Guerre et paix
Transcription
Guerre et paix
Dans le cadre de Donostia 2016, Capitale Européenne de la Culture, deux sites situés de part et d’autre de l’Adour à Bayonne servent de décors à l’exposition « Traité de Paix - Le génie de l’art, une représentation de la paix dans l’histoire de l’art ». GUERRE ET PAIX Le 7 novembre 1659, le cardinal Mazarin, représentant de Louis XIV, et don Luis de Haro, premier ministre de Philippe IV, signent la Paix des Pyrénées au milieu du fleuve Bidassoa sur l’île des Faisans (le plus petit condominium au monde géré alternativement par la France et l’Espagne). Avec ce traité devenu célèbre s’amorce la fin de la Guerre de Trente Ans et, avec elle, la trêve d’un conflit qui oppose depuis plusieurs décennies les deux monarchies. Parmi les clauses de l’accord, il est convenu que le jeune Louis XIV, futur Roi-Soleil, épousera l’infante MarieThérèse d’Autriche. Philippe IV assigne en dot à sa fille près de 3 millions de livres. Ce versement commande à cette dernière le renoncement à la couronne d’Espagne. Le mariage royal venant sceller le contrat sera célébré quelques mois plus tard à Saint-Jean-de-Luz, le 9 juin 1660. Comme le font paraître les commissaires de l’exposition, « en arrière-plan de ce moment si brillant, il y avait une réalité critique. La décennie de 1650 fut une période de profonde crise politique, dynastique, territoriale et économique pour l’Espagne. En 1649, le roi, qui n’avait pas d’héritier mâle, avait épousé sa nièce Marianne ; la tension fut constante, au cours des années suivantes, car la reine n’avait pas d’enfant mâle. De fait, ce ne fut qu’à la naissance de Philippe Prosper (en 1657), que les obstacles au mariage de l’aînée Marie-Thérèse avec le roi de France s’aplanirent. Dans ces années-là, la monarchie avait en outre à s’occuper de plusieurs fronts de guerre, avec la France bien sûr mais 28 JUNKPAGE 3 7 / septembre 2016 aussi le Portugal, qui finit par proclamer son indépendance. Le tout dans un contexte de crise économique ». Concoctée par Javier Portús (conservateur au musée du Prado) et Olivier Ribeton (conservateur en chef du Musée Basque et de l’histoire de Bayonne), l’exposition aborde les rapprochements opérés entre la France et l’Espagne sous différents angles : le conflit, la famille et le territoire. Riche d’un ensemble de plus de 140 œuvres dont certaines sont issues des musées européens les plus prestigieux (Prado, Louvre), les peintures, gravures, dessins, documents, objets et médailles présentés témoignent de la complexité d’un siècle marqué par les guerres et par un art au service de nombreux enjeux. Anne d’Autriche avait bien compris les heureux concours que pouvait prodiguer ce dernier. C’est elle qui initie l’échange de nombreux portraits de famille entre les deux cours en vue de rapprocher ses positions de celles de son frère, Philippe IV d’Espagne. Instrument diplomatique, l’art sert aussi la construction d’une rhétorique sur le pouvoir. « Sous Louis XIV, le langage allégorique devint le moyen indispensable à la propagande politique, et fut utilisé d’une façon systématique et massive, pratiquement sans équivalent dans l’histoire de l’art européen des Temps modernes », soulignent Olivier Ribeton et Javier Portús. Illustration faite ici avec Jean Nocret au travers d’une toile représentant Louis XIV en guerrier victorieux sur son char offrant avec une charité presque déplacée sa main à une infante Marie- Thérèse quasi implorante. Aux côtés de Jean Nocret, on trouve les artistes Jacques Laumosnier, Philippe de Champaigne, les cousins Charles et Henri Beaubrun, Nicolas Mignard, Charles Le Brun, premier peintre du roi Louis XIV et Diego Velázquez nommé aposentador de palacio (à savoir grand maréchal du palais) par Philippe IV. L’exposition se termine avec un ensemble qui raconte les années postérieures à une paix rendue caduque, notamment en raison du fait que l’Espagne ne sera jamais en mesure d’honorer le paiement de la dot, ce qui permettra plus tard à Louis XIV de soutenir les droits à la succession à la couronne espagnole de son petit-fils, le duc d’Anjou. Si le Musée Basque réunit kyrielle de chefsd’œuvre classiques, le DIDAM, situé à quelques centaines de mètres de là, présente pour sa part un accrochage axé sur l’art contemporain avec une interprétation plus conceptuelle de l’installation par Napoléon Ier de son frère Joseph sur le trône d’Espagne. AM « 1660 – La Paix des Pyrénées : politique et famille. L’esprit Velázquez », jusqu’au dimanche 25 septembre, Musée Basque et de l’Histoire de Bayonne. « 1808 - L’Abdication à Bayonne », jusqu’au dimanche 25 septembre, DIDAM. www.bayonne.fr Charles Beaubrun, Henri Beaubrun, Marie-Thérèse d’Autriche reine de France et son fils le Grand Dauphin, vers 1664, Madrid, Musée du Prado © Museo nacional del Prado LENOUVEL E N AQUITAI