Paris, une ville ségrégée

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Paris, une ville ségrégée
Paris, une ville ségrégée ? Réponse à la lumière de l'approche par les
capabilités
Is Paris segregated? An answer based on the capability approach
Élisabeth Tovar1
Résumé
Nous questionnons la réalité du sentiment d’aggravation de la "nouvelle question spatiale" à Paris
(élargi à sa petite couronne) pendant la décennie 90 à partir d'une base d'information du bien-être
originale fondée sur l'approche par les capabilités de Sen. Nous montrons que si la réalité d'une
différenciation sociale croissante de cette zone est discutable, certaines communes de la zone sont en
décrochage du point de vue des niveaux de bien-être et que, par ailleurs, la hiérarchisation sociospatiale de la zone s'est aggravée entre 1990 et 1999. Nous développons également une méthode
originale d'identification des territoires ségrégés qui nous permet de conclure non seulement à
l'existence de communes ségrégées au sein de l'espace parisien, mais au caractère ségrégé de cet
espace lui-même.
Summary
We question the reality of the hypothesis of an increasing social differentiation Paris (extended to its
close suburbs) during the 1990s. To do so, we develop and specify an original definition of the
individual well being based on Sen's capability approach. If our evidence questions the hypothesis of
the increasing social differentiation of Paris, we nevertheless show that some of its neighbourhoods
are "switching off" in terns of aggregated well-being. We also develop an original method of
identification of the segregated spatial units and show that not only that some Parisian neighbourhoods
are indeed segregated, but also that Paris itself is a segregated city.
Mots clef : approche par les capabilités, ségrégation urbaine, Paris
Key words : capability approach, urban segregation, Paris
Classification J.E.L : C43, I31, I32, R13.
EPEE – Université d'Évry, boulevard François Mitterrand 91000 Evry et CEE, 29 promenade Michel Simon
93166 Noisy-le-Grand Cedex. Recherche financée par la Région Île-de-France (post-doctorat).
1
E-mail : [email protected]
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1.
Introduction
Un consensus semble se dégager aujourd'hui autour du sentiment d'une dégradation problématique
du contexte social à Paris (élargi à sa petite couronne) depuis le début des années 1990. Ce discours
part du constat que la crise économique post-pétrolière et la globalisation des économies ont engendré,
dans les pays européens, la montée d'un chômage de masse, la flexibilisation croissante des modes de
production et de consommation et la remise en question des modes de régulation sociale
(syndicalisme, État-providence) (Musterd et Murie, 2006). La précarité grandissante des situations
acquises entraîne alors une "concurrence généralisée pour les meilleurs destins" (Maurin, 2004, p.8)
dans laquelle le territoire joue un rôle privilégié dans le verrouillage de l'éventail des opportunités
accessibles aux individus (accès à l'éducation, au marché du travail…). L'espace urbain est alors vécu
comme un enjeu essentiel dans la sécurisation des positions sociales. Dans le même temps, les
mutations démographiques du dernier demi-siècle se caractérisent par l'allongement de la durée de vie,
l'augmentation de l'instabilité des situations familiales et l'arrivée dans les villes, après l'exode rural du
XXème siècle, de nouvelles populations immigrées (Musterd et Murie, 2006). Le nombre croissant de
ménages exacerbe la compétition pour l'occupation des espaces urbains. Sous ces pressions multiples,
on assiste à l'augmentation continue des prix fonciers dans les centres-villes, l'accroissement de la
taille des agglomérations et des distances (physiques, temporelles et monétaires) parcourues et la
relégation des plus pauvres dans des périphéries de plus en plus lointaines ou de plus en plus
cloisonnées (Brun, 1994). Les villes perdent ainsi de leur cohésion, se fragmentent en une mosaïque
d'espaces "minces" dédiés à des fonctions uniques (Sack, 1997) dont la défaillance entraîne la
diffusion du sentiment de l'existence d'une véritable "pathologie urbaine"2. Tout se passe comme si, en
s'inscrivant de manière privilégiée dans l'espace urbain, la "nouvelle question sociale" dépeinte par
Rosanvallon (1995) était devenue une "nouvelle question spatiale".
Genestier (2005) explique que, dans ce contexte, le vocable de ségrégation urbaine en devient un
"concept opératoire" non seulement dans les travaux des chercheurs en sciences sociales urbaines3
mais aussi parmi l'opinion publique et les institutions4, parce que la "conception constructiviste du
politique et holiste5 du social qui caractérise notre "modèle républicain" s'énonce désormais à l'échelle
urbaine. Dans ce cadre de pensée, d'inspiration hobbesienne et rousseauiste, l'idéal fondateur est celui
de l'égalité entre les membres du corps social (national) dont la cohésion doit être assurée par des
autorités publiques toutes-puissantes et légitimes de ce fait. Or, cet échelon étatique connaît
aujourd'hui une crise profonde. Après la Seconde Guerre Mondiale, la méfiance à l'encontre de
l'expression nationale de l'identité collective devient un élément structurant de la pensée politique dans
une Europe politique qui gagne en importance. Par ailleurs, la crise économique des trente dernières
années a cruellement montré les insuffisances de l'État-Providence mis en place dans l'immédiat aprèsguerre et dont l'action redistributive avait contribué à maintenir l'échelon national comme échelle
Sack (1997, p.10) oppose les lieux "épais" des sociétés traditionnelles comme la place du village, capables de
servir de support à de multiples fonctions sociales, aux espaces "minces" des sociétés modernes, très segmentés,
où à chaque lieu est assigné une fonction particulière (dormir, manger, étudier, se divertir, travailler…). Il estime
que nous ne prenons conscience de l'espace que lorsqu'il présente une déficience qui empêche le processus social
qu'il supporte de se dérouler normalement.
2
Citons entre autres les travaux de Brun (1994), Le Bras (2000) Grafmeyer (1996), Gaudin et al (1996) et
Genestier (2005). Sur le contexte de l'espace francilien, citons entre autres les travaux de Aldeghi et Tabard
(1989), Tabard (1999), Sagot (2002), Rakotomalala et Resplandy (2003), Préteceille et alii (2005) et Préteceille
(2000, 2003, 2006).
3
Ainsi, par exemple, la Loi d'Orientation pour la Ville (1991) et la loi Solidarité et Renouvellement Urbain
(2000), politique de la ville, sont explicitement pensées comme des instruments de lutte contre la ségrégation et
de promotion de la "mixité urbaine". Par ailleurs, les réflexions d'institutions comme le Conseil d'Analyse
Économique (2004) sur la question urbaine utilisent également le prisme du concept de "ségrégation urbaine".
4
5
Selon l'expression de L. Dumont (1972, 1993).
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légitime d'incarnation du corps social. Dans cette situation, la nouvelle question urbaine "désindexe du
national" pour "indexer à l'urbain" le "mode de lecture politico-centré du monde actuel et de ses
dysfonctionnements", ce qui lui permet de continuer à s'exprimer (Genestier, 2005, p.24). Dès lors,
mobiliser le concept de la ségrégation urbaine prend tout son sens, puisque dénoncer la ségrégation
urbaine c'est réaffirmer les impératifs d'égalité et de cohésion qui fondent notre conception de ce qui
fait société. Le degré de différenciation sociale de l'espace urbain devient alors un indicateur du
délitement de la société elle-même, la "lutte contre la ségrégation" et la "promotion de la mixité
sociale des quartiers" un impératif politique et moral, et la notion de ségrégation elle-même un concept
incontournable de l'analyse scientifique.
En paraphrasant les conclusions de S. Paugam sur la notion (a-spatiale) d'exclusion sociale, nous
pourrions être tentés de qualifier le concept de ségrégation urbaine6 de "paradigme sociétal, c'est-àdire [un] ensemble de représentations de l'ordre social suffisamment concordantes et stabilisées dans
la durée pour que s'organise à l'échelon de la société tout entière une réflexion sur ses fondements et
ses modes de régulation" (Paugam, 1996, p.16). Dans ce contexte se pose immédiatement la question
de l'appréciation empirique de la réalité de la ségrégation des espaces urbains. Plusieurs conceptions
complémentaires de la ségrégation peuvent être évoquées.
Un premier angle d'attaque s'intéresse à l'évolution de la mixité sociale des territoires qui composent
l'espace parisien. Dans cette optique, la ségrégation découle de l'homogénéisation sociale des
territoires, de sorte que les différentes catégories de la population ne cohabitent plus sur les mêmes
territoires.
En termes d'évaluation, le degré de mixité sociale de l'espace parisien peut tout d'abord être apprécié
à l'aide d'indices de ségrégation7. Dans cette lignée, Préteceille (2006) apprécie par exemple la sur- ou
la sous-représentation de différentes catégories de la population (catégories socioprofessionnelles,
groupes ethniques) à travers les communes de l'Île-de-France : plus une catégorie sociale est
inégalement repartie dans l'espace, plus elle sera considérée comme ségrégée. Il conclut pour la
décennie 1990 à l'augmentation de la ségrégation de certaines catégories populaires dont les effectifs
diminuent sur la période mais dont l'effectif recule moins dans les zones où elles étaient fortement
concentrées. Il montre également qu'à l'autre extrême de la hiérarchie sociale la ségrégation augmente
pour certaines des catégories les plus aisées dont les effectifs progressent (notamment les cadres
d'entreprise et les ingénieurs ayant un emploi stable), et qui tendent à se localiser près de leurs pairs
("gentrification" des territoires). A contrario, il établit que les indices de ségrégation diminuent pour
les catégories populaires dont les effectifs augmentent ainsi que pour la plupart des cadres et
professions intellectuelles supérieures et professions intermédiaires. Il conclut donc à "un processus de
bipolarisation partielle qui ne concerne que certaines catégories populaires d'un côté, centrées sur le
monde ouvrier en déclin et sur une partie du nouveau prolétariat tertiaire en expansion, et de l'autre
que les cadres d'entreprise". Par ailleurs, contrairement à la thèse largement répandue d'une
substitution de la ségrégation ethnoraciale à l'ancienne ségrégation sociale ("américanisation" de
l'espace urbain francilien), il montre que si le degré de ségrégation ethnoraciale est nettement plus fort
que celui de la ségrégation sociale, il diminue pendant la période.
