Enceinte et ouvrages de défense du corps de place de la ville et de l
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Enceinte et ouvrages de défense du corps de place de la ville et de l
Christian CORVISIER Historien de l'architecture 34, Grande Rue 02130 BRUYERES SUR FERE tel: 03-23-71-20-93 e-mail: [email protected] à REGION PROVENCE-ALPES-COTE-D’AZUR Direction de la Culture et du Patrimoine 21, place Jules Guesde 13481 MARSEILLE CEDEX 20 COMMUNE DE TOULON (Var) ENCEINTE ET OUVRAGES DE DEFENSE DU CORPS DE PLACE DE LA VILLE ET DE L’ARSENAL HISTORIQUE, TOPOGRAPHIE ET TYPOLOGIE GENERALE Jusqu'au cours du XVIe siècle, la ville de Toulon demeura étroitement close dans son enceinte médiévale de dimensions restreintes, jalonnée de tours et de tours-portes de plan carré, la croissance de la population entraînant le développement –d’ailleurs assez limité- de faubourgs extra muros. La situation littorale et la configuration générale de la ville invitent à comparer le cas de Toulon à celui d’Antibes, petite ville épiscopale enfermée dans l’enceinte obsolète d’un castrum du Bas-Empire : dans les deux cas, les préoccupations d’auto-défense et la prospérité de la ville n’étaient pas suffisantes pour justifier, de la part des échevins, un effort coûteux d’agrandissement et de reconstruction de l’enceinte. Mais Toulon et Antibes étaient vouées à devenir des places-fortes portuaires de l’Etat moderne dès le siècle de la renaissance, du fait des avantages que leur port pouvait offrir à la flotte royale. C’est donc d’abord le port que la puissance publique royale, avec le concours du corps de ville, entreprit de mettre en sûreté, par un ouvrage de défense garantissant l’entrée ; et ce n’est que dans un second temps, au terme de plusieurs tentatives avortées, que les représentants du roi de France parvinrent à convaincre les échevins de financer en partie de nouvelles fortifications urbaines. Cette étape, réalisée seulement autour de 1600, entraîna à Toulon la disparition de l’ancienne enceinte, dissoute dans le parcellaire de la ville agrandie, ce qui ne fut pas le cas à Antibes. Du fait des qualités stratégiques exceptionnelles de la rade de Toulon, c’est tôt dans le XVIe siècle -dès la fin du règne de Louis XII et le début de celui de François Ier, de 1514 à 1524- que la « grosse tour » ou « tour Royale » fut bâtie sur un cap terminant la presqu’île du Mourillon et contrôlant du côté est la passe d’entrée de la « petite rade ». En octobre 1531, Renzo da Ceri, dit le capitaine Ransse ou seignor de Ransé, capitaine milanais qui avait participé à la défense de Marseille assiégée par les troupes de Charles de Bourbon, fut missionné à Toulon au nom du roi François Ier pour étudier la possibilité d’une extension et d’une modernisation de l’enceinte de la ville, ce que le conseil de ville rejeta en raison des destructions de faubourgs et d’arbres qu’un tel projet aurait entraîné. Les délibérations municipales de novembre 1531 renseignent sur un projet alternatif proposé par le même « seignor de Ransé, commissarius ad hoc », irréaliste et tout aussi inacceptable pour les toulonnais, qui consistait à créer une ville neuve fortifiée sur la presqu’île du Mourillon, dont la Grosse Tour aurait été le réduit, avec obligation aux habitants de participer au lotissement, en acceptant d’abandonner leur maison dans la ville de Toulon en cas de péril 1 pour s’installer dans celle bâtie dans la nouvelle forteresse.1 Si ce projet resta lettre morte, il est intéressant de noter que l’idée d’un quartier neuf ou lotissement hors les murs de Toulon, sur la presqu’île du Mourillon, à l’est du port, revint à plusieurs reprises au XVIIIe siècle comme option des projets généraux des ingénieurs militaires royaux. Au mois de janvier 1552, Claude de Savoie, comte de Tende-Sommerive, grand sénéchal et gouverneur de Provence (de 1525 à 1566), soumettait au conseil de ville de Toulon le projet d’une nouvelle enceinte urbaine, plus vaste que l’ancienne et fortifiée « à la moderne » . La lettre du gouverneur proposait de « fère amplier, agrandir et fortifier la ville de Thoulon et, ce fesant, y fère nouveaulx foussez, murailhes, balloards et plattes formes requises pour la tuition et deffence de la dicte ville et port d’icelle ». Le sieur Mottet, premier consul de Toulon, parent de Pierre Mottet, qui avait été, pour la ville, de 1517 à 1524, le trésorier principal de la construction de la « Grosse Tour », réunit dès le 17 janvier 1552 un conseil général extraordinaire de la communauté composé des deux conseils « vieil et moderne » et de trente-cinq chefs de famille pour délibérer de cette question. La décision soulevait un problème de financement, le gouverneur de Provence posant pour condition une participation de la ville de dix mille écus, sur un montant total de vingt-cinq mille, en sorte que le conseil répondit qu’il ne pouvait contribuer aux frais que pour la somme de dix mille livres (soit le tiers des dix mille écus demandée), payable en cinq ans, par annuité de deux mille livres, et seulement à compter du jour où les quinze mille écus engagés par le gouvernement de Provence seraient dépensés, « veu que aultrement ne se sauroit fère sans estre ruynés » . La délibération précisait que « ladicte ampliation et fortification de la ville de Thoulon » était devisée « suyvant le pourtraict et exemplaire faict et monstré au conseil par le sieur de Sainct-Rhemy, commissaire des fortifications »2 Jean de Saint-Remy, commissaire de l’artillerie, expert en fortification mentionné à partir de 1536, était alors à la fin de sa brillante carrière d’ingénieur militaire propagateur du bastion –le seul alors qui ne fût pas italien. Il s’était illustré notamment par la conception de la première enceinte bastionnée réalisée en Provence, et l’une des plus anciennes en France, celle de Saint-Paul-de-Vence, achevée peu après la mort de François Ier en 1547. Il fut chargé de diverses missions par François Ier, puis Henri II. Le premier de ces deux souverains l’avait chargé d’une tournée des villes fortifiées de Provence en 1546, d’où il devait rapporter « les portraitz et dessaing (des fortifications) pour les veoir et sur le tout oyr et entendre votre advis et rapport », lui exprimant sa confiance en indiquant « que n’y pourrions envoyer personnage qui soyt pour mieux satisfaire à nostre desir volompté intentions que vous, par l’expérience et bonne intelligence que vous avez esd. fortifications » 3. La mise de fonds de la ville ayant été estimée insuffisante, le projet fut abandonné. L’entrée de la petite rade de Toulon étant bien défendue par la Grosse Tour royale, la fortification de la ville proprement dite n’était sans doute pas considérée comme suffisamment névralgique pour que le gouvernement de Provence remît rapidement le projet à l’ordre du jour. Cette circonstance n’intervint que vingt huit ans plus tard : Au début de mars 1580, le gouverneur de Provence récemment nommé était Henri d’Angoulême, fils naturel du roi Henri II, abbé commendataire de la Chaise-Dieu et Grand Prieur de France. Lors d’une 1 Toulon, Arch. Communales, BB, Délibérations du Conseil de Ville, Séance du 7 novembre 1531, f°346. Gustave Lambert, Histoire de Toulon , chapitre XI, « Toulon sous Charles VIII, Louis XII et François Ier ,14871544», Bulletin de l’académie du Var, nouv. Série, t. XIV, 1888, , p. 266-269. 2 Arch. Comm. série BB art. 52, fortifications ; citations par Gustave Teissier, « Agrandissements et fortifications de la ville de Toulon », Bulletin de la société académique du Var, 1873 (p. 325-481), p. 349 et par Gustave Lambert, Histoire de Toulon, chapitre XII « Toulon pendant les guerres de Religion, 1530-1589», Bulletin de l’académie du Var, nouv. Série, t. XIV, 1888, p. 320-323. 3 BNF, Ms, coll. Dupuy, ms. 273, f° 73, cité par H. Charnier, « Notes sur les origines du génie, du Moyen Âge à l’organisation de l’an VIII », Revue du génie militaire, t. LXXXVII, 1954, p. 39, et par H. Vérin, La gloire des ingénieurs , l’intelligence technique du XVIe au XVIIe siècle, Paris, 1993, p. 120. 2 entrevue à Aix, il avait autorisé Pons Ricard, premier consul de Toulon, à réunir le conseil « pour adviser et délibérer sur ce qu'il y avoit à fère à propos de la fortiffication (de la ville) et d'avoyr les moyens de la pouvoir fère et la conséquence d'icelle ». Une épidémie de peste retarda de plus d’un an la réponse du corps de ville, qui achoppait à nouveau sur la question du financement partagé. Réuni le 9 juillet 1581 par le nouveau premier consul Rippert, un conseil général composé de cent treize membres rendit exactement la même proposition de contribution qu’en 1552, qui aboutit au même ajournement, cette fois de quatre ans seulement. En 1585, les consuls prirent l’initiative, et proposèrent au roi de prendre en charge la totalité du coût de construction des fortifications de la ville en l’échange de la confirmation de privilèges, d’octroi de droits et d’exemptions de taxes, astreintes et services militaires. L’intention des consuls était de garder la maîtrise de l’enceinte fortifiée, comme dans la période médiévale, avec attribution de la charge de gouverneur au premier consul, en évitant les servitudes militaires et astreintes imposées aux habitants par le statut de place forte d’Etat. Un nouveau plan des l’enceinte urbaine projeté, comprenant six bastions, avait été dessiné : « la ville de Thoulon sera fortiffiée suyvant la forme du pourtraict fait par l'engégneur de sadicte Majesté, le seigneur Herculles ». Une enquête fut confiée à deux procureurs par le gouverneur de la province Henri d’Angoulème, et par le trésorier général de France pour examiner la recevabilité des conditions avancées par la ville, et une commission d’experts, composée de deux architectes, deux ingénieurs et deux maçons plâtriers, sous l’autorité morale des évêques de Marseille et de Toulon, fut nommée pour procéder au tracé sur le terrain des nouvelles fortifications, d’après « la carte du desseing dudict sieur Herculles ». Le premier bastion fut placé « dans le quartier de Sainct-Jean, près de la mer », les cinq suivants, respectivement, « au chemin dict de Sainct-Lazare le vieux (…) au lieu appelé Sainct-Philip (…) au lieu appelé la Lauze (…) au lieu appelé Nostre-Dame » (…)au lieu appelé Saincte-Peyronne, près de la mer ». Les courtines devaient avoir sept cannes de hauteur, une canne d'épaisseur dans les fondations; les bastions cinquante cannes de contour; le fossé dix de largeur et quatre de profondeur, sur un développement de mille cannes. Un môle « tirant despuis le bastion du costé du levant jusques au bastion du couchant », deux cannes de largeur, serait créé « pour la commodité du port de ladicte ville »4. Le sieur Herculles n’est autre que l’architecte et ingénieur militaire piémontais Ercole Negro, ou Nigra (1541-1622), auteur de plusieurs dessins datés de la décennie 1580 figurant le plan de villes fortifiées des Alpes et de la vallée du Rhône, aujourd'hui conservées dans les Archives de l'Etat à Turin. Avant de passer au service exclusif du duc de Savoie, avec le titre de comte de Sanfront, Ercole Negro, qui relevait féodalement du roi de France jusqu’en 1588, avait participé à des campagnes militaires durant les guerres de Religion, et produit des projets de fortification en qualité d’ingénieur attaché d’abord à François de Lesdiguières, lorsque ce dernier était chef des protestants du Dauphiné , puis au représentant du parti opposé, Charles de Lorraine, duc de Mayenne, en 1580. Le « desseing » de Toulon a été fait, à la commande, à cette période. L’assassinat du gouverneur de Provence Henri d’Angoulême, le 2 juin 1586, provoqua l’arrêt des négociations, et l’ajournement du projet, le roi Henri III refusant les conditions proposées par les Toulonnais. La construction de la première enceinte bastionnée de la ville sous Henri IV, 15891595 Bernard de Nogaret, duc de La Valette, nommé gouverneur de Provence en 1587 en remplacement de son frère le duc d’Epernon, ne trouva pas le moyen de relancer le projet de 4 Citations par Teissier, p. 351, et par Gustave Lambert, Histoire de Toulon, chapitre XII», Bulletin de l’académie du Var, nouv. Série, t. XIV, 1888, p. 331. 3 fortification de la ville avant la mort d’Henri III et l’avènement d’Henri IV, du fait des désordres civils associés aux guerres de Religion. Les préparatifs d’ouverture du chantier de construction eurent lieu à l’occasion de son séjour à Toulon du 19 au 27 août 1589, et, le 16 septembre était passé devant notaire le prix-fait pour le creusement des fossés, aux frais de la ville de Toulon. Le financement du reste des travaux fut aussi assuré par la communauté, en prélevant une part contributive sur les communes voisines. Le 18 septembre 1589, le consul Garnier mettait le conseil de ville en demeure, par ordre du gouverneur, de voter les fonds nécessaires au commencement des travaux, comportant, outre le fossé, la construction d’un premier bastion « au devant du port », comme en témoigne le procès-verbal de séance : « A esté remonstré, dit le que hier, dix-septiesme du présent moys de septembre, Mr de la Valette, admiral de France, commandant générallement pour le Roy en ce pays de Provence, auroit passé contract avec cappitaine Pierre Hubac, de ceste ville, de fère les foussés et bastion dont il nous a souventes fois parlé et, en exécution duquel contract, nous seroit adjoint de trouver argent promptement pour mettre ladicte œuvre en exécution. » Le conseil dut décider « qu'il seroit vendu à l'inquant tout le bien de ladicte ville ». Les archives des délibérations municipales donnent des indications précises sur la chronologie et sur le déroulement u chantier, mené à bien entre le 19 novembre 1589 (pose de la première pierre) et la fin de l’année 1595, au début sous la direction du sieur Pierre Hubac, capitaine de ville et « homme d'entendement et de grand esprit » d’une famille toulonnaise de vieille souche. D’après l'acte de prix-fait qui lui fut passé le 8 novembre pour la construction des bastions, des courtines et des deux portes de l'enceinte, les revêtements, ou murailles devaient être « bien et duement massonnées à chaulx et à sable », sur une épaisseur de cinq pieds de roi à la base, de trois pieds de roi au sommet5 et sur une hauteur de quatre cannes -ce qui est de beaucoup inférieur aux sept cannes du devis d’Ercole Negro- « toutes lesdictes murailles embouchées par dehors, avec leurs contreforts de trois en trois cannes, et fera toutes les encoignures de pierre dure de taille, pour le prix de six écus pour chaque canne carrée »6. Les travaux étaient supervisés par un « ingénieur » non nommé, dont le capitaine Hubac devait suivre les directives et qui, contrairement à ce que supposait l’historien toulonnais Gustave Lambert, n’était certainement plus Ercole Negro, alors passé au service du duc de Savoie. Une différence autre que la hauteur murale, par comparaison avec le toisé réalisé en 1585 selon les plans dudit sieur Herculles, tient au nombre des bastions à construire, passé de six à cinq. Le premier bastion en partant de l'Ouest, prit le nom de Notre-Dame du fait de la chapelle voisine de Notre-Dame-de-1'Humilité. Lui faisaient suite, dans le sens des aiguilles d’une montre, le bastion Saint-Roch, puis les bastion Saint-Vincent, Sainte Catherine et SaintJean, dont les appellations étaient toutes liées à la proximité d’une chapelle, celle de SaintJean ayant été incluse à la gorge même du bastion, engagée dans son aire intérieure. Ces bastions, tous à flancs retirés couverts par un orillon, comportaient deux casemates et trois guérites sur cul-de-lampe en pierres de taille, ce que l’on peut supposer conforme au dessein d’Ercole Negro. Toutefois, la carte du desseing dudict sieur Herculles n’ayant pas été conservée, on ne peut exclure l’hypothèse de changements de forme apportés par l’ingénieur mentionné mais non nommé par les sources municipales, auquel Hubac devait se référer. Les bastions à orillons des citadelles de Valence et de Gap, bâties sur les plans d’Ercole Negro en 1580 et 1581, ressemblaient à ceux réalisés à Toulon, mais avec des flancs bas retirés à ciel ouvert, ceux de Toulon étant casematés. Si les cinq bastions étaient semblables dans leur taille 5 En 1755, lors de l’écroulement d’un des bastions, les épaisseurs constatées du revêtement sont de 6 pieds à la base, 3 au cordon, sans contreforts. 6 Citations par Gustave Lambert, Histoire de Toulon, chapitre XII», Bulletin de l’académie du Var, nouv. Série, t. XIV, 1888, p. 360-361. 4 et leurs proportions, le plan polygonal de l’enceinte de Toulon n’était pas parfaitement géométrique, comme en attestent de sensibles différences de longueur linéaire d’une des six courtines à l’autre. Les deux portes de ville, celle de l’ouest dite de Notre-Dame et celle de l’Ouest, de Saint-Lazare, faisaient pendant, mais aucune des deux n’était percée au centre de la courtine correspondante. Ces deux portes avaient une façade en pierre de taille « à la rustique » (à bossages), un passage voûté également en pierre de taille, un pont-levis à flèches. La largeur du passage unique était inférieure à 4m (deux cannes). Le pont dormant comportait huit piles de pierre. La spécification de l’emploi de pierres appareillées à bossages rustiques pour les portes de ville invite à penser que ce type de parement, employé à Toulon dans le premier quart du XVIe siècle pour la Grosse Tour royale, ouvrage luxueux et ostentatoire, n’était pas appliqué au revêtement courant des bastions et des courtines, dont seuls les angles saillants semblent avoir employé la pierre de taille, le reste ayant pu être parementé plus économiquement en blocage. Les bastions et courtines semblent avoir tous été couronnés d’un parapet d’infanterie maigre au-dessus du cordon, à l’arrière duquel passait un chemin de ronde adossé au rempart de terre formant banquette et parapet d’artillerie pour le tir à barbette . Ce terre-plein ne comblait pas toute l’aire intérieure des bastions, mais y régnait, au revers du revêtement, sur la même largeur qu’aux courtines, dégageant un vide intérieur assez ample qui pouvait accueillir du bâti (chapelle Saint-Jean, magasins à poudres, maisons en empiètement). L’enceinte du port prolongeant et fermant celle de la ville, œuvre de Raymond de Bonnefons, 1604-1640 Considérablement agrandie par cette grande campagne de fortification de 1589-1595 (passant d’un peu plus de trois hectares à un peu plus de treize, intra-muros), la ville n’avait été dotée que d’une enceinte du côté de la terre. Le raccordement au front de mer, qui devait, selon les intentions du duc de La Valette formulées en 1590, donner lieu à la construction de deux autres bastions encadrant le quai du port et participant à la défense de la petite rade, n’était pas traité. En octobre 1595, Henri IV concédait aux Toulonnais, le droit de tracer deux rues neuves le long du rivage, mais ce n’est qu’au début de 1604, que l’aménagement défensif du front de mer fut pensé et mis en oeuvre. Le 3 janvier, le conseiller Garnier de Montfuron établissait un procès-verbal après avoir reconnu les lieux propres à l’implantation du futur arsenal : « Nous aurions avisé n’y avoir lieu plus propre ni plus commode pour la fabrique des vaisseaux, que l’espace qui est entre la courtine de la porte Notre-Dame, jusques à la mer, où conviendra faire un bastion7 ». Quelques mois plus tard, Charles de Lorraine, duc de Guise, gouverneur de Provence, confirmait aux consuls de Toulon la nécessité de prolonger jusqu’à la mer la courtine amorcée à la droite du bastion Notre-Dame « selon le plan et dessein qu’en sera fait par le sieur de Bonnefons, ingénieur de Sa majesté8 ». En 1598, Raymond de Bonnefons , ingénieur du roi pour la Provence, le Dauphiné et la Bresse, avait édifié, à la demande d’Henri IV, sur l’île de Ratonneau au large de Marseille, une forteresse en forme de « grosse tour » octogonale, parti qu’il réïtéra en 1602 à Saint-Tropez, pour former le « donjon » de la future citadelle. A partir de 1603, il dirigeait à Antibes un chantier de fortification de la petite ville portuaire, comparable à la configuration de Toulon, en s’inspirant peut-être, pour le front de terre bastionné, d’un projet de peu antérieur, non réalisé, dessiné par l’un des ingénieur militaires du duc de Savoie, alter ego d’Ercole Negro, Ascanio Vitozzi. A Toulon, il eut pour mission d’achever par un front de mer embrassant le port et 7 Gustave Lambert, Agrandissements et fortifications de la ville de Toulon, Bulletin de la société académique du Var, 1873. 8 Id. 5 formant une darse, l’enceinte de ville bastionnée récemment construite, initialement conçue par Ercole Negro. Le projet Bonnefons d’août 1604 comportait un quai rectiligne long de 180 toises, dont la partie médiane formait une avancée sur la mer, et dont l’aire était suffisamment large pour y bâtir un alignement de maisons neuves. L’enceinte de la darse était conçue selon un principe de stricte symétrie. Le prolongement jusqu’à la mer des deux courtines en attente, partant des bastions Notre-Dame et Saint Jean devait aboutir à deux demi-bastions à orillon immédiatement suivis d’un épi, selon un tracé tenaillé. De là, deux môles devaient s’avancer dans la mer et converger pour former un angle droit renforcé d’un petit bastion en figure de proue, au flanc gauche duquel aurait été ménagée l’entrée de la darse avec sa chaîne. La réalisation, conduite à partir de 1605, s’éloigna assez nettement du projet dessiné, tout en conservant le principe de symétrie. Aux deux bastions tenaillés furent substitués deux quais en forme de très grands demi-bastions à flanc droit, formant enveloppe latérale de la darse, eux-mêmes prolongés par deux moles symétrique en redan, dessinant un tracé tenaillé ouvert au centre par l’entrée de la darse, large de 15 toises. Cette disposition permettait d’obtenir un plan d’eau plus vaste et des quais offrant une plus grande longueur d’accostage. En 1609, un financement était mis en place pour commencer l’édification d’un mur d’enceinte sur jetées ou môles, et poursuivre la construction de ceux-ci dans la mer. Ces travaux furent dirigés par à Jean de Bonnefons, ingénieur ordinaire des fortifications, fils et successeur de Raymond. La darse étant désormais fermée et protégée face à la mer, Henri IV ordonna, par lettre du 26 novembre 1609, « de tenir pour quelque temps, nos galères qui sont au port de Marseille en celui de Tholon9 ». Ultérieurement, le revêtement des môles fut renforcé, objet d’un marché de septembre 1625 passé pour le « haussement des murailles de la face vers l’hort, des tenailles de la darsène du port10 ». Toutefois, les branches tenaillées encadrant la passe d’entrée étaient encore à l’état de jetée constituée d’enrochements bruts, en attente d’un revêtement, en 1620, ce que prouve la légende d’un plan dessiné alors par l’ingénieur Jean de Beins. Attribuable au même Jean de Beins, un mémoire sur “la besogne qui reste à faire pour la clôture de la darsenne”, proposait la construction de plateformes sur les deux angles rentrants des tenailles, propre chacune à porter trois canons. En outre, l’ingénieur projetait de construire à l’entrée de la darse une tour de 4 mètres de côté et haute de 6 mètres, pour loger les soldats chargés de manoeuvrer la chaîne de fer destinée à barrer l’entrée du port. La tour aurait été armée de 3 ou 4 fauconneaux. En 1633, Henri de Séguiran, premier président de la cour de Provence fut chargé de l’inspection du littoral provençal par Richelieu, Grand-maître de la Navigation, qui l’avait nommé son lieutenant général. Au cours de la visite de Toulon, Séguiran relevait que « la fortification du côté de terre est achevée, à fort peu de chose près, et celle de la mer fort avancée, méritant bien cette place que l’on y travaille incessamment11 ». Dans le cadre de l’inspection des côtes, une grande carte fut dessinée par Jacques de Maretz, professeur de mathématiques de la ville d’Aix, accompagnée de planches réunissant des vues perspectives des localités côtières (datées de 1631 ou de 1633) 12. Pour Toulon, la représentation montre fidèlement la darse enceinte par ses môles tenaillés. La vue de Toulon figurant dans le recueil des Plans et profils des principales villes de la province de Provence publié par Christophe Tassin vers 1634, adopte une perspective diamétralement opposée à celle de Maretz et confirmant l’état de la darse avec ses môles tenaillés encadrant la passe ou chaîne. 9 Ibid. Henry, Fortification de Toulon, bulletin des amis du vieux Toulon, 1853 et 1855. 