polar en séries - Quais du Polar
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polar en séries - Quais du Polar
initiative film pour POlar en séries POlar en séries Il y a 10 ans, lorsque nous avons imaginé et conçu le festival Quais du Polar, nous avions déjà la conviction et le désir que l’adaptation de nos romans préférés, au cinéma comme à la télévision, devait trouver toute sa place dans notre programmation. Une manière, pour nous, d’amener au livre, à la lecture et à la découverte des écrivains, un nouveau public venu au polar par la fréquentation des salles de cinéma, mais aussi des écrans de télévisions, ordinateurs et autres tablettes connectées. Une manière aussi, de proposer à notre public de lecteurs passionnés de faire le chemin inverse, du livre aux écrans. Films, fictions unitaires, mini-séries, adaptations au long cours, œuvres audiovisuelles écrites par des auteurs venus de la littérature, mais aussi des œuvres transmedia, numériques, interactives… autant de formats, supports de création, outils de diffusion et de cultures nouvelles qui renouvellent en profondeur le polar d’aujourd’hui. Une conviction et un désir d’autant plus forts qu’une nouvelle ère était en train de s’ouvrir pour les « sériestélé », en particulier, qui s’imposaient progressivement dans le paysage culturel comme un phénomène majeur grâce à une production de plus en plus audacieuse, exigeante et créative, à une diffusion, en France, de plus en plus large, ainsi qu’à une reconnaissance critique et médiatique qui ne s’est pas démentie depuis, bien au contraire. Le Forum des images est une institution subventionnée par la Ville de Paris C’est ainsi que, très vite, nous avons donné la parole aux auteurs, aux scénaristes et aux réalisateurs invités au festival en faisant de l’adaptation une thématique de fond, explorée avec de nombreux débats et projections, illustrée avec des master-class comme celle de George Pelecanos l’an dernier, et renforcée, cette année, par la création du prix Polar en Séries dont vous allez découvrir dans ce livret la première sélection, et les premiers lauréats, des mentions mini série et série récurrente. Cette initiative, dont nous souhaitons qu’elle participe au succès de la création audiovisuelle française grâce au talent de nos auteurs et éditeurs de polar, s’inscrit dans le développement des rencontres professionnelles du festival, « Polar Connection », dont la vocation est d’encourager, de structurer et d’accompagner les échanges entre tous les acteurs de cette industrie culturelle et créative qu’est aussi le polar, dans l’édition comme dans l’audiovisuel, à l’échelle internationale. Nous tenons à remercier l’ensemble des partenaires qui soutiennent ce projet et le construisent avec nous : la SCELF, Initiative Film, Rhône-Alpes Cinéma, l’Institut Français, Le Monde des Livres et Séries Mania. Merci aussi aux membres du jury qui ont accepté de se lancer dans l’aventure à nos côtés. La SCELF partenaire de Quais du Polar La SCELF (Société Civile des Editeurs de Langue Française) est une société de droit d’auteur, créée en 1959, gérée par les éditeurs cessionnaires par contrat, des droits d’exploitation dérivée des œuvres qu’ils publient. Ainsi lorsque leurs œuvres sont adaptées au cinéma, à la télévision, à la radio ou au théâtre, la SCELF collecte et répartit les droits issus de ces adaptations. Par ailleurs, elle conseille et accompagne les éditeurs sur le plan juridique, les représente dans le cadre de négociations collectives avec différents partenaires, (producteurs, sociétés d’auteurs et diffuseurs). Depuis six ans, la SCELF organise, dans le cadre du Salon du Livre, des Rencontres professionnelles de l’Audiovisuel entre éditeurs et producteurs de cinéma et de télévision. Ces Rencontres sont organisées autour d’un catalogue d’œuvres adaptables, spécialement établi chaque année à partir des parutions récentes ou à venir. Le succès de cette manifestation ne se dément pas au fil des années et marque l’intérêt des éditeurs et des producteurs pour les passerelles entre écritures. Forte de cette expérience, la SCELF s’emploie à développer d’autres formats de rencontres professionnelles, telles que celles qui seront organisées pour la deuxième fois au Festival de Cannes 2015 à destination des producteurs étrangers. C’est dans ce contexte de promotion de l’adaptation audiovisuelle, et de valorisation des différentes écritures, qu’un partenariat s’est construit entre notre structure et le Festival de littérature Policière, Quais du Polar. La SCELF se réjouit des Rencontres professionnelles organisées par Quais du Polar qui permettent d’établir des liens entre les métiers de l’image et de l’écriture et qui auront pour effet – nous en sommes sûrs - de faciliter les collaborations professionnelles futures dans ce secteur de l’adaptation audiovisuelle. Par ailleurs, cette année pour la première fois en France et dans le cadre du partenariat de la SCELF et de Quais du Polar, sera décerné le Prix d’adaptation du roman policier sous forme de séries télévisées, avec mention mini série et série récurrente, intitulé Polar en Séries. La SCELF souhaite un beau succès à ces rencontres professionnelles et souhaite que ce tout nouveau Prix mette en lumière l’immense potentiel d’adaptation du polar français à la télévision. 