’articulation et de la déglutition lui ont demandé une
vigilance constante et contraignante ; mais la motivation était là.
L’équipe décide alors d’une nouvelle ostéotomie de Schuchardt unilatérale droite. Elle est alors réopérée par deux chirurgiens s’assistant mutuellement, dont le premier praticien qui était intervenu 3 ans auparavant.
A J+15, nous revoyons Melle M., qui peut à présent effectuer des mouvements d’ouverture et de rotation mandibulaire a minima sur traction élastique.
La rééducation postopératoire ne nécessitera qu’une dizaine de séances, les nouvelles fonctions étant parfaitement automatisées. Seule la détente labiale au
moment du sourire demandera un petit effort à la patiente et de la persévération
au thérapeute. Ce temps sera nécessaire à Melle M. pour intégrer son nouvel
articulé dentaire.
A 15 mois de l’intervention, nous n’avons constaté aucun début de récidive, ni trouble de l’articulé dentaire, ni dysfonction ou gêne d’aucune sorte.
Il ressort que cette patiente aurait gagné 3 ans dans le déroulement du
traitement de sa dysmorphose si on avait pu ou su la convaincre de l’efficacité
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REFERENCES
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La langue, organe clé des oralités
Catherine Thibault
Résumé
La langue est l’organe clé des oralités alimentaire et verbale, elles-mêmes indissociables du
plaisir oral qui fonde le développement neurologique et psychique de l’enfant.
Mots clés : langue, oralité, fonctions oro-faciales.
The tongue, a key organ of oral processes
Abstract
The tongue is a key organ for both eating and verbal oral functions, these two processes
being directly linked to oral pleasure which is the foundation of the child’s neurological and
psychological development.
Key Words : tongue, orality, oro-facial functioning.
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Catherine THIBAULT
Orthophoniste, psychologue
16 avenue du Maine
75015 Paris
Service de stomatologie et de chirurgie
maxillo-faciale
Hôpital Necker-Enfants malades
149 rue de Sèvres
75015 Paris
Courriel : [email protected]
L
’ o ralité est constituée par l’ensemble des phénomènes psychologiques,
biologiques et fonctionnels assurant la mise en place du comportement
oral de l’enfant.
♦ L’ o r alité fœtale est fo n d a t r ice de l’être
Les premières manifestations de l’oralité fœtale s’observent au cours du
troisième mois.
Le réflexe de Hooker (M3, cf. schéma) est identifié au cours de la
déflexion céphalique, le palais se forme, la langue descend, la main touche les
lèvres, la bouche s’ouvre et la langue sort pour toucher la main.
Cette séquence auto-érotique, première manifestation réflexive d’exploration et de prise de possession de son corps, permet à l’embryon de devenir
fœtus. Alors apparaissent vers la dixième semaine les premiers mouvements
antéro-postérieurs de succion, puis vient la déglutition entre la 12 et la 15ème
semaine.
La succion apparaît donc avant la déglutition. Elle est la plus ancienne et
la plus précoce fonction à se mettre en place et à se manifester dans le genre
humain.
Pendant le reste de sa vie fœtale, le fœtus va devoir rôder et entraîner le
couple « succion- déglutition », soit en suçant ses doigts ou ses orteils, soit en
déglutissant le liquide amniotique, afin que cet automatisme acquière une efficacité optimale à sa naissance.
Le couple moteur automatique qu’est la succion-déglutition requiert alors
l’intégrité de tous les noyaux moteurs du tronc cérébral qui agit alors comme un
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véritable chef d’orchestre. Parmi les fonctions impliquées dans la
succion/déglutition, beaucoup sont matures avant la naissance, à savoir la motricité oro-pharyngée, le toucher, l’olfaction et le goût. Remarquons que la forme
du palais secondaire, la croissance de la mandibule, la position de la langue
dans la bouche sont et seront dépendantes de cette activité motrice fœtale.
On peut se demander s’il n’existerait pas une pulsion orale primaire, qui
n’aurait pas été acquise par l’apprentissage et qui serait à l’origine à la fois des
tics de succion et d’autres manifestations voisines d’activités orales. Ce premier
geste d’exploration qu’est le réflexe de Hooker s’associe à la succion et pourrait
se pérenniser ensuite dans des conduites auto-érotiques.
♦ L a s e n s o r i a l i t é o u t o u t e s l e s fo n c t i o n s a p p a r t e n a n t a u m o n d e d e
l’oralité
La bouche embryonnaire et le nez sont constitués de peau qui s’est internalisée. La cavité buccale est donc un organe qui a la même origine que l’épiderme (la peau).
Une « peau muqueuse » couvre donc le palais, le voile du palais, la
langue et la face interne des joues. Elle confère à l’ensemble de la bouche une
connotation sensorielle proche du tact en plus du rôle gustatif porté sélectivement par la langue grâce à l’ensemble de ses papilles. Cette sensorialité fait partie intégrante des différentes fonctions appartenant au monde de l’oralité.
La sphère oro-faciale est reconnue comme le siège de fonctions multiples
essentielles à la survie : fonction de respiration, de relation, de nutrition (déglutition, mastication) et d’expression (mimique, phonation).
Dans une vision globale de la personne, il sera pertinent d’appréhender à
la fois le carrefour aéro-digestif, les organes respiratoires, les organes de la phonation mais aussi les organes des sens, du toucher et de la peau dans toute
approche rééducative voire éducative du comportement neuromusculaire de la
sphère oro-faciale.
La sphère oro-faciale est connaissance du monde, éducation et apprentissage sensoriel, source constante d’informations. Une telle prise de conscience
de la sphère oro-faciale va permettre au patient une représentation de cette
sphère oro-faciale qui contribuera à un meilleur contrôle de ses capacités
motrices et qui développera ses capacités perceptives.
Ces processus sont ressentis qualitativement comme plaisir et déplaisir.
Ils participent à l’élaboration et au développement du système psychique qui
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favorisera la répartition d’une énergie d’investissement mobile dont l’attention
fait partie.
Ainsi l’éducation gnoso-praxique orale précoce et la rééducation du comportement neuromusculaire de la sphère oro-faciale, de la ventilation nasale, de
la déglutition et de l’articulation de la parole doivent s’inscrire dans une dynamique rendant le sujet « acteur actif » et permettant les processus de changement.
♦ L a s p h è re oro-faciale carr efo u r a n atomique du verbe et de l’aliment.
La sphère oro-faciale est un lieu d’expression, de projection et de représentation.
L’ o ra l i t é p ri m a i re :
La séparation d’avec la mère au moment de la naissance instaure une
nouvelle relation mère-enfant, dépendante et symbiotique avec cependant un
médiateur : la fonction alimentaire. A cette fonction est attaché un plaisir que
l’enfant éprouve, apprend, au moment d’être nourri.
Th é o r ie de l’éta ya ge
Cette théorie signifie que le bébé satisfait le besoin de se nourrir mais il
va aussi éprouver les plaisirs de la succion, du toucher de sa mère, de sa voix, de
son odeur, son portage. Le bébé recherchera ce bien-être indépendamment de la
satisfaction des besoins corporels.
L’enfant découvre que l’excitation de la bouche et des lèvres procure un
plaisir en soi, même en l’absence de nourriture (suçotement des lèvres, de la
langue, succion du pouce).
Le but de la pulsion orale est double :
– d’une part, c’est la stimulation agréable de la zone érogène buccale,
plaisir auto-érotique.
– d’autre part, c’est le désir d’incorporer qui prédomine.
Pour se nourrir à la naissance, la succion doit être efficace et se coordonner parfaitement avec la déglutition et la ventilation.
La constance de l’occlusion labiale sur la tétine impose une respiration
nasale exclusive. Chez le nouveau-né et le nourrisson, l’espace libre de la cavité
buccale est restreint du fait de l’important volume relatif de la langue et des
joues. Le larynx est haut situé et le voile du palais est proportionnellement long
ce qui permet sa mise en contact avec l’épiglotte lors de la déglutition, réalisant
une barrière supplémentaire de protection des voies aériennes.
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Le réflexe de succion est déclenché par toutes les stimulations sensorielles des lèvres, de la muqueuse du prémaxillaire et de la langue (réflexe de
fouissement), et est étayé par les afférences sensorielles tactiles, gustatives et
olfactives, et par les stimuli neuro-hormonaux de la faim.
Le nouveau-né exprime le plus souvent son état d’insatisfaction, d’inconfort par des vocalisations réflexes ou quasi-réflexes, où se mêlent cris et sons
végétatifs, afin d’alerter sa mère.
La sphère oro-faciale est donc le lieu du premier plaisir (la tétée) ainsi
que le siège de la première expression de soi (le cri).
Il faut souligner l’importance des différents rythmes qui s’organisent
alors autour de la bouche, du nourrissage et de l’oralité : l’alternance
satiété/faim, les sensations répétées de plaisir/déplaisir qui l’accompagnent, les
mouvements de la succion … Ces différents rythmes ainsi que les rythmes
maternels, aident le bébé à construire sa propre structure rythmique et temporelle et participe à l’élaboration de sa personnalité.
L’ o ralité secondaire :
A la période d’oralité primaire de succion-déglutition du nourrisson du
premier semestre, succède tout en coexistant avec celle-ci, l’avènement de l’oralité secondaire, d’abord à la cuillère, puis ensuite de la mastication.
Du point de vue anatomique, l’allongement du cou va s’accompagner
d’une descente du larynx ; la croissance de la cavité buccale va laisser plus d’espace à la langue. Le voile du palais ne vient plus au contact du larynx lors de la
déglutition mais monte pour occlure le nasopharynx. Les structures corticales se
mettent en place et permettent le passage à la cuillère. Au début, l’enfant tète les
aliments avec un schème moteur de type succion, puis il va mieux contrôler les
aliments dans sa bouche, les mobiliser latéralement, les propulser vers les zones
réflexogènes de la déglutition et il décidera d’avaler ou de cracher. Les phases
d’apnée et de reprise respiratoire après la déglutition pourront être prolongées.
Cette phase est présente avant la présence de la dentition.
L’enfant met en place les mécanismes respiratoires et phonatoires qui
vont lui permettre de contrôler des émissions de plus en plus longues, de plus en
plus semblables à la langue maternelle, et de plus en plus en plus compréhensibles ou du moins interprétables.
Les praxies de déglutition, de mastication, de propreté orale et celles du
langage naissent, se mettent en place en utilisant les mêmes organes et les
mêmes voies neurologiques (zones frontales et pariétales).
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Symbolique psych a n a l ytique de l’or alité inf antile
K. Abraham (1924) divise la période du stade oral en deux sous-stades :
– le stade oral primitif où la succion, l’aspiration sont prévalentes.
– Le stade oral tardif ou stade sadique-oral, stade que Freud qualifie de
cannibalique. Il est marqué par l’apparition des dents, la morsure et le mordillement des objets.
