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Chroniques bleues
25 avril 2001 : France-Portugal
lundi 25 avril 2011, par Bruno Colombari
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Dix mois après la demi-finale de Bruxelles, les Portugais viennent à Saint-Denis prendre leur revanche sur les Bleus,
qui sont tombés un mois plus tôt à Valence contre l’Espagne. Résultat : un sommet du jeu entre deux des trois
meilleures sélections du monde.
Le contexte
A quel moment exactement l’équipe de France a-t-elle atteint son meilleur niveau ? Difficile à dire. Probablement entre 2000 et
2002, même si elle n’a pas disputé de compétition pendant cette période. Champions du monde et champions d’Europe en titre, les
Bleus semblent inaccessibles en ce printemps 2001. Avant de jouer contre l’Espagne en mars à Valence, ils ont enchaîné 87
matches en en perdant que cinq, dont deux en compétition. L’arrêt de Laurent Blanc et Didier Deschamps, six mois plus tôt, ne
semble pas les avoir affaibli, d’autant que Henry, Pires et Wiltord font des étincelles devant et que Zidane, brillantissime, va bientôt
rejoindre le Real Madrid. Bref, à treize mois de la première coupe du monde asiatique, tout va pour le mieux pour Roger Lemerre et
son équipe.
Le 25 avril, c’est le Portugal qui arrive à Saint-Denis. Un mois plus tôt, l’équipe de France avait corrigé le Japon (5-0) avant de
s’incliner à Valence face à l’Espagne (1-2) avec il est vrai Lionel Letizi dans les buts. Ce Portugal-là est grosso modo le même que
celui de l’Euro 2000, qui avait fait souffrir les Français lors de la demi-finale à Bruxelles. C’est une équipe redoutable articulée autour
de Couto, de Luis Figo et de Conceiçao, avec en joker Pedro Pauleta.
C’est surtout un collectif qui a soif de revanche et qui n’a toujours pas digéré le pénalty-but en or de Zidane consécutif à une main
d’Abel Xavier dans la prolongation de la demi-finale de l’Euro. Classés troisièmes au coefficient UEFA, les Portugais ont bien
l’intention de montrer qu’ils sont au moins aussi forts que les Bleus. Deux ans plus tôt à Wembley, les Anglais partaient avec les
mêmes intentions, avant de se faire corriger (0-2, doublé d’Anelka). Les mêmes causes vont produire les mêmes effets, et pour faire
bonne mesure, le tarif sera doublé.
Le match
Les Bleus se présentent avec la même défense axiale que contre l’Espagne et le Japon, à savoir Desailly-Silvestre, avec Thuram à
droite et Lizarazu à gauche. Emmanuel Petit est à la récupération. Quant à Zidane, il évolue dans l’axe avec autour de lui la quatre
joueurs d’Arsenal : Vieira derrière, Wiltord à droite, Pires à gauche et Henry en pointe. Djorkaeff remplacera Zidane à la mi-temps,
Trezeguet se calera en pointe à la place de Wiltord, Henry glissant à gauche. Makelele et Candela remplaceront Vieira et Thuram
autour de l’heure de jeu, Sagnol entrant en toute fin de rencontre à la place de Petit.
L’entame de match est portugaise. Les Lusitaniens organisés en 4-5-1, ne laissent rien passer et contrôlent le jeu grâce à un bon
pressing et une circulation de balle rapide. Il faut attendre la 11e minute pour voir Henry récupérer un ballon assez bas, le donner à
Zidane qui lance Pires, lequel efface Nelson mais pousse trop loin le ballon qui sort. Cinq minutes plus tard, alors que Jean-Michel
Larqué affirme qu’il ne va pas y avoir beaucoup d’occasions, Henry donne à Zidane qui élimine trois adversaires, glisse à Vieira,
lequel décale Thuram à droite. Celui-ci repique dans l’axe, talonne pour Pires côté droit qui centre sur Wiltord dont la reprise
rasante, déviée, finit près du poteau de Quim. 1-0.