6 D'autres auteurs préfèrent parler de "ségrégation spatiale" ou de "ségrégation sociale" même s'ils se réfèrent à
des contextes urbains (comme par exemple Préteceille, 2005), ou encore de "ségrégation territoriale" (Maurin,
2004). Dans cette thèse, nous nous intéressons à la ségrégation "urbaine" au sens où elle s'inscrit dans ce
contexte spatial précis, mais aussi au sens où elle est le produit d'interactions sociales et économiques
particulières à la ville, comme la compétition pour la localisation près du centre d'emploi riche en aménités
urbaines. L'expression la plus neutre serait, à nos yeux, celle de "ségrégation sociale de l'espace urbain" mais,
pour alléger la lecture, nous emploierons aussi très souvent l'expression de "ségrégation urbaine".
Pour une présentation en français des différents indices de ségrégation (exposition, égalité, concentration,
regroupement, centralité) on pourra consulter Apparicio (2000).
7
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Une autre piste permettant d'apprécier la mixité sociale consiste à s'intéresser non plus à la
distribution de chaque catégorie sociale sur les unités spatiales qui composent l'espace francilien, mais
à étudier la composition sociale de chacune d'entre elles au moyen de typologies des territoires. Au
sein de l'Insee, N. Tabard a construit une typologie des territoires en croisant des informations
relatives à la profession des résidents, à leur branche d'activité et à leur statut sur le marché du travail
(chômeurs, actifs occupés) (Aldeghi et Tabard (1989), Chenu et Tabard (1993), Tabard (1999),
Martin-Houssard et Tabard (2002))8. À l'aune de cette typologie, il apparaît que si, contrairement à la
province, les disparités spatiales se sont accrues en Île-de-France sur la période 1984-1996 (Tabard,
1999), cela provient surtout de la forte augmentation de la proportion des cadres au sein des territoires
les plus riches (embourgeoisement accru par éviction des classes moyennes et des pauvres) alors que
la population des communes ouvrières reste aussi peu qualifiée en 1996 qu'en 1984. Parallèlement, les
typologies issues des travaux de Rakotomalala et Resplandy (2003), Préteceille (2003, 2006) puis de
Préteceille et alii (2005) permettent de combiner l'étude de la ségrégation des catégories
socioprofessionnelles (complétée par le degré de précarité de l'emploi occupé) par l'espace résidentiel
et par l'espace de travail. Ces auteurs constatent la corrélation assez sensible entre les hiérarchisations
de statut indiquées par les deux typologies qui s'explique du fait d'une assez forte correspondance pour
les types résidentiels extrêmes. Ces auteurs montrent également que si la hiérarchisation du territoire
est nette, elle se réalise plutôt par gradations continues que par ruptures nettes, et elle résulte avant tout
de la distribution sélective des catégories supérieures.
Dans cette optique où la ségrégation urbaine est assimilée à la mixité sociale, on ne peut donc
affirmer que l'Île-de-France des années 1990 se caractérise par des niveaux de ségrégation élevés, sauf
pour les quartiers et catégories sociales les plus favorisés. En particulier, ces travaux établissent que la
cohabitation des catégories populaires avec les catégories moyennes et supérieures se maintient
pendant la période (sauf dans les espaces les plus supérieurs) (Préteceille, 2006). Cependant, ce constat
doit être nuancé par la mise en lumière d'un type d'évolution résidentielle que l'on peut qualifier
"d'appauvrissement social absolu" : il s'agit des classes populaires qui résident dans les espaces
populaires où le chômage, la précarité et les services aux particuliers ont augmenté et où toutes les
catégories d'actifs ayant un emploi ont diminué. S'il ne peut être confondu avec un processus de
relégation généralisé "qui englobe les banlieues populaires, voire l'ensemble des banlieues"9, ce
décrochage de certains territoires populaires est d'autant plus marquant qu'il contraste avec le constat
général de stabilité de la mixité sociale.
C'est sur ce phénomène que nous centrons notre attention dans cet article. Nous proposons en effet
un deuxième angle d'attaque pour étudier la ségrégation urbaine, où celle-ci n'est plus traitée à travers
le prisme de la mixité sociale et des groupes sociaux, mais est envisagée du point de vue des
territoires.
Cette approche alternative s'inscrit dans la lignée des études sur la pauvreté multidimensionnelle
comme celle de Sagot (2001). Cet auteur construit, pour chacune des communes franciliennes, un
score de difficultés qui totalise les numéros de déciles où se positionne chaque commune francilienne
dans cinq indicateurs qui renseignent sur les différentes facettes de la pauvreté10. Ce score peut
8
Cette typologie concerne l'ensemble du territoire métropolitain.
Préteceille, 2006, p.228. En effet, (1) seule une part minoritaire des catégories populaires est concernée,
(2) la majorité des actifs résidant dans les espaces s'appauvrissant ont encore un emploi stable et (3) la
population active totale (ayant un emploi ou non) diminue dans ces quartiers.
9
10
Ces indicateurs sont (1) le % de foyers non imposables, (2) le % de bénéficiaires du RMI, (3) le taux de
chômage, (4) le taux d'emplois dits précaires (apprenti, stagiaire, emploi aidé, CDD, placement par intérim) (5)
le revenu moyen en francs. S'il existe de toute évidence d'importantes interrelations entre ces indicateurs,
Mariette Sagot fait remarquer que, chaque indicateur couvrant une réalité particulière, cette similitude des
images doit surtout être interprétée comme révélant des situations de cumul des difficultés.
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atteindre toutes les valeurs situées entre 5 (les cinq indicateurs dans le premier décile, ce qui équivaut
à une situation très défavorisée) et 50 (les cinq indicateurs dans le 10ème décile, caractéristique des
communes les plus favorisées). Cet indice lui permet d'identifier les territoires franciliens les plus en
difficulté à la fin de la décennie 199011.
Pour notre part, nous proposons de considérer que l'on peut parler de ségrégation et non plus de
pauvreté multidimensionnelle dès lors que l'on ajoute une dimension temporelle à l'analyse : les
niveaux de pauvreté des territoires ségrégés non seulement sont plus élevés que ceux du reste des
territoires qui composent l'espace urbain considéré, mais leur situation évolue également de façon
relativement moins favorable, de sorte que la ségrégation découle de la concentration, sur certains
territoires, de populations particulièrement défavorisées qui cumulent plusieurs handicaps socioéconomiques et qui, de ce fait, "décrochent" durablement par rapport au reste de l'espace urbain. Ainsi,
nous définissons la ségrégation urbaine comme une pathologie urbaine cumulative, relative et
dynamique caractérisée par une relégation physique et sociale subie par un ensemble d'individus. Cette
relégation consiste en une mise à distance sociale persistante d'individus soumis à une privation
cumulative de bien-être relativement élevée par rapport au reste de la population. Cette privation de
bien-être effectif multidimensionnelle durable et cumulative se projette dans l'espace urbain sous la
forme d'une mise à l'écart physique des individus défavorisés dans les espaces ségrégés de ce fait. Ces
individus se trouvent ainsi exclus des mécanismes de régulation socio-économiques et politiques qui
tissent le lien social, par-delà leur environnement immédiat, de sorte que leur localisation les prive de
la pleine capacité de mener à bien leur vie comme ils l'entendent.
Par contraste avec l'approche précédente fondée sur la mixité sociale, la ségrégation est conçue
comme un phénomène territorialisé et asymétrique : il ne s'agit plus de comparer la proportion relative
des catégories sociales sur chaque territoire, ou l'intensité des contacts entre ces catégories prises deux
à deux, mais d'identifier les territoires dont la population est fortement et durablement défavorisée par
rapport au reste de la population de la zone urbaine considérée. Parce que nous limitons notre analyse
à cette population en décrochage, nous obtenons une typologie binaire des territoires qui se divisent en
territoires ségrégés et territoires non ségrégés. Au-delà, le caractère ségrégé ou non de l'espace urbain
dans son ensemble peut alors être apprécié en étudiant la proximité géographique relative de ces
territoires ségrégés. En d'autres termes, si la "fracture sociale" durable et cumulative de la pauvreté
multidimensionnelle se double d'une "fracture spatiale" de l'espace urbain, alors on peut affirmer que
la ville étudiée est elle-même ségrégée.
Par ailleurs, nous proposons d'utiliser une base d'information12 particulière du bien-être et de la
pauvreté multidimensionnels fondée sur l'approche par les capabilités13. En premier lieu, il nous paraît
important que la base d'information soit évaluée à l'aune des conséquences des états du monde sur le
seul bien-être des individus et non, par exemple, sur le système des droits formels respectés par la
société : par opposition aux constructions procédurales de l'évaluation du bien-être, nous adoptons un
point de vue individualiste et conséquentialiste où les éléments de valeur sur lesquels portera l'analyse
se confondent avec le bien-être individuel.
M. Sagot montre que parmi les 263 communes de plus de 5000 habitants de la région Île-de-France, 50
communes (dont plus de la moitié localisées en Seine Saint-Denis) ont un score inférieur ou égal à 10, seize
d'entre elles se situant systématiquement dans le premier décile. Il s'agit des communes de Montereau-FaultYonne, Garges-lès-Gonesse, Clichy-sous-Bois, La Courneuve, Grigny, Mantes-la-Jolie, Aubervilliers, Stains,
Sarcelles, Villetaneuse, Saint-Denis, Bobigny, Saint-Ouen, Bagnolet et L'Île-St-Denis.
11
12 Définir une base d'information, c'est déterminer, d'un point de vue théorique, l'ensemble des éléments de
valeurs sur lesquels portera l'évaluation, mais ce faisant c'est également choisir d'exclure toute autre information
de l'analyse.
13
En anglais, Sen utilise le terme de "capability". Deux traductions ont été proposées : capacités et capabilités.
Nous privilégions ici le néologisme de "capabilités" car le terme de "capacité" nous semble trop mettre l'accent
sur les ressources internes à l'individu.