Le moment du sevrage se caractérise par le conflit relationnel qui va s’attacher à la résolution du stade oral. Cette crise liée à l’ablactation (plus d’écoulement de lait chez la mère), peut sembler se fonder sur une donnée biologique,
par conséquent instinctuelle, de l’espèce. En fait, le sevrage est indissociable du
maternage dont nous pouvons souligner la dimension culturelle. Le sevrage est
souvent un traumatisme ; il est vécu comme une conséquence de l’agression,
comme une punition « talionique » sur le mode de la frustration. Le sevrage
laisse dans le psychisme humain la trace permanente de la relation primordiale à
laquelle il va mettre fin.
C’est la passerelle entre le stade oral primaire (succionnel) et le stade oral
secondaire (de mastication).
Nous sommes en présence d’une double stratégie alimentaire par biberon
et par cuillère qui va durer un ou deux ans dans les pays occidentaux. Cette transition correspond à celle de la période de la station assise et du développement
des fonctions nécessaires à la locomotion. Il est observé un début d’accolement
de la langue au palais tandis que la mandibule descend.
Rappelons que le développement de l’enfant ne s’effectue pas de façon
continue, selon un calendrier rigoureux dans lequel chaque stade annule le précédent : il y a en fait coexistence à un moment donné et chez le même enfant de
plusieurs modes de fonctionnement, et de plusieurs types de relation objectale.
La symbiose mère-enfant laisse place à une construction autonome de l’enfant.
Au cours de la deuxième année, la stratégie de mastication se met en
place, cette oralité dentée permet à l’enfant de construire son oralité alimentaire
(découverte de nouveaux goûts, textures, couleurs, modes de préhension…)
conjointement à son oralité verbale (des mots-phrase aux premières phrases).
L’enfant marche, les mouvements linguaux sont possibles dans tous les
plans de l’espace, la position haute pour déglutir est de plus en plus fréquente,
les mouvements mandibulaires de diduction sont mieux coordonnés.
La mastication ne sera véritablement mature qu’à partir de la troisième
année et va nécessiter un long apprentissage.
Soulignons que la propreté orale, la continence salivaire obtenue grâce
aux lèvres closes en mangeant, et l’utilisation coordonnée des outils du repas
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(cuillère, fourchette, couteau) qui relaient progressivement la prise orale par les
doigts de la deuxième année, est opérationnelle à partir de la troisième année.
Ce raffinement gnoso-praxique oral des activités linguales, spécifiques de
l’oralité secondaire corticale n’est véritablement efficace qu’à partir de 5-7 ans,
il constitue un bon repère de socialisation.
L e s o r alités
Au cours de la construction de l’être humain, l’oralité alimentaire (la primaire et la secondaire) et l’oralité verbale (la primitive par le cri et la secondaire
par l’articulation phonémique) paraissent intimement liées et se développent
conjointement à leur nécessité fonctionnelle.
♦ L a l a n g u e , organe clé de l’or alité.
Du réflexe au cortex
Comme nous l’avons vu lors du développement de l’oralité primaire,
réflexe succionnel, période orale du fœtus et du nouveau-né, la langue peut
investir librement tout l’espace «bouche». C’est le réflexe de succion/déglutition
qui domine.
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Puis avec l’avènement concomitant et le développement progressif des
oralités corticales, alimentaires secondaires dentée et verbale, l’organe lingual
change radicalement de stratégie : au gré de la maturation neuropsychologique,
le réflexe de succion laisse progressivement place à une nouvelle gestuelle dans
le champ gnosopraxique (de localisation cortico-cérébrale) : la langue peut alors
apprendre à manger et à parler.
La fo rme , les fonctions
La langue apparaît comme un membre dépourvu d’os, constituée uniquement de muscles couverts de peau. La langue a une grande dimension topologique et peut prendre presque toutes les formes. Elle se distingue par une exceptionnelle aptitude tactile discriminative.
Nous pouvons répertorier ces différentes formes représentatives de différentes fonction au repos et en action (alimentaire, articulatoire).
Les étapes du développement et du fonctionnement neuromusculaire de la
langue varient d’un enfant à l’autre et jouent un rôle capital dans l’évolution de
cet enfant.
S’il y a dysfonctionnement, la nature et le degré de celui-ci interviendront
de manière essentielle dans le choix du traitement orthophonique et dans la
durée de son maintien.
L a l a n g u e, « cette main qui goûte »
La langue est constituée d’une couverture « bourrée » de papilles, de la
peau internalisée.
Sous cette peau, il y a du muscle. La couverture de la peau muqueuse linguale comporte tous les attributs spécifiques cutanés : organe de la douleur, du
toucher, de la pression, du froid, du chatouillement, de la chaleur, de la traction
et du goût.
Les bourgeons du goût se trouvent dans les papilles, il en existe quatre types :
– les papilles filiformes (200.000) situées surtout sur le dos de la langue et le
voile du palais
– les papilles fungiformes qui ressemblent à des champignons sur la pointe de la
langue
– les papilles foliées sur les bords de la langue
– les papilles caliciformes très grandes, en général une dizaine, qui suivent le
sillon en forme de V, sur la face supérieure du corps de la langue.
La sensibilité au sucré est plus grande à la pointe et à la partie antérieure des
bords de la langue, la sensibilité à l’amer sur le dos de la langue au niveau des
papilles caliciformes qui forment le V lingual. La sensibilité au salé a un terri-
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toire largement étendu. La sensibilité à l’acide est par contre limitée aux bords
de la langue. La partie médiane du dos de la langue est insensible à tous les
goûts, alors que le palais apprécie presque également l’amer et l’acide.
C’est la juxtaposition de la stimulation gustative et de la stimulation olfactive
(flaveur) qui donne le goût complet de l’aliment.
Le médiateur salivaire est indispensable, l’aliment ne pouvant être goûté qu’en
étant diffusé sur la langue avec la salive.
De l’or a l i t é à l a v e r t i c a l i t é
La langue s’inscrit dans l’établissement de la posture verticale (l’enfant
marche, commence à parler, les mouvements ascensionnels linguaux sont opérationnels). Elle est aussi un des organes clés de la verticalité.
C’est bien de l’équilibre du complexe labio-linguo-jugal au repos et en
fonction que dépendra l’harmonie buccale, mais aussi de l’équilibre linguomandibulo-hyoïdien qui dépend du système régional vertébro-cranio-facial et de
l’équilibre global de l’individu.
♦ C o n c lusion
L’oralité se construit autour de la sphère orale. Celle-ci devient mémoire,
elle ouvre la porte à l’imaginaire, alors mets et mots peuvent être magnifiés ou
rejetés.
La langue va gérer cet espace oral lors des oralités alimentaires et verbales. La langue à travers son raffinement gnoso-praxique lors de la mastication
des aliments et de l’articulation des phonèmes va constituer un certain « moi
lingual » que nous essaierons de « normaliser » dans nos pratiques orthophoniques.
Ce « moi lingual » va se construire progressivement. En effet, le sujet va
évoluer sur le plan psychosomatique, prendre confiance en lui, rompre la compacité de la relation maternelle et s’engager dans la voie de l‘autonomie, en
acceptant avec attention et motivation les enchaînements neuro-musculaires non
acquis que représentent la déglutition secondaire, la ventilation nasale, la position linguale de repos, l’articulation phonétique correcte.
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La langue dans le concept ostéopathique
Thierry Leboursier
Résumé
La langue, par ses relations avec plusieurs systèmes fonctionnels locaux, régionaux ou à
distance :
• le système : temporal-mandibule-pharynx-os hyoïde
• la chaîne musculo-aponévrotique antérieure (linguale)
• le système cranio-sacré
peut être à l’origine ou au décours de nombreux motifs de consultations ostéopathiques. Elle
intervient régulièrement dans la méthodologie diagnostique et thérapeutique ostéopathique.
Mots clés : charnière occipito-cervicale, système temporo-mandibulo-pharyngo-hyoïdien,
système cranio-sacré/ chaîne musculaire antérieure.
Osteopathic conception of the tongue
Abstract
The tongue, because of its relationships with several local, regional or distal functional systems:
• the temporo-mandibular-pharyngeal-hyoid bone system
• the anterior muscular-aponeurotic (lingual) system
• the cranio-sacral system,
may be at the origin of numerous osteopathic consultations. It is regularly involved in diagnostic methods and in osteopathic therapy.
Key Words : occipitocervical junction, temporo-mandibular-pharyngeal-hyoid bone system,
cranio-sacral system, anterior muscular system.
Rééducation Orthophonique - N° 226 - juin 2006
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Thierry LEBOURSIER
Ostéopathe DO MRO F
Chargé d’enseignement au DU d’Anatomie
Appliquée à l’Examen Clinique et à
l’Imagerie
Université Paris V René Descartes
Attaché à la maternité Ambroise Paré de
Bourg la Reine
155 rue du Faubourg Poissonnière
75009 Paris
Courriel : [email protected]
L
a langue est un peu l’organe paradoxal du concept ostéopathique. Son
rôle, peu développé dans la littérature, est pourtant prépondérant dans
l’approche clinique, en rapport direct ou indirect avec de nombreux
motifs de consultation. Pour comprendre, il est nécessaire de préciser :
• son origine embryologique
• son environnement anatomique musculo-squelettique
• son implication musculo-aponévrotrique à distance par l’intermédiaire de la
chaîne fasciale antérieure (ou chaîne « linguale ») et les conséquences
posturales qui en découlent
• son appartenance au système rythmique cranio-sacré
• son implication dans la fonction manducatrice et l’équilibre occlusal dès la
naissance
• son rôle déterminant dans la morphogénèse cervico-cranio-faciale
• sa participation à la dynamique de la trompe d’Eustache, élément majeur de
la pathologie ORL, en particulier chez l’enfant.
La langue, avec ses 17 muscles moteurs, son squelette hyoïdien et ses
multiples connexions, est un organe providentiel pour le diagnostic différentiel,
pour le diagnostic spécifique ostéopathique (DSO) 1 et pour le traitement.
Issue des 4 premiers arcs pharyngiens, la langue apparaît à la fin de la 4ème
semaine embryonnaire sur le plancher du pharynx à partir des bourgeons
médian et latéraux des 2 premiers arc pharyngiens pour ses 2/3 antérieurs, puis
par le renflement médian des 3 ème et 4 ème arcs pharyngiens pour son 1/3 postérieur.
1. Le DSO est un diagnostic exclusivement manuel à la recherche des pertes de mobilités tissulaires (ou « dysfonctions ostéopathiques ») quel que soit le tissu concerné : structures articulaires, organe, aponévrose ou plan
de glissement inter-organique.
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Les muscles de la langue, sauf le palato-glosse, se constituent à partir du
mésoblaste dérivé des myotomes des somites occipitaux. L’innervation motrice
de la langue est donc assurée par le nerf hypoglosse (XIIème paire de nerfs crâniens) sauf pour le palatoglosse innervé par le nerf pharyngien (Xème paire).
Le nerf hypoglosse, moteur de la langue est constitué de la réunion de
plusieurs racines médullaires. C’est donc un nerf originellement cervical, secondairement « céphalisé », qui présente des anastomoses avec l’anse cervicale
supérieure, impliquant la charnière cervicale haute dans son fonctionnement. Il
présente un rameau méningé expliquant certaines céphalées postérieures.