3 4 LA DÉMARCHE Il est fascinant de voir cette offre de plus en plus importante de séries proposées au public, panel riche de sujets, formats et genres, avec, bien souvent en tête, des séries policières, fruit ou non d’adaptations. Le polar, sous toutes ses formes, a toujours inspiré le cinéma et le petit écran, parvenant à déployer ses intrigues romanesques. Aujourd’hui, il est le morceau de choix de la série. Créer une passerelle durable entre Quais du Polar et le monde de la série TV était un objectif de 2014. En 2015 un prix est né : le Prix Polar en Séries, et de nouveaux partenaires nous ont rejoints. Notre accompagnement de ce prix emboite naturellement le pas à la démarche globale qui est la nôtre en matière de repérage de sujets et de talents. Ce livret, dont la conception nous a été confiée, a pour fonction de présenter ce prix, constitué de deux mentions, mini série et série récurrente, d’expliciter la sélection et d’introduire le jury et les ouvrages qui étaient en lice, avec un focus particuliers sur les deux ouvrages lauréats. Polar en Séries Revenons quelques mois en arrière … Une réflexion a été lancée visant à définir les critères spécifiques permettant à un ouvrage d’être adapté en série. Avec le soutien de la SCELF, un appel à candidatures a été lancé auprès d’un large champ d’éditeurs, sur la base de critères d’adaptabilité prédéfinis. Près de 70 ouvrages ont été soumis, constituant une première sélection. La pré-sélection a été effectuée par les équipes Quais du Polar, Initiative film et Rhône-Alpes Cinéma qui ont établi une liste de 6 ouvrages finalistes. Cette pré-sélection volontairement éclectique ouvre des pistes différentes en terme de genres et de formats sériels. Ces ouvrages répondent chacun à leur façon à ces critères d’adaptabilité soit dans le champ large de leur intrigue, soit dans la richesse de leurs personnages ou l’accent original avec lequel un sujet (une enquête) est traité... Ainsi du polar décalé au polar d’anticipation en passant par le polar en huis clos et le polar historique, plusieurs typologies de séries sont dès lors possibles à imaginer. Ces critères relèvent du terreau d’un récit pouvant se déployer sur plusieurs épisodes, voire plusieurs saisons. Le 10 mars dernier un jury de professionnels du livre et de l’audiovisuel réuni à Paris a rendu son verdict. La réflexion sur l’adaptabilité en série a posé la question des différents formats possibles. Il a été décidé de constituer ce prix en deux mentions : mini série et série récurrente.Deux romans ont été primés… découvrez-les dans ces pages. LE JURY DU PRIX Suite à la pré-sélection des ouvrages soumis par les éditeurs pour le prix Polar en Séries, un jury a été réuni et a délibéré le 10 mars dernier pour attribuer le prix de l’adaptabilité en mini série et en série récurrente à l’ouverture de l’édition 2015 de Quais du Polar, le 27 mars. Patrick Baudot Arnaud Jalbert Chef d’Etat-Major à la Brigade Criminelle de Paris, conseiller technique pour le cinéma et la télévision Chargé de programmes Arte France Unité Fictions • Gilles Cahoreau • Arnaud Louvet Scénariste cinéma et télévision Producteur, Aeternam Films • Didier Dutour • Véra Peltekian Responsable du pôle Livre et Traduction de l’Institut Français Chef de projet de l’Unité Fiction Canal Plus • Laurence Herszberg • Macha Séry Journalise, Le Monde des Livres Directrice Générale du Forum des images, Directrice du festival Séries Mania Bonnes lectures, Isabelle Fauvel Emma Degoutte INITIATIVE FILM Société créée en 1993 par Isabelle Fauvel, accélérateur de particules, Initiative Film a pour vocation d’accompagner le développement de projets audiovisuels, en amont de la production d’une œuvre, de la naissance de l’histoire jusqu’à la mise en préparation du projet. Les délibérations du jury ont eu lieu le 10 mars dernier dans le restaurant parisien du neuvième arrondissement, Au Petit Riche. www.restaurant-aupetitriche.com 5 6 LES OUVRAGES SÉLECTIONNÉS LES LAURÉATS DU PRIX POLAR EN SÉRIES Les droits audiovisuels des romans présentés sont, au moment où cette plaquette est imprimée, tous libres. Parce que la série suppose une diversité de formats, le Prix Polar en Séries se constitue de deux mentions « mini série » et « série récurrente », en écho à la singularité du format sériel de pouvoir proposer des histoires sur une seule saison ou plusieurs saisons. Après la guerre, Hervé Le Corre (Payot & Rivages, 2014) • Bunker Parano, Georges-Jean Arnaud (French Pulp Editions, 2014) • Commandant Achab, Ce n’est pas le même enjeu, mais l’objectif de ces deux mentions est commun : mettre en avant deux ouvrages, qui, par leurs pistes d’adaptabilité singulières, ouvrent la voie à des séries originales. MENTION MINI SÉRIE MENTION SÉRIE RÉCURRENTE Stéphane Piatzszek et Stéphane Douay (Casterman, 2013) Après la guerre, Hervé le Corre (Payot & Rivages, 2014) Poulets grillés, Sophie Hénaff (Albin Michel, 2015) • Et qu’advienne le chaos, Un roman aux accents historiques inédits, portrait de 2 générations qui se confrontent. Un concept original insufflant une tonalité comique et citoyenne au genre polar, pour un roman riche en personnages et backstories. L’avis du Jury : Chef d’œuvre littéraire, le roman est remarquablement construit, livre une psychologie fouillée des personnages et aborde un passé français encore inédit à la télévision. Projet forcément ambitieux, il est primé pour lancer un signal à la production télévisuelle actuelle. L’avis du Jury : Un bon concept et de bons personnages, deux clés essentielles pour une série récurrente. L’humour est souvent au rendez-vous, un parti pris bienvenu tant il n’y a pas ou peu de séries de comédies policières. Rebuts d’un service public de la République, ces flics vont persévérer dans leur humanité...une idée très belle et un regard très actuel sur notre société sont véhiculés entre les lignes. Hadrien Klent (Le Tripode, 2010) • Le partage des terres, Bernard Besson (Odile Jacob, 2013) • Poulets grillés, Sophie Henaff (Albin Michel, 2015) 7 APRÈS LA GUERRE • HERVÉ LE CORRE (PAYOT & RIVAGES, 2014) 8 9 • Prix Polar en sérieS • Mention Mini Série À Bordeaux, alors que la guerre d’Algérie bat son plein, Daniel Delbos, 20 ans, attend d’être appelé. Le commissaire Darlac – ancien collabo qui est passé entre les mailles du filet à la Libération – fait face à une série de meurtres qui semblent tourner autour de lui : des collègues ripoux, des membres de la famille éloignée, d’anciens amis collabos... tous sont assassinés, avec lui pour seul dénominateur commun. Si c’était un film Entre l’Armée des ombres de Jean-Pierre Melville et L’Ennemi intime de Florent Emilio Siri. Et si c’était une série L’homme qui veut sa peau, c’est Jean Delbos – dit