Dans les lagons de lumière – de Jacques dans Skippers

Transcription

Dans les lagons de lumière – de Jacques dans Skippers
Mouillage dans
l’émeraude aux Tobago
Cays, avec plage
déserte à quelques
brasses du bateau !
croisière
Antilles
lagons
Dans les
de lumière
À l’abri de la barrière de corail où
la houle de l’Atlantique explose
en milles bulles argentées, l’ancre
Texte et photos ) Jacques Anglès
Nous y sommes ! Ces îlots mythiques, éparpillés sur le plus
célèbre lagon des Caraïbes, dévoilent sous nos yeux tous leurs
charmes : petites plages immaculées où les cocotiers s’inclinent sur
l’eau claire, palette infinie des bleus et des verts du lagon sous le soleil
tropical, oiseaux de mer tournoyant dans le ciel à l’affût de quelque
poisson à engloutir, tortues curieuses qui viennent nous observer de
leur œil rond. Sur le vaste plan d’eau abrité par Horse Shoe Reef, long
récif en forme de fer à cheval, une quinzaine de voiliers de toutes origines se balancent à l’ancre, à bonne distance les uns des autres. C’est
dire que le mouillage est tranquille en cette mi-novembre qui marque
plonge vers un fond de sable clair
qui semble à portée de main sous
le cristal du lagon. Notre Catana 47
s’immobilise, bercé par la rumeur
des brisants et le souffle de l’alizé
dans la mâture, tandis qu’une tortue
sort la tête de l’eau comme pour
saluer notre arrivée au paradis. Ce
sont les Tobago Cays !
skippers voile & océan
Marigot Bay, sur l’île de Sainte-Lucie, offre un abri parfait derrière une frange de cocotiers.
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croisière
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le début de la saison touristique antillaise. Face
à l’océan, ce bout de paradis est préservé par
son statut de réserve naturelle, avec la réglementation habituelle des espaces protégés,
dont quelques panneaux à terre rappellent les
principales dispositions.
Aucun habitant ne vit sur ces îlots, mais une
poignée de marins de Union ou Mayreau, autorisés à exercer de petits commerces bien
utiles aux plaisanciers de passage, y viennent
chaque jour à bord de leurs jolis speed-boats
aux couleurs vives. Chacun a sa spécialité, tel
Walter qui livre le pain et les croissants au
petit déjeuner, Roméo et son équipe qui proposent le barbecue de langoustes ou de poissons sur l’îlot Petit Bateau, et bien d’autres qui
livrent toutes sortes de victuailles, prennent
vos commandes du lendemain, vendent des
T-shirts imprimés, récupèrent vos poubelles,
organisent des balades-plongées guidées ou
font le taxi vers Union et Mayreau. L’accueil,
amical et souriant, vous donne envie de jouer
le jeu. Avec Roméo et son équipe par exemple,
qui nous régaleront d’un inoubliable barbecue
de langoustes, accompagné d’un riz créole et
de délicieux légumes et fruits locaux. Avec le
sourire et pour cinq à huit fois moins que dans
n’importe quel restaurant de la côte d’Azur !
Seule règle : on doit apporter son couvert...
et son vin. Deux journées ici semblent bien
trop courtes, tant il y a à faire : nager avec les
tortues autour de Baradal, observer les raies
léopard ou pastenagues un peu plus loin, explorer les coraux peuplés de petits poissons
chatoyants, ou débarquer sur le sable blanc
de Jamesby, l’île aux iguanes, pour découvrir
du sommet un panorama à couper le souffle,
avec le lagon d’émeraude à vos pieds et des
îles qui se profilent jusqu’à l’horizon vers SaintVincent au nord, Grenade au sud.
Les Tobagos Cays sont inoubliables. Pour parvenir à ce Graal des croisières au départ de la
Martinique, comptez au moins trois jours de
navigation en père tranquille, avec une escale
à Sainte-Lucie et une autre à Bequia, l’endroit
le plus agréable et le plus pratique pour effectuer les formalités d’entrée obligatoires, sans
compter quelques arrêts baignade/buffet en
cours de route. Il faut disposer de dix à quinze
jours pour apprécier tous les charmes des
Grenadines, et découvrir en chemin quelques
joyaux moins fameux mais pas moins enchanteurs. De la Martinique aux Grenadines, voici
quelques aperçus de la belle croisière qui vous
attend ici, extraits de notre Journal de bord et
de voyage.
