L`élevage de l`esturgeon en Italie

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L’élevage de l’esturgeon en Italie
L’esturgeon a longtemps été considéré comme un mets délicat. Dès l'ère
romaine sa chair était très appréciée et était servie avec des fleurs pour
souligner la valeur de ce plat. Ses oeufs sont utilisés pour la préparation du
caviar, encore appelé "or noir". On trouve actuellement six espèces
d’esturgeon en Italie et de nombreuses variétés hybrides de tailles, formes et
comportements différents. Certaines sont plutôt destinées à la vente en vivant
alors que d’autres sont mieux adaptées à la transformation en filet ou en
tranches.
16/09/2004
LES DIFFÉRENTES ESPÈCES
Les esturgeons sont des Ostéichtyens de l’ordre des Acipenseriformes. Cet ordre
comprend 2 familles, les Polyodontiaei, qui ne rentrent pas dans le cadre de cet article, et
les Acipenseridae ou esturgeons proprement dits. Ce sont les plus grands poissons d'eau
douce connus sur la planète : le plus grand jamais capturé était un Beluga (Huso huso) de
8,5 mètres de longueur, pesant 1 300kg et vraisemblablement âgé d’une centaine
d’années. La famille des Acipenseridae se divise en 4 genres : Acipenser (21 espèces),
Huso (2 espèces), Scaphirhynchus (3 espèces) et Pseudoscaphirhynchus (3 espèces). Les
esturgeons existent depuis plus de 200 millions d'années ce qui en fait de véritables
fossiles vivants. Ils vivent exclusivement dans l'hémisphère Nord et se distinguent par les
caractéristiques suivantes :
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Le corps est recouvert dans sa longueur par 5 rangées de plaques osseuses.
Leur bouche protactile se situe en position ventrale et l’animal possède des
barbillons, organes sensitifs destinés à rechercher la nourriture sur le fond.
Une caractéristique importante est le rapport entre la longueur du museau et la
longueur totale de la tête.
Le squelette est principalement cartilagineux et la nageoire caudale est
asymétrique.
Ce poisson ne présente aucun caractère sexuel secondaire permettant de
distinguer le mâle de la femelle (bien que certains éleveurs assurent pouvoir
reconnaître les deux sexes lorsque les esturgeons sont en âge de se reproduire).
Quelques espèces migrent vers la mer, d'autres restent en eau douce. Les esturgeons
sont naturellement limnivores, se nourrissant d’animaux vivants sur le fond ou sur des
végétaux mais peuvent également manger d'autres poissons.
LES ESPÈCES ÉLEVÉES EN ITALIE
Acipenser baerii baerii (Brandt, 1869) ou Esturgeon sibérien
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La longueur de son museau peut varier de 33 à 61% de la longueur de la tête
La lèvre supérieure est légèrement incurvée
Sa couleur va du brun foncé / gris au noir avec un ventre blanc
Les plaques osseuses sont en général de la même couleur que la peau
Dans la nature, ces poissons atteignent la maturité sexuelle à 18 ans pour les mâles et 24
ans pour les femelles. Cependant, la population des esturgeons dans la rivière Lena,
longue de 4 400 kilomètres et située en Russie, atteint la maturité sexuelle à 9 ans pour les
mâles et 12 ans pour les femelles. Cette région approvisionne en esturgeons un grand
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nombre d’élevages italiens.
Dans les conditions d’élevage, l’utilisation d’une alimentation appropriée permet d’atteindre
la maturité sexuelle plus précocement, à environ 4 ans pour les mâles et 5 à 8 ans pour les
femelles. Les mâles sont fertiles chaque année alors que les femelles ne produisent des
oeufs que tous les 2 ou 3 ans. Dans le milieu sauvage la reproduction intervient en mai-juin
lorsque les températures se situent entre 10 et 18°C. Les femelles produisent entre 13 000
et 20 000 oeufs par kg de poids corporel. Ces oeufs ont un diamètre de 2,5 à 2,8mm et
pèsent environ 20mg. L’éclosion intervient à environ 160-180 degrés-jours. Quelques
poissons de 2 mètres de longueur ont été pêchés pesant environ 200kg et âgés d’environ
60 ans.