André Vaillant – le père de Daniel que tout le monde croyait mort en déportation. Il est revenu se venger de Darlac qui l’a dénoncé en 43, alors qu’il croyait être son ami. Et alors que Bordeaux se relève à peine d’une guerre et plonge dans une autre, les deux hommes vont s’affronter en rivalisant d’intelligence et de violence... entre Un village français et Braquo. Daniel est enfin appelé puis revient meurtri par cette guerre qui n’a rien d’héroïque... son retour risquant de faire basculer à jamais les destins de Darlac et Delbos. Traductions disponibles • UNE ÉPOQUE TRÈS RICHE Anglais (MacLehose Press), Grec (Ekdoseis tou Eikostou Protou) et Italien (Edizioni E/0). — CONTACT Payot et Rivages Marie-Martine Serrano [email protected] Après la guerre se déroule après la Deuxième Guerre mondiale, alors que le pays tente tant bien que mal de se remettre de ses blessures, et que les jeunes sont envoyés par De Gaulle faire une nouvelle guerre qu’ils ne comprennent pas : celle d’Algérie… Le contexte politique et économique du roman est donc, d’emblée, très riche et introduit ici un terreau idéal pour l’implantation d’une série : entre les blessures de la guerre qui ne sont pas encore refermées, l’impact de l’occupation puis de la Libération sur la population et sur le pouvoir politique, les vieilles rancœurs entre ex-collabos et anciens résistants, et la guerre d’Algérie qui tue les jeunes, Hervé Le Corre nous offre un univers riche en conflits, avec des possibilités dramaturgiques foisonnantes. • DES PERSONNAGES À LA PSYCHOLOGIE FOUILLÉE Cette époque particulière offre une richesse psychologique des personnages, qu’Hervé Le Corre a construits avec justesse et maitrise. Les trois personnages principaux – Daniel, Darlac, et Jean/André – ont tous été marqués par la guerre et sont loin d’être unidimensionnels. Tous nous présentent, au fur et à mesure du roman, les multiples facettes de leurs personnalités respectives. Ils nous apparaissent alors très humains, malgré leurs actes violents, parfois cruels aussi. Daniel est un jeune mécano doué, mais un artiste dans l’âme, il aime le cinéma et les images, il rêve de grandes aventures, mais il a aussi une profonde blessure depuis la déportation de ses parents. La guerre va lui apprendre la peur et la haine à l’égard d’autrui et de soi-même. Il va finir par ne plus se reconnaître après avoir tué et avoir aimé ça. Darlac, lui, est un flic pourri et sans scrupule, collabo par intérêt plus que par idéologie, il méprise et déteste la plupart des gens qui l’entourent. Il est dur, cruel, mais c’est également un homme qui a été profondément blessé dans son amour pour sa femme, un homme qui lutte contre le désir qu’il éprouve pour sa fille adoptive, un homme qui se dégoûte et qu’une rage profonde ronge constamment. Enfin, Jean a subi les camps, il a perdu sa femme dans une chambre à gaz, il a survécu aux tortures, à la malnutrition, aux marches forcées, il est persuadé d’être mort et de n’être plus qu’en sursis, seule sa vengeance le fait avancer. Il est implacable et très humain à la fois, mais on apprend également qu’avant les camps, il était volage et menteur, joueur et lâche, et ne s’occupait pas bien de sa femme et de son fils… Toutes ces subtilités dans la construction des personnages, cette richesse dans les backstories, sont très avantageuses pour une série et peuvent nourrir l’évolution des personnages sur plusieurs épisodes. Il y a également dans le roman des personnages secondaires très beaux qu’il serait intéressant d’étoffer dans le cadre d’une adaptation sérielle. • UNE TRAME DENSE Bien écrit, bien construit (chaque chapitre possède sa propre structure et offre un début et une fin à une action précise), la narration est claire, et les temporalités, si elles sont multiples et entrecroisées, sont dans le même temps bien distinctes. Cela grâce notamment au journal de Jean, qui écrit ses souvenirs puisqu’il ne parvient pas à en parler directement. Une série pourrait exploiter ces incursions de Jean dans le passé, ainsi que les indices que laissent Darlac et les autres sur leur propre histoire, pour élaborer un récit qui mêle le présent de l’action – les années 50 à Bordeaux et en Algérie – et le passé des protagonistes – l’occupation à Bordeaux, les camps en Pologne, la Libération à Bordeaux et à Paris... – dans une reconstitution de l’Histoire à échelle humaine, du point de vue de ces personnages très différents et très humains. Le livre, entre contexte de guerre (qui n’en finit pas), enquête policière et récit de vengeance, nous entraîne dans une histoire à plusieurs niveaux et traite de POULETS GRILLÉS • SOPHIE HÉNAFF (ALBIN MICHEL, 2015) 10 11 • Prix Polar en sérieS • thèmes forts et singuliers, comme la conséquence de la guerre sur les hommes, les transformations subies malgré soi lorsque l’on est poussé dans ses retranchements, la possibilité – ou non – de se reconstruire, de guérir, ainsi que les compromissions de la morale, la corruption ou la suspicion. Jusqu’où est-on prêt à aller par instinct de survie ? Comment vit-on avec soi-même ensuite ? Mention Série récurrente Quand le 36 ne peut plus porter dans ses rangs une équipe de bras cassés, faite de nerveux de la conduite ou du pistolet, d’alcooliques, d’accros à l’informatique, de discriminés et d’arrivistes, il les rassemble dans une nouvelle unité... sous les ordres du commissaire Anne Capestan, reléguée à ce poste après une bavure passée officiellement en légitime défense. • POUR UNE MINI SÉRIE AMBITIEUSE ? Roman à la conception exceptionnelle, penser l’adaptation de cet ouvrage en mini série reste ambitieux, tant le sujet est à la fois difficile (une violence inévitablement présente dans le roman) et important, car encore inédit à la télévision. Le roman réaborde un passé douloureux français et, dans sa maitrise, démontre combien s’y confronter de nouveau est nécessaire : par bien des points le roman donne l’occasion de reconsidérer l’Histoire à l’échelle d’hommes et de générations précises. Le travail de documentations