11 Nicolas Fabri de Peiresc, Histoire abrégée de la Provence, xxx 12 BnF Cartes et Plans, GE SH 18E PF 71 DIV 3 P 2/2 RES 10 6 Une fois les remparts des môles achevés, vers 1637, on put s’occuper de perfectionner la défense active de la passe par la construction de plates-formes d’artillerie de part et d’autre de la chaîne. La concrétisation de ce nouveau projet prit un peu de temps. Après la reprise des îles de Lérins aux Espagnols, Henri d’Escoubleau de Sourdis, archevêque de Bordeaux et lieutenant général de la Marine royale de Louis XIII, inspecta à son tour les défenses du littoral provençal. S’agissant du port de Toulon13 son compte-rendu précise que « Du côté de la mer, il y a une petite jetée de pierres perdues sur laquelle on a fait une muraille qui ferme la darse. La muraille n’a que neuf pieds d’épaisseur (…) et les flancs qu’on y a faits avec les embrasures, si mal, que le canon ne peut tirer sans étonner la muraille (…) Il faudrait pour la mettre en état, faire un contre-mur de six pieds (…) et fortifiant les deux têtes qui sont les deux côtés de la passe, il n’y aurait plus rien à craindre du côté de la mer ». La construction des plates-formes prit corps l’année suivante, un marché étant passé en octobre 1638 pour le « terrassement et plate-forme du ponant du port » ; un autre marché de mars 1639 avait pour objet de créer « des embrasures en la plate-forme du ponant de la darsene de la dite ville, qui flanque la chaîne ». De passage à Toulon à nouveau en juillet 1640 Sourdis informait Richelieu de l’insuffisance de la défense de la ville et du port : « cette place est en fort mauvais état, la vile étant ouverte en plusieurs endroits, la clôture de la darse rompue ». Pour remédier à cette situation, il priait le cardinal ministre d’inviter promptement les consuls de Toulon à « bâtir un pilier au milieu de l’entrée, pour, avec des chaînes, barrer le port et fermer la darse, comme aussi parachever les deux plates-formes de l’entrée, en y employant pour cet effet le fonds qu’ils ont entre leurs mains ». Le mois suivant, effectuant un voyage au large des côtes génoise, Sourdis écrivait au secrétaire d’Etat à la guerre François Sublet de Noyers pour reformuler l’ensemble des travaux a réaliser en priorité aux défenses de Toulon, tant côté mer que côté terre : « j’estime que le plus nécessaire est de travailler à la bouche de la darse, aux demi-lunes des portes et garnir les bastions pour y mettre des batteries14 ». En l’absence d’autre précision, on peut donc considérer que les plates-formes couvrant la chaîne vieille ont été commencées vers 1638 et terminées au début des années 1640. Les deux plates-formes sont figurées de façon réaliste sur une vue cavalière très détaillée du port, dessinée par Pierre Puget vers 1670 exprimant l’un de ses projets pour l’Arsenal. Elles y apparaissent, de chaque côté de la passe, comme un ouvrage barlong haut de deux niveaux, portant une terrasse d’artillerie bordé d’un parapet que percent quatre embrasures tournées vers la mer. L’ouvrage prolonge le mur d’enceinte de la darse, muni d’embrasures rasantes et portant très vraisemblablement un parapet crénelé. Les premiers projets d’extension de l’enceinte liés au projet d’agrandissement de l’arsenal L’enceinte défensive de la darse était enfin considérée comme achevée et armée, bien qu’un devis de la fortification et des maisons nouvellement construites du côté de levant de la darse15 ait été établi fin 1645, à la demande de la ville, par Pierre de Conty d’Argencourt, ingénieur général des fortifications royales non territorialement compétent. Cette enceinte put dès lors accueillir en son sein un ensemble cohérent de magasins et ateliers pérenne formant le « Parc de marine », logé dans l’aire nord-ouest de la darse contenue dans les contours du quai ou demi-bastion ouest de l’enceinte maritime. Cet équipement, principalement des magasins en série adossés au revêtement du bastion, berceau du futur grand arsenal, fut aménagé sous l’autorité d’un homme de confiance de François Sublet de Noyers et de Richelieu, Nicolas 13 Mémoire de l’archevêque de Bordeaux des places, garnisons de la Provence, et de ce qu’il faut faire pour mettre la côte en sûreté, 12 juin 1637, in Correspondance et dépêches de D’Escoubleau de Sourdis, archevêque de Bordeaux, chef des conseils du roi en l’armée navale. 14 Idem, Livre V Chapitre X, p. 270 15 AC BB 59 f° 102, délibération du 19 décembre 1645. 7 Arnoul, dès que celui-ci eut pris les fonctions de commissaire général de la marine de Provence, avec élection de domicile à Toulon, à l’automne 1641. Aucune nouvelle intervention sur l’enceinte et ses fortifications ne fut envisagée avant l’émergence des projets d’agrandissement de l’Arsenal, sous Louis XIV, dans les années 1660. Nommé en 1665 par Colbert, qui l’avait en estime et amitié, intendant des fortifications de Provence et de Piémont et des galères de France, Nicolas Arnoul se consacra alors essentiellement à Marseille, ou il mit en œuvre l’établissement d’un arsenal et d’un chantier de construction de galères, à l’emplacement du chantier naval du port de commerce, et la construction une nouvelle enceinte urbaine bastionnée englobant les faubourgs et le nouvel arsenal. En 1667, Arnoul avait sollicité Pierre Puget, actif et réputé comme architecte et sculpteur dans les villes de Marseille et de Toulon dès avant 1650, pour le plan d’urbanisme des nouveaux quartiers intra-muros de Marseille. S’agissant de Toulon et du projet d’agrandissement de l’arsenal, pour lequel Colbert avait des vues très ambitieuses, le projet fut confié d’abord en 1669 à Nicolas de Clerville, commissaire général aux fortifications, secondé dans sa tâche par l’ingénieur Jean-Louis du Cairon (ou du Cayron), lieutenant du roi au fort Saint-Jean de Marseille, commis aux fortifications des places de Provence sous la direction d’Arnoul, actif à Antibes ou il avait succédé à Pierre de Bonnefons comme directeur des fortifications. Sur l’influence d’Arnoul, l’un au moins des trois projets de Clerville comportait, pour abriter le nouvel arsenal, une extension de la ville et de son enceinte, vers l’ouest, en sorte que dans une lettre adressé à son commissaire général aux fortification, en butte aux résistances locales, Colbert évoque de façon distincte « l’agrandissement de la fortification de Toulon et le bâtiment de notre arsenal de marine »16. Le principe de cette extension affectant l’enceinte de la ville et de la darse sera plus ou moins prise en compte, à l’ouest ou à l’est, par les différents auteurs de projets concurrents bientôt sollicités, comme Pierre Puget, récusé par Clerville mais populaire à Toulon, et soutenu 1670 par le nouvel intendant de la justice, police et finances de la marine, nommé en 1670, Louis Matharel. Les quatre projets de Puget furent écartés par Colbert, comme ceux de Clerville, en sorte que le successeur de Matharel en 1673, qui n’était autre que Nicolas Arnoul, réaffecté à Toulon après Marseille en fin de carrière pour des raisons de santé, s’employa a rédiger luimême un projet synthétisant les réflexions de ses prédécesseurs. A sa mort en 1674, il fut remplacé par son fils Pierre Arnoul, qui lui avait déjà succédé à Marseille. Arnoul fils, avait été en partie éduqué avec le futur marquis de Seignelay, fils aîné et successeur désigné de Colbert, lequel fut envoyé par son père en 1676 en tournée d’inspection des places fortes de Provence, notamment pour examiner les travaux et projets en cours à Marseille et à Toulon. Dans ce dernier cas, Seignelay fut missionné pour « examiner sur le terrain le nouveau projet que le sieur Arnoul a écrit qu’il avait fait »17. Dans la suite, Pierre Arnoul, en compétition avec l’ingénieur François Gombert, fils de l’entrepreneur de maçonnerie toulonnais Jacques Gombert, qui avait réalisé en 1674 les batteries de la Grande et de la petite tour (Grosse tour et tour Balaguier), rédigea, à partir de 1677, plusieurs mémoires adressés à Colbert, pour exposer ses vues sur l’arsenal et sur le mode de raccordement de l’extension de l’enceinte destinée à l’enclore sur l’enceinte urbaine existante. Concurremment, et sans doute pour prendre du recul sur les vues d’officiers, architectes et d’ingénieurs plutôt locaux, Colbert dépêcha à Toulon, pour étudier le même projet, un ingénieur militaire qui, comme Clerville, avait œuvré en divers points du royaume (dont, peu avant, à la citadelle d’Auxonne), François de la Motte Villibert, vicomte d’Aspremont. Le projet d’Aspremont, élaboré avec le soutien et l’appui de Pierre Arnoul, 16 17 Pierre Clément, Lettres, instructions et mémoires de Colbert, Paris, 1861-1873, lettre du 4 oct. 1669. Pierre Clément, Op. cit, lettre du…septembre 1676. 8 comportait une extension de l’enceinte à l’ouest comptant quatre bastions et cinq courtines. Ce tracé fut matérialisé sur le site par des piquets, mais d’Aspremont mourut prématurément en juin 1678, laissant au seul intendant des fortifications et des galères Pierre Arnoul la maîtrise d’œuvre du chantier, dans l’hypothèse d’une approbation définitive par Colbert. Cette conjoncture, quels qu’aient été les mérites reconnus du projet d’Aspremont, notamment pour le tracé de la nouvelle enceinte, fut jugé insuffisamment sécurisante par Colbert. La réalisation de l’extension de l’enceinte du corps de place selon le projet de Vauban Dans son mémoire du 10 mai 167918, rédigé à la demande de Colbert pour pallier les insuffisances de l’intendant Pierre Arnoul, Vauban, occupé avant tout aux projets de l’arsenal et des ouvrages assurant la défense maritime de la rade, n’accorde pas un intérêt aussi soutenu à l’enceinte de la ville, et à son extension prévue à l’ouest, rendue indispensable pour inclure l’aire nécessaire au déploiement du nouvel arsenal et de la darse neuve dont il a établi le projet. Il dresse un état des lieux réaliste de l’enceinte existante, qui témoigne de ses imperfections, du manque de soin ou d’aboutissement apporté antérieurement à sa mise en œuvre et à son entretien, et de la densité excessive du parcellaire bâti des maisons de la ville intra muros, qui a entraîné des empiètements : « La fortiffication de Toulon conciste en cinq bastions, deux demy et le revestement de la darce qui forme trois angles tenaillez qui ont d’assez longues faces. Le revestement de la darce est tout fondé sur jettée de pierres posées à l’aventure et celuy de la fortiffication du costé de terre est sur le terrain solide. Ce dernier a 18, 20 à 22 pieds de hauteur depuis la fondation jusqu’au cordon sur trois à quatre pieds de talud, et au-dessus du cordon. Il y a un petit parapet (…) de six pieds de haut sur un demy d’espais. La plupart des guérittes ont esté commancées mais fort peu achevées et le peu qu’il y en a sont villaines et mal basties. Le surplus est fort inégal et n’est que demy formé ; Il y a seulement un de ses bastions auquel on fist deux parapets il y a cinq ans, tout le reste n’en a point. Le terre plein est fort étroit et en désordre, et en plusieurs endroits les particuliers ont anticipé sur son espaisseur par des bastiments qui le diminuent encore davantage. Le fond de son fossé est assez uny mais il est peu profond et les bords en sont abbatus, et tous hors d’alignement. Le parapet du chemin couvert ne paroist plus que comme une levée de terre qui a plus de penchant d’un costé que de l’autre (…) Le glacis a fort peu de largeur et les fauxbourgs, bastides et murailles des jardins le resserrent de (…) près tout à l’entour (…) Les hauteurs des environs commandent presque partout à la place faute des parapets et d’élévation suffisante à son rempart. Les entrées de la ville ont fort peu de fermetures, celle qui y est conciste en un pont-levis à basculle et une porte à chacunes quoy quil y aye place pour en pendre d’autres. Les deux grands ponts sont de maçonnerie sur arcades assez massives pour nuire à deffence des flanqs à la teste desquels il y a des corps de gardes pour la santé mais il n’y a pas seulement une batterie. Des corps de garde non plus que des guérittes, il n’y en a qu’aux plates-formes de l’entrée de la darce et aux deux portes encore ces dernières sont en fort mauvais estat. A l’egard de la darse c’est la plus belle pièce d’eau et le plus beau dessein de port qui soit peut-être dans la Méditerranée. La closture en est simple et en assez mauvais estat quoy que le dessein en fust excellent et fort bien executé en premier lieu (…) 18 Mémoire sur les réparations plus necessaires des fortifications de Toulon, forts et batteries d’alentour de la rade et dessein d’un arcenal de marine (…) Vincennes SHD, Art. 8 carton 2 (1 VH 1831), n°1. Ce mémoire est accompagné d’une longue lettre d’explications adressée à Seignelay, fils et chargé de mission de Colbert, dans laquelle est fait état de six feuilles de plans jointes, lesquelles ont disparu des archives du Génie depuis le XVIIIe siècle. 9 Toutes les rues de cette ville sont petites et estroites, les maisons fort hautes et l’espace tellement remply de bastiments qu’on n’y voit pas un jardin, à peine peut-on mesme trouver une place de 30 toises carrées, d’ailleurs elle est extraordinairement peuplée pour sa grandeur et peut-estre ny en a-t-il point en France qui ay plus besoin d’agrandissement que celle-cy. » Pour pallier ces défauts, le projet ne propose que des réparations d’ampleur limitée des ouvrages existants du corps de place, prétextant assez cavalièrement que « Le revettement de la place (s’est) trouvé si faible qu’il ny a pas moyen de le rehausser davantage sans hazarder de la jetter par terre ». Les réparations consistent notamment à rétablir les parapets du corps de place, en maintenant un parapet d’infanterie crénelé sur les bastions, et en reformant à l’arrière de son chemin de ronde parapet d’artillerie : « Relever le cordon des bastions démolissant tout ce qui est au dessus et rehausser le revestement de trois pieds à la pointe revenant insensiblement à rien sur le retour de l’orillon aux flancs, reposer ensuite ledt cordon sur cette élévation et élever le parapet des rondes dessus d’un pied et demy d’espais sur 6 de hauteur et le percer de crenaux et de regards tout au tour (…) restablir et rehausser (…) touttes les guerittes et leur donner une forme plus raisonnable que les précédentes en les bastissant de briques et de pierres de tailles à 5 angles (…), finissant le sommet en dosme egayé d’un piédestal, A la distance de 6 pieds (en arrière) du parapet des rondes, le grand parapet, bien empierré de trois pieds de haut sur toutte son espaisseur (…)de 16 pieds (de hauteur) aux bastions tout compris et de douze aux courtines (…) ne point faire des chemins des rondes aux courtines mais bien appuyer le grand parapet sur celuy qui devait servir de parapet des rondes (…) Faire deux embrazures à chaque flanc et les revestir de brique et de pierre de Marseille (…) observant de les bien espacer de ne leur donner que l’ouverture convenable et de ranger toujours celle de l’orillon le plus près que faire se pourra d’iceluy afin qu’elles soient couvertes et que cependant elles découvrent jusques à la pointe du bastion opposé.» Il n’est pas prévu de création de dehors autre que l’adjonctions de deux demi-lunes, placées chacune devant une des portes de ville, proposition déjà formulée en 1640 par Henri d’Escoubleau de Sourdis. Ce point confirme les limites de l’intervention proposée par Vauban sur les fronts bastionnés terrestres de l’enceinte : par comparaison, à Antibes, dès 1640, l’ingénieur Pierre de Bonnefons, proposait des demi-lunes devant toutes les courtines du front de terre de l’enceinte édifiée par ses père et grand-père à partir de 1603. Par ailleurs, le mémoire de Vauban ne désigne jamais l’extension neuve de l’enceinte de Toulon autrement que sous l’appellation restrictive : « enceinte de la nouvelle darce ». Or, cette formule n’exprime pas le fait que l’extension, telle qu’elle fut réalisée, n’était pas seulement destinée à enclore la nouvelle darse et l’arsenal, mais comportait aussi un nouveau front de terre bastionné à l’ouest-nord-ouest qui, après la démolition partielle de l’ancien permettait aussi un accroissement de l’aire disponible intra-muros pour la ville. Dans le projet de 1679, ce nouveau front ouest comportait, d’après les termes du mémoire de Vauban, deux bastions neufs, à fonder dans « le marais », qu’il était prévu d’appeler bastion Dauphin et bastion de Vermandois. Il existe très clairement une contradiction entre les données du mémoire de Vauban, dont les plans originaux ont été perdus, et le dessin du projet, qui n’est connu que par le détail d’un plan général de la rade, en principe de 1679 mais sujet à caution19, et par des plans postérieurs. Le mémoire, dans ses articles 14-15-16, prévoit la réparation des deux portes de ville existantes, Saint-Lazare et Notre-Dame : « changer la manière de leur pont-levis qui ne vaut rien et les faire à bascule creusant la cave à ce nécessaire entre les deux pieds droits des 19 Vincennes SHD, Art. 8 carton 2 (1 VH 1831), n°1, plan ainsi légendé après coup au dos (fin XVIIIe ou deb. XIXes) : « 1679 petit plan de Toulon et des environs qui peut tenir lieu de la feuille n° 1 jointe au mémoire de Vauban sur les réparations plus nécessaires à Toulon. 10 portes. » , celle de leurs ponts : « déffaire les voussures des grands ponts ny laisser que des pilles de maçonnerie et achever le reste de charpenterie », et l’ajout d’une demi-lune revêtue « à la teste de ces deux ponts (…) pour couvrir ces deux portes et rendre l’accès plus difficile ». De plus, l’article 35 propose le raccordement de l’enceinte de la nouvelle darse, sur l’enceinte de ville existante au droit du flanc gauche du bastion Notre Dame. Or, les seuls dessins en plan conservés du projet, non antérieurs à 1681, et correspondant à l’état réalisé, mis en chantier dès 1680, figurent le nouveau front garni de trois bastions neufs et non deux, ce nouveau front se raccordant à l’enceinte existante plus au nord-est, au droit du bastion Saint-Roch. Il en résulte la démolition de la porte Notre-Dame et du bastion du même nom, entraînant la création d’une nouvelle porte (dite porte Royale), en avant de l’ancienne porte Notre-Dame, dans la courtine projetée entre le bastion Saint-Roch, refait pour sa moitié gauche (et rebaptisé bastion de la Fonderie), et le nouveau bastion suivant du front projeté (bientôt nommé bastion du Roy). On doit donc en conclure que pour le tracé de l’extension de l’enceinte, le premier dessein de Vauban de 1679 restait tributaire de celui conçu par l’ingénieur François d’Aspremont en 1676 ; ce dessein, on l’a vu, avait été retenu par Pierre Arnoul, auteur des derniers plans de projet de l’arsenal avant que Colbert ne fît appel aux services de Vauban20. Jean-Louis du Cairon, toujours lieutenant du roi à Marseille commis aux fortifications des places de Provence sous la direction d’Arnoul, avait fait planter des pieux et placer des balises sur le site en 1678 pour matérialiser le plan d’intention d’Aspremont , en principe accepté par l’administration royale. Ayant en quelque sorte obtenu les coudées franches après approbation par le roi de son projet général de mai 1679, qui dès lors remplaçait celui d’Aspremont21, Vauban décida sans doute assez vite de s’affranchir complètement du tracé de compromis qu’il avait proposé pour l’enceinte et qui serrait au plus près l’emprise prévue pour l’arsenal. Il lui substitua, apparemment sans rédiger un nouveau mémoire, un parti nouveau entraînant une dépense plus importante, tant en démolitions qu’en constructions neuves : un bastion, une courtine et une porte de ville étant à créer en plus. Un des avantages de la nouvelle disposition était qu’elle dégageait une aire libre triangulaire intra-muros au nord de l’arsenal, propre à décompresser le bâti urbain dans une ville dont Vauban se plaisait encore, en 1701, à décrire « pleine comme un œuf ». D’autre part cette modification assurait une meilleure unité de tracé de l’ensemble du front bastionné, reprenant le principe –appliqué par Raymond de Bonnefonsde l’enveloppement continu de l’arsenal et de la darse par l’enceinte du corps de place, au lieu de marquer un distinguo et de créer une sorte d’enceinte annexe, spécifique à la nouvelle darse et à l’arsenal, raccordée à celle de la ville en formant un angle rentrant peu satisfaisant au plan défensif. Le projet de Vauban de 1679 comporte deux darses bien séparées, parti déjà avancé par Pierre Arnoul et François d’Aspremont , qui proposaient de matérialiser la séparation par une estacade flottante, ou ponton formé de coques de navires juxtaposées. Vauban perfectionna ce principe : chaque darse devait avoir son entrée, et la nouvelle à créer, procurée par l’agrandissement à l’ouest gagné sur « le Marais », serait dévolue entièrement à la flotte royale, l’ancienne étant en principe délaissée au port de commerce. L’aile droite (ouest) tenaillée de l’enceinte de la vielle darse, devait être entièrement démolie, pour permettre à terme de reporter beaucoup plus à l’est la séparation entre ancienne et nouvelle darse, au 20 Parmi les nombreux projets dessinés pour l’arsenal avant l’arrivée de Vauban, l’un des quatre proposés par Pierre Puget, daté de 1671, proposant un vaste arsenal autour d’une darse rectangulaire placé au sud-ouest de la ville, en dissociant nettement l’enceinte de l’arsenal de celle de la ville, plaçait aussi le raccordement nord de l’une à l’autre au droit du flanc gauche du bastion Notre Dame. 21 Vauban consacre deux pages de sa lettre à Seignelay présentant son projet, à discréditer celui de feu François d’Aspremont. 11 bénéfice de cette dernière. Cette séparation devait être matérialisée, selon le projet, par un quai rectiligne percé d’une passe entre les deux darses, nommé « quay de Dannemark »22. Dans son addition au projet datée de 1701, Vauban précise que ce quai « se fera aux dépens de la vieille (darse) qui sera de beaucoup diminuée par cette lizière large de 24 à vingt sept toises ». Curieusement, la démolition de l’ancienne aile droite de la vieille darse et la construction de la nouvelle séparation, ne seront jamais réalisées, reportées indéfiniment dans les projets généraux jusque 1738 et après, abandonnées en 1750. Cependant de nombreux plans de Toulon dessinés ou gravés au XVIIIe siècle représentent ce quai projeté, donnant l’illusion trompeuse d’un état réalisé. Concernant la réparation des parties à conserver du front de mer tenaillé enveloppant la vieille darse, Vauban propose en 1679 des améliorations importantes : « Eslever le revestement de la vieille darce sentend celuy (…) qui ne sera pas renversé, jusqu’à ce qu’il ayt 18 pieds au-dessous du cordon et sur cette hauteur faire un parapet de maçonnerie de 6 pieds d’espais (note : il suffira qu’il en ait deux) sur quatre et demy de hauteur surmonté d’un autre petit parapet eslevé au-dessus du grand et percé de créneaux de 6 en 6 avec des regards de 10 en 10 toises ce qui se doit entendre des endroitz qui ne sont point terrassez car pour ceux qui le sont il ne faudra que revestir le parapet de terre par derrière pour le soutenir et eslever celuy des rondes à la hauteur cy-dessus le perçant de créneaux par tout et faire des guerittes sur les angles saillants ou il en manque. » Il ne mentionne pas la réparation des deux plates-formes casematées encadrant l’entrée de la vielle darse et contrôlant la manœuvre de la chaîne, dont une était en mauvais état, car ce poste avait fait l’objet d’un devis établi par JeanLouis du Cairon, à la demande d’Arnoul. Approuvé, le devis permit d’établir un marché passé le 10 février 1680 avec Jacques Bourelly, maçon de la ville de Marseille, « pour la reffection et nouvelle construction des plates-formes de l’entrée de la darce de Toulon »23. Le projet Vauban de 1679 n’évoque donc ces plates-formes que par la bande, à propos des emplacement propres à l’établissement de magasins à poudres : « Il y a encore deux autres endroits joignant l’entrée de la darce très bien couverts qui sont les vieux corps de gardes enfoncez dans le centre de la platte forme, lesquels on poura convertir en magasin, les vouster comme les précédents ; il ne sera pas malaisé d’y tenir des poudres en sureté dans le besoing pressez sans crainte qu’il arrive accident ». Dans son addition de 1692 au projet, Vauban note laconiquement au sujet des plates-formes, qu’il convient de faire « communiquer les hautes batteries de la vieille darce avec les remparts attenants par des escaliers ou des rempes et en réparer les corps de gardes qui sont en mauvais estat. » Le projet de 1679 donne des préconisations très précises sur la structure du « revêtement » de la partie de l’enceinte de la nouvelle darse fondée à la mer sur une jetée empierrée à créer, revêtement à construire, comme l’ensemble de l’extension, en pierre dure extraite « près de la tour de Balaguier et la bastide de Ricard ». Le traitement des pierres de parements en assises réglées et continuées, est prévu esmillé, c'est-à-dire laissé non dressé, mais a priori sans former de bossages rustiques, que l’on trouve pourtant dans l’état réalisé. Cette partie de l’extension enveloppant la darse forme un front non plus tenaillé, comme celui de la vieille darse, mais bastionné ; toutefois, les deux bastions du front sud, encadrant l’entrée, ne sont pas de vrais bastions : leurs flancs n’ont pas d’orillons, à la différence de ceux du front de terre, et ils se réduisent à un revêtement bordé d’un quai contenant les eaux de la darse, de même que les courtines attenantes. Le revêtement n’a pas vocation à s’adosser à un terre-plein, ni même à un rempart de terre. Il forme une muraille continue identique dans sa structure aux revêtements des fronts bastionnés ordinaires, avec de nombreux contreforts régulièrement espacés jalonnant la face