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Ensuite, il nous semble nécessaire d'évaluer ce bien-être d'un point de vue au moins partiellement
objectif. En cela, notre démarche opère une rupture avec la tradition welfariste dans laquelle le bienêtre individuel (l'utilité) est de nature subjective. Cette divergence découle du fait que, pour nous,
l'individu est certes un homo œconomicus rationnel mais aussi un homo geographicus (Sack, 1997)
physiquement "situé" dont l'environnement socio-spatial conditionne notamment l'appréciation de son
propre bien-être. Notre argument est que parce qu'ils sont soumis au principe de réalité14, des individus
par ailleurs en tout point semblables mais qui vivent dans des environnements socio-spatiaux
qualitativement inégaux ajustent différemment leurs désirs et leurs préférences aux objectifs qu'ils
considèrent réalisables. Dans ces conditions, valoriser le bien-être d'un point de vue subjectif conduit à
surestimer de façon artificielle le niveau de bien-être de ceux qui vivent au sein des environnements
les plus défavorisés, car ces individus sont moins exigeants en termes de préférences et d'objectifs à
atteindre. Pour éviter cela, nous préférons une base d'information définie de façon au moins
partiellement objective15.
Enfin, nous postulons qu'au-delà des seules réalisations des individus (appréciées à l'aune du
revenu), la liberté d'accomplir doit trouver sa place parmi les éléments de valeur du bien-être
individuel. Là encore, il s'agit de mieux prendre la mesure de l'insertion des individus dans un
environnement socio-spatial donné, car celui-ci qui conditionne l'étendue, la diversité et la richesse de
l'ensemble des accomplissements potentiels que les individus peuvent réaliser. Ainsi, les individus
dont les réalisations sont faibles ont non seulement toutes les chances de vivre dans des
environnements socio-spatiaux défavorisés, mais leur localisation pèse en retour sur leur capacité
même d'atteindre des accomplissements porteurs de valeur. On retrouve ici le raisonnement qui
préside aux travaux récents menés en économie urbaine sur le mauvais appariement spatial et sur les
effets de voisinage16. Afin de rendre compte de l'influence de l'environnement sur le bien-être, notre
étalon de mesure du bien-être individuel doit nécessairement être pluraliste : aux côtés du bien-être
effectivement accompli par l'individu, nous valorisons aussi son degré de liberté d'accomplir17 ce bienêtre (apprécié en termes d'opportunité et d'agence). En cela, notre démarche s'inscrit dans le cadre des
Respecter le principe de réalité consiste à prendre en compte les exigences du monde réel, et les conséquences
de ses actes. Le principe de réalité désigne avant tout la possibilité de s'extraire du rêve, du désir dans lesquels
triomphe le principe de plaisir et d'admettre l'existence et d'une réalité insatisfaisante ainsi que les contraintes
qu'elle engendre.
14
15
Le choix d'une base d'information définie d'un point de vue objectif pose immédiatement la question de la
légitimité du point de vue du chercheur : celui-ci imaginerait-il être capable d'une parfaite objectivité, de sorte
que son point de vue soit véritablement universel ? Face à cette suspicion légitime, loin de prétendre pouvoir
atteindre le "point de vue de Sirius", nous revendiquons au contraire ce que Sen appelle une "objectivité de
position" (Sen, 1985b, 1993) où la base d'information est construite de la façon la plus argumentée, rigoureuse et
transparente possible. Participant d'une démarche "constructiviste" (Maric, 1996) de l'évaluation du bien-être
social, notre base d'information devra évoluer en tenant compte des critiques qui lui seront apportées.
16 C'est l'article de Kain (1968) qui, le premier, pose la question du "spatial mismatch". Il interroge le lien entre la
localisation résidentielle des individus et leur accès au marché du travail. Pour une revue de la littérature des
modèles d'économie urbaine sur ce thème, on pourra consulter Thisse, Wasmer et Zenou (2003). Sur les effets de
voisinage, on pourra consulter Massey et Denton (1993) et pour des applications empiriques dans le contexte
particulier des villes européennes, Goux et Maurin (2004), Musterd et al (2006) et Dujardin et Goffette-Nagot
(2007).
17
Insérer la liberté d'accomplir parmi les éléments de valeur du bien-être interroge la responsabilité des individus
dans les situations d'inégalité urbaine. De notre point de vue, les individus ne sont responsables de leur mode de
vie et de leurs préférences que jusqu'à un certain point (nous adoptons le point de vue que Fleurbaey (2005)
appelle "point de vue libertarien" sur la responsabilité individuelle), ce qui contraste avec le cadre welfariste où
le rôle instrumental de la liberté d'accomplir implique que tous les individus sont également responsables de leur
situation. Notre postulat est qu'un individu parfaitement libre en termes d'agence doit être tenu pour entièrement
responsable de ses choix, à la différence de celui dont la liberté d'accomplir est contrainte par des éléments
extérieurs. Placer la liberté effective au sein de la base d'information du bien-être individuel permet donc, en
creux, d'apprécier l'étendue de la responsabilité des individus quant à leurs accomplissements.
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visions post-welfaristes et libérales du bien-être développées à la suite des travaux de Rawls (Rawls,
1971) et de Sen (Sen, 1979, 1985a).
Au total, nous proposons d'apprécier le bien-être effectif des individus à l'aide d'une base
d'information conséquentialiste, individualiste, multidimensionnelle et libérale : pour ce faire, nous
inscrivons notre démarche dans le cadre de l'approche par les capabilités. Cet étalon de mesure du
bien-être individuel participe ainsi d'une conception aristotélicienne de l'individu dans laquelle sa
qualité de vie est appréciée en tenant compte de ses conditions d'existence non seulement en termes de
leurs simples réalisations mais aussi de leur liberté effective. Dans un contexte démocratique où les
libertés formelles fondamentales (égalité équitable des chances, liberté de circulation) sont garanties
pour tous, nous entendons par réalisations (notées RE) les différentes choses que les individus peuvent
aspirer à faire ou à être, à savoir leurs fonctionnements (par exemple, "avoir accès au marché du
travail", "avoir accès aux services publics", "être intégré à la vie sociale et politique"…). La liberté
effective, quant à elle, est la liberté réelle dont disposent les individus d'atteindre leurs aspirations
rationnelles. Cette notion de liberté effective recouvre deux dimensions : l'opportunité d'atteindre ses
objectifs légitimes (apprécié grâce à l'ensemble des capabilités de l'individu et notée LO), et le pouvoir
d'agence des individus (apprécié notamment grâce au degré d'autonomie du processus de choix
individuel et notée LP).
La partie 2 de cet article est consacrée à la spécification, à la lumière de notre domaine d'application,
de ce bien-être effectif multidimensionnel. Sur cette base, pourrons définir dans la partie 3 des
indicateurs multidimensionnels agrégés qui permettent d'apprécier les niveaux de bien-être et de
privation des populations qui peuplent chacune des communes de la zone Paris + petite couronne.
Enfin, dans la partie 4, nous discuterons le bien-fondé empirique du sentiment d'aggravation de la
"nouvelle question spatiale" en proposant notamment une méthode d'identification originale des
territoires ségrégés. La partie 5 est consacrée à la conclusion.
2. Quelle spécification du bien-être effectif ? Fonctionnements et indicateurs
statistiques associés
Dans cette partie, il s'agit de passer de la définition théorique du bien-être effectif à la construction
d'indicateurs statistiques capables d'en rendre compte. À ce stade, il nous faut rappeler que la question
de "l'opérationnalisation" de l'approche par les capabilités (c'est-à-dire "la séquence qui permet de
transformer une théorie en un objet de valeur pratique", Comim, 200118) constitue encore, à l'heure
actuelle, un véritable défi méthodologique (Robeyns, 2000, Alkire, 1998, Chiappero-Martinetti, 2001,
Comim, 2001). Certains auteurs critiques (Sudgen19, 1993, Ysander, 1993, Srinivasan, 1994,
Roemer20, 1996), tout en reconnaissant l'intérêt théorique certain du nouveau paradigme éthique de
Comim (2001) identifie quatre étapes dans l'opérationnalisation de toute théorie : (1) inclusion théorique :
élaboration des concepts théoriques possédant une signification empirique potentielle ; (2) mesure :
transformation de ces concepts théoriques en variable(s) empirique(s) ; (3) application : utilisation de ces
variables dans l'analyse qualitative empirique ; (4) quantification : utilisation de ces variables dans l'analyse
quantitative empirique.
18
Sudgen (1993, p. 1953) s'interroge sur la pertinence de l'approche par les capabilités en tant qu'alternative à
l'approche standard fondée sur la théorie du consommateur. Il critiaque la très grande hétérogénéité des
fonctionnements que Sen considère comme pertinents, la diversité des opinions sur ce qui constitue "une bonne
vie", et il insiste sur la question non résolue de la valorisation des ensembles de capabilités.
19
Roemer (1993, p.191 et suiv.) estime que l'approche par les capabilités est (encore) loin d'être opérationnelle
pour trois raisons principales : (1) il n'existe pas (encore) de liste universelle de fonctionnements, malgré les
efforts en ce sens de Nussbaum (2000) (2) en ce qui concerne le critère d'évaluation de la distribution du bien20
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l'approche par les capabilités, vont même jusqu'à argumenter qu'il est inutile de vouloir tenter de le
transposer au niveau empirique, car les difficultés d'application proviennent de la nature même de
l'approche par les capabilités, intrinsèquement multidimensionnelle, contrefactuelle et spécifique au
contexte (Chiappero-Martinetti, 2001). Cependant, la richesse et la pertinence de l'approche de Sen se
fondent précisément sur l'organisation cohérente de concepts par essence complexes et incomplets
(Sen, 1993b), comme par exemple la liberté d'opportunité. Dès lors sa mise en œuvre pratique
nécessairement d'un certain pragmatisme raisonné auquel adhère Sen lui-même (Sen, 2003), et doit
être justifiée à la lumière du domaine et du contexte étudiés.
Pour passer de la définition théorique du bien-être effectif à la construction d'outils directement
utiles à l'analyse, il faut tout d'abord déterminer la liste (raisonnée et courte) des fonctionnements
généraux qu'il convient d'inclure dans la base d'information du bien-être21 et qui en délimitent le
périmètre d'évaluation. Ensuite, il faut à sélectionner les variables statistiques qui permettront de les
valoriser concrètement.