et d’analyse est si riche qu’il pourrait déjà en l’état faire office d’un travail de bible avancé pour une mini série. Ceci dit, la voie à la création reste aussi ouverte, par exemple en fouillant, pourquoi pas, le virage important que va prendre la police française, l’émergence de celle de 68. Époque jamais traitée au format fictionnel et sériel, le roman, exigeant, se démarque franchement des productions télévisuelles actuelle et peut marquer un tournant déterminant. • QUELQUES MOTS SUR L’AUTEUR Hervé Le Corre a reçu le prix Mystère de la critique en 2010 pour Les coeurs déchiquetés et Après la guerre a déjà reçu le prix Le Point du polar européen et le prix polar Landerneau 2014. Et si c’était un film Entre Hot Fuzz d’Edgar Wright et LadyKillers de Joel et Ethan Coen. Et si c’était une série entre Leverage et Brooklyn Nine-Nine. Traductions disponibles Castillan (Alfaguara). — CONTACT Albin Michel Marie Dormann [email protected] Chargé d’enquêtes non résolues et poussiéreuses, il s’agit pourtant pour chaque membre de l’équipe de reconquérir la brigade du 36. Ecopant de deux affaires de meurtres irrésolues (une vieille dame proprement étranglée chez elle et un marin tué sur terre), armés de peu (un vieux local désaffecté) et de moins bien (des babyphones à la place d’un système d’écoute), les membres de cette nouvelle unité n’en perdent pas pour autant leur sens de l’effort collectif. Sous les ordres de Capestan, les tares des uns deviennent des armes pour les autres. Dans l’ombre de collègues reconnus, ils vont devoir mener ces enquêtes embrassant de grands écarts temporels et qui ne semblent finalement n’en former plus qu’une... Mais que faire quand celle-ci risque de remettre en cause l’efficacité du 36, des hauts placés de la Justice française, et surtout l’innocence de leur propre patron ? • BIENVENUE À LA BRIGADE BANCALE Le charme et le piquant du récit tient dans l’idée de départ, concept atypique : la création d’une brigade constituée des pires éléments de la police. Une équipe de bras cassés finalement assez efficace et surtout 12 13 touchante. Pour cela, l’auteur a travaillé avec approfondissement sur les backstories des personnages et en ponctue habilement le récit, nourrissant la dynamique du groupe, solide et nuancée par une caractérisation des personnages aboutie et bien pensée. Cette équipe de pieds nickelés est entrainante, foisonnante de petits gags et d’émotions fortes, entre mélancolie et tendresse mutuelle parfois mal assumée. • HUMOUR FÉROCE... Le rire est l’ingrédient innovant de ce polar, ce qui est d’ailleurs peu vu en série policière. Cette idée de brigade en marge et cachée du public, vilain petit canard, participe grandement à l’humour du roman : l’équipement qui laisse à désirer, ces vieilles voitures sans gyrophare, l’absence de cellule, les magistrats ne connaissant pas leur brigade, les travaux de tapisserie à mener en même temps que les réunions de debrieffing, l’utilisation des babyphone de Torrez. Autant de petites trouvailles délicieuses, approfondissant le concept de départ. Après tout, pourquoi ne pas imaginer de telles pratiques en ces temps de coupes budgétaires... et les traiter de façons piquantes mais drôles ? Un humour burlesque (de quoi se démarquer du dernier automatisme des séries policières : le cynisme) qui n’oublie pas de prendre du recul sur l’actuel système policier en France, dans la lignée de Platane d’Eric Judor qui décapait par le rire le milieu du cinéma et de la télévision. D’ailleurs les détails (comme l’évocation de ce stand de tir en proche banlieue parisienne) abondent tellement sur les techniques et moyens des policiers de notre pays et sur le quotidien des hommes du 36 qu’on se demande si l’auteure n’a pas un pied dans le milieu... • ... MAIS PAS QUE Au-delà d’un ton toujours drôle et original, le récit arbore des nuances intéressantes, nourrissant son style de plusieurs tonalités, tour à tour pleines de tensions, de remords et de regrets, de tendresses... L’auteure profite de ce groupe de « malgré eux » (rebuts du 36 ayant véritablement existés sous le nom des « anti tout ») pour en décortiquer les cohésions, les dissonances. Se dégage particulièrement le personnage gay Lebreton, touchant car on sent que son exclusion est parfaitement crédible, possible. De son côté, le père débordé, Torrez, fait valser la figure déjà vue de la femme flic forcément mauvaise mère et renverse le point de vue... Autant de contrepoints intelligents et bienvenus. Il y a une certaine maturité dans le portrait qui nous en est donné. D’ailleurs, entre les lignes, l’idée véhiculée est belle et citoyenne : à l’heure de l’exclusion et de l’individualisme, ce groupe persévère dans son humanité et sa cohésion instable mais prometteuse. Ils agissent davantage en citoyens. Ainsi, Sophie Hénaff dépasse son dispositif comique et sa tonalité en marge des polars actuels, pour parler aussi de sujets plus profonds. • UNE SÉRIE RÉCURRENTE EN DEVENIR ? Si on peut peut-être souligner la manière dont ces anciens flics (qui, même si désormais en marge, ont été formé dans le passé comme les autres) mènent leurs enquêtes pas vraiment de la manière la plus vraisemblable possible (ce qui peut être pris comme un style ou rectifié vers plus de réalisme lors d’une réécriture), les dynamiques et les pistes enclenchées ici ouvrent la voie à une série récurrente capable de se renouveler facilement. Ce bon concept de départ et la richesse des personnages sont les clés essentielles pour une adaptation de ce roman en série à plusieurs saisons. En l’état, le roman épousant des temporalités diverses (les enquêtes concernant des faits du début des années 90 à maintenant), des géographies éloignées (de la Floride où est né le fils du supérieur soupçonné à l’appartement parisien miteux de la brigade) et des personnages variés donne déjà une importante matière pour une adaptation série. De belles pistes de découpage et de mises en scène sont déjà brossées (comme la possibilité d’une mise en abime de la vie de