Concert Schumann pour le bicentenaire de sa naissance : 18
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Concert Schumann pour le bicentenaire de sa naissance : 18
Concert Schumann pour le bicentenaire de sa naissance : à la découverte d’une de ses très rares œuvres de musique religieuse 18 - 19 juin 2010 Félix Mendelssohn – Bartholdy (1809 – 1847) Il n’est pas exagéré de dire qu’il avait tous les dons. Issu d’une Programme : famille de banquiers d’origine juive convertie au luthéranisme, le jeune Félix grandit dans un milieu ouvert à toutes les formes de 1ère partie l’épanouissement personnel. Il brille dans toutes les disciplines Schumann : Scènes d’enfants mais la musique est son domaine d’expression privilégié. A seize 1) Des pays mystérieux ans, il a déjà à son actif un nombre impressionnant de numéros 2) Histoire curieuse d’opus. Fanny, la sœur aînée de Félix, et a bien des égards son 3) Colin- Maillard double, héritera des mêmes dons musicaux que son frère, sans 4) L’enfant qui prie toutefois avoir la possibilité d’accéder à la brillante carrière de 5) Bonheur parfait celui – ci. 6) Grande nouvelle Pianiste hors – pair et concertiste, c’est aussi un grand chef 7) Rêverie d’orchestre. Il est à la source de l’excellence du Gewandhaus de Leipzig qu’il inscrivit d’emblée entre redécouverte de la tradition Mendelssohn : Psaume 42 « Wie der Hirsch schreit », extrait (Bach, Haendel) et modernité (Schubert, Beethoven, Schumann).En tant que compositeur, il aborde tous les genres Schumann : Scènes d’enfants avec un égal bonheur : symphonies, concertos, oratorios, pièces 8) Au coin du feu pour piano, musique de chambre …. Il laisse une œuvre 9) Sur le cheval de bois considérable, synthèse parfaite entre les acquis classiques et une 10) Peut-être trop sérieux sensibilité romantique aussi frémissante que raffinée. 11) Faire peur A propos du Psaume 42, Mendelssohn a déclaré : « C’est ce que 12) L’enfant s’endort j’ai écrit de mieux dans le genre ». Pour Schumann, c’était « le 13) Le poète parle chef – d’œuvre de la musique religieuse de son temps ». Bruckner : Libera me Composé lors du voyage de noces de Félix avec Cécile 2e partie Jeanrenaud, fille d’un pasteur protestant d’origine française, cette pièce est une cantate pour soprano solo, chœur et Schumann : Missa Sacra orchestre. Wie der Hirsch schreit en est le premier choeur, plainte de l’âme esseulée qui soupire après Dieu comme le cerf crie après l’eau fraîche ( Wie der Hirsch schreit nach frischem Wasser). Mendelssohn nous livre ici une superbe méditation pleine de ferveur et de recueillement où la majesté tranquille de la mélodie et l’ample respiration de la polyphonie soutenue par des cors évoquent dans sa plénitude le sentiment de la nature, chère à tous les romantiques. Anton Bruckner (1824 – 1896) Impossible d’évoquer Anton Bruckner sans parler de sa foi catholique qui s’enracine dans un petit village de Haute-Autriche, Ansfelden, à l’ombre de l’Abbaye de Saint- Florian. Fils d’instituteur - dont la mission s’étend à la tenue de l’orgue de l’église -, instituteur lui -même, il gardera toute sa vie la triple empreinte de la ruralité, de la pédagogie (il eut pour élèves au Conservatoire de Vienne, Hugo Wolf et Gustav Malher) et de la foi. Jusqu’à son ultime symphonie, la neuvième dédiée « Au bon Dieu », c’est l’expression de sa piété qui constitue la clé de son discours musical. Il n’est dès lors pas étonnant que le motet, pièce vocale religieuse en marge de l’ordinaire de la messe, à une ou plusieurs voix soutenues par des instruments, ait été un mode d’expression qui l’a accompagné tout au long de sa carrière. En 1854, à trente ans, quand il écrit le Libera me - chant qui s’apparente à l’Offertoire de la Messe des morts - Bruckner est à peine sûr de sa vocation musicale.Mais son émotion devant le texte qui évoque à la fois la peur et la confiance du croyant devant le jugement dernier, lui dicte un discours musical qui