le bourgeois gentilhomme - Philidor

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le bourgeois gentilhomme - Philidor
LE BOURGEOIS GENTILHOMME
Jeudi 8 Novembre 2001 - 21 h 00
Opéra royal du château de Versailles
une production du Centre de Musique Baroque de Versailles
et l’Établissement public du musée et du domaine national de Versailles
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LES INTERPRÈTES
COMÉDIE :
Monsieur Jourdain : Jean-Paul Farré
Le Maître à Danser, Dorante : Fabrice Conan
Le Maître de Musique, Covielle : Yves Coudray
Dorimène : Françoise Masset
Laquais : Nicolas Kaczorowski et Laurent Letailleur
MUSIQUE :
Elève de Musique : Hugo Reyne (Yves Coudray, ténor, voix derrière le théâtre)
BALLET DES NATIONS (1e entrée) :
1 Homme du Bel Air : Jean-Louis Georgel (baryton)
2d Homme du Bel Air : Philippe Roche (basse)
1ere Femme du Bel Air : Julie Hassler (soprano)
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2 Femme du Bel Air : Françoise Masset (soprano)
Gascon : Bruno Boterf (ténor)
Autre Gascon : François-Nicolas Geslot (haute-contre)
Suisse : Yves Coudray
Vieux Bourgeois : Jean-Louis Georgel
Vieille Bourgeoise : Renaud Tripathi (haute-contre)
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LES ESPAGNOLS (3e entrée) :
1 Espagnol qui se plaint : Bruno Boterf
1e Espagnol enjoué : Philippe Roche
2e Espagnol enjoué : Yves Coudray
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LES ITALIENS (4e entrée) :
Italienne : Julie Hassler
Italien : Jean-Louis Georgel
LES FRANÇAIS (5e entrée) :
1 Poitevin : François-Nicolas Geslot
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2d Poitevin : Bruno Boterf
DIALOGUE EN MUSIQUE :
Musicienne : Françoise Masset
1er Musicien : François-Nicolas Geslot
2d Musicien : Jean-Louis Georgel
CHANSONS À BOIRE :
1er Musicien : Renaud Tripathi
2d Musicien : Bruno Boterf
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3 Musicien : Philippe Roche
CÉRÉMONIE TURQUE :
Mufti : Philippe Roche
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LA SIMPHONIE DU MARAIS
Direction : Hugo Reyne
Alice Piérot, premier violon
Olivier Briand, Nathalie Fontaine,
Bérangère Maillard, Vassilis Tsotsolis, violons
Nathalie Vandebeulque, Céline Cavagnac, altos I
Judith Depoutot, alto II
Diane Chmela, alto III
Paul Rousseau, Tormod Dalen, basses de violon
Matthieu Lusson, viole de gambe
Marc Wolff, théorbe
Laurent Stewart, clavecin
Olivier Clémence, hautbois I
Béatrice Delpierre, hautbois II & flûte
Benoît Richard, hautbois, taille de hautbois & flûte
Olivier Cottet, hautbois, basse de hautbois ou basson quinte
Ricardo Rapoport, basson
Didier Plisson, percussions (tambours, tambours de basque, daf,
castagnettes, chapeau chinois, cymbales, cymbalettes, crotales ...)
Mise en espace : Jean-Paul Bouron
Régie lumière : Jean-Philippe Corrigou
Costumes : Patrice Cauchetier
La partition et le matériel d’orchestre de l’intégrale de la musique
du Bourgeois Gentilhomme ont été réalisés
par Hugo Reyne et Claire Guillemain
pour La Simphonie du Marais d’après la source Philidor
(Bibliothèque Nationale Réserve F. 578)
Ce programme fait l’objet d’un enregistrement discographique
pour Accord - Universal
(volume IV de la collection Lully ou le Musicien du Soleil)
La production du Bourgeois Gentilhomme bénéficie du soutien de l’ADAMI
et de la Fondation d’entreprise France Télécom
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LE BOURGEOIS GENTILHOMME
DIPLOMATIE TURQUE
C’est sous Soliman II le Magnifique (1520-1566) que l’Empire turc atteignit son apogée. Soliman
conquit Belgrade, il annexa la presque totalité de la Hongrie et il assiégea Vienne en 1529. Face à
l’expansion ottomane, la France joua cavalier seul. Elle s’allia à Soliman contre Charles Quint. C’est
ainsi que, en Turquie, les Français obtinrent un statut privilégié par rapport aux autres étrangers et
que les relations diplomatiques se calèrent sur “ beau fixe “.