intérieure, et reliés à leur tête par une voûte pleincintre, le tout formant des niches-arcades mais cette face et ces contreforts s’ouvrent 22 23 Appellation figurant sur le plan de Toulon du 27 juillet 1693 signé de Cauchy de Chaumont. Vincennes SHD, Art. 8 carton 2 (1 VH 1831), n°2 12 librement sur un quai que Vauban conçoit suffisamment large pour permettre l’adossement d’une série continue de magasins affectés au désarmement de la flotte (entreposement des agrès : voiles, cordages, poulies) dont le module ou travée de base est donné par deux nichesarcades. Ainsi, en application des préconisations formulées par Colbert en 1670 dans un mémoire sur les arsenaux de marine, chaque vaisseau pourra disposer d’un magasin particulier, en l’occurrence distribué dans une série continue en bordure de quai. L’économie de cette enceinte maritime à magasins adossés, pourvue d’embrasures face à la mer, est détaillée par le mémoire: « Les extremitez des contreforts seront prolongées de 12 pieds par un mur de deux d’espais eslevé à plomb des deux costez jusqu’au toict pour servir de mur dentrefent au magasin des vaisseaux et le tout fermé par un autre mur de face de mesme espaisseur dans lequel seront percées les portes et les fenestres (…)Tous ces murs estant eslevez et razez à la hauteur marquée (…) on posera la charpenterie de la toiture dessus qui sera de chesne ou de sapin coupé en saison (…) la couverture qui sera plate et faite de tuisles creuses (…) posées en mortier. Après l’ouvrage achevé et couvert, on aura soing de crespir et bien enduire les murs dedans et dehors de mortier fait de sable fin et chaux vive afin que le tout soit d’une belle apparence et contente la veüe. Tout le long du front qui est opposé (face) à la mer et entre les contreforts on pratiquera des embrazures pour battre à fleur d’eau (…)et après lesquelles estant faittes on aura soing de les murer sur l’espaisseur de trois pieds pour n’este ouvertes que dans le temps du besoing ». Dans sa description des ouvrages de ces parties sud et ouest de la nouvelle enceinte, qui doit envelopper la darse et l’arsenal, Vauban prend soin d’expliquer que le chemin de ronde continu régnant en haut des revêtements, tant des parties adossées de magasins que des parties remparées n’a littéralement « rien à voir » avec la darse et l’arsenal. Il est le prolongement du chemin de ronde d’infanterie de l’enceinte de ville, en sorte qu’il convient de « séparer (des toits des magasins) par ung petit mur de 8 à 9 pieds de haut posé sur les contreforts afin que la garnison n’ait pas de veüe dans l’arsenal ». Cette précaution s’étend aux bastions neufs et courtines de l’ouest et du nord-ouest, où « il sera bon de revestir le derrière du rempart à l’endroit ou il doit estre terrassé et de l’eslever jusqu’à ce que la veüe et les moyens d’entrée dans l’arsenal soient ostés à ceux qui se promèneront dessus ». Dans la lettre d’accompagnement à son projet adressée à Seignelay, fils de Colbert, chargé de l’inspection des places de Provence depuis 1676, Vauban propose les noms des ingénieurs qu’il juge compétents pour le suivi de l’exécution des travaux : « On donnera à Gombert le soing de la jettée et la conduitte de la maçonnerie de la nouvelle enceinte comme a celuy qui les entend le mieux ; c’est luy qui a conduit celuy de l’Eguillette, qui est assé bien ». A l’Eguillette, l’ingénieur local François Gombert surveillait les travaux réalisés par Gaspart Chaussegros, l’autre entrepreneur important de Toulon, concurrent de son père Jacques Gombert.. L’ensemble du grand chantier, extension de l’enceinte, arsenal et darse neuve, détournement des ruisseaux de l’Eygoutier et du Las, creusement de la darse, lancé dès juin 1679 « conformément aux mémoires de M. de Vauban », resta d’abord sous la responsabilité générale de l’intendant Pierre Arnoul, bientôt révoqué (décembre 1679) et remplacé par Louis Girardin de Vauvré, et sous celle, plus technique, de Jean-Louis du Cairon, remplacé dès mars 1680 à la direction des travaux de Toulon par l’ingénieur Antoine Niquet. Les marchés de construction des ouvrages de la nouvelle enceinte, côté terre, sont attribués en 1680 à un notable devenu entrepreneur privé, André Boussonnel : Le marché pour la construction de la nouvelle porte « Royale » est passé le 9 avril 1680 et celui du reste des ouvrages, depuis la reprise du bastion Saint-Roch (bientôt dit « de la Fonderie), jusqu’au bastion neuf du Marais (non compris), en novembre de la même année, par extension des travaux du creusement de la 13 darse et de la construction des jetées de l’enceinte maritime, attribués au même Boussonnel24. En 1684, à la réception du chantier préalable au retrait de Boussonnel, les travaux du front de terre étaient très avancés, sinon achevés, la démolition de l’ancienne enceinte devenue intérieure effectuée en 1683. Les bastions neufs, d’une hauteur moyenne de 30 pieds jusqu’au cordon, étaient munis de flancs à orillons, conformément au projet, et comme ceux de l’enceinte bâtie sous Henri IV, mais sous une forme différente et plus élaborée : les flancs retirés étaient deux fois plus spacieux, et adoptaient un tracé rentrant en hémicycle, ou concave, la courtine affectant une brisure d’axe rentrante à l’approche de ces flanc. Ces particularités typologiques bien spécifiques sont caractéristiques de nombreux bastions créés par Vauban, au plus proche à Antibes, en 1700 (bastions du Roy et du Dauphin). A Toulon, ce dispositif est prévu dès 1679, en ménageant une poterne passant dans le flanc bas casematé d’un au moins des bastions neufs pour déboucher à l’abri de l’orillon. Le principe de cette poterne fut aussi appliqué à Antibes. Un mémoire militaire rétrospectif de 1757 sur Toulon, précise d’ailleurs « M le Maréchal de Vauban (…) fit un projet pour mettre Toulon en état de deffense (…) on fit deux fronts selon sa méthode, avec orillon et flanc concave, à de trop petits bastions pour en pouvoir tirer une grande deffense »25. Le couronnement des bastions comportait deux parapets échelonnés, conformément à ce que Vauban proposait en 1679 pour la réparation des bastions de la fin du XVIe siècle : un parapet d’infanterie crénelé haut de 6 pieds au-dessus du cordon du revêtement, abritant un chemin de ronde de 5 pieds de large, et, en retrait de ce chemin de ronde, au-dessus des faces, un grand parapet d’artillerie en terre de 16 pieds de haut, à embrasures, évoquant un cavalier. Le chantier avait connu un épisode imprévu, significatif du caractère indépendant de l’ingénieur en chef Antoine Niquet. Ce dernier ayant ordonné à Gombert et à Boussonnel de commencer l’élévation de la porte Royale sans avoir prit l’attache de Vauban, qui n’en avait pas donné le dessin, il fallut en interrompre les travaux et démolir les infrastructures réalisées, pour reconstruire de fond en comble, en 1683, sur un plan officiellement approuvé. Un dessin de projet ( ?) de cette porte en coupe et en élévation est conservé, hors des archives du génie, complété par un dessin de la façade extérieure pris avant sa démolition en 1852 par l’artiste toulonnais Pierre Letuaire, et d’une photographie contemporaine de la façade côté ville26. Cette façade postérieure comportait une arcade avec encadrement à bossages continus en table et fronton curviligne, flanquée symétriquement de deux petits pavillons ou corps de garde en saillie. La façade extérieure en revanche, de proportions verticales et assez haute pour habiller la chambre d’étage qui s’élevait au-dessus du passage voûté, offrait une ordonnance austère d’ordre dorique ou toscan, à deux pilastres sur fond de bossages continus en table encadrant une arcade d’entrée unique adaptée à un pont-levis à bascule (sans flèches), avec, au fronton, un motif solaire assez discret évoquant Louis XIV. Le projet comportait, dans le registre rectangulaire assez vaste régnant entre l’arcade et l’entablement, une ornementation plus riche aux armes de France avec trophées, mais ce décor sculpté semble n’avoir jamais été réalisé, à en jugé par le dessin de Letuaire, qui montre sur ce registre une surface unie et nue. On notera accessoirement qu’en 1692-1696, la porte Royale de ville d’Antibes, œuvre de Raymond de Bonnefons (1603-1611), fut complétée d’un fronton sculpté à la gloire du roi, réalisé sous la direction de l’architecte et entrepreneur toulonnais Gaspard Chaussegros ; ce fronton est bien plus richement décoré que n’était celui de la porte royale de Toulon, mais il couronnait un édifice préexistant plus large et monumental, pourvu d’un double pont-levis, charretier et 24 B. Cros, Toulon, arsenal de Louis XIV, 1660-1701, Sanary, 1992 (inédit), p. 74. Vincennes SHD, Art. 8 carton 3 (1 VH 1833), n°18 26 Documents conservés dans les fonds de la société des Amis du Vieux Toulon, publiés dans J. GomezEstienne, dir. , Vauban à Toulon : l’arsenal et la Rade, Toulon, Musée Balaguier (cat. Expo), 2007, article d’E. Maushard, « l’enceinte fortifiée de Toulon », p. 46-48 et p. 63. 25 14 piéton. Pour autant, cette différence ne fait que souligner les limites de l’ambition monumentale investie par Vauban et Niquet dans la porte Royale de Toulon, montrant à quel point les ouvrages de l’enceinte de la ville passaient alors pour eux au second plan, toute l’attention étant portée sur l’arsenal et la darse neuve. En 1685, le chantier d’achèvement de l’extension de l’enceinte fut attribué à l’entrepreneur Boyer, chargé des bâtiments de l’arsenal, qui reprit la compétence de Boussonnel pour les fronts de terre, et celle du sieur Lombard pour le revêtement et les magasins de l’enceinte maritime. La demi-lune de la porte Royale fut construite en 1686, les parapets du front de terre achevés en 1691, le revêtement et les magasins adossés de l’enceinte maritime en 1693. L’ouvrage le plus tardif fut le bastion du Marais à la jonction des deux fronts, contenant aussi des magasins adossés, construit de 1690 à 1701. Entre temps, en 1691, Antoine Niquet avait été promu directeur des fortifications de Provence et du Languedoc, ce qui renforçait son autorité dans la direction des travaux de Toulon, dans laquelle il était secondé ponctuellement depuis 1692 par Jean Cauchy, sieur de Chaumont, ingénieur architecte de la Marine chargé à cette date de la direction des travaux de construction du fort Saint-Louis, contrôlant le port des Vignettes, à l’est de la ville. Vauban rédigea ensuite, en 1693 et en 1701, deux additions successives à son projet de 1679 en cours d’exécution. La principale nouveauté de l’addition de 1693 au projet27 concerne les dehors du corps de place. En plus des deux demi-lunes déjà prévues en 1679, dont une seule, devant la nouvelle porte Royale, était réalisée, Vauban demandait l’ajout de quatre demi-lunes devant les courtines du front de terre. Cette préconisation impliquait par contrecoup une refonte importante du tracé des contrescarpes du fossé et du chemin couvert, déjà en partie réalisés. Dans son addition de1701, confirmant son projet de demi-lunes, Vauban préconise en outre la mise en place de tenailles devant toutes les courtines du front bastionné. Le même mémoire lui donne l’occasion de déplorer que l’emplacement choisi par Niquet pour construire la nouvelle boulangerie de l’Arsenal, bâtie à la suite de l’incendie de l’ancienne en 1695, occupe une des demi-lunes dont il demandait la création depuis 1693, à l’ouest de l’enceinte. S’il ne conteste pas la qualité d’exécution du bâtiment, non plus que son plan formé de deux ailes en chevron bien adapté au plan interne de la demi-lune en attente de réalisation, les avantages de cette position isolée, pour un bâtiment sujet à des risques d’incendie, lui échappent, tandis qu’il s’inquiète de l’inconvénient d’occuper un dehors par un bâtiment important, d’une hauteur murale qui lui procure un commandement sur la darse et sur l’Arsenal. Outre les demi-lunes, Vauban proposait dans son addition de 1693 une adaptation ponctuelle de la vieille enceinte, adaptation dont il avait probablement conçu l’idée dès les années 1680, justifiée par un souci d’unité entre la porte Saint-Lazare et la nouvelle porte Royale : « Changer la porte de St Lazare et la mettre au milieu de la courtine ». La demi-lune projetée à cet endroit dès 1679 n’ayant pas reçu un commencement d’exécution, elle pouvait facilement être réalisée en fonction du nouvel emplacement plus valorisant proposé pour la porte. Comme pour la porte Royale, aucun dessin de projet de la nouvelle porte Saint-Lazare , signé de Vauban ou de Niquet, n’a été conservé ; cet objet étant à l’évidence sans caractère d’urgence, on peut même douter qu’une élévation en ait été dessinée. Supervisée encore sur de nombreuses années, y compris après la mort de Vauban, par Antoine Niquet et par Jean Cauchy de Chaumont, la mise en œuvre des travaux de l’enceinte de Toulon, ne prit pas en compte –sans doute pour des raisons économiques- les augmentations des dehors proposés par Vauban en 1693 et en 1701, en sorte que le fossé et le chemin couvert du front de terre, à peu près achevés en 1707, étaient conformes au projet de 27 Addition du premier mars 1693 au projet de Toulon de 1679. Vincennes SHD, art. 8, carton 1 ( 1V H 1831) n° 19 15 1679. Seule la demi-lune ouest, bien que non réalisée, était en quelque sorte programmée par le plan en chevron donné à la boulangerie. Les plans de la décennie 1690 figurent des bâtiments dans l’aire intérieure creuse des bastions de l’enceinte d’époque Henri IV, soit un magasin à poudres dans les bastions de Sainte-Ursule (8) et des Minimes (6), préexistants à l’extension de l’enceinte selon les plans de Vauban, et le bâtiment de la fonderie, également préexistant, mais rallongé vers l’ouest lors de la reconstruction de la moitié gauche du bastion de la fonderie agrandi (9). Les deux bastion neufs du front de terre de l’extension Vauban (bastion du Roy, bastion de l’Arsenal) sont également évidés d’une large aire intérieure creuse ouverte à la gorge, de plain-pied avec le sol intérieur de la place, leur terre-plein étant limité à un rempart avec parapet d’artillerie adossé au revêtement des flancs et faces, profilé en talus à terre coulante sur l’aire intérieure. Les bâtiments de l’Arsenal, extrémité de la Corderie, goudronnerie, magasin aux goudrons, parc de l’artillerie, occupent au maximum l’aire intérieure du bastion de l’Arsenal. Les conséquences du siège de 1707 sur la défense du corps de place. Les insuffisances de la défense terrestre de Toulon, dues à la pauvreté des dehors du corps de place et surtout à l’absence d’ouvrages détachés, forts ou batteries, fut mise en évidence pendant la guerre de succession d’Espagne, la prise de Toulon ayant été un des objectifs de la coalition formée par l’Empire, l’Angleterre, la Hollande et la Savoie, en 1707. Le siège conduit par le duc de Savoie du 2 au 22 aout 1707, démontra la vulnérabilité du front est de l’enceinte, dominé par des hauteurs voisines qu’occupait l’artillerie ennemie, trop découvert, insuffisamment défilé. Le long front nord, face au Mont Faron, présentait le même désavantage, mais de ce côté, la création dans l’urgence et l’occupation d’un vaste retranchement de campagne, dit de Sainte-Anne, abritant les cantonnements du roi de France, avait empêché toute approche de l’armée savoyarde. Ce retranchement, en principe non pérenne, réalisé en pierre sèche, avait été ordonné par le Maréchal de Tessé le 11 juillet 1707, et mis en place par Lozières d’Astier, l’ingénieur royal qui venait, l’année précédente, de diriger pour le roi les travaux de démantèlement du château de Nice. Un ouvrage historique généraliste du début du XIXe siècle évoquant l’évènement de manière moins technique et plus concise que les mémoires contemporains des officiers et des ingénieurs, donne un tableau résumé saisissant de la situation de la place de Toulon et de ses défenses à l’heure du siège : « … les alliés veulent s'emparer de Toulon pour ruiner la marine française. Le maréchal de Tessé va pourvoir à la défense d'une place aussi importante. La ville n'avait qu'une enceinte; son chemin couvert n'était qu'une masse de terre informe. Les alliés espéraient franchir d'autant plus aisément ces faibles obstacles, qu'ils ne doutaient pas que la Provence accablée d'impôts ne se soulevât (…) Saint-Pater (lieutenant général marquis de Saint-Paters, de l’armée du Dauphiné) est nommé gouverneur de la ville; Niquet, directeur des fortifications, et de Chaumont, ingénieur en chef, palissadent le chemin couvert, minent les glacis, construisent quelques ouvrages en avant du front d'attaque, retranchent les bastions, fortifient les maisons de la ville, voisines de l'enceinte, pour en former un dernier retranchement. Les Toulonais dépavent les rues, couvrent leurs cuves de fumier, entourent leurs demeures de cuves remplies d'eau; on rase les faubourgs, on détruit les bastides et les plantations voisines des glacis; de Lausières d'Astier établit le camp retranché de SainteAnne, l'appuie d'un côté à la place, de l'autre à des montagnes escarpées, le divise en deux par des lignes, et une partie de l'armée y entre sous les ordres de Goëbriant; on garnit de retranchements les hauteurs de Sainte-Catherine et la montagne de la Croix de Faron; les magasins de la marine sont évacués: on fait partir les galères; on coule les vaisseaux auxquels l'ennemi peut mettre le feu; et deux vaisseaux du premier rang, échoués près du rivage , bastingués et blindés avec des poutres, et entourés de petits bâtiments qui leur servent 16 d'enveloppe et d'estacade, sont comme deux forts destinés à battre la plaine et à prendre des revers sur le front d'attaque. Les alliés avaient passé sans obstacle le col de Tende, le Var, les bois de Lesterel ; ils arrivent devant Toulon; leur flotte prend Hières, l'île de Poquerolles, et fait son débarquement auprès de la ville qu'ils veulent assiéger. Le prince Eugène et le duc de Savoie prennent les hauteurs de Sainte-Catherine de Faron, de la Malgue, ainsi que les forts de Sainte-Marguerite et de Saint-Louis, qui défendent la rade. Deux navires et quelques maisons sont incendiés; mais le camp de Sainte-Anne paraît inattaquable aux alliés. Les troupes de ce camp et la garnison font sans cesse des sorties terribles; les retranchements, les vaisseaux échoués couvrent de feux les lignes et les batteries des assiégeants. Le maréchal de Tessé arrive avec de nouvelles troupes; il veut reprendre les hauteurs de Sainte-Catherine et du Faron: Goëbriant, Dillon, Broglie et le frère du maréchal conduisent les colonnes; on chasse les alliés de ces hauteurs , on encloue leurs canons, on rase leurs ouvrages, on annonce que le duc de Bourgogne et le duc de Berri accourent au secours de la place, et le prince Eugène et le duc de Savoie sont obligés de lever le siége. »28 Au début de 1708, un nouveau projet général élaboré par Antoine Niquet mettait en place deux redoutes ou forts détachés pérennes pour occuper les points hauts d’où étaient venus les tirs d’artillerie les plus destructeurs lors du siège de 1707 : Au nord-est, le petit fort d’Artigues, achevé dès 1709, et à l’est le fort de La Malgue (ou Lamalgue), plus important, plus difficile à adapter au site choisi, et dont la construction fut abandonnée dans un état d’avancement embryonnaire en 1710. Parallèlement, le projet considérait –dans un moindre degré d’urgence- la question du corps de place de Toulon, avec pour objectif d’accroître l’échelonnement en profondeur des défenses des fronts de terre, d’améliorer leur résistance à l’impact de l’artillerie ennemie et d’introduire un étagement des tirs défensifs de longue portée. Ce programme reprenait celui proposé par Vauban en 1701, s’agissant de la mise en place des demi-lunes et de tenailles devant les courtines en zone inondée par l’eau de mer, une devant la courtine sud-ouest de l’enceinte de la nouvelle darse, l’autre, à l’est, devant la courtine faisant raccord entre le front de terre et l’enceinte de la vielle darse, soit huit demi-lunes en tout. La reconstruction de la porte Saint-Lazare en milieu de courtine faisait aussi partie du projet général. A cette date, seule la demi-lune de la porte Royale, réalisée en 1686, était achevée. La demi-lune de la porte Saint-Lazare, avait été amorcée en 1708, mais le chantier était interrompu et l’état des lieux provisoire formait une place d’armes rentrante du chemin couvert. A l’ouest, la demi-lune de la boulangerie, toujours en attente d’exécution, était remplacée –en principe tout aussi provisoirement- par un épi du chemin couvert enveloppant les bâtiments en chevron. L’une des deux demi-lunes nouvelles proposées par Niquet, celle située a l’est / sud-est, en zone inondée, entre les bastions 5 et 6, plus petite que les autres, était conçue pour être traversée par une nouvelle issue de l’enceinte de ville à créer vers le secteur du Mourillon. De ce côté, le projet du fort de La Malgue compte tenu de sa position surplombant la mer et relativement proche de Toulon, comportait une communication le reliant au corps de place, formant retranchement au nord, et une autre descendant jusqu’à la mer, coupant toute circulation terrestre côtière. La construction de ces communications retranchées ayant été menée plus avant que le fort lui-même, le secteur du Mourillon, assaini par le détournement du ruisseau de l’Eygoutier lancé par Vauban, se trouvait en principe suffisamment abrité pour qu’on y envisage la fondation d’un nouveau quartier d’habitation extra-muros, ou faubourg, gagné sur les anciens marais des salines abandonnées. Ce projet 28 Bernard de Lacépède, Histoire générale, physique et civile, de l’Europe (…), Bruxelles, 1826, t. 17, p. 151152 17 d’urbanisme figure sur le plan du projet de 1709, et reste proposé, sous une forme un peu différente, en 1738, puis encore en 1764.29 En 1709, les dehors prévus au projet général comportaient en outre un grand ouvrage à cornes précédé d’une demi-lune, au nord-est de l’enceinte, en avant du bastion du Roy (10) et de la demi-lune de la porte Royale, dans le tiers ouest de l’emprise de retranchement Sainte Anne. Présentant l’inconvénient de recouper le « jardin du roi » et sa bastide, cet ouvrage à cornes ne fut pas conservé au projet général. Les composantes plus constantes du projet général étaient la construction de cavaliers sur les cinq bastions du front de terre dominés au nord et à l’est par la déclivité du terrain (bastions 6-7-8-9-10) et la mise en place de contregardes devant quatre des bastions de ce même front , dans la partie non inondée du fossé, soit ceux encadrant les deux portes de ville (bastions 6-7 encadrant la porte SaintLazare, et 10-11 encadrant la porte Royale). Ce projet d’accroissement des dehors imposait la refonte complète du chemin couvert qui venait à peine d’être achevé selon les principes de 1679. Il n’existait avant 1700 que devant les parties nouvelles du front de terre de l’enceinte, dans le secteur de la porte Royale, depuis la face gauche, neuve, du bastion 9, à la face droite du bastion 11 ; en 1707, il était à peu près achevé, depuis la face droite du bastion 6 jusqu’à l’épi de la boulangerie, entre les bastions 11 et 12). En 1710, seule la demi-lune de la porte Saint Lazare avait fait l’objet d’un commencement de construction : infrastructure du revêtement des deux faces et de l’angle de capitale), comme le montre des plans et coupe de détail de cette partie du front est, dessiné par le chevalier de Verville, qui indiquent l’état projeté en différenciant nettement les parties réalisées. Le retranchement ou camp retranché de Sainte-Anne, créé lors du siège de 1707 en avant du front nord, était, on l’a vu, une fortification sommaire formée d’un rempart de pierre sèche et terre, de tracé tenaillé à deux branches parallèles allant jusqu’au pied du Mont Faron, avec fermeture intermédiaire par un front nord au tracé bastionné. Le plan du projet général dessiné par Lefébure le 23 novembre 1715, proposait la construction d’ouvrages pérennes suivant les contours du retranchement Saint-Anne et de son front nord bastionné, à l’exclusion des branches latérales se prolongeant jusqu’au mont Faron, qu’il s’agissait de supprimer. Comportant une petite redoute à l’angle nord-est, ce retranchement pérenne remplaçait le projet d’ouvrage à cornes dessiné en 1709. L’essentiel du projet général d’Antoine Niquet fut reconduit d’années en années, et audelà de sa mort en 1726, sans changements, et apparemment sans début de réalisation. On le retrouve notamment sur les plans des projets de 1738 et de 1741. Le retranchement SainteAnne de 1707 demeurait en place, mais sans faire l’objet de réparations ou d’entretien, en sorte qu’il finit par s’effacer du paysage. Cauchy de Chaumont (l’ingénieur actif à Toulon depuis 1692 ou son fils ?) consacra en 1738 un mémoire à la défense terrestre de Toulon, appuyée sur des redoutes détachées, notamment à l’emplacement du retranchement Sainte Anne. Dans le dessin correspondant à ce projet, dessiné en plan par le sieur Nègre, reparaît une variante amoindrie de l’ouvrage à cornes proposé au même endroit par Niquet en 1709. Le rapport de Chaumont donne une piètre image de l’état du front de terre ancien (nord) du corps de place en 1738 : « premièrement, la maçonnerie du revêtement est crevassée en plusieurs endroits sur toute sa hauteur, 2° Il est indispensable de couper les orillons qui occupent les deux tiers des flancs, la partie restante ne contient que deux embrasures ; 3° La contrescarpe non revêtue et la moitié du chemin couvert ont écroulé dans le fossé 4° Le glacis est encore informe ».30 29 BnF Cartes et Plans, Vincennes SHD, Art. 8 carton 2 (1 VH 1832) plan Chaumont ; carton 4 (1 VH 1834), projet général Milet de Monville. 