Une attention particulière sera donc portée sur les différentes structures
susceptibles d’affecter la vascularisation artério-veineuse du nerf à ses différents
points de passage et notamment
• l’OAA (charnière occiput-Atlas-Axis)
• le canal de l’hypoglosse (canal intra osseux creusé aux dépens de l’occiput).
Organe mixte, la langue reçoit son innervation sensorielle et sensitive
• du nerf lingual (branche du nerf mandibulaire issue du trijumeau, Vème paire
crânienne)
• du nerf facial (VII)
• du nerf glosso-pharyngien (IX)
• du nerf vague (X).
La langue et son système d’innervation sont donc étroitement liés à la
formation embryologique puis organogénétique de la base du crâne et de la
relation Occiput /C1/C2.
Sur le plan fonctionnel, la
langue appartient au système temporo-mandibulo-pharyngo-hyolingual.
L’os hyoïde, sorte de fer à
cheval sous mandibulaire à concavité postérieure donne insertion
au septum lingual (par l’intermédiaire de la membrane hyo-glossienne) et à différents muscles
extrinsèques de la langue. Sa
situation « suspendue » à la face
antérieure du cou, fait de l’os
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hyoïde un véritable écran de contrôle de l’équilibre myofascial transversal, vertical et sagittal entre la bouche, la colonne cervicale et la chaîne fasciale antérieure reliant la symphyse mentonnière à la symphyse pubienne.
♦ Os hyoïde : i n s e r tions m u s c u l a i res
Structure osseuse de la langue, l’os hyoïde est également en relation musculaire
et ligamentaire avec :
• la mandibule par le muscle génio-hyoïdien et le puissant muscle mylohyoïdien constituant le plancher buccal
• le pharynx par le muscle constricteur moyen du pharynx
• le temporal par les muscles et ligaments stylo-hyoïdien et le muscle digastrique
• l’omoplate par le muscle omo-hyoïdien
• le sternum par le muscle sterno-hyoïdien.
Sur le plan morphogénétique, statique et dynamique, l’homme est organisé autour de 5 grandes chaînes m u s c u l a i res décrites par Godelieve StruyfDenis (1991) et justifiées par les travaux de Piret et Béziers (1972) :
• 3 chaînes axiales (antéro-médiane, postéro-médiane et pharyngo-pré-vertébrale) antigravitationnelles, participent à la forme du corps et animent l’individu autour des lignes de gravité.
• 2 chaînes dites « relationnelles », dynamiques (les chaînes antéro-latérale
et postéro-latérale) organisent l’individu dans sa vie de relation.
Ces chaînes musculo-aponévrotiques et articulaires, constituées de
muscles courts monoarticulaires et de muscles longs polyarticulaires fonctionnant en synergie dans le mode statique (maintien de la posture) et dynamique
(activité motrice), sont à l’origine de la forme du corps et expriment les dispositions psychiques de l’individu à travers sa posture et sa gestuelle. Dans la pratique, on observe dans la plupart des cas une prédominance de fonction d’une
ou de plusieurs chaînes musculaires qui permet d’orienter l’examen clinique
ostéopathique vers le fonctionnement habituel ou pathologique du patient.
Au sein de chaque chaîne musculo-aponévrotique, les muscles polyarticulaires diffusent et permettent de compenser les dysfonctions locales à l’ensemble des éléments de la chaîne.
La c h a î n e m yofasciale antéri e u re (dite « chaîne linguale », ou chaîne
antéro-médiane) (figure : 1- Godelieve Struyf-Denis, 1991) s’organise très tôt
autour de la fonction de succion-déglutition puis de la boucle fonctionnelle
main-bouche. C’est la chaîne de la viscéralité, du repli, de la position fœtale.
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Elle prend son origine dans la base du crâne au
niveau de l’occiput et se poursuit par la caisse du
tympan, la mandibule, l’os hyoïde, le sternum et
la symphyse pubienne et se prolonge ensuite dans
les membres supérieurs et inférieurs.
Cette chaîne est animée par :
• la langue
• les muscles sus et sous hyoïdiens
• les muscles sous claviers, scalènes antérieurs,
antérieurs du cou, triangulaire du sternum,
grands pectoraux, intercostaux moyens
• et les muscles abdominaux grands droits et
pyramidal de l’abdomen et le plancher périnéal.
Les muscles composant ce système sont à la fois témoins et acteurs de
l’équilibre postural du sujet autour de la ligne de gravité antérieure passant par
la symphyse mentonnière et la symphyse pubienne. Cette chaîne est en excès
d’activité chez les sujets en déséquilibre postérieur. La langue y est surtout sollicitée dans des désordres occlusaux et orthodontiques par son potentiel de latérodéviation compensatoire.
On peut donc considérer que l’organisation posturale globale de l’individu, dépend de l’équilibre fonctionnel entre les 5 chaînes musculaires fondamentales mais aussi de l’équilibre musculo-aponévrotique de l’ensemble des
structures constituant chaque chaîne. Tout déséquilibre de tension, ou dysfonction ostéopathique, au sein d’une chaîne, implique une compensation d’un ou
plusieurs éléments de celle-ci.
Le symptôme apparaissant lorsque les facultés de compensation sont
épuisées ou si une nouvelle contrainte survient sur un système compensatoire.
On comprend que lorsque la langue est impliquée dans une organisation
compensatoire contraignante, ses fonctions de déglutition, phonation, malaxage
des aliments peuvent, à terme, être affectées.
♦ Le système ry t h m i q u e c ranio-sacré axial, spécificité du concept ostéopathique, à la fois outil diagnostique et thérapeutique, relie l’ethmoïde au coccyx
par la continuité osseuse articulée sphénoïde /occiput/sacrum solidarisé et équilibré par le système membraneux intracrânien (faux du cerveau et du cervelet et
tente du cervelet) puis par le manchon dure-mérien rachidien. Ce système est
baigné de liquide céphalorachidien et animé d’un mouvement rythmique d’ex-
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pansion-rétraction palpable (mécanisme respiratoire primaire) accessible à la
manipulation ostéopathique.
La langue, par son activité de pressions-tractions sur le palais osseux,
influence directement l’activité rythmique de cet axe fonctionnel par l’intermédiaire des articulations intermaxillaires, inter palatines et maxillo-palatines,
puis du vomer qui doivent rester libres.
La succion-déglutition compulsive du bébé trouve sans doute une justification dans la nécessité de réduire les tensions cranio-sacrées fœtales ou obstétricales comme nous le verrons plus en détail.
Ainsi les motifs de consultation fréquents comme la dysphagie, les
fausses routes, la sensation de boule dans la gorge, les morsures de joues, le
bruxisme, les oppressions sternales, les céphalées de tensions temporales ou les
algies faciales, nécessitent, pour l’ostéopathe (comme tout motif de consultation) une investigation globale systématique, tenant compte des divers plans
d’organisation anatomo-fonctionnels, à la recherche de l’origine du trouble.
Il n’est pas rare qu’un de ces troubles trouve sa solution dans une correction de bassin, de diaphragme thoraco-lombaire ou de ceinture scapulaire.
Par ailleurs, lorsque les techniques de rééducation de la sphère oro-faciale
bien conduites ne donnent pas de résultats concluants, il est utile d’envisager
que des dysfonctions ostéopathiques locales ou à distance constituent un obstacle insurmontable à la réhabilitation de la fonction linguale. Au premier
rang de ces suites lésionnelles, on trouve les « whiplashs » occasionnés par
un coup du lapin ou une chute sur les fesses ou encore un accouchement dystocique.
Nous ne décrirons pas en détails les anomalies occlusales, temporomandibulaires et orthodontiques établies dans lesquelles la langue semble
jouer un rôle essentiellement compensatoire, nécessitant un détournement de
sa physiologie normale. Il faut rappeler cependant que la conformation de la
glène temporale et du condyle mandibulaire est sous la dépendance du passage de la succion-déglutition (mouvement antéro-postérieur) à la déglutition
en occlusion (mouvement en trois dimensions avec roulement condylien).La
dysfonction linguale plaçant la langue en position excentrée, agit sur les articulations temporo-mandibulaires à la manière d’une malocclusion. C’est également par cette activité asymétrique que la langue compromet le rythme
d’ouverture-fermeture de l’orifice pharyngé de la trompe d’Eustache, entretenant certaines otites chroniques ou acouphènes. On comprend donc l’intérêt
d’une investigation ostéopathique dès la naissance.
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♦ A la période néonatale la langue exerce depuis plusieurs semaines déjà sa
fonction de succion-déglutition du liquide amniotique 2. Néanmoins, dans l’évaluation du nouveau-né les ostéopathes sont confrontés à différentes situations
perturbant l’allaitement au sein. La langue est alors une structure-clé du diagnostic mais aussi du traitement ostéopathique. La succion-déglutition au sein,
bien qu’entièrement instinctive, nécessite la mise en place d’une séquence
motrice particulièrement complexe :
• un positionnement de la bouche sur le mamelon, en particulier de la lèvre
inférieure
• un relâchement du palais mou
• une ouverture du pharynx
• un relâchement de la mandibule.
Puis, lors de la succion proprement dite
• une élévation modérée de la mandibule
• une ondulation antéro-postérieure de la langue
• une contraction des élévateurs du voile du palais et enfin
• un relâchement de la mandibule.
On comprend à l’énoncé de ce mécanisme, et indépendamment d’autres causes
mère-dépendantes ou bébé-dépendants, que plusieurs difficultés « mécaniques »
peuvent perturber la mise en place de l’alimentation au sein dès la naissance.
Plusieurs situations se présentent :
• une insuffisance de succion témoignant d’une fatigabilité générale, d’une
fatigue linguale ou d’une asymétrie motrice linguale
• une morsure du mamelon
• un mauvais positionnement des lèvres
• une tendance à l’étouffement et aux fausses routes
• une agitation du bébé après quelques succions.
On note également, hors tétée, une succion compulsive, dont l’effet est un relâchement provisoire des tensions de la base et de la voûte crânienne par l’intermédiaire des sutures du palais dur.
Ces différents tableaux posent deux problèmes :
1. l’impossibilité de continuer l’allaitement au sein avec les conséquences
physiologiques et psychologiques sur le bébé et la maman
2. l’impossibilité pour la langue d’assurer pleinement son rôle conformateur
de la cavité buccale dès les premiers jours.
2. la déglutition est présente à la 16ème semaine de gestation, la succion à la 19ème, la séquence
succion –déglutition à la 34ème semaine.
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Face à ces tableaux cliniques, la démarche ostéopathique, systématiquement
globale, vise à objectiver les origines de la dysfonction. On procède donc à un
examen complet
• du système cranio-sacré
• des tensions viscérales avec leur retentissement sur l’axe oesophageogastrique
• de l’os hyoïde et ses différentes connexions
• de la mandibule
et surtout,
• de la charnière Occiput/Atlas/Axis.