Dès lors la partie s’équilibre, Zidane touche de plus en plus de ballons, et sur l’un d’eux, il décale superbement Henry dans la
surface qui échoue de peu. A la demi-heure, les Portugais ne sortent plus de leurs trente mètres et concèdent cinq corners
successifs. Sur le dernier, tiré de la droite par Petit, le ballon est rabattu de la tête par Vieira sur Silvestre qui frappe du gauche à dix
mètres. 2-0.
Le match est plié et ce qui suit est du grand art (voir la séquence souvenir) avec un troisième but quasiment dans la foulée. Figo et
ses coéquipiers sont KO debout, ça va beaucoup trop vite. L’objectif n’est plus de revenir au score mais d’arrêter l’hémorragie, du
moins de tenir jusqu’à la mi-temps. A la 37e, sur un corner portugais, Barthez capte un ballon aérien et dans le même mouvement
s’élance à la limite de la surface et délivre un amour de passe longue à la main pour Pires. Celui-ci est trop court de quelques
centimètres, Nelson dégage. Derrière lui, Henry attendait l’offrande pour partir seul au but.
A la mi-temps, Pauleta échange déjà son maillot avec Zidane. Le Turinois ne reviendra pas, le Bordelais jouera jusqu’au bout mais
pour lui, c’est sûr, c’est comme si le match était déjà fini. Au retour des vestiaires, les Portugais jouent beaucoup mieux, les Français
(avec Djorkaeff en meneur de jeu) leur laissent l’initiative. La réduction du score semble inévitable, sur un coup franc bien placé,
Figo combine intelligemment avec Boa Morte dont le tir en pivot frôle le poteau de Barthez (65e) Deux minutes plus tard, c’est
Thuram qui sauve sur la ligne un centre-tir de Helder. Puis c’est Candela, qui vient d’entrer, qui se troue face à Conceiçao dont le tir
est presque cadré (73e).
Le dernier quart d’heure sonne le réveil des Bleus : Djorkaeff emmène le ballon dans la surface mais est devancé par Quim, Barthez
s’offre un tacle glissé hors de la surface, Makelele relance sur Petit, double une-deux Pires-Henry, centre de ce dernier esquivé par
Petit, Djorkaeff grille la politesse à Trezeguet et marque d’un ballon piqué dans la surface. 4-0. Et presque 5-0 trois minutes plus
tard quand un dédoublement Henry-Petit côté gauche arrive sur Trezeguet dont la volée est trop écrasée. Après quelques séances
de passe à dix côté bleus, on en reste là. Rendez-vous est pris pour une demi-finale mondiale, cinq ans plus tard.
La séquence souvenir
Luis Figo. Quatre mois plus tôt, le Portugais a raflé le Ballon d’or FranceFootball qui semblait promis à Zidane. Passé du Barça au Real Madrid à l’été 2000, Figo a inauguré l’ère des Galactiques qui attirera
le meneur de jeu français quelques semaines plus tard. Autant dire qu’il y a un match dans le match entre les deux hommes, qui se
respectent par ailleurs. Zidane sorti à la mi-temps, Luis Figo tentera de relancer son équipe, mais ce n’était pas son soir, malgré un
ultime retourné dans la surface pendant le temps additionnel.
La petite phrase
Roger Lemerre : « Si après la défaite en Espagne, on repartait avec un doute, on peut dire qu’après France-Portugal on repart avec
plus de confiance. 2002 se prépare mieux dans la victoire. On ne peut pas rester insensible à ce qui s’est passé hier mais il ne faut
pas oublier avant-hier non plus. »
La fin de l’histoire
Après une telle démonstration, que peut-il bien arriver à cette équipe de France ? Rien de bon, hélas. Lors de la coupe des
Confédérations en juin, Roger Lemerre multiplie les essais puis revient à une composition plus classique pour emporter une
compétition sans grande signification. A l’automne, il ne prend plus aucun risque, garantissant aux champions du monde et
d’Europe une place confortable pour 2002. La succession de matches amicaux et la sénatorisation des places sapent petit à petit les
fondamentaux : défaite au Chili en septembre, nul en Australie en novembre... La blessure de Robert Pires en mars 2002 suivie de
celle de Zidane en mai feront le reste.