Plan de conservation des salamandres de ruisseaux au mont Covey
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Plan de conservation des salamandres de ruisseaux au mont Covey
Janvier 2008 Plan de conservation des salamandres de ruisseaux au mont Covey Hill, Montérégie Préparé conjointement par Conservation de la nature Canada Photo: M. Ouellette et l’Équipe de rétablissement des salamandres de ruisseaux Photo: D. Green Salamandre sombre des montagnes Plan de conservation des salamandres de ruisseaux au mont Covey Hill, Montérégie Préparé conjointement par Conservation de la nature Canada et l’Équipe de rétablissement des salamandres de ruisseaux Janvier 2008 Grâce à la participation financière de : • Ministère des Ressources naturelles et de la Faune : ht tp://w w w3.mrnf.gouv.qc.ca/faune/esp e ces/ menacees/fiche.asp?noEsp=26 Résumé 1.Contexte biophysique............................................................ 10 1.1 La salamandre sombre des montagnes............................. 10 1.2 Le contexte hydrogéologique du mont Covey Hill................ 10 • Centre pour l’étude et la simulation du climat à l’échelle régionale de l’Université du Québec à Montréal : http://www.escer.uqam.ca/covey_hill/references.html L’Équipe de rétablissement des salamandres de ruisseaux a été créée en 2001 par le ministère des Ressources naturelles et de la Faune. Elle est composée de représentants de plusieurs ministères, d’organismes de conservation, d’universitaires et d’autres intervenants intéressés à la conservation de ces espèces. Cette équipe a comme mandat de définir des actions pertinentes et d’en faciliter la mise en œuvre afin de protéger les salamandres de ruisseaux – soit la salamandre sombre des montagnes, la salamandre sombre du Nord, la salamandre pourpre et la salamandre à deux lignes – et leurs habitats. Illustration de la salamandre : Rosemary Schwab Référence à citer : FRENETTE, M. (2008). Plan de conservation des salamandres de ruisseaux au mont Covey Hill, Montérégie, Conservation de la nature Canada et Équipe de rétablissement des salamandres de ruisseaux, Montréal. 57 pages. Dépôt légal – Bibliothèque nationale du Québec, 2008 ISBN : 2-550-54180-6 (version imprimée) 2-550-54181-3 (PDF) .................................................................................. 7 Introduction.............................................................................. 8 • Conservation de la nature Canada : http://www.conservationdelanature.ca/coveyhill2 Conservation de la nature Canada (CNC) est un organisme privé à but non lucratif qui assure la conservation à long terme d’aires naturelles présentant une importance pour la diversité biologique. Active depuis 1962, CNC a contribué à préserver plus de 2 millions d’acres (809 371 ha) au pays, dont 44 500 acres (18 000 ha) au Québec. L’organisme travaille en étroite collaboration avec des propriétaires fonciers, des sociétés privées et publiques, des groupes de conservation, ainsi que des gouvernements. Pour plus d’information sur CNC visitez le site : www.conservationdelanature.ca Table des matières......................................................................... 5 Liste des figures.............................................................................. 6 Liste des tableaux........................................................................... 6 Liste des cartes............................................................................... 6 Conception et réalisation Rédaction Mélanie Frenette, Conservation de la nature Canada Aide à la rédaction Louise Gratton, Conservation de la nature Canada Geneviève Audet, Société de conservation et d’aménagement du bassin de la rivière Châteauguay Jacques Jutras, ministère des Ressources naturelles et de la Faune Martin Léveillé, ministère des Ressources naturelles et de la Faune Cartographie Stéphanie Giguet, Conservation de la nature Canada Révision Jacinthe Bouchard, ministère des Ressources naturelles et de la Faune Walter Bertacchi, ministère des Ressources naturelles et de la Faune Alain Branchaud, Environnement Canada Marie Larocque, Université du Québec à Montréal Joël Bonin, Conservation de la nature Canada Anne Le Bel, Conservation de la nature Canada Conception visuelle Suzanne Drapeau 2.Problématiques au mont Covey Hill..................................... 16 2.1 Les facteurs de perturbation hydrique................................ 16 2.2 La fragmentation des habitats.......................................... 18 2.3 La tenure des terres....................................................... 18 2.3.1 Les propriétaires et la conservation................................... 18 2.4 Le contexte social et économique.................................... 19 2.5 Les zones de conflits d’usage.......................................... 19 2.5.1 L’affectation agroforestière.............................................. 19 2.5.2 Le captage d’eau et la contamination de la ressource.......... 21 3.Plan de conservation des salamandres de ruisseaux......... 23 3.1 Un plan de conservation à deux échelles.......................... 23 3.1.1 Le plan de conservation du mont Covey Hill...................... 24 3.1.1.1 Intégrité du réseau hydrographique du mont Covey Hill........ 24 3.1.1.2 Mesures de protection................................................... 24 3.1.2 Le plan de conservation de la tourbière............................ 25 3.1.2.1 L’intégrité de la tourbière et du régime hydrologique............. 26 3.1.2.2Les mesures de protection.............................................. 26 3.2 Base de données et analyse cartographique..................... 27 Photo: Rob Tervo Ce plan est en ligne sur les sites suivants : Ce plan de conservation contient des informations précises quant à la localisation d’espèces menacées ou vulnérables. Afin de favoriser leur sauvegarde, le lecteur est invité à la discrétion et à limiter la diffusion de ce document. 4.Délimitation des zones de conservation prioritaires............. 34 4.1 Habitats prioritaires in situ.............................................. 35 4.2Zone d’influence hydrologique........................................ 35 4.3 Connectivité des habitats............................................... 36 5.Plan d’action......................................................................... 37 5.1 Solutions aux conflits d’usage et gestion du territoire............ 37 5.2 Approche transfrontalière............................................... 38 5.3 Mise en œuvre du plan d’action..................................... 38 5.3.1 Mise en œuvre sur trois fronts......................................... 38 5.3.2Outils légaux de protection............................................ 39 5.4Calendrier des réalisations........................................................ 39 Conclusion.............................................................................. 46 Remerciements........................................................................... 46 Références ................................................................................ 47 Annexe 1 ................................................................................ 49 Photo: M. Ouellette Avis au lecteur Table des matières Salamandre à deux lignes Figure Figure Figure Figure Figure Figure Figure Figure Figure 1.Écoulement dans le grès de la formation Covey Hill..................11 2. Rabattement de la nappe après six années de sécheresse......... 21 3. Rabattement de la nappe dans le cas de pompage au débit soutenable............................................................... 22 4.Zones de protection circulaires des salamandres de ruisseaux.... 25 5.Zones de protection intégrale circulaires à conserver selon l’intensité des traitements sylvicoles........................................ 25 6.Zones de protection riveraines des salamandres de ruisseaux..... 26 7. Largeur de la bande riveraine de protection intégrale à conserver selon l’intensité des traitements sylvicoles................................ 26 8. CNC protège 22 ha de la tourbière au sommet du mont Covey Hill........................................................................ 27 9. Deux sous-bassins versants de la tourbière.............................. 27 Liste des tableaux Tableau Tableau Tableau Tableau 1. Facteurs de perturbation hydrique d’origine anthropique et naturelle....................................................................... 17 2. Superficies zonées agricoles par municipalités........................ 19 3. Superficies forestières par municipalités.................................. 20 4. Types de données qui permettent l’analyse du territoire............. 27 Photo: P. Norton Liste des cartes Carte Carte Carte Carte Carte Carte Carte Carte 1. Localisation...................................................................... 12 2. Bassins versants et sous-bassins de la tourbière de Covey Hill..... 14 3.Zones de protection circulaires............................................. 28 4.Zones de conservation prioritaires (ZCP) et occupation du sol..... 30 5.ZCP et zones de protection circulaires – secteur nord-est............ 32 6.Zone d’influence hydrologique et recharge de l’aquifère............ 40 7. Carte écoforestière............................................................ 42 8. Indice de surface foliaire..................................................... 44 Résumé L e Plan d’intervention sur les salamandres de ruisseaux du Québec a pour objectif la protection de l’habitat de quatre espèces : la salamandre sombre des montagnes (Desmognathus ochrophaeus), la salamandre sombre du Nord (Desmognathus fuscus), la salamandre pourpre (Gyrinophilus porphyriticus) et la salamandre à deux lignes (Eurycea bislineata). Le cas de la salamandre sombre des montagnes est particulier, car il s’agit de la salamandre la plus rare parmi les dix espèces d’urodèles1 présentes au Québec. Situé en milieu forestier où la canopée est importante, l’habitat de la salamandre sombre des montagnes est constitué de petits ruisseaux intermittents et de sources alimentées par de l’eau souterraine en provenance de l’aquifère. L’aire de répartition limitée au mont Covey Hill, en Montérégie, rend l’espèce très vulnérable aux événements stochastiques. La salamandre sombre des montagnes risque d’être en voie de disparition si des changements perturbent son habitat. Les principales menaces pesant sur l’espèce proviennent de tout ce qui pourrait réduire la nappe phréatique, assécher les eaux de ruissellement et les sources au sein de l’habitat. Elles incluent également la dégradation de la qualité de l’eau souterraine ou encore la diminution des réserves de celle-ci. Par conséquent, la protection de l’espèce est directement liée au maintien du régime hydrique du mont Covey Hill. L’utilisation du territoire influe sur la distribution et l’abondance des espèces. Les salamandres de ruisseaux sont particulièrement sensibles aux activités anthropiques et à la fragmentation de leur habitat. Le Plan de conservation des salamandres de ruisseaux au mont Covey Hill se veut un outil d’aide à la prise de décision en matière de gestion du territoire dans le but de réduire l’impact des pressions anthropiques sur le milieu naturel environnant. Ce plan vise notamment la sensibilisation des intervenants municipaux et des propriétaires touchés par la présence des salamandres de ruisseaux sur le territoire, plus particulièrement la présence de la salamandre sombre des montagnes. 1. L’ordre des urodèles regroupe les salamandres, les nectures et les tritons. 6 Photo: M. Ouellette Liste des figures Salamandre sombre du Nord L’Équipe de rétablissement des salamandres de ruisseaux du Québec Jean-Pierre Laniel Ministère des Ressources naturelles et de la président Faune, Direction de l’aménagement de la faune de l’Estrie, de Montréal et de la Montérégie Geneviève Audet Société de conservation et d’aménagement du bassin de la rivière Châteauguay Walter Bertacchi Ministère des Ressources naturelles et de la Faune, Direction de l’aménagement de la faune du Bas-Saint-Laurent Félix Blackburn Société de conservation et d’aménagement du bassin de la rivière Châteauguay Joël Bonin Conservation de la nature Canada Alain Branchaud Environnement Canada Lise Deschênes Ministère des Ressources naturelles et de la Faune, Direction de l’environnement et de la protection des forêts Mélanie Frenette Conservation de la nature Canada secrétaire Marc Gauthier Envirotel 3000 inc. David Green Musée Redpath, Université McGill Jacques Jutras Ministère des Ressources naturelles et de la Faune, Direction du développement de la faune François-Joseph Lapointe Université de Montréal, Département des sciences biologiques Martin Léveillé Ministère des Ressources naturelles et de la Faune, Direction de l’aménagement de la faune de l’Estrie, de Montréal et de la Montérégie 7 Introduction But du Plan de conservation des salamandres de ruisseaux au mont Covey Hill Le présent plan de conservation s’articule autour du Plan d’intervention sur les salamandres de ruisseaux du Québec, publié en 2003. Le plan d’intervention cible les objectifs à atteindre en matière de protection des espèces de salamandres de ruisseaux. Ceux qui s’appliquent au secteur du mont Covey Hill sont : • d’assurer la protection des habitats utilisés par la salamandre sombre des montagnes et les habitats potentiels dans son aire de répartition ; • de favoriser la disponibilité d’habitats en quantité et en qualité pour la salamandre pourpre dans chacune des régions qu’elle occupe présentement, de façon à assurer sa pérennité à l’intérieur de son aire de répartition ; • de réduire l’influence des facteurs limitants de nature anthropique, qui menacent le maintien des populations de salamandres de ruisseaux. Photo: M. Ouellette En 2001, une équipe de personnes préoccupées par la conservation des salamandres de ruisseaux a été constituée afin de produire ce plan d’intervention. À l’origine, celui-ci devait porter sur une seule espèce : la salamandre sombre des montagnes. Cependant, compte tenu du fait que la problématique de conservation des habitats de cette espèce concerne également les habitats de trois autres salamandres associées aux ruisseaux, soit la salamandre sombre du Nord, la salamandre pourpre et la salamandre à deux lignes, il a été décidé que le plan d’intervention porterait sur ces quatre espèces. Le cas de la salamandre sombre des montagnes est particulier. En effet, cette espèce ne se retrouve qu’à deux endroits au Canada, soit sur le mont Covey Hill, en Montérégie (population des Grands Lacs et du SaintLaurent), et en Ontario, dans une petite section de l’escarpement de Niagara (population carolinienne). Son habitat peu connu est principalement constitué de petits ruisseaux intermittents et de sources résurgentes en milieu montagneux au couvert forestier important. L’équilibre fragile qui maintient ces milieux naturels doit être conservé afin d’assurer la protection de cette espèce. Les trois autres espèces de salamandres dont il est question dans le plan d’intervention vivent dans des ruisseaux similaires ainsi que dans des cours d’eau permanents. Salamandre sombre des montagnes Les actions proposées dans le plan d’intervention contribuent à atteindre le but fixé, soit d’assurer, dans l’ensemble de leurs aires de répartition au Québec, le maintien des populations des quatre espèces de salamandres de ruisseaux et la qualité des habitats dont elles dépendent. B Le Plan d’intervention sur les salamandres de ruisseaux du Québec est en ligne à l’adresse suivante : http://www.mrnf.gouv.qc.ca/faune/especes/menacees/ publications.jsp 2. Espèce menacée : espèce sauvage qui pourrait devenir une espèce en voie de disparition si rien n’est fait pour inverser les facteurs menant à sa disparition du pays ou de la planète. 