cette brigade avec des extraits du feuilleton à succès « Laura Flammes » adapté des livres du lieutenant Rosière qui pourrait devenir un vrai gimmick de la série) et d’autres possibles à exploiter pour déployer le récit sur plusieurs saisons (le lien ambigu avec le supérieur Buron, la reconnaissance à venir vis à vis des magistrats, des médias et pourquoi pas du public, l’étude des moyens et techniques actuels de la police...). D’ailleurs, Sophie Hénaff a déjà annoncé vouloir écrire un nouveau roman sur les enquêtes menées par la brigade de Capestan, affaire à suivre ! • QUELQUES MOTS SUR L’AUTEUR Poulets grillés est le premier roman de Sophie Hénaff, auteure de rubriques sociétales dans Cosmopolitan. BUNKER PARANO • GEORGES-JEAN ARNAUD (FRENCH PULP ÉDITIONS, 2014) 14 15 Depuis le suicide du couple Sanchez, la mairie du XIVe marche sur des œufs pour continuer la procédure d’expropriation de leur immeuble : il ne faudrait pas faire éclater un nouveau scandale. C’est ainsi qu’ils engagent Alice, une assistante sociale au chômage qui est prête à tout pour continuer à se payer ses bouteilles de cognac. Si c’était un film Entre Escalier C de Jean-Charles Tacchella et Delicatessen de Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet. Et si c’était une série Entre Inside Number 9 et Fargo. Format ? Une série récurrente. — CONTACT French Pulp Editions Nathalie Carpentier [email protected] Lorsque le responsable du service municipal lui propose comme mission de s’infiltrer dans l’immeuble pour tenter de calmer les habitants, Alice sent bien que l’affaire n’est pas nette. Dans son enquête, elle va vite être rejointe par Manuel, le jeune journaliste qui a involontairement participé au drame en confondant dans son article les mots « expulsion » et « expropriation ». Sans emploi depuis lors, il veut lui aussi élucider le mystère : pourquoi se donner la mort à l’annonce d’une procédure qui peut durer encore 5 ou 6 ans ? En reprenant l’appartement des suicidés, le binôme se retrouve alors à l’intérieur d’un véritable bunker : les volets sont blindés, tous les voisins armés, et il y a dans chaque appartement des provisions pour tenir un état de siège pendant un ou deux ans. La folie paranoïaque d’un ex-militaire manipulateur régit la vie des autres habitants. Les découvertes inquiétantes vont s’accumuler ! • JUDICIEUX COCKTAIL Dans cette enquête riche en rebondissements, menée par une héroïne à la vision pas toujours très nette (car alcoolique chevronnée), l’auteur balade son lecteur dans un univers aussi cruel qu’absurde mais toujours captivant. Le ton drôle et acerbe n’empêche en rien l’angoisse de monter dans cet immeuble-bunker aux allures de prison dans lequel tout le monde est épié, suspecté et si nécessaire supprimé. Ce polar offre de belles bases pour une série en devenir. Son intrigue haletante est bien articulée et son décor – presque un huis-clos – est déjà très visuel. Les personnages aussi absurdes (comme le voisin Caducci qui construit le temple de Salomon avec des agglomérats de papier journal) que monstrueux (n’auraient-il pas tous fauché le défunt couple?) paraissent tout droit sortis des comédies noires de Jeunet et Caro. Le dénouement, surprenant et très visuel (ce tunnel que l’on découvre), se démarque particulièrement et pourrait même être envisagé comme une piste possible pour une suite. • UNE COMÉDIE NOIRE AUX ALLURES DE HUIS CLOS La grande majorité de l’action de Bunker Parano se déroule dans l’immeuble, ce qui participe fortement au sentiment d’oppression exercé par les habitants sur les nouveaux venus. Bien qu’ils sortent parfois de l’immeuble, cet enfermement rappelle celui d’un huis-clos. L’immeuble est un personnage du livre à part entière, l’intrigue tourne autour de son existence et de son étrange structure barricadée qui devient le mystère à résoudre : pourquoi avoir fait de cet immeuble un bunker ? L’immeuble est donc une unité de lieu très prometteuse pour une adaptation qui pourra développer et décortiquer ce décor, à la manière du château de la série Downtown Abbey ou encore de la prison d’Orange is the new black. À l’intérieur, les habitants s’épient, se protègent ou s’entretuent, créant un microcosme absurde, aussi comique qu’angoissant. Au fond, une certaine image de notre société nous revient : cette tendance de plus en plus forte à se barricader, à se conforter dans l’individualité. Il y a là, par la métaphore de cet immeuble bunker, une certaine analyse de la situation politique actuelle. • UNE MULTITUDE DE PERSONNAGES INTRIGANTS Les habitants de l’immeuble ont tous une part d’ombre et un profil psychologique atypique. Ils peuvent tout à fait donner matière à une série chorale à condition de développer davantage la multitude de personnages secondaires. Tous sont plus ou moins monstrueux (entre racisme, crimes et folie pure). Chacun a quelque chose à cacher – ou à découvrir - et espionne ses voisins pour ne pas se faire devancer. L’héroïne offre l’occasion d’un portrait inédit à la télévision française et un beau rôle à incarner. Entre douce folie et alcoolisme maladif, Alice est une enquêtrice atypique loin des clichés de la femme sexy et futée. Par nature, elle est lucide sur ses nouveaux voisins mais l’alcool vient bien souvent brouiller ses pensées. Sa collaboration avec Manuel, journaliste sans scrupules, donne un duo d’anti-héros original et marquant. La découverte macabre finale, les corps des 15 immigrés tués par les habitants, pourra être aussi bien une chute fracassante pour la série qu’un cliffhanger prometteur, point de départ pour une deuxième saison, avec une toute nouvelle intrigue à l’intérieur de ce bunker mortuaire. • QUELQUES MOTS SUR L’AUTEUR Auteur prolifique (son œuvre se décline sous de nombreux pseudonymes, il a signé plus de 400 romans), GJ Arnaud n’écrit plus depuis 2004 mais a mêlé plusieurs genres de littérature du fantastique au policier. En 1952 il a reçu Le prix Quai des Orfèvres pour Ne tirez pas sur l’inspecteur. Roman Publié initialement en 1982, puis 