Un an dans une école libanaise

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Un an dans une école libanaise
Un an dans une école libanaise
Tous les deux professeurs des écoles en France, nous sommes partis un an comme volontaires DCC
(Délégation Catholique pour la Coopération) pour enseigner le français dans une école libanaise. Cette
expérience a été très enrichissante pour nous tant sur le plan professionnel que personnel. Aussi, nous
voudrions vous partager ce que nous avons vécu dans notre école ainsi que notre regard sur le système
éducatif libanais.
1/ Notre mission
Nous avons travaillé à l’école Notre-Dame des Grâces à Kfarchima, dans la banlieue sud de Beyrouth.
C’est une école laïque d’inspiration chrétienne. En effet, le directeur et fondateur de cette école est un
prêtre maronite : le Père Maroun Zogheib. Dans cette école fondée en 1999, sont accueillis des élèves
chrétiens (1/3) et musulmans (2/3) à majorité chiite (puisque proches de la banlieue sud), de la maternelle
jusqu’au lycée.
On peut dire que c’est une « école de la paix » car elle réunit différentes confessions religieuses, y compris
dans le personnel de direction et d’enseignement. Par exemple, le directeur adjoint est chiite, le surveillant
général sunnite, le comptable est prêtre maronite, la responsable de la section anglophone est druze
(sagesse musulmane) et celle de la section francophone est grecque-orthodoxe.
Au départ, nous devions enseigner le français uniquement à l’oral. A la rentrée, d’autres besoins sont
apparus et nous avons donc enseigné tous les deux le français (oral et écrit) à des élèves d’EB2 (CE1)
jusqu’à la classe d’EB6 (6e), à raison de 25h de cours par semaine pour chacun.
Agnès a enseigné auprès de :
- 12 élèves de GS (Grande section)
- 7 élèves d’EB2 (équivalent CE1)
- 14 élèves d’EB3 (CE2)
- 14 élèves d’EB6 (6e) à mi-temps avec
Guillaume
Guillaume a enseigné auprès de :
- 5 élèves d’EB4 (équivalent du CM1),
- 14 élèves d’EB5 (CM2)
- 14 élèves d’EB6 (6e) à mi-temps avec Agnès
- 8 élèves d’EB1 (CP) pour l’expression orale
Les faibles effectifs s’expliquent par le fait qu’il y a moins d’élèves en section francophone qu’en section
anglophone et qu’il ne peut y avoir plusieurs niveaux dans une même classe. D’autre part, l’école de
Kfarchima n’a que dix ans et est en cours de développement.
Le collège Notre-Dame des Grâces
situé sur une colline proche de l’aéroport de Beyrouth.
Depuis le 1er étage, on a un beau panorama sur la ville de
Beyrouth et de sa banlieue. Dans la cour, les bus de l’école.
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2/ Notre regard sur le système éducatif libanais
2.1. L’enseignement, priorité numéro un des parents libanais.
Lors de la première rencontre parents/professeurs, voici ce que disait le Père Maroun aux parents : « la
première école, c’est la famille ». Cette phrase rappelle à quel point l’éducation est un vrai souci des
parents libanais.
Et il est vrai qu’ici, tout le monde s’accorde à dire que l’enseignement est la priorité numéro un. En effet,
les libanais ont très vite compris que pour s’en sortir, il fallait avoir un bon niveau d’éducation. Obtenir un
diplôme, c’est un gage de réussite. Dans les conversations que nous avons pu avoir, les libanais sont
souvent très fiers de dire que leur fils/fille a un diplôme de doctorat, d’ingénieur…
Pour cela, les familles sont prêtes à dépenser beaucoup d’argent et à sacrifier une bonne partie de leur
salaire pour avoir la meilleure école pour leurs enfants. De nombreux parents prennent en complément
des cours de soutien scolaire. Il y a donc une très forte pression scolaire et les enfants doivent beaucoup
travailler personnellement.
2.2. Aller à l’école, c’est développer la paix et la citoyenneté
Nous avons été marqués par le fait que les libanais accordent de l’importance à l’école comme facteur de
paix et de citoyenneté. Dans un contexte politique et religieux compliqué, l’école au Liban est perçue
comme le moyen de dépasser le confessionnalisme, de développer le patriotisme pour que chacun puisse
construire son propre avenir et celui du pays.