allie dans le simple cheminement d’une écriture verticale, une intériorité poignante et une puissante expressivité. Le rôle dévolu aux cuivres - trois trombones soulignent les inflexions du texte alors que les cinq voix (sopranos 1 et 2, altos, ténors et basses) tissent des accords d’une grande richesse harmonique - contribue grandement à l’originalité de ce motet. Robert Schumann (1810 – 1856) Robert Schumann appartient à cette génération romantique qui naît à l’aube du XIX ème siècle et répand sur l’Europe une floraison de génies.Pour ne parler que de musique, Berlioz naît en 1803, Mendelssohn en 1809, Chopin en 1810, Liszt en 1811, Verdi et Wagner en 1813 …. Schumann, lui, naît à Zwickau, en Saxe, le 8 juin 1810.Plus que tout autre, il apporte au Romantisme sa dimension de subjectivité passionnée. Comment les Scènes d’enfants (Kinderszenen, op. 15), cycle pour le piano dont nous vous proposons une transcription pour bois et cuivres signée Eric Darrigrand, s’insèrent-elles dans ce cadre ? Ces Scènes d’enfants datent de 1838. Elles sont au cœur des trois ans de combat que menèrent Robert et Clara pour se rejoindre malgré l’opposition inflexible de Friedrich Wieck, le père de Clara. Les lettres clandestines - de Robert à Clara, la bien-aimée lointaine, font le récit de la genèse de ces Scènes d’enfants autant qu’elles en définissent l’esprit : « J’ai remarqué que mon imagination n’est jamais si vive que lorsqu’elle est anxieusement tendue vers toi » (…) « Voici treize petits trucs » conçus par « un grand enfant » comme « souvenirs pour des personnes qui ont grandi » (…) « Il faudra oublier que tu es une virtuose (…) Il faudra te garder des effets mais te laisser aller à leur grâce toute simple, naturelle et sans apprêt ». Ces treize miniatures qui vont « Des pays mystérieux » (titre de la 1ère scène) à la dernière « Le poète parle », outre qu’elles dessinent un récit,constituent un discours très personnel sur une enfance avec sa tendresse et ses joies immédiates à peine voilées par l’ombre d’une menace (« Faire peur », la 11ème scène, précède « L’enfant s’endort », 12 ème scène.) Avec des moyens musicaux d’une prodigieuse inventivité et d’une grande richesse d’écriture, Schumann nous livre ici une part de son âme, indissolublement attachée à l’esprit d’enfance et à Clara. Entre ces Scènes d’enfant et la Messe en ut mineur op. 147 pour solistes soprano, ténor et basse, chœur et orchestre, quatorze ans se sont écoulés et la palette expressive de Schumann n’a cessé de s’élargir. Après les grandes pièces pour piano qui sont autant d’autoportraits, est venue l’immense floraison des lieder après le mariage avec Clara (1840), les symphonies (dès 1841), la musique de chambre (dès 1842), l’oratorio (dès 1843). Mais depuis 1844, les problèmes psychiques (insomnies, dépressions, troubles de la parole, hallucinations auditives) n’ont cessé de croître. Comme le fait remarquer Michel Schneider, musicologue et psychanalyste dans son ouvrage : Schumann, les Voix intérieures , (Gallimard, Découvertes), Robert poursuit « son programme de vie et d’art qui vise à transformer la douleur en beauté ». Dans les années 1848 – 1849, il achève près de quarante compositions, très conscient qu’il faut « créer tant qu’il fait jour » (lettre à F. Hiller, décembre 1849). C’est dans ce contexte d’urgence créatrice que se situe la Messe en ut mineur dite Missa Sacra. Composée du 13 au 22 février 1852, orchestrée du 24 février au 30 mars, enrichie à deux reprises, reprise en vue d’une version pour orgue, il s’agit véritablement d’une nouvelle étape dans le processus de création schumannien. De sensibilité déiste, Schumann n’avait jamais abordé auparavant la musique religieuse. Des circonstances biographiques expliquent probablement cet abord nouveau de la musique sacrée. En 1851, il est directeur de la musique à Düsseldorf, terre catholique, et a pour obligation statutaire de présenter quatre messes par an, sans qu’elles