Présente en l'Italie depuis 1988, cette espèce très répandue se prête parfaitement à la
pêche à la ligne et a une chair savoureuse d’une très légère teinte grise. Les tailles
commerciales se situent entre 3 et 6kg pour la pêche et 9 à 10 kilogrammes pour la
transformation en filets et en tranches.
Acipenser gueldenstaedtii (Brandt et Ratzenberg, 1833) ou Esturgeon du Danube
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La longueur du museau varie de 3,5 à 7% de la longueur de la tête
Les femelles possèdent un museau plus long et plus obtus que les mâles
La couleur des adultes va du gris vert à un bleu noir foncé, l’abdomen étant blanc
ou jaunâtre
Les plaques situées sur le côté du corps et sur le dos sont très blanches ce qui
contraste avec leur peau foncée et rend ce poisson très beau
Dans la nature, quelques spécimen pêchés ont atteint plus de 110kg et environ 2,3 mètres
de longueur : leur âge a été estimé à plus de 50 ans. Dans son environnement habituel,
cette espèce atteint la maturité sexuelle en 8 à 13 ans chez le mâle et en 10 à 16 ans chez
la femelle. La ponte intervient à des températures se situant entre 10 et 20°C mais la
période de ponte est susceptible de varier selon les habitudes et le comportement de
chaque poisson. La sous-espèce Acipenser g. persicus est localisée dans la Mer
Caspienne. Les oeufs de ce poisson sont déposés à des profondeurs se situant entre 4 et
25 mètres : chaque femelle pond en moyenne 11 500 oeufs par kg de poids corporel, ces
oeufs ayant un diamètre de 2,8 à 3,8mm et un poids de 21mg. Ils éclosent en environ 100
heures à une température de 18°C.
Cette espèce fournit la majeure partie du caviar sur le marché mondial. C'est un poisson
très vorace qui convient parfaitement à la pêche à la ligne. Récemment quelques
aquaculteurs ont concentré leur attention sur cette espèce dans
le but de produire du caviar en Italie.
Acipenser naccarii (Bonaparte 1836) ou Esturgeon de l’Adriatique
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Le museau mesure moins de 60% de la longueur de la tête
La tête est large, arrondie à son extrémité
Les barbillons n'atteignent pas la lèvre supérieure
Cet esturgeon peut atteindre une longueur de 2m, un poids de 150kg et peut vivre plus de
50 ans. Les femelles sauvages atteignent la maturité sexuelle en 15 ans (9 ans en
captivité), les mâles sont toujours matures quelques années plus tôt. L'espèce tolère
parfaitement des changements de salinité : certains individus peuvent vivre en mer tandis
que d'autres vivent exclusivement en eau douce. Lorsqu’elles sont prêtes à pondre, 20%
du poids corporel des femelles est représenté par les oeufs. Ceux-ci mesurent environ 2,2
à 2,4mm et éclosent après 160 à 180 heures à 15°C.
Actuellement, cette espèce indigène de l'Adriatique fait l’objet d’une politique de
repeuplement afin de la préserver d’une possible extinction.
Acipenser transmontanus (Richardson 1836) ou Esturgeon blanc
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La tête est large et massive
Les barbillons sont situés à l’extrémité du museau, près de la bouche
La peau est grise avec des reflets bleutés et le ventre blanc
La peau est couverte de plaques osseuses très pointues
Cette espèce migratrice comprend des populations de comportements très différents :
certains poissons vivent exclusivement en rivière, d'autres migrent vers la mer. On a pu
capturer cette espèce de l’Alaska jusqu’en Californie. Le plus grand spécimen connu avait
environ 80 ans, mesurait 6,5m de long et pesait 810kg.