Après l’apogée … le déclin. Au cours de XVIIe siècle les sultans perdirent leur pouvoir au profit
d’une véritable dynastie de grands vizirs. Au moment où Louis XIV prenait les affaires du royaume
de France en mains, Ahmed Köprülü était nommé grand vizir du sultan Mahomet IV.
Bien que toujours intéressé de trouver un contrepoids à l’Empire d’Autriche, Louis XIV sent la
nécessité de mettre un frein à l’expansionnisme ottoman. Aussi laisse-t-il des corps expéditionnaires venir en aide à l’Empereur qui défait les Turcs au Saint-Gotthard en 1664. En 1668, le roi de
France autorise la constitution de corps de volontaires qui rejoignent les Vénitiens dans la défense
de Candie, en Crète… Les relations entre la France et la Turquie se dégradent. Les ambassadeurs
français sur le sol turc commencent à ressentir les effets de cet état des choses, l’immunité
diplomatique ne les protège plus… La Turquie inquiète, la Turquie intrigue mais la Turquie est à la
mode. Les sonorités de la langue turque n’étaient pas tout à fait étrangères à Louis XIV, en témoignent les propos du chevalier d’Arvieux. Ce curieux personnage — il s’appelait simplement
Arvioux — s’était infiltré à la Cour après avoir passé douze années sous les Échelles du Levant dont
il connaissait la langue et les us. On sait que pour divertir le roi il lui arriva de parler turc, ou
encore de s’habiller en janissaire pour amuser le Dauphin.
Le 4 août 1669, à Toulon, débarque un envoyé de la Sublime Porte en compagnie d’une vingtaine
de personnes de sa suite : Suleiman Aga ; son intention : rétablir des relations diplomatiques
courtoises avec “ L’Empereur de France ”. Néanmoins Suleiman n’est pas prêt de se laisser
impressionner par les fastes chrétiens. Est-ce pour cette raison qu’il adopte une attitude rigide se
caractérisant par une arrogance et une susceptibilité hors du commun ? Son irascibilité entraîne une
réaction naturelle de la part de ses hôtes : on lui infligera le traitement que l’étiquette turque
réservait aux ambassadeurs. Il fit antichambre huit heures durant avant d’être reçu par Monsieur
de Lionne, Secrétaire aux Affaires étrangères. C’est là que commence une première turquerie :
Lionne, revêtu d’une grande tunique à la manière turque, est étendu sur une imposante épaisseur
de tapis, d’Arvieux sert d’interprète… C’est une mascarade dans laquelle le seul vrai Turc refuse
jouer : il ne veut remettre le message diplomatique qu’entre les mains de Louis XIV. Quand le roi,
installé sur un trône d’argent, le reçoit, tout est mis en œuvre pour l’écraser de splendeur : “ le Roy
y paraissait dans toute sa majesté, revêtu d’un brocart d’or, mais tellement couvert de diamants,
qu’il semblait qu’il fût environné de lumière, en ayant aussi un chapeau tout brillant, avec un
bouquet de plumes des plus magnifiques1. ” Suleiman resta insensible à cette débauche de luxe
vestimentaire et, une fois au dehors, il déclara que le cheval du sultan était plus richement orné de
pierreries que l’habit de Louis XIV ! Encombrant personnage ! C’est avec force diplomatie qu’en
mai 1670 on lui fit comprendre qu’il était temps de regagner l’Orient.
