Des militants occupent l`EVAM

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Des militants occupent l`EVAM
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VAUD
LE COURRIER
JEUDI 12 JUIN 2014
Des militants occupent l’EVAM
ASILE • Une quarantaine de personnes ont envahi le hall de l’Etablissement vaudois
d’accueil des migrants hier, pour protester contre les conditions de vie des déboutés.
Suicides
«Aujourd’hui, l’EVAM fait prévaloir une logique punitive au détriment des besoins médicaux, sociaux
et matériels», dénonce Jean-Michel
Dolivo. Le député de La gauche
a déposé hier un postulat, muni
d’une quarantaine de signatures,
demandant au Conseil d’Etat un
rapport pour faire le point «sur le
traitement réservé par l’EVAM aux
personnes vulnérables, particulièrement en matière de santé psychique
et physique».
Un manifeste diffusé par le collectif mentionne une «violence institutionnelle» créant «des situations de
détresse extrême qui aboutissent à
des drames»: un homme mort en se
défenestrant au foyer de Vennes, un
autre paralysé après avoir sauté du
toit du centre de Vevey, une tentative
d’immolation devant les bureaux du
service de la population, un cas
d’une personne qui s’est ouvert les
veines dans un abri PC.
Ces cas nous ont été confirmés
par la direction de l’EVAM. «De là à
faire un lien avec le travail de
LAUSANNE
Expo, film et débat
sur les employées
de maison
Elles sont plus de 40 000 en
Suisse, sans autorisation de séjour,
à faire fonctionner nos ménages.
Les employées de maison sont
pourtant peu reconnues et n’ont
pas de protection sociale suffisante. Ce soir, la Haute école de
travail social et de la santé
consacre une soirée à cette thématique, dans le cadre de la campagne «aucune employée de
maison n’est illégale». A 17h, une
table ronde abordera la reconnaissance du travail domestique, avant
le vernissage à 18h30 d’une exposition d’images issues d’un
concours (jusqu’au 17€juillet).
Après une collation, la soirée se
terminera par la projection du
documentaire autrichien Mama
Illegal (20h), suivie d’un débat. MTI
SOPHIE DUPONT
Une banderole flotte devant des employés en pause cigarette, au siège
administratif de l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) à
Lausanne. Le hall se remplit petit à
petit d’une quarantaine d’occupants.
Michel Pellet, directeur suppléant
de l’institution, écoute la lettre lue à
haute voix par la militante Graziella
de Coulon, dénonçant une péjoration des conditions de vie des requérants déboutés. En cause, leur placement dans des abris antiatomiques à
l’encontre d’avis médicaux, le déplacement de familles d’un foyer à
l’autre, ou encore l’exclusion temporaire des foyers en cas de non-respect
du règlement.
Dans le hall du bâtiment administratif, des boissons et des tracts
sont distribués. Si certains travailleurs sont surpris par les accusations portées contre l’institution,
d’autres montrent des signes de soutien. «Vous avez raison, glisse un employé. Si je le pouvais, je me joindrais
à vous.» L’occupation prend un air de
festival quand militants et migrants
de passage dansent sur les notes de
Manu Chao. L’action est signée «Le
groupe du 11 juin», formé spécifiquement pour cette action.
Parmi la quarantaine de personnes venues occuper les lieux,
quelques personnalités ont pris la
parole: la directrice du Centre social
protestant, Hélène Kung, l’écrivain
Christophe Gallaz et le directeur
du festival cinémas d’Afrique, Alain
Bottarelli.
EN BREF
Jeudi 12 juin, dès 17h, à la Haute école de
travail social et de la santé (EESP), ch. des
Abeilles 14, Lausanne, auditoire A321-322.
Entrée libre.
LAUSANNE
Un dictionnaire
anarchiste verni
à Basta!
Action symbolique, l’occupation de l’EVAM a été organisée par «Le groupe du 11 juin», formé spécifiquement pour
cette mobilisation. JEAN-BERNARD SIEBER/ARC
l’EVAM, le raccourci est un peu rapide», considère Erich Dürst, directeur.