30 Vincennes SHD, Art. 8 carton 2 (1 VH 1832), n°30 18 D’autres mémoires postérieurs précisent que la contrescarpe du fossé était sommairement revêtue en pierres sèches, avec des secteurs maçonnés. Huit ans plus tard, une feuille de dessin signée par Nègre, donnant le plan du retranchement fait en 1707 et (…) celuy proposé en 174631, montre la projection des tirs des batteries défensives proposées pour le secteur est de Toulon, à partir des forts détachés, mais aussi depuis le corps de place, principalement depuis la demi-lune de la porte Saint-Lazare et les deux bastions l’encadrant. Le retranchement proposé y forme une ligne continue nord-sud reliant le fort Lamalgue au pied du Mont Faron, en passant par le fort d’Artigues. Ce projet faisait partie du programme de fortification préventive organisé par le maréchal Charles-Louis Fouquet de Belle-Isle en 1746-1747 dans l’hypothèse d’une nouvelle offensive de l’armée austro-savoyarde contre Toulon, programme comportant surtout des batteries précaires en pierres sèches. Si le plan de 1746 montre encore le retranchement Sainte-Anne tel qu’en 1707, un mémoire du Maréchal de Belle-Isle daté d’octobre 1748 donne une vision plus pragmatique des réalités de terrain de cet ouvrage : « Le Camp retranché appelé de Ste Anne est si essentiellement nécessaire pour la conservation de Toulon que je n’ay rien eu de plus pressé en arrivant en Provence que d’en ordonner le rétablissement. Il avait été si imparfaitement construit en 1707 qu’il n’a pas subsisté deux ans, et tous les particuliers sur les terrains desquels il avait été fait ont été les premiers à le détruire, au point qu’il n’en restait pas de vestige, et qu’il a fallu que j’en fasse tracer un nouveau. Mr les procureurs du pays (…) ont fait commander alors jusqu’à 2000 hommes des habitants du pays pour y travailler. Cet ouvrage fait à la hâte par des gens peu accoutumés étoit si imparfait quand je suis revenu à Toulon au mois de mars 1747 (…) que je fus le premier à proposer de supprimer une peine aussi considérable dont on ne retireroit pas, à beaucoup près, un fruit proportionné, et qu’en payant 3 ou 400 soldats à un prix inférieur, ils feroient plus de besogne que les 800 paysans que la province payoit beaucoup plus cher ; on se réduisit donc à 300 travailleurs par jour tirés des troupes, jusqu’à ce que cet ouvrage fut entièrement perfectionné. Pour éviter l’inconvénient dans lequel on s’est trouvé il y a deux ans (…) j’ay prit le parti de faire faire ledit camp retranché en maçonnerie qui durera autant que la ville de Toulon au moyen d’un très médiocre entretien »32. Par ce mémoire, Belle-Isle planifiait la continuation des travaux qu’il avait lancés -ayant délégué la maîtrise d’ouvrage au sieur Louis de Bertaud, directeur des fortifications de Toulon- afin de s’assurer qu’ils fussent menés à bien après son départ. Deux ans plus tard, Bertaud précisait dans un mémoire, accompagné d’un plan d’état des lieux, que le retranchement, comportant un fossé revêtu, était terminé, tout en regrettant que dans sa forme pérenne, le tracé, plutôt que de reprendre à peu près celui de 1707, n’ait pas « été conduit d’une façon plus avantageuse pour que toutes les parties se prêtassent une défense mutuelle » 33. Accessoirement, le mémoire précise que le front bastionné de l’enceinte du corps de place « doit être regardé comme dénué de toute défense », parce que « mal terrassé et sans parapet ». En 1751, le projet général inauguré par Niquet n’était plus présenté, et Bertaud proposait au Marquis de Paulmy, secrétaire d’Etat à la guerre, la reprise de la construction du fort Lamalgue et de sa communication à la ville. Parallèlement, un nouveau projet pour le corps de place de Toulon s’attachait à l’achèvement, sans cesse différé, des dehors de la partie inondable des fossés, tant à l’est qu’à l’ouest, où chemin couvert et glacis étaient à reprendre en totalité, et la demi-lune de la boulangerie, laissée « sans revêtement et même sans fossé » toujours à réaliser. Du côté est, seule restait proposée une contregarde devant le bastion des Minimes (6), avec réfection du chemin couvert dont l’extrémité devait se raccorder 31 Vincennes SHD, Art. 8 carton 2 (1 VH 1832), n°50. Vincennes SHD, Art. 8 carton 3 (1 VH 1833), n°9. 33 Vincennes SHD, Art. 8 carton 3 (1 VH 1833), n°5. 32 19 directement à la communication au fort Lamalgue, telle qu’on proposait de la rétablir. Le plan du projet de 1751 montre l’état des lieux de la demi-lune de la porte Saint-Lazare, moins embryonnaire qu’en 1710 mais abandonné dans un état inachevé, le front de gorge non revêtu et dégradé. Son achèvement et le déplacement de la porte en milieu de courtine ne faisaient pas partie du projet. Projets et réalisations de la seconde moitié du XVIIIe s ; renforcement des fronts de terre. Un nouveau projet pour le front de terre fut établi en 1755, à la suite de l’écroulement de la face droite du bastion Sainte-Ursule (8) et d’une partie du flanc droit du bastion de la fonderie (9). La fragilisation de ces revêtements de la fin du XVIe siècle, peu épais, fut expliqué alors par leur incapacité à supporter la surcharge de terre que « la nécessité en différents temps de guerre » y avait fait apporter pour « exhausser le rempart de 14 à 17 pieds de plus, compris le parapet, pour se couvrir des hauteurs voisines » ; cette information laisse penser que les cavaliers prévus au projet général de 1709 à 1741 environ avaient pu recevoir un début d’exécution. Le projet, signé de l’officier ingénieur Boniface34, comporte la refonte complète ou partielle de trois des bastions du front nord-est (7-8-9) : le bastion Sainte-Ursule (8), dont la reconstruction était déjà commencée, perdit ses flancs retirés et ses orillons, remplacés par des flancs droits (ce qui rejoignait les préconisations formulées par Chaumont en 1738), et ses faces furent avancées de six toises. Le flanc droit du bastion de la Fonderie (9) et le flanc gauche du bastion Saint-Bernard (7) devaient être refaits sur le même principe. Un mémoire rédigé en 1757, non signé mais attribuable à François Milet de Monville, qui allait devenir l’année suivante directeur des fortifications de Provence, 35 évoquait ces travaux en cours, en soulignant les limites du parti adopté : reconstruit, le bastion restait trop petit, mais la reconstruction de son front en avant de l’emplacement de l’ancien imposait à terme l’élargissement du fossé, étranglé en ce point, donc le recul de la contrescarpe et du chemin couvert. D’autre part, la place de Toulon manquant de souterrains, les reconstructions des revêtements menaçant ruines pourrait donner l’occasion d’en créer au revers des élévations refaites. Un plan soigneusement légendé, signé Milet de Monville, montre l’avancement des travaux la refonte du front nord d’époque Henri IV en 1759. Ces travaux étaient très avancée pour les bastions 8 et 9 et la courtine intermédiaire ; le revêtement du premier montait jusqu’au parapet maçonné, mais l’aire intérieure restait en attente de son terre-plein ; le côté droit du second était construit jusque sous le cordon. La reconstruction du bastion 7, ou Saint Bernard, n’avait pas commencé. Celle de la courtine 7-8 était amorcée au droit du flanc du bastion 8, le nouveau revêtement étant bâti en avant de l’ancienne courtine, maintenue en place ; ce nouveau revêtement, avec ses contreforts intérieurs, s’appuyait donc contre l’ancien, ce qui dégageait des vides intermédiaires entre les contreforts. La demi-lune de la porte Saint-Lazare avait été complétée, notamment par la construction d’une porte à pontlevis à flèches à la base de sa face gauche. Dans son mémoire du 28 aout 1759, Milet de Monville désapprouvait nettement le parti choisi par son prédécesseur, consistant à reconstruire les flancs des bastions sans orillons, et à donner à leur revêtement une trop grande hauteur, atteignant 36 pieds. Le modèle idéal de Milet de Monville était celui des bastions de Vauban, avec leurs orillons et leur flanc concave, mais aussi avec leurs deux parapets échelonnés séparés par le chemin de ronde d’infanterie. Milet emploie le terme de surtout pour qualifier le parapet d’artillerie retroussé et son revêtement propre, dont il précise qu’il repose sur les arceaux des contreforts enterrés 34 35 Vincennes SHD, Art. 8 carton 3 (1 VH 1833), n°13 Vincennes SHD, Art. 8 carton 3 (1 VH 1833), n°18 20 du revêtement général. Fort de ce constat, Milet propose d’adopter désormais pour les ouvrages de l’enceinte Henri IV à reconstruire, le système qu’il a fait amorcer à la courtine 78 : soit le maintien en place du revêtement ancien, chemisé par le nouveau, ce qui avance d’autant les fronts et ménage dans l’intervalle, entre les contreforts du nouveau revêtement et sous leurs arceaux, des souterrains à l’épreuve sur deux niveaux, utilisables comme galeries de contremines pour peu de les rendre accessibles et de les relier entre eux par des percées dans les contreforts. Ces souterrains, au niveau du fond des fossés, communiquaient à des poternes discrètement ménagées dans la face intérieure de l’orillon comme les poternes des bastions de Vauban. Le dispositif très élaboré conçu par Milet, dans lequel les défenseurs pouvaient mettre le feu aux poudres dans ces souterrains face à une tentative de mine de l’ennemi, lui aurait été inspiré par des contremines vues en Italie et en Espagne. De plus, Milet changea le plan prévu pour la reconstruction du bastion Saint Bernard (7), en appliquant ces principes –ce qui agrandissait le bastion existant - et en reproduisant le modèle exact des bastions de Vauban, notamment celui du Roy (10) seul complet de ce modèle. Il opta aussi pour les superstructures comportant, sur les faces, le surtout ou parapet d’artillerie à embrasures, et, dans les flancs concaves, des embrasures directement percées dans le parapet maçonné au-dessus du cordon. Le bastion Saint Bernard (7) était en cours de construction sous cette nouvelle forme en 1761, mais sur un plan encore agrandi, et celui de Sainte-Ursule reçut un surtout non prévu à l’origine. Un magasin axial était projeté dans le nouveau bastion Saint-Bernard. La même reconstruction programmée en 1765 pour le bastion des Minimes (6), était toujours en attente de réalisation en 1767. Ce chantier s’inscrivait désormais dans le nouveau projet général de Toulon que Milet de Monville avait formulé dans son mémoire de 1764. Il reprenait diverses composantes du projet général de 1709, en proposant de généraliser le chemisage des anciens ouvrages de l’enceinte bastionnée de la fin du XVIe siècle, en augmentant par-là la surface de tous les bastions, rebâtis sur le modèle de ceux de Vauban. Le mémoire annonce clairement qu’il s’agit de reconstruire les « ancien fronts de la place, depuis le bastion de Saint Bernard (7) jusqu’à la mer, les avançant vers la campagne, pour donner plus de largeur aux terre-pleins, les anciens revêtements étant d’ailleurs trop faibles, le vuide qu’on laissera entre les deux ne pourra qu’être d’une grande utilité… » Milet précise ensuite : « en général il faut pourvoir à la construction de cazernes à l’épreuve le long des courtines entre les bastions de la fonderie, de Ste Ursule et de St Bernard, d’un cavalier avec des bâtiments et magasins à l’épreuve dans ce dernier bastion et dans celui des Minimes, et d’un pavillon d’officiers près de la porte St Lazare. Il faut ouvrir cette porte au milieu de la courtine, celle qui existe étant trop près du bastion de St Bernard (article repris du projet Vauban de 1693, constamment proposé par les projets généraux). Pour l’aménagement interne du bastion Saint Bernard, Milet de Monville conçoit un « retranchement en forme de cavalier qui défile les fronts collatéraux des hauteurs de La Malgue et de Ste Anne, et qui procure en même temps l’avantage de loger dans son terre-plein les munitions nécessaires à la défense de ce front, ledit retranchement voûté à 3 étages avec une plate-forme par-dessus »36. Le principe de construire « une demi-lune sur la courtine entre le bastion des Minimes (6) et celui de la Ponche-Rimade (5, demi-bastion est de la vieille darse), pour la communication de la ville au fort de La Malgue, en ouvrant une porte au milieu de cette courtine (5-6) » reprend celui du projet Niquet de 1709, avec une demi-lune plus vaste, égale aux autres, et abandonne l’alternative proposée en 1751, sans demi-lune, et avec continuité de circulation défensive entre chemin couvert et communication au fort Lamalgue. Comme en 1709, la nouvelle porte de ville proposée par Milet à cet emplacement, traversant la demi-lune, n’avait pas pour seule justification la communication 36 Vincennes SHD, Art. 8 carton 5 (1 VH 1835), n°15 21 retranchée avec le fort Lamalgue, mais aussi celle d’ouvrir la ville vers le faubourg neuf du Mourillon, dont le projet redevenait d’actualité. S’agissant des dehors à créer et de leur répartition : demi-lunes, contregardes, tenailles, le projet général de Milet de Monville reprenait celui de Niquet, à quelques nuances près. On observe sur les plans que la largeur du fossé en tête des contregardes projetées est réduite au strict minimum ; il en est de même pour le fossé isolant les faces de la demi-lune de la boulangerie, ce qui permet à Milet de donner à cette demi-lune de plus grandes dimensions que dans les projets antérieurs, propres à accueillir de nouveaux magasins aux vivres entre parapets des faces et boulangerie. Du même côté ouest Milet proposait « une contregarde beaucoup plus large que les autres devant le bastion du Marais, dans laquelle on fera les hangars pour mettre à couvert les bois de construction ». La principale innovation du projet général de Milet, et la plus hasardeuse, compte tenu de son emplacement en basse terres, sur l’ancien « marais », était un important ouvrage à cornes projeté au sud-ouest de l’enceinte de la darse, devant la demi-lune projetée (mais réduite) de la courtine 1-2. Cet ouvrage à cornes était proposé « pour y construire un hôpital à contenir deux mille malades », dont le plan masse carré inscrivant quatre cours séparées par deux ailes formant croix grecque, figure sur le plan du projet. L’idée resta sans suite. On notera que si Milet se plaçait dans la filiation de Vauban, pour la conception des fronts bastionnés de Toulon, il proposait, en revanche de placer des bâtiments dans trois des dehors ouest, principe que Vauban désapprouvait explicitement en 1701 à propos de la boulangerie : « On l’a bastie hors de la ville et dans une demi-lune ce qui est très mal car la regle generalle veut que ces dehors soient vuides et solitaires notamment celles qui sont exposées aux attaques comme est celle cy ». De plus, l’hôpital monumental projeté par Milet aurait présenté l’inconvénient dénoncé par Vauban pour la boulangerie, celui d’offrir un commandement et des vues plongeantes sur la nouvelle darse et sur l’arsenal. Enfin, le projet général de Milet de Monville, scella l’abandon définitif du projet du « quai de Dannemarck » entre la darse neuve et la darse vieille, l’usage et l’économie de la darse et de l’arsenal, après plus de soixante ans d’activité, s’étant adaptés au maintien en place du front ouest tenaillé de l’enceinte de la vielle darse. Il n’était plus jugé utile d’agrandir le bassin de la nouvelle darse aux dépens de celui de l’ancienne. Cette aile droite tenaillée de l’ancienne enceinte maritime de Bonnefons, dont Milet proposait d’élargir le quai pour y placer un grand magasin, par une inversion de sa fonction initiale de clôture, faisait définitivement partie de l’enceinte non fortifiée isolant l’arsenal de la ville. Le mémoire historique et descriptif sur la ville de Toulon rédigé par l’officier de Louis (d’)Aguillon le 1er mars 176837, rappelle, à propos des fronts bastionnés nord et ouest de la ville, construits sous Henri IV et laissés « tels qu’ils étoient » par Vauban et Niquet, que c’est depuis l’époque de l’écroulement d’une des faces du bastion des Minimes en 1754 (en réalité bastion Sainte Ursule en 1755) « que l’on renouvelle cette partie de l’enceinte, il n’en reste plus (à faire) que celle depuis le bastion des Minimes jusques à la mer » A propos des revêtements de l’enceinte maritime de la nouvelle darse, seuls de l’enceinte à ne pas être terrassés, mais adossés de magasins « à l’usage des vaisseaux du Roy », Aguillon précise qu’il « ne serait pas possible de faire usage » des embrasures à fleur d’eau ménagées dans ce revêtement (celles que Vauban préconisait de laisser murées en temps de paix), « attendu que les jettées sur lesquelles sont bâtis les remparts, ayant fléchi sous le poids de la maçonnerie, elles se trouvent la plupart noyées et hors d’état de servir ». Enfin, rien encore ne semble alors avoir été fait pour améliorer les chemins couverts et les glacis qui « en général sont en très mauvais état, et il n’y en a jamais eu de formé depuis la boulangerie de la marine jusques à la mer ». 37 Vincennes SHD, Art. 8 carton 4 (1 VH 1834), n°22 22 La lenteur d’exécution des travaux du front de terre laissa encore longtemps de côté la question des chemins couverts. Le projet de Milet de Monville pour 1772 consistait à continuer la reconstruction du bastion des Minimes (6) dont le revêtement seul était monté jusqu’au-dessous du cordon. Contrairement à ce qui était initialement prévu, le flanc droit de ce bastion avait été réalisé sans orillon ; l’aire intérieure devait recevoir des casemates adossées au revêtement, enterrées sous le parapet d’artillerie, et ouvrant sur une place d’armes laissant un vide intérieur occupé par le magasin à poudres, parti finalement préféré à un cavalier. La porte Saint-Lazare et sa demi-lune restaient inchangées, et la contrescarpe du fossé au nord du bastion Saint-Bernard, quasiment jointive à la face de ce bastion depuis qu’on l’avait agrandi, était en ruines, en attente d’une reconstruction plus en arrière. Le bastion Saint-Bernard lui-même était achevé, mais son aire intérieure demeurait libre, en attente du « cavalier avec (au-dessous) des bâtiments et magasins à l’épreuve » prévu par Milet depuis 1764. A la suite du flanc retiré de droite du bastion Saint-Bernard, et jusqu’à la porte Saint-Lazare en place, avait été construit sur quelques mètres le départ de la courtine renouvelée, avec la brisure d’axe et le nouvel alignement, en avant de celui de la courtine en place. Le projet à court terme, tel que dessiné, consistait à construire tout le nouveau revêtement de cette courtine en appui contre l’ancien, selon le principe du chemisage conçu par Milet, mais sans vide intermédiaire suffisant pour dégager une galerie souterraine, le tout en maintenant la porte existante en retrait d’alignement. La construction de la nouvelle porte n’est pas encore programmée, en sorte qu’il était amis implicitement qu’il faudrait percer le revêtement neuf en plus de l’ancien lorsqu’elle serait à l’ordre du jour. Cet état des lieux n’avait pas évolué à la fin de l’année 1773. A cette époque, on envisageait un agrandissement de la ville hors les murs à l’est, non plus au Mourillon, mais immédiatement au-delà du chemin couvert, est / sud-est. L’idée avait été proposée par le Marquis de Monteynard, secrétaire d’Etat à la Guerre, moins pour déployer un projet d’urbanisme que pour abriter les bâtiments militaires nécessaire à une place forte, qu’il était impossible d’établir en ville, faute de place : pavillons, casernes, arsenal de terre, magasins à vivres. Milet de Monville étant mort le 16 décembre 1773, son successeur à la direction des fortifications de Toulon et de Basse Provence, Charles-François-Marie d’Aumale, commença sa mission en concevant le plan de cette extension. Proposée au nord de la communication retranchée vers le fort Lamalgue, elle devait être fortifiée par un front bastionné, bâti en partie sur pilotis, en avant de l’enceinte du corps de place, à partir de « la capitale de la demilune St Lazare », et jusqu’ à « l’extrémité de la ligne de communication du fort de la Malgue, au pont de l’Eigoutier » Hors le fait que ce projet d’agrandissement de la ville rendait moins utile la réfection en cours de la partie sud-est de l’enceinte urbaine « Henri IV » d’Aumale, n’approuvait pas le parti architectural des ouvrages réalisés sous la direction de Milet. Son mémoire d’observations tendant à infléchir le projet général de 1764, critique notamment les bastions, jugés archaïques et inutilement compliqués : « On ne peut que regretter l’argent employé à ce qui est commencé du rétablissement des flancs à orillon aux extrémités de la courtine entre les bastions des Minimes et de St Bernard, et il faut s’en tenir à gémir sur ce qu’on n’a pas voulu profiter de l’emplacement lors de la ruine du front pour le corriger et en tirer un beau parti, ce qui provient d’une habitude trop commune de suivre les anciens tracés sans les plier aux circonstances (…) les orillons des Minimes et de St Bernard, presque entièrement élevés, forcent de continuer le rétablissement de ce front. Au lieu de ce cavalier énorme dans le bastion St Bernard, à plusieurs étages et par trop dispendieux (…) il faut tout uniment un cavalier ordinaire remplissant tout le vuide du bastion, élevé à demy-revêtement sur le 23 moindre talus possible afin de se procurer le plus de terrain qu’on pourra sur son terre-plein pour emplacement de canon, et pratiquer même souterrain qu’au bastion des Minimes » 38 D’Aumale ne remettait pas en cause dans l’ensemble les dehors, demi-lunes et contregardes prévus au projet général, notamment pour le front nord, où tout était à refaire : contrescarpe, chemin couvert et glacis. Pour ce qui est des dehors de la porte Saint-Lazare, il jugeait inutile la tenaille demandée. En revanche, dans son mémoire, il propose de rectifier le dessin de la demi-lune en place, en fonction de la symétrie proposée depuis 1693 autour d’une nouvelle porte reconstruite au centre de la courtine : « une belle demi-lune qui couvre parfaitement les épaules droite et gauche des bastions des Minimes et de St Bernard avec une double caponnière à pouvoir y placer quelques petites pièces de canon. » Par ailleurs, s’agissant des prisons d’officiers et de soldats qu’il était prévu d’établir dans le cavalier du bastion Saint Bernard, d’Aumale propose de faire ces derniers établissements « à la porte St Lazare lorsqu’on la refera ». L’une des propositions de changement les plus radicales au projet général consistait à rejeter tout perfectionnements du retranchement Sainte Anne, jugé sévèrement par d’Aumale : « position mauvaise, nulle défense, protégé médiocrement, mal tracé, dominé et plongé », au point de vouloir le « raser entièrement », car il le jugeait plus nuisible qu’utile, propre à servir facilement de refuge à l’ennemi, en capacité de le retourner contre la place, du fait même qu’il avait été conçu à l’origine comme ouvrage de campagne, moins pour couvrir la ville que pour y retirer une armée, fonction devenue sans objet. A cet égard, le nouveau directeur des fortifications de Toulon consacre un chapitre de son projet général de 1774 à un parti alternatif consistant à placer l’extension de la ville (dont il a tout d’abord étudié l’emplacement à l’est, à la demande du secrétaire d’Etat à la Guerre), au nord, sur le site du retranchement Sainte-Anne. Comme il l’écrit dans le texte de l’atlas militaire de Toulon établi par ses soins en 1775, d’Aumale jugeait « un agrandissement dans le terrein occupé par le camp retranché préférable (…) à un agrandissement en avant de la Poncherimade (est/sudest)»39. Ni l’un ni l’autre des deux emplacements ne fut finalement retenu, et le projet d’extension, reporté, réapparaîtra en 1786 à un emplacement différent, proche du Mourillon. Déplorant rétrospectivement, à l’instar de Vauban, que le front ouest sur le Marais, n’ait « nulle valeur et bien moins depuis que le Roy a permis que soit bâtie en avant une boulangerie dont les bâtiments s’étendent chaque année pour augmentations de fours… », d’Aumale ne voyait pas autre chose à faire pour garantir ce front des entreprises de l’ennemi qui pourrait s’établir dans les bâtiments de la boulangerie, que de faire, autour de cette boulangerie la « belle et grande demi-lune » projetée qui couvre entièrement la courtine 1112. En revanche, la dernière demi-lune de ce front, devant la courtine 1-12, ne lui paraissait pas utile, ce front étant suffisamment défendu par l’inondation. Il n’était évidemment plus question de l’ouvrage à cornes avec hôpital militaire imaginé par Milet. La direction de la continuation des travaux de l’enceinte selon le projet général, passait par contrat du 4 septembre 1773 du sieur Guillemard à Antoine Sauvaire, architecte de la ville de Toulon40. Jusqu’en 1776, en plus de l’achèvement des ouvrages incomplets, comme le bastion des Minimes, les efforts étaient censés porter sur la démolition des ruines de la contrescarpe du fossé nord, trop proche des faces des bastions, et sur l’amorce de mise en œuvre du nouveau tracé du fossé. On note à cet égard que ce nouveau tracé ne comportait plus ni demi-lunes, ni contregardes : il s’agissait de remettre à court terme fossé et chemin couvert dans un état décent à moindres frais, sans s’interdire la mise en œuvre ultérieure du parti plus 38 Notes et observations sur extrait du projet général, par d’Aumale, Vincennes SHD, Art. 8 carton 5 (1 VH 1835), n°16 39 Vincennes SHD, Bibliothèque du Génie, Atlas n° 64, Toulon, par d’Aumale, 1775, p. 19. 