Cachexie et sarcopénie
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Cachexie et sarcopénie
N 271-EXE_Mise en page 1 16/11/12 09:36 Page10 SYNTHÈSE Cachexie et sarcopénie Les ennemies de la maladie chronique rénale (MRC) et de l’âge Chez l’Homme le sujet est devenu si important que le Journal de la Cachexie, de la Sarcopénie et des Muscles est publié trimestriellement depuis 2010. La perte musculaire fait partie des aléas liés à l’âge, qui n’est pas une fatalité et doit être évaluée régulièrement pour être prévenue. Chez le Chat âgé, la perte de poids est parfois l’unique indice d’un dysfonctionnement rénal, avec des paramètres biochimiques dans les valeurs usuelles. Cependant, la perte de poids global n’est pas un paramètre fiable puisqu’elle ne reflète pas la perte en masse musculaire maigre, qui caractérise la cachexie et commence souvent précocement, dans les cancers et autres maladies chroniques. Pr Lisa Freeman PhD, DVM, BS Department of Clinical SciencesNutrition Tufts University School of Veterinary Medicine USA L’insuffisance rénale chronique (lésions histologiques à droite) est la cause principale de décès des chats âgés. Avantages de l’embonpoint Comme chez l’Homme atteint d’insuffisance cardiaque, les chats (et les chiens) maigres, atteints de cardiomyopathies congestives, ont une espérance de vie beaucoup plus courte que ceux ayant maintenu ou gagné du poids. La localisation de la fonte musculaire est assez typique de la maladie chronique sous-jacente. Ainsi pour les atteintes cardiaques, ce sont surtout les masses musculaires épiaxiale et lombaire qui sont diminuées. Pour 91 % des chats atteints de cancer, la masse musculaire maigre est diminuée, et les chats dont le Body Condition Score (BSC) est inférieur à 5 ont une espérance de vie significativement moindre. Un surpoids modéré (!) chez le chat âgé est gage de longévité. Le paradoxe de l’obésité -mieux vaut faire envie que pitiéfonctionne également sur la maladie rénale chronique, où, chez l’Homme comme chez le chat et le chien, les individus en surpoids modéré ont une meilleure espérance de vie. Évaluation de la condition musculaire La sarcopénie est une forme de cachexie qui survient en l’absence de pathologie sous-jacente, principalement avec l’âge, par défaut d’activité physique, avec une fonte musculaire le plus souvent compensée par une surcharge graisseuse, le poids corporel pouvant rester remarquablement égal. En médecine humaine, c’est lorsque le patient passe un CAT-Scan de contrôle qu’on le visualise particulièrement bien. Cela s’accompagne d’une faiblesse musculaire, qui est vraisemblablement présente chez le Chat âgé, et joue dans les difficultés motrices liées à l’arthrose. Le dépistage et la reconnaissance de la sarcopénie est possible en établissant non seulement le BSC mais également le Muscle Score Condition (MSC). Des études préliminaires réalisées sur des chiens atteints de maladie rénale chronique ont montré que les chiens maigres au moment du diagnostic vivent moins longtemps que les chiens présentant de l’embonpoint. D’où l’intérêt de noter le BSC ainsi que le MSC lors de l’évaluation du stade IRIS de la MRC chez le Chat. Contre l’inflammation, le sport ! Les hypothèses physiopathologiques conduisant à la sarcopénie puis à la cachexie sont une augmentation des besoins énergétiques, une diminution de l’absorption des nutriments, une diminution de l’apport énergétique (due à un dysfonctionnement de neuromédiateurs orexigènes et anorexigènes) et des altérations métaboliques (avec Les oméga 3 contenus dans l’huile de poisson sont une piste pour prévenir cachexie et sarcopénie. N°271 du 22 au 28 novembre 2012 10 N 271-EXE_Mise en page 1 16/11/12 09:35 Page11 Chat ) notamment les effets délétères des cytokines inflammatoires, ou du TNF, facteur de croissance tumorale). Des pistes thérapeutiques sont donc possibles pour enrayer et prévenir la sarcopénie et la cachexie avec la ghreline (qui est un ligand endogène de l’hormone de croissance, sécrété au niveau stomacal, à fonction orexigène), ainsi que les oméga-3 dont on connaît les propriétés de modulation des cytokines et du TNF, grâce aux acides eicosapentaénoïque (EPA) et docosahexaénoïque (DHA), dont un apport respectif de 40 et 25 mg / kg et par jour, dans de l’huile de poisson, serait idéal. Le catabolisme protéique est augmenté par la myostatine, particulièrement abondante chez les modèles animaux souffrant de cardiopathies congestives, et diminué par l’exercice physique, le meilleur antidote contre la cachexie et la sarcopénie. D’autres pistes thérapeutiques avec des antagonistes de la myostatine, des agonistes de la ghreline sont à l’étude en médecine humaine, qui pourraient avoir des applications vétérinaires. La sarcopénie n’est pas une fatalité En pratique, Lisa Freeman recommande une palpation soigneuse de la masse musculaire thoracique, dorsale et lombaire pour établir le MSC, un chat obèse pouvant être sarcopénique. Elle recommande un BSC de 6 à 7 (sur l’échelle de 9) pour les animaux présentant des maladies chroniques (rénales, cardiaques, cancéreuses), sans bien sûr tomber dans l’obésité (> 7) qui reste délétère. L’anorexie étant la première cause de consultation et de demande d’euthanasie chez l’animal âgé atteint d’une maladie chronique, Lisa Freeman prend un soin très particulier à vérifier que l’alimentation fournie par les propriétaires à ses patients est équilibrée (sur le marché US, on peut acheter des aliments dont la densité calorique va de 250 à 600 kcal / cup, et même sur les aliments destinés aux chiens senior, allant de 4,8 à 13,1 g / 100 kcal), et qu’elle apporte la quantité adéquate de protéines. Elle leur fournit donc des noms d’aliments, en leur donnant des alternatives. C’est-à-dire que si le chat, après avoir adoré un parfum et une texture d’un aliment, se lasse, le propriétaire a 2 ou 3 autres références possibles pour suppléer immédiatement sans laisser le cercle vicieux de l’anorexie s’installer. Au-delà de la densité énergétique, de l’apport protéique, la teneur en phosphore, sodium, etc. sont bien sûr des paramètres déterminants selon l’âge et les affections, sur lesquels le vétérinaire se devra de donner un conseil éclairé à son client, tout en respectant le style nutritionnel de son patient. n Anne-Claire Gagnon Docteur vétérinaire Freeman LM. Cachexia and sarcopenia: emerging syndromes of importance in dogs and cats. J Vet Intern Med. 2012 Jan-Feb;26(1):3-17. N°271 du 22 au 28 novembre 2012