1991 par COMMANDANT ACHAB • STEPHANE PIATZSZEK ET STEPHANE DOUAY (CASTERMAN, 2013) 16 17 Si c’était un film Entre Hipotesis d’Hernan Goldfrid et Mains armées de Pierre Jolivet. Et si c’était une série entre Secrets and lies et Blacklist. Format ? Une mini série. — CONTACT Castermann Sophie Levie [email protected] Edgar Cohen, surnommé Commandant Achab à cause de sa jambe de bois, connaît la routine, dans son bureau des archives du 36, entre son joint et son chat amorphe. L’arrivée du jeune Karim sous ses ordres réveille de vieux souvenirs : il est le fils du vieil ami qu’Achab a tué, Fath, alors qu’il tentait de s’évader de prison. nuancés dans la lecture des évènements et dans la compréhension des personnages. Entre un ton légèrement piquant et cynique du Commandant Achab, une colère mutuelle refoulée, une suspicion grandissante chez Karim et, malgré tout, une tendresse naissante peu à peu entre l’un et l’autre (Achab pour ce fils qu’il n’a jamais eu, Karim pour ce père de substitution). À ce duo marginal et incongru, une première enquête est confiée autour de la mort d’un député. Malgré les non-dits et les remords, le duo parvient à régler cette première enquête. Mais la mère de Karim, mourante, réclame Achab à son chevet... et lui avoue qu’elle est la conductrice du véhicule qui a écrasé sa jambe, il y a quelques années, pour venger son mari trahi. Le binôme se construit au fil des pages, restant toujours fragile et heureusement. L’idée de créer le doute sur la responsabilité d’Achab concernant le meurtre de Fath, le père de Karim - détenu tentant de s’évader et tué sous les balles de son vieil ami Achab - est très bonne. Elle apporte une tension maintenue, comme une petite bombe toujours bien présente entre les deux coéquipiers. Achab appelle à la méfiance, jusqu’au bout, même si l’on s’attache à lui. Il faut dire qu’il n’a rien pour se défendre : il fume de l’herbe, sa vie sociale est un échec, il est très antipathique au départ (dans la veine d’un Docteur House) et flanche sur bien des aspects, moraux en premiers. L’accusation est blessante mais Achab fera tout pour prouver son innocence : quelqu’un l’a piégé le soir de l’évasion. Il emmène Karim au Havre, à la recherche de l’ex compagnon de cellule de son père, afin de comprendre qui a pu provoquer la malheureuse fusillade... Mais alors qu’ils tentent de négocier quelques informations, des meurtres secouent le Havre, incitant les deux hommes à reformer une équipe pour atteindre celui qu’ils pensent coupable... Croyant pouvoir rapidement se débarrasser de cette affaire, les deux coéquipiers vont constater que celui qui tire les ficelles de ces évènements est directement lié au meurtre du père de Karim. • UN DUO DANS L’OMBRE D’UN MORT Le sel de cette série BD réside dans le tandem entre Karim et le vieil Edgar dit « Commandant Achab ». D’abord parce que ce duo offre deux très beaux rôles, ensuite parce qu’il donne aux intrigues des niveaux • UN VOYAGE DANS L’AUTRE FRANCE Adieu Paris, bonjour la province, celle que l’on voit peu dans les séries, trop dans les téléfilms. Pourtant d’Amiens au Havre, les auteurs donnent à voir des coins sombres de l’hexagone, mais pas sinistres : la lumière éblouissante du Havre cache bien des meurtres liés à de jeunes hermaphrodites. Le territoire français devient un vrai décor, habilement visuel et apportant lui aussi des tonalités variables sur les intrigues, dans la lignée de True Detective. Pour preuve, à Amiens, l’atmosphère n’est pas du tout la même : comme si le climat n’agissait pas seulement sur les douleurs de la jambe amputée d’Achab. • UNE STRUCTURE DÉJÀ SÉRIELLE Une histoire par tome, pour un total de 5 tomes, tel est le schéma de base de la série. Dès le tome 3, une double intrigue naît : en parallèle des crimes à résoudre, l’affaire liant Karim à Achab se révèle, voire se fond dans les premières... En ce sens, la mini série possible pourrait proposer un vrai basculement en mi saison, via un fall final surprenant : le meurtre violent de l’ami Maréchal et ce message direct à l’encontre d’Achab. À partir de là, un nouveau ton est donné, celui de devoir survivre à un tueur qui le traque. Quant aux dessins et aux vignettes, ils sont vecteurs d’une ambiance ambigüe entre entente et méfiance, à l’image des traits ronds des personnages qui viennent s’entrechoquer avec la violence crue et sanguinolente des planches illustrant les meurtres de l’enquête. Un terreau très inspirant. • QUELQUES MOTS SUR L’AUTEUR Ayant aussi travaillé comme scénariste de télévision, Stéphane Piatzszek a toujours aimé le polar, son duo avec Stéphane Douay a été récemment renouvelé sur Neige et Roc. Série de 5 albums publiés de janvier 2013 à octobre 2014. D’abord publiée chez Soleil, la série a été reprise par Casterman, qui détient les droits audiovisuels. ET QU’ADVIENNE LE CHAOS HADRIEN KLENT (LE TRIPODE, 2010) 18 19 Michael Kortat n’aime pas ses collègues, ni ses voisins ni son épouse. D’ailleurs, il déteste l’humanité dans son ensemble et rêve d’être le dernier homme sur Terre. Accessoirement, il vit dans un monde construit comme une superposition de calques contenant chacun entre 40 à 90 personnes et où il suffit d’isoler un calque pour éliminer le reste de l’humanité... ce qu’il découvre lors de ses recherches pour la branche « Identification » de l’entreprise américaine Biometrics Inc. Si c’était un film Entre Matrix de Lana et Andy Wachowski et Repo Men de Miguel Sapochnik. Et si c’était une série entre Flashforward et Person of Interest. Format ? Une mini-série. — CONTACT Le Tripode Frédéric Martin [email protected] Brillant ingénieur de l’entreprise, il est à l’origine d’un programme de reconnaissance des iris qu’il compte utiliser pour ses fins obscures : par le biais des photographies des iris qu’il a recensées, Michael décide de retrouver ceux qui se trouvent sur son calque et de les éliminer. Il entre en contact avec une jeune scientifique londonienne, April, dont les recherches pourraient l’aider à accomplir son rêve destructeur, tandis