3. Comité sur la situation des espèces en péril du Canada : http://www. cosewic.gc.ca/fra/sct5/index_f.cfm Conservation de la nature souhaite appuyer les propriétaires de Covey Hill dans la protection de leur patrimoine naturel, et ce, au profit des générations futures. La famille Sutton a ainsi contribué à la protection de plus de 110 hectares, dont le tiers de la tourbière située au sommet de la colline. Certaines activités pouvant avoir un effet néfaste sur les habitats sont directement reliées à l’utilisation et à la gestion du territoire. La détérioration du milieu naturel peut être causée, entre autres, par la fragmentation du milieu forestier dans lequel se trouvent les habitats ou par la modification du régime hydrique qui soutient le réseau hydrographique. L’Équipe de rétablissement a jugé prioritaire la réalisation du présent plan de conservation afin d’atteindre les objectifs du Plan d’intervention sur les salamandres de ruisseaux du Québec. Le Plan de conservation des salamandres de ruisseaux au mont Covey Hill rejoint, en majeure partie, l’action B-3 de ce plan d’intervention. Cette action consiste à déterminer quels sites il est important de protéger pour la salamandre sombre des montagnes et la salamandre pourpre. Les actions suivantes font également partie du présent plan de conservation et contribuent à l’atteinte des objectifs du plan d’intervention : • définir la tenure des terres sur lesquelles on trouve les habitats connus ; • élaborer des ententes de conservation à conclure avec les propriétaires touchés ; • entreprendre des démarches de protection des habitats prioritaires et qui permettront la mobilité des individus ; • évaluer les éléments qui menacent les sites importants pour les espèces. Le présent document précise dans un premier temps le contexte biophysique et la problématique. Il souligne par la suite les enjeux de conservation et présente une approche de zonage visant à protéger les habitats prioritaires. Finalement, des actions sont proposées afin de mettre en œuvre ce plan. Photo: P. Norton Le Plan d’intervention sur les salamandres de ruisseaux du Québec ien que le présent plan de conservation vise la protection de l’habitat des quatre espèces de salamandres de ruisseaux, l’accent est mis sur l’habitat de la salamandre sombre des montagnes en raison des facteurs hydrologiques et géomorphologiques particuliers existant dans son habitat. Les recommandations proposées doivent améliorer la situation de la salamandre sombre des montagnes afin que celle-ci ne devienne pas une espèce en voie de disparition, comme c’est le cas pour la population carolinienne en Ontario. L’espèce a été désignée « menacée2 » par le COSEPAC3 (2007) et elle est protégée par une loi fédérale, la Loi sur les espèces en péril (LEP) (2002, c. 29). La salamandre pourpre a été, quant à elle, désignée « préoccupante » par le COSEPAC (2002) et elle est également protégée par la LEP. Ces deux espèces sont aussi en voie d’être désignées « menacées » en vertu de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables du Québec (L.R.Q., c. E-12.01). 9 1. Contexte biophysique de 55 ha située au sommet de la colline. Le mont Covey Hill est une zone importante pour la recharge de l’aquifère régional. Celle-ci représente la quantité d’eau qui s’infiltre dans la matrice rocheuse et renouvelle l’eau souterraine. Les précipitations peuvent s’infiltrer dans les zones d’affleurements rocheux où la pente est faible et aux endroits où les dépôts meubles sont perméables. Le niveau piézométrique5 est alors généralement élevé et l’écoulement se fait de la surface vers la profondeur du massif rocheux, favorisant le renouvellement de l’aquifère. Ces conditions sont présentes sur le mont Covey Hill. La nappe d’eau souterraine se trouve près de la surface et ressurgit à plusieurs endroits sur le flanc nord de la colline. Ces résurgences forment les habitats prisés par les salamandres sombres des montagnes (Côté et collab., 2006). L’eau souterraine alimente également les nombreux cours d’eau sur la colline. L e mont Covey Hill est situé dans la province naturelle des Appalaches. À 340 m d’altitude, il appartient plus précisément à l’ensemble physiographique du piedmont des Adirondacks, ce qui en fait l’extension la plus nordique de ce massif montagneux. La colline est située dans la municipalité régionale de comté (MRC) Le Haut-Saint-Laurent, sur le territoire de deux municipalités : Havelock et Franklin (carte 1 – carte de localisation, p. 12). Le mont Covey Hill bénéficie de trois aires protégées soit deux propriétés détenues par CNC (124 ha) et un territoire protégé par l’État de New York (216 ha), adjacent à la frontière. Une importante étude de caractérisation hydrogéologique du bassin versant de la rivière Châteauguay a été effectuée par le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP), par la Commission géologique du Canada (CGC) et l’Institut national de recherche scientifique – Eau, Terre et Environnement (INRS-ETE) (Côté et collab., 2006). Les conclusions tirées de cette étude servent de fondement scientifique à plusieurs hypothèses émises quant à la dynamique hydrogéologique liée aux habitats de salamandres de ruisseaux sur le mont Covey Hill. La population de salamandres sombres des montagnes du mont Covey Hill est unique au Québec. L’aire de répartition connue se limite au versant nord du mont Covey Hill, dans le contrefort des Adirondacks, dans le sud de la Montérégie. L’espèce a été répertoriée sur un territoire d’environ 50 km2. Toutefois, il est probable que des habitats propices et de nouvelles occurrences soient trouvés sur un secteur plus vaste, soit sur une centaine de kilomètres carrés (Alvo et Bonin, 2003). Entre 1989 et 2004, des inventaires ont été faits sur une quinzaine de propriétés dont les superficies totalisent entre 800 et 1000 ha (8-10 km2) à l’intérieur du territoire de 50 km2, ce qui représente un échantillon de l’aire de répartition potentielle (16-20 %). Au cours de ces inventaires, les propriétés boisées ont été visitées de manière à recenser les milieux humides représentatifs de la colline entre la base, le flanc et le sommet du mont Covey Hill. Les cours d’eau permanents et intermittents, les dépressions humides et les résurgences ont été répertoriés (Larocque et collab., 2006). Les salamandres de ruisseaux sont inféodées aux cours d’eau. Ces espèces sont sensibles aux modifications de l’équilibre hydrologique de leur habitat pouvant résulter d’un déboisement ou d’un pompage excessif de la nappe souterraine (Bonin, 2000). C’est particulièrement le cas pour la salamandre sombre des montagnes puisque les sources et les dépressions humides qui constituent son habitat sont directement approvisionnées par l’eau souterraine qui peut resurgir à travers les fractures dans le roc. Le contexte hydrologique du mont Covey Hill influe directement sur l’abondance et la diversité des salamandres. La situation précaire de la salamandre sombre des montagnes et l’information limitée quant à son habitat au Québec en font 10 une espèce prioritaire dans le plan d’intervention. Bien que la situation spécifique de chacune des espèces de salamandres de ruisseaux ne soit pas aussi critique, elles dépendent toutes du même milieu et nécessitent le maintien de la qualité des ruisseaux pour survivre (Boutin, 2006). Selon Larocque et collab. (2006), le sol de faible épaisseur et le roc fracturé « contribuent à maintenir une zone superficiellement saturée dans laquelle l’eau infiltrée s’écoule latéralement » pour resurgir dans les petits cours d’eau ou pour percoler en profondeur vers l’aquifère grâce aux fractures ouvertes. Les résurgences sont visibles lorsque les fractures (écoulement vertical) et les plans de litage (écoulement horizontal) rencontrent la surface topographique, donnant ainsi naissance aux cours d’eau. Ces ruisseaux, et donc les habitats de salamandres, dépendent à la fois du ruissellement de surface, de l’écoulement sous la surface et du niveau de la zone saturée de l’aquifère. Les inventaires dressés en 2003 et 2004 dans le cadre d’un projet de maîtrise réalisé à l’Université de Montréal (Boutin, 2006) ont permis de caractériser l’habitat de la communauté de salamandres du mont Covey Hill et d’évaluer la niche écologique des salamandres sombres des montagnes. Les résultats démontrent que le choix des niches écologiques occupées par cette espèce est influencé notamment par la prédation et la compétition entre espèces. Ces niches sont également définies par un ensemble de caractéristiques environnementales offrant des conditions d’humidité ou d’alimentation qui assurent leur survie (Boutin, 2006). L’habitat des salamandres de ruisseaux doit offrir des refuges (litière au sol, roches plates, etc.) et un couvert végétal qui limite le rayonnement solaire au sol et maintient le niveau d’humidité de la matière organique. 1.2 Le contexte hydrogéologique du mont Covey Hill Le contexte hydrogéologique particulier du mont Covey Hill explique la présence de la salamandre sombre des montagnes. Afin de mieux comprendre les facteurs influençant la disponibilité de l’habitat des salamandres de ruisseaux, il est utile d’avoir certaines notions de l’hydrogéologie régionale. Le mont Covey Hill est situé dans le bassin versant de la rivière Châteauguay. Deux sous-bassins versants drainent la colline, soit le sous-bassin de la rivière aux Outardes Est (à l’ouest) et le sous-bassin de la rivière des Anglais (à l’est). Les bassins versants et les sous-bassins de la tourbière apparaissent sur la carte 2 (p. 14). La ligne de partage des eaux de ces deux sous-bassins se trouve au centre d’une tourbière ombrotrophe4 Photo: Marc Gauthier 1.1 La salamandre sombre des montagnes La formation géologique Covey Hill est composée de grès feldspathique (roche sédimentaire). Même si la porosité du grès est assez élevée dans cette région, les espaces intergranulaires sont remplis de matériaux plus fins qui empêchent l’eau de circuler librement. Par conséquent, l’eau souterraine circule le long des fissures et fractures ou le long des lits (Côté et collab., 2006). La figure 1 représente l’écoulement de l’eau souterraine dans le grès. L’eau circule dans le roc à travers les fractures, parfois très près de la surface, et donne naissance à des résurgences ou des dépressions humides. L’eau souterraine qui refait surface de cette façon permet également l’approvisionnement des cours d’eau et assure un débit de base dans les ruisseaux en période d’étiage. Les recherches effectuées par Bilodeau (2002) ont permis de caractériser les propriétés géochimiques de l’eau sur le mont Covey Hill. Les résultats montrent que la majorité des ruisseaux sont alimentés par de l’eau qui a séjourné peu de temps sous terre. La présence de résurgences, en absence de Écoulement dans le grès Dépôts meubles Surface piézométrique locale Formation Formation de de Cairnside Covey Hill Roc précambrien Ouverture remplie d’eau Ouverture Direction de l’écoulement Figure 1. Écoulement dans le grès de la formation Covey Hill Source : Côté et collab., 2006. pluie, indique l’origine souterraine de l’eau. La tourbière au sommet du mont Covey Hill contribue au maintien des débits dans les cours d’eau et influe de façon importante sur le régime hydrique de la colline. Le régime hydrique a fait l’objet de nombreux suivis de façon intermittente depuis 1992 (Barrington et collab., 1992 ; Bilodeau, 2002 ; Rutherford et collab., 2004 ; Leroux et collab., 2005 ; Larocque et Pellerin, 2006 ; Fournier et collab., 2007). Deux projets de maîtrise étudient le bilan hydrique de la tourbière (Fournier et collab., 2007) et la contribution de l’eau souterraine à l’alimentation des cours d’eau (Gagné, en cours). Un plan de conservation spécifique pour la tourbière a été réalisé par Fournier et collab. (2007) et est disponible en ligne : http://www.escer.uqam.ca/ covey_hill/references.html. La prochaine section démontre de quelle façon, dans le contexte hydrogéologique actuel, les pressions anthropiques sur la ressource d’eau souterraine peuvent avoir un effet négatif sur l’habitat de la salamandre sombre des montagnes. 4. Tourbière alimentée uniquement par les précipitations http://www.escer.uqam.ca/covey_hill/ tourbiere.html 5. Niveau piézométrique : niveau que l’eau souterraine atteint dans un puits foré ouvert à l’atmosphère (Côté et collab., 2006) 11 11 Carte 1. Localisation wn e CK to ook RO r DE rm b E O chin TÉ n ON Hi M s R G AN ES D BO RA UX EA TR HU RN E RA N G D ES IE M LE X U CHEMIN COWAN G int Sa NG GR SH IM AW 9 20 ÎT NO RA E TÉ ER Hinchinbrooke Franklin IN SK 203 SH EL 202 202 CH 202 WOOD ON CHEMIN CLINT MONTÉE DE ROCKBURN CHEMIN BLACK IN 202 IN EM BR 9 20 OK O Franklin N 202 202 C M HE SH EL W IN EM 202 CHEMIN DE COVEY HILL CHEMIN DE COVEY HILL IN EM CH L DE A1 S ES NC CO E ÈR N IO Haveloc O M 202 MONTÉE DE ROCKBURN 202 H C NG S LE 2 01 IN SK ER W RA R HA T-C N I SA BE TÉ N AN R ES Y ÉE NT O M BU O M I IT E ÈM NG D R VA SA me sto o s ry C h o ck int- avel a H S 203 ES -C e hryso stom D AS RD NO 9 R E D 20 I O N IÈRE SU RANG LA RIV IR E NO E R RAN G LA RI VIÈ RIE G M U wn -MA NTE SAI NG RA N RA D to ms Or lin k an Fr n kli an Fr D UX EA 1 20 R G AN ES TR BO 1 20 M SI È OI TR G AN ER Québec, Ca. New York, É-U. Montréal Hudson Plan de conservation Zone tampon (3 km) La Prairie Vaudreuil-Dorion Beauharnois Propriétés CNC Limites municipales Milieu humide Réseau hydrique Saint-Rémi 0 0.5 1 2 km Howick Ormstown Saint-Chrysostome Clarenceville Réseau routier Courbes topographiques 12 Source : MRNF Québec, MDDEP Québec, CGC, UQAM, NRCan, AARQ, SCF, Anaïs Boutin Projection : NAD83 UTM Zone 18 Produit à Montréal le 3 décembre 2008 13 m stow an Fr kli S in Fran klin t-C n a Or Carte 2. Bassins versants et sous-bassins de la tourbière de Covey Hill h r me to os ys e om ost elock s y r Ch Hav intSa Hi n ow s t ke rm oo O nbr hi nc ck Hinchinbrooke Franklin in n kl Fra o vel Ha Québec, Ca. New York, É-U. Hudson La Prairie Vaudreuil-Dorion Beauharnois Saint-Rémi 14 Plan de conservation Limites municipales Salamandre sombre des montagnes Zone tampon (3 km) Milieu humide Salamandre sombre hybride Propriétés CNC Réseau hydrique Salamandre pourpre Grands bassins versant Réseau routier Salamandre à deux lignes Sous-bassins versant Courbes topographiques Salamandre sombre du Nord 0 Howick Ormstown Saint-Chrysostome 0.5 1 2 km Clarenceville Source : MRNF Québec, MDDEP Québec, CGC, UQAM, NRCan, AARQ, SCF, Anaïs Boutin Projection : NAD83 UTM Zone 18 Produit à Montréal le 3 décembre 2008 15 2. Problématiques au mont Covey Hill P lusieurs usages de l’eau souterraine existent autour du mont Covey Hill : irrigation pour l’agriculture, captage d’eau souterraine pour l’alimentation en eau potable des résidences et pour les usages commerciaux (agroalimentaire, carrières, etc.). La qualité exceptionnelle de l’eau souterraine rend la ressource attrayante au point de susciter l’attention des promoteurs de projets d’embouteillage. Côté et collab. (2006) ont estimé que l’aquifère régional du bassin versant de la rivière Châteauguay contenait près de 19 milliards de mètres cubes d’eau et que la recharge régionale représentait 1,4 % de ce volume total. Les pompages actuels représentent moins de 0,2 % de ce volume total. Cependant, le débit soutenable, défini comme étant le débit d’eau souterraine qui peut être soutiré pour l’utilisation humaine sans qu’il y ait un effet dommageable sur les réserves d’eau souterraine et les écosystèmes qui en dépendent, représenterait seulement une infime partie de la réserve d’eau de l’aquifère. Dans certains cas, les effets d’une surexploitation locale ou régionale pourraient être irréversibles ; c’est pourquoi la pérennité de l’eau souterraine doit demeurer au centre de nos préoccupations environnementales (Côté et collab., 2006). Photo: P. Norton Compte tenu des connaissances actuelles, il est difficile de quantifier précisément l’influence de modifications au régime hydrique de la colline (sécheresse, pompage, déboisement, etc.) sur le niveau de la nappe phréatique et sur les habitats de salamandres de ruisseaux. À cet effet, le principe de précaution doit prévaloir quant à l’usage de la ressource hydrique. Selon Larocque et collab. (2006), la faible épaisseur des sols a jusqu’ici limité le développement agricole sur la colline. Les pressions anthropiques augmentent néanmoins en raison de la villégiature et des besoins croissants en eau des résidents. Bien qu’il soit possible de pratiquer certaines formes d’agriculture extensives sur le mont Covey Hill, les conditions demeurent davantage propices à un environnement forestier. 