La reproduction a lieu entre mars et juin lorsque la température de l'eau se situe entre 10
et 17°C. Les oeufs sont pondus dans des trous profonds sur des fonds rocheux ou
gravillonneux. Les femelles pondent environ 6 000 oeufs par kg de poids corporel. Les
oeufs ont un diamètre entre 3,5 et 4,5mm et éclosent après 7 à 8 jours à des températures
de 14-17°C. Dans la nature, l'espèce atteint la maturité sexuelle à 10-15 ans pour les
mâles et 15-20 ans pour les femelles. En captivité, dans des conditions environnementales
favorables et avec un régime alimentaire adapté, l’âge de maturité peut être
considérablement avancé.
Huso huso (Linnaeus 1758) ou Beluga
- La longueur de la tête représente 23 à 27% de la longueur totale du poisson
- La couleur varie de bleutée à gris bleu avec le ventre blanc
Les adultes sont d'excellents prédateurs d’autres poissons mais ils mangent également
des crustacés et des mollusques. Certains peuvent peser jusqu’à 1 300kg et on peut donc
le considérer comme le "poids lourd" de l’eau douce. Les femelles
pondent leurs premiers oeufs (6 à 7 000 par kg de poids corporel) entre 15 et 20 ans. Ces
oeufs ont un diamètre de 3,3 à 4,5mm et pèsent entre 22 et 37mg. Il est très difficile de
reproduire ce poisson en captivité à cause du cannibalisme intense qui existe entre les
juvéniles et l'espèce est menacée par une pression de pêche excessive qui s’exerce dans
l'ancienne Union soviétique.
Actuellement on peut encore trouver quelques beaux spécimen dans des fermes
italiennes, peut-être les derniers survivants d'une espèce disparue qui peuplait les rivières
italiennes et adriatiques il y a des siècles.
Acipenser ruthenus (Linnaeus 1758) ou Sterlet
Il n’en existe que quelques exemplaires en Italie. Cette espèce est élevée comme poissons
d’ornement. Elle possède un museau avec un rostre allongé. A l'âge de 6 à 8 ans, ces
poissons pèsent entre 2 et 3kg et les femelles sont alors fertiles (comme toutes les
espèces d’esturgeons, les mâles sont fertiles quelques années plus tôt).
Les hybrides
Les hybrides d'esturgeons sont des croisements d’espèces compatibles et sont employés
principalement pour leur chair. Ils atteignent plus rapidement une taille commerciale.
L'hybride F1 (1ère génération) est fertile, ce qui est très rare dans le milieu naturel et
permet donc de créer un nombre quasiment infini de nouvelles souches. Les hybrides les
plus courants sont :
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AL ( A. naccari x A. baeri)
LA ( A. baeri x A. naccari)
GUBA ( A. gueldenstaedti X A. baeri)
PINOCCHIO ( A. baeri X A. ruthenus)
L’ÉLEVAGE DES ESTURGEONS
Au cours du 19ème siècle, l’élevage extensif a été introduit en Vénétie mais cette activité
n’a pas subsisté. Il y a environ 25 ans, un petit groupe de pionniers a recommencé à élever
des esturgeons puis divers hybrides. Il existe aujourd'hui environ 20 élevages presque tous
localisés en Lombardie et en Vénétie. Généralement ils font partie de plus grandes
structures et la plupart ne font que du grossissement, laissant la production d’alevins à
quelques structures spécialisées, au nombre de 4-5. L'aliment utilisé est généralement un
aliment extrudé coulant avec un taux de lipides entre 18 et 22% et un niveau de protéines
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supérieur à 40%.
On peut trouver en règle générale deux grands types de structures d’élevage :
Des réservoirs ou des bassins en terre ou en béton
Ces structures étaient en règle générale utilisées auparavant pour l’élevage des anguilles.