Béquia, des baleines et des hommes
Essayez d’arriver au coucher du soleil, quand les derniers éclats du jour
baignent d’une lumière dorée toute la baie de Port Elizabeth, la petite
capitale de l’île. Terre de marins, Bequia cultive une tradition de chasse
à la baleine unique dans les Antilles. Lorsqu’un des guetteurs perchés
sur ses sommets signalait un passage, les chasseurs filaient au large,
toutes voiles dehors sur leurs fines chaloupes pour y traquer les cétacés, en sautant sur leur dos pour donner le coup de grâce avant qu’ils
ne plongent dans les abysses ! Aujourd’hui, la chasse est limitée à une
ou deux ou prises par an, entretenant une tradition navale toujours vivante, comme le montrent les baleinières halées sur la plage à l’ombre
des cocotiers et les petits speed-boat modernes. Accueillant et plein de
charme, le bourg de Port Elizabeth vit au rythme des allées-venues des
petits ferries de Saint-Vincent. Avec son pittoresque marché couvert,
ses étals de fruits près des quais, ses ateliers de maquettes de bateaux
(à voir absolument), ses bars et restaurants au bord de l’eau, elle a beaucoup à offrir aux voyageurs qui y jettent l’ancre. N’en partez pas sans
avoir siroté un planteur au Whale Boner, bar au bord de l’eau décoré
d’os de baleine géants, avec des côtes disposées en arche pour le porSalt Whistle bay, sur Mayreau. Une piscine paradisiaque
frangée de cocotiers et de sable blanc.
Proche de la marina du Marin, l’ancrage de Sainte-Anne offre de somptueux
couchers de soleil sur le rocher du diamant et la côte Sud de la Martinique.
Culminant à plus de 750 m, le Petit Piton de Sainte-Lucie domine un des plus beaux mouillages des Antilles.
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tail d’entrée, un bar sculpté dans un maxillaire
et des vertèbres en guise de tabourets. Et pour
une soirée gastronomique, installez-vous à la
terrasse de l’Auberge des Grenadines. Vous y
savourerez une cuisine franco-caribéenne inspirée, en profitant d’une vue sur toute la baie
et, certains soirs, d’un duo de jazz piano-saxo.
Le pianiste est aussi cap-hornier, avec un tour
du monde par les trois caps à son actif, sur
une solide chaloupe de sauvetage convertie
en voilier. La richesse de ses paysages, les
dimensions modérées de l’île, l’atmosphère
hospitalière de Béquia donnent toujours envie
d’y revenir.
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Welcome to Mayreau !
Parions que « welcome ! » est le premier mot
que vous entendrez ou lirez en arrivant à
Mayreau, petite terre verdoyante qui se dresse
à l’ouest du plateau corallien des Tobago Cays.
Nous y mouillons dans l’eau claire de Saline
Bay, devant une plage de rêve, dont nous profiterons en Robinson, absolument seuls sur ses
500 m de sable doré ! Sur la colline voisine,
l’unique village de l’île domine le décor, avec
ses maisons hautes en couleurs et sa petite église perchée au sommet,
d’où vous découvrirez le plus beau des panoramas sur les Tobago Cays.
300 habitants y cultivent une douceur de vivre et un sens de l’accueil
qui donnent envie de se poser ici quelques jours. Bien différente en
tout cas de sa voisine Union, jolie mais beaucoup plus fréquentée et
branchée. À moins de deux milles de Saline Bay, Mayreau recèle une
autre perle : Salt Whistle Bay. L’eau vert pale, la plage en arc de cercle
frangée de cocotiers, le petit débarcadère et les deux bars en planches
plantés sur le sable y composent une image parfaite du rêve caribéen.
L’ancrage est magnifique mais il vaut mieux y arriver assez tôt pour
prendre les bonnes places, car l’espace est relativement limité.