De par sa nature multidimensionnelle, l'approche par les capabilités est très exigeante en termes
informationnels, d'autant plus que notre domaine d'application nous impose de disposer de données
statistiques géo-localisées à l'échelle la plus fine possible. Si l'idéal serait bien entendu de disposer de
données individuelles référencées, nous manipulons des données déjà agrégées à l'échelon communal
(et des 20 arrondissements municipaux parisiens). Bien qu'il s'agisse d'un choix de second rang,
apprécier le bien-être à l'échelon communal22 n'est pas complètement dénué de sens. En premier lieu, il
s'agit d'un échelon de mesure fort utilisé dans les travaux sur le contexte français et qui correspond par
ailleurs à l'échelon de base des études sur les "quartiers" dans d'autres pays européens (voir Musterd et
al, 2006). De plus, comme le font remarquer Préteceille et alii (2005), la commune est un "espace
institutionnel partagé" à l'échelle duquel s'organisent de nombreux aspects de la vie des individus
(production et gestion des services municipaux, élections, impôts locaux, rayon d'action des
équipements culturels et sportifs…).
2.1. Valorisation des réalisations effectives
Tout d'abord, nous valorisons réalisations effectives en mobilisant deux fonctionnements : "avoir un
revenu décent" ("revfis") et "avoir un logement décent" ("log"). Le premier permet d'apprécier la
satisfaction des individus en termes de consommation et d'épargne ; le second donne une indication de
l'environnement physique immédiat dans lequel évolue l'individu.
Pour apprécier le fonctionnement "avoir un revenu décent", nous utilisons les données Insee-DGI sur
le revenu fiscal moyen de chaque commune. Le revenu fiscal correspond à la somme (avant
redistribution) des ressources déclarées par les contribuables sur leur déclaration des revenus, avant
être individuel au sein de la population, il n'existe pas d'indicateur univoque permettant de classer les ensembles
de capabilités et (3) Sen établit qu'un critère de justice cohérent avec son approche doit reposer sur l'égalisation
des capabilités sans expliciter pour autant la façon dont celle-ci doit être menée.
21 A ce stade se pose la question de l'influence des préjugés du chercheur lors de la sélection des
fonctionnements. Cadre par nature flexible et incomplet (Sen, 2000b, Robeyns, 2000), l'approche par les
capabilités ne peut être érigée au rang d'une métrique du bien-être semblable à la métrique du bien-être
welfariste. Un premier point de vue – auquel nous adhérons – est qu'il revient à chaque praticien d'argumenter –
et de remettre en question – la liste des fonctionnements qu'il considère adaptée au regard de son domaine
d'étude particulier. Par contraste, certains, dans la lignée des travaux de Nussbaum, cherchent à établir une liste
de fonctionnements universelle et définitive.
On pourra consulter Le Bras (1994) pour une discussion approfondie des conséquences statistiques du choix
de l'échelle d'analyse.
22
8 / 30
tout abattement. Cette statistique est construite par l'Insee à partir des fichiers exhaustifs des
déclarations de revenus des personnes physiques et de la taxe d'habitation qui lui sont fournis par la
Direction Générale des Impôts. Nous utilisons cette statistique afin de mesurer le revenu en raison de
sa grande fiabilité : 97% des foyers rédigent une déclaration de revenus et la qualité des réponses
fournies à l'administration fiscale est supérieure à celle des enquêtes-revenu par ailleurs menées par
l'Insee. Pour l'année 1990, nous utilisons des données Insee-DGI archivées et diffusées par le Centre
Maurice Halbwachs et nous transformons les francs 1990 en euros 1999 à l'aide des séries longues
d'indices de prix construites par l'Insee et disponibles sur son site internet23.
Ensuite, nous apprécions le fonctionnement "avoir un logement décent" du point de vue du confort
des logements. Cela peut être réalisé de plusieurs manières : la liste des éléments communément admis
comme nécessaires à des conditions de vie "normales" comprend en effet des éléments très divers
comme l'eau chaude courante, la présence de toilettes, d'une salle d'eau ou encore d'une baignoire ou
d'une douche à l'intérieur du logement, l'existence d'un système de chauffage (central ou électrique), le
degré d'humidité du logement... (Seys et al, 2002). À l'échelle communale, le Recensement Général de
la Population (RGP) (Insee, 1990, 1999) fournit des indications sur la présence (a) de toilettes à
l'intérieur du logement, (b), d'une douche ou d'une baignoire à l'intérieur du logement et (c) d'une salle
d'eau séparée du reste du logement. Nous constatons que la proportion d'individus dont le logement
principal n'est pas doté d'au moins un de ces éléments de confort est très faible : 3,32% pour les WC,
1,64% pour la douche ou la baignoire, 5,43% pour la salle d'eau séparée du reste du logement
(données 1999). De ces trois éléments, nous avons choisi de retenir la présence d'une douche ou d'une
baignoire intérieures comme indicateur de confort minimal. Cet élément de confort semble moins
rudimentaire que la présence ou non de WC intérieurs au logement, par exemple, mais il reste partagé
par l'immense majorité de la population, de sorte que l'adopter permet d'isoler la petite fraction
d'individus ne disposant pas d'un élément de confort largement diffusé dans la population.
2.2. Valorisation de la liberté d'opportunité
Ensuite se pose la délicate question de l'appréciation de la liberté d'opportunité24. En connaissance de
cause, et en soulignant le caractère "de second rang" de la démarche adoptée, nous reprenons à notre
compte l'argumentation de Basu (1987) et nous nous limitons à inférer une approximation de la valeur
de l'ensemble des capabilités à partir de l'espace des fonctionnements réalisés. Nous postulons ainsi
que l'ensemble des capabilités d'un individu est d'autant plus élevé qu'il dispose, de par son passé et
son environnement immédiat, de moyens lui permettant de chercher et de saisir les différentes
opportunités qui s'offrent à lui. À ce titre, nous avons sélectionné les fonctionnements "avoir une
éducation suffisante" ("esu") et "avoir accès à un tissu social favorable" ("tiss").
Nous mesurons le fonctionnement "avoir une éducation suffisante" grâce au diplôme le plus élevé
possédé par les individus de 15 ans et plus25 selon la classification des niveaux de diplôme au sens du
En prenant une base 100 en 1999, nous calculons que l'indice des prix vaut 85,8 en 1990, de sorte que
1 franc1990 = 0,858 × 1 6,55957 euro1999 .
23
Pour une présentation des difficultés théoriques qui surgissent à ce stade, on pourra se référer à Brandolini et
d'Alessio (1998) et Robeyns (2000).
24
Nous excluons la population de moins de 15 ans de notre étude. Il aurait été possible de construire un
indicateur du niveau d'éducation de cette partie de la population (par exemple en calculant le taux de réussite au
Bac des lycées dont dépend la commune compte tenu de la sectorisation des lycées), mais nous ne disposions pas
de telles données pour l'année 1990.
25
9 / 30
recensement : "Aucun diplôme", "CEP", "BEPC", "CAP ou BEP", "Bac ou Brevet professionnel",
"BAC+2", "Diplôme supérieur" (données tirées du Recensement général de la Population, Insee 1990,
1999).
Il existe trois approches pour apprécier les niveaux d'éducation de la population présente sur un
territoire donné (Brandolini et d''Alessio, 1998). On peut s'appuyer sur (1) la mesure du nombre
d'individus ne possédant pas une qualification considérée comme "minimale" compte tenu des
contraintes que la société moderne impose aux individus. On calcule alors un indicateur absolu de
déficit d'éducation. On peut aussi utiliser (2) le nombre d'individus n'ayant pas atteint le terme de la
période de scolarité obligatoire. Dans ce cas, on calcule un indicateur légal de déficit d'éducation26.
Enfin, on peut mesurer (3) le nombre d'individus n'ayant pas atteint la qualification médiane possédée
par l'ensemble de la population. L'indicateur qui en découle est un indicateur médian de déficit
d'éducation27.
[Insérer le tableau 1 ici]
Le tableau 1 ci-dessus présente les résultats obtenus sur les données de 1999 pour les indicateurs
légal, médian et absolu (où le niveau minimal est fixé au BEPC toutes tranches d'âge confondues) de
déficit d'éducation. Nous remarquons que l'indicateur médian est supérieur à l'indicateur absolu pour
les trois zones étudiées, ce qui est dû au fait que le niveau de diplôme médian est systématiquement
inférieur au BEPC pour les classes d'âge les plus anciennes. Par contraste, l'indicateur légal est
toujours légèrement plus faible que l'indicateur absolu car le niveau d'éducation que nous retenons
comme seuil dans ce cas pour les deux classes d'âge les plus anciennes correspond au CEP au lieu du
BEPC. Les populations de 55 ans et plus ayant un diplôme supérieur au CEP mais n'ayant pas
décroché le BEPC sont donc considérées comme en déficit d'éducation du point de vue de l'indicateur
absolu mais pas du point de vue de l'indicateur légal. La différence entre ces deux indicateurs est
cependant très faible car elle ne porte que sur ces deux classes d'âge.
Choisir l'indicateur médian pour apprécier le fonctionnement "avoir une éducation suffisante" de la
population âgée de 15 ans et plus permettrait d'éviter le degré d'arbitraire engendré par le choix des
seuils des indicateurs absolu et légal. Cependant, nous lui avons préféré l'indicateur absolu d'éducation
En France, le niveau de scolarité minimal légal ne correspond pas à un niveau de diplôme mais à un âge endeçà duquel la scolarité est obligatoire. Depuis la loi du 28 mars 1882 sur l'enseignement primaire qui instaurait
l'obligation scolaire pour tous les enfants âgés de six à treize ans, la durée de l'obligation scolaire a été allongée à
deux reprises. La loi du 9 août 1936 a porté l'âge de fin de scolarité obligatoire ayant été porté à 14 ans.
L'ordonnance du 6 janvier 1959 a porté le terme de la scolarité obligatoire à 16 ans.
26
En faisant l'hypothèse que ces mesures se sont appliquées aux cohortes en cours d'études à l'époque, nous
supposons que l'âge de fin de la scolarité obligatoire était de 13 ans pour les individus nés avant 1923 (ayant
donc 76 ans et plus à la date du recensement de 1999), 14 ans pour les individus nés entre 1923 et 1945 (ayant
donc entre 76 et 54 ans en 1999) et 16 ans pour les individus nés après 1945 (ayant donc 54 ans ou moins en
1999).
