Le Damné, Episode 8

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Les ManusKrits Katre-Mains
Le Damné : Episode 8
Saul Eman & Gabriel Chocma
©Saul Eman & Gabriel Chocma – Novembre 2004
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MSK Katre-Mains / Le Damné
Saul Eman & Gabriel Chocma
Episode 8
Ludwig se retourna et découvrit Heinrich, le corps encore tremblant, mais debout et bien
campé sur ses jambes.
Portant son attention sur les plaies dont le corps de son frère était parsemé, Ludwig vit le sang
refluer et les lèvres de chaque blessure se refermer. Comment était-ce possible ? Heinrich était
pratiquement mort quelques instants plus tôt !
« Comment te sens-tu ? » demanda-t-il en avançant la main.
Le mouvement n’avait duré qu’une fraction de seconde. Les yeux écarquillés, Ludwig vit la
première phalange de l’un de ses doigts tomber, coupé net par la lame du Guerrier d’Argent. Il ne
l’avait pas même vue sortir du fourreau !
Heinrich semblait se tenir dans la même position qu’auparavant, mais un cimeterre avait fait
son apparition dans sa main, quelques gouttes de sang perlant sur le fil de la lame.
Marmonnant aussitôt une prière, Ludwig cicatrisa instantanément. Les sourcils froncés, il
regardait son frère d’un œil nouveau, à la fois craintif et triste : d’une part parce que pour la première
fois, la vitesse d’une l’attaque l’avait pris au dépourvu, lui, le Guerrier de Palladium, et d’autre part
parce qu’il savait le combat inévitable entre lui et son propre frère.
« Moïra m’a sauvé la vie » murmura Heinrich d’une voie peinée.
« Cette sorcière est l’envoyée de Vor » répliqua Ludwig en levant son Glaive de Justice.
Heinrich se déplaça à la vitesse de l’éclair et trancha l’air à l’endroit exact où s’était trouvé le
visage de Ludwig un instant auparavant. Les terribles blessures du Guerrier d’Argent n’étaient plus
qu’un mauvais souvenir.
« Tu mens ! » cria Heinrich, dont le teint commençait à virer à l’argent.
« Regarde sa poitrine et vois le symbole scarifié sur sa peau ! Il n’y a pas le moindre doute ! »
Ludwig esquiva une nouvelle attaque et recula de quelques pas, de façon à ce que le corps de
la guerrière-moine le sépare de son frère.
Heinrich ne savait plus quoi penser. Pourquoi ? Pourquoi son frère en voulait-il autant à
Moïra ?
Jetant un coup d’œil à la poitrine découverte de la jeune femme, il vit à son tour le singulier
tatouage. Mais Ludwig n’aurait-il pas pu lui-même le tracer ?
Gardant un œil sur le Guerrier de Palladium, Heinrich s’agenouilla et fouilla
précautionneusement l’intérieur de la tunique de la jeune femme. Ses doigts se refermèrent bientôt sur
un pendentif : un Joyau de Damnation !
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Heinrich ferma les yeux, espérant voir le bijou maudit disparu en les rouvrant, mais ses espoirs
furent vains. La pierre de la guerrière-moine avait un éclat orangé, mordu sur son pourtour de stries
noires et blanches en nombres équivalents.
Heinrich se redressa, sa garde momentanément baissée. Puis : « Montre-le à ton tour, Ludwig,
toi qui te prétends mon frère. »
Le Guerrier de Palladium s’exécuta, offrant à la vue de son frère le Joyau battant comme un
cœur contre sa poitrine, accroché par un collier d’acier. Cependant, au contraire de celui de Moïra ou
de celui du Guerrier d’Argent, sa Pierre de Pouvoir était totalement blanche.
« De qui es-tu l’Avatar, Ludwig ? » demanda Heinrich en levant à nouveau son arme.
Ludwig passa sa langue sur ses lèvres desséchées. Son regard passait d’Heinrich à Moïra,
comme l’appelait ce dernier. Que devait-il faire ? Dire la vérité, au risque de perdre définitivement son
jeune frère ?
« Réponds-moi, Ludwig ! » répéta Heinrich d’une voix grave. « De qui es-tu l’Avatar ? »
En réponse, le corps du Guerrier de Palladium s’illumina, et Heinrich dut plisser les yeux,
presque aveuglé.
« Le Moment n’est pas encore venu, Guerrier » déclara Ludwig d’une voix profonde et
empreinte d’une aura divine. Le Lieu de l’Affrontement n’est pas celui-ci, dit-il en montrant de la
main les landes désolées alentours.
« Je ne veux pas te combattre, Ludwig ! » cria Heinrich.
Une voix féminine à bout de souffle lui répondit : « Tu ne peux te soustraire à ta destinée… »
Heinrich se retourna. En un éclair, il avait repris son apparence habituelle, et se précipitait vers
le corps de la guerrière-moine, toujours allongée mais dressée à présent sur un coude. Son visage
reprenait peu à peu des couleurs.
L’aidant à se relever, il constata avec stupeur que le joyau de la jeune femme était un mélange
chaotique de noir et de blanc, l’orange ayant cette fois totalement disparu de sa surface.
Machinalement, il baissa les yeux sur son propre pendentif : les stries de Pouvoir d’Arglakkar
n’avaient pas encore percé ses propres défenses…
Ludwig les avait rejoints, son Glaive de Justice à nouveau glissé dans son fourreau entre ses
omoplates. Il aidait à présent Heinrich à soutenir la guerrière-moine.
Celle-ci tourna ses yeux clairs vers le Guerrier de Palladium : « Je ne suis pas votre ennemie,
Ludwig, malgré ce signe gravé dans ma chair… Ni celle de votre frère. Si je suis là, à vos côtés, c’est
pour vous aider à faire ce qui doit être fait… »
Les yeux de Ludwig rencontrèrent ceux d’Heinrich. Comme lui, il ne comprenait pas.
« Que veux-tu dire ? » demanda Ludwig.
« Emmenez-moi… » La guerrière désigna du menton le Portail scintillant au loin.
« … avec vous, là-bas…
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— Impossible ! », rugit Ludwig. « C’est là que réside le pouvoir d’Arglakkar. La volonté
d’Heinrich, malgré toute sa force et vos sortilèges, lui cédera entièrement, le Portail à peine franchi…
— Je vous en prie, guerrier…
La jeune femme posa la main sur celle de Ludwig, aussitôt apaisé par ce contact.
Heinrich ne voyait pas non plus où elle voulait en venir. N’était-il point dangereux de
l’amener là-bas ? Lui seul devait franchir la septième et dernière Porte. Lui seul devait courir le risque
de tenter de détruire le Dieu du Mal.
A nouveau, comme si elle avait lu son esprit aussi facilement que les pages d’un livre, la jeune
femme lui sourit et lui dit d’une voix douce : « La destruction, Heinrich, n’est pas la victoire. Vaincre,
c’est faire en sorte que plus jamais pareil conflit ne se reproduise… »
Les deux frères se regardèrent à nouveau, hochèrent la tête, puis aidèrent la guerrière à
franchir avec eux les derniers mètres les séparant du Portail.
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