Canouan, la balise comme perchoir à pélicans
Pour un stop en traversant les Grenadines, évitez Mustique, l’île des
milliardaires, des pop stars et des héritiers royaux : le mouillage y est
médiocre et le débarquement (payant) de peu d’intérêt. Canouan, au
contraire, est une petite île encore tranquille (pour combien de temps ?),
où il n’y avait autrefois qu’un hameau de pêcheurs cultivateurs et des
chèvres à demi sauvages. Quelques hôtels de luxe, apparemment vides,
s’y sont construits dans la verdure et l’aéroport est en cours d’agrandissement, mais le beau mouillage de Charleston avec ses fonds de sable
clair et sa plage blanche, conserve son charme et son calme. En attendant, les pélicans et les cormorans s’y disputent le perchoir qu’offre la
balise d’entrée, un poste idéal pour guetter le poisson. Du coup, celle-ci
a viré du vert réglementaire au blanc « guano » !
croisière
< Coucher de soleil dans un grain
sur l’ancrage de Rodney Bay
(Sainte Lucie). Aux Antilles, même
les nuages sont lumineux !
Le port naturel de Bequia offre
un des meilleurs ancrages des
Antilles. Les voiliers de passage font
bon ménage avec les petits ferries
locaux, les goéletttes-pays, et les
canots traditionnels de l’île.
Saint-Vincent, un décor de «Pirate des Caraïbes»
Dans le petit monde des plaisanciers, Saint-Vincent n’a pas bonne réputation. Aussi peut-on être tenté de passer assez au large pour faire voile
en évitant le dévent de l’île. Ce serait se priver du spectacle d’un des
rivages les plus sauvages des Antilles, avec ses crêtes volcaniques et ses
impressionnants murs de verdure, entrelacs de grands arbres tropicaux
et de lianes géantes qui dévalent jusqu’aux plages de sable noir frangées de cocotiers. Ce rivage somptueux a servi de toile de fond au film
Pirates des Caraïbes, précisément à Wallilabu Bay, petite baie cernée
de verdure où fut installé le repaire de Jack Sparrow. Souvenir de ce
décor, une statue de pirate hissée sur le pilier du débarcadère en ruines
semble toujours surveiller le large dans l’attente de quelque galion à
détrousser. Comme ailleurs, un service d’accueil viendra vous proposer
quelques victuailles locales ou une assistance à l’amarrage, moyennant
quelques euros. Pas de raison de refuser ce service, sachant la pauvreté
de Saint-Vincent. L’endroit a vraiment du charme et l’on peut y faire les
formalités d’entrée ou sortie du territoire, tout comme à Cumberland,
autre jolie baie un peu plus au nord.
Sainte-Lucie, deux pitons pour un drapeau
S’il ne fallait choisir qu’un seul mouillage sur Sainte-Lucie, ce serait aux
Deux Pitons (classés au patrimoine mondial de l’Unesco) qui figurent sur
son pavillon national. Dressés à plus de 750 m au-dessus de l’eau, ces
vertigineux pics volcaniques composent un grandiose écrin de basalte et
de verdure qui prend toute sa majesté au coucher du soleil. Le change-
Martinique, pas seulement
une base de départ
Première base des croisières vers les Grenadines, la marina du Marin offre des services
nautiques complets, et tout ce qu’il faut pour
remplir la cambuse (marché, supermarchés,
etc.) avant d’appareiller. Profitez-en, car les
autres îles sont nettement moins fournies.
Mais la Martinique, une des plus belles îles
des Antilles, vaut mieux qu’un bref passage au
départ et au retour, et mériterait une semaine
de croisière à elle seule, notamment sur sa
splendide côte ouest, abritée par une barrière
de corail et offrant des mouillages nombreux
et variés. Et si vous souhaitez débuter en douceur votre croisière aux Grenadines, commencez par mouiller devant Sainte-Anne (à deux
milles de la marina) ou tirez un bord au vent
portant jusqu’aux superbes Anses d’Arlets (à
13 milles du Marin), bordées de belles plages
et de petits restos sympathiques. Autre suggestion, prenez un jour ou deux au retour pour
visiter la Martinique en louant une voiture,
vous ne serez pas déçus.
skippers voile & océan
ment est radical par rapport aux lagons clairs
des Grenadines. Ici, le rivage plonge vers des
grands fonds de roches sombres, qui rendent
le mouillage très difficile. Heureusement, des
bouées (payantes) permettent de s’amarrer
en sécurité et il y a toujours un « pilote » local
pour vous aider à l’arrivée. Et le snorkeling est
superbe sous le Petit Piton, avec une eau particulièrement limpide qui permet de voir à plus
de 20 m de fond.