que Joseph, son homme de main, va parcourir les quatre coins du globe pour tuer les autres personnes de son calque... jusqu’à Vincent, le dernier restant. • UNE ENQUÊTE FUTURISTE VISUELLE Une situation exceptionnelle et une idée scientifique extrêmement visuelle. Si un travail d’adaptation sur la structure narrative est sans doute à faire, le jeu en vaut la chandelle tant la théorie des calques est intelligente. Cette science imaginaire captivante et vraisemblable forme un engrenage maléfique jubilatoire et ce que ce récit dit de notre société en mutation est bien vu et inédit sous ce jour. Ce roman est un « page-turner » - pour évoquer ce genre de livres que l’on peut lire vite et facilement - qui nous embarque dans une aventure incroyable avec des rebondissements qui peuvent servir son adaptation en format sériel, comme autant de petits cliffhangers possibles. L’auteur dépeint une multitude de scènes aux quatre coins du monde en s’amusant à les vider de ses hommes et à nous perdre. Il ne nous donne pas immédiatement les clés et nous laisse avancer. Les déplacements géographiques sont un excellent moteur, et colleraient parfaitement avec la série. Certes cette richesse spatiale est ambitieuse, mais le roman reste ouvert à une production raisonnable : il y a possibilité de réduire le nombre de pays pour en faire une série. • DES PERSONNAGES STIMULANTS Un chercheur misanthrope qui voudrait être le dernier des hommes, un psychanalyste qui lèche les choses pour vérifier qu’elles existent, un tueur à gages qui pratique le relativisme culturel, un dentiste qui raffole des mâchoires de Staline, un comédien déclamant Shakespeare, un magicien qui s’évapore et un couple improvisé qui, dans ce chaos naissant, va tenter de sauver l’humanité. Et qu’advienne le chaos multiplie les rythmes et les histoires. Les personnages sont d’abord construits de façon épisodique, mais ils convergent rapidement lorsque l’intrigue commence à se nouer. L’auteur retrace la vie de Michael Kortat et dès les premières scènes nous sommes fascinés par ce personnage qui a tous les symptômes de la psychopathie. • UN LIVRE COURT, DE BELLES PISTES POUR UNE SÉRIE Ainsi le roman pose le postulat (les quarante premières pages, déroutantes, sèches et impersonnelles, nous plongent immédiatement dans l’univers) que l’humanité est divisée en groupe de 1 à 99 personnes par « calque » et que cette superposition de calques fait l’humanité que nous sommes...offrant une formidable voie pour l’imagination d’une série. Le roman parvient à se plonger dans une science-fiction débridée tout en évitant les écueils du genre. Certes le récit est court, mais fonctionnerait très bien déjà en l’état pour une série car les intrigues et sous-intrigues imbriquées sont séquencées (un chapitre par personnage) et le rythme construit n’en est que plus haletant. L’ouvrage apporte une vraie nouveauté dans le paysage de la série française et n’offre pas nécessairement une adaptation complexe et couteuse pour peu qu’on s’intéresse au principe de base du livre, celui d’une poignée de femmes et d’hommes liés malgré eux, devant tour à tour sauver leur peau, se traquer et s’éviter. • QUELQUES MOTS SUR L’AUTEUR Ecrivain sous pseudonyme, Et qu’advienne le chaos est le premier roman d’Hadrien Klent, sélectionné en 2011 pour le prix Nouvel Obs- Bibli Obs. LE PARTAGE DES TERRES • BERNARD BESSON (ODILE JACOB, 2013) 20 21 Orly, un avion s’enflamme entrainant la plus grande catastrophe en France. Dans cet avion devait être l’ancien Président de la République. Pourtant l’homme est bien vivant : du nom de Noblecourt, il parvient à faire croire aux gardes du corps venus l’attendre qu’il s’en est sorti, alors qu’il n’a jamais été dans l’avion. Mais à peine rentré, Noblecourt est retrouvé pendu chez lui... Fermatown est une officine privée tenue par John Spencer Larivière, un ancien des services secrets, Victoria son épouse et Luc, vraie tête brûlée. Ils sont chargés d’enquêter pour le compte du Président de la République lui-même. Si c’était un film Entre Jeux de pouvoir de Kevin Macdonald et Ocean’s Eleven de Steven Soderbergh. Et si c’était une série entre State of play et Murder in the first. Format ? Une série récurrente. — CONTACT Odile Jacob Pauline Buisson [email protected] Le couple n’a pas le temps de finir les festivités du baptême de leur fils que John doit se rendre en avion présidentiel à Kuala-Lumpur pour comprendre ce qui s’est réellement passé. De leurs côtés, Victoria se fait passer pour une amie de la veuve du président et Luc fait parler d’autres pistes les conduisant vers une redoutable organisation internationale pourvue de moyens considérables qui n’hésitera pas à faire sauter un étage d’une tour de la Défense ou la morgue où le corps de l’ancien président doit subir une autopsie. • LES « TERRES RARES », UN SUJET COMPLÈTEMENT ORIGINAL Immersion en terre inconnue : sous couvert de roman, l’auteur traite de la guerre économique qui se déroule autour des « terres rares » et des métaux indispensables à la fabrication de téléphones portables, écrans plats, ampoules LED… et donc devenus stratégiques. L’Asie a une position dominante puisqu’elle produit la presque totalité de ces métaux. Les « terres rares » sont pour les pays asiatiques ce que le pétrole est aux pays arabes. Les moyens mis en jeu par les « méchants » de l’histoire pour parvenir à leurs fins sont considérables, ce qui rend le récit très riche en rebondissements et en actions, sans occulter les relations humaines décortiquées de sorte à faire émerger des figures de héros comme les séries peuvent en avoir besoin. • UN DUO AU COEUR DE LA MANIPULATION Il y a ici matière à une série télévisée qui saurait utiliser la richesse des nombreux personnages : l’officine et ses trois membres (dont Victoria est sans doute le personnage le plus attachant). Leurs rapports et leurs personnalités permettent de tenir au minimum une saison entière sur cette enquête mais aussi de les conduire sur d’autres aventures. D’ailleurs, John est déjà