Un exemple :
7h30, chaque lundi matin : les 600 élèves chantent l’hymne national libanais
2.3. Trois types d’écoles au Liban
1. Les écoles officielles
Financement
Répartition du
nombre d’élèves
libanais
Données de 2007-2008
gratuites
(écoles financées
directement par l’Etat
libanais)
33%
2. Les écoles privées
« conventionnées »
gratuites
(écoles recevant des
subventions de l’Etat
libanais)
14%
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3. Les écoles privées
« non conventionnées »
Non gratuites
(écoles financées par les
parents)
53%
La majorité des écoles libanaises (53%) sont des écoles privées « non conventionnées », c’est-à-dire
financées exclusivement par les parents. C’est le cas de l’école Notre-Dame des Grâces dans laquelle nous
travaillions. Ces écoles sont très autonomes et le contrôle de l’Etat sur les écoles est quasi-inexistant (pas
d’inspection).
Quand ils en ont la possibilité, les parents essaient de mettre leurs enfants dans les écoles privées car la
qualité de l’enseignement est supérieure à celle des écoles officielles, d’après ce que disent les libanais. Les
résultats d’une évaluation diagnostique des écoles du Liban, lors de l’année 2008-2009 confirment ce
constat.
« Le tableau ci-dessous indique que les élèves issus des classes sociales les plus défavorisées obtiennent
toutefois de meilleurs résultats lorsqu’ils se trouvent dans des écoles privées payantes, comparativement à
ceux qui se trouvent dans des écoles publiques ou privées subventionnées.
Les analyses montrent aussi que le statut (public, privé) de l’école contribue nettement plus que le niveau
socioéconomique des élèves à marquer les différences dans les acquisitions scolaires. Ainsi, l’effet du milieu
socioéconomique de l’élève est moins important que l’effet du statut de l’école sur les résultats scolaires.
Seulement 20% des élèves des couches sociales les plus défavorisées vont dans des écoles payantes. Cette
proportion s’élève respectivement à 40% pour les élèves de classe moyenne et 80% pour les élèves de milieu
favorisé. Le coût de la scolarité est très élevé pour les familles et semble reproduire les inégalités sociales
puisque ce sont les élèves les plus favorisés qui ont accès aux écoles privées et donc à un meilleur
enseignement. »
Source : http://www.confemen.org/3133/pasec-evaluation-diagnostique-du-systeme-educatif-au-liban/
2.4. De nombreuses écoles confessionnelles
La grande majorité des écoles privées sont tenues par des congrégations religieuses : les jésuites, les
antonins, les capucins, les frères lassaliens etc…
Il existe également des écoles musulmanes. Aussi, beaucoup de parents musulmans confient leur enfant
aux écoles chrétiennes, car selon eux, une bonne éducation y est dispensée.
Statue de Marie à l’entrée d’une école
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2.5. Coût de la scolarité
Ici, on peut dire que chaque école ressemble au portefeuille des parents. Dans les écoles privées, on trouve
donc de tout : des établissements avec peu de moyens et d’autres aux moyens démesurés.
Le coût de la scolarité dans les écoles privées est très élevé. D’une école à l’autre, cela peut aller de 750
euros à 4000 euros par an et par enfant.
Nous avons pu visiter plusieurs écoles privées au Liban, dont l’école Notre-Dame de Jamhour (école des
jésuites qui forme l’élite du pays) ou encore l’école internationale « Sabis ». Outre la grandeur des
bâtiments et le niveau d’équipement (informatique et sportif), ce qui nous a épatés, c’est la grande
professionnalisation de l’enseignement. A titre d’exemple, à l’école « Sabis », les manuels des élèves sont
conçus par les enseignants et édités par l’école.
2.6. L’organisation des écoles libanaises
L’organisation actuelle des écoles libanaises a été très influencée par les écoles des pères jésuites,
présentes au Liban depuis la moitié du XIXe siècle. Cela explique notamment l’organisation des classes
par niveaux et le fonctionnement « collège/lycée » dès l’âge de 7 ans. A chaque période, les élèves ont un
professeur qui change.
D’autre part, il ne peut y avoir plusieurs niveaux dans la même classe. Ici, c’est inenvisageable.
Nos collègues professeurs libanais ont été très surpris d’apprendre qu’en France, nous pouvions avoir des
élèves de différents niveaux dans la même classe (CE1-CE2, CM1-CM2…).