Sainte-Lucie offre d’autres beaux mouillages.
Marigot Bay par exemple, vrai repaire de pirates, caché par une haie de cocotiers En
1781, l’amiral Rodney réussit à y dissimuler
ses navires pour échapper à la flotte française.
Destination privilégiée du tourisme à SainteLucie, ce site magnifique abrite une base de
location de voiliers. Au nord de l’île Rodney Bay
offre un mouillage beaucoup plus spacieux
et bien aéré, avec une marina «very british»
offrant de bons services.
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croisière
GUIDE PRATIQUE
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Notre bateau
Catana 47 Infusion Carbon de chez DreamYacht Charter. Luxueux et rapide le Catana 47 embarque jusqu’à
10 personnes avec quatre cabines doubles dotées
de salles d’eau privatives et deux cabines simples à
l’avant. Ses dérives profondes lui assurent un bon cap
au près et ses performances sont excellentes à toutes
les allures, avec un grand gennaker pour le portant.
Dans l’alizé léger (12-18 nœuds) de cette croisière,
nous pouvions compter sur des moyennes de 9 à 10
nœuds sous voilure standard, les 12 nœuds étant facilement dépassés avec le gennaker, en toute sérénité.
Dream Yacht Charter Martinique. Port de Plaisance du
Marin; Boulevard Allègre. 97290 Le Marin - Martinique
Infos : [email protected].
Web : www.dreamyachtcharter.com
Organisation de voyage sur-mesure:
mycharter (044 300 35 35).
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Repères
Martinique. Département français et région.
Chef-lieu : Fort-de-France. Superficie : 1 128 km2.
Altitude maxi : 1 397 m (Montagne Pelée).
Population : 394 000 hab.(349 hab./km2).
Revenu moyen : 1284 €/mois.
Sainte-Lucie. État indépendant rattaché au
Commonwealth. Capitale : Castries. Superficie : 616 km2.
Altitude maxi : 950 m (Mont Gimie).
Population : 176. 000 hab. (285 hab./km2).
Revenu moyen : 568 $/mois (426 €).
Saint-Vincent et les Grenadines.
État indépendant (1979), rattaché au Commonwealth.
Capitale : Kingstown.
Superficie : 389 km2.
Altitude maxi : 1 234 m (La Soufrière).
Population : 104 575 hab.( 268 hab./km2).
Revenu moyen : 505 $/mois (379 €).
Avion
Plusieurs vols quotidiens Paris-Fort-de-France (AirFrance, Air Caraïbes, Corsair). Tarif éco : 650-900 €.
Monnaie
Euros en Martinique, dollar EC dans les autres îles
ex-britanniques (1 € = 3,49 EC). On peut payer
presque partout en Euros (au change de 1 € pour
3 EC). Distributeurs de monnaie internationaux
partout en Martinique, dans les capitales des autres
îles (Castries et Kingstown) et à Bequia (face au
débarcadère).
Vivres et eau
Faire un bon plein de vivres en Martinique (plus
facile qu’ailleurs). Compléments de vivres possibles
à Rodney Marina (Sainte-Lucie), Béquia, Mayreau,
Union (sur commande aux Tobago Cays).
Restaurants
Bon choix à Bequia, Mayreau et Union, moins à
Sainte-Lucie (Rodney Bay, Marigot, Deux Pitons),
peu ailleurs. Barbecue langouste aux Tobago Cays
recommandé.
Santé
Pas de vaccin obligatoire, ni maladies à craindre.
Prévoir en priorité des crèmes solaires (indice
30 au minimum), des crèmes après soleil (Biafine) et des lotions anti-moustiques. Antalgiques
et crèmes/cachets antihistaminiques (en cas de
piqûres d’insectes, poissons, méduses...).
Navigation
Pas de difficultés particulières. Marées et courants
assez faibles. Attention aux surventes aux extrémités nord et sud des grandes îles. Méfiez-vous
des grains (bien visibles) sous lesquels le vent peut
se renforcer violemment (35 nds). Dans les zones
coralliennes, utilisez des lunettes polarisantes (on
voit beaucoup mieux les récifs).