La taille des bassins peut varier de 50 à 3 500 m 3 et les densités se situent entre 15 et 25
kg/m3 (mais occasionnellement, elles peuvent atteindre 70 à 80 kg/m3 pendant de courtes
périodes). Le renouvellement de l’eau doit être plus fréquent que pour un élevage
d’anguilles, soit 2 ou 3 fois par jour avec des besoins en oxygène identiques. L'aliment est
distribué au moyen de distributeurs automatiques, une petite partie de la ration étant
cependant distribuée manuellement pour éviter les comportements de dominance
alimentaire des plus gros individus et ainsi réduire l’hétérogénéité des lots. Un tri des lots
selon la taille intervient en général une ou deux fois par an.
Des canaux en terre ou en béton
Intégrés au sein de piscicultures de truites les esturgeons s’adaptent très facilement. Ils
apprécient les courants modérés et l’utilisation d’oxygène liquide n’est pas nécessaire. La
densité moyenne varie de 20 à 35 kg/m 3. Ils sont nourris une fois ou deux fois par jour
avec un aliment contenant 20 à 22% de lipides.
PATHOLOGIES RÉCURRENTES
Les esturgeons sont habituellement assez "vigoureux" et résistants mais n'apprécient pas
les sursaturations gazeuses et les fortes densités si ces conditions durent trop longtemps.
Les problèmes parasitaires ou viraux sont rarement mortels (il n'y a, a priori, aucun
exemple enregistré en Italie) ou même problématiques. Il faut cependant noter que la
situation en Amérique du Nord est différente : au Canada 19 espèces de parasites ont été
rapportées et aux Etats-Unis le virus appelé WSIV pose de sérieux problèmes aux
éleveurs. Le stress, par exemple un violent orage, des changements brusques de
luminosité ou certaines vibrations, peut provoquer une forte agitation dans les bassins. Le
squelette cartilagineux des esturgeons étant somme toute assez fragile, on peut alors noter
la mort de certains poissons suite à des traumatismes.
Certaines bactéries (Aereomonas spp., Yersinia ruckeri, Pseudomonas spp.) peuvent être
la cause de fortes mortalités car le système immunitaire des Acipenseridae semble être
moins réactif que celui d'autres espèces de poissons. Des cas sérieux de mycoses à
saprolegna spp. ont également été décrites après des opérations de tri ou des
manipulations : le frottement des poissons contre les plaques osseuses de leurs
congénères peut provoquer de petites lésions qui sont ensuite des points d’attaque pour
les parasites ou les bactéries.
CARACTÉRISTIQUES ORGANOLEPTIQUES DE LA CHAIR DE L’ESTURGEON
Les différentes espèces élevées en Italie ont toutes une chair savoureuse et chaque
espèce a une chair d’une couleur caractéristique. Les différences organoleptiques ne
dépendent pas tant de l'espèce mais plutôt d’autres facteurs comme le poids du poisson,
l’alimentation reçue, la période de l'année et la finition avant abattage.
Les résultats d’analyses effectuées sur des esturgeons de taille commerciale par le
laboratoire d'Hendrix SpA à Mozzecane montrent une teneur protéique de 17-18% dans le
filet. Ces analyses montrent également que les filets sont très homogènes en terme de
contenu en lipides, avec un bon niveau en Omega 3 et en acides gras polyinsaturés
recommandés par les diététiciens et les nutritionnistes.
CONCLUSION
L’élevage de l’esturgeon n’est pas actuellement un élevage qui se développe en Italie car
les prix pâtissent de la conjonction de trois facteurs : une production excessive, l’absence
d’habitudes traditionnelles de consommation de ce poisson et un manque de promotion sur
le produit. Cependant, l'intérêt que suscite ce poisson parmi les pêcheurs à la ligne, la
qualité gustative de sa chair et les niches commerciales envisageables (la plus attractive
étant bien sûr la production du caviar) maintiennent les prix à des niveaux acceptables.
L’investissement dans ce type d’élevage reste intéressant, si tant est évidemment qu’une
stratégie marketing appropriée aura été mise en place.
Article publié dans Aqualité Automne 2004
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