Le système libanais a puisé également dans le système canadien, notamment dans l’organisation des
cycles. Voici une comparaison du système éducatif libanais et celui du système français :
Système libanais
Préscolaires
Ecole maternelle
Collège
Cycle 1
primaire
Cycle 2
complémentaire
Cycle 3
Lycée
Système français
PS
MS
GS
EB1
EB2
EB3
EB4
EB5
EB6
EB7
EB8
EB9
2nde
1ère
Tale
PS
MS
GS
CP
CE1
CE2
CM1
CM2
6e
5e
4e
3e
2nde
1ère
Tale
Cycle 1
Ecole maternelle
Cycle 2
Ecole primaire
Cycle 3
Cycle d’adaptation
Cycle central
Collège
Cycle d’orientation
Lycée
EB = Enseignement de Base
→ Des élèves trilingues
De très nombreuses écoles libanaises proposent aux enfants d’être trilingues : arabe, français et anglais.
Toutes les écoles enseignent la langue arabe littéraire qui se distingue du dialecte arabe libanais. Celui-ci
ne fait pas l’objet d’enseignement à l’école, c’est simplement la langue que tout le monde parle mais
n’écrit pas. Pour l’arabe littéraire, c’est l’inverse : il s’écrit mais se parle peu. Il est très difficile à maîtriser
car il y a de très nombreuses règles et exceptions à intégrer.
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Pour ce qui est de l’anglais et du français, on retrouve généralement deux sections dans chaque école
libanaise : une section anglophone et une section francophone.
Section anglophone
Section francophone
1ère langue
Arabe littéraire
Arabe littéraire
2e langue
Anglais
comme langue d’enseignement
en anglais, sciences
et mathématiques
Français
comme langue étrangère (FLE)
Français
comme langue d’enseignement
en français, sciences
et mathématiques
Anglais
comme langue étrangère
3e langue
C’est sans doute l’une des choses qui nous a le plus impressionnés : voir des élèves trilingues.
Cela se ressent aussi au quotidien, car on passe très facilement du français, à l’arabe puis à l’anglais dans
une même conversation.
Bien que le français soit très implanté dans les écoles libanaises (en raison de la forte présence française,
liée notamment au protectorat du Liban par la France de 1925 à 1943), beaucoup d’élèves choisissent la
section anglophone au détriment de la section francophone. Dans notre école, presque deux tiers des
élèves étaient en section anglophone et un peu plus d’un tiers en section francophone. La facilité de
l’apprentissage de l’anglais et le fait qu’elle soit la langue du « business » y jouent pour beaucoup.
Malgré cela, le français est loin d’être en déclin. Les neuf instituts français du Liban sont très dynamiques
pour développer la francophonie et travaillent beaucoup en partenariat avec les écoles libanaises.
Obtenir le label CELF (Certification de l’Enseignement en Langue Française) ou encore mieux une
homologation de l’Ambassade de France est un vrai plus pour un établissement scolaire libanais.
Elève d’EB5 (CM2) qui conte à l’occasion du festival du
conte de Deir el Qamar, mars 2013
Rallye lecture pour les élèves d’EB5 (CM2) à l’Institut
français de Deir el Qamar, avril 2013
Enfin, le trilinguisme est présenté ici comme une vraie chance et une opportunité pour travailler
facilement à l’étranger, argument auquel de nombreux libanais sont sensibles. Un exemple ci-dessous,
l’affiche de l’Institut français pour les cours de français :
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→ L’organisation de l’année scolaire
L’organisation de l’année scolaire dépend de chaque école. En général, elle commence à partir de miseptembre pour les lycéens, fin septembre pour les collégiens (EB1 → EB9) et début octobre pour les
préscolaires. L’année se termine à partir de mi-juin, les préscolaires terminant en premier et les lycéens en
dernier (fin juin).
L’année scolaire libanaise est donc très concentrée puisque cela fait environ 36 semaines d’école (comme
en France) et trois mois de vacances d’été pour les élèves libanais. Cette longue période est liée aux fortes
températures qui ne permettent pas d’assurer convenablement les cours. Si dans l’année, les vacances
scolaires sont moins longues qu’en France (pas de vacances d’hiver), il y a néanmoins de nombreux jours
fériés liés aux fêtes nationales et aux fêtes religieuses (chrétiennes comme musulmanes).
L’année est ponctuée de nombreuses périodes d’examens, qui peuvent commencer dès l’âge de 9 ans
(EB4=CM1), voire dans certaines écoles dès la classe d’EB1 (CP). Ces semaines d’examens ont lieu à chaque
fin de trimestre (mi-décembre, mi-mars et mi-juin). Lors de ces périodes, il n’y a plus cours et les enfants
ont souvent des journées de « retraite » qui leur permettent d’effectuer leur révision.