2.1 Les facteurs de perturbation hydrique Les perturbations du régime hydrique sont principalement causées par le déboisement et le drainage forestier, le drainage agricole, le développement résidentiel et le captage d’eau souterraine à des fins résidentielles, agricoles et commerciales. Bien que les changements climatiques puissent altérer le régime hydrique à long terme, le Plan de conservation des salamandres de ruisseaux au mont Covey Hill se limite aux facteurs de perturbation hydrique actuellement mesurables. Le déboisement à des fins d’aménagement forestier et le drainage forestier dans le but d’assécher le sol et de favoriser la plantation ou la croissance d’arbres augmentent la vitesse d’évacuation de l’eau, facilitent l’érosion du sol et la sédimentation dans les cours d’eau (Alvo et Bonin, 2003). Les activités en milieu forestier ont pour effet de diminuer le taux d’infiltration des précipitations dans le sol et d’augmenter le ruissellement de surface, ce qui peut menacer l’approvisionnement en eau de l’habitat des salamandres de ruisseaux. De plus, les ornières créées par la machinerie lourde et les véhicules motorisés accélèrent l’écoulement de surface vers les cours d’eau principaux et compactent le sol. Le schéma d’aménagement de la MRC Le Haut-Saint-Laurent désigne, pour le mont Covey Hill, une affectation de type agroforestière qui permet, entre autres, l’extraction des ressources naturelles, l’exploitation de carrières et sablières et l’exploitation de l’eau souterraine. Par conséquent, le captage de l’eau souterraine à des fins commerciales et industrielles risque d’augmenter dans l’avenir. Le drainage agricole, de façon similaire au drainage en milieu forestier, a pour but d’assécher le sol pour faciliter la croissance des cultures. Par contre, dans le contexte géomorphologique du mont Covey Hill, la couche de sol est en général très mince et l’eau des précipitations ruisselle à la surface du roc, de sorte que la terre s’assèche rapidement à flanc de colline. Par conséquent, une irrigation intensive est nécessaire pour favoriser la production agricole. Les principales formes d’agriculture dans la région du mont Covey Hill sont la pomiculture, l’acériculture et la culture de petits fruits. L’irrigation est actuellement en pleine expansion pour maintenir les nombreux vergers (on dénombre plus de 220 000 pommiers dans la municipalité de Franklin seulement). Une étude hydrogéologique effectuée en 2004 dans la municipalité de Franklin démontre que le captage d’eau à des fins d’embouteillage est faisable, mais que des conflits d’usage sont à prévoir entre les utilisateurs du captage d’eau à des fins commerciales et les utilisateurs du captage d’eau à des fins agricoles. Ces captages entreront en compétition pour une ressource limitée (Envir-Eau, 2004). Cette étude a examiné uniquement les besoins en eau des secteurs agricoles et commerciaux sans évaluer les répercussions possibles sur les écosystèmes forestiers. Des observations ont confirmé qu’un pompage important peut avoir un effet mesurable sur un puits situé à plus d’un kilomètre s’il se trouve dans la même fracture (Côté et collab., 2006). Si les effets de pompage se font sentir d’un puits à un autre, qu’en est-il des effets de pompage sur une résurgence qui alimente l’habitat de la salamandre sombre des montagnes ? Les incidences potentielles sur les habitats d’espèces qui dépendent de la ressource ne sont pour l’instant qu’au stade hypothétique. C’est pourquoi il est indispensable d’appliquer le principe de précaution. Le développement résidentiel, quoique limité jusqu’à maintenant, risque de créer une problématique sur la colline. La construction domiciliaire entraîne le déboisement, la modification de la structure du sol (creusage de fondations) et la création de nouveaux accès (routes, chemins). La construction de nouvelles habitations perturbe le régime hydrique in situ et en aval du réseau hydrographique. Ce type de développement signifie aussi très souvent l’ajout de nouveaux puits pour l’approvisionnement en eau potable. De plus, les infrastructures permanentes créent des barrières physiques souvent infranchissables pour les salamandres de ruisseaux. Selon Barrington et collab. (1992), la population humaine permanente de la colline n’exerçait pas, dans les années 1990, de pression considérable sur cette ressource souterraine. En revanche, l’augmentation des besoins en eau due à un nombre grandissant de résidents saisonniers, tel qu’au camping La Frontière Enchantée sur le chemin Covey Hill, pourrait diminuer la quantité d’eau disponible pour l’écosystème. Au moment du rapport de Barrington et collab. (1992), la consommation en eau du camping pouvait atteindre 102 m3/jour durant les fins de semaine de la période estivale. Les populations de salamandres de ruisseaux sont vulnérables aux modifications du régime hydrique et de la recharge de l’aquifère. Un pompage excessif, un déboisement intensif, une diminution des précipitations ou une augmentation de l’évapotranspiration à la suite de changements climatiques ou une contamination de l’eau de surface et souterraine pourraient avoir des conséquences immédiates et directes sur les salamandres compte tenu de la faible distance entre la nappe et la surface (Bilodeau, 2002). Selon Trottier (2006), les coupes forestières qui réduisent radicalement la canopée augmentent le vent et le rayonnement solaire au sol. Ces facteurs causent à leur tour la détérioration des conditions optimales d’habitats au détriment des populations d’amphibiens. Tableau 1. Facteurs de perturbation hydrique d’origine anthropique et naturelle 16 Facteurs d’origine anthropique • le captage d’eau souterraine à des fins résidentielles, agricoles ou commerciales • le déboisement • la contamination de l’eau de surface • la contamination de l’eau souterraine • le drainage forestier • le drainage agricole • le développement résidentiel et récréatif Facteurs d’origine naturelle •la diminution des précipitations •l’augmentation de l’évapotranspiration 17 2.2 La fragmentation des habitats La fragmentation des habitats a plusieurs effets négatifs, c’est l’un des premiers facteurs à l’origine de la perte de la diversité biologique. La fragmentation se traduit par la perte et le morcellement du milieu forestier au profit d’autres usages. Des habitats forestiers trop petits contraignent les populations floristiques et fauniques à se subdiviser en plus petites populations. Ces populations réduites pourraient alors se maintenir par déplacement ou dispersion si elles ne sont pas trop éloignées les unes des autres et s’il existe des corridors verts entre ces populations. Cependant, lorsque les habitats forestiers deviennent de plus en plus isolés, les chances de survie de ces populations sont considérablement réduites (Agence forestière de la Montérégie [AMF], 2001). Les milieux forestiers non fragmentés sont plutôt rares en Montérégie. L’agriculture a eu raison des grands ensembles boisés de la région. Le mont Covey Hill est l’un des derniers milieux forestiers non fragmentés de la MRC Le Haut-Saint Laurent, en raison de la pauvreté des sols, qui a découragé le développement agricole. Néanmoins, la forêt mélangée de la colline subit des pressions anthropiques constantes, spécialement à des fins d’aménagement forestier et de développement résidentiel à moyen terme. Quoique le domaine vital de la salamandre sombre des montagnes soit d’environ 1 m2, l’espèce peut se déplacer sur des distances considérables pour trouver refuge dans des dépressions humides pendant les périodes de sécheresse (Boutin, 2006). Le déplacement des individus à travers l’habitat est important afin d’assurer les interactions inter et intraspécifiques. Certaines barrières zoogéographiques (routes, vergers, fossés, etc.) peuvent compromettre la dynamique des populations de salamandres de ruisseaux de la colline. Les connaissances actuelles ne permettent pas de déterminer si la salamandre sombre des montagnes peut franchir ces barrières ou tend plutôt à suivre des corridors de déplacement le long des ruisseaux. Les déplacements de la salamandre sombre des montagnes semblent varier considérablement selon différents contextes et des recherches approfondies devront être entreprises afin de connaître l’amplitude de ses déplacements dans son aire de répartition sur le mont Covey Hill, et ce, à différentes périodes de l’année (Alvo et Bonin, 2003). les espèces de salamandres dépendent de la densité des populations. Plus une population a une haute densité d’individus, plus elle a de chances d’être résistante à la fragmentation du milieu où se trouve son habitat. Les populations de salamandres ne peuvent persister sous un couvert forestier inférieur à 50 %. Il semble que la densité des salamandres augmente en fonction de la superficie de la forêt résiduelle et diminue avec la fragmentation du milieu (Boutin, 2006). La fragmentation des habitats est un important facteur de déclin des populations chez les amphibiens et augmente, par le fait même, le risque d’extinction. 2.3 La tenure des terres L’ensemble du territoire du mont Covey Hill est constitué de terres privées. Le territoire est, en majeure partie, zoné agricole et il est protégé au provincial par la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (L.R.Q., c. P41.1). La principale difficulté, liée à une grande concentration de propriétaires privés, fait que le territoire est morcelé en une multitude de lots. Les plus grandes superficies appartiennent généralement aux producteurs de pommes et les plus petites sont des lots à vocation résidentielle. La superficie moyenne des propriétés dans la municipalité de Havelock est d’environ 15 ha contre 9,6 ha pour la municipalité de Franklin. Plus d’une centaine de propriétés sont situées sur le mont Covey Hill et sont directement touchées par le Plan de conservation des salamandres de ruisseaux au mont Covey Hill. Jusqu’en 2007 : • Quatorze propriétaires ont été sollicités pour des inventaires biologiques sur leur propriété. Un protocole de suivi à long terme de la population de salamandres sombres des montagnes est mis en place sur six de ces propriétés ; • En 2007, douze propriétaires additionnels ont donné l’autorisation d’accéder à leur propriété à des fins de recherches hydrologiques (sept autorisations écrites et cinq verbales). 2.3.1 Les propriétaires et la conservation L’utilisation de l’habitat et les déplacements des salamandres de ruisseaux dépendent de plusieurs facteurs, tels que la prédation, la compétition et les conditions hydrologiques. Malheureusement, les connaissances à ce sujet sont limitées. Depuis 19896, sur le nombre total de propriétaires sollicités pour l’autorisation d’accéder à leur propriété pour des fins de recherches scientifiques (biologie ou hydrologie), au moins trois ont démontré un intérêt considérable pour la conservation. C’est-à-dire que ces propriétaires sont prêts à prendre certaines mesures pour assurer la protection de l’écosystème et des habitats présents sur leurs terrains. Selon Gibbs (1998), les conséquences de la fragmentation du milieu forestier sur Ces mesures peuvent consister en la désignation de réserves naturelles en milieu privé, en vertu de la Loi sur la conservation du patrimoine naturel (LRQ, c. C-61.01), en l’acquisition de servitudes de conservation ou d’ententes de conservation volontaires. 18 Trois autres propriétaires ont démontré une attitude positive envers la conservation des milieux naturels. C’est-à-dire qu’ils sont prêts à faire des efforts pour limiter les activités humaines ayant un effet négatif sur les habitats présents sur leurs propriétés. Cependant, ils ne sont pas nécessairement prêts à investir argent et efforts pour parvenir à conserver à perpétuité les milieux naturels ayant une valeur écologique sur leur terrain. Dans le cas où les intervenants municipaux et les résidents sont conscients des nombreux aspects positifs engendrés par la protection de la biodiversité et la protection de la ressource hydrique, les actions de conservation peuvent devenir des éléments qui profiteront à la communauté à long terme. Certains propriétaires rencontrés ont une attitude neutre envers la conservation. S’ils permettent l’accès à leur propriété pour des inventaires, ils ne sont cependant pas motivés à discuter de mesures de conservation envisageables. D’autres propriétaires ont une vision plutôt négative des efforts de conservation ; soit qu’ils ont refusé l’accès à leur propriété pour diverses raisons, soit qu’ils craignent ne plus avoir la liberté d’agir comme bon leur semble une fois certaines mesures de protection mises en place. L’affectation agroforestière, telle que désignée dans le schéma d’aménagement7 révisé de la MRC Le Haut-SaintLaurent (2001), désigne une portion du territoire agricole définie par la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles. Selon le schéma d’aménagement, cette affectation se caractérise par des sols de moindre qualité, un territoire dominé par la forêt, une agriculture très diversifiée et une cohabitation de plusieurs usages non liés à l’agriculture ou à la forêt. Les usages suivants sont considérés « compatibles » avec la fonction agricole à l’intérieur de l’affectation agroforestière : la construction résidentielle, l’exploitation de carrières et de sablières, l’exploitation de l’eau souterraine, l’établissement de campings, l’exploitation de commerce à vocation agrotouristique et la présence de hameaux. Le grand nombre de propriétaires sur le territoire est un facteur important à prendre en considération dans le cadre d’actions de conservation à grande échelle. Il est évidemment plus complexe de protéger des grands milieux forestiers contigus lorsque les propriétaires sont nombreux. Les activités scientifiques qui se déroulent sur le terrain depuis 1989 suscitent la curiosité des résidents du mont Covey Hill. Les propriétaires qui démontrent un intérêt pour ces activités et la conservation auront, à notre avis, une influence positive sur la communauté locale en matière de protection de milieux naturels de grande valeur écologique, créant ainsi un effet d’entraînement. 