1 Eloge des travaux scientifiques de Hadis Morkoç, Bonjour, C`est

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1 Eloge des travaux scientifiques de Hadis Morkoç, Bonjour, C`est
Eloge des travaux scientifiques de Hadis Morkoç,
Bonjour,
C’est un honneur pour moi le directeur de l’Institut de Physique de Montpellier
de prononcer l’éloge des travaux conduits par le Professeur Hadis Morkoç de
l’Université Commonwealth de Virginie. Ses travaux s’inscrivent parmi les
thématiques de la recherche conduite depuis quarante ans ici sur le campus du
Triolet, en physique des solides et en électronique. Les enseignements qu’il
dispense aux Etats-Unis s’inscrivent aussi dans le contexte du projet de formation
de notre université. L’ensemble de son activité est en phase avec les prérogatives du
pôle actuel de formation et de recherche MIPS.
Hadis Morkoc a 63 ans. Né en Turquie, il a commencé sa carrière de
chercheur et d’universitaire dans le groupe de Lester Eastman à la prestigieuse
Université Cornell à Ithaca, aux USA. Son sujet de recherche d’alors est relatif à la
croissance d’un semiconducteur de la filière
des composés III-V : l’arséniure de
gallium. Il le fabrique par une méthode originale et fort performante pour l’époque :
l’épitaxie en phase liquide. Cette méthode qui va lui permettre aussi de déposer des
couches de semiconducteurs d’autres formules chimiques sur GaAs comme par
exemple un alliage ternaire combinant deux anions l’aluminium et le gallium avec
l’arsenic. Rapidement, Hadis Morkoç va voir l’intérêt de telles associations pour la
conception d’hétérostructures permettant de réaliser des transistors dont les
propriétés de conductivité, dont les propriétés de réponse en fréquence dépassent
largement celles des composants existants à l’époque. Nous sommes dans les
années soixante-dix ; une première génération de physiciens des semiconducteurs
ont été récompensés par les plus hautes distinctions pour leurs travaux de physique
semi-classique concernant les semiconducteurs massifs et le transistor: John
Bardeen, Walter Brittain, William Shockley, Philip Anderson, Sir Nevill Mott pour citer
quelques noms prestigieux. La seconde fournée viendra plus tard avec quelques
autres grands noms : Léo Esaki, Klaus von Klitzling, Zhores Ivanovitch Alferov,
Robert Laughlin, et bien d’autres, lorsque les composants verront leur propriétés
régies par des phénomènes liés à des propriétés discrètes, quantifiés par des effets
de réduction de taille, par des phénomènes strictement quantiques.
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Hadis Morkoç va contribuer pendant toutes ces années au développement de
la physique de ces composants quantiques. Hadis Morkoç va contribuer pendant
toutes ces années au développement de la technologie qui permettra de réaliser ces
composants quantiques.
Tout d’abord pour pouvoir prétendre contrôler le dépôt de matériau à l’échelle
de la couche atomique, il faut changer de méthode de croissance. Il fautmaîtriser la
technique de dépôt atomique sous vide ; il s’agit de la mettre au point. La physique
des hautes énergies sous l’impulsion d’expérimentateurs ambitieux comme par
exemple Ernest Orlando Lawrence ( le fondateur du prestigieux LBL, le Lawrence
Berkeley Laboratory)a, plusieurs
décennies auparavant largement contribué à
développer la technologie du vide. En effet le vide nécessaire pour conserver un
paquet de particules d’antiparticules élémentaires circulant dans un anneau à des
vitesses près de celle de la lumière est très poussé. Ce vide requière pour être
obtenu et conservé suffisamment longtemps, à faire appel à des technologies de
pompes et à des alliages métalliques bien spécifiques. Le géant américain VARIAN
règne sur le monde du vide à cette époque. Hadis Morkoç va contribuer à
développer la technologie de croissance sous ultra vide, par jets moléculaires dans
ces laboratoires. Nous le retrouvons ensuite dans le temple de la physique des semiconducteurs que sont les laboratoires Bell à Murray Hill dans le New Jersey où il
rencotrera des physiciens de grand talent comme par exemple Raymond Dingle. Ce
sont des années de travail extrêmement prolifiques pour lui. Elles vont lui permettre
de concevoir le transistor à effet de champ et à modulation de dopage. Elles vont lui
permettre de marquer des points essentiels concernant l’obtention de composants
avec des propriétés de mobilités remarquables. Pour cela il va utiliser un troisième
anion, un troisième larron si je puis dire : l’indium qu’il va allier avec talent au gallium
et à l’aluminium. La compétition est forte; contre IBM, contre le Japon mais aussi
contre l’Europe et en particulier contre Thomson-CSF. Imaginons l’espace d’un
instant le degré de compétition régnant à l’époque entre toutes ces entreprises, entre
leurs ingénieurs.