→ L’organisation des cours
L’école démarre tôt pour les élèves libanais. Elle commence généralement entre 7h30 et 8h pour se
terminer entre 13h30 et 15h pour certaines écoles. Dans notre école, l’école débutait à 7h30, avec deux
récréations de 15 min à 10h30 et 12h30 et se terminait à 14h30. A partir de fin mai, l’école se terminait à
13h en raison des fortes chaleurs. Les élèves prennent leur repas à la maison après l’école, souvent entre
15h et 16h.
Il y cinq jours d’école : du lundi au vendredi. La plupart des écoles libanaises organise les journées des
élèves en six ou sept périodes de 55 min. Cela revient donc à des semaines de 35 périodes, soit 32h de
cours par semaine, et ce dès les préscolaires. Les lycéens reviennent parfois le samedi matin pour passer
des examens.
A la maison, les élèves libanais ont souvent de 1h30 à 2h de devoirs écrits. Beaucoup prennent des cours
de soutien scolaire. Si l’élève n’a pas fait ses devoirs, l’enseignant lui en rajoute pour le jour suivant.
→ Une organisation plutôt « pyramidale »
Au Liban, l’organisation des écoles est très hiérarchique. Presque toutes les décisions sont prises par le
directeur et sont relayées par les coordinateurs. Si cela crée une cohésion au sein de l’école, elles peuvent
néanmoins brider l’esprit d’initiative.
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Quelques exemples : si un professeur écrit un mot aux parents, celui-ci doit être avisé par le coordinateur
de cycle. Pour faire une photocopie, le professeur doit la remettre trois jours avant au coordinateur qui le
transmettra à la personne chargée de le faire. Les préparations de cours peuvent être contrôlées par un
coordinateur. Evidemment, en pratique, il y a plus de souplesse car devient vite une usine à gaz.
→ Un enseignant par discipline
Les enseignants libanais font environ entre 24h et 30h de cours par semaine. Et parmi eux, beaucoup
donnent des cours particuliers complémentaires après l’école afin de gagner leur vie (les salaires ne sont
pas très élevés au Liban).
Comme il est dit plus haut, il y a un enseignant par discipline dès la classe d’EB1 (CP). A chaque nouvelle
période (toutes les 55 min), les élèves changent de professeur. Ce système a des avantages et des
inconvénients.
Avantages :
- Les professeurs connaissent bien leur discipline, leur matière à enseigner. Ils ont une vue
d’ensemble des apprentissages puisqu’ils enseignent sur plusieurs niveaux.
- Les élèves de primaire bénéficient dès la classe d’EB1 (CP) des compétences d’un professeur de
sport, de musique, d’arts, d’informatique. A titre d’exemple, en informatique, les élèves
commencent à maîtriser très tôt le logiciel Word et même le logiciel Excel. Aussi, nous avons été
épatés par la qualité des productions des élèves en arts. Dès leur plus jeune âge, ils acquièrent une
bonne technique de dessin.
Productions d’élèves en arts
Inconvénients :
- Pour les élèves, particulièrement ceux du primaire, ces changements réguliers de professeurs sont
déstabilisants. Au niveau de la discipline, les élèves doivent donc se réadapter à chaque fois à leurs
professeurs qui n’ont pas forcément les mêmes exigences. Même si ce sont les professeurs qui
changent de classe en primaire, les intercours sont souvent très bruyants.
- Les élèves n’acquièrent pas forcément de méthodologie. Un exemple : les élèves ont des cartables
très lourds car ils emmènent tous leurs livres à la maison (de crainte d’en oublier). Lors de leurs
séances, les professeurs ne prennent pas toujours le temps d’apprendre à faire leur cartable.
Pour parer à cet inconvénient, certaines écoles, comme celle des jésuites, recrutent des professeurs
bivalents (enseignent deux matières) pour les classes du primaire (EB1 à EB6). Cela évite trop de
changements de professeurs en primaire.
Alors qu’en France, nous sommes des professeurs polyvalents (nous enseignons dans pas moins de dix
matières : français, mathématiques, sciences, histoire, géographie, instruction civique, musique, arts,
informatique, sport, anglais), cette année nous avons pu tester la monovalence, c’est-à-dire
l’enseignement d’une seule matière : le français.