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BALLET TURC
Comme il le fit les deux années précédentes, Louis XIV décida de passer le début de l’automne au
château de Chambord. D’habitude il y était surtout question de chasse, mais en cette année 1670 il
tint à offrir un divertissement somptueux à ses proches. Le roi indiqua lui-même le sujet à ses
auteurs préférés et demanda à Lully de lui concocter “ un ballet turc ridicule ” ! Sur ordre royal,
Lully, Molière et d’Arvieux se mirent au travail pendant l’été. D’Arvieux témoigne :
Le roi ; ayant voulu faire un voyage à Chambord pour y prendre le divertissement de la chasse, voulut
donner à sa cour celui d’un ballet ; et comme l’idée des Turcs que l’on venait de voir à Paris était encore
toute récente, il crut qu’il serait bon de les faire paraître sur la scène. Sa Majesté m’ordonna de me joindre
à Messieurs Molière et de Lully pour composer une pièce de Théâtre où l’on pût faire entrer quelque chose
des habillements et des manières des Turcs. Je me rendis pour cet effet au Village d’Auteuil, où M. de
Molière avait une maison fort jolie. Ce fut là que nous travaillâmes à cette pièce de Théâtre […] Je fus
chargé de tout ce qui regardait les habillements et les manières des Turcs2.
Quelle fut la part exacte d’invention littéraire de d’Arvieux ? Fut-il à l’origine de l’organisation du
rituel de la cérémonie turque, du choix de la langue ?
“ STAR BON TURCA GIOURDINA ”
Il faut bien le constater la pièce est d’abord partie de la turquerie. L’intégration parfaite d’un
langage étranger, de la danse, d’une marche d’introduction fort originale au sein d’un déroulement
en costumes exotiques qui s’appuie sur de bases tangible en font une pièce unique.
Le sabir :
Le langage de cette cérémonie n’est pas du turc de cuisine mais du sabir. Le sabir — du latin
sapere et de l’espagnol saber = savoir — désigne une idiome rudimentaire qui permet à des hommes
de langues différentes de communiquer. Le sabir, que parlait le chevalier d’Arvieux et que la
scène 5 de l’acte IV adopte, s’employait communément sur le pourtour méditerranéen, principalement dans les ports, à des fins commerciales. Dans l’édition de 1671, après le premier air du mufti
“ Se ti sabir, ti respondir ”, Molière écrit :
Le Mufti demande, en même langue, aux Turcs assistants de quelle religion est le Bourgeois, et ils
l’assurent qu’il est mahométan. Le Mufti invoque Mahomet en langue franque, et chante les paroles qui
suivent : “Mahametta per Giourdina”.
Le sabir et la langue franque ne font qu’un. Cette lingua franca, formée de diverses langues
méditerranéennes, notamment de langues romanes, de grec, de turc et d’arabe, permettait, à
l’époque des croisades, une communication entre européens, turcophones et arabophones !
Le scénario :
Le déroulement de la cérémonie turque suit un processus de rituel d’intronisation, d’initiation. Sur
ce point d’Arvieux dut être fort utile. Cette cérémonie se rapproche du rituel d’intronisation des
chevaliers de Notre-Dame du Mont-Carmel (ordre proche de celui des chevaliers de Saint-Jean de
Jérusalem). Il est un fait que l’on interroge Jourdain sur ses mœurs, sa religion, et qu’en fin de
compte on lui accorde un titre de noblesse. On est plus éclairé lorsque l’on sait que d’Arvieux
appartenait à cet ordre ; c’est la raison pour laquelle il se faisait appeler Chevalier d’Arvieux !
D’autre part certains éléments vestimentaires, surtout les longues robes et les turbans volumineux
affublés aux Turcs dansant font penser aux costumes des derviches. Il y a quatre derviches dans
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cette scène qui, comme leur coreligionnaires dansent. Encore une fois, le concours de d’Arvieux dut
être précieux.
Dans la Cérémonie, aucune pièce vocale ne se détache particulièrement et ne prétend s’inscrire au
Parnasse lullien. Ce moment ne prend pas son sens dans la beauté des pièces vocales mais dans leur
faculté à s’intégrer parfaitement à la comédie, leur capacité à participer à l’organisation générale du
rythme scénique. Sur ce point on peut estimer qu’il existe un antécédent, un exemple antérieur à la
Cérémonie turque au sein même de l’art lulliste : la scène des Valets de chiens qui se place au début
de la Princesse d’Élide (1664). Encore une fois Molière y jouait un rôle parlé (Lysichas) tandis que ses
interlocuteurs s’exprimait en musique (trio), exemple parfait de cohabitation, de superposition,
d’alternance du parlé et du chanté. Notons que l’édition de 1671 du Bourgeois gentilhomme indique
bien qu’entre les airs s’immiscent des dialogues parlés que l’on ne trouve que dans l’édition
de 1682 !