2.4 Le contexte social et économique La protection des milieux naturels doit être prise en compte dans le cadre du développement économique et social d’une région ou d’une municipalité, et ce, dans une perspective de développement durable. Le contexte social et économique du mont Covey Hill repose, en grande partie, sur les activités agricoles de la région. Les nombreux vergers présents sur la colline font partie intégrante de l’économie régionale (Larocque et collab., 2006). Il est donc indispensable de tenir compte de ces activités et de leurs répercussions sur la ressource hydrique afin de protéger adéquatement les habitats d’espèces. Bien qu’il soit plus complexe d’évaluer les conséquences de l’application des recommandations du présent plan de conservation sur le développement socioéconomique du mont Covey Hill, il est cependant souhaitable de considérer l’effet d’un nombre croissant d’aires protégées sur l’économie locale. La biodiversité remarquable du mont Covey Hill ne repose pas seulement sur les amphibiens, mais également sur l’ensemble des espèces fauniques qu’il abrite, dont le cerf de Virginie et le dindon sauvage, deux espèces exploitées par la chasse. 2.5 Les zones de conflits d’usage 2.5.1 L’affectation agroforestière Ces différents usages du territoire sont souvent en conflit avec la conservation des milieux naturels, qui ne sont pas protégés contre les suites de ces activités. Les ressources naturelles, incluant les sols de « moindre qualité », ne doivent pas pour autant être exploitées sans restriction, puisque ces ressources assurent la survie des espèces, comme c’est le cas sur le mont Covey Hill pour les salamandres de ruisseaux. Le schéma d’aménagement de la MRC stipule que le territoire agricole représente 93 % de la superficie totale de la MRC, dont 71 % en exploitation. Dans le cas de la municipalité de Franklin, 88 % du territoire est situé en zone agricole. Pour la municipalité de Havelock, c’est 99 % du territoire qui est situé en zone agricole. Le tableau 2 montre les superficies totales des municipalités, les superficies zonées agricoles ainsi que le pourcentage que la zone agricole représente par rapport à la superficie totale. Tableau 2. Superficies zonées agricoles par municipalités Superficie totale (ha) Franklin Havelock MRC HSL 11 219 8 798 114 846 Superficie en zone agricole (ha) 9 873 (88 %) 8 695 (99 %) 106 992 (93 %) Source : M RC Le Haut-Saint-Laurent, Compilation des données de la CPTAQ, Statistiques Canada et MAPAQ, 1996. 19 Une des orientations premières du schéma d’aménagement de la MRC est de protéger et de mettre en valeur le potentiel agroforestier sur le mont Covey Hill. Les objectifs sous-jacents à cette orientation sont : 1 d’assurer le développement durable de la ressource forestière ; 2 d’assurer la mise en valeur de la forêt et du potentiel faunique ; 3 de favoriser la plantation d’arbres pour la production de bois de haute valeur commerciale ; 4 de contribuer en tant que partenaire de l’Agence forestière de la Montérégie (AFM) à la valorisation de la forêt sur le territoire. Quant aux moyens de mise en œuvre proposés dans ce schéma d’aménagement, ils touchent les activités agricoles seulement. Pour l’instant, aucun moyen présent dans le schéma ne cible la protection de la ressource forestière sur le territoire désigné et encore moins la protection des autres composantes de l’écosystème forestier, telles que le sol, la biodiversité, les espèces fauniques et floristiques menacées ou préoccupantes et le réseau hydrographique. Le Service canadien de la faune (SCF) suggère que les MRC englobant un ratio superficie forestière/superficie totale inférieur à 50 % soient considérées comme des territoires avec des forêts fragmentées (Langevin, 1997). Si ce ratio est en deçà de 30 %, les aires forestières concernées sont considérées à un seuil critique, impliquant des pertes significatives pour la biodiversité et des dangers réels pour les populations fauniques et floristiques sur le territoire en question (AFM, 2001). Dans le cas de la MRC Le HautSaint-Laurent, seulement 35 % de la superficie totale est sous couvert forestier et cette superficie se trouve, en majeure partie, sur le mont Covey Hill. Le tableau 3 indique les pourcentages de superficies forestières pour les municipalités de Franklin, Havelock et de la MRC Le Haut-Saint-Laurent. Les aménagements forestiers en terres privées sont réalisés, dans la plupart des cas, pour mettre le boisé en valeur et procurer un revenu supplémentaire aux propriétaires de boisés Photo: P. Norton Tableau 3. Superficies forestières par municipalités Superficie forestière (ha) Franklin Havelock MRC HSL 5 523 5 245 48 908 % de la superficie totale (de la municipalité) % de la superficie zonée agricole 49 % 60 % 42 % 56 % 60 % 37 % Source : MRC Le Haut-Saint-Laurent (2001), ministère de l’Énergie et des Ressources, Service de l’inventaire forestier 1984. 20 (par exemple, vente de bois de chauffage). Contrairement à l’exploitation forestière sur les terres du domaine public, l’exploitation forestière sur les terres privées ne fait pas l’objet de mesures de protection obligatoires des espèces en péril présentes sur le territoire. Les propriétaires doivent être informés des réglementations municipales concernant la coupe et l’aménagement des boisés. des précipitations sont les zones de recharge de l’aquifère régional en haute altitude, soit le mont Covey Hill (Côté et collab., 2006). La figure 2 montre le rabattement de la nappe après 6 années de diminution considérable des précipitations (baisse de 29 % par rapport à la précipitation moyenne annuelle de 958 mm), tel que simulé par un modèle hydrogéologique. Les zones plus foncées, ayant pour centre le mont Covey Hill, sont les endroits où la nappe subirait le plus grand rabattement, c’est-à-dire la baisse la plus importante du niveau de la nappe. En 1999, aucune des 15 municipalités au sein de la MRC Le Haut-Saint-Laurent n’appliquait la réglementation du schéma d’aménagement en matière de protection du milieu forestier (AFM, 2001). Néanmoins, l’AFM a noté que plus de 70 % des propriétaires forestiers actifs de la région étaient favorables à l’idée de modifier leurs façons de faire en raison des préoccupations Simulation du rabattement de la nappe après six années de sécheresse environnementales. Ainsi, la protection des écosystèmes, la protection de l’eau et des sols, la Différence (mètres) protection d’espèces en danger et une récolte qui 0 respecte la capacité de la forêt font partie des préoccupations environnementales de la plupart des producteurs (AFM, 2001). Ainsi, afin de ne pas compromettre la viabilité des populations de salamandres de ruisseaux au mont Covey Hill, les usages actuellement permis dans l’affectation agroforestière du schéma d’aménagement de la MRC doivent être réévalués de façon à protéger l’eau qui alimente les habitats. > 40 0 10 km 2.5.2 Le captage d’eau et la contamination de la ressource Différence entre la piézométrie actuelle et la piézométrie simulée après six années consécutives de sécheresse L’eau souterraine constitue l’unique source d’approvisionnement dans la région du mont Covey Figure 2. Rabattement de la nappe après six années de sécheresse Hill. L’utilisation de l’eau varie de façon saisonnière Source : Côté et collab., 2006. puisque certaines activités sont strictement estivales (irrigation, usages récréotouristiques, etc.) et, par conséquent, la demande est environ 30 % plus élevée en été (Côté et collab., 2006). Malgré les contraintes La figure 3, quant à elle, illustre le rabattement simulé de anthropiques limitées autour du mont Covey Hill, l’affectation la nappe dans le cas d’un pompage équivalent au débit agroforestière permet des usages qui peuvent nuire à la soutenable estimé (48 millions m3/an) sur tout le territoire du pérennité de l’aquifère régional, autant par le pompage bassin versant. Encore une fois, les zones les plus sensibles à excessif que par la contamination de la recharge. l’augmentation des prélèvements régionaux en eau souterraine se situent dans la zone du mont Covey Hill. Vulnérabilité au pompage excessif Les résultats des travaux de recherche démontrent très bien la L’eau souterraine est nécessaire au maintien de l’équilibre vulnérabilité de l’aquifère régional aux pressions externes. Selon du régime hydrique puisqu’elle assure le débit de base Côté et collab., en raison des variations hydrogéologiques des cours d’eau, particulièrement en période d’étiage8. Le régionales et de la dynamique d’écoulement de l’eau débit soutenable a été calculé pour le bassin de la rivière souterraine, certaines zones de l’aquifère sont plus sensibles Châteauguay9. Cette estimation a permis de simuler l’effet de aux variations des paramètres du bilan hydrologique, aux variation des précipitations et des prélèvements (pompage) variations des prélèvements régionaux ou à la contamination. sur les niveaux de la nappe d’eau. Les résultats obtenus Nous pouvons donc affirmer que la région autour du mont révèlent que les zones les plus sensibles aux diminutions Covey Hill est un endroit stratégique pour la protection de 21 Différence (mètres) 0 > 40 0 10 km Différence entre la piézométrie actuelle et la piézométrie simulée dans l’hypothèse où les prélèvements régionaux seraient de 48 Mm3/an. Figure 3. Rabattement de la nappe dans le cas de pompage au débit soutenable Source : Côté et collab., 2006. la ressource en eau souterraine dans l’ensemble du bassin versant. Les conclusions de cette étude hydrogéologique soulignent l’importance de favoriser le développement durable autour de la colline et de modérer les usages de la ressource dans le but d’en assurer la pérennité et de combler les besoins en eau des écosystèmes et des espèces qui en dépendent. Pour l’instant, le pompage autour du mont Covey Hill ne représente pas une menace pour la recharge de l’aquifère régional et les réserves d’eau souterraine. Par contre, des projets d’exploitation futurs risquent d’augmenter sérieusement la pression sur la ressource (par exemple, l’embouteillage d’eau de source). À cause de la nature très fracturée du roc, il est impossible de connaître les répercussions d’un projet de captage sur l’aquifère local et sur les puits des résidents dans un rayon de plus d’un kilomètre. Pour cette même raison, il est encore plus difficile d’évaluer le contrecoup du pompage sur le réseau hydrographique et les écosystèmes. 22 L’analyse de Côté et collab. (2006) des contraintes naturelles et anthropiques dans le bassin de la rivière Châteauguay démontre que l’aquifère est particulièrement vulnérable à la contamination dans les zones d’affleurements rocheux et les zones caractérisées par une faible épaisseur de sol. Le contexte géologique, c’està-dire la nature et l’épaisseur des sédiments recouvrant l’aquifère rocheux, joue également un rôle dans la vulnérabilité à la contamination, selon que la nappe soit captive, semi-captive ou libre. Les conditions de nappe libre se trouvent là où le roc affleure en surface et où les dépôts meubles sont minces et perméables (inférieur à 3 m), comme c’est le cas sur le mont Covey Hill. Là où les dépôts de till, d’argile ou de limon sont de plus de 3 m d’épaisseur mais inférieurs à 5 m, on obtient les conditions de nappe semicaptive. Les dépôts d’argile ou de limon sont de plus de 5 m dans le cas des conditions de nappe captive, dont on a des exemples dans la vallée de la rivière Châteauguay (Côté et collab., 2006). Dans le rapport hydrogéologique présenté à la municipalité de Franklin en 2004, l’accent a été mis sur la nature des dépôts sédimentaires minces et grossiers qui recouvrent le roc du flanc nord-ouest de la colline. Ces dépôts offrent une faible protection à l’aquifère qui doit être considéré comme vulnérable à la contamination (Envir-Eau, 2004). L’eau souterraine est peu exposée à des sources de contamination pour l’instant, en raison de la position du mont Covey Hill en amont de l’écoulement et des activités agricoles et commerciales. Par contre, la protection de la ressource d’eau souterraine passe par l’aménagement et la gestion du territoire. Les municipalités et la MRC devront établir des règles strictes en ce qui touche l’implantation d’usages ayant un potentiel de contamination de la ressource. 6. Une trentaine de propriétaires ont été sollicités entre 1989 et 2006. 7. En ligne à : http://www.mrchsl.com/files/mrchsl.com/SAR%20mai%202007.pdf 8. Niveau minimal des eaux atteint par un cours d’eau ou un lac. 9. Modélisation par le MDDEP, CGC et INRS-ETE, dans le cadre de l’Atlas du bassin versant de la rivière Châteauguay. 3.Plan de conservation des salamandres de ruisseaux L e Plan de conservation des salamandres de ruisseaux au mont Covey Hill vise à ce qu’il n’y ait aucune perte nette d’habitat sur la colline. Cette cible est atteinte en mettant en relation les éléments biologiques, physiques ou chimiques des habitats qui jouent, de façon permanente ou temporaire, un rôle déterminant dans le maintien ou le développement des espèces fauniques (MRNF, 2004). La perte nette d’habitat désigne la perte ou l’altération temporaire ou permanente d’un ou plusieurs éléments de l’habitat ou la perte permanente d’une partie ou de la totalité de l’habitat. Photo: P. Norton Simulation du rabattement de la nappe pour un pompage équivalent à 48 Mm3/an réparti sur l’ensemble du bassin versant Le plan de conservation a pour objectifs : • de répertorier et de protéger les habitats connus et potentiels des espèces de salamandres de ruisseaux, particulièrement l’habitat de la salamandre sombre des montagnes sur le mont Covey Hill ; • de favoriser la protection de corridors de déplacement de façon à permettre la connectivité entre les habitats ; • d’éliminer ou d’atténuer les perturbations anthropiques sur le milieu naturel afin de préserver son intégrité écologique ; • d’offrir aux autorités municipales un outil d’aide à la prise de décision en matière de gestion du territoire et un outil de sensibilisation de la communauté locale à la conservation des habitats. 