En effet, un certain nombre de contraintes peuvent induire des dysfonctions ostéopathiques,
• soit en fin de grossesse : grossesse gémellaire, oligoamnios, position
contraignante de la tête fœtale, descente précoce du mobile fœtal,
contractions…etc.
• soit pendant l’accouchement : accouchement dystocique, stagnation,
expression abdominale, déflexion cervicale traumatisante, asynclitime, etc.
Le praticien accorde une attention particulière à la base du crâne, l’occiput en particulier. En effet, la plupart des nouveaux-nés ont subi des contraintes
au niveau des parties condylaires articulaires avec la première cervicale. Ces
contraintes sont susceptibles d’affecter les nombreuses structures nerveuses
nécessaires à la bonne fonction linguale ( nerfs V, IX et XII), la compression du
nerf, diminuant sa microcirculation sanguine, perturbe la propagation des messages sensitifs et moteurs dans les fibres nerveuses.
La manipulation simultanée de la base du crâne tandis que le bébé tète le
doigt du praticien et la position de la main occipitale permet une correction
directe des structures en dysfonction : sutures et articulations de la base et système musculo-aponévrotique. La
succion est utilisée comme un
moyen de correction dynamique.
Beaucoup d’attitudes en torticolis
frustes notamment peuvent être
résolues très rapidement et libèrent
la motricité linguale tout en assurant une mobilité cervicale permettant un positionnement au sein
confortable. Ainsi, par sa succiondéglutition compulsive, le bébé
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manifeste sa tentative d’autocorrection des tensions membraneuses et articulaires qu’il suffit souvent de potentialiser par un geste ostéopathique adapté.
Lorsque ces contraintes ne peuvent être levées ou si elles se réinstallent
on retrouve souvent une tension suturale du palais dur et de la base du crâne
susceptible d’entrer dans le cadre des dysfonctions ORL ou orthodontiques.
♦ E n C o n c lusion
Pour beaucoup d’enfants, la correction ostéopathique précoce, à la phase
initiale de succion-déglutition, et le contrôle à des phases-clés du développement, du bon fonctionnement de l’environnement musculo-squelettique de la
langue, et de tous les systèmes, à distance, impliquées dans ses fonctions,
devrait sans doute être un préalable à toute tentative de rééducation spécifique.
En effet, il semble difficile d’envisager que des structures fixées puissent permettre une fonction satisfaisante, de même que la rééducation fonctionnelle est,
par la suite, une condition nécessaire au maintien de l’équilibre structurel
obtenu.
G l o s s a i re
Dystocie : situation entraînant des difficultés ou une impossibilité d'accouchement par voie
basse (par opposition à l'accouchement eutocique conduisant par la seule influence des
phénomènes naturels à l'expulsion par voie basse).
E x p r ession a bdominale : pression effectuée sur le ventre de la mère pour se substituer à la
progression naturelle du bébé.
Sta g n a tion : période de l'accouchement ou la dilatation et les contractions se produisent
alors que le mobile fotal ne progresse plus.
Async litisme : situation d'inclinaison latérale de la tête fotale dans la filière génito-pelvienne
(surtout en cas de disproportion foeto-pelvienne).
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Traitements fonctionnels des Dysfonctions de
l’Appareil Manducateur
Frédéric Martin, Sonia Brunet, Christèle Gau
Résumé
Le traitement des dysfonctions de l’appareil manducateur s’intègre dans une prise en
charge multidisciplinaire où la rééducation tient une part importante, en particulier la rééducation orthophonique. L’examen endo buccal, exo buccal et fonctionnel permet de mettre en
évidence les douleurs articulaires ou musculaires ; la limitation de la cinétique mandibulaire
; les parafonctions ; les usures dentaires ; un contexte émotionnel particulier etc. Les thérapeutiques dites non invasives sont privilégiées. Dans la pratique, c’est souvent l’association
de plusieurs traitements (dentaire, orthodontique, fonctionnel) qui permet la diminution des
troubles. Outre la rééducation des praxies oro-faciales, de la ventilation et de la déglutition,
une prise en charge plus globale est nécessaire avec un travail sur la posture, les massages, la relaxation. Si la fréquence d’âge se situe surtout entre 25 et 35 ans, le travail sur
la cinétique mandibulaire ne doit pas être négligé chez les enfants présentant des dysfonctions linguales.
Mots clés : articulations temporo-mandibulaires, appareil manducateur, troubles de l’occlusion, anomalies oro-faciales, déglutition dysfonctionnelle.
Functional treatment of disorders of the manducatory apparatus
Abstract
Speech and language therapists play an important role in the treatment of patients with
temporomandibular disorders. An examination, investigation as well as direct questioning
will disclose joint or muscular pain; limitations of mandibular kinetics ; parafunctions ; dental abrasions ; emotional stress … Symptoms will be alleviated through the combined use of
different treatments (dental, orthodontic, functional). Rehabilitation focuses on oro-facial
praxes, ventilation, swallowing, but also works through posturing, massage, relaxation.
Most patients are between 25 and 35 years of age, but children with lingual dysfunctions
can also present temporomandibular disorders.
Key Words : temporomandibular joint, manducatory apparatus, occlusal disorders, orofacial abnormalities, swallowing disorders.
Rééducation Orthophonique - N° 226 - juin 2006
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Frédéric MARTIN
Sonia BRUNET
Christèle GAU
Orthophonistes
Correspondance : Frédéric Martin
37 rue Alexandre Dumas
75011 Paris
Courriel : [email protected]
L
’orthopédie dento-faciale (ODF) s’applique au complexe cranio-facial et
aux fonctions dépendantes de ce complexe. Depuis 1998, la définition de
l’ODF s’est rapprochée des définitions de l’OMS pour intégrer la prise en
compte des paramètres psycho-sociaux des patients ainsi que le principe
d’éthique (1).
Les objectifs de l’ODF sont l’établissement (2) :
– de contacts dento-dentaires corrects pour assurer la fonction masticatoire ;
– d’une occlusion fonctionnelle et statique non pathogène ;
– de facteurs assurant un déroulement normal des fonctions oro-faciales ;
– d’un équilibre musculaire de l’appareil stomatognathique ;
– de la protection de l’articulation temporo-mandibulaire ;
– d’une esthétique acceptable pour le patient ;
– de la pérennisation des résultats.
La définition de l’ODF intègre clairement la notion de désordre craniomandibulaire (DCM). On parle aussi, selon les auteurs de désordres temporomandibulaires (DTM), c’est à dire un ensemble corrélé de symptômes affectant
l’appareil manducateur (14), ou de dysfonctions de l’appareil manducateur
(DAM), c’est à dire, l’ensemble des anomalies anatomiques, histologiques et
fonctionnelles du système musculaire et/ou articulaire, qui s’accompagnent de
signes cliniques et de symptômes très variés (10).
Les symptômes sont des dérangements articulaires (claquements ou blocages), douleurs aux ATM, névralgies faciales, maux de tête, et par extension,
acouphènes, vertiges, mal de dos, insomnies.
Plusieurs études suédoises (6) ont montré la corrélation entre l’importance des malocclusions et l’apparition de DCM (le mal de tête étant le symptôme le plus fréquent) mais aussi l’aspect prophylactique de la correction occlusale sur les DCM d’origine musculaire avec disparition ou baisse significative
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des douleurs et maux de tête après 3 ans de traitement. Toutefois, Katzberg et al.
(8) montre que sur 174 patients observés, un tiers présentent à l’IRM un déplacement discal, donc un dérangement articulaire alors qu’ils ne souffrent d’aucun
symptôme particulier.
Le traitement des DCM est généralement multidisciplinaire et intègre fréquemment la prise en charge orthophonique pour le traitement du dysfonctionnement lingual mais aussi le trouble oro-facial dans son ensemble. Nombreux
sont maintenant les patients adultes qui sont adressés aux orthophonistes par des
stomatologues pour le traitement des ATM, traitement global qui rentre dans la
nomenclature « rééducation des anomalies oro-faciales ».
♦ Epidémiolo gie
La planche et al. (10) rapporte que dans une population de 243 sujets
« patients » :
– 75% présentent au moins un signe de DTM (bruits et déviation à l’ouverture : 50% ; limitation de l’ouverture buccale : 10% ; autres : 15%) ;
– 30% de la population examinée présente au moins un symptôme ;
– 41% présentent un DAM musculaire ;
– 33% présentent un DAM articulaire ;
– 70 à 90% des personnes atteintes sont des femmes ;
– l’âge moyen varie entre 15 et 45 ans avec un pic à 30 ans ;
– 7% sont atteints de façon suffisamment sévère pour nécessiter un
traitement.
Si les DCM concernent en majorité la population des adultes jeunes, 13%
des enfants de 7 à 14 ans peuvent présenter des dérangements articulaires (15).
♦ Etiolo gies
L’équilibre entre les fonctions physiologiques de l’appareil manducateur
et la mise en contact des arcades dentaires peut être rompu par l’association de
plusieurs facteurs somatiques locaux, psychiques et somatiques généraux. On
parle souvent d’une étiologie multifactorielle :
– facteurs somatiques locaux : anomalies de cadrage, de centrage, de guidage (voir troubles de l’occlusion) dysmorphoses maxillo-mandibulaires
(classes II et III squelettiques) ; anomalies posturales ; traumatismes de
l’appareil manducateur ; dysfonctions oro-faciales.
– facteurs psychiques : parafonctions (bruxisme, mordillement, succion,
crispations).
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– facteurs somatiques généraux : altération hormonale ou du système immunitaire ; altération vasculaire ou du système nerveux ; âge.
Le DAM a d’autant plus de chances d’apparaître que ces 3 groupes de
facteurs sont présents à un degré différent (degré variable et unique pour chaque
individu). Les possibilités d’adaptation de l’appareil manducateur sont différentes selon les individus, et pour une même personne, selon les périodes de son
existence (7).
Gola a classé les différents facteurs en 3 catégories et résume ainsi assez
bien la réalité des faits :
– facteurs prédisposants : anomalies des fonctions occlusales ; hyperlaxité
ligamentaire ; parafonctions ; terrain psychologique (anxiété, dépression,
stress…) ;
– facteurs déclenchants : choc émotionnel majorant les parafonctions ;
modification brutale de l’occlusion (orthodontie, prothèse) ; modification
comportementale (bruxisme, onycophagie, serrement…) ; traumatisme
(ouverture forcée, traumatisme accidentel) ;
– facteurs d’entretien : migrations dentaires secondaires ; fragilité psychologique…
En résumé, les facteurs somatiques locaux principaux sont les troubles de
l’occlusion, les dysfonctionnements oro-faciaux et les dysfonctionnements posturaux.
♦ Tr o u b les de l’occlusion
– anomalies de centrage 1 : elles entraînent des déviations mandibulaires en
occlusion d’intercuspidie maximale (O.I.M.) 2 et par extension, des troubles
musculo-articulaires.
– anomalies de calage : une surcharge ponctuelle ou une absence de contact
proximal entraînent des migrations dentaires adaptatives qui peuvent favoriser l’instabilité mandibulaire. Il en est de même pour la béance antérieure.