40 Vincennes SHD, Art. 8 carton 5 (1 VH 1835), n°15 24 ambitieux du projet général. Quoiqu’il en soit, c’est encore le parti économique, qui est à nouveau présenté dans les projets ordinaires de 1781. Au bastion Saint-Bernard (7), en 1775, le vide intérieur devait être rempli de terre portant cavalier en pratiquant au rez-de-chaussée des « souterrains très vastes » le long de la gorge. C’est le 19 novembre 1776, alors que la construction du nouveau revêtement plaqué de la courtine 6-7 est revenu à l’ordre du jour, que d’Aumale signe le projet de la nouvelle porte Saint-Lazare, à construire au milieu de cette courtine en supprimant totalement l’ancienne41. La réalisation de la porte en phase avec celle du revêtement était effectivement beaucoup plus logique que des reprises a posteriori dans les ouvrages neufs, pour ménager la nouvelle porte et pour cicatriser l’emplacement de l’ancienne. Ce projet est le premier qui ait donné lieu à des dessins de détail en plan et en élévation pour la nouvelle porte. Elle y figure avec un pontlevis à bascule, une façade extérieure très classique, avec fronton à tympan orné d’armoiries, tables sur fond de bossages continus de part et d’autre de l’encadrement. Ces deux tables verticales, figurées nues, sont du type de celles qu’on disposait généralement sur les portes de ville pour y faire figurer des trophées d’armes sculptées. L’arcade côté ville, comporte aussi un encadrement à bossage, plus simple, flanqué de part et d’autre de corps de gardes à façade sobre, le tout en simple rez-de-chaussée. Ce projet de 1776 concernant la porte Saint-Lazare incluait aussi, logiquement, la refonte de la demi-lune, comportant sa gorge selon un plan plus symétrique en fonction de l’implantation centrée du nouveau pont dormant y aboutissant. D’Aumale proposait en outre de supprimer le grande traverse axiale dont Milet prévoyait le maintient, et de refaire les parapets des faces, en ménageant la nouvelle porte de la demi-lune au milieu de la face gauche, selon une disposition comparable à celle de la demi-lune de la porte royale. S’agissant des bastions Saint-Bernard et des Minimes, en décembre 1776, d’Aumale avait abandonné l’idée, sans doute jugée trop coûteuse, d’y établir, sous le rempart, les souterrains casematés encore à l’ordre du jour en 1774. Le bastion Saint-Bernard (7) était à achever avec son cavalier commencé, et dans le bastion des Minimes (6) n’était plus proposé qu’un simple rempart avec parapet d’artillerie, amorti vers l’aire intérieure (occupée par le magasin à poudres du XVIIe siècle) en talus de terres coulantes. D’après le mémoire sur l’état des fortifications en août 1781, rédigé par le sieur 42 Doria , les travaux de la courtine 6-7 et l’achèvement du parapet du bastion des Minimes (6) étaient suspendus depuis deux ans ; la courtine « n’est point commencée et n’est désignée que par les amorces des deux brizures à droite et à gauche ». La situation n’avait pas évolué à la fin de 1784, date à laquelle le sieur de Rozières, maréchal des camps et directeur général des fortifications du Dauphiné et de Provence, programmait pour l’exercice 1785 la reprise des travaux du bastion des Minimes (construction des casemates souterraines conformes au projet général Milet de 1772, achèvement des parapets), et celle de la construction du nouveau revêtement de la courtine, porte comprise, selon le projet d’Aumale de novembre 1776. L’exécution fut lancée à la suite, mais en 1787, le revêtement de la courtine n’était monté que de trois mètres au-dessus du fossé, avec l’embase de la façade de la porte au centre, la vieille porte demeurant en fonction. L’officier ingénieur Vialis donna, à la fin de 1787, les dessins définitifs du projet de la nouvelle porte, plus monumentale que celle dessinée par d’Aumale onze années plus tôt. La façade extérieure apparaît différente, encadrée de pilastres jumeaux et adaptée à un pont-levis non plus à bascule mais à flèches, avec affichage d’armoiries entre les engravures des flèches. Le passage comporte quatre travées voûtées d’arêtes traversant le rempart de terre élargi, enfin, la façade côté ville à la 41 42 Vincennes SHD, Art. 8 carton 5 (1 VH 1835) Vincennes SHD, Art. 8 carton 7 (1 VH 1837) n° 4 25 fois plus large et plus haute que celle dessinée par d’Aumale, forme un bâtiment couvert d’un toit sur charpente, abritant, en plus des corps de garde latéraux, un étage de locaux formant pavillon d’officiers. Le projet de 1787 comportait aussi la rectification du tracé de la demi-lune existante afin de l’élargir du côté gauche et de la rendre plus symétrique. Cette modification se répercutait sur le fossé, la nouvelle face gauche de la demi-lune étant projetée en avant de l’ancienne jusque sur l’alignement de la contrescarpe de la branche gauche du fossé en place. Cette partie de la contrescarpe était donc condamnée à être démolie, avec le chemin couvert pour être reculée de plus de 5m. Enfin, l’asymétrie de la gorge de la demi-lune en place, déterminée par la culée du pont dormant de la porte Saint-Lazare ancienne, était corrigée. D’autre part, l’emplacement de la porte à pont-levis de la demi-lune dans cette face gauche à reconstruire restait décentré, proche de l’angle d’épaule, comme dans l’état existant, et non déplacé en milieu de face comme l’avait proposé d’Aumale en 1776 (sans doute par référence à la porte de la demi-lune de la porte Royale). Le pont-levis à flèches de la porte de la demilune existante, en 1787, était hors d’usage, et le changement des flèches non proposé, cette porte devant être démolie du fait de la reconstruction de la face gauche. S’agissant du bastion des Minimes (6), le dessin de Vialis montre que le projet d’Aumale de décembre 1776 n’était pas encore réalisé, et qu’une modification de détail y était proposée, à savoir, d’après les termes du mémoire du projet d’établir un « mur couché (de soutènement) en pierres sèches au pied du talus intérieur du rempart pour diminuer le grand talus des terres, donner au terre-plein du rempart une largeur suffisante et laisser un passage libre le long du mur d’enceinte du magasin à poudres ». L’organisation interne du bastion Saint-Bernard, alors achevée, était plus complexe, du fait que le rempart était rehaussé pour former un cavalier portant l’artillerie, entouré à la gorge et sur les faces par le chemin de ronde desservant les embrasures des flancs, de l’orillon, d’une petite plate-forme en capitale, et le parapet d’infanterie des faces. A la gorge, autour du vide central du bastion, le chemin de ronde intérieur était soutenu par un mur de terrassement maçonné avec escalier d’accès, un autre mur de soutènement maçonné revêtant les faces du parapet du cavalier au-dessus du chemin de ronde extérieur. Les travaux correspondant au projet Vialis de 1787 étaient lancés et en cours d’exécution en 1791, d’après le mémoire sur la place signé Desroys (alias Des Roys), le 31 décembre de cette année : « cette demi-lune étant trop petite et laissant le corps de place à découvert, on a prolongé la face droite, on travaille à reconstruire à neuf sa face gauche ; elle est environ à la moitié de sa hauteur ; lorsqu’elle sera achevée, elle aura la capacité requise (…) On travaille en même temps à déblayer le nouveau fossé sur la face gauche, de même qu’au pont dormant et au pont-levis de la nouvelle porte de la demi-lune établie sur le milieu de cette face »43 S’agissant de la courtine et de la nouvelle porte de ville, les travaux étaient plus avancés : « La nouvelle courtine entre les deux bastions est élevée à sa hauteur, on travaille à former les parapets en terre ; la porte sur le milieu de cette courtine est achevée, on travaille à perfectionner les corps de garde et prisons à droite et à gauche de la porte ; le pont dormant qui aboutit à la demi-lune est fini, on travaille au pont-levis. Pour se procurer les magasins nécessaires dans cette place, on conservera le vuide du passage de l’ancienne porte, ainsi que celui des corps de garde et des prisons que l’on voûtera sous le terre-plein de cette courtine ». La nouvelle porte Saint-Lazare, prit brièvement les noms de porte Mirabeau, puis porte Pelletier, entre 1791 et 1793, l’appellation de porte d’Italie lui fut attribuée définitivement en 1800, à la suite de la campagne d’Italie. En 1791, aucun cavalier n’avait encore été créé dans le bastion Saint-Bernard (7), ce qui justifia un projet différent : « on propose de placer dans le vuide de la gorge de ce bastion 43 Vincennes SHD, Art. 8 carton 8 (1 VH 1838) n° 22 26 un bâtiment qui renfermera la boulangerie, les greniers et magasins nécessaires et indispensables dans cette place ». La réfection du fossé autour de ce bastion avait avancé : « on a élevé, les années précédentes, à sa hauteur, l’arrondissement de la contrescarpe à l’angle flanqué, avec une partie sur la face gauche et sur la face droite. », par contre, le fossé du front nord entre le bastion Saint Bernard et le bastion Sainte Ursule (8), n’avait toujours pas été rétabli, malgré les projets présentés en 1776 et 1781 : « les fossés sur ce front sont très imparfaits ; ils exigent un déblai considérable pour leur donner la largeur et la profondeur qu’ils doivent avoir et établir la contrescarpe, chemin couvert et glacis dont l’étendue nécéssitera (…) de faire des acquisitions ». Toujours en 1791, était présenté un nouveau projet d’achèvement des dehors, plus précisément du chemin couvert, du front sud-ouest de l’enceinte de la darse, depuis la boulangerie, jusqu’à la mer44. On constate l’abandon définitif de l’idée de constituer une véritable demi-lune, supposant des faces isolées par un fossé, autour de la boulangerie ; en revanche, ce projet de 1791 proposait une petite demi-lune devant la dernière courtine sud de front ouest (1-12), en zone inondée. Cette demi-lune fut effectivement réalisée dans les années suivantes, mais sans revêtement maçonné et avec un parapet de terre sommaire, comme on le constate sur un plan d’état des lieux de l’an XI de la République (novembre 1802)45. En revanche, le plan montre qu’à cette date, le chemin couvert avait été complété jusqu’à la face gauche du bastion du Marais (12), mais demeurait inachevé au-delà, notamment autour du fossé étroit de cette demi-lune. La redoute Malbousquet, ouvrage détaché ouest de la ville ; stagnation des projets du corps de place dans les années 1790-1800. A l’ouest de la ville, la hauteur Malbousquet, de forme allongée dans un axe nord-ouest / sud-est, avec point haut au nord-ouest, était deux à trois fois plus distante des fronts bastionnés de l’enceinte urbaine que ne l’étaient, à l’est et au nord-est, les forts Lamalgue et Sainte-Catherine. Rien, à la fin du XVIIIe siècle, ne permettait d’imaginer qu’un peu plus d’un demi-siècle plus tard, une extension de l’enceinte du cops de place se déploierait de ce côté ouest jusqu’à atteindre et inclure la hauteur Malbousquet. En 1770, les forts Lamalgue et Sainte-Catherine étaient en voie d’achèvement, à grands frais, selon le projet général de Milet de Monville. Par comparaison, la hauteur Malbousquet, située à l’arrière de la place, était de très faible conséquence au plan stratégique. Cependant, à cette même date, une redoute sommaire y avait été établie à la hâte, et laissée inachevée, comme le mentionne cinq ans plus tard Charles-Marie d’Aumale, dans son atlas militaire de Toulon : « …redoute en pierres sèches commencée en 1770 qu’on eut quelque crainte de la guerre ». En vertu de son analyse stratégique de la position de Toulon, d ’Aumale affirme ensuite l’intérêt d’occuper cette position de manière pérenne, parti qu’il venait d’inscrit au projet général de 1774: «…il y aura nécessité d’établir sur cet emplacement un fort d’une certaine étendue dans l’intérieur duquel il y aura bâtiment pour loger les troupes46. Ce projet resta sans suite jusqu’en 1788, date à laquelle est rappelé que les revêtements en pierres sèches de la redoute, dégradés, « pourroient être réparés, mais cette position exige un ouvrage important pour s’en assurer la possession ». L’ouvrage en question, objet de l’article 27 du projet général, fut conçu, et dessiné pour la première fois, dans le projet de 1791 pour 1792, par l’officier ingénieur Desroys47. Le projet comporte deux ouvrages distincts : le plus important, à l’emplacement de la redoute de 1770, soit au point culminant, était un fort ou redoute de plan hexagonal 44 Vincennes SHD, Art. 8 carton 8 (1 VH 1838) n° 4 Vincennes SHD, Art. 8 carton 10 (1 VH 1840) n° 13 46 Vincennes SHD, Bibliothèque du Génie, Atlas n° 64, Toulon, par d’Aumale, 1775, p. 23. 47 Vincennes SHD, Art. 8 carton 8 (1 VH 1838) n° 16, et carton 9 (1 VH 1839) n° 1 45 27 irrégulier mais centré tendant au carré, comparable au fort Faron par l’absence d’organes de flanquement, bastions ou caponnières, et par l’adossement systématique aux murs d’enveloppe d’une série continue de casemates de casernement ou de magasins portant terrasse d’artillerie, avec façades ouvrant sur une cour centrale. Certaines casemates devaient comporter deux niveaux, dont un en sous-sol pour les citernes. La porte était prévue au milieu d’un des petits côtés, et une poterne souterraine descendant sous le fossé devait donner accès à une galerie de contrescarpe bordant le fossé dans sa totalité. Des niches et rameaux de contremines étaient prévues dans cette galerie, selon le système appliqué pour les galeries de contrescarpe du fort Lamalgue et du fort Sainte Catherine. Un chemin couvert était prévu autour de l’ouvrage, avec places d’armes saillantes à trois des angles ert glacis. Le second ouvrage, projeté environ 300 m au sud-est et relié à l’ouvrage principal par un chemin couvert, était une petite redoute pentagonale, en forme de lunette, enveloppée d’un fossé, avec entrée à pont-levis à la gorge, série de magasins adossés aux faces et aux flancs, dont un magasin à poudres dans l’angle de capitale et un four, le tout portant plate-forme à parapet d’artillerie et ouvrant sur une cour intérieure au milieu de laquelle était proposé un corps de garde carré. Aucun début de chantier n’avait été entrepris quand survint l’occupation anglaise de Toulon en 1793 : ce sont les occupants qui s’employèrent à rétablir sommairement la redoute, et surtout à en étendre le périmètre clos, toujours en pierres sèches, sur le prolongement sudest de l’arête formée par la hauteur Malbousquet. En 1800, à défaut de réalisation du projet d’ouvrages pérennes de 1791, l’ordonnateur de la Marine dut fournir 50 forçats du bagne pour travailler à la réparation de la redoute en pierres sèches de Malbousquet. A cette époque, l’ère des grands travaux de perfectionnement de l’enceinte du corps de place des XVIe et XVIIe siècle était achevée, le chemin couvert sud-ouest restant inabouti, et les projets ambitieux d’extension urbaine à l’est du port ou à l’est/sud-est de la ville étaient ajournés. On observe, dans le projet de 1791 signé Desroys, un des avatars du nouveau quartier sud-est à l’abri de la communication retranchée au fort Lamalgue (refaite en front bastionnée avec fossé inondé) ; le nouveau quartier projeté y forme un îlot baigné par une nouvelle darse, vouée au port de commerce. La porte de ville sud-ouest ouvrant vers ce secteur loti, que Milet de Monville proposait d’implanter dans la courtine 5-7, est reportée par cet état du projet pour 1791 dans la face gauche du demi-bastion de la Poncherimade (5), exactement dans l’axe du quai de la vieille darse. Dans un rapport général de 1807, le général Armand-Samuel de Marescot, chef du génie de Toulon et acteur de la reprise de la place sur les anglais en 1793, formulait un avis péremptoire sur l’inutilité de l’enceinte bastionnée du corps de place de Toulon : « tellement dominé par les hauteurs environnantes, notamment par la montagne de Faron (…) tellement plongé, enfilé, écharpé, vu à dos que, fût-il achevé, la garnison la plus brave ne pourrait le défendre. Il eût mieux valu ne fermer Toulon que par un simple mur crénelé, utile pour la police de la ville et du port, et employer l’argent dépensé pour ses remparts à bâtir des forts détachés au loin… »48 On note cependant, pour l’an 10 et 12 de la République, un projet d’amélioration du pont dormant de la « porte 15 » (ex porte Royale), qui se composait d’un tablier en charpente reposant sur huit piles de pierre : le projet consistait non à reconstruire ce pont entièrement en maçonnerie avec huit arches voûtées, mais à habiller les deux côtés du tablier en bois d’un mur sur huit arches simulant un pont en pierre.49 Faute d’une bonne organisation du rempart de la courtine au-dessus du passage de la porte d’Italie, la banquette de terre, dégradée, laissait filtrer les eaux dans la voûte, au point 48 49 Vincennes SHD, Art. 8 carton 10 (1 VH 1840) n° 22 Vincennes SHD, Art. 8 carton 10 (1 VH 1840) n° 13 28 que celle-ci menaçait ruine en 1816 et nécessita des réparations, avec chape au-dessus des reins. Entre 1819 et 1824 fut conduite la construction de casemates sous le rempart de la courtine 6-7, au nombre de cinq de chaque côté du pavillon de la porte d’Italie. Cette série de casemates fut terminée de chaque côté, au revers des flancs des bastions 6 et 7, par un pavillon carré en saillie à étages logeables (et latrines collectives au rez-de-chaussée de celui de droite). Dès avant 1816, faute de réalisation des projets antérieurs de cavaliers casematés, un magasin de Génie fut construit dans le bastion 7, adossé à la gorge du rempart de tête, selon un plan en chevron avec angle abattu. Ce magasin-hangar s’ouvrait sur un parc clos contenu dans l’aire intérieure du bastion et dévolu au dépôt de chantier du service des fortifications. Projets et renforcement des fortifications terrestres extérieures dans les années 1830-1840, lunettes et fort Malbousquet. Il faut attendre 1839 pour voir à nouveau se manifester un certain intérêt pour la question de l’amélioration du front bastionné nord du corps de place et de son fossé jamais vraiment achevé. Alors furent programmés ; sous l’autorité du colonel A. Louis, chef du génie, l’achèvement du revêtement maçonné de la contrescarpe, la finition du chemin couvert, et la mise en place de tenailles devant les courtines depuis le bastion 7 (Saint Bernard) jusqu’à la demi-lune de la porte de France (ex porte royale)50. Parallèlement, une lunette fut projetée à l’angle nord-est de l’ancien retranchement Sainte-Anne, pour abriter un magasin à poudres extérieur au corps de place, à proximité du parc d’artillerie aménagé dans l’aire de l’ancien camp retranché. Le magasin à poudres et sa lunette, de plan asymétrique, étaient en cours de construction en 1839 et 1840, un corps de garde étant projeté à cette date à l’entrée de la lunette. Toujours en 1840, le tablier et les flèches des deux pont-levis de chacune des deux portes de ville, porte de France et porte d’Italie, furent refaits à neuf, avec, pour les flèches, des bois fournis par la Marine, faute de disponibilité à l’achat « dans le commerce local » de pièces de bois de dimensions suffisantes. Pour la porte de France, les articles 2 et 3 des bâtiments militaires du projet général pour 1841 consistaient en un ambitieux projet, signé du capitaine du génie Fabré, comportant un pavillon monumental de 9 travées et 4 étages (les 3 premiers voûtés) adossé au rempart côté ville, complété, au revers de la courtine, jusqu’aux bastions 10 et 11, d’une série de six de chaque côté, sous le rempart, terminées par deux pavillons. Ces dispositions étaient manifestement copiées sur celles de la porte d’Italie. Dans le même projet général de 1841, l’amélioration du fort Malbousquet était proposée, avec des ouvrages maçonnés, pour 300.000 francs. Il s’agissait d’établir des défenses et une caserne casematée autour d’une lunette pérenne édifiée en 1814 selon un modèle-type proche de celui qui avait été proposé en 1809 pour occuper une hauteur quelques centaines de mètres plus au nord, entre Malbousquet et le « fort rouge » ; une autre lunette de même forme était projetée en 1813 et fut commencée en 1817 dans la presqu’île de Cépet (Saint-Mandrier), sur une hauteur entre la batterie de côte de la Carraque la tour-modèle occupant le sommet de la Croix des Signaux. La lunette construite au point haut du site de Malbousquet, à l’emplacement de l’ancienne redoute de 1770 retouchée en 1793, était un ouvrage fossoyé à deux faces et deux flancs symétriques et front de gorge (face à l’est) bastionné en « corne », soit composé de deux petits demi-bastions encadrant une courtine percée en son centre d’une porte surmontée 50 Vincennes SHD, Art. 8 carton 28 (1 VH 1858) n° 1 29 d’un petit corps de garde en pavillon. Elle était donc de même conception que la lunette Sainte-Anne, qui en reprit à peu près le modèle nettement plus tard. Le projet de Malbousquet pour 1841, composant cette fois un véritable fort, encore que de dimensions réduites, comportait la construction d’un front de gorge (à l’est) encadré de deux demi-bastions avec courtine longue de 37m « occupée par une caserne défensive à l’épreuve composée d’un rezde-chaussée à 2m au-dessus du fond du fossé et d’un étage à hauteur du pont-levis et du terre-plein intérieur, entourée dans l’ouvrage d’un fossé d’où débouchent les communications aux galeries d’escarpe », la création « d’une contrescarpe à galerie crénelée vis-à-vis la gorge et les flancs...», la mise en place, autour de la lunette, « d’un chemin couvert réduit à 5m de largeur à cause de la raideur des glacis » et « en avant des épaules de la lunette deux flèches de terre… » En 1843, le projet du fort de Malbousquet, au début de sa réalisation, avait prit plus d’ampleur, et fit l’objet de rectifications et augmentations en fonction de propositions contradictoires ou complémentaires du directeur des fortifications et des capitaines du génie participant à l’élaboration du projet, principalement les chefs de bataillon du génie Corrèze et Dautheville. Outre le front de gorge maçonné avec ses deux demi-bastions et sa caserne casematée de cinq travées butées de deux travées de culées, le tout monté au niveau du rez-dechaussée en 1844, le fort comportait en tête (nord-ouest), en avant de la face droite de la lunette, un saillant terrassé dit « as de pique » du fait de son plan à flancs fortement retirés. Cet ouvrage était commencé, au stade des terrassements, en 1844. Il participait d’une enceinte polygonale entourant entièrement la lunette devenue une sorte de cavalier, enceinte formée d’un rempart de terre et flanquée irrégulièrement de six petits bastions ou demi-bastions bas, y compris les deux encadrant la caserne. Deux autres devaient encadrer la porte, percée dans un petit côté au sud-est, un fossé à chemin couvert devant envelopper l’as de pique et à la suite les deux demi-bastions du le front nord. Le corps de garde en pavillon d’entrée de la lunette de 1814 était à démolir pour bâtir à la place et en arrière, enfoncé dans le terre-plein intérieur de la lunette, un magasin à poudres de 25.800 k avec fossé d’isolement ; ce changement était amorcé dès 1845, mais la construction du magasin à poudres tarda jusqu’en 1848, avec une implantation hors œuvre de la gorge de la lunette, et plus dégagée. Extension de l’arsenal et de l’enceinte du corps de place à l’ouest, le couronné de Castigneau, 1841-1845 Le projet d’amélioration du fort Malbousquet avait été proposée initialement pour 1841 « dans l’hypothèse de la construction du couronné de Castigneau ». Ce dernier ouvrage de fortification également projeté pour 1841 était destiné à retrancher vers l’ouest une aire importante située immédiatement hors l’enceinte de la darse neuve (ou darse Vauban), à l’ouest / sud-ouest dans la plaine littorale de Castigneau, aire destinée à une extension de l’arsenal constituée d’un nouveau bassin à flot ou darse associé à des formes de radoub et des cales de construction supplémentaires. Plusieurs projets concurrents pour cette extension de l’arsenal extra muros côté Castigneau avaient déjà été proposés à partir de 1823, mais dans certains cas sans traiter de façon aboutie la question du retranchement défensif de ces infrastructures. En février 1830 le chef du génie de Toulon avait signifié nettement au ministre de la guerre que le département de la Marine devrait supporter la totalité du coût de la construction de l’enceinte fortifiée qui serait destinée exclusivement à protéger l’extension envisagée de l’arsenal dans la plaine de Castigneau51. Devant l’importance de la dépense, la Marine privilégia d’abord un projet alternatif de nouveau chantier de construction navale à 51 Ferdinand Joseph, « Les remparts construits sous Napoléon III», article de presse, Le Petit Var. 14 aout 1933. 