3.1 Un plan de conservation à deux échelles Le plan de conservation adopte une approche écosystémique, c’est-à-dire qui tient compte de l’ensemble des éléments biologiques, physiques ou chimiques de l’écosystème. Si l’un ou plusieurs de ces éléments sont modifiés, l’intégrité de l’écosystème entier est compromise. Le régime hydrique (température, débit, pH, etc.), le roc et les sédiments, la structure et la composition de la végétation et les espèces présentes sont autant d’éléments de l’écosystème qui interagissent. Le présent Plan de conservation des salamandres de ruisseaux au mont Covey Hill concerne un territoire qui s’étend d’un bout à l’autre du mont Covey Hill, couvrant ainsi environ 211 km2. Le plan à petite échelle se veut un outil d’aide à la prise de décision pour la gestion du territoire et devrait évoluer selon les changements sur le territoire, notamment grâce aux mises à jour de la base de données numériques (voir section 3.2). Salamandre pourpre Photo: M. Ouellette Vulnérabilité à la contamination 23 150 m Un plan de conservation à grande échelle conçu spécifiquement pour la tourbière du mont Covey Hill a été réalisé à l’hiver 2007 (Fournier et collab., 2007). Ce plan couvre un territoire d’environ 3 km2 et il comporte des éléments d’hydrologie indispensables pour l’analyse et l’établissement de zones de conservation prioritaires (ZCP) sur la colline. Le plan de conservation de la tourbière de Covey Hill est disponible en ligne : http://www.escer.uqam.ca/covey_hill/references.html. 3.1.1 Le plan de conservation du mont Covey Hill La superficie définie par le cadre rectangulaire, sur la carte de localisation, indique la zone prioritaire du plan de conservation à l’échelle régionale, qui s’étend de la frontière canado-américaine au sud jusqu’à la route 202 au nord, près de Saint-Antoine-Abbé, et de la route 203, dans la municipalité de Havelock à l’est, jusqu’à la limite du cadastre de Franklin à l’ouest (montée Clinton). La ligne pointillée autour du cadre correspond à une zone tampon de trois kilomètres au pied de la colline, dans laquelle les usages permis par l’affectation agroforestière devraient faire l’objet d’études d’impact avant d’être autorisés. Compte tenu : • que la salamandre sombre des montagnes occupe une variété de milieux ou de microhabitats formés par les pierres, les troncs et les débris ligneux à proximité des sources, des résurgences et des dépressions humides ; • qu’elle couve ses œufs et hiverne à l’intérieur de ces microhabitats ; • qu’elle devient terrestre durant la période estivale et peut s’éloigner des ruisseaux jusqu’à une distance de 75 m (Alvo et Bonin, 2003) ; • que les conditions hydrologiques fluctuent selon les saisons et de façon interannuelle ; • que la prédation et la compétition avec les autres espèces de salamandres influent sur le territoire occupé par l’espèce ; il est important de protéger le territoire dans lequel l’espèce se déplace, s’alimente et se reproduit afin d’assurer sa survie (Alvo et Bonin, 2003 ; Boutin, 2006). La présence de la salamandre sombre des montagnes sur le mont Covey Hill justifie d’établir des zones de conservation prioritaires et de mettre en œuvre des mesures de protection pour assurer la survie de l’espèce. 3.1.1.1 Intégrité du réseau hydrographique du mont Covey Hill Les ruisseaux permanents et intermittents du réseau hydro graphique constituent l’habitat des salamandres 24 de ruisseaux, sans oublier les résurgences et les dépressions humides qui font partie intégrante du réseau. Afin de préserver celui-ci, il faut éviter toute perturbation qui menacerait son intégrité. Pour ce faire, les facteurs de perturbation hydrique, tels que la déforestation près des cours d’eau ou en amont des sous-bassins versants et les modifications du régime hydrique doivent être évités. La végétation est un facteur important dans le maintien du régime hydrique. La déforestation peut diminuer la porosité du sol (compaction), augmenter l’érosion et la sédimentation des cours d’eau, accentuer le réchauffement de l’eau et l’assèchement du sol (Trottier, 2006). Bien que l’indice de surface foliaire10 n’ait pas d’incidence directe sur le régime hydrique, la densité du couvert végétal influe sur l’évaporation de l’eau dans le sol et sur l’assèchement des dépressions humides servant d’habitats aux salamandres (Côté et collab., 2006). 3.1.1.2 Mesures de protection L’habitat des salamandres de ruisseaux s’étend au milieu terrestre qui borde les cours d’eau. Des zones de protection doivent être établies autour des localités inventoriées afin que les déplacements liés au cycle vital puissent se dérouler librement, en fonction des variations environnementales et de la période de reproduction. Les milieux terrestres adjacents aux cours d’eau sont aussi importants que les cours d’eau euxmêmes, puisque chaque espèce possède sa propre niche écologique. Selon Boutin (2006), la conservation d’habitats diversifiés suivant un gradient d’humidité est à favoriser afin de satisfaire les exigences écologiques de toutes les espèces concernées. Une revue de littérature menée par Semlitsch et Bodie (2003) suggère des périmètres de protection autour des habitats, tels que proposés dans diverses études menées sur les amphibiens et les reptiles aux États-Unis. Aucune de ces études ne traitait spécifiquement de la salamandre sombre des montagnes, mais des périmètres de protection y étaient recommandés pour la salamandre à deux lignes et la salamandre sombre du Nord, l’autre espèce du genre Desmognathus au Québec. Les salamandres de ruisseaux restent généralement à proximité des cours d’eau et elles effectuent de courts déplacements terrestres sur une distance de 20 m à 30 m du milieu aquatique, et même jusqu’à 75 m dans le cas de la salamandre sombre des montagnes. Semlitsch et Bodie (2003) ont démontré que le périmètre de protection souhaitable pour préserver une diversité d’habitats autour des observations de salamandres variait de 117 m à 218 m. L’Équipe de rétablissement s’est penchée sur la protection de l’habitat des salamandres de ruisseaux en forêt publique et a établi certaines mesures à appliquer dans le cadre d’activités forestières à proximité des cours d’eau (MRNF, 2006). Ces mesures de protection sont facilement applicables au milieu forestier du mont Covey Hill, et ce, non seulement pour les activités dites forestières, mais également pour toutes les activités anthropiques pouvant menacer l’intégrité du régime hydrique et de la bande terrestre riveraine qui forment les composantes essentielles de l’habitat. Le document élaboré par le MRNF (2006) devrait être consulté pour plus de détails concernant les traitements sylvicoles11 autorisés dans les zones de protection. Centre de la zone de Deux types de protection sont recommandés : (1) des zones de protection circulaires et (2) des zones de protection riveraines. protection circulaire (point d’observation) 150 m 150 m 150 m Point d’observation Zone de protection Figure 4. Zones de protection circulaires des salamandres de ruisseaux Source : MRNF, 2006. Zone de récolte pour les traitements sylvicoles prélevant moins de 30 % de surface terrière Zone de récolte pour les traitements sylvicoles prélevant plus de 30 % et moins de 50 % de surface terrière (1) La zone de protection circulaire Zone de récolte pour les traitements correspond à un cercle de 150 m sylvicoles prélevant plus de 50 % de rayon, tracé à partir du point de surface terrière d’observation (figure 4). Lorsque plusieurs cercles se touchent ou 0m 50 m 100 m 150 m se chevauchent, la zone de protection correspond à l’ensemble Distance à partir du centre de la zone deprotection (longueur du rayon) des cercles fusionnés (MRNF, 2006). Le rayon de 150 m Zone de protection intégrale (aucune opération forestière) correspond à l’étendue des occurrences de précision « S », telle que définie par le Figure 5. Zones de protection intégrale circulaires à conserver Centre de données sur le patrimoine naturel du Québec selon l’intensité des traitements sylvicoles (CDPNQ)12. Cette zone de protection devrait s’appliquer Source : MRNF, 2006. lorsque les observations sont faites près de résurgences et de dépressions humides non cartographiées. Certains traitements sylvicoles sont autorisés à l’intérieur de Certains traitements sylvicoles sont autorisés à l’intérieur de la la zone de protection, mais il faut toutefois conserver une zone de protection, mais il faut toutefois conserver une zone bande riveraine de 20 m en tout temps, même dans le cas de protection intégrale de 50 m de rayon autour du point de traitements sylvicoles de faible intensité. d’observation (figure 5). Les zones de protection circulaires autour des habitats connus (2) La zone de protection riveraine prend la forme d’un sont indiquées sur la carte 3 (page 28), à petite échelle, et sur polygone allongé qui suit les rives d’un cours d’eau la carte 5 (page 32), à grande échelle. Bien que la zone de permanent ou intermittent. À partir de l’emplacement protection riveraine n’ait pas été cartographiée pour les besoins d’une ou de plusieurs observations de salamandres de du présent plan de con servation, elle devrait s’appliquer sur tous ruisseaux, la zone à considérer s’établit ainsi : 60 m les cours d’eau du mont Covey Hill. Pour atteindre un tel degré en milieu terrestre de part et d’autre du cours d’eau de protection des habitats, la sensibilisation des propriétaires utilisé par les salamandres, sur une distance de 500 m est primordiale. CNC prévoit des activités de sensibilisation et en amont et en aval de l’observation ou de plusieurs d’éducation à cet effet. observations le long du réseau hydrographique concerné (figure 6) (MRNF, 2006). Les distances 3.1.2 Le plan de conservation de la tourbière proposées s’appuient, entre autres, sur des données scientifiques de déplacement des sédiments dans les Le plan de conservation de la tourbière a pour objectif de poser cours d’eau. les premières hypothèses quant à la stratégie de conservation 25 Point d’observation Zone de protection 60 m Ruisseau 60 m 500 m 60 m 60 m 3.1.2.2 Les mesures de protection Protection in situ de la tourbière Grâce à l’étude hydrologique en cours, il est possible d’affirmer que 500 m 500 m toute activité pouvant porter atteinte à l’intégrité physique et hydrique 60 m de la tourbière pourrait avoir des répercussions, d’une part sur l’écoulement au sein de la tourbière Figure 6. Zones de protection riveraines des salamandres de et, d’autre part, sur la capacité d’emmagasinement de celleruisseaux ci. C’est pourquoi CNC a fait l’acquisition d’une propriété Source : MRNF, 2006. où se trouve une partie de la tourbière et préserve l’intégrité des dépôts tourbeux (figure 8). La vocation de conservation de Zone de récolte pour les traitements sylvicoles l’organisme ne permet pas les prélevant moins de 30 % de surface terrière usages qui pourraient modifier les propriétés physiques de cette Zone de récolte pour les traitements sylvicoles prélevant partie de la tourbière. S’il est pour plus de 30 % et moins de 50 % de surface terrière l’instant impossible de protéger toute la tourbière, la sensibilisation auprès des propriétaires avoisinants Zone de récolte pour les traitements Zone de protection intégrale sylvicoles prélevant plus de 50 % est nécessaire afin d’éviter les (aucune opération forestière) de surface terrière pressions anthropiques sur le milieu naturel. 0m 20 m 40 m 60 m Largeur de la bande riveraine Ruisseau Figure 7. Largeur de la bande riveraine de protection intégrale à conserver selon l’intensité des traitements sylvicoles Source : MRNF, 2006. de ce milieu humide. Selon les recherches réalisées jusqu’à maintenant, il a été démontré que la tourbière a une grande influence sur le régime hydrique du mont Covey Hill et sur l’assemblage des milieux naturels de la colline. 3.1.2.1 L’intégrité de la tourbière et du régime hydrologique L’article 22 de la Loi sur la qualité de l’environnement (L.R.Q., c. Q-2) interdit toute activité à proximité d’un milieu humide sans l’obtention d’un certificat d’autorisation du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs. Il existe d’autres mesures légales qui permettent de protéger la tourbière comme, par exemple, la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables (L.R.Q., 1989, c. E-12.01). Voir l’annexe 1 pour plus de détails au sujet des outils légaux de protection du milieu naturel. Périmètre de protection autour de la tourbière Aucun ruissellement de surface vers la tourbière n’a été repéré, ce qui n’exclut pas la possibilité d’un apport en eau par ruissellement hypodermique13 et d’échange latéral avec Les échanges entre la tourbière et l’aquifère n’ont pas l’aquifère. Si un tel apport était confirmé, la zone de protection été démontrésDistance jusqu’à présent. Cependant, certaines(longueur devradu correspondre aux deux sous-bassins versants de la à partir du centre de la zone deprotection rayon) informations, comme gradientintégrale hydraulique tourbière, d’une superficie de 3 km2 (figure 9). Une attention Zone deleprotection (aucune vertical opérationdans forestière) la tourbière et le niveau phréatique élevé dans les forages particulière devra être portée au maintien de la structure des adjacents à la tourbière, indiquent la possibilité de liens sols et aux communautés végétales dans cette zone. Ceci hydriques entre ces deux milieux. Si tel est le cas, la préservation implique d’éviter toute activité qui aurait pour effet de modifier de l’intégrité de l’aquifère, qui représente la source principale le drainage vers la tourbière, de modifier les espèces végétales d’eau potable des résidents, exigerait non seulement la présentes ou de contaminer l’eau de ruissellement, ou encore protection des zones de recharge de la colline, mais aussi celle toute activité qui aurait comme conséquence de drainer l’eau de la tourbière (Fournier, 2007). de la tourbière et d’assécher celle-ci. 26 3.2 Base de données et analyse cartographique La cartographie du Plan de conservation des salamandres de ruisseaux au mont Covey Hill traite de la relation entre trois principaux éléments : les salamandres de ruisseaux, l’hydrologie et l’utilisation du territoire. Par exemple, la superposition des données tels les éléments hydrologiques (piézométrie régionale) et géomorphologiques nous permet d’extrapoler la présence de cours d’eau non cartographiés comme les résurgences potentielles. L’analyse des données numériques permet, jusqu’à un certain point, d’émettre des hypothèses sur la présence de la salamandre sombre des montagnes en lien avec la présence de résurgences, la pente, le couvert forestier, l’épaisseur de dépôts sédimentaires, etc. Mais avant tout, la cartographie permet de visualiser les contraintes anthropiques sur les habitats et les différents éléments de perturbations du milieu naturel. Tableau 4. Types de données qui permettent l’analyse du territoire • Utilisation du territoire o secteurs agricoles (cultures annuelles, cultures pérennes, etc.) o secteurs forestiers (feuillus, forêt mélangée, résineux, coupe, régénération) o secteurs urbanisés • Points d’observation des espèces d’intérêt • Couvert forestier (densité, fragmentation, etc.) • Bassins versants, réseau hydrographique et sources résurgentes connues et potentielles • Topographie • Géologie et géomorphologie La base de données contient des informations servant à analyser le territoire sous plusieurs facettes : utilisation du territoire, présence d’espèces, réseau hydrographique, couvert forestier, topographie, géologie et géomorphologie, etc. L’analyse cartographique permet de définir spatialement l’habitat de la salamandre sombre des montagnes et les usages du territoire qui peuvent entrer en conflit avec la conservation de cet habitat et la viabilité de l’espèce. La superposition des différentes couches cartographiques facilite la hiérarchisation des secteurs à protéger. Cependant, il faut tenir compte des limitations de la cartographie, souvent faite à partir des photos aériennes, des images satellites et des données disponibles à ce jour. Figure 8. CNC protège 22 ha de la tourbière au sommet du mont Covey Hill Source : Fournier, 2007. 10. Rapport de la superficie du feuillage vert à la superficie du sol (Ressources naturelles Canada). 11. Se dit des activités relatives à l’exploitation des arbres forestiers en assurant leur conservation et leur régénération. 12. http://www.cdpnq.gouv.qc.ca/faq.htm 13. Ruissellement sous la surface du sol mais au-dessus de la nappe phréatique. Figure 9. Deux sous-bassins versants de la tourbière Source : Fournier, 2007. 