Depuis les années soixante la quête vers l’émission de lumière rouge, jaune,
verte et même bleue obtenue en utilisant des dispositifs solides susceptibles de
remplacer les lampes à Edison
est un saint graal pour équiper les standards
téléphoniques américains. Ceux qui souffrent en effet des pannes récurrentes des
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millions de voyants lumineux qui éclairent les visages de milliers d’opératrices. Hadis
Morkoc va contribuer lui aussi à réaliser des dispositifs émetteurs de lumières non
cohérente : des diodes électroluminescentes, puis naturellement des lasers
compacts à semiconducteurs opérant dans le très proche infra rouge, il va
évidemment participer à la révolution du CD. On lui propose de travailler au Jet
Propulsion Laboratory pour contribuer à l’hétéroépitaxie des semiconducteurs III-V
sur le silicium dont je ne vous avais pas encore parlé. Le silicium c’est l’empereur
des semiconducteurs. Il sert à tout et il est, à l’époque, meilleur que tous les autres,
SAUF s’agissant de l’émission de lumière ! Le silicium se refuse à émettre de la
lumière. Nous savons bien sûr aujourd’hui quelles sont les raisons fondamentales de
ce comportement, nous connaissons les raisons quantiques qui font obstacle au
couplage
des
états
électroniques
du
silicium
massif
avec
le
champ
électromagnétique. Les choses vont un peu mieux aujourd’hui après que soient
passés par là le silicium amorphe, le silicium poreux, les nanosphères de silicium
dopées aux terres rares; mais il reste encore de sérieux verrous technologiques à
contourner. Hadis Morkoç va beaucoup contribuer à comprendre les mécanismes
physiques régissant « l’accrochage, l’ancrage» de gallium et d’arsenic à la surface
non polaire du silicium. L’objectif est de marier à la technologie du silicium qui permet
d’intégrer des densités colossales de composant C-MOS, la technologie III-V fort
performante en terme d’optoélectronique, fort performante pour réaliser aussi bien
des émetteurs de lumière que des détecteurs ou des modulateurs de lumière à
hauts débits. L’objectif au « Jet Propulsion Laboratory » est aussi d’adresser les
applications spatiales et je dois dans le souci d’être complet rappeler qu’ Hadis
Morkoç va aussi beaucoup travailler sur la filière InP qui présente bien que ces deux
technologies soient très proches, des complémentarités par rapport à la filière GaAs.
En 1968 le physicien Russo-Franco-Americain, Yaacov Isaacovith Pankow
quitta les laboratoires RCA (RadioTelecommunication Company of America) pour
consacrer une année sabbatique à Berkeley à rédiger un ouvrage de synthèse sur
les
propriétés
optiques
des
semiconducteurs.
« Optical
Processes
in
Semiconductors » a été, et il reste encore, un ouvrage fondamental pour la formation
de milliers de chercheurs en physique des semiconducteurs. « Jacques » laissa les
clés du laboratoire à son assistant Paul Maruska et le missionna pour synthétiser du
GaN par méthode de dépôt en phase chimique. Paul Marushka démontra qu’il était
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techniquement
possible
de
réaliser
des
dépôts
de
GaN.
Il
poussait
technologiquement GaN bien au-delà de la synthèse de micro cristaux démontrée en
1932 par Johnson, Parsons et Crew. Reprises à Bell Labs en particulier par Marc
Ilegems, par Roland Madar chez philips à Limeil Brévannes, ces études furent
ajournées au milieu des années soixante-dix ; les manageurs financiers des grandes
entreprises de l’électronique jugeant rédhibitoires les sévères problèmes rencontrés
pour obtenir le dopage de type p de GaN. Et pourtant la lumière émise par GaN était
(parfois) bleue ! Une poignée de chercheurs Japonais irréductibles parmi lesquels le
professeur Isamu Akasaki que notre université s’enorgueilli de compter parmi ses
docteur Honoris Causa depuis 1999 va, à temps perdu,
résoudre ce défi
technologique vers la fin des années quatre-vingts. La curiosité d’Hadis Morkoç le
conduit à s’intéresser depuis toujours aux travaux de Pankow et Marushka,
d’Akasaki. Il est au courant. Il sait avant nous tous que la science des nitrures a
frémi au Japon. Il propose de développer la synthèse des nitrures pour émetteurs de
lumière bleue à l’université d’Urbana Champaign, laquelle lui fait confiance. Le reste
du monde va réagir vers 1993 lorsque le dopage p et la diode électroluminescente
bleue sont publiés.