soient forcément de sa composition. Mais, à diriger la Messe en si et les Passions de Bach, il se forge peu à peu la conviction que « concentrer son énergie sur la musique sacrée, voilà sans doute le but suprême de l’artiste ».Comme toujours chez Schumann, d’autres raisons plus intérieures sont à l’œuvre : parmi celles-ci , la volonté de s’opposer aux forces destructrices qui le menacent. Il a alors recours, pour cette messe particulièrement, à des formes d’écriture codifiées et par là contraignantes comme la fugue et le contrepoint issues d’une tradition musicale qu’il a toujours admirée et revendiquée. A preuve, cette règle de conduite du musicien énoncée par Schumann lui-même : « Travaille bien les fugues de bons maîtres et avant tout celles de J.S. Bach. Que le Clavier bien tempéré soit ton pain quotidien. Alors seulement tu deviendras un musicien accompli ». Il en résulte une œuvre originale (et accomplie)qui allie de façon totalement maîtrisée le très personnel discours harmonique et rythmique schumannien à une écriture (fuguée et contrapuntique) toute de rigueur et d’invention au service d’un art accompli de la polyphonie. Schumann n’entendra de sa Missa Sacra que le Kyrie et le Gloria créés à Düsseldorf en mars 1853. Malgré des rémissions de la maladie et une ultime floraison de chefs – d’œuvre (Chants de l’aube pour piano, Concerto pour violon…), il se jette dans le Rhin le 27 février 1854 et demande à être interné à l’asile d’Endenich où il meurt le 29 juillet 1856. Michel Brouillou Un mot d’Eric Darrigrand sur les orchestrations Qu’elle soit orchestrale, vocale ou instrumentale, la musique de Robert Schumann se distingue par la richesse de son harmonie et son contrepoint ; la mélodie est souvent entrelacée avec l’accompagnement et de ce subtil mélange naît souvent l’inner Stimme (la voix intérieure), sorte de contrechant illustrant les profondeurs de l’âme romantique. Il aime également l’évocation, la couleur générale et les atmosphères. même au piano, sa science lui permet d’évoquer une palette immense. Orchestrer les Scènes d’enfants n’est pas une gageure ; chacune de ces courtes pièces porte un titre évocateur.La possibilité des timbres des instruments à vent permet d’en faire ressortir les couleurs tout en respectant le côté intimiste et la précision rythmique qui les caractérisent. Les Motets de Bruckner semblent tous écrits pour la voix ou les instruments à vent. Le Libera me a une partie de trois trombones obligés. L’orgue, qui double les voix, n’est que facultatif. Il est remplacé par les seuls clarinettes et bassons confiant à l’accompagnement orchestral une tonalité grave et chaude convenant idéalement à la musique sensible et prude du compositeur autrichien qu’on appelait « le ménestrel de Dieu ». Tout comme dans la Messe n° 2 en mi de Bruckner, accompagner le chant choral religieux par des bois et des cuivres confère une tonalité spirituelle et humaine à la musique.Les respirations de tous participent grandement à des effets saisissants tout en respectant tour à tour la la majesté, l’intimité, la ferveur de la prière qu’elle soit latine (Missa Sacra) ou poétique pour le Psaume 42 de Mendelssohn. Libera Me, Domine Libera me, Domine, de morte æterna, in die illa tremenda, quando coeli movendi sunt et terra, dum veneris iudicare sæculum per ignem. Tremens factus sum ego et timeo, dum discussio venerit atque ventura ira. Dies illa, dies iræ, calamitatis, et miseriæ, dies magna et amara valde. Requiem æternam dona eis, Domine, et lux perpetua luceat eis. Délivre-moi, Seigneur , de la mort éternelle en ce jour redoutable où le ciel et la terre seront ébranlés quand tu viendras juger le monde par le feu. Voici que je tremble et que j'ai peur, devant le jugement qui approche et la colère qui vient. Jour de colère, de calamité et de misère que ce jour là, jour grand et très amer. Donne-leur le repos éternel , Seigneur, et que la lumière perpétuelle brille sur eux.