“ OUI, C’EST UN AIR POUR UNE SÉRÉNADE ”
Il faut attirer l’attention sur les deux premières interventions musicales du Bourgeois gentilhomme :
1. l’air de l’élève du Maître de musique
2. l’air de la Musicienne.
Par deux fois nous entendons les mêmes paroles : “ Je languis nuit et jour ”. Par deux fois nous
entendons aussi, note pour note, la même musique.
La première fois, alors que le rideau se lève et avant même que le Maître de musique, le Maître à
danser, les chanteurs et les instrumentistes entrent en scène, nous assistons à la composition de l’air
par l’élève de musique. Avant tout, “ l’écolier ” cherche ses notes, ses enchaînements ; à ce moment
le texte n’a pas beaucoup d’importance : les la, la, la, les ou, ou, ou remplacent les mots. Ceci se
conjugue avec les mauvais appuis musicaux, les accents placés à contrario. La pire des fautes
intéresse une césure qui sonne comme “ faira, faira ” dans la phrase “ Que pourriez-vous faire à vos
ennemis ? ”La langue française est dénaturée, la compréhension du texte impossible !
Lorsque la musicienne (chanteuse) s’empare de l’air, il en va tout autrement. Le texte est entièrement
chanté. Le rythme musical s’adapte parfaitement à la phrase littéraire ; l’alternance des valeurs
longues et brèves et l’accentuation conviennent à merveille. En un mot cet air vise à la clarté de la phrase
musicale, à la clarté du texte. Ce sont là deux éléments fondamentaux de l’air lulliste dont
l’actualité sera encore plus cuisante lorsque le destin placera l’opéra français entre les mains de
Lully lequel rejettera virtuosité et vocalises tournant résolument le dos à l’opéra italien ! Ainsi dès
le début du Bourgeois, Lully nous donne une leçon de prosodie !
“ IL Y A DU MOUTON DEDANS ”
Lorsque Monsieur Jourdain chante sa chanson “ Je croyais Janneton ” (Acte I, scène 2) les auteurs
insistent sur l’inculture et le mauvais goût du Bourgeois en matière de musique. La chanson que
Molière chante en voix de fausset (alors qu’il possède une voix de baryton) réunit tous les ridicules.
C’était probablement là un coup de pied lancé à celui qui pour l’instant concurrençait Molière et
Lully : Pierre Perrin. En 1670, Perrin était le seul détenteur du Privilège de l’Académie d’Opéra. À
ce moment il mettait au point le livret de Pomone qui était annoncé pour le début de l’année
suivante afin d’inaugurer ladite académie. Perrin, l’abbé Perrin, qui en 1665 avait écrit les fameux
Cantica pro capella Regis, était aussi l’auteur des paroles de cette chanson…
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“ AH ! LES MENUETS SONT MA DANSE ”
Au début de l’acte II Molière choisit de faire danser Monsieur Jourdain sur un menuet. Cette danse
est alors en vogue et Lully choisit de mettre dans la bouche du Maître de danse une mélodie à
succès qui semble s’être fixée dans toutes les mémoires. Le menuet du Bourgeois gentilhomme ne fut
pas composé pour cette œuvre ; il provient d’une autre comédie mêlée de musique et d’entrées de
ballet : Les Amants magnifiques (troisième intermède) dont la création devant Louis XIV à SaintGermain-en-Laye remontait au mois de février de cette année 1670. Remarquons que c’est cette
mélodie – a capella dans le Bourgeois gentilhomme – formée de simples la, la, la qui permit au nom de
Lully de traverser les siècles !
BALLET DES NATIONS
À la fin de cette comédie qui développe passablement les passages chantés et dansés, les concepteurs ajoutent un ballet. Celui-ci n’est pas la suite de la comédie ; il ne présente même aucun lien
avec elle. Il s’agit tout simplement d’un spectacle auquel Monsieur Jourdain et ses commensaux
assistent.