30 l’est/sud-est, soit au Mourillon, proposé par l’ingénieur Bonnard en 1832, qui fut adopté puis mis en œuvre dès l’année suivante. Ce nouvel établissement, permettant de limiter les fonctions de l’arsenal existant à l’armement et à la réparation des navires, était implanté hors les murs des darses, mais il présentait l’avantage d’être déjà défendu côté terre par un retranchement existant, la communication retranchée au fort Lamalgue, ce qui permettait de faire l’économie d’une nouvelle enceinte fortifiée. Du reste, cet extension de l’arsenal au Mourillon conservait une composante civile, avec port embarcadère de commerce dit de La Rode, entre le demi-bastion de la Poncherimade, en limite est de la darse vieille, et le nouveau chantier naval ; un lotissement de plan carroyé, avatar tardif des projets de quartier neuf du Mourillon présentés au XVIIIe siècle (en particulier celui de 1791), devait s’intercaler entre le nouveau port marchand de la Rode et les fosses aux mats du chantier naval. Ce projet de 1832 comportait la création effective de la porte de ville sud-ouest plusieurs fois proposée au cours du XVIIIe siècle en liaison avec les projets de quartier neuf, le conseil municipal de Toulon du 27 février 1831 ayant voté pour le financement de cette « Porte Neuve », nom qu’elle garda, « pour faciliter les relations entre la ville et les quartiers suburbains sud-est ». La Porte Neuve fut édifiée, avant 1834, à l’emplacement proposée dans le projets Desroys pour 1791, c'est-à-dire dans la face gauche du demi-bastion de la Poncherimade (5), dans l’axe du quai de la vieille darse. Son pont-levis débouchait sur la dernière place d’armes rentrante de du chemin couvert est. Cette branche sud terminant le chemin couvert, sans glacis parce qu’inondée vers l’extérieur, formait une contregarde devant cette face gauche du demi-bastion 5. Bien qu’attenante au chemin couvert et à cette contregarde qu’elle joignait, la place d’armes, dotée d’un rempart, tenait lieu de demi-lune devant la Porte Neuve, du fait de sa position isolée dans une zone inondée, baignée du côté droit par le bassin du port de la Rode. Le communication au fort Lamalgue, reconstruite en partie, commençait à la face droite de cette demi-lune, retranchée d’elle par le fossé inondé, formant un large demi-bastion dit « bastion de la Rode » enveloppant le nouveau port marchand et le nouveau faubourg du même nom. Malgré le redéploiement du chantier naval au Mourillon, le projet de l’extension occidentale de l’arsenal à Castigneau ne fut pas abandonné. Approuvée dans son principe en avril et juillet 1835 par les ministres de la Marine et de la Guerre, sur un plan permettant de diminuer les coûts de réalisation de l’enceinte, elle ne revint à l’ordre du jour qu’en 1840, avec l’appui du conseil général du Var, sur la base d’un plan d’emprise au sol d’un retranchement par un front bastionné très proche de ceux qui avaient été proposés dans un des projets de 1825, signé Brue. Si l’organisation interne, nouvelle darse et formes de radoub, n’avait, en 1841, plus de rapport avec celle du projet de 1825, en revanche, le principe du retranchement avec front ouest flanqué de trois bastions (B-C-D), fut repris, sous l’appellation de couronné de Castigneau. Le procès-verbal de la commission mixte des travaux publics du 10 aout 1841 le définissait comme « un ouvrage à couronne avancé, établi perpendiculairement à la plage de Castigneau et couvrant la nouvelle entrée de la darse projetée dans cette plaine, étant spécialement destinée à abriter les bâtiments à vapeur de la marine militaire… »52. Ce couronné n’était pas conçu nettement comme un dehors, mais plutôt comme une extension de l’enceinte de Toulon dans sa partie ouest enveloppant darse et arsenal. Dans certaines variantes du projet cette extension devait se raccorder au bastion 11 (dit de l’Arsenal) de l’enceinte telle qu’agrandie sur le dessin de Vauban, comme cette extension Vauban s’était elle-même greffée sur le bastion 9 (de la fonderie) de l’enceinte Henri IV. Quoiqu’il en soit, dans l’état de projet pour 1841, la construction du couronné de Castigneau, dont il était question de faire supporter la dépense à la Marine, n’entraînait pas la 52 Ferdinand Joseph, « Les remparts construits sous Napoléon III», article de presse, Le Petit Var. 15 novembre 1933. 31 suppression du front bastionné ouest de Vauban, de terre et de mer, enveloppant l’arsenal et la darse Vauban, la nouvelle darse de Castigneau étant prévue intercalée entre ces deux fronts bastionnés, communiquant à la darse Vauban par une passe percée dans la courtine-quai 1-12. L’extension de l’arsenal à Castigneau, présentée selon ce projet par les ministres de la Marine et de la guerre, fut autorisée et déclarée d’utilité publique par ordonnance royale de Louis-Philippe le 12 septembre 1841, ce qui permit de procéder sans délais aux acquisitions de terrains nécessaires, puis, à partir de 1843, aux travaux de creusement de la nouvelle darse, à partir des fossés inondés du front ouest de l’enceinte de la darse Vauban, en détruisant le chemin couvert et la demi-lune en terre mis en place peu avant 1800, mais en conservant la boulangerie, désormais déconnecté de tout dehors défensif. Une modification du tracé et de l’emprise de l’arsenal de Castigneau, revue à la hausse, était approuvée par une nouvelle ordonnance royale du 23 décembre 1843. La mise en œuvre de ces travaux partait sur la base d’un nouveau tracé dessiné en 1843 par le capitaine Quiou, adapté à une extension significative du périmètre clos de l’arsenal, à 37 hectares, avec enceinte de quatre bastions et deux demi-bastions (A-B-C-D-E-F), avec fossé inondé, partant de la passe d’entrée dans la darse Castigneau et raccordée par le demi-bastion F à l’enceinte de ville sur la gauche de la demi-lune de la porte de France. Le comité des fortifications, réuni à Paris le 26 juillet 1843 avait adopté le principe d’un front bastionné réalisé entièrement en terre, sans revêtement d’escarpe maçonné, par souci d’économie. L’extension nord de la ville et de son enceinte, le projet Picot de 1845 et sa réalisation. Dans l’année 1843, la mise en chantier de l’extension de Castigneau incita le conseil municipal de Toulon et le conseil général du Var à demander à l’Etat de considérer parallèlement la nécessité d’extension du périmètre clos de la ville, dont la densité de population atteignait le seuil critique d’un habitant pour huit mètres carrés, resserrés dans une surface totale intra-muros de 32 hectares. Cette proposition d’une extension nord de l’enceinte « entre le bastion 11, dit de la Corderie, et le bastion7 dit Saint Lazare »53 fut aussitôt prise en compte par le comité du génie le 26 juillet 1844, à la suite de quoi le colonel vétéran Edouard Picot, directeur des fortifications de Toulon depuis 1840, alors en fin de carrière, rendit un projet combinant les deux extensions, avec dessin, le 9 février 184554. Ce projet, adopté par le comité des fortifications le 22 avril, approuvé par la Marine, ambitieux mais réaliste, prenait en compte la question difficile des défilements des fortifications. Il substituait l’extension nord de la ville au le principe antérieur, encore proposé en 1843, d’amélioration de l’enceinte de l’ancien retranchement Sainte-Anne (voué à accueillir des équipements militaires, dont un nouvel hôpital), suivant le principe déjà proposé par d’Aumale en 1774. Le parti de 1845 permettait de créer autour de cette extension urbaine nord de nouveaux fronts bastionnés prolongeant sans discontinuité au nord-est le projet préexistant du « couronné de Castigneau ». L’ensemble cumulé constituait une nouvelle et vaste enceinte, jalonnée de onze bastions neufs à flancs droits (cotés A-B-C-D-E-G-H-I-K-M-N) et de deux demi-lunes (F,L), conçue pour envelopper, à distance variable, l’ensemble des anciens fronts bastionnés ouest et nord, dehors compris, depuis l’entrée maritime de la nouvelle darse de Castigneau (bastion A de la nouvelle enceinte) jusqu’au bastion 7 du corps de place existant, point de raccordement. Ce principe général comportait la démolition non seulement de l’ancien retranchement Sainte-Anne (dont aucun ouvrage n’était réemployé, a l’exception de la lunette inachevée enveloppant le magasin à poudres de 1839), mais aussi et surtout celle des ouvrages du front de terre nord du corps de place existant, depuis le côté droit du bastion 53 54 Délibération du conseil municipal de Toulon du 22 mars 1844. Vincennes SHD, Art. 8 carton 32 (1 VH 1862) n° 1 32 11 (de l’Arsenal) jusqu’à la courtine 7-8, soit quatre bastions, quatre courtines, la porte de France et sa demi-lune, les fossés et chemin couvert correspondant. On notera au passage que ce programme d’extension, occupant une surface totale à exproprier par achat de 39 hectares 85 ares, reprenait, en l’amplifiant considérablement, la cohérence de celui adopté par Vauban après 1779, notamment s’agissant du principe de l’enceinte unique embrassant à la fois l’extension de l’arsenal et à celle (alors beaucoup plus limitée) de la ville. La démolition systématique du front bastionné nord existant, libérait 16 hectares dans la nouvelle emprise intra-muros (en plus des 24 hectares compris au nord entre l’ancienne enceinte et la nouvelle), permettant le déploiement du nouveau parcellaire urbain directement en contact avec l’ancien. Accessoirement, ces démolitions rendaient évidemment caduc le projet de reconstruction monumentale de la porte de France proposé en 1840. En contrepartie, le nouveau programme comportait logiquement la percée dans l’enceinte neuve d’une nouvelle porte nord-ouest, non pas dans l’axe de la porte de France existante à détruire, dont elle reprenait le nom (autrement dit pas dans la nouvelle courtine G-H), mais décalée à l’ouest, dans la courtine E-G « assise sur la route de Marseille », soit en limite de la ville et de l’aire close de la nouvelle darse de Castigneau. Une demi-lune cotée F (reprise de la cote F antérieurement dévolue au demi-bastion par lequel l’enceinte de Castigneau aurait dû se raccorder à l’enceinte de Vauban) était prévue devant cette porte nouvelle. Au nord de l’enceinte, la courtine K-M devait être percée non d’une véritable porte de ville mais plutôt d’une poterne à usage du génie (future poterne ou porte Sainte-Anne), liée à la proximité du parc ou arsenal d’artillerie préexistant dans le retranchement de Sainte-Anne et réservé dans le parcellaire urbain projeté, à l’arrière de cette courtine. Cette poterne devait être couverte par une autre demi-lune cotée L, à laquelle elle donnait accès, et qui n’était autre que la lunette Sainte-Anne commencée à l’angle nord de l’ancien retranchement en 1839-1840 en même temps que le grand magasin à poudres qu’elle abritait, et restée inachevée. Enfin était prévue à l’extrémité est de la nouvelle enceinte une autre porte de ville, secondaire et non permanente : « qui serait à condamner en temps de guerre », dans la courtine N-7, soit a proximité de la porte d’Italie, toujours en place dans la courtine 6-7 faisant suite au sud. La nouvelle porte est (future porte Notre-Dame) était prévue sans demi-lune. Les autres dehors proposés se limitaient à des tenailles systématiques devant les courtines et à un chemin couvert continu. Changements apportés au projet Picot, le bastion K remplaçant la lunette Ste Anne Lorsqu’il fut présenté à la chambre des députés en mai 1846 par le député du Var Victor Clapier, le projet d’agrandissement de l’enceinte avait été quelque peu modifié, ainsi que le plan d’urbanisme, comme on le voit notamment sur le plan de la ville et des arsenaux de Toulon, gravé et publié par l’éditeur toulonnais A. Imbert en 1847 (par ailleurs date de départ en retraite du colonel Picot). Ce plan ne donne pas un état des lieux, mais du projet (en figurant les dehors mais sans détailler les bastions de la nouvelle enceinte) : on y remarque que la nouvelle porte de France, au nord-ouest de l’enceinte, est désormais proposée dans l’axe de l’ancienne porte à supprimer, entre les bastions G et H du projet de 1844, la clôture de séparation entre l’arsenal de Castigneau et la ville ayant été reportée plus au nord, entre le bastion G de la nouvelle enceinte et le bastion 11 de l’ancienne, dont la moitié gauche était conservée dans l’arsenal de Castigneau. Cette clôture ville-arsenal, en outre, à partir du bastion 11 de l’enceinte de Vauban, fit désormais statutairement partie intégrante de l’extension nord de l’enceinte de la ville qui, relevant des travaux du génie, et financée par la municipalité, était donc considérée de façon indépendante de « l’enceinte de Castigneau », dont la dépense relevait de la marine. Selon cette répartition, la partie sud-ouest de la nouvelle enceinte conçue par le colonel Picot, formée des fronts A-B-C-D-E constituait l’enceinte de Castigneau, en cours d’exécution à peu près selon le tracé initial, tandis que l’extension nord de l’enceinte de la ville était formée des 33 fronts 11-G-H-I-K-L-M-N-7. Les travaux de l’enceinte de Castigneau, confiés à l’entrepreneur Brunet, étaient tributaires du creusement de la nouvelle darse, commencé en avril 1845. Une lettre du préfet maritime datée du 10 juin 1846 précisait : « Le creusement de la darse Castigneau est en pleine activité ; ses déblais sont utilisés pour élever le rempart couronné en terre faisant suite à cette nouvelle darse, à l’ouest »55. La mise en chantier effective de l’extension nord de l’enceinte de ville tarda jusqu’en 1852, car il fallut attendre la fin des acquisitions des terrains, suivie du décret du princeprésident Louis-Napoléon Bonaparte, le 28 septembre de cette année, ordonnant l’exécution immédiate de l’agrandissement de l’enceinte. En 1853, le marché de construction de la nouvelle enceinte, scindé en deux lots, avait été attribué d’une part à l’entrepreneur de travaux publics Arnavieille, d’autre part au sieur Quinié, également entrepreneur ; l’un et l’autre furent autorisés par le préfet du Var, en 1854, à extraire les pierres destinées aux parements des revêtements dans les carrières voisines de Lagoubran, à l’ouest, et au nord, au pied du Faron, dans la vallée de Dardennes et dans le quartier de Siblas.56 De janvier1855 à mars 1856, le chantier de construction bénéficia d’un apport important en main d’œuvre, procurée par la mise à disposition de 500 prisonniers russes capturés l’année précédente en Crimée par les armées anglaises et françaises ; le logement de ces prisonniers justifia la construction de dix huit baraquements en bois dans les fossés aux abords de la porte d’Italie. Au commencement du chantier de l’extension nord de l’enceinte, des modifications ponctuelles avaient été apportées au tracé initial du projet Picot sous l’autorité des chefs du génie successifs, les capitaines Corrèze et Long. Ces modifications affectèrent la nomenclature des ouvrages. La moindre d’entre elles consista à réduire la demi-lune de la nouvelle porte de France à un ravelin de petites dimensions, équivalent à une place d’armes du chemin couvert, non intégré dans le lettrage de la nomenclature, en sorte que le bastion G fut renommé FG, reprenant la lettre F antérieurement attribuée à la demi-lune de la nouvelle porte, lorsqu’elle devait être implantée entre E et G. La porte de France et sa demi-lune, bâties en priorité dans l’économie du chantier, étaient achevées et en fonction dès 1856. Le chemin couvert fut réalisé jalonné de nombreuses traverses, mais cette partie du chantier fut celle dont l’achèvement tarda le plus (travaux achevés seulement en 1866). Plus important fut le changement apporté à la pointe nord de l’enceinte, ou devait se détacher la lunette initialement cotée L, projetée devant une courtine encadrée des deux bastions K et M. Cette lunette, qui avait reçu un début d’exécution dès 1839-1840, et qu’on projetait de reprendre entre 1843 et 1848 (en rectifiant son tracé pour la rendre symétrique), fut finalement intégrée au corps de place, en application partielle d’un tracé alternatif proposé en novembre 1847 par le lieutenant général Vaillant, inspecteur général du Génie : elle fut transformée en un bastion coté K, dans lequel le magasin à poudres, se trouvant trop près du flanc droit, ne fut, à terme, pas conservé. Les autres bastions avaient été légèrement augmentés en largeur et en espacement dans l’état définitif, par rapport au projet Picot (plusieurs tracés alternatifs avaient été proposés entre 1845 et 1848) ; ce changement avait entraîné la réduction de leur nombre à deux (H-I) au lieu de trois (H-I-K) entre la nouvelle porte de France et la lunette L devenue bastion K. En l’occurrence très différent des autres dans ses proportions, deux fois plus étroit et formant un angle de capitale aigu, ce bastion fut reliée par une courtine, d’une part au bastion I, de l’autre au bastion L. Le caractère atypique de ce bastion K résultant de l’adaptation d’un ouvrage conçu initialement comme un dehors, persista dans l’état réalisé, par son plan en as de pique (flancs retirés) et surtout par ce qu’il demeurait retranché, par un étroit fossé, du revêtement du corps de place formant à cet endroit, soit à la gorge du bastion, un front à cornes en réduction. Ce fossé interne, peu 55 Ferdinand Joseph, « Les remparts construits sous Napoléon III», article de presse, Le Petit Var. 17 aout 1933. Ferdinand Joseph, « Les remparts construits sous Napoléon III», article de presse, Le Petit Var. 24 novembre 1933. 56 34 décelable de l’extérieur, était justifié par la sécurisation d’une caserne casematée pour 2500 hommes (dite plus tard caserne Gardanne ou caserne blindée) formant à la fois réduit et cavalier, construite en 1858-1859 sur la petite courtine de la corne, à la gorge du bastion retranché qui la couvrait. La refonte de ce bastion K et la construction de la caserne-cavalier étaient avancées en 1858, mais les travaux ne furent achevée qu’en 1861, par la réalisation de galeries de mines et écoutes sous le bastion et de rameaux de contremine partant de la contrescarpe du fossé, sous le glacis nord, le tout en application d’une décision du comité des fortifications prise en juin 1856. Les portes, poternes et portes du chemin de fer de la nouvelle enceinte de ville. La poterne nord initialement prévue sous la protection de la lunette L devenue bastion retranché K, en relation avec le parc d’artillerie incorporé intra-muros, dite porte Sainte-Anne, fut reportée dans la courtine I-K. Formée d’une arche charretière unique ouverte au niveau du fossé, donc sans pont-levis, précédée d’une avant-porte traversant la tenaille, elle était en partie réalisée dès 1856 (millésime), mais ne fut achevée et mise en fonction qu’en 1859. Toutes les courtines ordinaires de l’extension nord de l’enceinte de ville furent pourvues dans l’axe d’une poterne piétonne descendant dans le fossé en caponnière à l’abri de la tenaille couvrant ces courtines. Quatre des bastions de cette enceinte (FG, H, I, M) devaient accueillir chacun un magasin à poudres, sur le principe du magasin ancien, toujours en usage (47.000 k), du bastion des Minimes (6) pour offrir à la place de Toulon la capacité totale d’emmagasinement de 360.000 k, fixée en 1854. Il fallait en outre compenser la démolition prochaine du magasin de Sainte-Anne (120.000 k), rendue nécessaire pour libérer le bastion K, trop étroit pour le contenir. Leur construction fut ajournée par délibération du comité (des fortifications) du 6 juin 1856, compte tenu du nouveau projet d’extension de l’enceinte vers l’ouest, qui portait à reconsidérer le nombre et la logique d’implantation des magasins à poudres à créer pour l’ensemble de la place. Seul celui du bastion FG, d’une capacité de 80.000 k, qui avait été commencé en 1856, fut réalisé et remis par le Génie à l’artillerie de terre en 185857, bien que les projets détaillés de ceux du bastion H et du bastion I aient été représenté en 1862 et en1864 . Le magasin à poudres du bastion FG, à ciel ouvert, couvert d’un toit à charpente en bois et enveloppé d’un mur d’isolement, fut transformé en 1877 selon les nouvelles normes en vigueur, avec construction d’un couloir d’isolement casematé et d’un vestibule voûté, suppression du toit et ensevelissement de l’ensemble par un revêtement de terre de 3m d’épaisseur. Tel que reconsidérée vers 1851, réalisée pour l’essentiel à partir de 1853 et achevée en 1861, la nouvelle enceinte cumulant le front bastionné semi maritime de Castigneau (commencé vers 1849, achevé en 1859) et le front nord de l’extension urbaine, comptait toujours onze bastions neufs, chiffrés de A à M (et non plus de A à N), dont un coté K formé par la lunette L transformée : A-B-C-D-E-FG-H-I-K-L-M), et une demi-lune atrophiée (non lettrée) devant la porte de France (courtine FG-H). Les portes de cette enceinte de la ville neuve juxtaposaient, selon un nouveau modèle en usage pour les portes de ville depuis la décennie 1840, deux voies distinctes parallèles, adaptées au double sens de circulation, donc deux arcades d’entrées identiques pour la porte proprement dite, formant une façade en double arc de triomphe appareillé en bossage continu lisse, et deux passages non couverts entre piliers lisses pour l’avant-porte de la demi-lune. Les doubles pont-levis adoptaient le système « à la Poncelet », avec chaînes de levages passant dans un orifice à poulies percé en façade, lesté à l’intérieur par des masselottes formant contrepoids. La façade du côté de la ville encadrait la double arcade du passage de deux 57 Les autres magasins à poudres considérés alors comme au service de la place étaient tous contenus dans des ouvrages extérieurs, et de construction récente : Malbousquet, Lamalgue (Fort, batterie basse, communication), fort Ste Catherine, fort du Cap Brun, batterie de la Caraque. 