– anomalies de guidage : il s’agit en général d’un obstacle dentaire qui va
créer une interférence occlusale postérieure ou antérieure qui peut pertur1. Le centrage (ou relation centrée) : c’est la position limite physiologique de la mandibule en rétraction ; l’ouverture s’effectue autour d’un axe virtuel appelé « axe charnière ».
2. L’occlusion d’intercuspidie maximale (O.I.M.) est la position d’occlusion où le rapport d’engrènement dentaire se caractérise par le maximum de contacts interarcades. Ce rapport est indépendant de la situation des
condyles dans les fosses mandibulaires. C’est la position d’occlusion la plus utilisée dans la mastication et la
déglutition
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ber les mouvements mandibulaires pendant la phonation et la mastication
et exercer des tensions sur les attaches ligamentaires des ATM.
La plupart du temps, ces anomalies se combinent pour altérer les fonctions de l’appareil manducateur.
Depuis 1990, l’étiologie occlusale est controversée dans un certain
nombre d’études épidémiologiques. Il apparaît que la difficulté à déterminer le
rôle de l’occlusion dans l’apparition des DAM soit liée à l’origine multifactorielle, à la variabilité interindividuelle et à l’absence de standardisation des protocoles diagnostiques.
La recherche d’une occlusion physiologique thérapeutique par traitement
orthodontique peut amener une diminution du DAM lorsqu’il est présent, mais
parfois générer celui-ci par l’apparition de fonctions de compensation. Nombreux sont les cas de DAM qui apparaissent 2 à 3 ans après la fin d’un traitement orthodontique.
♦ Dysfo n c t i o n n e m e n t o ro-f aciaux
Les dysfonctions linguales (posture basse, déglutition dysfonctionnelle)
sont souvent rencontrées chez des sujets présentant des DAM. Les pourcentages
varient selon les critères de diagnostic et les orientations des observateurs (13) :
POURCENTAGE DE DEGLUTITIONS DYSFONCTIONNELLES
(sujets avec dysfonction de l’appareil manducateur)
Auteur
Année
Nombre
de sujets
examinés
Pourcentage
dysfonctionnement
lingual
GELB
1983-1985
200
72%
SERVIERE
1988
107
23%
94
22%
JEANMONOD
1990
816
70%
SPAGNOLI
1993
195
84,6%
Toute dysfonction oro-faciale peut avoir des répercussions sur la cinématique mandibulaire :
– Certains troubles articulatoires comme le sigmatisme ou le chuintement
peuvent être corrélés à une déglutition dysfonctionnelle et aux parafonc-
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tions et sont parfois associés à une perturbation des fonctions oro-mandibulaires.
– Un frein lingual court entraîne une position basse et trop avancée de la
langue et compromet son rôle dans la morphogenèse osseuse.
– La mécanique mandibulaire non dissociée de la mécanique linguale est
l’une des raisons principales du manque de guidage lors de l’ouverture de
la mâchoire. La langue, fixée dans la mandibule, propulse celle-ci au
moment de l’ouverture et peut générer une sub-luxation et des phénomènes
douloureux.
– Une mastication unilatérale (toujours du même côté) peut être responsable
d’une asymétrie de croissance faciale et engendrer une inversion occlusale
unilatérale.
– Une ventilation buccale peut provoquer une hypertrophie des sinus, une
anomalie de croissance maxillaire. L’étroitesse de l’arcade dentaire accompagnée d’une position basse de la langue peut être à l’origine d’une classe
II ou d’une classe III. Une ventilation buccale peut provoquer un déplacement de la mandibule vers le bas et l’arrière, favorisant le passage du
disque articulaire (ou ménisque inter-articulaire) vers l’avant et prédisposant à la luxation discale (4). La ventilation buccale entraîne une posture
basse de la langue responsable du déficit de croissance.
– Les parafonctions sont déterminantes dans les facteurs étiologiques des
DAM. Ces parafonctions mettent en jeux de façon excessive les muscles
assurant la fonction manducatrice.
♦ Dysfo n c t i o n n e m e n t s p o s t u r a u x
Les principaux capteurs qui permettent à l’homme de maintenir sa posture sont l’œil et les pieds. Ceux-ci s’adaptent aux différents déséquilibres qui
sont d’abord compensés par les ceintures scapulaire et pelvienne, avant de
décompenser éventuellement au niveau de l’appareil manducateur quand leurs
possibilités d’adaptation sont dépassées. Le schéma inverse peut également se
produire. La langue est alors considérée comme l’élément majeur car elle est au
centre de l’équilibre céphalique ; l’organisation des chaînes musculaires manducatrices et posturales explique qu’une dysfonction occlusale pourrait modifier
la posture cranio-cervicale et réciproquement.
L’impact de l’occlusion dentaire sur la posture peut provoquer une dysfonction descendante ou ascendante. Par exemple, une malocclusion provoque
une bascule mandibulaire qui entraîne une contraction asymétrique des muscles
élévateurs et supra-hyoïdiens. L’os hyoïde se trouve alors en bascule, et par l’in-
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termédiaire des muscles sous-hyoïdiens, provoque le déséquilibre de la ceinture
scapulaire puis un décalage de la ceinture pelvienne par transmission musculaire. Cette bascule des deux ceintures peut être homo ou controlatérale. Réciproquement, un problème distal emprunte le chemin inverse et retentit sur le
rapport maxillo-mandibulaire et sur l’occlusion. Si le problème postural est à
l’origine du trouble, il sera le premier traité. Lorsqu’il y a dysfonction occlusale
et distale, on parle de dysfonction mixte.
Des tensions ou des dysfonctionnements posturaux peuvent être déclenchés par une pathologie propre aux ATM ou bien arriver aux ATM dans le cadre
d’une lésion montante. La nature multifactorielle des pathologies rachidiennes
et posturales, ainsi que la définition incertaine des limites de la normalité de
l’occlusion, rendent problématique la démonstration de cause à effet. Il faut
nuancer nos diagnostics sur l’origine des dysfonctions, l’approche pluridisciplinaire semble la plus rationnelle.
Sch é m a é t i o p h ato génique des voies descendantes et ascendantes (12)
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♦ Examen clinique des dysfonctionnements de l’ap p a reil manducat e u r
I n t e rr oga t o i re
– Histoire de la maladie ;
– Signes d’appel : douleur (siège, intensité, évolutivité, durée, facteurs l’aggravant ou la soulageant) ; anomalies de la cinématique mandibulaire
(limitation, exagération, déviation, blocage) ; bruits articulaires (claquements, craquements, crépitations) ; acouphènes ; vertiges ; maux de tête ;
mal de dos ;
– Retentissement de l’affection sur la vie quotidienne (et aussi sur la phonation, l’articulation, la mastication…) ;
– Dépistage des postures génératrices de dysfonctions ;
– Contexte socioprofessionnel ;
– Facteurs et situations d’anxiété et de stress ;
– Attentes précises de la prise en charge.
E x a m e n c l i n i q u e e xo-bu c c a l
– palpation musculaire (recherche des douleurs et des zones de contraction
par pressions douces ou pincements) ;
– palpation articulaire (recherche des douleurs aux ATM et des bruits articulaires lors de la mobilisation de la mandibule) ;
– examen des mouvements mandibulaires : on mesure les amplitudes
extrêmes non pathologiques des mouvements d’ouverture/fermeture
(40mm>n>45mm), de diduction (6mm>n>12mm) et de propulsion. On
note les ressauts, les blocages et les déviations ;
– auscultation : elle permet de préciser le caractère du bruit articulaire
(intensité, moments de survenue).
E x a m e n c l i n i q u e e n d o - bu c c a l
– examen de la denture : on note les abrasions, les mobilités, les malpositions, les pertes dentaires, les restaurations prothétiques ;
– examen de l’occlusion dentaire : dans une occlusion dentaire normale, les
dents maxillaires et mandibulaires sont en contact harmonieux et simultané, permettant une répartition homogène des forces masticatrices en fermeture. En position de repos, bouche fermée, les muscles sont relâchés et
les dents sont en contact sans pression. On observe les chevauchements, les
inclinaisons exagérées, les dysharmonies dento-maxillaires. On note les
anomalies dans le sens antéro-postérieur (classes II et III d’Angle), dans le
sens vertical (supraclusion ou infraclusion), dans le sens transversal
(endoalvéolie ou exoalvéolie) ;
– analyse des rapports occlusaux : la recherche de l’occlusion de relation
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centrée (ORC) permet de révéler l’état de contracture des muscles masticateurs. La manipulation consiste à saisir le menton entre les doigts et faire
effectuer à la mandibule de petits mouvements de rotation de bas en haut.
Cette technique est parfois controversée car souvent exécutée dans une
mauvaise position (cou en extension)
– examen linguo-jugo-labial : il permet de rechercher les signes de parafonctions (empreintes dentaires sur le bord latéral de la langue, signes de
l’étalement lingual, interposition de la langue, position atypique de la
langue, mordillement labial ou jugal). On note la situation posturale de la
langue au repos, en déglutition et en phonation.
E x a m e n fo n c t i o n n e l
– examen de la ventilation : la respiration doit s’effectuer par le nez, la ventilation buccale n’étant qu’une respiration de suppléance lors de l’effort
physique. La ventilation buccale habituelle est anormale et peut être liée à
une diminution de la perméabilité nasale, une praxie (succion du pouce) ou
une interposition linguale entre les arcades dentaires (1) ;
– examen des parafonctions ;
– examen de la déglutition et de la phonation ;
– examen de l’oculomotricité (mobilité droite/gauche, rotation, convergence, dissociation entre les mouvements oculaires et les mouvements
mandibulaires)
– étude de la posture : il existe différents tests posturaux permettant d’orienter la recherche sur la cause du déséquilibre : Test de Bricot (position statique, debout, yeux fermés. On observe les éventuelles oscillations ou
instabilités et l’on fait changer la position de la mandibule, le cas échéant,
et on vérifie si l’équilibre s’améliore). Test de Bromberg (patient debout,
yeux fermé, les bras tendus vers l’avant et les index en parallèle ; on vérifie si ceux-ci restent au même niveau ou se décalent, ce qui peut évoquer
des tensions musculaires unilatérales). Test de Fukuda (patient debout, les
yeux fermés ; on lui demande de piétiner 50 fois sur place en levant les
genoux. Une rotation peut évoquer un dysfonctionnement de l’ATM du
côté de cette rotation). Ces tests peuvent être pratiqués par l’orthophoniste.
♦ Dia gnostic
L’examen clinique doit permettre de classer les DAM en deux catégories :
– DAM musculaires : les douleurs sont diffuses ; il existe des crampes et
des tensions ; elles ne sont pas modifiées par la mastication ; elles prédominent souvent le matin et peuvent s’atténuer après une période de
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« déverrouillage ». L’examen révèle des anomalies musculaires avec des
mouvements mandibulaires sans bruit articulaire. Les principales causes en
sont le bruxisme, les mauvaises postures et les anomalies des fonctions
occlusales.