Cependant, les données fournies par le recensement ne renseignent pas sur l'âge où les individus ont arrêté leurs
études, mais ne donnent d'indication que sur des niveaux de diplôme obtenu. Pour notre part, afin de construire
l'indicateur légal de déficit d'éducation, nous supposerons que la fin de la scolarité obligatoire correspondait
approximativement au passage du Certificat d'Études Primaires (CEP) pour les personnes nées avant la fin de la
Seconde Guerre Mondiale (ce qui correspond à nos classes d'âge [55-60 ans] et [60 ans et plus] et au passage du
Brevet d'Études du Premier Cycle (BEPC) pour les personnes nées depuis 1945 (toutes les autres classes d'âge).
Quelle que soit l'approche retenue, mesurer le niveau d'éducation de la population résidant sur un territoire
donné suppose de tenir compte de la structure par âge de cette population, car les niveaux d'éducation varient
sensiblement selon la génération à laquelle appartiennent les individus : le niveau d'éducation global des classes
d'âges les plus anciennes est sensiblement inférieur à celui des classes les plus récentes.
27
10 / 30
afin de pouvoir conserver un cadre de référence commun quelle que soit la date. Nous avons rejeté
l'indicateur légal parce que les diplômes obtenus ne constituent pas vraiment une proxy satisfaisante de
l'âge où les individus arrêtent leurs études. Il faut remarquer qu'au final le choix d'un indicateur plutôt
qu'un autre n'a que très peu d'effet sur le classement des unités spatiales.
Ensuite, nous définissons un indicateur permettant de rendre compte du fonctionnement "avoir accès
à un tissu social favorable". Nous faisons l'hypothèse que le caractère "favorable" du tissu social
dépend de la présence dans la commune de groupes sociaux nombreux situés dans le haut de l'échelle
sociale – comme semble l'attester la littérature sur les effets de voisinage. Nous définissons ainsi
l'indicateur "tiss" comme l'écart, rapporté à la population totale de la commune, entre le nombre
d'individus dotés d'une position professionnelle (PCS) de niveau "supérieur" et le nombre d'individus
dotés d'une PCS de niveau "inférieur"28 (données Insee, RGP 1990, 1999). Le recours à la catégorie
socioprofessionnelle comme indicateur du positionnement des individus au sein de la société dans
laquelle ils évoluent est très répandu en sciences sociales, comme le rappellent Préteceille et alii
(2005) : le recours à la PCS est considéré comme donnant des enseignements plus riches que les
niveaux d'éducation et de revenu utilisés par les études s'inspirant de travaux américains.
Comme cet écart varie de -1 (100% de la population appartient à une PCS "inférieure") à 1 (100% de
la population appartient à une PCS "supérieure") nous corrigeons cette différence de sorte que :
SocHaut =
1 
PCS sup − PCS inf 
× 1 +

2 
PCS tot

Au total, plus le score d'une commune quant à l'indicateur "tiss" est élevé, plus les groupes
socialement favorisés dominent le tissu social en termes d'effectif (figure 1 ci-dessous).
[Insérer la figure 1 ici]
2.3. Valorisation de la liberté procédurale
Enfin, il nous reste à traiter la question de l'appréciation du degré de liberté procédurale des
individus qui rend compte du degré de contrôle qu'un individu exerce sur ses choix. La valorisation de
cette dimension du bien-être dépend tout particulièrement de notre champ d'application, à savoir
l'étude des niveaux de bien-être et de la ségrégation urbaine de l'espace parisien étendu à la petite
couronne.
Tout d'abord, dans ce cadre, nous estimons qu'un individu jouira de la pleine maîtrise de sa
trajectoire de vie au niveau le plus général s'il participe pleinement à la régulation du système social
dans lequel il est inséré. Ainsi, nous tiendrons compte du fonctionnement "être intégré à la vie sociale
et politique" (pol) dans notre valorisation du bien-être. Ce fonctionnement a pour vocation de capturer
la participation des individus dans les processus décisionnels qui les affectent. À ce titre, on peut
l'interpréter comme une façon d'apprécier – de manière très indirecte – l'agence des individus.
En France, l'Insee a mené entre 1996 et 2004 une Enquête permanente sur les conditions de vie des
ménages (EPCV) réalisée trois fois par an (janvier, mai, octobre) dont certaines des parties variables
ont pu fournir des informations sur la participation et les contacts sociaux, la participation culturelle,
ou encore la vie associative. D'autres organismes comme le CREDOC réalisent également des
28
PCS ++ : cadres, professions intellectuelles supérieures ; PCS -- : ouvriers, employés.
11 / 30
enquêtes permettant d'apprécier l'intégration des individus dans le tissu social local ou national.
Cependant, aucune de ces enquêtes, très riches en termes d'information, n'est désagrégée au niveau
communal. De plus, le RGP, qui constitue notre source statistique géo-localisée principale, ne fournit
pas d'indicateurs susceptibles de rendre compte de cette dimension du bien-être. Or, il nous semble
indispensable de valoriser la participation des individus aux processus décisionnels collectifs. Pour ce
faire, nous nous résignons à ne disposer que d'une proxy très indirecte, en l'occurrence le taux de
participation aux élections. Plus particulièrement, nous avons choisi pour apprécier "pol" le taux de
participation aux référendums "européens" : référendum du 20 septembre 1992 sur le traité de
Maastricht et référendum du 29 mai 2005 sur la Constitution Européenne. En premier lieu, la date de
ces scrutins reste raisonnablement proche de celle où nous observons le reste des indicateurs (1990 et
1999). En second lieu, le fait d'avoir exercé son pouvoir d'électeur/trice lors de ces scrutins nous paraît
particulièrement parlant en termes d'agence. En effet, tant le referendum de 1992 que celui de 2005
portaient précisément sur le choix d'un mode d'organisation de la décision collective. Ainsi, participer
à ces scrutins supposait d'agir sur des institutions à l'origine de plus de 80% du flux normatif actuel
(législatif et réglementaire confondus). De plus, malgré leur très grande influence sur la réalité des
conditions de vies des individus, les institutions supranationales sont l'échelon de l'organisation de la
décision collective le plus lointain du citoyen. Ainsi, nous faisons l'hypothèse que voter lors de ce
scrutin implique, parce que la lisibilité des institutions européennes est faible, la volonté particulière
des individus d'exercer pleinement leur pouvoir d'agence.
Ensuite, parce que la dimension spatiale est au cœur de notre étude, nous mettons également l'accent
sur le rôle de l'accès aux lieux où s'exercent les choix économiques des agents, c'est-à-dire, pour nous,
le marché du travail et le marché des biens, des services et des aménités urbaines. Nous faisons
l'hypothèse qu'un déficit de liberté procédurale se manifeste par une faible accessibilité des agents à
ces marchés. D'une part, nous choisissons de mesurer la limitation d'accès aux marchés urbains par
l'éloignement physique des agents des lieux ou s'exercent leurs choix économiques. Ainsi, on mesure
la manière dont la distance physique affecte la liberté procédurale des agents via la mobilité des
individus. D'autre part, nous voulons tenir compte de la privation de liberté procédurale qui s'opère via
le marché du travail. Les deux derniers fonctionnements entrant dans la composition du bien-être
effectif sont donc "être mobile" ("mob") et "avoir accès au marché du travail" ("chôm" et "migr").
Nous apprécions le fonctionnement "être mobile" en termes d'indépendance de l'individu dans sa
mobilité quotidienne. Plusieurs indicateurs sont envisageables pour cela : la distance quotidienne
parcourue, la part du budget temps individuel consacrée aux déplacements, la part des dépenses du
ménage auquel appartient l'individu consacrée aux transports quotidiens, la possession d'un moyen de
transport permettant de se déplacer de manière indépendante (voiture particulière, deux roues), le
nombre de modes de transport qu'un individu doit utiliser pour effectuer ses déplacements
"obligatoires" (navette domicile-travail, ou domicile-école, achat de nourriture, démarches
administratives…). Il existe des enquêtes Insee renseignant sur tous ces indicateurs29 ;
malheureusement, elles ne fournissent pas de données détaillées à l'échelon communal. Nous ne
disposons donc de données désagrégées au niveau communal ni sur les temps de transport individuels,
ni les dépenses en transport des ménages, ni sur la combinaison de modes de transports utilisés pour
les navettes lorsque plusieurs modes de transport sont utilisés. En revanche, à ce niveau géographique,
le Recensement général de la population (Insee, 1990, 1999) renseigne sur le nombre de voitures
particulières possédées par le ménage auquel appartient l'individu : [aucune / une / deux ou plus] et
(pour 1999) sur les modes de transport utilisés par l'individu pour effectuer ses navettes domiciletravail : [aucun / marche à pied seule / deux roues seul / voiture particulière seule / transports en
commun seul / plusieurs modes de transport]. Faute de données relatives à 1990 pour ce deuxième
Enquête Emploi du temps (Insee, 1985-86, 1998-99) ; Enquête Transports (Insee, 1993-94), Enquête Budget
des familles (Insee, 1989, 1994-1995, 2000).
29
12 / 30
élément, nous avons choisi d'apprécier la mobilité à l'aide de la proportion d'individus appartenant à un
ménage possédant au moins un véhicule particulier (indicateur "mob")30.
Enfin, pour apprécier le degré d'accès au marché du travail des habitants d'une commune donnée,
nous utilisons deux indicateurs. Le premier ("chôm") est tout simplement le taux d'activité de ces
communes, défini comme le pourcentage d'individus ayant un emploi dans la population active
(données Insee, RGP 1990, 1999)31. Le second indicateur ("migr") concerne la disponibilité de
l'emploi dans la commune elle-même (l'arrondissement pour Paris intra-muros). Cet indicateur, de
nature clairement spatialisée, a comme vocation d'apprécier en quoi la localisation même dans une
commune donnée constitue ou non un handicap dans l'obtention d'un emploi, quel que soit le type de
celui-ci. Nous utilisons le % d'individus dont le travail est situé à l'intérieur de la commune parmi la
population active ayant un emploi (données Insee, RGP 1990, 1999).