35 larges pavillons à deux niveaux, étage logeable (pour les gardes du génie) et rez-de-chaussée traité en partie en halle à arcades, et incluant des corps de garde et bureau d’octroi. Ce modèle différait considérablement de celui initialement présenté par le colonel Picot en 1845 (pour la nouvelle porte de France), dans lequel le seul local militaire associé à la porte était un corps de garde casematé sous le rempart intercalé entre les deux passages. La porte prévue à l’est, que le projet Picot de 1845 considérait devoir être condamnée en temps de guerre, fut réalisée sur ce modèle, soit comme une véritable porte de ville permanente, dont le passage traversait la courtine M-7 selon un axe oblique prolongeant celui de la principale avenue est-ouest de la nouvelle ville, précédé d’une petite demi-lune analogue à celle de la porte de France. L’ensemble, appelé porte d’Antibes, puis porte Notre-Dame (reprise du vocable qui désignait la porte nord-ouest de l’enceinte de 1589-1595, détruite après 1680), était pour l’essentiel réalisé en 1858, mais non encore mis en fonction (passage provisoire immédiatement à côté). Au nombre des autres modifications ou nouveautés apportés en cours de chantier, on note, en 1858, la décision de créer une porte supplémentaire à l’ouest, dans la courtine E-FG, dite porte Impériale (plus tard porte Nationale), achevée en 1861, selon les normes architecturales que l’on vient de définir. Le principe de cette porte, quelque peu en double emploi avec la porte de France voisine, achevée en 1859, fut dicté par la persistance du tracé coudé préexistant de la route de Marseille, qui demeurait l’itinéraire en fonction pendant les travaux de construction de l’enceinte (ce qu’avait tout d’abord privilégié le colonel Picot en 1845, proposant la porte de France à cet emplacement). Munie de « ses ponts dormants, ses ponts-levis, son tambour crénelé (en tête de pont, sur une place d’armes du chemin couvert, faute d’une véritable demi-lune) et ses pavillons » était bien conçue comme une porte de ville, mais elle se justifiait aussi secondairement parce qu’elle procurait une issue extérieure indirecte mais commode à l’arsenal de Castigneau. L’itinéraire de la route de Marseille, pour sortir de la ville par cette porte Impériale, s’étranglait entre le chemin de ronde de l’enceinte bastionnée et le mur de clôture non défensif de l’arsenal de Castigneau. C’est dans ce mur de clôture, dans l’axe du débouché intra-muros de la porte Impériale, que fut percée la porte principale définitive de l’arsenal de Castigneau. En 1867, un projet supplémentaire proposa l’ « amélioration de la porte Neuve » de l’enceinte de ville, au sud-est de l’ancienne enceinte, dans la face gauche du demi-bastion 5 (Poncherimade). Dès 1848, avait été proposée la reconstruction du pont dormant précédant le pont-levis de cette porte, sur un plan plus large ménageant des trottoirs, modification combinée avec une poterne de service ménagée à côté dans la courtine. Cette fois, il s’agissait d’adapter le passage pour deux voies, en refondant la porte et l’avant porte selon le modèle des trois portes de ville de la nouvelle enceinte. Cette adaptation, réalisée, supprima le pavillon d’entrée à pont-levis de 1834 pour le remplacer par trois piliers, et rasa le rempart attenant au nord formant l’angle d’épaule du bastion 5, remplacé par un simple mur, masqué par un couvre-face bâti au dépens de la continuité du chemin couvert et du fossé, pour rattacher au corps de place l’ancienne place d’armes qui accueillait l’avant-porte. Les piliers de la porte Neuve survécurent symboliquement au dérasement du rempart du bastion 5, opéré après 1887 pour faciliter les projets d’urbanisme municipaux. La construction de cette enceinte dut s’adapter en cours de chantier, en 1857-1858, à la mise en place de la section Marseille-Toulon de la voie de chemin de fer de Marseille à Nice. Projetée depuis 1852, cette section devait traverser Toulon et desservir la gare de la nouvelle ville, mais le tracé exact et les points de pénétration dans l’enceinte ne furent réellement définis que lorsque le chantier de construction des fronts bastionnés avait commencé et était bien avancé. De ce fait, l’entrée du chemin de fer à l’est se trouvait devoir traverser la face droite du nouveau bastion H, qu’il fallut adapter en créant un redan dans le revêtement déjà construit de cette face pour ne pas biaiser l’entrée du tunnel traversant le bastion et passant 36 sous le rempart. Le point de sortie du chemin de fer était relativement mieux placé, dans la nouvelle courtine L-M, mais son axe fortement biaisé passait de justesse entre la poterne piétonne ménagée au centre de cette courtine et l’angle d’épaule gauche du bastion M. Ces travaux d’adaptation étaient en cours en 1858, et la ligne de chemin de fer fut mise en service le 28 mai 1859. L’emprise du chemin de fer dans l’aire intérieure de la nouvelle enceinte avait entraîné la démolition du parc d’artillerie qui préexistait dans l’ancien retranchement SainteAnne, et que le projet Picot de 1845 conservait. Cependant, la coupure nette imposée par les voies ferrées dans le plan d’urbanisme de la ville neuve avait permis une répartition de principe nettement définie entre le nouveau parcellaire urbain formé d’îlots réguliers d’immeubles sur trame orthogonale, développé au sud des voies, et, au dans le triangle intramuros restant au nord des voies, sur trois îlots acquis à l’état ou en partie à acquérir, un quartier militaire, voué à l’arsenal de terre, au nouveau parc d’artillerie et à des casernes. Ainsi, l’usage purement militaire et non civil de la poterne Sainte-Anne se renforçait. A partir de 1863, et au fur et à mesure de l’avancement des travaux des fortifications jusqu’en 1867, le Génie procéda à la plantation systématique d’arbres tirée au cordeau, platanes et micoucouliers, sur les remparts, et en partie sur les glacis. En 1869, le plan de répartition de l’artillerie terrestre optimale sur les fortification de Toulon, établi par le colonel Michel, commandant du génie58, montre une densité particulière de l’armement alors envisagé sur les ouvrages de l’angle nord, le bastion K et le front K-L, secteur particulièrement stratégique : une batterie de quatre canons de siège de 12 sur chaque face du bastion K, à droite battant les hauteurs d’Artigues, à gauche les hauteurs de SainteAnne, un obusier de 22 dans l’axe de capitale, deux obusiers de 12 au flanc gauche, un au flanc droit, une batterie de 2 canons et 2 obusiers de 18 sur la caserne-cavalier. S’ajoutent deux mortiers de 22 sur chaque demi-bastion de la « corne » du retranchement, de chaque côté de la caserne. Trois batteries de quatre canons de place de 12 sont proposées sur les courtines, une en I-K au-desus de la porte Sainte-Anne, deux en K-L, vers l’est, encadrant deux mortiers de 27. Pour le bastion L sont envisagées douze emplacements de tir de batterie sur le seul cavalier, pièces de 16 principalement, battant les abords des forts de Sainte Catherine et d’Artigues et les cheminements contre le bastion K. D’autres batteries de quatre pièces sont indiquées sur les flancs et sur la face gauche du parapet. La démolition de l’ancienne enceinte, 1859 Dans son récit de circonstance publié en 1859, destiné au voyageur touriste empruntant la nouvelle ligne ouverte dans l’année, l’essayiste marseillais Adolphe Meyer donne une idée de l’avancement encore limité des travaux de lotissement de la nouvelle ville, l’emprise de l’ancienne enceinte n’étant pas encore libérée : « De la gare (de Toulon), on descend vers la ville par un boulevard nouveau qui coupe l’ancienne ceinture de remparts. On les démolit avec activité, et leurs débris servent à combler les énormes fossés qui s’étendaient à leurs pieds. »59. L’état des projets du génie à présenter pour les exercices 1858-1859, rédigé en août et septembre 1857, précisait qu’à cette date il n’avait pas encore été statué sur la démolition de l’ancienne enceinte, mais le déclassement et la remise aux Domaines des terrains des fortifications de cette enceinte furent annoncé en mars 185860, deux semaines après que le comité du Génie eut délibéré qu’il était avantageux que « la démolition des anciens remparts de Louis XIV à Toulon (fut) faite par les particuliers qui se rendront acquéreurs des lots de terrains à bâtir ». Cette solution fut finalement écartée par le ministre de la guerre, qui prescrivit, le 7 juillet, que le Génie dirigerait la démolition, les acquéreurs des terrains libérés ne faisant que contribuer financièrement au coût des travaux, immédiatement confiés par 58 Vincennes SHD, Art. 8 carton 46 (1 VH 1876) 20 février 1869. Adolphe Meyer, Promenade sur le chemin de fer de Marseille à Toulon, Marseille, A. Gueidon, 1859, p. 186. 60 Vincennes SHD, Art. 8 carton 32 (1 VH 1870) 59 37 marché au sieur Dauphin, entrepreneur. C’est donc seulement –et logiquement- au moment où la nouvelle enceinte était pour l’essentiel achevée, que disparurent sous la pioche des démolisseurs (non moins de 400 ouvriers) les quatre bastions de l’ancien front de terre (8-910-11)et les courtines intermédiaires, à partir de la courtine 7-8. Certains plans de Toulon, comme celui publié par Armand Imbert en 1847, ou le plan des alignements de la ville dessiné en avril 1858 sous la direction du colonel Antoine Long, chef du génie61, doivent être considérés avec beaucoup de circonspection, car ils figurent non un état des lieux, mais l’état projeté à la date de leur établissement, soit le projet Picot, sans chemin de fer, pour le premier, et le projet en cours de réalisation, sensiblement différent, pour le second : l’ancienne enceinte ne figure plus sur l’un et l’autre de ces plans, alors que sa démolition n’en fut conduite que de juillet 1859 à avril 1860. Les établissements et bâtiments militaires qui s’étaient développés dans l’aire intérieure des bastions 8, 9 et 10 de l’ancienne enceinte, comme la fonderie, en place dès l’origine dans le bastion 9, complétée de bureaux du commissaire général et des subsistances et de l’école d’artillerie navale, ou, dans le bastion 10, la caserne du Jeu-de-Paume et l’hôpital militaire, devaient être conservés et réintégrés au nouveau parcellaire, formant des îlots réservés à l’Etat. Dans le bastion 8, les bâtiments de l’arsenal de terre ou arsenal d’artillerie (d’abord parc d’artillerie en 1790) devaient être conservés, mais leur transfert de leur fonction était prévu en 1859 dans le nouveau quartier militaire intra-muros au nord du chemin de fer. Le bastion Saint-Bernard (7), intégré dans le tracé de la nouvelle enceinte en ne perdant, lors des démolitions, que son flanc gauche (la nouvelle courtine 7-M se raccordant directement à sa face gauche) conservait en son sein le magasin du génie et l’enclos pour le chantier des fortifications de la place, établis dans son aire intérieure dans les années 1820. De l’enceinte Vauban ne demeura donc, après les démolitions, que la partie maritime, incluse dans l’arsenal et formant séparation entre la darse neuve et la darse de Castigneau. La nouvelle extension ouest de l’enceinte de la place jusqu’au fort Malbousquet, 1860-1868 Au début de l’année 1855, avant l’achèvement de la nouvelle darse de Castigneau et de son enceinte, le conseil d’amirauté envisageait de porter les limites de l’arsenal au-delà de celles de Castigneau, la généralisation de la marine à vapeur laissant présager l’insuffisance des darses et équipements existants. De plus, le nombre limité des casernes et leur dissémination en ville compliquaient le transit des troupes, et l’avenir des casernes du « grand couvent » (couvent récupéré par le Guerre après la Révolution) et du Jeu de Paume, était incertain, un futur plan d’alignement urbain pouvant entraîner leur suppression. La marine demanda donc une nouvelle extension vers l’ouest, jusque dans la plaine de Missiessy, des limites de l’arsenal, extension capable d’accueillir des casernements, et comportant une nouvelle darse avec ses équipement, au pied du château de Missiessy, domaine privatif de 33 hectares 67 ares, avec petit château à quatre tourelles. Un premier projet de principe fut établi dès 1855, avec une emprise de 55 hectares couverte par une nouvelle enceinte bastionnée couronnant les hauteurs de Missiessy et se refermant sur le front de mer. Cependant, le 17 décembre 1856, le comité des fortifications délibéra en faveur d’un tracé nettement peu plus ample, définissant une aire close d’environ 100 hectares, qui permettait à la nouvelle enceinte de joindre de fort Malbousquet plutôt que d’être dominée par cet ouvrage détaché. Ce principe fut approuvé par le ministre de la Guerre le 2 mars et le 30 mai 1857, sur la base d’un coût global pour l’acquisition des terrains de 61 Vincennes SHD, Art. 8 carton 32 (1 VH 1870) projet 1858-1859, feuille n° 22 38 3.000.000 fr, dont 2.000.000 au compte du département de la Guerre, le solde à celui de la marine, le coût des travaux, incluant « les dépenses afférentes aux bâtiments militaires à créer dans l’enceinte agrandie » étant estimé à 8.500.000 fr, dont 6.000.000 à charge du département de la guerre, et 2.500.000 à charge de la marine62. Ces estimations montrent la part majoritaire de la Guerre, s’agissant avant tout de la construction d’une grande extension de l’enceinte fortifiée de la place. De plus, le génie se réservait dans le principe une part assez importante de l’aire intérieure ainsi crée, la marine n’étant pas destinataire de la totalité, mais plutôt d’une part équivalente à celle de 55 hectares définie en 1855 comme répondant aux nouveaux besoins d’extension de l’Arsenal. Dans sa dépêche du 16 mars, le ministre de la Guerre précisait toutefois que la présentation rédigée définitive du « projet d’extension de la place vers le fort Malbousquet » aurait lieu en 1858, et que la mise en chantier ne serait pas programmée avant l’exercice 1860. Outre la question du délai nécessaire pour réaliser les acquisitions des domaines à exproprier, il s’agissait de ne pas nuire à l’achèvement des travaux de l’extension nord de l’enceinte de ville, qui n’étaient pas remis en cause par ce nouveau projet, à la différence de la partie sudouest de la même enceinte, dite de Castigneau, dont le front ouest (côté droit du bastion B, bastions C, D et courtine intermédiaires) n’avait plus, dans ce nouveau cadre, de véritable utilité défensive, pas davantage que le front ouest 1-12-11 de l’enceinte de la darse de Vauban, conservé néanmoins comme séparation d’avec la darse de Castigneau, mais inutile comme retranchement défensif intérieur. En 1858, la liaison entre le bastion ancien 11 et le bastion FG de l’extension nord, qui n’était pas autre chose qu’un mur de séparation entre la ville et l’arsenal de Castigneau, cessa d’être considérée par le génie comme un front de la nouvelle enceinte de la ville, ce qui permit de pérenniser sa traversé par la route de Marseille et de créer la nouvelle porte de ville, dite Impériale, dans la courtine E-FG. De plus, la marine avait alors demandé l’autorisation de détruire les bastions 11-1263, ce qu’elle ne réalisa que pour le bastion 11, afin de faire courir de façon continue et rectiligne le mur de séparation nord entre ville et arsenaux, depuis l’angle nord-est de l’enceinte de l’arsenal jusqu’à la porte de Castigneau. Dans cette nouvelle configuration, la limite théorique entre l’enceinte bastionnée nord de la ville et le front bastionné de Castigneau, auparavant située au flanc gauche du bastion FG, se déplaçait au droit du bastion E. C’est donc logiquement à ce bastion E de la nouvelle enceinte nord en cours d’achèvement que la nouvelle enceinte ouest projetée jusqu’au fort Malbousquet avait lieu de se raccorder. Un décret impérial du 23 janvier 1859 déclarait d’utilité publique l’acquisition des divers terrains reconnus nécessaires à l’extension de l’enceinte de Toulon jusqu’au fort Malbousquet. Le 10 septembre suivant, le Tribunal civil prononçait l’expropriation, pour cause d’utilité publique, d’un ensemble de propriétés situées à l’ouest de la ville et formant ensemble une surface de 116 hectares, 16 ares, 13 centiares.64 Avant même la finition du projet de l’enceinte par le chef du génie, l’inspecteur général des fortifications lui faisait part de ses préconisations s’agissant de l’intégration du fort Malbousquet : « …tout en conservant la caserne voûtée du fort Malbousquet (le nouveau projet doit donner) sur ce point important, un tracé large et simple, le corps de place devant prendre du commandement sur la partie conservée du fort Malbousquet, qui ne sera plus qu’un dehors de la place proprement dite »65 62 Vincennes SHD, Art. 8 carton 32 (1 VH 1870), Etat des projets à présenter pour 1858-1859, apostilles du chef du Génie. 63 Vincennes SHD, Art. 8 carton 32 (1 VH 1870), Mémoire sur projets pour 1859, apostille du chef du Génie. 64 Adolphe Meyer, Promenade sur le chemin de fer de Marseille à Toulon, Marseille, A. Gueidon, 1859, p. 191, note. 65 Vincennes SHD, Art. 8 carton 32 (1 VH 1870), Etat des projets à présenter pour 1858-1859. 39 Dans les faits, les travaux, confiés à l’entrepreneur Brunet, qui avait déjà construit après 1845 l’enceinte non revêtue de Castigneau, débutèrent lentement, l’hiver 1860-1861, par « les quatre fronts à droite du fort » (front nord). L’économie du chantier était tributaire du creusement de la nouvelle darse de Missiessy par la marine, qui devait procurer les remblais nécessaires à la constitution des remparts des nouveaux fronts bastionnés. Rédigé et dessiné en avril 1860 sous la direction du colonel chef du génie Antoine Long, le projet de la nouvelle enceinte comportait trois fronts bastionnés échelonnant neuf bastions à flancs droits, comparables à ceux de l’extension nord de l’enceinte de la ville, mais plus irréguliers en largeur et espacement. Les ouvrages furent désignés par une numérotation chiffrée de 1 à 10, faute de trouver une nomenclature en cohérence avec celle, lettrée, de la nouvelle enceinte de la ville et de Castigneau. Aucune tenaille n’était proposée devant les courtines des fronts de terre, mais un nouvel état du projet revu et corrigé, daté d’avril 1862 en ajouta, et elles furent réalisées. Le front de terre nord, le plus long, se greffait sur l’angle d’épaule gauche du bastion E de l’enceinte de ville, en ménageant au raccord une porte d’eau destinée à permettre l’inondation partielle des fossés nord par les eaux de la future darse Missiessy, restant à creuser. Ce dispositif fit l’objet de plusieurs variantes de projet, le parti préconisé dans les premiers temps créant une coupure nette entre les deux enceintes, soit entre le bastion E et le bastion 1 à construire. Après 1864, l’idée de démolir à terme le front ouest de Castigneau (bastions C-D) étant admise, la nouvelle enceinte ouest fut considérée comme en continuité de l’enceinte nord, ce qui porta à simplifier les circulations de ronde et la rues militaire, notamment en supprimant toute coupure et en enterrant sous le rempart le canal de décharge du bassin de Missiessy au fossé nord. Le front nord projeté en 1860 et réalisé sans grands changements comporte d’abord le large demi-bastion ou redan 1, un petit bastion 2, puis deux larges bastions 3 et 4. Des dehors complexes couvrent les faces du bastion 3, constitués d’une grande contregarde (ou couvreface), elle-même masquée sur sa face gauche par une lunette. Au milieu de la courtine 1-2 fut implantée une porte, issue principale terrestre du nouvel arsenal de Missiessy. Cette porte « Missiessy » (dite aussi du Las) est prévue classiquement encadrée, côté intérieur, de deux pavillons, comme les portes de ville de la nouvelle enceinte nord, et précédée en tête de pont d’un tambour sur place d’armes du chemin couvert, analogue à celui de la porte Impériale, alors en cours d’achèvement dans la courtine E-FG. Dans la courtine 4-5, en position non centrée, une porte semblable, tambour compris, réalisée telle que projetée, fut nommée porte Malbousquet. Chacun des deux bastions 2 et 4 devait inclure un magasin à poudres, qui ne fut pas réalisé, de même qu’un nouveau projet de magasin à poudre proposé de 1862 jusqu’en 1866 dans la moitié droite du bastion 3. Les grands bastions 3 et 4 étaient destinés à porter chacun un cavalier complexe et asymétrique. L’état réalisé, conformément à des modifications apportées au projet en 1862, implanta ces cavaliers selon un plan mieux centré et plus régulier. Le tracé du bastion 5 et de l’angle nord-ouest de la nouvelle enceinte qui lui fait suite sont encore assez mal définis sur le projet de 1860 : ils occupent une position dominante sur la hauteur Malbousquet et doivent traverser de part en part le fort, au prix de la démolition d’une partie importante de ce dernier, privé de son statut d’ouvrage détaché autonome. Dans cet état initial du projet, le front de gorge du fort en « corne », avec son fossé et sa caserne casematée devaient être conservés et incorporés dans l’angle saillant coté 6 que devait former l’enceinte du corps de place, entre les bastions 5 et 7. La construction de cet angle 6 devait en revanche entraîner la suppression de la majeure partie de l’ancienne lunette de 1814, dont l’angle de capitale conservé aurait été remployé pour former une contregarde et la démolition du magasin à poudres bâti dans cette lunette en 1848. Le front nord du fort, avec son « as de pique » encadré de deux demi-bastions, construits en 1844-1846, était préservé par le projet. 40 La face nord du bastion 5 et la branche voisine de la contregarde, non couverte par l’as de pique sont précédées de deux couvre-faces morcelant le fossé (rampant dans ce secteur) en deux branches. L’état réalisé du secteur nord-ouest de l’enceinte « au travers du fort Malbousquet » et de l’adaptation dudit fort, s’éloigna sensiblement de ce projet de 1860, mais fut à peu près conforme au nouveau projet dessiné et décrit en avril 1862 par le même chef du génie Antoine Long : c’est toute la moitié nord / nord-ouest du fort, soit non seulement l’as de pique et ses demi-bastions, mais encore la courtine ouest, et l’ancienne lunette (magasin compris), qui furent conservés pour former un dehors complexe, retranché du corps de place par un fossé dont la création entraîna la destruction de l’ancien front de gorge du fort et de sa caserne. Celle-ci fut remplacée à quelques mètres de distance par une nouvelle caserne casematée neuve équivalente, de sept travées, pour 280 hommes, nichée dans le bastion 5, devenu un double bastion coté 5-6. Le projet 1862 donna à cet ouvrage flanquant un plan complexe, fusion de deux demi-bastions, la moitié gauche ou demi-bastion 6, portant un haut cavalier recouvrant la caserne neuve, dont la façade s’ouvrait sur l’aire intérieure plus basse de la moitié droite ou demi-bastion 5. Un angle rentrant en tenaille remplaça l’angle saillant de capitale à la jonction du revêtement des deux moitiés 5 et 6. Le couvre-face prévu au nord du bastion 5 fut réalisé d’une pièce, sous la forme d’une contregarde (cotée 13) couvrant la face droite et l’angle rentrant entre 5 et 6. Face à la gorge de l’ex fort Malbousquet réduit à un dehors, la continuité de l’enceinte du corps de place forma désormais, non plus l’angle saillant 6 prévu en 1860 entre les deux bastions 5 et 7, mais une courtine reliant le bastion 7 au demibastion 6 couronnée d’un parapet de même hauteur que le cavalier de ce demi-bastion et se prolongeant pour former un cavalier dans la partie droite du bastion 7. Cette courtine fut couverte d’une tenaille dans le fossé. Pour embrouiller encore davantage cet ensemble compliqué, les ouvrages constitutifs du reste du fort devenu un dehors complexe (mais toujours nommé fort Malbousquet) conservèrent une nomenclature spécifique chiffrée de 1 à 6 qui porte aujourd’hui à confusion à la lecture des plans (as de pique nord n°5, angle ouest du fort et deux demi-bastions nord encadrant l’as de pique, n° 1,3,4, lunette n° 6) En 1869, le plan de répartition de l’artillerie terrestre optimale sur les ouvrages de fortification de Toulon fait ressortir l’extrême densité de l’armement maximum envisagé sur ces ouvrages du front 5-7 et du fort Malbousquet : sur le demi bastion 5, face nord, batterie de 3 canons de place de 12 battant les hauteurs des Arènes et de l’Ecaillon, flanc droit, un obusier de 12 ; sur le cavalier du demi bastion 6, deux canons de 30 en fonte battant le secteur des Arènes et de Saint-Antoine, un autre battant au nord-ouest la route de Marseille, à l’ouest une batterie de 4 obusiers de 16 battant les ouvrages avancés projetés à Lagoubran, au flanc droit (sud) quatre canons de 12 battant les fossés et le secteur de Milhaud ; sur le bastion 7 son,t définis 14 emplacements de tir sur deux niveaux, vers le nord des canons de 12 « pour contrebattre les batteries contre le bastion 6 », vers le nord-ouest un obusier de 16, vers l’ouest des canons de 16 et de 12 ; dix emplacements de tirs pluridirectionnels pour canons de 30 en fonte et obusiers de 16 sont envisagés sur la lunette, utilisée comme cavalier du fort ; enfon huit emplacements d’obusiers de 16 et de 12 sont répartis sur le front bas nord et ouest du fort 1-4-5 et sur la contregarde 13. Cet armement était purement théorique et, dans les faits, l’enceinte de Toulon (forts exclus) n’était armée que de 48 canons côté terre, en août 1870. Le front de terre ouest de l’enceinte, le plus court, comportait d’abord le bastion 7, surmonté d’un cavalier, le bastion 8, en milieu de front, prévu symétrique en 1860, réalisé asymétrique et plus petit, avec une traverse, puis le bastion 9, occupant l’angle sud-ouest de l’enceinte. Le bastion 8 fut implanté sur un ancien domaine exproprié et racheté dit Château Védeaux , dont le corps de maison principal et les annexes attenantes, promis à la démolition furent conservées jusqu’en 1867, tant que les remparts et parapets de terre du bastion ne 41 furent pas organisés. Le domaine du château de Missiessy, acheté par l’Etat en 1866, lui aussi fut conservé et réutilisé par la Marine près de la nouvelle darse jusque l’achèvement des travaux de celle-ci, vers 1872, et même bien plus tard, pour ce qui est de son corps principal, utilisé comme caserne de gendarmes militaires jusque dans les années 1930. Dans l’état réalisé du bastion 9, jamais entièrement achevé (flanc et face droite) un passage en double arche fut construit à l’ouest en 1868 pour permettre sa traversée par une voie de chemin de fer à l’usage de la marine, doublé d’une route, passant ensuite sur les terrepleins du front de mer de l’enceinte pour desservir les darses de Missiessy et de Castigneau. La double arche, dont l’arche routière défendue par une grille ouvrante en fer, fut nommée Porte de Lagoubran. En 1869, la partie droite du bastion restant à construire, le chef du génie Noché fit le projet de deux souterrains casematés sous le rempart de cette partie, l’un à usage de magasin à poudre, derrière le flanc droit, l’autre, plus au sud, procurant à la porte de Lagoubran un corps de garde avec façade regardant les deux voies militaires de la marine, routière et ferrée. Ces aménagements n’ont pas été réalisés, et le bastion est resté inachevé. Les travaux de l’enceinte s’achevèrent par la finition des ponts-levis des deux portes nord et la grille de celle de l’ouest, en juin 1870. Le front de mer, réalisé en dernier, conformément au projet, et achevé en avril 1870, comportait un bastion intermédiaire large et presque plat et sans flancs, coté 10, et se terminait par un demi-bastion aussi large et peu saillant, qui n’était autre que le réemploi d’un ouvrage préexistant, le bastion d’angle sud-ouest, coté B, de l’enceinte bastionnée de Castigneau. Les bastions intermédiaires (C-D) de cette enceinte de Castigneau, laissés inachevés en 1860, jugés inutiles condamnés dès 1864, furent détruits en 1869 pour simplifier le tracé du quai est de la darse Missiessy. Les remblais provenant de leur démolition étaient destinés à procurer les terres formant les remparts et parapets du nouveau front de mer 9-10-B. Le projet de 1860 pour la nouvelle enceinte ouest comportait un important retranchement intérieur formé d’un rempart non fossoyé flanqué d’un redan et d’un épi, ouvrage dit aussi Cavalier Missiessy ou le grand cavalier 66, qui devait traverser obliquement l’aire intérieure de l’enceinte entre l’axe du bastion 8 (front ouest) et le flanc droit du bastion 3. Ce retranchement délimitait la partie sud-est de l’aire, terrain plat ou nivelé artificiellement, affectée à la marine, avec la darse Missiessy et ses équipement, desservie au nord par la porte Missiessy, de la partie nord-ouest, plus réduite et occupée par la déclivité sud-est de la hauteur Malbousquet, affectée à la Guerre, desservie au nord par la porte Malbousquet. Il traversait la butte naturelle de Missiessy, laissée pour l’essentiel côté Guerre, une petite partie seulement, avec à son pied le château, étant côté Marine. Toujours présenté en 1862 et programmé tout au long du chantier, jusque 1867-1868, le « cavalier Missiessy » ne fut pas réalisé. Son tracé fut matérialisé par une « route militaire » bordée d’une clôture légère raccordé par les deux bouts au chemin de ronde de l’enceinte ou rue du rempart, qui enveloppait au nord l’aire dévolue à l’arsenal de Missiessy, l’isolant ainsi des fortifications. En 1879, un projet pour accroître les capacités d’emmagasinement des poudres et cartouches dans l’enceinte du corps de place proposait l’établissement d’une série de petits magasins casematés, certains ouvrant sur la route militaire traversante, et logés dans les reliefs naturels, coupés par la route, de l’escarpement de la hauteur Malbousquet et de la butte Missiessy. Ce projet ne fut pas réalisé, mais remplacé quelques années plus tard, en 1890, par l’établissement d’un vaste magasincaverne dont la cour en fosse bordait la route militaire au pied de l’escarpement de la hauteur Malbousquet. 