27 Carte 3. Zones de protection circulaires Zones de 150 m de rayon autour des points d’observation de salamandres sombres des montagnes. n y n kli an r F w sto rm m e Sa me sto oc o s ry el Ch Hav int- n O o st lin so k an h r Fr t-C i Sa nk l Fra in Hinchinbrooke Franklin o ck vel a H Montréal Hudson Vaudreuil-Dorion La Prairie Beauharnois 0 Saint-Rémi 0.5 1 2 km Howick 28 Plan de conservation Sous-bassins versants Propriétés CNC Milieu humide Limites municipales Réseau hydrique Zones de protection circulaires de la salamandre sombre des montagnes (150 m) Réseau routier Courbes topographiques Ormstown Saint-Chrysostome Clarenceville Source : MRNF Québec, MDDEP Québec, CGC, UQAM, NRCan, AARQ, SCF, Anaïs Boutin Projection : NAD83 UTM Zone 18 Produit à Montréal le 31 janvier 2008 29 Carte 4. Zones de conservation prioritaires (ZCP) et occupation du sol ow s klin m r n O F ra int Sa tom sos y r -Ch loc Franklin Haveloc Hinchinbrook Franklin t S s k e m lin to o n a s Fr hry -t C n ai ve Ha Montréal Hudson Plan de conservation Coupe, régénération Propriétés inventoriées Cultures annuelles Limites municipales Zones de conservation prioritaires (Superficie = 3757 ha) 30 Feuillus Mélange Réseau hydrique Marais, tourbière Réseau routier Résineux Urbain La Prairie Beauharnois Cultures pérennes Milieu humide Courbes topographiques Vaudreuil-Dorion 0 Saint-Rémi 0,5 1 2 km Howick Ormstown Saint-Chrysostome Clarenceville Source : MRNF Québec, MDDEP Québec, CGC, UQAM, NRCan, AARQ, SCF, Anaïs Boutin Projection : NAD83 UTM Zone 18 Produit à Montréal le 31 janvier 2008 31 Carte 5. ZCP et zones de protection circulaires – secteur nord-est 0 0.25 0.5 km Zone de conservation prioritaire Réseau hydrique Zones de protection circulaires de la salamandre sombre des montagnes (150 m) Réseau routier Milieu humide 32 1 Courbes topographiques Source : MRNF Québec, MDDEP Québec, CGC, UQAM, NRCan, AARQ, SCF, Anaïs Boutin Projection : NAD83 UTM Zone 18 Produit à Montréal le 3 décembre 2008 33 Photo: Phil Norton 4. Délimitation des zones de conservation prioritaires S elon la Loi sur les espèces en péril (LEP), l’habitat essentiel est défini comme étant l’habitat nécessaire à la survie ou au rétablissement d’une espèce sauvage inscrite, qui est désigné comme tel dans un programme de rétablissement ou un plan d’action élaboré à l’égard de l’espèce. Pour répondre aux besoins de la LEP, un plan de rétablissement ainsi qu’un plan d’action canadien seront mis en œuvre pour la salamandre sombre des montagnes à l’échelle nationale. Seules les espèces menacées, en voie de disparition ou disparues bénéficient d’un plan de rétablissement et d’un plan d’action au niveau fédéral. Le plan d’action sera élaboré en consultation avec les ministres compétents et responsables du programme de rétablissement au Québec et en Ontario, où se trouve l’espèce sauvage inscrite, ainsi qu’avec toute personne ou organisation compétente et avec les propriétaires fonciers que cela concerne (article 47 de la LEP). Le plan d’action pourra ainsi valider la délimitation de l’habitat essentiel de la salamandre sombre des montagnes au mont Covey Hill. La salamandre pourpre, désignée « préoccupante » au niveau fédéral, ne bénéficie pas de plans pour l’instant. Il en est de même pour la salamandre sombre du Nord et la salamandre à deux lignes. Le présent plan de conservation a pour objet de faciliter la démarche formelle de délimitation des habitats essentiels en rassemblant l’information pertinente. L’habitat essentiel de la salamandre sombre des montagnes au mont Covey Hill a été décrit dans les travaux d’Alvo et Bonin (2003) et de Boutin (2006). Cet habitat procure aux quatre espèces de salamandres de ruisseaux l’abri et les éléments nécessaires à la satisfaction de l’ensemble de leurs besoins fondamentaux, dont l’alimentation et la reproduction. Les besoins fondamentaux constituent un ensemble d’exigences biologiques dont la satisfaction est essentielle à la survie même des individus14. Alvo et Bonin (2003) font état de la variabilité de l’habitat de la salamandre sombre des montagnes selon les saisons. Boutin (2006) a aussi observé une utilisation d’habitats différents au fil des mois. Par exemple, l’espèce hiverne dans les sources, les résurgences et les parois rocheuses humides propres aux milieux élevés. Elle peut être terrestre, en particulier durant les mois plus chauds de l’année. On l’observe alors loin des cours d’eau sous les troncs d’arbres renversés, les débris ligneux et les pierres. Les zones de conservation prioritaires (ZCP) des salamandres de ruisseaux au mont Covey Hill consistent en secteurs d’habitats essentiels connus et en habitats potentiels qui nécessiteraient une protection immédiate. Ces ZCP ont été identifiées aux zones de résurgences potentielles grâce à l’analyse cartographique du territoire et à la suite de travaux d’hydrologie effectués sur le mont Covey Hill. Par conséquent, les secteurs d’habitats potentiels sont déterminés par la présence probable de sources résurgentes à flanc de colline. La probabilité de résurgences est obtenue en superposant les courbes topographiques et la piézométrie régionale : les endroits où les courbes se chevauchent sousentendent un niveau piézométrique égal ou supérieur à la topographie et indiquent, de façon théorique, la possibilité de sources résurgentes. Les ZCP sont composées de trois secteurs étendus couvrant une partie du versant nord-ouest, du versant nord-est ainsi qu’une partie du versant ouest du mont Covey Hill. Le lecteur trouvera sur la carte 4 (page 30) une vue d’ensemble du territoire et des trois ZCP qui sont mises en contexte par rapport à l’occupation du sol, c’est-à-dire le type d’usage du territoire à un moment donné (agricole, forestier, urbain, etc.). En plus des ZCP, nous avons établi trois éléments importants au maintien de l’intégrité des populations de salamandres de ruisseaux : (1) les habitats prioritaires in situ, (2) la zone d’influence hydrologique et (3) la connectivité entre les habitats. Ces éléments sont développés dans les sections suivantes. 4.1 Habitats prioritaires in situ Les habitats prioritaires in situ sont les habitats essentiels connus où la salamandre sombre des montagnes a été observée depuis le début des travaux sur le terrain en 1989. 34 Les mesures de protection recommandées pour les habitats prioritaires in situ, c’est-à-dire les zones de protection circulaires et les zones de protection riveraines élaborées à la section 3.1.1.2, devraient être mises en œuvre autour des points d’observation de salamandres sombres des montagnes. La carte 5 (page 32) montre la ZCP du secteur nord-est ainsi que les zones de protection circulaires de 150 m de rayon autour des points d’observation. Aucune activité humaine ne devrait compromettre la viabilité des espèces et la qualité de leurs habitats à l’intérieur de ces périmètres de protection. Les polygones correspondant aux zones de protection riveraines seront intégrés au plan de conservation par la suite. 4.2 Zone d’influence hydrologique La zone d’influence hydrologique est un secteur où les précipitations et le ruissellement de surface s’infiltrent et percolent jusqu’à la matrice rocheuse afin de recharger la nappe souterraine du mont Covey Hill. L’eau infiltrée s’écoule aussi latéralement dans le sol sans atteindre la nappe et forme le ruissellement hypodermique. La circulation de l’eau souterraine à travers les fractures et le ruissellement hypodermique joue un rôle important dans l’alimentation des cours d’eau, des dépressions humides et des résurgences. La végétation joue également un rôle dans le maintien du régime hydrique, principalement par l’infiltration de l’eau dans le sol à travers les ouvertures faites par les racines. À cet effet, la déforestation dans la zone d’influence hydrologique peut influer sur cette infiltration, de même que sur la recharge, l’érosion du sol et la sédimentation, et ce, même à une certaine distance des cours d’eau. Une seule zone d’influence hydrologique a été sélectionnée pour les besoins du plan de conservation, par contre cette zone couvre une superficie considérable de plus de 4000 ha, soit tout le secteur en amont des zones de résurgences potentielles. L’information concernant la recharge de l’aquifère utilisée dans la carte 6 (page 40) provient des données présentées dans l’Atlas du bassin versant de la rivière Châteauguay (Côté et collab., 2006). Il faut noter que ces données déterminent la recharge à l’échelle du bassin versant et que la méthode employée pour calculer la recharge dépend de nombreuses variables. Par conséquent, la zone d’influence hydrologique, délimitée par la figure orangée sur la carte 6 (page 40), indique une zone hypothétique où la protection de la recharge de l’eau souterraine devrait être accrue. La zone d’influence hydrologique ne peut être clairement délimitée sans travaux approfondis sur le terrain et demeure hypothétique pour l’instant. En théorie, pour protéger cette zone d’influence hydrologique, c’est toute la superficie en amont des habitats de salamandres de ruisseaux jusqu’à la ligne de partage des eaux (des sous-bassins versants) qu’il faut protéger des pressions humaines. Ce qui consiste à protéger 35 4.3 Connectivité des habitats Le cycle vital et les habitudes comportementales des salamandres de ruisseaux impliquent des déplacements qu’il ne faut pas compromettre (MRNF, 2004). Les déplacements sont généralement méconnus, mais d’après les besoins de ces espèces qui doivent se maintenir dans de hauts taux d’humidité, les déplacements doivent se produire le long des cours d’eau. Il est aussi probable que des déplacements latéraux s’effectuent sur le flanc de la colline, d’un cours d’eau à un autre, tel que démontré dans certains cas pour d’autres espèces de salamandres. À cette fin, le couvert forestier entre les cours d’eau doit être préservé de façon intégrale pour éviter la fragmentation des habitats et limiter les déplacements entre les populations. Le couvert forestier est pour l’instant peu fragmenté sur le mont Covey Hill. Les barrières physiques telles que les fossés de drainage, les clairières, les routes et les chemins forestiers peuvent cependant créer des obstacles aux déplacements des salamandres de ruisseaux. De plus, une forte ouverture du couvert influencera la température de l’eau et celle de la litière au sol, deux aspects primordiaux dans le maintien des habitats de qualité (Trottier, 2006). Il faut également considérer l’effet de bordure sur les habitats lorsqu’il y a abattage d’arbres (MRNF, 2006). 5. Plan d’action U n réseau d’aires protégées est essentiel pour préserver la biodiversité du mont Covey Hill. Les secteurs conservés doivent être des noyaux de haute qualité, c’est-à-dire riches en espèces et liés par des zones tampons aux affectations compatibles, de manière à protéger l’intégralité des écosystèmes et des habitats (Réseau canadien d’information sur la biodiversité)16. Les lacunes sur le plan des connaissances en ce qui a trait aux habitats de salamandres de ruisseaux et à la relation avec le contexte hydrologique du mont Covey Hill ne doivent pas servir de prétexte pour ne pas appliquer les mesures de protection. À l’inverse, les intervenants doivent plutôt appuyer l’application du principe de précaution. « L’attention et la prudence s’imposent, même en situation d’incertitude face aux dommages qui pourraient s’ensuivre pour la faune et l’habitat, et ce, sans attendre d’avoir toutes les preuves scientifiques de la relation de cause à effet » (MRNF, 2004). Ainsi, par ce présent plan de conservation, nous proposons d’adopter les trois ZCP à l’intérieur desquelles les mesures de protection seraient instaurées autour des habitats jugés à risque. Les mesures de protection devraient également être appliquées dans la zone d’influence hydrologique. Le plan de conservation se veut un outil de sensibilisation auprès des propriétaires et des intervenants municipaux afin d’atteindre un niveau de protection adéquat des habitats et du régime hydrique, en s’appuyant sur des faits scientifiques. Il est important de promouvoir une approche écosystémique pour la conservation de l’habitat des salamandres de ruisseaux sur toute l’étendue du mont Covey Hill. L’approche écosystémique permet de cibler les ZCP en tenant compte des conséquences sur l’ensemble de l’écosystème d’une modification à l’une de ses parties. Par exemple, nous devons considérer les répercussions probables d’une perturbation à l’intérieur de la zone d’influence hydrologique sur un habitat de salamandres situé en aval. Au cours de la mise en œuvre des mesures de protection, il faudrait considérer la protection d’habitats sur l’ensemble du mont Covey Hill, soit dans les trois ZCP, afin d’éviter l’isolement d’habitats de qualité qui pourrait mener à une trappe écologique limitant les déplacements et la survie des espèces. 5.1 Solutions aux conflits d’usage et gestion du territoire Des dispositions spécifiques aux affectations du territoire sont citées dans le schéma d’aménagement de la MRC Le Haut-Saint-Laurent. Ces dispositions précisent les usages autorisés et « compatibles » dans l’affectation agroforestière La carte 7 (page 42) est une carte écoforestière qui représente le territoire et ses différents types de couvert forestier. Les points d’observation des espèces de salamandres de ruisseaux se trouvent tous en milieu forestier et, par conséquent, la relation entre la présence du couvert forestier et la présence des espèces est évidente. La connectivité entre les habitats dépend également de ce couvert forestier. À titre indicatif, la carte 8 (page 44) a été produite pour représenter l’indice de surface foliaire15. Cette carte montre que la plupart des endroits où on a observé les espèces de salamandres de ruisseaux sont généralement situés là où l’indice foliaire est élevé (2,6 et plus), c’est-à-dire lorsque le couvert forestier est relativement dense. 14. http://www.mrnf.gouv.qc.ca/faune/habitats-fauniques/milieux-vitaux.jsp 15. Rapport de la superficie du feuillage vert à la superficie du sol (Ressources naturelles Canada). 