– DAM articulaires : les douleurs s’aggravent à la mastication. A l’examen,
on perçoit des bruits articulaires et éventuellement une limitation d’amplitude des mouvements. L’hyperlaxité ligamentaire et les traumatismes sont
les principales causes de luxations condylo-temporales ou discales.
Souvent, les deux pathologies sont associées. Il existe un consensus médical (16)
pour lequel l’examen spécifique à l’appareil manducateur doit déterminer si il y a :
– présence de douleurs articulaires, musculaires, maux de tête, dérangements
articulaires, acouphène ;
– limitation de l’ouverture buccale, des mouvements de latéralité et de propulsion ;
– altération du chemin d’ouverture ;
– existence de facettes d’usure signalant un bruxisme ;
– souplesse musculaire ;
– intégrité neuro-musculaire ;
– situation de stress ou contexte émotionnel particulier.
♦ Tr a i t e m e n t
L’objectif des traitements des DAM est d’obtenir une diminution ou une
disparition des symptômes et de redonner un confort fonctionnel au patient. Les
thérapeutiques dites non invasives sont privilégiées. Dans la pratique, c’est souvent l’association de plusieurs traitements (dentaire, orthodontique, fonctionnel)
qui permet la diminution des troubles.
P rise en ch a rge de l’occ lusodontiste
Traitement non invasif et réversible (gouttières occlusales) : elles sont
réalisées soit sur l’arcade maxillaire, soit sur l’arcade mandibulaire. Elles sont
confectionnées en résine acrylique transparente et peuvent être rigides ou
souples. Il est préférable qu’elles soient élaborées selon les critères des tests
posturaux. Il en existe plusieurs types : gouttières de reconditionnement neuromusculaires ; gouttières de repositionnement mandibulaire (gouttières SouletBesombes, plaques à pistes, harmoniseur dento-corporel Puenté-Brassecassé).
Traitement invasif non réversible (coronoplastie) : il s’agit de la modification de la forme de la couronne dentaire ; on distingue la coronoplastie par
réduction opérée par meulage, et la coronoplastie par apport d’un matériau plas-
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tique ou métallique (5).
P rise en ch a rge de l’ort h o d o n t i s t e
Elle permet de restaurer un équilibre occlusal mais doit être proposée
avec prudence, faisant partie des traitements invasifs (9).
P rise en ch a rge c h i ru rgicale
La chirurgie condylienne est rarement proposée et seulement en cas de
lésions intra-articulaires majeures. En outre, les indications sont une limitation
importante de l’ouverture buccale et des douleurs permanentes.
Rééducation
Elle fait partie des thérapies non invasives privilégiées lors du traitement.
Dans la pratique, elle peut être faite par les kinésithérapeutes (A.M.K. 8 dans la
nomenclature : « rééducation des fonctions musculaires labiales, jugales et de
la déglutition » ; A.M.K. 6 + 4/2 : « massages et rééducation des ATM et du
rachis cervical sur dysfonctions cranio-mandibulaires ») et par les orthophonistes (A.M.O. 8 dans la nomenclature : « rééducation de la déglutition atypique » ; A.M.O. 10 : « rééducation des anomalies oro-faciales »). En général, la rééducation de la posture linguale, de la ventilation, des praxies
oro-faciales est plus souvent réalisée par les orthophonistes alors que les kinésithérapeutes travaillent plus fréquemment sur la rééducation des ATM. Pourtant,
toutes ces fonctions sont intimement liées. D’autres techniques peuvent être
associées au traitement, comme l’ostéopathie qui propose une approche plus
globale, la prise en charge psychologique, la sophrologie.
Tec h n i q u e s d e r é é d u c ation
La rééducation concerne plus généralement la population adulte mais on
peut intervenir aussi chez l’enfant (voir rapport de juin 2002 de l’ANAES (1)).
Dans ce cas, la plainte porte rarement sur les ATM, il ne faut pourtant pas négliger les exercices de cinématique mandibulaire et de relâchement des muscles
masticateurs et ne pas focaliser la rééducation uniquement sur la posture linguale. A l’inverse, chez le jeune adulte, la demande porte avant tout sur le
trouble de l’ATM (douleur, claquement…), pourtant, un défaut de posture linguale est très généralement associé à une dysmorphose maxillo-mandibulaire :
soit on retrouve une langue basse ou une posture dysfonctionnelle qui ont
généré le trouble de l’ATM, soit la langue est utilisée comme mécanisme de
compensation. Les principaux axes de la rééducation des DAM sont les suivants, avec quelques variantes selon les méthodes :
– L a n g u e : Travail de la posture de repos, de la tonification de l’apex, de la
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base, des bords latéraux et du frein. L’élastique orthodontique est souvent
utilisé, et parfois un garrot en caoutchouc placé sous la langue pour l’appui
au palais, ainsi que la tétine orthodontique. Il faut insister sur la prise de
conscience de la position de repos, la pointe de la langue affleurant les dents
supérieures.
– Lèvr es et sillons : Tonification des lèvres supérieure et inférieure, de l’orbiculaire, du buccinateur, des sillons labio-mentonnier et labio-nasal, du
frein labial. Les guide-langue, abaisse-langue, boutons, tétine, paille, langue
de belle-mère sont généralement utilisés.
– AT M , m usc les masticat e u rs et mastication : Il est recommandé de pratiquer des exercices de cinématique mandibulaire, suivant les 3 plans, légers
au début puis contre-résistance. Pour ces exercices, la langue est souvent utilisée comme muscle de substitution (apex sur les dents de sagesse pour la
diduction ; apex vers le nez pour la propulsion, apex sur le voile pour la
rétropulsion ; apex sur le menton avec étirement des peauciers du cou pour
l’ouverture) Les massages faciaux sont essentiels, de préférence en position
couchée ou semi-assise. On préfère les effleurages lents et « roulés » de
l’ensemble de la face, en insistant sur les muscles temporaux, masséters,
zygomatiques et frontaux. Parfois la relaxation est proposée avec prise de
conscience du relâchement des masséters. Il faut éviter les mouvements
excessifs qui pourraient provoquer des douleurs. Il est essentiel de parvenir à
une dissociation entre les mouvements de la tête et ceux de la mandibule.
Pour cela, on demande au patient de maintenir sa mandibule dans ses mains,
bouche en légère ouverture, et de bouger légèrement la tête de droite à
gauche, la mâchoire restant immobile entre les mains ; il faut pour cela obtenir un grand relâchement musculaire. Parfois, chez l’enfant, on travaille le
renforcement des masséters, temporaux et ptérygoïdiens par des exercices de
morsure sur caoutchouc ou abaisse-langue.
– Déglutition : On exerce la déglutition de la salive et des liquides mais
aussi des solides en essayant de varier la texture et la dureté.
– Respir a tion : Travail de la ventilation naso-nasale, du renforcement des
ailes du nez, du mouchage, du souffle uni-narinaire, du souffle abdominal.
– P h o n a tion : Même si la demande ne porte pas toujours sur un trouble articulatoire, la phonation doit être entraînée afin de travailler la position de
l’apex. On propose des exercices de répétition de syllabes, mots, phrases ou
textes, parfois devant un miroir. On peut recommander une lecture à haute
voix quotidienne.
– Postur e : L’essentiel du travail de rééducation doit prendre en compte la
posture. Il est recommandé de mettre le patient souvent en position debout,
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face à un miroir, et travailler sur les appuis et la prise de conscience de la
position de la tête, des épaules et du bassin. La plupart des exercices de
praxies, respiration, déglutition et phonation doit être pratiqué dans les 3
positions (assise, couchée, debout). On peut proposer parfois des exercices
au sol - en particulier pour les enfants - avec synchronisation des mouvements des membres et de la tête. Le relâchement des muscles masticateurs
s’obtient plus facilement en position debout. On fait pratiquer les exercices
les yeux ouverts et fermés, en particulier les déplacements latéraux et la
marche.
– Pa r a fonctions : La relaxation est souvent proposée mais l’ensemble du
travail de rééducation participe à la diminution de ces parafonctions. Chez
l’enfant, on est amené à mettre en place un programme spécifique pour l’arrêt de la succion du pouce.
– Automa tisa tion : On propose souvent un programme sur les activités quotidiennes avec autosuggestion et conscientisation de la posture avant endormissement.
En règle générale, toutes les méthodes proposent des exercices de rééducation de la position de la langue, de la respiration, de la déglutition et de la
musculature oro-faciale. Les exercices spécifiques aux articulations temporomandibulaires sont souvent proposés mais rarement en fonction de la classe
d’Angle du patient. Le travail sur la posture est encore peu développé. Certains
rééducateurs utilisent beaucoup de matériel, d’autres, pas du tout.
Le principal motif de la consultation des patients présentant un DAM est
la douleur ; vient ensuite le problème de cinématique mandibulaire (claquement, craquement, déviation, limitation de l’ouverture…). Dans les études, on
voit que l’éducation de la posture linguale influence de façon significative
l’amélioration des DAM. Toutefois, il convient d’ajouter les massages faciaux
en position allongée, la chaleur, la mobilisation passive et active des ATM, la
relaxation, la verticalité, les mouvements de la tête et du cou, l’oculo-motricité
(11). Parfois, la rééducation des dysfonctions cranio-mandibulaires (rapports
fonctionnels de la langue et de la mandibule) permet à elle seule d’effacer les
douleurs. Dans la pratique, on a recours à un travail multidisciplinaire débutant
par des traitements réversibles (gouttières, orthophonie, kinésithérapie, ostéopathie, suivi psychologique) et en dernier recours, des traitements irréversibles
(coronoplastie, chirurgie).
Enfin, il existe des caractéristiques communes aux patients souffrant de
DAM : fréquence d’âge entre 25 et 35 ans, parafonctions, état psychologique
caractérisé par un stress important, ventilation dysfonctionnelle en lien avec une
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malposition linguale (posture basse de la langue), effet aggravant de certains
traitements orthodontiques basés sur des critères esthétiques et non fonctionnels.
♦ C o n c lusion
Il apparaît que le traitement optimal du dysfonctionnement de l’appareil
manducateur repose sur un diagnostic précis de la cinétique des ATM, des
troubles de l’occlusion, des dysfonctions oro-faciales et des troubles posturaux.
et d’une prise en charge multidisciplinaire selon une orientation thérapeutique
spécifique à chaque patient. Le facteur psychologique ne doit pas être négligé.
On doit aussi agir en amont, en particulier chez les enfants, afin de prévenir certains dysfonctionnements de l’appareil manducateur, en remédiant à des parafonctions qui pourrait entraîner par la suite un trouble de l’occlusion. (Les claquements articulaires existent chez 13% des enfants de 7 à 14 ans et chez 17%
des adolescents de 15 à 18 ans).
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Cervicalgie, rôle de la langue dans les traitements dento-posturomandibulogiques
Docteur Jacques Brassecasse, Alexandre Serge Puenté de Blas
Résumé
Les études récentes sur la croissance cranio-mandibulaire montrent que la langue est une
cause importante de dysharmonie maxillo-faciale. Nous allons nous efforcer de montrer son
action sur les cervicalgies et à fortiori sur le mal de dos chronique. Cette connaissance nous
permettra de mieux régler nos prothèses dentaires afin de contribuer au bien-être de nos
patients.