présent dans le travail de Bernard Besson, héros récurrent, il est très bien construit puisqu’inspiré de l’auteur-lui même : homme de terrain ayant travaillé au sein des RG puis à la DST. La famille Noblecourt est aussi riche en couleurs et une série pourrait en développer certains aspects. • DE LA FRANCE À KUALA LUMPUR Ancrée à Kuala Lumpur, une série permettrait de comprendre les racines de l’intrigue et de saisir l’ampleur des enjeux économiques et politiques que ce roman très documenté révèle. Ces fameux métaux, ce nouvel « or », font partie de notre quotidien sans que nous n’en connaissions les enjeux derrière son commerce et c’est là toute la puissance sur laquelle pourrait se déployer une série. Cependant, cette production peut aussi rester concentrée au sein de notre territoire, puisque la majeure partie de l’action se passe à Paris - même si, sans doute, on perdrait la démesure des manipulations révélées, qui fait aussi le sel de ce roman de fiction et d’investigation. • QUELQUES MOTS SUR L’AUTEUR Avant d’être écrivain, Bernard Besson était homme de terrain : contrôleur honoraire au sein de la police nationale, il a aussi travaillé au sein des RG puis à la DST. MINI LEXIQUE 22 • BACKSTORY La backstory ou background story est un ensemble d’évènements inventés pour une intrigue et la précédant. En général, elle concerne l’historique des personnages ou d’autres éléments qui sont à la base des évènements narrés. Elle permet souvent de mettre en lumière un choix ou une action importante d’un personnage et peut insuffler à la narration une structure entrecroisée, à plusieurs niveaux temporels et plusieurs tonalités (dramatiques, comiques, nostalgiques...) • BIBLE Il s’agit d’un document qui met en place tous les éléments de la future série et qui sera utilisé par tous les auteurs qui seront engagés pour écrire un épisode (ou plusieurs), mais aussi tous les autres intervenants : producteur, réalisateurs, techniciens, acteurs… afin de préserver un maximum de cohérences au sein de la série. • CLIFFHANGER Qu’on pourrait traduire en français par « suspens » ou « accroche », qui désigne un type de fin ouverte visant à créer un fort suspens. On dira qu’il y a cliffhanger quand un récit s’achève avant son dénouement, à un point crucial de l’intrigue, quitte à laisser un personnage dans une situation difficile, voire périlleuse. Ce type de fin, très fréquent dans les séries, implique souvent que le récit en question ait une suite. • FALL FINAL Un épisode fall final permet de conclure une partie de saison avant un break plus ou moins long. Bien souvent, cet épisode de conclusion de mi-saison se termine par un cliffhanger plus important que les autres, afin de donner envie aux téléspectateurs de revenir quelques semaines plus tard pour découvrir la suite de la série. Il est de plus en plus fréquent dans les mini-séries. • GIMMICK Procédé visuel ou scénaristique présent dans chacun des épisodes d’une série (les cartons rangés en fin d’épisodes et la réapparition des victimes dans Cold Case) ou objet fétiche d’un personnage permettant de l’identifier immédiatement (la Peugeot 403 et l’imperméable de Columbo, les post-it de cette figure mystique – biblique ? – dans Dead Like Me). • MINI SÉRIE Une mini-série est une série racontant une histoire en un nombre fini d’épisodes (entre deux et douze), pour une durée totale de trois à douze heures. Ce concept s’affirme depuis 1985 et se situe entre le film et la série. La minisérie peut également être qualifiée de téléfilm à gros budget. • SÉRIE Format surtout vu à la télévision (mais qui croît de façon importante sur le web ces dernières années, sous le terme de « web serie ») mettant en scène une histoire qui s’étale sur une saison complète, voire plus. Un des atouts de la série est de créer un lien de fidélité avec le spectateur, qui doit suivre sur le long terme et par laps de temps bien découpés via les épisodes la narration complète de l’intrigue de la série pour en connaitre son dénouement. Une série peut suivre d’épisode en épisode un même schéma narratif (de temps, de lieux, d’actions, de tons, de montage...) ou le faire varier. Jusqu’à faire de certains épisodes de véritables parenthèses narratives, souvent utilisées pour creuser le portrait d’un ou plusieurs personnages. QUELQUES POLARS DÉJÀ ADAPTÉS Incorruptibles • Elliot Ness — Wire in the blood • Val McDermid — Inspector Morse • Colin Dexter — Smiley’s People • John Le Carré — Wallander • Henning Mankell — Arsène Lupin • Maurice Leblanc — Women’s murder club • James Patterson — Sherlock Holmes • Arthur Conan Doyle — Ikebukuro West Gate Park • Ishida Ira — Banks • Peter Robinson — Cidade dos homens • Paulo Lins — Vidocq — Murdoch mysteries • Maureen Jennings — Millenium • Stieg Larsson — M ry no Hako • Natsuhiko Ky goku — The Case of The Cheminal Syndicate • Bob Kane Bill Finger — Miss Marple Mysteries • Agatha Christie — Il giudice meschino • Mimmo Gangemi — Les enquêtes du Commissaire Maigret • Georges Simenon — Rizzoli and Isles • Tess Gerritsen — The red riding trilogy • David Peace — Pronto • Elmore Leonard — Il comissario Montalbano • Andrea Camilleri — Tyskungen • Camilla Lackberg — XIII • Jean Van Hamme William Vance — Under the dome • Stephen King — Case Histories • Kate Atkinson — Bones • Kathy Reichs — Romanzo Criminale • Giancarlo de Cataldo — Dexter • Jeff Lindsay — The Night Manager • John Le Carré — Thorne • Mark Billingham — Das Parfum, die Geschichte eines Mörders • Patrick Süskind — Sin City • Franck Miller — Commissaire Winter • Ake Edwardson — The Dresden files • Jim Butcher — Cadfael • Ellis Peters — Messiah • Boris Starling — The Ruth Rendell Mysteries • Ruth Rendell — Le sang de la vigne • Jean-Pierre Alaux — Boardwalk Empire • Nelson Johnson — Gomorra • Roberto Saviano — The runaway • Martina Cole —The Firm • John Grisham — The Cuckoo’s Calling • Robert Galbraith… Polars ayant généré : Polars ayant généré des séries : Long métrage et série Françaises, Scandinaves, Américaines, Britanniques, Autres... 23