36 37 Photo: P. Norton Photo: P. Norton le sommet entier de la colline contre les activités à risque pour la recharge de l’aquifère. Les facteurs de perturbation hydrique exposés dans la section 2.1 sont à proscrire dans la zone d’influence hydrologique afin de protéger les habitats des salamandres de ruisseaux à proximité et en aval des cours d’eau. Le schéma d’aménagement comporte une affectation de conservation qui désigne les espaces d’intérêt écologique. Cette affectation reconnaît des territoires publics qui ont un statut de protection reconnu, telles les réserves écologiques du Pin-Rigide et du Boisé-des-Muir. Bien que le territoire du mont Covey Hill soit constitué de terres privées et que la désignation d’une zone de protection du patrimoine naturel puisse s’avérer problématique de par la nature de la tenure, il est souhaitable que la MRC considère la possibilité de créer une affectation de conservation sur le mont Covey Hill et de conférer un statut de protection reconnu pour les sites d’intérêt écologique en milieu privé. Avec la participation des propriétaires, les lots à l’intérieur des ZCP pourraient devenir des sites d’intérêt écologique reconnus tout en demeurant privés et les propriétaires conserveraient l’usage et la jouissance des lieux, comme c’est le cas pour les Réserves naturelles en milieu privé du MDDEP. Il serait également souhaitable de collaborer avec les intervenants municipaux à la mise en œuvre du plan de conservation avec pour objectif d’apporter certaines modifications aux plans d’aménagement des municipalités de Havelock et Franklin. Une table de concertation regroupant les acteurs locaux serait un bon moyen d’engager les discussions sur la façon de mettre en place certaines mesures de protection, de maintenir la bonne gestion du territoire et de bénéficier par le fait même d’incitatifs économiques disponibles tout en assurant la protection des ressources naturelles du mont Covey Hill. 5.2 Approche transfrontalière Idéalement, un plan de conservation transfrontalier devrait être élaboré avec les organismes responsables du côté américain. Adjacent à la frontière, se trouve la Gulf Unique Area, une aire protégée par le New York State Department of Environmental Conservation (NYSDEC). Certains usages telles l’exploitation forestière et la prise d’eau pour l’approvisionnement en eau potable des municipalités sont autorisés à l’intérieur de cette aire dite protégée. Les usages sont similaires à ceux que nous considérons conflictuels à proximité des habitats d’espèces menacées du côté québécois de la frontière. Ainsi, 38 afin de protéger l’intégrité du milieu naturel sur la totalité du mont Covey Hill, les usages du territoire autorisés du côté sud de la frontière devraient en théorie être les mêmes. C’est-à-dire que l’exploitation forestière sans l’application de mesures de protection rigoureuses près des habitats connus et potentiels des espèces de salamandres de ruisseaux et le captage d’eau souterraine à gros volume ne devraient pas avoir lieu à l’intérieur de l’aire protégée, pour les mêmes raisons qu’au Québec. Une table de concertation avec le NYSDEC et la State University of New York à Plattsburgh (SUNY) pourrait être mise sur pied dans l’intention d’échanger sur l’état de la situation et de trouver des solutions à la gestion du territoire qui pourraient s’appliquer tant à l’intérieur de la Gulf Unique Area que sur les propriétés privées du Québec. CNC entretient des relations avec plusieurs organismes américains dont The Nature Conservancy (TNC) et la Wildlife Conservation Society, dans les Adirondacks. Sur le front des propriétaires fonciers du mont Covey Hill, de nombreuses actions sont envisageables pour la mise en œuvre de la conservation de l’habitat essentiel des salamandres de ruisseaux. Le meilleur moyen de protéger les habitats des espèces consiste à mettre en place des mécanismes de prévention volontaire, plutôt que d’imposer des restrictions légales quant à l’utilisation des terres. La conservation volontaire par des ententes de gestion, d’aménagement et de mise en valeur portant sur les pratiques d’utilisation des terres, des eaux et de la ressource forestière serait une voie à privilégier. Les programmes d’intendance constituent un moyen de protection d’habitats essentiels sur des terres privées. Les gouvernements du Canada et du Québec appuient les efforts d’intendance, aussi bien dans le cadre du processus de rétablissement que dans le cadre de mesures de prévention, reconnaissant ainsi que « mieux vaut prévenir que guérir » (Environnement Canada, 1999). 5.3 Mise en œuvre du plan d’action 5.3.1 Mise en œuvre sur trois fronts Certains propriétaires du mont Covey Hill sont périodiquement sollicités d’accorder des autorisations d’accès dans le cadre des travaux du Laboratoire naturel. L’intendance des habitats par les propriétaires fonciers pourrait ainsi s’intégrer naturellement aux activités scientifiques et d’éducation du Laboratoire naturel. Sur le front municipal, la sensibilisation des intervenants est indispensable pour que la protection des zones de conservation prioritaires (ZCP) sur le mont Covey Hill fasse partie intégrante des plans d’urbanisme. Une stratégie de diffusion du Plan de conservation des salamandres de ruisseaux au mont Covey Hill a été élaborée dans le but de mieux sensibiliser les acteurs de la scène politique municipale et régionale et de partager les connaissances acquises sur le milieu naturel et les écosystèmes exceptionnels. Des rencontres individuelles et des visites sur le terrain avec les intervenants municipaux font partie de cette démarche. Sur le front scientifique, l’établissement du Laboratoire naturel de Covey Hill facilite l’acquisition de connaissances sur l’écosystème. Le Laboratoire naturel est né d’un partenariat entre CNC et l’Université du Québec à Montréal (UQAM), l’Université de Montréal (UdeM), l’Institut de recherche en biologie végétale (IRBV) et le Centre Brace de gestion pour les ressources hydriques de l’Université McGill. Le Laboratoire naturel a pour objectifs de favoriser la recherche multidisciplinaire sur les composantes de l’écosystème, de mieux comprendre les pressions s’exerçant sur les habitats et de favoriser la conservation du milieu. Les recherches effectuées dans les domaines de la biologie végétale et animale, de l’hydrologie et de la géomorphologie permettent d’appuyer les principes de conservation sur des arguments scientifiques appropriés au mont Covey Hill. Le partenariat a permis de mener plusieurs projets de recherche, ce qui a entraîné la mise en place de stations permanentes d’échantillonnage qui forment la base physique du Laboratoire naturel et qui faciliteront l’étude à long terme des conditions hydrologiques et écologiques sur le mont Covey Hill. La protection des milieux naturels peut aussi se faire sous forme d’acquisition de terrain par achat ou donation ou par l’établissement de servitudes de conservation avec l’aide d’un organisme de conservation. La création de Réserves naturelles en milieu privé (MDDEP) est également un moyen efficace de protection d’habitats. Dans l’éventualité où les propriétaires seraient intéressés à la conservation des habitats essentiels sur leur propriété, mais que le don, l’acquisition ou la servitude ne seraient pas envisageables à court ou à moyen terme, des ententes de gestion pourraient voir le jour, ainsi que l’octroi d’un droit de premier acheteur reconnu à un organisme de conservation (droit de préemption)17. 5.3.2 Outils légaux de protection Les outils légaux de protection des habitats essentiels sont multiples et sont présentés plus en détail à l’annexe 1. 5.4 Calendrier des réalisations L’Équipe de rétablissement avait ciblé des actions prioritaires à mettre en œuvre entre 2003 et 2008 afin d’atteindre le but fixé qui était d’assurer, dans l’ensemble de leur aire de répartition au Québec, le maintien des populations et des habitats de la salamandre sombre des montagnes, de la salamandre sombre du Nord, de la salamandre pourpre et de la salamandre à deux lignes. La prochaine étape en ce qui a trait à l’acquisition de connaissances sur les salamandres de ruisseaux et leur habitat sur le mont Covey Hill est un suivi à long terme des tendances des populations en termes d’abondance via un réseau de stations établies. Cette démarche constitue l’action D-6 du Plan d’intervention sur les salamandres de ruisseaux du Québec et devrait s’amorcer d’ici 2009, après l’établissement d’un protocole rigoureux couplé à un protocole de suivi hydrologique. Le suivi hydrologique permettra d’établir l’origine ainsi que les chemins empruntés par l’eau qui approvisionne les habitats ; une information primordiale pour faciliter les actions de conservation et l’utilisation judicieuse du territoire et de la ressource hydrique. À cet effet, des inventaires seront dressés à l’intérieur de l’aire de répartition potentielle du mont Covey Hill. Le suivi permettra : (1) de suivre à long terme la population de salamandres sombres des montagnes et (2) de valider des modèles d’analyse spatiale d’habitats potentiels. Les paramètres du protocole de suivi seront déterminés par une équipe de l’Université de Montréal, sous la supervision de Dr François-Joseph Lapointe. L’aspect hydrologique du suivi sera élaboré par une équipe de l’Université du Québec à Montréal, sous la supervision de Dre Marie Larocque. Les sites de suivi des populations de salamandres feront également l’objet d’une étude de caractérisation végétale par une équipe de l’Institut de recherche en biologie végétale, affilié à l’Université de Montréal et au Jardin botanique de Montréal, sous la supervision de Dre Stéphanie Pellerin. Des outils de sensibilisation et d’information destinés à favoriser les bonnes pratiques d’aménagement du territoire, ce qui constitue l’action E-4, seront élaborés conformément à la stratégie de diffusion du présent plan de conservation. Des rencontres avec les propriétaires et les intervenants municipaux sont prévues au cours des prochaines années. CNC poursuit par ailleurs les discussions auprès de nombreux propriétaires afin de trouver des solutions pouvant favoriser la conservation des habitats fauniques du mont Covey Hill. 16. Réseau canadien d’information sur la biodiversité : http://www.cbin.ec.gc.ca/index.cfm?lang=fra 17. Droit de préemption : priorité d’achat dont jouit un acheteur en raison de la loi ou d’une convention entre les parties (Le grand dictionnaire terminologique). 39 Photo: D. Green du mont Covey Hill. Jusqu’à présent, les usages du territoire permettent le maintien des populations d’espèces fauniques et floristiques vulnérables. Il importe donc de maintenir les activités potentiellement à risque pour la ressource hydrique et les habitats de salamandres de ruisseaux au pied du mont Covey Hill à un strict minimum et d’assurer un suivi rigoureux de ces activités même si elles sont permises par la désignation agroforestière. Carte 6. Zone d’influence hydrologique et recharge de l’aquifère 0 0.5 1 2 km Montréal Hudson La Prairie Vaudreuil-Dorion Beauharnois Salamandre sombre des montagnes Plan de conservation Salamandre sombre hybride Milieux humides Salamandre pourpre Zones de conservation prioritaires Salamandre à deux lignes )" Salamandre sombre du Nord 40 Affleurements rocheux Saint-Rémi Recharge (0 à 404 mm/an) 404 Howick Ormstown Réseau routier 0 Courbes topographiques Zone d'influence hydrologique (Superficie = 4114 ha) Saint-Chrysostome Clarenceville Source : MRNF Québec, MDDEP Québec, CGC, UQAM, NRCan, AARQ, SCF, Anaïs Boutin Projection : NAD83 UTM Zone 18 Produit à Montréal le 3 décembre 2008 41 Carte 7. Carte écoforestière ow s klin m r n O F ra int Sa tom sos y r -Ch loc Franklin Hinchinbrook Haveloc Franklin t S s k e m lin to o n a s Fr hry -t C n ai ve Ha Montréal Salamandre sombre des montagnes Érablière à caryer cordiforme Salamandre sombre hybride Érablière à tilleul Salamandre pourpre Salamandre à deux lignes Salamandre sombre du Nord Plan de conservation Limites municipales Milieu humide Frênaie noir à sapin Bétulaie jaune à sapin et érable à sucre Pessière blanche ou cédrière Pinède blanche ou pinède rouge Réseau hydrique Sapinière à thuya Réseau routier Prucheraie Courbes topographiques 42 Ormaie à frêne noir Hudson Vaudreuil-Dorion La Prairie Beauharnois 0 Saint-Rémi 0.5 1 2 km Howick Ormstown Saint-Chrysostome Clarenceville Source : MRNF Québec, MDDEP Québec, CGC, UQAM, NRCan, AARQ, SCF, Anaïs Boutin Projection : NAD83 UTM Zone 18 Produit à Montréal le 3 décembre 2008 43 Carte 8. Indice de surface foliaire 0 0.5 1 2 km Montréal Hudson La Prairie Vaudreuil-Dorion Beauharnois Saint-Rémi Salamandre sombre des montagnes Plan de conservation 0 - 0,5 2,6 - 3 Salamandre sombre hybride Milieux humides 0,51 - 1 3,1 - 3,5 Salamandre pourpre Réseau routier 3,6 - 4 Salamandre à deux lignes Courbes topographiques 1,1 - 1,5 1,6 - 2 4,1 - 5 2,1 - 2,5 5,1 - 7,7 Salamandre sombre du Nord 44 Howick Ormstown Saint-Chrysostome Clarenceville Source : MRNF Québec, MDDEP Québec, CGC, UQAM, NRCan, AARQ, SCF, Anaïs Boutin Projection : NAD83 UTM Zone 18 Produit à Montréal le 3 décembre 2008 45 Photos: M. Ouellette Salamandre sombre du Nord Salamandre sombre des montagnes Salamandre à deux lignes Salamandre pourpre Conclusion L a viabilité de l’habitat des salamandres de ruisseaux repose sur l’équilibre entre le milieu naturel, les espèces et les processus écologiques. Toute modification de l’une ou l’autre de ces composantes entraîne des répercussions qui peuvent s’avérer néfastes et empêcher à plus ou moins long terme la survie d’une ou de plusieurs espèces de salamandres de ruisseaux. Les perturbations anthropiques mentionnées dans le plan menacent l’intégrité des habitats de qualité et la viabilité des espèces qui en dépendent. Le Plan de conservation des salamandres de ruisseaux au mont Covey Hill vise à sensibiliser les propriétaires et les intervenants locaux à la situation précaire de ces espèces. Il constitue un outil d’aide à la prise de décision en vue d’une gestion du territoire respectueuse des milieux naturels riches en biodiversité. Les efforts investis à ce jour contribuent à mettre en place des échanges constructifs entre les organismes de conservation, le milieu de la recherche universitaire et la population locale. Remerciements N ous tenons à remercier les personnes suivantes pour leur précieuse collaboration au Plan de conservation des salamandres de ruisseaux au mont Covey Hill : Marie Larocque pour ses connaissances de l’hydrologie et de l’hydrogéologie du mont Covey Hill ainsi que pour la révision du texte, Anaïs Boutin, la Société d’aménagement et de conservation du bassin de la rivière Châteauguay, le personnel et les gestionnaires des municipalités de Havelock, de Franklin et de la MRC Le Haut-Saint-Laurent ainsi que tous les propriétaires du mont Covey Hill qui donnent accès à leurs propriétés et collaborent généreusement aux recherches du Laboratoire naturel du mont Covey Hill. Les résidents du mont Covey Hill ont à cœur la protection des milieux naturels et nous souhaitons, de par nos actions communes, assurer l’intégrité de ces milieux pour les générations futures. Merci à Geneviève Audet, Louise Gratton, Jacques Jutras et Martin Léveillé pour leurs commentaires. Merci à Jacinthe Bouchard pour sa contribution à la révision du texte. Merci au ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, au ministère des Ressources naturelles et de la Faune et à la Commission géologique du Canada pour le partage des données numériques. Pour le soutien financier, nous désirons remercier le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, le ministère des Ressources naturelles et de la Faune, le programme Horizon Science d’Environnement Canada, la Fondation de la faune du Québec, la Fondation Salamandre et le Service canadien de la faune. Un merci particulier à tous les membres de l’Équipe de rétablissement des salamandres de ruisseaux. 46 Références AGENCE FORESTIÈRE DE LA MONTÉRÉGIE (2001). Plan de protection et de mise en valeur des forêts privées de la Montérégie, (document de connaissances). 442 p. ALVO, R. et J. BONIN (2003). Rapport sur la situation de la salamandre sombre des montagnes (Desmognathus ochrophaeus) au Québec, traduit et adapté par Diane Ostiguy, Société de la faune et des parcs du Québec. 32 p. BAPE (1999). Mémoire présenté aux audiences publiques sur la gestion de l’eau par des appelants au tribunal d’appel en matière de protection du territoire agricole dans le dossier AQUATERRA à Franklin. BARRINGTON, S., H. PHILION et J. BONIN (1992). An evaluation of the water reserves potentials: the ecological region of the Covey Hill “Gulf”, Québec, Canada, rapport présenté à Conservation de la nature Canada, Department of Agricultural Engineering, Faculty of Agricultural and Environmental Sciences, MacDonald Campus, McGill University. BILODEAU, I. (2002). Caractérisation géochimique et cartographie de l’eau souterraine et des ruisseaux sur la colline de Covey Hill (Montérégie, Québec), rapport remis à Conservation de la nature Canada, Université du Québec à Montréal. 