En voiture ! De la circulation du désir dans Montpellier
Transcription
En voiture ! De la circulation du désir dans Montpellier
En voiture ! De la circulation du désir dans Montpellier « Monte dans ton Alfa, Roméo ! », Charles Denner à l’affût. Si en 1976, sur la place de la Comédie pourtant rénovée, les Trois Grâces servaient encore de carrefour giratoire pour les automobilistes, L’Homme qui aimait les femmes prend bien soin d’éviter ce « passage obligé » de la circulation montpelliéraine, préférant des routes moins balisées, en tout cas plus mystérieuses et même parfois déroutantes ! Bien qu’adepte de la chasse à pieds, le cavaleur se trouve ainsi régulièrement au volant de sa alfa roméo. A l’image de la place prépondérante qu’elle occupe dans l’évolution de la société française, la voiture est dans le film le vecteur privilégié de la circulation du désir et des amours clandestines. En effet à l’exception du frénétique voyage jusqu’à Béziers où Morane ne découvre finalement qu’une élégante femme en pantalon, les routes qu’il emprunte conduisent toutes au plaisir, fut-il dangereux ou mortel ! Inventée pour les besoins de la fiction dans un local désaffecté en face du 11 rue de la Palissade, l’agence de location de voitures « Midi-Car » lui permet ainsi très vite de poursuivre son « fantasme » biterrois, mais aussi de rencontrer Bernadette, la gentille hôtesse aux lunettes trop grandes, relancée jusque dans sa Mini à toit ouvrant. Après un diner solitaire pris dans un « restaurant de l’arrière pays » - le véritable Café du Nord au 9 rue de la Rivière à Prades le Lez -toujours en activité-, c’est en voiture que Morane prend en filature Delphine et son mari jusque chez eux, le grand immeuble moderne et presque entièrement vitrée, au 15 Boulevard Sarrail. C’est encore en voiture qu’il tente de l’enlever à sa morne existence de « femme mariée », en lui proposant une virée nocturne dans une cité fantomatique. Quelques extérieurs de la ville finissent par se laisser deviner comme le lion du Peyrou vu de la place Giral ou bien encore l’enseigne lumineuse du Bar du Pila au bas du Boulevard Louis Blanc. C’est toujours dans une voiture, mais cette fois stationnée, dans un coin sombre du parking souterrain de la Comédie, puis à la vue de tous au parking du Centre commercial du Polygone, que ces amants sauvages s’étreignent avec passion. Après l’amour, le meilleur moyen pour que Delphine parvienne à remettre son visage en état ne consiste-t-il pas, une fois encore, à lui faire prendre l’air par la fenêtre d’une voiture roulant à cent vingt kilomètres à l’heure ? A la fin du film, au retour d’une imprimerie improbable située dans la ville de Lunel (en réalité la salle des rotatives du journal Midi libre au 12 rue d’Alger), Bertrand Morane goûte enfin au plaisir d’être seulement « l’amant » passager. Il se retrouve enfin conduit, au propre comme au figuré, par une femme, Geneviève, l’éditrice de son roman. Au cours de ce trajet, l’accident autoroutier et les deux motards qu’ils croisent apparaissent comme la préfiguration de cet autre accident mortel vers lequel court inexorablement le cavaleur! En attendant cet ultime rendez-vous automobile, un soir de Noël rue Foch, Geneviève et Morane roulent ensemble, parfaitement à l’unisson, en direction….d’une chambre d’hôtel.