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Nous avons beaucoup apprécié le fait de n’enseigner que le français. Cela nous a permis de mieux nous
pencher sur la didactique, sur la progressivité des apprentissages sur plusieurs niveaux, chose à laquelle
nous manquons en France en raison de notre polyvalence. Pour chaque niveau, nous avions entre 9h et
10h de cours par semaine. Nous avons travaillé sur ces différentes compétences : la lecture (à voix haute,
la compréhension de l’écrit, la lecture personnelle & la littérature), l’expression orale et écrite, la
connaissance de la langue (grammaire-conjugaison), l’orthographe-dictée et la compréhension orale.
Cette dernière a été une chose nouvelle pour nous car nous ne faisons pas de compréhension orale en
France. Nous faisions écouter des enregistrements sonores ou vidéo et soumettions des questions de
compréhension aux élèves libanais.
Une autre découverte : enseigner le français aux élèves de 6e. On voit bien que ce ne sont pas les mêmes
façons de faire qu’avec les enfants du primaire. Notre principale difficulté aura été de faire cours avec un
manuel inadapté.
→ Une double coordination
Le fonctionnement « collège/lycée » de l’école (un enseignant par discipline) requière une certaine
coordination. Ainsi, dans chaque école libanaise, il y a système de double coordination :
1) Une coordination par discipline (coordination « verticale »)
2) Une coordination de cycle (coordination « horizontale)
La coordination de discipline est assurée par un des professeurs de l’école ou quelqu’un extérieur de
l’école (souvent un universitaire). Cette personne coordonne l’enseignement d’une matière sur
l’ensemble de l’école (EB1 jusqu’à la terminale). Chaque semaine, elle rencontre les professeurs pour
évoquer la progression des apprentissages, la façon de mener des séances, pour relire les sujets
d’examen…. Elle a donc un regard « vertical » sur l’ensemble d’une matière.
La coordination de cycle est assurée également par un des professeurs de l’école. Cette personne
est chargée du suivi des élèves sur un cycle (sur trois niveaux), de la discipline, des rencontres avec les
parents.
Les professeurs qui se voient confier cette mission de coordination ont du temps dégagé pour cela. Cette
mission est aussi reconnue financièrement.
Dans certaines écoles privées du Liban, les coordinateurs ont parfois un rôle très poussé. Certains vont
jusqu’à préparer tous les cours de leurs professeurs. Ceux-ci n’ayant plus qu’à suivre la trame qui leur a été
préparée à l’avance. Cela est sans aucun doute excessif car il limite la liberté et la responsabilité
pédagogiques de l’enseignant.
De notre côté, nous avons apprécié le travail avec la coordinatrice de français que nous rencontrions
chaque semaine. Cela nous a permis d’avoir un regard extérieur sur notre travail, de se poser sur la
didactique du français, d’échanger sur nos pratiques d’enseignement, de relire nos sujets d’examens…
2.7. Comportement des élèves
Si en France, il nous faut souvent solliciter les élèves pour qu’ils participent…autant dire qu’au Liban, c’est
l’inverse : il faut leur apprendre à s’écouter et à se donner le tour de parole car tous veulent participer. Les
élèves libanais sont très actifs et bruyants en classe. Il faut savoir canaliser leur énergie. Il faut dire que les
enfants libanais sortent peu de chez eux car ils ont peu d’endroits à part l’école où ils peuvent se défouler
(peu d’équipements sportifs, d’espaces verts…).
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2.8. Une pédagogie de type transmissif
De ce que nous avons pu constater dans notre école, la pédagogie est plutôt de type transmissif. S’il n’y a
pas beaucoup d’interactions entre les élèves et les professeurs, on peut dire que l’enseignement est bien
structuré et les apprentissages font l’objet d’une bonne systématisation (beaucoup de « par cœur »).
2.9. Un système qui vise l’excellence
Les exigences scolaires au Liban sont très élevées. De nombreux élèves sortent avec un très bon niveau.
Cela explique sans doute que l’on voit tant de libanais réussir à l’étranger (chercheurs, chirurgiens,
ingénieurs…).
En mathématiques par exemple, pour le même nombre d’heures qu’en France au primaire, soit 5h par
semaine, nous avons pu constater que les exigences étaient plus élevées. Quelques exemples :
- Les élèves connaissant leur table d’addition et de multiplication dès la classe d’EB2 (CE1)
- Les équivalences de fractions sont étudiées dès la classe d’EB4 (CM1) (11/5 = 55/25)
Un professeur de mathématiques de l’école, qui s’est rendu en France au mois d’avril dans le cadre d’un
échange France-Liban, nous a fait part de sa surprise de voir les écarts d’exigences en mathématiques
entre les élèves français et libanais.