Plusieurs professionnels de la
santé font part de leur inquiétude
face à la péjoration des conditions
de vie des requérants déboutés et à
leur santé. «Confiner des personnes
dans des situations de souffrance
extrême, cela nous interpelle dans
un contexte plus large de santé publique», affirme Patrick Bodenmann, responsable de l’unité des
populations vulnérables à la Policlinique
médicale
universitaire
(PMU).
L’institution émet des préavis sur
le besoin de déplacer des migrants
pour des raisons médicales dans
d’autres lieux d’hébergement, que
l’EVAM est libre de suivre ou non.
«L’hébergement a un impact majeur
sur l’état de santé, en particulier de la
santé mentale», ajoute-t-il.
Abris PC en cause
Les recommandations de la PMU
seraient suivies dans 80% à 85% des
cas, mais les délais d’attente avant un
changement sont souvent beaucoup
trop longs par rapport aux besoins
médicaux, selon le médecin.
Manifestation pour une
«véritable politique d’accueil»
En marge de l’occupation de l’EVAM, hier matin, une
manifestation était convoquée en fin d’après-midi pour
réclamer une «véritable politique d’accueil des
migrants». A l’appel de nombreux collectifs, des syndicats et de plusieurs partis de gauche, près de 500 personnes se sont réunies à la place Chauderon, à
Lausanne, avant de démarrer un cortège à travers la
ville.
Les manifestants ont réclamé une régularisation collective des sans-papiers, l’abolition du régime de l’aide
d’urgence ou encore la fermeture des «prisons de la
honte», en référence aux centres de détention administrative.
Le Conseil d’Etat –€ et en particulier le responsable de
l’asile, Philippe Leuba€ – en a pris pour son grade. «Ce
ne sont pas les immigrés et les réfugiés, c’est Leuba
qu’il faut virer!» ont scandé les manifestants devant les
bâtiments du service de la population (SPOP). Des
sans-papiers ont également pris la parole, avant de
remettre une lettre à des responsables du service.
MTI
Les conditions de logement peuvent se révéler anxiogènes, notamment pour des réfugiés syriens, dont
les abris antiatomiques leur rappellent le traumatisme de la guerre,
note le manifeste. Au sleep-in de
Morges, ouvert en 2012, les requérants déboutés ont l’interdiction de
laisser des affaires sur place. Ceux
qui y logent doivent se déplacer tous
les jours à Lausanne pour réserver
une place. Ces obstacles administratifs, lourds à supporter au quotidien,
participeraient d’une fragilité psychique. «Des plus en plus de gens ont
des propos suicidaires et font le lien
entre leur état et leurs conditions de
vie», témoigne une infirmière de la
PMU, sous couvert de l’anonymat.
Radiés de
l’assurance-maladie
Jean-Claude Métraux, psychiatre
indépendant en charge de migrants,
s’inquiète aussi de la situation des familles déplacées d’un foyer à l’autre.
«Pour des enfants qui ont vécu des ruptures à répétition, cela peut avoir des
conséquences dramatiques», s’alarme-t-il. Les femmes célibataires, parfois placées dans des foyers avec une
majorité d’hommes seuls, sont également particulièrement vulnérables.
Erich Dürst admet que les avis
médicaux ne sont qu’un facteur parmi d’autres qui motivent une décision de l’EVAM quant à un changement d’hébergement. Autre sujet
d’inquiétude du collectif: le directeur de l’institution ne nie pas non
plus que certains requérants déboutés sont exclus de l’assurancemaladie obligatoire. «Si la personne
ne consomme pas ses prestations,
on résilie sa couverture d’assurance
à la fin du mois», informe-t-il.