Si l’on se reporte à l’indication qui introduit la première entrée du ballet (voir ci-après LES MOMENTS
MUSICAUX DU BOURGEOIS GENTILHOMME) on ne peut que remarquer l’originalité du début où les
spectateurs se bousculent pour obtenir des livrets. Comme beaucoup de commentateurs l’ont
signalé il s’agit du “ théâtre sur le théâtre ”. Cela ressemble un peu à un charivari aux accents
différenciés, du Gascon au Suisse ! Les deux premières entrées jouent le rôle d’un prologue précédant un ballet en trois entrées. On notera la part gigantesque réservée aux voix qui font sonner
successivement trois langues : l’Espagnol, l’Italien et le Français. On relèvera aussi les nombreuses
pages orchestrales indépendantes, dansées évidemment, qui vont de L’entrée du donneur de livres,
jusqu’au Menuet français en passant par les Airs pour les Espagnols ou la Chaconne des Italiens.
Il n’y a aucune trace de la chorégraphie de l’œuvre et il est même difficile de dire avec certitude quel
fut le chorégraphe ? Évidemment on pense à Pierre Beauchamp (1631-1705) qui est un Turc dans la
cérémonie turque et que l’on retrouve en Espagnol (troisième entrée) puis en Scaramouche (quatrième entrée) dans le Ballet des Nations.
CRÉATION, ÉDITIONS
La création de cette comédie-ballet eut lieu le 14 octobre 1670 à Chambord où on la redonna encore
trois fois le même mois. On la joua ensuite trois fois en novembre à Saint-Germain-en-Laye. Ce n’est
que le 23 novembre 1670 que les Parisiens purent l’apprécier avec les ballets et la musique. Un
accueil chaleureux lui fut réservé et le Bourgeois se maintint au théâtre jusqu’en 1672.
La pièce fut imprimée en 1671. C’est sur ce texte que s’appuient les éditions modernes. La seconde
édition, de 1682, diffère seulement au niveau de la turquerie et contient des dialogues parlés,
absents en 1671.
Enfin, il faut préciser qu’en 1670 on imprima un livret, comparable à un livret d’opéra, qui contient
toutes les paroles chantées de l’œuvre ainsi que le nom de tous les interprètes, chanteurs et
danseurs. Ce livret nous prouve qu’en octobre 1670, le Bourgeois gentilhomme était conçu en trois
actes ! La danse des garçons tailleurs terminait l’acte I ; les chansons à boire mettaient un terme à
l’acte II ; la comédie s’achevait sur l’union des amants et se poursuivait par le Ballet des Nations.
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La version en cinq actes apparut dès 1671.
“ ULTIMA AFFRONTA ”
Dans la cérémonie turque, deux rôles s’opposent , le Muphti dominateur qui, dans ce ballet,
chante principalement, l’autre, Giourdina, crédule, qui se laisse berner, bastonner et qui dans ce
monde de musique et de danse ne sait ni chanter ni danser. C’est un affrontement burlesque des
deux Baptiste. Lully est le Muphti tandis que Molière incarne Jourdain. D’ici dix-huit mois les deux
hommes s’affronteront dans une autre scène qui sera l’inverse même du burlesque. En effet, en
mars 1772, Lully obtient le privilège de l’Académie royale de musique dans lequel apparaît
l’interdiction “ à toutes personnes, de quelque qualité et condition qu’elles soient, même aux
officiers de notre maison […]de faire chanter aucune pièce entière en musique […] sans la permission dudit
Sr de Lully, à peine de 10.000 lt d’amende et de confiscation de théâtres, machines, décorations, habits et autres
choses […] ”. Molière trouve l’interdiction inadmissible, il proteste et il obtient, le même jour,
l’autorisation verbale du roi d’employer six chanteurs et douze instrumentistes. De plus, au mois
de septembre suivant, un décret permet à Lully de disposer de tous les vers qu’il a mis en musique.
En revanche Molière ne peut plus faire jouer les siens mis en musique par le Surintendant. Sans la
musique de Lully, Le Bourgeois gentilhomme devenait irrécupérable. Molière était réellement berné,
et peut-être pensait-il qu’à côté de celle qu’il était en train de vivre, la bastonnade de la cérémonie
turque était bien douce !
© CMBV - EDMOND LEMAÎTRE
1- D’Arvieux, Mémoires, 1735.
2- idem