39 p. BONIN, J. (2000). Stratégie de rétablissement des salamandres de ruisseaux du complexe appalachien : Gyrinophilus porphyriticus, Desmognathus ochrophaeus et Desmognathus fuscus, (document initial – bilan de la situation), Conservation de la nature Canada. 13 p. BOUTIN, A. (2006). Caractérisation de l’habitat d’une communauté de salamandres de ruisseaux comportant des hybrides, mémoire de maîtrise présenté au Département des sciences biologiques, Université de Montréal. 107 p. CENTRE D’INFORMATION SUR L’ENVIRONNEMENT DE LONGUEUIL ET ÉQUIPE DE RÉTABLISSEMENT DE LA RAINETTE FAUX-GRILLON DE L’OUEST AU QUÉBEC (2006). Plan de conservation de la rainette faux-grillon de l’Ouest en Montérégie – Ville de Boucherville. 48 p., 2 annexes. COMITÉ SUR LA SITUATION DES ESPÈCES EN PÉRIL AU CANADA (2007). Évaluation détaillée des espèces du COSEPAC, avril 2007. 17 p. http://www.cosepac.gc.ca/fra/sct0/index_f.cfm CÔTÉ, M.-J., Y. LACHANCE, C. LAMONTAGNE, M. NASTEV, R. PLAMONDON et N. ROY, (2006). Atlas du bassin versant de la rivière Châteauguay, en collaboration étroite avec la Commission géologique du Canada et l’Institut national de la recherche scientifique – Eau, Terre et Environnement, Québec, ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs. 64 p. ENVIR-EAU INC. (2004). Expertise hydrogéologique sur l’exploitation d’un captage d’eau souterraine par Les Vergers Leahy Inc., Franklin (Québec), préparée pour la municipalité de Franklin. 16 p. ENVIRONNEMENT CANADA (1999). Le plan canadien pour la protection des espèces en péril : une mise à jour. 18 p. 47 Annexe 1 FOURNIER, V. (2007). Plan de conservation de la tourbière de Covey Hill, rapport d’étape dans le cadre d’un projet de maîtrise sur la caractérisation hydrologique du milieu et présenté à Conservation de la Nature Canada. 20 p. P lusieurs lois spécifiques favorisent la protection du territoire et des habitats d’espèces menacées ou vulnérables. Cette section présente un bref résumé des lois de juridiction provinciale et fédérale qui sont généralement associées à la protection des espèces en péril, à la protection de leur habitat ou à la protection des milieux humides qui jouent un rôle primordial dans le maintien de la qualité des écosystèmes. Cependant, elle ne dresse pas un portrait complet de l’application de ces lois et de leur portée, compte tenu de leur grande complexité et des cas particuliers auxquels elles s’appliquent. FOURNIER, V, M. Larocque et S. Pellerin (2007). Water budget of the Covey Hill peatland, conférence présentée à la 8e Conférence conjointe SCG/AIC-CNC, Ottawa, 21-24 octobre 2007. GIBBS, J. P. (1998). « Distribution of woodland amphibians along a forest fragmentation gradient », Landscape Ecology, no 13, p. 263-268. JUTRAS, J. (éditeur) (2003). Plan d’intervention sur les salamandres de ruisseaux du Québec, Direction du développement de la faune, Société de la faune et des parcs du Québec, Québec. 26 p. LAROCQUE, M. et S. PELLERIN (2006). Dynamique hydrologique des habitats de la Salamandre sombre des montagnes et de la Salamandre pourpre sur le mont Covey Hill, rapport présenté au FREP-WWF. 63 p. LAROCQUE, M., G. LEROUX, C. MADRAMOOTOO, F.J. LAPOINTE, S. PELLERIN et J. BONIN (2006). « Mise en place d’un Laboratoire naturel sur le mont Covey Hill (Québec, Canada) », VertigO – La revue en sciences de l’environnement, no 7 (1), 11 p. LEROUX, G. (2005). Compte-rendu de la saison 2005 : Réseau des stations limnimétriques intégré au « Laboratoire Naturel » de la colline de Covey Hill, rapport soumis au Fonds pour le rétablissement des espèces en péril. 24 p. MINISTÈRE DES RESSOURCES NATURELLES, DE LA FAUNE ET DES PARCS (2004). Lignes directrices pour la conservation des habitats fauniques (3e édition). 29 p. MINISTÈRE DES RESSOURCES NATURELLES ET DE LA FAUNE (2006). Protection des espèces menacées ou vulnérables en forêt publique – Les salamandres de ruisseaux : la salamandre pourpre (Gyrinophilus porphyriticus), la salamandre sombre des montagnes (Desmognathus ochrophaeus) et la salamandre sombre du Nord (Desmognathus fuscus), Québec. 43 p. 48 Laboratoire naturel au Mont Covey Hill Véronique Fournier a fait sa maîtrise sur l’hydrologie de la tourbière. Quant à Sylvain Gagné, il poursuit sa maîtrise sur la dynamique des sources d’eau souterraine. Covey Hill : un vrai laboratoire naturel! MRC LE HAUT-SAINT-LAURENT (2001). Schéma d’aménagement révisé, préparé par le conseil de la MRC Le Haut-Saint-Laurent et le service d’aménagement. 266 p. RUTHERFORD, A., G. LEROUX, C. SENECAL, A. BOUTIN, et C. MADRAMOOTOO (2004). Using Quantitative Methods to Gather Small Stream Flow Data for Habitat Characterization. 17 p. SEMLITSCH, R. D. et J. R. BODIE (2003). « Biological criteria for buffer zones around wetlands and riparian habitats for amphibians and reptiles », Conservation Biology, no 17 (5), p. 1219-1228. TROTTIER, J. (2006). Impact de l’exploitation forestière sur la richesse et l’abondance des amphibiens de la forêt boréale méridionale du Bas-Saint-Laurent, mémoire de maîtrise, Université du Québec à Rimouski. 97 p. Photo: V. Fournier LANGEVIN, R. (1997). Guide de conservation des boisés en milieu agricole, Environnement Canada, Service canadien de la faune, région du Québec, Sainte-Foy. 77 p. plus annexes. En 2001, la salamandre sombre des montagnes a été officiellement désignée « espèce menacée » en vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) - loi fédéral. Son statut permet d’officialiser et de faire connaître la situation précaire de l’espèce et de prendre les moyens et les actions pour la protéger et favoriser son rétablissement. Ce statut a été révisé au printemps 2007 par le COSEPAC et l’espèce Desmognathus ochrophaeus au mont Covey Hill a été différenciée de son homologue en Ontario comme faisant partie d’une population distincte, la population des Grands Lacs et du Saint-Laurent. En ce qui touche la salamandre pourpre, les autorités fédérales lui ont accordé le statut d’« espèce préoccupante ». La LEP interdit de tuer, de harceler, de capturer, de prendre, de posséder, de collectionner, d’acheter, de vendre, d’échanger, ou de nuire à un individu d’une espèce sauvage menacée, en voie de disparition ou disparue du pays inscrite à l’annexe 1 de cette loi. La loi interdit également d’endommager ou de détruire son habitat. Les interdictions prévues par la LEP peuvent s’appliquer pour protéger toute espèce inscrite à l’annexe 1 de la LEP se trouvant sur des terres privées, des terres provinciales ou des terres situées au sein d’un territoire si les lois provinciales ou territoriales ne protègent pas de manière efficace l’espèce en question ou son habitat. La LEP exige que l’habitat essentiel d’une espèce aquatique se trouvant sur des terres privées soit protégé une fois que son habitat a été défini dans un programme de rétablissement. Cependant, les amphibiens ne figurent pas sur la liste d’espèces aquatiques protégées en vertu de la LEP. Dans un avenir proche, il serait primordial de démontrer que les salamandres de ruisseaux sont inféodées aux cours d’eau et, par le fait même, que ces espèces doivent être considérées « aquatiques » dans le cadre de l’application de la loi. L’habitat essentiel de la salamandre sombre des montagnes doit être protégé par l’entremise d’une des méthodes suivantes : (1) application de l’interdiction de la LEP portant sur l’habitat essentiel par décret ministériel, (2) autres moyens juridiques en vertu de la LEP tels qu’un accord de conservation ou (3) autres lois fédérales qui s’appliquent. Pour ainsi dire, la loi fédérale procure un filet de sécurité additionnel dans le cas où la législation provinciale en matière de protection des espèces menacées ne suffit pas. La salamandre sombre des montagnes, la salamandre pourpre et la salamandre sombre du Nord sont susceptibles d’être désignées « menacées » ou « vulnérables » au Québec par la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables (L.R.Q., c. E-12.01). Cette loi a pour objet la sauvegarde de la diversité génétique. De façon particulière, elle vise à empêcher la disparition ou à éviter le déclin des espèces fauniques ou floristiques menacées ou vulnérables, à assurer la conservation des habitats des espèces floristiques menacées ou vulnérables et à éviter que toute espèce ne devienne menacée ou vulnérable. Les espèces fauniques menacées ou vulnérables désignées en vertu de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables et leurs habitats sont régis par la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune. La Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune (L.R.Q., c. C-61.1) a pour objet la conservation de la faune et des habitats fauniques sur les terres du domaine de l’État. L’article 11 de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables mentionne que lorsque le gouvernement détermine que l’habitat d’une espèce faunique menacée ou vulnérable doit être délimité par un plan, le ministre des Ressources naturelles et de la Faune dresse ce plan conformément aux articles 128.2 à 128.5 de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune en respectant les caractéristiques ou les conditions déterminées par le gouvernement en vertu de la présente loi. Par contre, si la délimitation de l’habitat de l’espèce faunique n’a pas été officiellement définie au préalable, celui-ci n’est pas protégé par cette loi. Dans le cas où le lit d’un cours d’eau et les rives jusqu’à la ligne des hautes eaux appartiennent à l’État, l’article 128.6 stipule que « nul ne peut, dans un habitat faunique, faire une activité susceptible de modifier un élément biologique, physique ou chimique propre à l’habitat de l’animal ou du poisson visé par cet habitat. » Dans le cas du mont Covey Hill, tous les cours d’eau du bassin de la rivière Châteauguay sont considérés non navigables, à l’exception du fleuve SaintLaurent, et ces cours d’eau ont fait l’objet de concessions par l’administration publique. Par conséquent, les cours d’eau appartiennent aux propriétaires riverains jusqu’au centre du 49 lit du cours d’eau, dans le cas où les propriétaires diffèrent d’un côté et de l’autre. La Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune ne peut donc pas s’appliquer dans le secteur visé. Le ministre des Ressources naturelles et de la Faune peut aussi établir sur des terres du domaine de l’État, sur des terrains privés ou sur les deux à la fois un refuge faunique dont les conditions d’utilisation des ressources, et accessoirement les conditions de pratique d’activités récréatives, sont fixées en vue de conserver l’habitat de la faune ou d’une espèce faunique (article 122, L.R.Q., c. C-61.1). Toutefois, lorsque le ministre vise à inclure un terrain privé dans un refuge faunique, il doit conclure une entente au préalable à cet effet avec le propriétaire, y compris une municipalité ou une communauté métropolitaine. L’article 22 de la Loi sur la qualité de l’environnement (L.R.Q., c. Q-2) proscrit toute activité humaine dans un milieu humide sans l’obtention d’un certificat d’autorisation délivré par le MDDEP. Le deuxième alinéa de l’article 22 étend l’obligation du certificat d’autorisation à tous les travaux, ouvrages et activités effectués dans un cours d’eau à débit régulier ou intermittent, un lac, un marais, un marécage, un étang ou une tourbière. Avant d’émettre un certificat d’autorisation, le ministre doit prendre en considération les lois et les règlements applicables, mais aussi les politiques, dont la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables. L’article 22 permet ainsi d’assurer une certaine protection à la tête des sous-bassins versants et du régime hydrique du mont Covey Hill, puisque la tourbière est visée par la Loi sur la qualité de l’environnement. La politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables (c. Q-2, r.17.3), élaborée par le MDDEP, propose aux municipalités un cadre et des normes minimales de protection pour les lacs, les cours d’eau et les plaines inondables. La politique a pour objectifs d’assurer la pérennité des plans d’eau et des cours d’eau, ainsi que de maintenir et d’améliorer leur qualité en accordant une protection minimale adéquate aux rives, au littoral et aux plaines inondables. Cette politique concerne les interventions effectuées sur les terres privées. 50 Certains objectifs s’appliquent particulièrement aux types de cours d’eau existants sur le mont Covey Hill, tels que (1) de prévenir la dégradation et l’érosion des rives en favorisant la conservation de leur caractère naturel, (2) d’assurer la conservation, la qualité et la diversité biologique du milieu en limitant les interventions pouvant permettre l’accessibilité et la mise en valeur des rives et (3) de promouvoir la restauration des milieux riverains dégradés en privilégiant l’usage de techniques les plus naturelles possibles. Pour les fins de la politique, la rive est une bande de terre qui borde les lacs et les cours d’eau et qui s’étend vers l’intérieur des terres à partir de la ligne des hautes eaux. La largeur de la rive à protéger se mesure horizontalement. La rive a un minimum de 10 m lorsque la pente est inférieure à 30 %, ou lorsque la pente est supérieure à 30 % et présente un talus de moins de 5 m de hauteur. La rive a un minimum de 15 m lorsque la pente est continue et supérieure à 30 %, ou lorsque la pente est supérieure à 30 % et présente un talus de plus de 5 m de hauteur. Cependant, dans les secteurs où l’on trouve des salamandres de ruisseaux, des mesures de protection plus contraignantes, telles que recommandées dans la section 3.1.1.2 du présent document, sont nécessaires pour assurer la conservation et l’intégrité de leur habitat des salamandres de ruisseaux. La Loi sur la conservation du patrimoine naturel (c. C-61.01), qui a remplacé la Loi sur les réserves naturelles en milieu privé (L.R.Q., c. P-9), peut constituer un excellent outil pour assurer la conservation d’habitats situés sur des terrains privés lorsqu’un propriétaire choisit de désigner une réserve naturelle sur sa propriété. Cette loi vise à faciliter la mise en place d’un réseau d’aires protégées représentatives de la biodiversité en instaurant des mesures de protection des milieux naturels complémentaires aux autres moyens existants. Finalement, la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (L.R.Q., c. A-19.1) peut contribuer à la conservation des espèces et des milieux naturels en exigeant de la part des MRC un régime d’affectation territoriale. Ce régime pourrait prescrire d’indiquer au schéma d’aménagement des espaces naturels du patrimoine régional, ce qui impliquerait que soient délimités les territoires présentant un intérêt « d’ordre historique, culturel, esthétique ou écologique ». C’est à partir de cette obligation que les MRC indiqueraient au schéma d’aménagement les habitats fauniques protégés en vertu de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, dont les plans sont transmis à la MRC (MRNF, 2004). Les MRC peuvent aussi établir des sites d’intérêt écologique sur la recommandation des ministères responsables de ces aspects. Plan de conservation des salamandres de ruisseaux au mont Covey Hill, Montérégie Préparé conjointement par Conservation de la nature Canada et l’Équipe de rétablissement des salamandres de ruisseaux Photo: M. Ouellette Janvier 2008 Salamandre sombre des montagnes Grâce à la participation financière de :