Messagerie électronique et vie privée - Esen

Transcription

Messagerie électronique et vie privée - Esen
Internet responsable – Le mot du juriste
Messagerie électronique et vie privée
Pierre PEREZ
Délégation aux Usages de l'Internet (DUI)
Jean DUCHAINE
École supérieure de l'éducation nationale,
de l'enseignement supérieur et de la recherche (ESENESR)
2009 – actualisation : 2013
La protection de la vie privée et l’utilisation de la messagerie électronique
L’utilisation de la messagerie électronique, comme toute autre activité de l’homme, ne doit pas permettre
d’occasionner une quelconque atteinte de la vie privée des personnes. C’est une obligation fondamentale qui
transcende la technique. Il peut arriver que le courriel soit le lieu de diffusion d'informations causant des atteintes à la
vie privée des personnes. L’échange de correspondance électronique peut en effet être l’occasion de révéler certains
éléments de son intimité ou de celle de tiers. Ainsi, la fonction "faire suivre un message" présente le risque qu’un
message, dans un contexte d’intimité, à l’origine destiné à une personne déterminée, soit retransmis vers d’autres et
ainsi faire le tour du monde.
Le secret de la vie privée du citoyen est avant tout un droit de la personne, un droit de la personnalité de l'individu qui
doit être respecté dans toutes les circonstances de sa vie, y compris à l’occasion d’une communication par voie
électronique, et quel qu’en soit le contexte, aussi bien pendant sa scolarité que pendant sa vie professionnelle.
La notion de vie privée a fait l'objet d'une abondante jurisprudence qui a précisé et élargi son contenu (relative et
évolutive). Sont ainsi sanctionnées l’intrusion dans l'espace intime de l'homme, l'atteinte à l'identité sexuelle, à
l'intimité corporelle, à la vie sentimentale et conjugale, à la famille, à la maternité, aux souvenirs personnels, à l'état de
santé, à la situation de fortune, au domicile, aux convictions et croyances religieuses. Le respect de la vie privée est
un droit général à la protection de la tranquillité et de la dignité.
Le code civil dispose que "chacun a droit au respect de sa vie privée". Les juges peuvent, sans préjudice de la
réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou
faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée ; ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé.
La seule constatation de l'atteinte à la vie privée ouvre droit à réparation.
L’image et la parole constituent attribut de la vie privée, partie intégrante de la personnalité. Selon la jurisprudence,
toute personne dispose sur son image (et sa parole) et l'utilisation qui en est faite, d'un droit exclusif, absolu qui lui
permet de s'opposer à sa fixation, sa reproduction et sa diffusion sans son autorisation expresse et spéciale, et ce
indépendamment du support utilisé. Avant de pouvoir transmettre l’image d’une personne par messagerie
électronique, il faut s'assurer que la personne photographiée ne se trouve pas atteinte dans le respect de sa vie privée
et qu'elle ne s'oppose pas à la transmission de cette image.
Lorsque l’atteinte à la vie privée se caractérise par l’enregistrement et la transmission, y compris par la voie de la
messagerie électronique, de paroles et d'images concernant la vie privée des personnes sans le consentement de
celles-ci, le code pénal peut punir le responsable de ces actes d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros
d'amende.
La vie privée et la surveillance du courrier électronique
La surveillance du courriel des personnes peut présenter des risques car il faut s’attendre, à l’égard de telles
communications, à une protection semblable à celle qui s’applique aux correspondances privées.
La loi française concernant les télécommunications rappelle qu'il ne peut être porté atteinte au secret des
correspondances privées que par l'autorité publique, dans les seuls cas de nécessité d'intérêt public prévus par la loi
et dans les limites fixées par celle-ci. Ce principe est repris et sanctionné dans la loi pénale : "Le fait, commis de
mauvaise foi, d'ouvrir, de supprimer, de retarder ou de détourner des correspondances arrivées ou non à destination
et adressées à des tiers, ou d'en prendre frauduleusement connaissance, est puni d'un an d'emprisonnement et de
45 000 euros d'amende".
Page 1 sur 2
Internet responsable – Le mot du juriste
Est puni des mêmes peines le fait, commis de mauvaise foi, d'intercepter, de détourner, d'utiliser ou de divulguer des
correspondances émises, transmises ou reçues par la voie des télécommunications ou de procéder à l'installation
d'appareils conçus pour réaliser de telles interceptions. Elle punit également, de la même manière, le fait, par une
personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, agissant dans l'exercice ou à
l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, d'ordonner, de commettre ou de faciliter, hors les cas
prévus par la loi, le détournement, la suppression ou l'ouverture de correspondances ou la révélation du contenu de
ces correspondances.
De la même façon, est puni le fait, par une personne visée à l'alinéa précédent ou un agent d'un exploitant de réseaux
ouverts au public de communications électroniques ou d'un fournisseur de services de télécommunications, agissant
dans l'exercice de ses fonctions, d'ordonner, de commettre ou de faciliter, hors les cas prévus par la loi, l'interception
ou le détournement des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie des télécommunications,
l'utilisation ou la divulgation de leur contenu.
La circonstance que les propos relèvent de la vie privée ou de la vie professionnelle est indifférente comme l’est la
circonstance que la communication soit passée depuis son domicile. C’est le fait matériel de l’interception qui est puni
et non plus, strictement, l’atteinte à la vie privée. Seules échappent à l’incrimination les interceptions commises
involontairement, de bonne foi.
La jurisprudence considère aujourd’hui que le secret des correspondances émises par la voie des télécommunications
s’applique à "toutes les communications à distance actuellement connues", y compris sur le réseau internet.
Selon la CNIL, dans son rapport sur la cyber surveillance en 2001, la sécurité de certaines entreprises particulières
peut sans doute justifier que soit opéré un contrôle a posteriori de l’usage des messageries électroniques, mais sous
réserve que ces contrôles ne s'effectuent qu'à partir "d’indications générales de fréquence, de volume, de la taille des
messages, du format des pièces jointes, sans qu’il y ait lieu d’exercer un contrôle sur le contenu des messages
échangés". S'agissant des "messages entrants" (adressés par une personne extérieure à l’entreprise à un salarié ou à
un fonctionnaire sur son lieu de travail), toute indication portée dans l’objet du message et conférant indubitablement à
ce dernier un caractère privé devrait interdire à l’employeur d’en prendre connaissance, selon les principes posés par
la jurisprudence sur la correspondance postale.
Enfin, la direction des affaires juridiques du ministère de l’Éducation nationale, par sa Lettre DAJA1 n°01-121 du
26/03/2001 (citée dans la LIJ n°56 de juin 2001), est formelle : même un chef d’établissement ne peut pas violer le
secret de correspondance des élèves dans son établissement en consultant leurs boîtes à lettres
individuelles. Pour accéder à ces contenus, s’il a des doutes sérieux, il doit faire un signalement au procureur, qui lui
seul a autorité pour demander à l’administrateur de la messagerie de lui ouvrir les messages concernés.
Page 2 sur 2