Au total, nous retenons 8 indicateurs statistiques pour apprécier les fonctionnements qui composent
le bien-être effectif (voir tableau 2). On peut donc résumer le bien-être effectif de chacune des unités
(
spatiales par le vecteur x ≡ x1 ... x j ... x8
)
défini sur ℜ8, où x j est la quantité du jème attribut
disponible dans cette unité spatiale.
[Insérer le tableau 2 ici]
3. Indices multidimensionnels du niveau de bien-être et de la pauvreté des territoires
parisiens
Il nous faut maintenant définir la méthode d'agrégation32 de notre base d'information du bien-être à
l'échelle des communes et des arrondissements municipaux parisiens qui nous permettra d'apprécier
les évolutions contrastées de ces territoires en termes de niveau de bien-être d'abord, puis en termes de
pauvreté multidimensionnelle. Pour ce faire, nous procédons en trois étapes.
30
La proxy retenue donne une vision assez partielle de la réalité de la mobilité individuelle. Cependant, le choix
de l'un ou l'autre de ces deux indicateurs n'influence pas significativement le classement des communes qui
composent la zone Paris + petite couronne (données 1999).
31
Ce taux est différent du taux d'activité fourni par l'Insee car celui-ci est calculé sur la population totale (inactifs
compris). Nous n'avons pas retenu ce dernier indicateur car la surreprésentation de certains inactifs comme les
retraités aboutissait à des scores très faibles pour certaines communes de l'Ouest de la zone où les actifs qui
travaillent, s'ils sont moins nombreux, ont pourtant plutôt accès à des emplois de qualité.
32
Dans une approche multidimensionnelle comme l'approche par les capabilités, le choix du degré d'agrégation
résulte de la tension entre deux objectifs contradictoires. D'un côté, recourir à des stratégies faiblement
agrégatives permet de conserver au maximum, lors du passage du niveau théorique au niveau empirique, la
richesse et la complexité de la définition du bien-être individuel multidimensionnel qui est propre à l'approche
par les capabilités. D'un autre côté, des degrés élevés d'agrégation permettent de donner une image plus
synthétique de la situation qu'il s'agit d'évaluer voire, dans certains cas, d'obtenir un classement complet des états
sociaux. Ici, nous adoptons une stratégie pleinement agrégative. Pour une présentation de l'éventail complet des
stratégies d'opérationnalisation de l'approche par les capabilités, voir Brandolini et d'Alessio (1998).
13 / 30
1. Tout d'abord, nous avons recours à une fonction de valorisation vij (⋅) qui transforme le vecteur x
(
en un vecteur v ≡ v1 ,..., v j ,..., v8
)
dont les scalaires v j sont commensurables33 : cette étape de
transformation de l'information statistique est nécessaire compte tenu de la nature très différente des
indicateurs statistiques utilisés pour apprécier les différents fonctionnements du bien-être.
De nombreuses fonctions de valorisation ont été proposées dans la littérature34. La fonction de
valorisation linéaire (1) ci-dessous (PNUD, 1995) permet d'obtenir une mesure commensurable des
niveaux atteints dans chacune des dimensions du bien-être. Elle exprime la distance entre le score x j
de l'unité spatiale en question et le score de l'unité spatiale la plus défavorisée exprimée en % de
l'étendue de la distribution des x j dans la zone étudiée.
v Nj ( x j , min x j , max x j ) =
x j − min x j
(1)
max x j − min x j
Un autre type de fonction de valorisation permet d'apprécier la privation de bien-être dans chacune
de ces dimensions. La privation de bien-être est le pendant multidimensionnel de la pauvreté
monétaire : appréciée en termes de déficits et non plus de niveaux, elle est mesurée par la distance
entre ce que réalisent les individus dans chacune des dimensions du bien-être et un seuil représentant
le minimum social à atteindre pour être intégré dans la société. Nous fondons notre appréciation de la
ségrégation sur une telle fonction qui permet de rendre compte de sa nature asymétrique : l'indicateur
mesure l'écart entre les scores des moins défavorisés et la médiane de leur environnement proche. La
fonction de valorisation quadratique (2) ci-dessous est intéressante en ce qu'elle est fondée sur deux
seuils critiques qui permettent de séparer les biens lotis (ceux dont le score est supérieur à la médiane
de l'ensemble des territoires dans chaque dimension du bien-être) du reste de la population tout en
nuançant la prise en compte des déficits de bien-être du reste de la population et en isolant les plus mal
lotis.
1

2
 1  z bas
− xj 
j
1 −  bas
med 
2
z
−
z



j
j
med
v Pj ( x j , z bas
, z haut
) =  high
j , zj
j
2
1  xj − xj 
  high
med 
 2  x j − z j 

0
si x j ≤ z bas
j
privation extrême
< x j ≤ z med
si z bas
j
j
privation forte
(2)
si z med
< x j ≤ z haut
privation modérée
j
j
si x j > z haut
j
absence de privation
Une autre solution consisterait à construire des "fonctionnements équivalent revenu" en ajustant les revenus
individuels aux différences dans les fonctionnements. Cependant, cette approche est très sensible aux hypothèses
sous-jacentes à la monétisation des scores atteints dans les autres dimensions que le seul revenu. De plus, adopter
cette démarche revient implicitement à supposer que certaines dimensions peuvent être compensés par un
surcroît de revenu – cela ne nous paraît pas compatible avec l'approche par les capabilités, où le bien-être est
conçu comme une combinaison des états de vie porteurs de valeur.
33
Des fonctions de valorisation ont en autres été proposées par le PNUD (1995), Cheli et Lemmi (1995),
Townsend (1979), Mack et Lansley (1985), Mayen et Jenks (1989), Federman et al (1996), Nolan et Whelan
(1996a), Lelli (2001), Zani (1989) et Sanchez (1986). Pour une revue de la littérature de ces fonctions de
valorisation, voir Chiappero-Martinetti (2000) et Lelli (2001).
34
14 / 30

med ( x j )


2
Avec Z  z bas
=
j
, z med
=
j
z haut
− z bas
j
j
2


, z haut
=
med
x
( j )  le vecteur des seuils critiques qui
j

permet de séparer les différentes catégories d'individus.
2. Une fois la fonction de valorisation définie, il faut décider du poids accordé à chaque dimension du
(
)
bien-être, c'est-à-dire que spécifier les scalaires du vecteur b ≡ b1 ... b j ... b8 où b j ≥ 0 est la
pondération accordée à la dimension j . Nous choisissons ici une pondération "agnostique" et
normalisée des dimensions du bien-être, où chaque fonctionnement se voit attribuer une pondération
identique et où la somme des coefficients de pondération est égale à l'unité35.
3. Enfin, il faut agréger les scalaires du vecteur des niveaux de bien-être (ou de privation)
v N , P ≡ ( v1 ,..., v j ,..., v8 ) pour obtenir, à l'échelle de chaque unité spatiale, un indice de bien-être ou de
privation de dimension unitaire. Pour ce faire, nous avons recours aux indices multidimensionnels
récemment développés dans une démarche axiomatique par Tsui (2002) et Bourguignon et
Chakravarty (1999, 2002). Nous avons retenu une forme fonctionnelle additive simple définie par :
I N ,P =
2
1 8
b j ( v Nj , P )
∑
8 j =1
(3)
Le choix de cette forme fonctionnelle permet une certaine substitution entre les dimensions du bienêtre36 ainsi que le respect de principes axiomatiques essentiels : ces indices respectent les axiomes de
continuité, de monotonicité, de population, de focalisation forte, d'invariance d'échelle, l'axiome des
transferts multidimensionnels, de non décroissance de la privation après une augmentation de la
corrélation entre les dimensions et, de par leur nature additive, les axiomes de cohérence et de
décomposabilité en sous-groupes et par attribut37.
Ainsi, nous disposons de deux indices multidimensionnels de mesure qui nous permettent
d'apprécier le niveau et la privation de bien-être effectif des territoires de l'espace parisien élargi à sa
petite couronne pendant les années 1990. Munis de ces outils, nous pouvons étudier l'évolution sociale
de cette zone puis nous prononcer sur son éventuelle ségrégation socio-spatiale.
Pour une discussion des différents systèmes de pondération proposés dans la littérature, voir Brandolini et
d'Alessio (1998) et Comim (2001). Malgré les différences théoriques qui les opposent, nous avons constaté que
le choix de l'un ou l'autre d'entre eux – ou le choix d'un vecteur de pondération donnant une place prépondérante
au revenu – n'avait pas d'influence significative sur le classement des territoires selon leur privation de bien-être.
Pour notre part, nous adoptons un système de pondération "agnostique" des dimensions du bien-être, où chaque
fonctionnement se voit attribuer une pondération identique. Cela implique d'attribuer à chaque fonctionnement le
poids de 1 7eme du bien-être effectif total. Dans le cas du fonctionnement "avoir accès au marché du travail", les
attributs "chôm" et "migr" se voient attribuer chacun le poids de 1/14ème du bien-être effectif total.
35
Ici, l'élasticité de substitution entre les dimensions du bien-être est égale à 2 (élasticité modérée). Le choix de
valeurs très différentes pour ce paramètre n'a pas entraîné de variation significative quant au classement des
territoires ni par niveau de bien-être ni par niveau de privation de bien-être.
36
Voir Bourguignon et Chakravarty (1999, 2002) et Tsui (2002) pour la discussion des propriétés axiomatiques
des indicateurs multidimensionnels de pauvreté et d’inégalité.
37
15 / 30
4.
Paris, une ville ségrégée ?
4.1. Les niveaux de bien-être ne divergent pas mais certaines communes décrochent
Avant d’étudier la ségrégation proprement dite, qui repose sur l'étude de la privation de bien-être
effectif, nous nous intéressons à l'évolution des niveaux de bien-être effectif des communes de Paris et
de la petite couronne. Nous cherchons à savoir si l'hypothèse de la différenciation sociale croissante de
l'espace francilien, qui nourrit largement la thématique de la "nouvelle question spatiale", pouvait être
validée avec notre base d'information du bien-être. Répondre à cette question revient à chercher s'il
existe une corrélation positive entre le niveau de bien-être des unités spatiales en début de période, de
sorte que les territoires les plus favorisés en début de période sont ceux qui connaissent l'évolution la
plus favorable alors que, dans le même temps, les espaces les plus défavorisés en début de période
connaissent l'évolution la plus défavorable.