Mots clés : langue, cervicalgies, posturomandibulogie.
Cervical pain, role of the tongue in dental-postural mandibular treatment
Abstract
Recent studies on cranial-mandibular growth show that the tongue is an important cause of
maxillofacial disharmony. We will attempt to demonstrate its role in cervical pain and all the
more so in chronic back pain. This type of knowledge should help us improve the fit of dental prostheses, and in so doing contribute to patients’ well-being.
Key Words : tongue, cervical pain, postural mandibulogy.
1. La Posturomandibulogie est une réflexion nouvelle dans l’art dentaire, permettant de dépister différents problèmes de santé, d’orienter le patient vers le spécialiste adapté et d’innover un langage commun pluridisciplinaire. Cf. le livre « L’action des dents sur notre corps » Dr J. Brassecasse et S. Puenté de Blas. Edition Société
de Posturomandibulogie
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Docteur Jacques BRASSECASSE
Chirurgien-Dentiste
Alexandre Serge PUENTÉ DE BLAS
Prothésiste Dentaire
22, rue Tati
91080 Courcouronnes
http://www.posturomandibulogie.fr
♦ A c t i o n d e l a l a n g u e , l e s c e r vicalg i e s e t l a p o s t u r e
L
e mal de dos touche 80% des français. Il est surprenant de constater
que les cervicalgies sont souvent un facteur de chronicité à cette maladie. Nos investigations prouvent que la cause bucco-dentaire joue un
grand rôle dans cette pathologie. La composante posturale du dos nous oblige
à penser qu’une force pourrait être à l’origine de l’instabilité de la colonne
vertébrale.
La posture de la langue a-t-elle une influence sur les structures craniomandibulaire et sur la colonne cervicale ?
Nous allons vous montrer que différentes positions linguales ont des
répercussions sur la situation de la mandibule et des cervicales par un effet de
cascade grâce aux chaînes musculaires. Nous appliquerons notre théorie sur la
confection des prothèses dentaires afin de préserver l’espace vital de la
langue.
R a p p e l d u m o u vement des os crâniens
Dans le mouvement global de rotation externe, le crâne diminue son diamètre vertical et augmente son diamètre frontal. Le corps du sphénoïde 2
« plonge en avant » : sa partie antérieure s’abaisse entraînant avec lui le
vomer 3 qui participe à l’abaissement des palatins (le palais s’élargit et
s’abaisse). Dans le mouvement global de rotation interne tous les paramètres
précédents sont inversés et donc le palais est plus étroit et plus creux.
2. Sphénoïde : os impair, médian et symétrique situé à la partie moyenne de la base du crâne.
3. Vomer : os impair et médian formant la partie postérieure de la cloison des fosses nasales
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Action de la langue sur le palais
Si la langue appuie en avant du palais, elle participe à l’abaissement des
palatins et à la rotation externe des os crâniens ; au contraire si son appui se
positionne en arrière de la suture cruciforme, elle favorise la rotation interne.
C o r r e s p o n d a n c e e n t r e les mouv e m e n t s l i n g u a u x e t l a p o s i t i o n d e s o s
c r â n i e n s e t d e s c e r vicales
1) Quand la langue va en avant, elle entraîne avec elle la mandibule en
prognathisme avec une avancée des condyles mandibulaires. On peut
penser que les temporaux sont plutôt en rotation interne pour avancer
les glènes 4. La lordose cervicale augmente.
2) Quand la langue se déplace à droite, elle entraîne avec elle l’os hyoïde,
elle incline la colonne cervicale vers la droite.
3) Quand la langue se déplace à gauche, elle entraîne avec elle l’os
hyoïde, elle incline la colonne cervicale vers la gauche.
4) Si la langue est en position haute en avant du palais, elle favorise l’expansion du palais (rotation externe) et son abaissement.
5) Si elle se place entre les dents, elle favorise la béance et signe une
position basse de langue accompagnée le plus souvent d’un palais
creux.
P o s i t i o n d e l a m a n d i bu l e e t s t a t i q u e v e r t é b r ale
Un prognathisme mandibulaire s’accompagne, en général, d’une augmentation des courbures rachidiennes (hyperlodose cervicale et lombaire ; cyphose
dorsale) avec plutôt des cervicalgies basses (jonction C7/D1).
Un rétrognathisme mandibulaire s’accompagne plutôt d’un effacement
des courbures (en particulier cervicale) avec hyperpression des ATM, bruxisme
et cervicalgies hautes (C0/C1/C2).
P rincipe du traitement ostéopat h i q u e
1. Chez l’enfa n t : la croissance et l’ossification crâniennes n’étant pas
terminées, les effets correcteurs sont possibles. La correction de la sphénobasilaire 5 va influer sur tous les satellites crâniens et même sur la statique.
4. Glène : cavité temporale qui permet les glissements du condyle temporal.
5. Sphénobasilaire : c’est une suture située au tiers antérieur du crâne. Elle représente le centre de tensions de
toutes les tensions crâniennes.
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La modification des zones d’insertion de la langue laisse à penser que
l’on peut être correcteur sur la position de cette dernière dans la bouche. Il est
évident que si des éléments extérieurs viennent gêner cette position (pouce,
tétine etc…) le travail ostéopathique et dentaire sera retardé.
2. Chez l’adulte : l’ossification crânienne est terminée et la sphénobasilaire n’est plus mobile. La reprise de mobilité des différents os crâniens et de la
colonne cervicale permet malgré tout d’apporter un soulagement et la prise de
conscience de la bonne statique vertébrale influera sur le soulagement cervical.
Quant aux ATM, le travail en pompage (par pression et par décompression) et la reprise de mobilité apporte un ralentissement de l’hyperpression
(aidée évidemment de la gouttière occlusale).
La Rééducation de la langue : nous pensons qu’elle est un parfait complément de nos traitements dentaires orthodontiques, ostéopathiques,… Chez
l’enfant, elle doit être parfaitement conscientisée et comprise pour que ce dernier soit investi dans son traitement. En effet une déglutition infantile persistante
pourra provoquer une récidive de malposition dentaire après un traitement
orthodontique ainsi que des tensions cervicales.
♦ C o rr ections spécifiques a p p l i q u é e s a u x p rothèses dentaires
Dans la bouche, la langue tient un rôle très important. Pour que sa fonction puisse s’effectuer correctement, il est nécessaire de lui préserver un espace
vital et fonctionnel. Pour cela nous allons observer quelques organes environnants, afin de mieux comprendre le lien entre la forme et la fonction.
La dent :
Figure 1
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Les dents au maxillaire supérieur sont placées en avant sur la partie la
plus visible dite « face vestibulaire » par rapport aux dents mandibulaires, ce
qui protège la joue et les lèvres. Par contre, les dents mandibulaires elles, sont
placées vers l’intérieur de la bouche (face linguale), afin de réaliser un rempart
empêchant que la langue aille sur les faces triturantes des dents.
Lorsque nous sommes en regard d’une prothèse fixée (couronne,
bridge…) et que le patient se plaint de se mordre souvent la langue, il est souhaitable de vérifier si les dents en cause n’ont pas le plus grand bombé trop prés
de la gencive ce qui pourrait avoir pour effet de repousser la langue vers le haut
des dents mandibulaires favorisant ainsi la morsure de celle-ci.
Dans le cas de bridges, la forme des pontiques, (dent intermédiaire suspendue et maintenue entre les dents piliers) doit être de forme ovoïde sur sa face
linguale.
Aucun espace, par rapport à la gencive, entraîne une impossibilité de nettoyage sous le pontique générant une mauvaise haleine ainsi qu’une inflammation de la gencive.
Un espace trop important (figure : 2), peut causer des difficultés d’élocution, et créer dans l’espace existant une concavité où la langue va s’insérer risquant de déclencher un tic, le patient va provoquer une aspiration en faisant
jouer sa langue dans cette zone devenue pathogène.
figure 2
figure 3
Nous conseillons la figure 3, car elle permet une hygiène correcte, ainsi
qu’un bon maintien de la langue.
Dans le cas de prothèses dentaires amovibles du type prothèses totales, il
est utile de vérifier si le patient s’en plaint :
Le volume global : Il est important que le volume global tienne compte
du soutien des lèvres et du volume nécessaire à la langue.
Il est capital de r especter les pro p o rtions entre la prothèse et la bouche
pour assurer un espace vital et une bonne fonction.
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Si cet espace n’est pas scrupuleusement respecté, la langue peut déstabiliser les prothèses ou pire encore, prendre une position trop en arrière entraînant
des problèmes respiratoires.
L a p h o n é t i q u e : un exercice très simple peut permettre de vérifier la
longueur des incisives :
Il suffit de demander au patient de dire des /f/. Si l’espace entre les incisives et la lèvre inférieure n’est pas correct le patient est dans l’impossibilité de
prononcer un /f/ bien articulé. Le bord libre de l’incisive centrale doit pouvoir
entrer en contact avec la lèvre inférieure.
Le /s/, nous donne une indication sur le positionnement des incisives centrales supérieures. En effet, si les dents ne sont pas en harmonie avec la partie
antérieure du dos de la langue, les /s/S ne sonneront pas correctement.
Déglutition : Si le patient rencontre des difficultés à déglutir, il convient
de vérifier si la dimension des appareils n’est pas sur ou sous dimensionnée.
Fonction gusta tive : Nous conseillons de sculpter les papilles au niveau
du palais des appareils dentaires, car elles permettent une meilleure répartition
des aliments sur la langue favorisant ainsi le travail des papilles gustatives.
E t a ts de surfaces : un mauvais polissage va entraîner une irritation qui
peut se transformer en inflammation des muqueuses gingivales et de la langue.
R i s q u e g alv a n i q u e : le mélange de métaux dans une bouche peut
induire un courant galvanique qui peut être la cause d’une inflammation, ainsi
qu’une sensation de picotement sur la langue entraînant une électro-corrosion et
un tatouage des différentes muqueuses.
♦ C o n c lusion
Il est clair que c’est la fonction qui crée l’organe. La langue intervient
dans le cycle de mastication - déglutition et celui de la phonation. En associant
la physiothérapie linguale à nos traitements buccodentaires, nous oeuvrons sur
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les causes de la maladie. Nous évitons ainsi les risques de récidives de pathologies cranio-mandibulo-sacrées. L’approche posturomandibulogique est une
approche nouvelle de l’examen bucco dentaire. Elle permet de dépister différents problèmes de santé, d’orienter le patient vers le spécialiste adapté et d’innover un langage commun pluridisciplinaire.
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Dysphagie et déglutition dysfonctionnelle
Gilles Leloup, Isabelle Eyoum
Résumé
La dysphagie est une des conséquences dangereuses des pathologies neuro-dégénératives.