Hadis Morkoç va contribuer à développer le domaine d’une
manière remarquable. L’impact socio-économique
des nitrures est maintenant
indiscutable : diodes bleues, vertes, ultraviolettes, blanches, technologie blu-ray.
Innover n’est pas simple dans le contexte
du
diktat technologique imposé par
l’extrême orient où sont mis en œuvre des moyens considérables. Hadis Morkoç a
compris que les forces en présence sont disproportionnées et plutôt que lutter dans
un domaine encombré, il s’intéresse aux transistors. Les nitrures sont chimiquement
inertes, stables thermiquement, susceptibles d’encaisser des courants très forts sans
fondre, capables de répondre à des fréquences plus hautes que les autres semiconducteurs. C’est la voie qu’il a choisi d’explorer pendant une grosse décade à
l’Université d’Ilinois.
Le conseil d’administration de notre Université s’enorgueilli de compter parmi
ses membre Albert Fert, récent lauréat du prix Nobel de physique pour ses travaux
sur l’électronique de spin. Hadis Morkoç s’intéresse aussi au magnétisme à haute
température dans les semiconducteurs. Il s’est vu proposer un poste de professeur à
la Virginia Commonwealth University à Richmond pour conduire de tels travaux sur
l’oxyde de zinc et sur le nitrure de gallium. Il conduit donc actuellement des
recherches sur l’ensemble de ces matériaux.
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Je voudrai avant de conclure cet éloge vous rappeler chers collègues que les
travaux d’Hadis Morkoc sont cités au moins 40 000 fois, que son facteur de Hirsch
vaut au moins 75. Nous savons tous que cet indicateur est sujet à débats, parfois
houleux. Mais le chiffre est là. Et bien là. Nous sommes ici pour reconnaître les
travaux
d’un scientifique dont la curiosité, l’envie de comprendre les choses, le
courage aussi comptent parmi les plus grandes valeurs qu’il défend. Car Hadis
Morkoç est un homme courageux. Courageux et travailleur. Je pense qu’il est
opportun de souligner sa capacité à faire confiance en l’homme. Quand je l’ai connu
à titre privé, il était déjà un géant dans son domaine. Nous étions en 1995, en juillet
1995 plus précisément. Il y a quinze ans. J’organisais ici à l’UM2 un colloque intitulée
« hétéro-épitaxie des semiconducteurs». Nous avions invité Hadis Morkoç pour
donner une conférence faisant la synthèse des applications pour les nitrures.
L’amphithéâtre Pierre Dumontet était plein à craquer, des participants à cette
conférence et de confrères venus l’écouter plus…« sauvagement ». L’engouement
était déjà fort pour les nitrures et les gens venaient pour écouter une star. Après que
la conférence fut close ce vendredi après midi, Hadis Morkoç me montra quelques
données bizarres et inédites relatives à la croissance de GaN sur ZnO et qu’il ne
comprenait pas. Il savait que ma spécialité était la contrainte dans les
semiconducteurs. Il prenait un risque. Nonobstant, il m’offrit ses données. Je pense
que ce geste a aussi valeur de leçon, il nous rappelle aussi la fable de la colombe et
de la fourmi. Nous avons publié ces résultats ensemble bien sur, plus tard, mais
Hadis Morkoç m’a offert l’opportunité de dire une physique dans un domaine, celui
des nitrures où je n’étais pas connu et où j’allais plus tard, grâce à lui, faire une belle
prestation. La recherche est l’école de l’humilité, celle de la modestie, celle de
l’opiniâtreté, celle de l’apprentissage aussi. J’ai pour Hadis Morkoç la juste
reconnaissance que tout élève doit témoigner envers un maître.
Hadis, cher ami, j’ai vraiment pris un vif plaisir a rédiger cette allocution.
J’espère ne pas avoir trahi l’esprit qui a soutenu ces années de ton travail toutes
dédiées aux développements des technologies de l’information et de la
communication – un domaine de recherche important pour notre université, et au
bien des hommes- un souci quotidien pour chacun d’entre nous ici avec toi en ce 5
juillet 2010.
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Is it time already ? Almost. As a conclusion of my speech, I would like to thank
all the colleagues who are attending this Honoris Causa ceremony. I would also like
to thank the councils of the University for their understandings of Hadis Morkoç’s
contribution to the development of science and ideas. I would like to emphasize the
specific contributions of the administrative staff working around the team leading this
University. These colleagues are often working in the shade rather than under the
lime-lights, but without them, nothing would have happened this morning.
Chers amis, merci pour votre attention.
Bernard Gil
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