Nous constatons que si l'on tient compte du décile des unités spatiales les plus favorisées, le
coefficient de corrélation est très faiblement négatif (-0,049) mais non significatif (à 10%). En
revanche, si l'on ne tient pas compte de ces unités spatiales, la corrélation entre les niveaux de bienêtre effectif en 1990 et leur variation entre 1990 et 1999 est significativement positive à 5%
(coefficient de corrélation égal à 0,249). En excluant les unités spatiales les plus favorisées, on peut
donc mettre en évidence une certaine différenciation sociale de cette zone, les unités spatiales les
moins bien loties divergeant non pas par rapport aux unités spatiales les plus riches, mais par rapport
aux unités spatiales qui disposent de niveaux de bien-être effectifs moyens-supérieurs en 1990.
[Insérer la figure 3 ici]
La figure 3 nous permet également de constater qu'un nombre conséquent d'unités spatiales se
caractérise à la fois par de faibles niveaux de bien-être effectif en début de période et une évolution
plus défavorable que la moyenne (unités spatiales entourées d'un cercle sur la figure). Cette forte
minorité d'unités spatiales "en décrochage" ne suffit pas à accréditer l'hypothèse de différenciation
sociale croissante de l'espace parisien, mais leur présence nous pousse à nous intéresser plus
spécifiquement aux unités spatiales les plus mal loties. Peut-on aller jusqu'à affirmer que ces unités
spatiales sont soumises à un véritable processus de ségrégation ? Pour le savoir, il faut basculer de
l'étude des niveaux de bien-être à l'étude la privation relative de bien-être.
16 / 30
4.2. Une importante hiérarchisation de l'espace parisien par les niveaux de bien-être effectif
Avant d'identifier les territoires en situation de ségrégation socio-spatiale, nous nous intéressons plus
généralement à la hiérarchisation socio-spatiale de l'espace parisien élargi à la petite couronne. Nous
étudions l'autocorrélation spatiale des niveaux de bien-être à l'aide des coefficients de Moran38. La
présence d'autocorrélation spatiale positive (négative) indique que les valeurs prises par les niveaux de
privation de bien-être des unités spatiales ne sont pas disposées au hasard dans l'espace des zones
étudiées, mais sont proches pour deux unités spatiales voisines39 (éloignées). Si le coefficient de
Moran est significativement positif, cela signifie que deux unités spatiales voisines ont des niveaux de
privation de bien-être similaires. À l'opposé, s'il est significativement négatif, deux unités spatiales
voisines ont des niveaux de privation de bien-être effectif dissemblables. La figure 1 présente les
valeurs du coefficient de Moran des niveaux de privation de bien-être effectif en 1990 et 1999.
[Insérer la figure 1 ici]
Nous constatons la présence d'une autocorrélation spatiale positive élevée et significative de l'espace
parisien : il y a donc bien séparation physique des unités spatiales favorisées et des unités spatiales
défavorisées. Par ailleurs, ce résultat ne dépend pas du choix du rayon de la fenêtre de voisinage : les
statistiques de Moran restent significativement positives (quoique décroissantes) jusqu'à une fenêtre de
voisinage de 15 km, ce qui est relativement élevé compte tenu de la dimension de cette zone. Cela
suggère l'existence de larges zones formées de territoires contigus et de même nature, que les cartes 1
et 2 permettent de visualiser40.
[Insérer les cartes 1 et 2 ici]
Ces cartes font apparaître une vaste région couvrant grosso modo le département de la Seine-SaintDenis (93), et où la privation relative de bien-être effectif est particulièrement élevée. Une seconde
région peut également être identifiée au sud de la zone. Le caractère privilégié de l'Ouest et du couloir
de communes suivant les bords de Marne apparaissent également de manière très nette. Enfin, il est
intéressant de remarquer que la commune de Clichy-sous-Bois, où le niveau de privation relative est
particulièrement élevé, se détache nettement des communes avoisinantes, tant sur la carte de 1990 que
sur celle de 1999.
38
Le coefficient de Moran donne le ratio de la covariance entre observations contiguës à la variance totale de
l’échantillon.
Il existe de nombreuses façons d'apprécier le degré de voisinage entre deux unités spatiales. Pour notre part,
nous choisissons d'apprécier le degré de voisinage entre unités spatiales en termes de la distance qui sépare leurs
centroïdes. Si cette distance est inférieure au rayon de la fenêtre de voisinage, nous considérons que les deux
unités spatiales sont voisines. Nous fixons le rayon de la fenêtre de voisinage à 2 km. Par ailleurs, la matrice de
contiguïté qui permet d'apprécier le degré de voisinage entre deux unités spatiales a été construite selon Decroly
et Grasland (1996).
39
40 Il faut remarquer que le fait d'avoir retenu – par souci de lisibilité – un faible nombre de classes pour la
représentation cartographique peut donner l'impression d'une hiérarchisation fondée sur des ruptures nettes entre
les unités spatiales, alors que, comme le montrent Préteceille et alii (2005), la hiérarchisation sociale des espaces
situés au cœur de la zone, bien que réelle, se réalise plutôt par une gradation continue.
17 / 30
Ces éléments établissent que l'espace parisien est fortement hiérarchisé par la privation de bien-être
effectif. Pour autant, peut-on dire qu'il est ségrégé ? C'est ce que nous examinons dans la section
suivante.
4.3. Paris et sa petite couronne, un espace ségrégé
Nous avons défini la ségrégation comme un phénomène multidimensionnel, cumulatif, relatif et
dynamique. Afin d'identifier les territoires ségrégés, nous proposons de suivre la procédure suivante.
Nous considèrerons qu'un territoire est ségrégé s'il fait partie des unités spatiales situées en tête du
classement par niveaux de privation croissants (condition 1) ET s'il fait partie des unités spatiales
situées en tête du classement par variation de la privation croissante entre 1990 et 1999 (condition 2)41.
Ces deux conditions reflètent la nature relative et dynamique de la ségrégation. Une fois ces territoires
identifiés, nous étudions les contributions relatives des différentes dimensions du bien-être à la
privation totale afin de savoir s'ils sont affectés par une privation multidimensionnelle de nature
cumulative ou non (condition 3), ce qui nous permet finalement d'obtenir la liste définitive des unités
spatiales ségrégées de Paris.
La figure 3 représente, pour 1999, le détail des contributions relatives des différentes dimensions du
bien-être effectif à la privation multidimensionnelle de bien-être effectif des communes respectant les
conditions (1) et (2). Elle permet de constater que la privation des unités spatiales ainsi identifiées est
bien de nature cumulative, plusieurs dimensions contribuant au niveau total de privation.
[Insérer la figure 3 ici]
Il existe donc bien des territoires ségrégés dans l'espace parisien ; pour autant, peut-on dire que
Paris, élargi à sa petite couronne, est lui-même ségrégé ? Pour répondre à cette question, il nous faut
tenir compte de la localisation relative de ces territoires. S'ils sont relativement proches les uns des
autres, de sorte que la "fracture sociale" durable et cumulative de la privation multidimensionnelle de
bien-être effectif se double d'une "fracture spatiale" de l'espace urbain, alors on peut affirmer que Paris
est bien une ville ségrégée. La carte 3 permet de visualiser, selon le degré de sévérité de la ségrégation,
les territoires de l'espace parisien étendu à la petite couronne qui satisfont ces trois conditions.
[Insérer la carte 3 ici]
Elle montre que les territoires ségrégés sont plutôt proches les uns des autres et se regroupent à l'est
de la Seine-Saint-Denis, mais deux communes (Clichy-sous-Bois et Vaujours) font exception.
L'étude de l''autocorrélation spatiale des niveaux de ségrégation des unités spatiales de la zone Paris
+ petite couronne permet de trancher définitivement sur la réalité de la ségrégation socio-spatiale de
Paris. Nous définissons le niveau de ségrégation si d'une unité spatiale i comme la moyenne du rang
Nous considérons deux degrés de sévérité de la ségrégation, selon que l'on retient 10% ou 25% des territoires
qui se classent en tête du classement par niveaux de privation croissants et par variation croissante de cette
privation.
41
18 / 30
de i selon le niveau de privation en 1999, rki (1) , et du rang de i selon la variation de cette privation
entre 1990 et 1999, rki ( 2 ) , de sorte que : si =
rki (1) + rki ( 2 )
2
.
La figure 4 ci-dessous présente les valeurs du coefficient de Moran des niveaux de ségrégation si
des unités spatiales de la zone Paris + petite couronne pour différents rayons de la fenêtre de
voisinage.
[Insérer la figure 4 ici]
Nous constatons que les territoires dotés de niveaux de ségrégation proches tendent à être proches
les uns des autres, alors que les territoires de niveaux de ségrégation différents tendent à être éloignés
les uns des autres42 : ce résultat met en évidence l'autocorrélation spatiale positive significative des
niveaux de ségrégation, ce qui nous permet de conclure par l'affirmative à la question de savoir si
l'espace parisien a subi un processus de ségrégation pendant la décennie 1990.
Il est intéressant de remarquer que l’on ne retrouve pas cette mise en lumière de l’autocorrélation
des niveaux de ségrégation si l'on s'en tient à une base d'information du bien-être qui n'est renseignée
que par le revenu, comme la carte 4 ci-dessous permet de le visualiser. A titre plus anecdotique, on
remarque par ailleurs que dans ce cas la commune de Clichy-sous-Bois ne peut être considérée comme
ségrégée.
[Insérer la carte 4 ici]
5.
Conclusion
Dans cet article, nous avons proposé de définir la ségrégation urbaine comme une privation
cumulative, relative et dynamique de bien-être effectif, ce dernier étant appréhendé à l'aide de
l'approche par les capabilités. Dans cette approche, alternative et complémentaire aux conceptions où
la ségrégation est assimilée à la mixité sociale, nous mettons l'accent sur le cumul des difficultés sur
certains territoires. Après avoir spécifiée la base d'information multidimensionnelle du bien-être, nous
avons eu recours à des indicateurs multidimensionnels récemment développés dans la littérature pour
apporter des éléments d'appréciation de la réalité de la dégradation de la "nouvelle question spatiale"
dans l'Île-de-France des années 90. Des travaux postérieurs utilisant des données géo-localisées à une
échelle plus fine s'imposent pour consolider ces premiers résultats.