En sciences, nous avons trouvé que les manuels utilisés à l’école « Je joue, je découvre » étaient de bonne
qualité. La réflexion et les connaissances y sont assez poussées.
En français, le programme libanais de français suit le programme français de français. Les professeurs
libanais accordent beaucoup d’importance à l’apprentissage du vocabulaire (notamment au champ
lexical). On a d’ailleurs été surpris de voir que certains élèves libanais possédaient un meilleur vocabulaire
que celui de nos élèves français.
Nous avons pu également mesurer leur facilité à acquérir la grammaire française. Beaucoup d’entre eux
savent repérer très vite les différentes natures et fonctions d’un mot ou groupe de mots. Cette
gymnastique d’esprit est sans doute facilitée par l’apprentissage des trois langues. Un autre exemple :
l’usage du Bescherelle (passé un peu de mode en France). Nos élèves étaient fiers de nous montrer leur
Bescherelle de conjugaison qu’ils utilisent en classe ou à la maison.
Ce qui pose le plus de difficultés à aux élèves libanais en français, c’est l’expression orale, l’expression
écrite et la lecture. La plupart ne sont pas habitués à lire chez eux. A l’oral, beaucoup avaient des
difficultés à s’exprimer, à construire des phrases correctes. Cela s’explique par le fait qu’à la maison, les
parents ne parlent pas beaucoup français, voire pas du tout. D’autres, venant d’autres écoles, n’avaient
pas reçu un bon enseignement. Dans nos cours, nous avons essayé de bien développer l’oral, les échanges
afin que les élèves puissent parler davantage.
Ici, le travail des élèves fait l’objet d’une notation très fréquente. Outres les examens trimestriels, il y a
des notes à rendre tous les mois. Pour des professeurs libanais, la réussite c’est avoir 10/20 ou plus. Pour
nous français, c’est plutôt au minimum 12/20.
Aussi, on valorise beaucoup les premiers de la classe. Un exemple : à la fin de l’année, les élèves qui ont eu
plus de 16/20 dans l’année reçoivent un diplôme et sont même dispensés de l’examen du 3e trimestre.
2.10. La faible prise en charge des élèves en difficulté
Enfin, nous avons été frappés par la faible prise en charge des élèves en difficulté. Certains de nos élèves
avaient de sérieuses difficultés scolaires (illettrisme, problèmes de dyslexie…) mais n’avaient fait l’objet
d’aucun suivi. Quand on en faisait part à nos collègues, les professeurs en restaient souvent au constat
d’échec sans forcément chercher les solutions à mettre en œuvre pour y remédier.
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En discutant avec d’autres volontaires, on a pu constater qu’en général dans les écoles libanaises, la prise
en charge des élèves en difficulté était loin d’être aussi bien ancrée que la culture d’excellence scolaire.
3/ Qu’allons-nous retenir de cette expérience ?
Nous retiendrons tout d’abord tous ces visages, la bonne ambiance qu’il régnait dans notre école. Nous
avons été très bien accueillis par les professeurs et avons été heureux d’échanger avec eux (en français ou
en anglais) sur l’enseignement en France et au Liban. Avec certains, nous avons pu tisser de vrais liens
amicaux. Nous avons aimé les élèves libanais : même s’ils sont fatigants, ils sont très attachants. Nous
avons été heureux de leur faire partager le goût du français et un peu de notre culture bretonne.
Cette coopération nous a permis de découvrir un autre système éducatif qui vise l’excellence et dont les
enfants sortent quasiment trilingues. Elle nous a aussi appris qu’il n’y a pas de système parfait. De cette
expérience, nous aurons sûrement mûri notre réflexion sur l’enseignement du français et beaucoup appris
du travail de coordination.
Travail sur les Schtroumpfs avec les EB2 (CE1)
Sortie scolaire à Notre-Dame d’Harissa avec les EB3 (CE2)
Journée à la neige pour le cycle 1, mars 2013
Découverte des portraits des élèves français dans le cadre
d’un échange avec la classe de CM2 de Servon sur Vilaine
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Célébration de fin
d’année à l’école
par le père Maroun,
directeur-fondateur
Remise des diplômes aux
élèves de maternelle (GS)
Au spectacle de l’école, fin mai…
Danse sur les planètes avec les EB2 (CE1)
Danse bretonne pour les EB5 (CM2)
Grande cérémonie pour la remise des diplômes de GS !
Photos souvenirs avec les EB2 et EB3 (CE1 et CE2)…
...et avec les EB4 et EB5 (CM1 et CM2)
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