De même, il confirme que des requérants déboutés sont exclus des
foyers pour des durées limitées à la
suite d’infractions au règlement, parfois sans argent, sans nourriture. Des
punitions qui «violent les droits fondamentaux des personnes qui dépendent de l’aide d’urgence pour
survivre», estime le Groupe du
11 juin. «Les sanctions sont indispensables pour le bien-être des autres résidents, nous les appliquons de manière proportionnée», répond Erich
Dürst. Quant aux nombreux transferts d’un foyer à l’autre, ils seraient
inhérents au manque de place. I
COMMENTAIRE
Reprendre la main
MARIO TOGNI
Les migrants ne sont pas en odeur de
sainteté en Suisse, comme l’a encore
démontré le vote du 9 février. A un échelon local, les applications de la politique
d’asile déploient aussi leurs effets
nocifs. Hier, plusieurs collectifs ont
dénoncé les travers de l’Etablissement
vaudois d’accueil des migrants (EVAM),
qui semble parfois plus appliqué à
pourrir la vie des requérants qu’à les
prendre en charge.
Difficultés d’accès aux soins, conditions
d’hébergement indignes, déplacements
de foyer en foyer: autant de pratiques
dont le fil rouge semble être la dissuasion. En 2012, dans un rapport interne
dévoilé par Le Courrier, des cadres du
service de la population (SPOP) et de
l’EVAM dressaient des pistes pour
«diminuer le nombre de personnes
demandant l’aide d’urgence», dans le
but de faire des économies.
Aujourd’hui, certaines habitudes de
l’EVAM ressemblent étrangement aux
propositions d’alors, même si l’institution conteste toute politique de vexation
volontaire. Une réaction était nécessaire,
alors que le sort des migrants n’indigne
plus grand monde dans ce pays.
Les durcissements successifs des droits
d’asile et des étrangers ont mis à mal les
mouvements de soutien. Au début des
années 2000, la société civile vaudoise
avait pourtant démontré une rare combativité à défendre, notamment, les
sans-papiers de Bellevaux et les «523
déboutés». Il est temps de reprendre du
poil de la bête!
Après Genève la semaine passée,
Marianne Enckell sera ce soir à Lausanne, à la librairie Basta! Chauderon,
pour présenter l’ouvrage collectif Les
Anarchistes. Ce dictionnaire biographique du mouvement libertaire francophone retrace la vie de 500€ militants,
des débuts de l’anarchisme en 1840 aux
années 2000. Historienne et éditrice,
Marianne Enckell gère depuis 1963 le
Centre international de recherche de
l’anarchisme (CIRA) à Lausanne. MTI
Jeudi 12 juin, 18h, à la librairie Basta! Chauderon,
Petit-Rocher 4, Lausanne.
FONDATION BCV
Trois dons pour un
total de 350 000 fr
La Fondation Banque cantonale
vaudoise (BCV) a attribué trois
dons pour 2014 d’une valeur totale
de 350 000 francs. L’argent va à la
Maison romande du paysage, à
l’Association des parents d’élèves
(apé-Vaud) et au Musée de
l’Elysée, indique hier la BCV. ATS
ÉNERGIE ÉOLIENNE
Le parc «Sur Grati»
à l’enquête publique
Le parc éolien «Sur Grati» près de Vallorbe
(VD) est soumis à l’enquête publique jusqu’au début de juillet. Le projet initial de
neuf machines a été revu à la baisse et prévoit désormais la construction de six éoliennes, plus performantes. Le début de
l’exploitation est espéré en 2017.
Le projet est considéré comme un des
plus avancés et des moins impactants parmi
les parcs éoliens des crêtes du Jura, ont expliqué hier les partenaires dans un communiqué. Il devrait produire à terme près de 50
millions de KWh par an, soit la consommation annuelle de 11 000 ménages.
Le parc éolien est soutenu par les communes de Vallorbe, Premier et Vaulion, ainsi que par VO Energies, société régionale
active dans l’énergie et dans les prestations
multimédias. L’investissement avoisine les
60 millions de francs.
Les communes espèrent que ce projet
aura un impact positif sur l’économie régionale. Des entreprises locales et régionales
seront sollicitées pour effectuer divers travaux de génie civil et pour la pose de canalisations, ont-elles annoncé. Les communes
bénéficieront d’une redevance durant toute
la durée de vie du parc éolien. ATS