Quant à l'évaluation des inquiétudes actuelles sur la "nouvelle question spatiale", nos résultats
complètent les conclusions issues des études où la ségrégation est étudiée en tant que mixité sociale. Si
nous avons retrouvé le résultat bien connu de la forte hiérarchisation de l'espace parisien et avons pu
établir, en mesurant l'évolution de l'autocorrélation spatiale des niveaux de privation de bien-être
effectif, que cette hiérarchisation s'était plutôt renforcée entre 1990 et 1999, nos résultats ne permettent
pas de valider l’hypothèse d’une différenciation sociale croissante de l’espace francilien.
42
Il faut cependant remarquer que ce résultat est établi pour une fenêtre de voisinage comprise entre 1,8 et 2,6
km, ce qui est relativement faible par rapport à la distance moyenne entre deux unités spatiales (13,76 km). La
ségrégation socio-spatiale concerne donc des unités spatiales très contiguës sur une portion limitée de la zone
tout entière.
19 / 30
Par contraste, nous avons établi l'existence d'une réelle ségrégation sociale de certaines unités
spatiales, au sens où ces communes, soumises à des niveaux élevés et cumulatifs de privation
multidimensionnelle de bien-être effectif, ont fortement décroché du reste des unités spatiales de la
zone pendant la décennie 90. Bien plus, la relative proximité géographique de ces territoires ségrégés
nous a permis de conclure à la réelle ségrégation socio-spatiale des la ville de Paris élargie à sa petite
couronne, résultat que l'on ne peut dégager si l'on se limite à une base d'information qui ne valorise
que les revenus.
Ainsi, la "nouvelle question spatiale" nous semble devoir plus être pensée en termes de l'exclusion
durable et cumulative de la frange la moins favorisée des unités spatiales plutôt que comme un
phénomène de divergence généralisée des niveaux de vie.
6.
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22 / 30
7.
Annexes
Tableau 1. Niveaux d'éducation et déficits d'éducation par classe d'âge - Paris et petite couronne, 1999
Indicateurs de
déficit d'éducation
Qualification maximale obtenue (% de la classe d'âge)
Classe
d'âge
Part
dans la
pop. (1)
Aucun
diplôme
CEP
BEPC
CAP,
BEP
Bac,
brevet
prof.
BAC
+2
Diplôme sup.
Niveau
médian
Abs
(2)
Lég
(3)
Méd
(4)
[15;20[
0,6
44,7
4,47
22,2
20,3
6,5
0,8
1
BEPC
49,2
49,2
49,2
[20;25[
4,7
15,2
1,7
8,9
23
27,3
14,2
9,6
Bac BP
16,9
16,9
48,8
[25;30[
11,5
10,5
1,7
5,3
15,7
17,3
17,2
33
Bac BP
12,2
12,2
33,1
[30;35[
11,8
12,4
2,5
6,4
19,9
14,7
15,2
29
Bac BP
14,9
14,9
41,2
[35;40[
11,1
13,9
3,9
8,4
20,1
15
14,1
24,7
Bac BP
17,7
17,7
46,2
[40;45[
9,9
14,9
7,2
9,1
19,3
14,2
12,8
22,5
CAP
BEP
22,1
22,1
26,1
[45;50[
9,6
15,8
12,5
8,4
19,1
12,5
11
21,1
CAP
BEP
28,4
28,4
31,2
[50;55[
9,5
16,5
14,6
8,4
18,5
11,8
9,4
20,8
CAP
BEP
31,1
31,1
36,8
[55;60[
6,7
19,7
16,2
8,2
17,9
11,9
7,8
18,3
CAP
BEP
35,9
19,7
39,6
60 et +
24,5
21,1
27,6
11,4
12,5
10,4
4,6
12,3
BEPC
48,8
21,1
48,8
28,5
20,6
40,1
Total corrigé par la structure par
âge de la population de15 ans et
plus ayant achevé ses études
Source : calculs de l'auteur à partir des données du RGP (Insee de 1999)
Notes : (1) Nous calculons la part de chaque classe d'âge ayant terminé ses études dans le total de la population de 15 ans et
plus ayant terminé ses études. Nous ne pouvons tenir compte des individus encore en cours d'étude car nous ne disposons pas
d'informations sur leur niveau maximal déjà atteint. De même pour les individus de moins de 15 ans en 1999. (2) L'indicateur de
déficit d'éducation absolu donne, pour chaque classe d'âge, la part des individus qui ont terminé leurs études sans atteindre le
niveau BEPC dans l'effectif total de la classe d'âge ayant terminé ses études. (3) L'indicateur légal donne pour chaque classe
d'âge, la part des individus ayant terminé leurs études sans décrocher le CEP pour les individus des classes d'âge [55 ; 60[ ans
et [60 ans et plus [ et sans décrocher le BEPC pour les autres. (4) L'indicateur de déficit d'éducation absolu donne, pour chaque
classe d'âge, la part des individus qui ont terminé leurs études sans atteindre le niveau d'études médian de leur classe d'âge dans
l'effectif total de la classe d'âge ayant terminé ses études.
23 / 30
Tableau 2 – récapitulation des fonctionnements retenus et des indicateurs associés
Dimension du bien-être effectif
Réalisations effectives
(RE)
Liberté d'opportunité
(LO)
Liberté procédurale
(LP)
Fonctionnement
Indicateur statistique
Avoir un revenu décent
revfis#
revenu fiscal individuel moyen
(€ 1999)
Avoir un logement décent
log*
% de la population vivant dans
un logement ne comportant pas
de salle d'eau séparée du reste
du logement.
Avoir une éducation suffisante
edu*
% de la population ayant
terminé études avec un diplôme
supérieur au BEPC
Avoir accès à un tissu social
favorable
tiss*
écart entre le % d’individus
situés en haut de l'échelle
sociale et le % d’individus
situés au bas de l'échelle
sociale
Être intégré à la vie sociale et
politique
pol*
taux de participation aux
référendums de 1992 et de 2005
Être mobile
mob*
% des individus appartenant à
un ménage ayant une voiture
particulière ou plus.
Avoir accès au marché du
travail (1/2)
chôm*
% d'individus dont le travail est
situé à l'intérieur de l’unité
spatiale parmi la population
active ayant un emploi.
Avoir accès au marché du
travail (2/2)
migr*
% des individus ayant un
emploi rapporté à la somme des
employés et des chômeurs
Source : * Insee, recensement général de la population. # Insee-DGI.
Les données 1990 ont été obtenues via le Lasmas.
24 / 30
Il y a plus de CSP-- que
de CSP++ dans la
commune
Il y a plus de CSP++ que
de CSP-- dans la
commune
0
0,5
1
Il y a que des CSP— dans
la commune
Il y a autant de CSP-- que
de CSP++ dans la
commune
Il y a que des CSP++ dans
la commune
Figure 1. Niveau de l'indicateur "tiss" et composition sociale des unités spatiales
Figure 2 - Niveau de bien-être en 1990
et son évolution pendant la décennie 90
0,8
Variation en % entre 1990 et 1999
0,6
0,4
0,2
0
-0,2
-0,4
0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
Niveau de bien-être en 1990
25 / 30
Figure 3 - Coefficient de Moran selon le rayon de la fenêtre de voisinage Paris et petite couronne
1,0
Valeur du coefficient de Moran
0,9
Zone où la statistique de
Moran est significative à 5%
0,8
M(1990)
M(1999)
20
25
0,7
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0,0
0
5
10
15
30
rayon de la fenêtre de voisinage en km
26 / 30
Carte 1. Distribution géographique de la privation relative de bien-être effectif (1990)
Carte 2. Distribution géographique de la privation relative de bien-être effectif (1999)
Légende : les unités spatiales se rattachant aux deux classes supérieures (bleu nuit et bleu vif) sont
au-dessus du niveau moyen de privation de bien-être effectif, respectivement de plus et de moins
d'un écart-type. Les unités spatiales se rattachant aux deux classes inférieures (bleu ciel et gris
bleuté) sont au-dessous de ce niveau moyen, respectivement de moins et de plus d'un écart-type.
Cartes réalisées à l'aide du logiciel Cartes&Données®
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Carte 3. Distribution géographique de la ségrégation socio-spatiale appréciée à l’aune du bien-être
effectif (1999)
Carte 4. Distribution géographique de la ségrégation socio spatiale appréciée à l’aune du
revenu (1999)
Légende :
rouge unité spatiale satisfaisant (3) classée parmi les 10% des plus mal loties selon (1) et (2)
rose
unité spatiale satisfaisant (3) classée entre les 10 et 25% des plus mal loties selon (1) et (2)
blanc unité spatiale non ségrégée
Cartes réalisées à l'aide du logiciel Cartes&Données®
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Figure 4 - Contribution des dimensions à la privation de bien-être effectif des unités
spatiales ségrégées de la zone Paris + petite couronne (1999)
Aubervilliers (93)
revfis
Clichy-sous-Bois (93)
logconf
Epinay-sur-Seine (93)
Gennevilliers (92)
mob
La Courneuve (93)
pol
Le Bourget (93)
Pantin (93)
chôm
Pierrefitte-sur-Seine (93)
migr
Saint-Denis (93)
Saint-Ouen (93)
tiss
Vaujours (93)
edu
Villeneuve-la-Garenne (92)
0,00
0,05
0,10
0,15
0,20
0,25
29 / 30
0,30
0,35
0,40
- 30 -
Figure 5 - Coefficient de Moran des niveaux de ségrégation
selon le rayon de la fenêtre de voisinage
0,20
0,18
Valeur du coefficient de Moran
0,16
0,14
0,12
0,10
Zone où la statistique
de Moran est
significative à 5%
0,08
0,06
0,04
0,02
0,00
1,0
1,4
1,8
2,2
2,6
3,0
3,4
3,8
rayon de la fenêtre de voisinage en km
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