Pourtant, on peut trouver bien des points comparables entre ces pathologies et la déglutition
dysfonctionnelle, avec une différence fondamentale qui est le pronostic vital.
Mots clés : dysphagie, déglutition dysfonctionnelle, pathologies neuro-dégénératives,
comparaison.
Dysphagia and dysfunctional swallowing
Abstract
Dysphagia is one of the most dangerous consequences of neurodegenerative pathologies.
However, between-group comparisons show many similarities between theses pathologies
and dysfunctional swallowing, yet the most important difference remains their prognosis.
Key Words : dysphagia, dysfunctional swallowing, neurodegenerative pathologies, comparison.
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Gilles LELOUP
Orthophoniste
Attaché de consultation à l’hôpital
Trousseau, doctorant à Paris VII,
Chargé d’enseignement au centre de
formation en orthophonie de Paris
3 bis rue Louise Michel
92300 Levallois-Perret
Isabelle EYOUM
Orthophoniste
Chargée de cours à Paris VI
et à l’université de Besançon
11 rue de Saint-Quentin
94130 Nogent-sur-Marne
L
a dysphagie est une difficulté à déglutir d’origine organique (ostéophytes
cervicaux, diverticules de Zenker, traitements des cancers de la tête et du
cou, fistule trachéo- oesophagienne) ou fonctionnelle (problèmes neuro-musculaires). Le pronostic est vital pour les patients car ce trouble de la déglutition est
souvent associé à une pneumopathie d’inhalation.
La déglutition dysfonctionnelle peut engendrer quant à elle toute une
série de désordres et de déformations de l’articulé dentaire, néanmoins le diagnostic n’en est jamais péjoratif.
♦ L a d y s p h a gie
Dans ses formes graves, le malade est sous dépendance, il ne peut s’alimenter seul et dans tous les cas, elle a une conséquence sur l’appétence à se
nourrir (crainte de fausses routes, longueur des repas, perte de la sensibilité
intra-buccale). La dysphagie n’est pas une maladie mais la symptomatologie
d’une ou plusieurs conditions médicales. La maladie de Parkinson, la P.S.P.
(paralysie supra-nucléaire progressive ou maladie de Steele et Richardson), la
maladie de Huntington, la SLA (sclérose latérale amyotrophique ou maladie de
Charcot) et la SEP (sclérose en plaques) ont comme caractéristique une difficulté à avaler pour des raisons anatomo-physiologiques différentes mais ayant
pour conséquence des fausses routes par manque de mobilité linguale, par pertes
des praxies automatisées, par baisse du tonus provoquant un ralentissement de
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la mastication, par difficulté à former un bol homogène et par ralentissement de
la propulsion linguale au passage de l’isthme du gosier. Les exérèses carcinologiques sont également à l’origine de graves problèmes dysphagiques qui peuvent entraîner (momentanément) la pose de sonde naso-gastrique, voire une gastrostomie ou une jujénostomie.
Une distinction est faite selon Cot (1996), entre :
– la dysphagie oro-pharyngée ou dysphagie de transfert qui se caractérise
par une difficulté à transférer le bolus de la bouche vers le pharynx et l’œsophage. Elle concerne la phase orale préparatoire et linguale ainsi que la
phase pharyngée.
– la dysphagie oesophagienne ou dysphagie de transport qui correspond à
une difficulté à transporter le bolus le long de l’œsophage vers l’estomac
Elle perturbe la phase oesophagienne.
A ces phases, il a été ajouté des anomalies affectant la sélection des aliments, la mise en bouche, la mastication et les mouvements d’exploration linguale. La dysphagie commence par le choix des aliments et le geste qui les
porte à la bouche.
♦ La déglutition d ysfonctionnelle
Elle est soit un geste consécutif à la persistance d’un geste immature de
type succion/déglutition (déglutition primaire ou infantile) pouvant être associé
à un trouble de l’oralité ou bien un geste d’adaptation ou de compensation
consécutif à un ensemble de dysfonctions oro-faciales (une ventilation buccale,
des postures basses linguales et mandibulaires, une incompétence labiale, des
parafonctions). La problématique relève de la coordination du geste.
Le patient ne souffre pas à proprement parler de trouble de la déglutition,
il peut de façon anecdotique avoir des difficultés pour avaler des comprimés ou
avoir des gestes d’aspiration de la salive lors de la phonation. L’importance donnée à cette dysfonction tient à la relation établie entre les dysharmonies dentoalvéolaires et les pressions linguales exercées sur les dents lors de la déglutition.
Il est admis aujourd’hui qu’il peut s’agir de facteurs aggravants mais pas de facteurs étiologiques significatifs. Par contre, la déglutition dysfonctionnelle garde
toute sa signification pathologique dans l’appréhension des dysfonctions orofaciales et des dysfonctions de l’appareil manducateur. Elle est à la fois un relais
et un informateur des postures dysfonctionnelles.
Une déglutition typique s’effectue dents en contact et élévation du dos de
langue sur la voûte palatine puis sur le voile. Le geste atypique est défini par la
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triade de Romette (1982) :
– une contraction des muscles faciaux et des lèvres
– une protrusion linguale
– une absence de contacts dentaires.
Ces signes cliniques confirment surtout une langue basse ou une pulsion
linguale. A cette triade, il faut associer des marqueurs de dysfonctions oro-faciales
qui sont la ventilation, les postures et les parafonctions. C’est l’association de ces
signes qui permet de faire un diagnostic de déglutition dysfonctionnelle.
♦ L a r é é d u c ation
Alors que les bases anotomo-fonctionnelles sont identiques, un distinguo
est fait entre les rééducations de la dysphagie et de la déglutition dysfonctionnelle. Les points communs sont pourtant nombreux dans les difficultés que peuvent rencontrer les patients à percevoir leur espace bouche. La rééducation des
fonctions de la sphère orale part selon nous d’un principe de perception. La
mobilisation ou la difficulté de mobilité linguale sont travaillées en rééducation
à partir de points de repères dans et hors la cavité buccale. Ainsi, le travail des
praxies linguales et particulièrement celui de l’apex lingual peut bénéficier d’un
travail de perception actif (le patient mobilise la pointe de sa langue sur la
suture palatale pour inscrire le geste d’élévation) ou d’un travail de perception
passif (le thérapeute frotte avec un abaisse langue, de la glace, un pinceau
mouillé sur la pointe de la langue que le patient ne peut mobiliser volontairement).
La prise en compte de la compétence labiale permet de contrôler la pulsion linguale et engendrer un geste de déglutition plus efficace. La fermeture
des lèvres amorce le geste de déglutition. Des exercices de sensibilisation (stimulations oro-faciales) des orbiculaires permettant une correction plus rapide
d’un geste dysfonctionnel, apportent un confort aux patients dysphagiques.
La recherche de points d’appui dentaires et d’un équilibre occlusal vient
soutenir une langue atone ou peu fonctionnelle, dynamise l’équilibre oro-facial
et favorise le passage du bolus dans le pharynx. Sur ces appuis sont proposés
des exercices de mastication sur le côté dominant puis de façon bilatérale dans
le cadre des dysfonctions linguales, ou sur le secteur disponible dans le cadre
des pathologies d’origines anatomique ou neurologique.
L’entraînement à une ventilation naso-nasale prime dans l’acquisition
d’un geste fonctionnel et dans la nécessité de sync h ro n i s e r re s p i r a tion et
déglutition. Ces exercices mobilisent l’arbre respiratoire évitant ainsi un recul
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excessif de la langue et une tonification de l’ensemble du massif sus et soushyoïdien et des muscles scalènes. Cette mobilisation entraîne la prise en compte
de la posture corporelle du patient, compétence indispensable pour soutenir un
geste fonctionnel et vital de déglutition.
Le contrôle des syncinésies constitue un axe spécifique. Chez l’enfant
« immature », il faudra surveiller les relations entre mouvements linguaux et
syncinésies digitales (puis inversement), et la difficulté à déclencher la déglutition sans crispation exagérée de la musculature des joues ou du menton. Chez le
sujet âgé porteur d’une maladie dégénérative, les gestes parasites, les syncinésies faciales et corporelles ajoutent un coût moteur, perceptif et attentionnel au
geste de déglutition.
Les grands axes de rééducation portent donc sur les mêmes principes :
– la ventilation naso-nasale
– la durée de l’apnée
– la mobilisation des lèvres et la musculation des orbiculaires
– la mobilisation et la musculation de l’apex lingual
– la posture de repos de la langue, des lèvres et de la mandibule
– les mouvements de balayage lingual sur la suture palatale, à l’intérieur des
joues
– le contact dentaire lors de la déglutition et la musculation des muscles masticateurs
– la mastication à vide puis avec des textures différentes et adaptées
– le contrôle des syncinésies ou des co-contractions
– la posture de la chaîne scapulaire et dorsale
– l’axe tête / cou.
La spécificité de la prise en charge repose sur une connaissance précise
des territoires des effecteurs moteurs et des innervations sensitives de toutes les
phases de la déglutition alors que seule la phase linguale concerne la déglutition
dysfonctionnelle.
L’apprentissage pour les patients dysphagiques de la position de recul du
menton plaqué sur le larynx, le front droit, la tête droite comme tenue par un fil
tombant du plafond est incontournable car c’est la position de sécurité permettant le recul de la base linguale s’appliquant sur le pharynx.
Enfin la prégnance des troubles de l’oralité sera différente selon les
tableaux cliniques. Même si elle est minime, elle ne dispense en rien de la
réflexion à mener sur les conduites d’adaptation ou d’évitement du sujet à porter
l’alimentation à sa bouche.
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♦ C o n c lusion
La dysphagie met en jeu parfois le pronostic vital, il est donc impératif de
remédier le plus vite possible à cet état de fait. La position de sécurité et le travail sur l’apnée sont à mettre en priorité avant qu’un déclin cognitif plus marqué
n’empêche, comme dans les tableaux cliniques des maladies neuro-dégénératives, la mémorisation des processus et leur automatisation. Mais la suite de la
rééducation repose sur les mêmes principes que ceux développés pour la déglutition dysfonctionnelle. Il s’agit de les ajuster en fonction de la pathologie (un
travail plus passif et perceptif de la sphère oro-buccale pour les SLA ou SEP).
La compréhension des troubles de la déglutition s’effectue dans un cadre
anatomo-fonctionnel le plus large possible incluant la complexité et les enchevêtrements musculaires, les relations entre langue, larynx, pharynx, crâne, posture, la connaissance des valves et « points de fermeture ». Parfois il faudra travailler avec le patient opéré d’un cancer son nouveau schéma corporel et son
adaptation à de nouvelles procédures d’utilisation pendant la déglutition.
La déglutition est essentiellement un mécanisme à point de départ sensoriel dont l’amorce se fait au niveau du tronc cérébral avec la possibilité
d’une facilitation centrale par voies sensorimotrices corticales. La neuroplasticité permet un certain degré de compensation pour la réadaptation de la dysphagie, et le fait que le premier temps de la déglutition soit à la fois volontaire
et réflexe constitue le point de départ pour la réadaptation de la déglutition
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