La demeure patronaLe industrieLLe, un
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La demeure patronaLe industrieLLe, un
chronique wallonne La Closière, château des faïenciers Boch à La Louvière. Photo : Guy Focant © SPW La demeure patronale industrielle, un patrimoine à sauvegarder Quelques conclusions de la journée d’étude du 3 octobre au Château Mondron à Jumet Le 3 octobre dernier, l’ASBL Château Mondron organisait, avec la collaboration d’Espace Environnement, une journée d’étude consacrée aux châteaux d’industriels, sous la présidence du Professeur Jean Puissant. Un groupe de travail s’était réuni préalablement afin d’en définir le contenu.La profusion de ces demeures patronales en Wallonie est le reflet de son expansion industrielle extraordinaire durant le XIXe siècle. Divers spécialistes ont apporté leurs connaissances pour brosser un premier tour d’horizon des anciens bassins industriels wallons et de leurs spécificités1. Panorama de Mons à Verviers : maison du directeur, château, hôtel, villa… Dans le Borinage, c’est l’hégémonie du charbon. Son exploitation est sous le contrôle de puissants holdings financiers. La gérance est confiée à des hauts fonctionnaires dont l’habitation qualifiée de château, située à proximité immédiate de l’usine, est plutôt un logement de fonction. Toutefois, la demeure patronale est illustrée par le château De Gorge au Grand-Hornu. Dans le bassin de Charleroi, par contre, outre le charbon, la sidérurgie et le verre mais aussi la chimie et les constructions électriques font naître au XIXe siècle, de grandes dynasties industrielles. Les nombreux châteaux préservés en sont la trace urbaine. Inscrits en nombre 1. P our le programme et le contenu des interventions, en attendant la publication des actes, voir les sites des organisateurs www.espace-environnement.be et www.chateau-mondron.be 44 les nouvelles du patrimoine n° 146 janvier - février - mars 2015 dans le paysage de la région du Centre, les magnifiques châteaux d’industriels traduisent son essor fulgurant né de l’effervescence des charbonnages, de la sidérurgie, des verreries, faïenceries, carrières et autres. Au sein du bassin liégeois, trois grands types de demeures patronales peuvent être identifiés : les bâtisses construites au cœur même des sites industriels, les châteaux «récupérés» par le patronat au prix d’une alliance avec le vieux patriarcat local et les hôtels particuliers érigés à la fin du XIXe siècle le long des grands boulevards urbains. La mise en œuvre d’un inventaire cartographique pourrait s’appuyer sur le dépouillement des recueils financiers permettant leur localisation. Le cas du château de Seraing, ancienne demeure des princes-évêques de Liège rachetée par les frères Cockerill en 1817 et point de départ d’une usine gigantesque, est emblématique pour son rôle dans le développement urbain. Dans le contexte de Verviers, au fil du XIXe siècle, voient le jour trois catégories successives de demeures liées aux grands industriels du textile : maisons, hôtels et châteaux ayant un impact sur l’urbanisation. Si les Biolley, Simonis et autres disposent de prestigieux hôtels inscrits dans le site industriel et en plein cœur urbain, ils s’érigent aussi des «maisons de campagne» à l’écart des fumées et, plus tard, de superbes villas, à l’origine de l’urbanisation de la périphérie. Pour l’entité de Mouscron, les cartes postales anciennes, véritables outils de repérage, illustrent un échantillonnage d’édifices architecturalement remarquables, dont certains sont préservés comme le château Duvillier à Herseaux, récemment réaffecté en habitation privée. Enfin, si a priori le Brabant wallon n’est pas riche en implantations industrielles et donc en demeures patronales, le territoire n’en est pas moins une « terre de châtelains » où capitaines d’industries et grands financiers se sont mis au vert aux portes de la capitale. Bien que détachées de leur hinterland économique et plus proches des châteaux de plaisance, ces demeures restent liées à l’image patronale, comme le château Solvay à La Hulpe pour n’en citer qu’un exemple. Vers une typologie des demeures patronales industrielles La journée d’étude a permis de croiser ce premier panel wallon avec des regards méthodologiques extérieurs, du côté de la Flandre, ainsi que de la Champagne-Ardenne et Picardie, et de la Catalogne. Au terme de ces échanges très riches, de nombreuses pistes de réflexion ont émergé. C’est un extraordinaire catalogue qui a été illustré par les intervenants, montrant une grande diversité de styles, de la rigueur néoclassique à l’exubérance éclectique. Si des traits extérieurs –tours, parcs et grilles– permettent une identification, ils traduisent aussi un mode de vie, tout comme l’agencement du plan intérieur, sans oublier le parc comme composante essentielle de la demeure industrielle. Que cette dernière soit dans l’usine ou en dehors de celleci, il intervient comme tampon par rapport aux nuisances environnementales, comme lieu de sociabilité et de parade nécessitant soins et moyens financiers. Détruits ou modifiés, ces anciens parcs industriels constituent un patrimoine particulièrement fragile. Savoir ce qui est un «château» ou ce qui ne l’est pas semble assez vain, le terme étant donné par le monde ouvrier pour stigmatiser les ambitieuses demeures des «nouveaux seigneurs» : de grosses maisons bourgeoises, que le prolétariat prendra pour cible lors des émeutes sociales. La demeure patronale se décline en un nombre de variantes, de la «maison du directeur» située aux abords directs de l’usine à la résidence de campagne, à la villa de banlieue ou à l’hôtel particulier en contexte urbain, jusqu’à l’appropriation des châteaux des seigneurs de l’Ancien régime, et par là du statut de la noblesse. Le critère topographique est donc particulièrement important, le rapport de la demeure avec le site industriel mais aussi sa fonction «créatrice de ville». Sur le plan typologique, la taille sera à la mesure de la position sociale et de la volonté de l’afficher ou pas : à Guise, Godin, patron parmi ses ouvriers, habite au sein même du familistère en 1870. Réaffecter pour sauver Concernant les châteaux classés liés au monde industriel, deux interventions menées par l’IPW dans le cadre de ses missions immobilières, ont été présentées, la restaurationréaffectation du château Nagelmackers à Angleur, sauvé de la ruine par un projet mixte de logements sociaux et bureaux, et celle du château des Italiens à Clabecq, converti en logements sociaux. Pour certains exemples réaffectés avec soin, combien d’autres, malheureusement, ont été démolis ou ont fait l’objet de transformations sans respect de leurs qualités patrimoniales. L’état d’abandon ou la mise en vente de bâtiments remarquables incitent à l’urgence d’une sensibilisation de l’ensemble des acteurs locaux à leur préservation. Outre la mémoire sociale, l’intérêt architectural, urbanistique, et patrimonial, l’attachement social se manifeste par l’investissement de comités de quartier ou les démarches citoyennes. Comme à Saint-Servais, près de Namur, où le château Champagne a été sauvé de la démolition et réaffecté en habitat groupé : une démarche «coup de cœur» portée par l’attachement affectif pour ce lieu que l’on ne veut pas voir disparaître… Si ce premier brassage de châteaux industriels wallons a éclairé les participants sur la richesse de ce patrimoine, il les incite aussi à poursuivre leur démarche de sensibilisation. Anne-Catherine Bioul ASBL Espace Environnement 45