66 Légende du Plan de la petite rade et des établissements de la marine à Toulon, 1867 (imprimé) ; ce plan a servi de base à Gustave Teissier, Op. Cit., pour son Plan des divers agrandissements de Toulon depuis le Moyen-Age jusqu’à ce jour, 1873. 42 Du point de vue architectonique, les escarpes des fronts bastionnés terrestres nord et ouest de la nouvelle enceinte (bastions 1-2-3-4-5-7-8 et courtines intermédiaires) reçurent, de façon systématique, un aménagement structurel particulier, absent des fronts de l’enceinte nord de la ville. Il s’agit d’une galerie d’escarpe continue formée par une juxtaposition de petites casemates perpendiculaires au revêtement, prenant jour par deux créneaux et un soupirail haut percés côté fossé, les casemates étant reliées entre elles par la galerie de circulation proprement dite, ce qui leur donne un plan carré de base de 4,50m de côté pour une hauteur sous voûte de 3,50m. Ce dispositif enterré sous le rempart permit de ménager au revers du revêtement un grand nombre de « souterrains » à l’épreuve : 289 casemates totalisant 5825 m2, capables de servir de magasins d’approvisionnement de guerre ou –pour les moins humides, vers le fort- de logements de troupes. Ces « souterrains » avaient une fonction annexe de défense rapprochée, un tir d’infanterie étant possible par les créneaux donnant jour aux casemates. L’idée de cette immense galerie d’escarpe presque continue (recoupée par la porte Malbousquet et la porte Missiessy) fut peut-être inspirée par celles qui avaient été créées au XVIIIe siècle sur les ouvrages nord et est de l’ancien corps de place (bastions 6-7-8) entre revêtement neuf et revêtement ancien, lors de la grande campagne de renforcement par chemisage de ces bastions, lancée par Milet de Monville. Un escalier souterrain mit en communication la caserne Mabousquet, dans le bastion 5, avec la galeries d’escarpe, échelonnée en crémaillère suivant la pente dans la face et le flanc droits de ce bastion. Les autres accès de la galerie furent aménagés sous forme de poternes desservies par la rue du rempart, passant perpendiculairement sous le rempart. Les deux portes de l’enceinte ouest, qui, par leur localisation dans le front nord pouvaient communiquer assez directement vers la proche route de Marseille, s’apparentaient aux portes neuves de l’enceinte de la ville par leurs dispositions générales, notamment du côté intérieur de l’enceinte, par la présence de deux pavillons symétriques en saillie, avec arcades, de part et d’autre du passage. Cependant, on observe deux différences significatives : d’une part, ces pavillons ne furent pas dotés d’un étage, d’autre part, le passage fut traité classiquement en une seule arcade charretière et non deux jumelles, soit comme la porte d’un fort, et non comme une porte de ville de cette période. En effet, ces deux portes donnaient chacune dans un espace réservé à la Marine d’une part (porte Missiessy), à la Guerre de l’autre (porte Malbousquet), espaces amples mais peu bâtis dans lesquels les passages des voitures ou convois, strictement militaires et d’une densité faible, ne justifiaient pas de larges chaussées dissociant formellement les deux sens de circulation. La porte semi ferroviaire de Lagoubran, bien que pourvue de deux arches, relevait encore d’un autre type architectural, peu ou pas fortifié, proche d’un ouvrage de génie civil. Déclassement et démantèlement Les premières atteintes apportées à l’intégrité de la grande enceinte commune à la ville et à l’arsenal de Toulon, générées par la croissance urbaine et la fluidité des axes viaires, sont nettement antérieures au déclassement militaire, et postérieurs de moins de vingt ans à l’achèvement de l’ensemble : En juillet 1887, une convention était passée entre la ville de Toulon, représentée par son maire M. Dutasta, et l‘Etat, autorisant le dérasement du bastion 5 (de la Poncherimade), de la courtine 5-6, et des fossés et dehors attenants (ouvrages considérés comme suffisamment couverts par la communication au fort Lamalgue), afin de créer un boulevard et une place : seuls les piliers de la « porte neuve » de 1867 furent maintenus en place symboliquement, mais sans utilité défensive. La même convention de 1887 autorisait la percée d’une nouvelle issue non défensive de l’enceinte de ville dite « coupure Montéty », dans la courtine H-I de l’enceinte nord, au nord de la gare, pour procurer une issue directe des quartiers extra muros à la cité Montéty. Cette 43 coupure, traversant le fossé par un pont à tablier de bois, fut percée seulement après juillet 1890 et ouverte à la circulation en aout-septembre 1891.67 Dans l’intervalle, en novembre 1889, une issue en tunnel percée à gauche (nord) de la porte d’Italie, aux dépens d’une des casemates de la courtine, permit d’établir deux passage dissociés, offrant un double sens de circulation ouvert au voitures, selon le principe qui détermina le parti des arches jumelles caractérisant les portes de ville de la génération 1850-1860. L’enceinte fortifiée de Toulon « comprise entre les forts Lamalgue, au sud (sud-est), et Malbousquet, à l’ouest », ne fut déclassée militairement qu’aux termes de la loi du 13 janvier 1921. A la suite de ce déclassement, la municipalité de Toulon entreprit un démantèlement partiel qui lui permettait de mettre en œuvre son plan d’aménagement, d’extension et d’embellissement urbain, en conformité avec les obligations imposées aux villes de plus de 10.000 habitants par la loi du 16 mars 1919. La nécessité de dépassement des limites des remparts se faisait ressentir principalement dans l’axe du boulevard de Strasbourg, ce qui imposait à l’est la suppression de la porte Notre-Dame, et à l’ouest / nord-ouest, celle des portes de France et Nationale, ainsi que du bastion intermédiaire FG, situé dans l’axe du boulevard. C’est ce front nord-ouest qui fut le plus largement détruit, tant du fait de l’intention de décloisonner la ville intra-muros des faubourgs Saint-Roch et du Pont du Las, que par le projet de la SNCF d’agrandir la gare de Toulon vers l’ouest. Du fait de la topographie pentue du terrain, et de la faible présence d’habitat urbain au nord de la gare, la partie nord de l’enceinte abritant l’arsenal de terre, soit les bastions I-K-L et la porte Sainte-Anne, fut exceptée des démolitions, seule la « coupure Montéty » étant élargie. De la même manière, les projets d’urbanisme n’ayant pas vocation de fondre le parcellaire de la ville avec les secteurs alors peu bâtis de l’est, vers le fort Sainte-Catherine, la percée au droit de porte Notre-Dame parut procurer une ouverture suffisante de ce côté, d’autant qu’un peu plus au sud du même front, la porte Neuve avait déjà perdu ses retranchements défensifs. C’est cette circonstance qui valut à la porte d’Italie et aux deux bastions l’encadrant d’être conservés. La première démolition programmée toucha la porte Notre-Dame, détruite le 20 février 1923 sous l’autorité de M. Colson, ingénieur des Ponts et Chaussées de l’arrondissement de Toulon, ce qui permit de prolonger vers l’est le boulevard de Strasbourg. En 1924, furent démontés les piliers de la porte Neuve, tandis que la porte Missiessy (ou du Las) était supprimée en 1925. D’avril 1926 à février 1928, fut procédé au dérasement de la courtine H-I aux frais de la SNCF, à l’aide d’une machine à vapeur excavatrice, pour dégager l’espace nécessaire à l’extension de la gare de Toulon vers l’ouest. Les terres extraites du rempart des bastions et des courtines étaient chargées dans des wagonnets Decauville sur rails amovibles permettant de les déverser dans les fossés voisins au fur et à mesure du démantèlement.68 Le 7 mars 1928, une convention passée entre la ville de Toulon et l‘Etat entérinait la démolition des remparts nord-ouest de la ville, entre la « coupure Montéty » et la porte Nationale, incluse. Le marché d’adjudication des travaux fut passé le 10 avril 1929, en faveur des entrepreneurs Pellerin et Fages. Cette même année, les deux passages en tunnel du chemin de fer à travers les remparts furent démolis. La démolition de la porte Nationale, dégagée des remparts attenants nivelés, fut amorcée en mars 1930, après la démolition du bastion FG et de la porte de France, qui permirent de mettre en chantier le prolongement ouest du boulevard de Strasbourg. Suspendue, cette démolition fut reprise et achevée en 1933. 67 68 Ferdinand Joseph, « La démolition des remparts », article de presse, Le Petit Var. 10 octobre 1929 Ferdinand Joseph, « La démolition des remparts », article de presse, Le Petit Var. 27 mai 1930 44 La phase principale du démantèlement programmé étant alors achevé, ce qui restait des fronts bastionnés fit encore l’objet, au cours du XXe siècle et au cas par cas, de destructions partielles et d’adaptations ou modifications ponctuelles. A l’intérieur de l’enceinte de l’arsenal, l’enceinte bastionnée de la « darse neuve » de Vauban, avec ses trois bastions (1,2, 12) était encore bien conservée dans son état ancien, avec revêtement à arcades et magasins continus adossés, jusqu’aux abords de la première guerre mondiale. A partir de cette époque, et dans l’entre-deux guerres, diverses améliorations des darses, dont la création d’une grande plate-forme avec deux grands bassins de radoub à double entrée à l’emplacement de l’entrée primitive de la darse neuve (front 1-2) , puis le décloisonnement de cette darse vers celle de Castigneau, ont entraîné la disparition de la majeure partie des restes de l’enceinte maritime de Vauban : courtines-quai 12-1 et 1-2, bastion 1, et la restructuration de l’ancien bastion 2, inclus dans la nouvelle plate-forme. Certaines destructions, rares en vérité (comme le dérasement des revêtements et magasins du bastion 12 de l’enceinte et de la darse Vauban) font suite aux dommages engendrées par les bombardements aériens américains de novembre 1943 et février-mars 1944. Cependant, l’essentiel des destructions ponctuelles ou modifications, hors arsenal, est postérieur à la seconde guerre, volontaires et associé à des contraintes imposées par l’amélioration de la voirie urbaine et périurbaine. On notera dans cette catégorie, et sous l’autorité de la ville, la démolition incomplète du bastion M du front est de l’extension nord, le dérasement du côté droit du bastion 6, à droite de la porte d’Italie, celui de la moitié gauche de la demi-lune de la porte d’Italie, et le percement, en 1975, d’un nouveau passage contigu à celui percé en 1889 à côté de cette même porte d’Italie, afin de faire passer la circulation automobile à double sens par ces deux arches, et de limiter aux piétons le passage par la porte ancienne. C’est à la même date que fut aménagé un parking souterrain dans le fossé décomblé, en dégageant l’ancien pont dormant. En 1986, sous l’autorité de la Marine, quatre arches analogues furent ménagées, aux dépens de quatre casemates de courtine, à raison de deux jumelées de chaque côté de la porte Malbousquet, l’espacement de ces percées jumelles par rapport à la porte étant dicté par le contournement nécessaire des pavillons existant à la gorge de cette porte. Avant cette adaptation, la Marine avait procédé au cours du XXe siècle, à la suppression des ouvrages du front bastionné maritime sud de l’extension Castigneau-Missiessy (Front 9-10-B-A), et à des percées dans le front ouest (7-8-9), laissé en ruines. La porte d’Italie a été inscrite à l’Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques par arrêté du 21 octobre 1986. La porte Malbousquet a fait l’objet d’une inscription identique en 1989 ; le texte de l’arrêté du 19 septembre précise que la protection s’étend aux corps de garde, à la courtine et aux deux bastions. Cette protection se fait dans le cadre du percement de part et d’autre de la porte, d’une arche de passage routier aux dépens de deux casemates, cette issue étant alors devenue l’entrée routière principale de l’Arsenal. 45 DESCRIPTION Site et implantation générale, plan, distribution spatiale, circulations et issues Les principales caractéristiques de la topographie du site de Toulon, ville et arsenal, donc celle des enceintes successives et cumulées du corps de place, ont été décrites dans les différents chapitres retraçant ci-dessus l’évolution historique de cette architecture militaire, tout en définissant les typologies. Il convient toutefois de reformuler ici les caractéristiques topographiques générales en y replaçant les éléments monumentaux qui subsistent. L’agglomération urbaine proprement dite était enclose dans la moitié est / nord-est de la grande enceinte définitive construite entre 1852 et 1861 à partir du front est de l’ancienne, soit les fronts FG-H-I-K-L-M-7-6-5). La partie nord, enveloppant l’arsenal de terre et le quartier Montéty, est fondée sur un terrain en pente, site de l’ancien retranchement SainteAnne, au pied du Mont Faron. Il ne reste de ces fronts bastionnés terrestres que des segments et vestiges discontinus, au nord (I-K-L), témoins des travaux de la décennie1850, et à l’est (76), témoins de l’enceinte bastionnée primitive refondue au XVIIIe siècle. L’emprise de la ville du moyen-âge et du XVIIe siècle, bâtie en terrain plat, tient dans le tiers sud-est de ce périmètre urbain encore en partie clos de la seconde moitié du XIXe siècle, et s’adosse au sud à la « darse vieille » qui a conservé son plan tenaillé du début du XVIIe siècle. L’extension ouest de l’enceinte créée par Vauban pour envelopper son arsenal, adossée au sud à la « darse neuve » a été démantelée en 1859 et effacée du parcellaire urbain bâti à la suite. La darse neuve ou « darse Vauban », largement décloisonnée dans l’entredeux-guerres, côté ouest, sur la darse Castigneau et sur le canal d’accès à la darse Missiessy, se trouve, de ce fait, beaucoup moins bien conservée dans ses contours que ne l’est la darse vieille. Le périmètre des fronts bastionnés du corps de place, ville et arsenal, fixé à la suite de l’extension Vauban, et en place jusqu’au milieu du XIXe siècle, comportait dix bastions et demi-bastions et deux redans numérotés de 1 à 12, dont cinq (2-3-5-6-7) hérités de l’enceinte primitive. Il n’en reste que des vestiges très limités, tant dans le tracé parcellaire qu’en élévation : les bastions (mutilés) 6 et 7, avec la courtine intermédiaire et la porte d’Italie, en sont la principale relique ; cependant, ils ne témoignent plus ni de l’état début XVIIe siècle ni de celui de Vauban, mais de la reconstruction dont ils ont fait l’objet dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Le reste des fronts de terre XVIIe-XVIIIe siècles (8-9-10-11) a entièrement disparu sans laisser de traces. Le souvenir de la demi-lune avortée devant la courtine 11-12, au raccord du front de terre et du front maritime Vauban, est pérennisée par ce qui reste du bâtiment de la boulangerie de l’arsenal, au plan en chevron. Du bastion 12 reste le socle, sans vestige monumental, mais au plan inchangé, séparant la darse neuve de la darse Castigneau. Du demi-bastion 2, angle sud-est de la darse neuve, reste l’emprise, agrandie, abritant trois bassins de radoub de l’Arsenal, et un fragment du revêtement à arcades de la face sud, ultime et pauvre vestige des fronts bastionnés de Vauban à Toulon. L’enveloppe de la darse vieille n’est plus qu’un quai remanié, sur lequel est conservée en élévation la plate-forme d’artillerie casematée gauche de l’entrée de la « chaine vieille », dite aujourd’hui « fortin de l’angle Robert », qui est le seul vestige de l’enceinte de Raymond de Bonnefons. Le prolongement de l’extension nord-ouest de l’enceinte de ville enveloppant la darse de Castigneau, front de 5 bastions cotés A-B-C-D-E, bâtie entre 1849 et 1859, incluse dans la grande extension ouest de 1860-1868, a entièrement disparu. 46 L’extension ouest de la grande enceinte générale du corps de place, bâtie entre 1860 et 1868, enveloppant la vaste aire non bâtie de Missiessy-Malbousquet, domaine de la Marine, annexant le fort Malbousquet transformé en dehors, a laissé des restes monumentaux importants de ses fronts de terre nord et ouest. Si le début du front nord (1-2), fermant la darse Missiéssy au nord, a disparu, de même que le font de mer (9-10-3), le reste du front nord (3-45), l’ancien fort Malbousquet (6) à l’angle nord-ouest et le front ouest (5-7-8-9) existent encore pour l’essentiel, en assez bon état de conservation. Ce sont les vestiges les moins anciens de la grande enceinte bastionnée, et aussi les moins remaniés et les plus monumentaux d’aspect. La topographie, plate pour l’essentiel, comporte un relief, la « hauteur Malbousquet », portant l’ex fort transformé, hauteur que les fronts d’enceinte gravissent. Dans son état final de 1868, le circuit complet de l’enceinte comportait en tout neuf portes, y compris une poterne majeure, et à l’exclusion des poternes logistiques ordinaires, des issues du chemin de fer Marseille-Nice et d’une porte d’eau terrestre par laquelle les eaux du Las, inondant le fossé nord, entraient dans la darse Missiessy. N’est pas non plus comptée au nombre de ces portes du corps de place, toutes fortifiées, avec dehors et pont-levis, la « coupure Montéty » issue non défensive de 1887. A chacune des portes fortifiées du corps de place était associée une appellation toponymique ou emblématique bien définie soit (en prenant les appellation les plus stables et définitives en cas d’appellations successives) d’ouest en est, en sens inverse des aiguilles d’une montre, la porte Neuve, la porte d’Italie, la porte Notre-Dame, la porte ou poterne Sainte-Anne, la porte de France, la porte Impériale ou Nationale, la porte Missiessy, la porte Malbousquet, la porte Lagoubran. Trois seulement de ces portes existent encore : la porte d’Italie, avec les vestiges de sa demi-lune, la porte Sainte-Anne avec ses dehors, et la porte Malbousquet, sans dehors. Seule des trois, la porte d’Italie était une porte de ville à part entière, les deux autres étant d’usage militaire majoritaire (poterne Sainte-Anne) ou exclusif (porte Malbousquet). Les fronts maritimes de l’enceinte complète comportaient quatre portes d’eau, entrées des quatre darses (dans l’ordre chronologique et est-ouest : Vieille, Neuve, Castigneau, Missiessy) sur la petite rade. Les deux plus anciennes avaient comporté une chaîne de fermeture. Seule l’entrée de la darse vieille n’a pratiquement pas changé en plan, encore flanquée du côté gauche par la plate-forme défensive dite « de l’angle Robert » Nomenclature des ouvrages et bâtiments Les vestiges discontinus des enceintes successives et cumulées du corps de place de Toulon, bien qu’ayant participé d’un ensemble continu, sinon unitaire, entre 1868 et le démantèlement, sont difficiles à appréhender dans une approche descriptive tenant compte des parties disparues, sans distinguer trois sous-ensembles, ayant chacun leur nomenclature spécifique : I -Le circuit de l’enceinte défini par Vauban, avec nomenclature chiffrée de 1 à 12. II-La grande extension nord et ouest de 1848-1861 enveloppant ville et darse Castigneau, avec nomenclature lettrée de A à M. III-La grande extension ouest Missiessy-Malbousquet de 1860-1868, avec nomenclature chiffrée de 1 à 10, augmentée du chiffrage 11 et 12 concernant les deux dehors du bastion 5, contregarde et lunette, et 13 pour la contregarde du double bastion 5-6. 47 Il a existé une nomenclature alternative générale chiffrée de 1 à 35, en vigueur de la fin du XIXe siècle au démantèlement, que je n’ai pas retenue parce qu’elle manquait de cohérence et ne concernait pas les fronts supprimés inclus dans les extensions. J’ai choisi de ne pas ajouter à ces nomenclatures un repérage complémentaire pour mémoire concernant le front ouest de l’enceinte fin XVIe siècle, supprimé par Vauban, parce qu’il n’en reste absolument aucun vestige. Les nomenclatures retenues, adoptées historiquement sur une durée significative, sont imparfaites : elles comportent des cumuls (bastion FG) ou élision (pas de bastion J), et deux chiffrages concurrents partant de 1 pour deux secteurs différents de l’enceinte, le plus ancien à l’est et le plus récent à l’ouest69. Certains bastions, les plus anciens, ont eu, outre leur nomenclature chiffrée, un ou plusieurs toponymes successifs, pour la plupart des vocables liés à des établissements religieux voisins ; ceux du XIXe siècle n’en ont pas. Aucune des portes du corps de place, enceinte de la ville et enceinte ouest n’est désignée par un chiffre ou une lettre des nomenclatures, ce qui est en partie compensé par le fait que toutes ont une appellation toponymique. Le fort Malbousquet conserve sa propre nomenclature chiffrée indépendante, sujette à confusion avec celle l’extension ouest du corps de place dont il est devenu un dehors complexe, d’autant que le n°6 désigne d’une part le bastion nord-ouest du corps de place, d’autre part le réduit (ancienne lunette) du fort. Selon la logique d’inventaire du patrimoine, la description par nomenclature des ouvrages de l’enceinte de Toulon ne concerne que ceux qui existent encore, épargnés par le démantèlement et les destructions du XXe siècle. Ils sont cependant replacés par souci de cohérence méthodologique dans les trois sous-ensembles topographiques et historiques de l’enceinte, et dans les trois nomenclatures correspondant à ces sous-ensembles, mais sans description des ouvrages disparus, simplement listés dans la nomenclature. Ces ouvrages disparus sont en effet suffisamment caractérisés, avec ceux existant encore, par les notions de typologie générale énoncées dans l’exposé historique détaillé qui précède. Aménagements particuliers et bâtiments militaires sur l’enceinte Les bâtiments militaires structurellement incorporés à l’enceinte du corps de place de Toulon (comme ceux d’un fort le sont dans l’ouvrage fortifié), et aujourd’hui conservés, sont décrits dans ce dossier monographique consacré à l’enceinte, et non dans ceux, distincts, concernant les bâtiments militaires de la ville et ceux de l’arsenal. C’est le cas notamment des corps de garde et pavillons des porte d’Italie et Malbousquet, du magasin à poudres du fort Malbousquet et de la caserne casematée du double bastion 5-6, contigu au fort, faisant partie du complexe défensif Malbousquet. Le fort Malbousquet dans sa totalité est inclus dans cette monographie de l’enceinte, car dans son dernier état, il n’est plus un ouvrage extérieur indépendant, mais un dehors complexe indissociable de cette enceinte. D’autres bâtiments militaires entrant dans cette catégorie intégrée aux ouvrages de l’enceinte ont disparu, sans pour autant que l’ouvrage ou l’ensemble qui les abritait ait été détruit : c’est le cas de la caserne « Gardanne » du bastion K, remplacée par le bâtiment actuel de la préfecture du Var. Le magasin caverne de Malbousquet, qui, bien que situé hors et à quelque distance du fort et de l’enceinte, était une dépendance du corps de place, non un bâtiment militaire de la ville ou de l’arsenal, est conservé, mais n’a pu être visité. 69 Aucune confusion n’est possible, ces deux sous-ensembles étant bien dissociés, et séparés par le troisième, dont la nomenclature est lettrée. 48 Les trois sous-ensembles de l’enceinte du corps de place70 I – L’enceinte de la ville ancienne et des darses Vieille et Neuve Ce premier sous-ensemble numéroté de 1 à 12 cumule l’enceinte bastionnée 15891610, excepté son front de terre ouest, et l’extension Vauban de 1681-1691 qui a remplacé ou doublé les fronts de terre et de mer du côté ouest. Ce sous-ensemble est resté l’enceinte du corps de place jusque 1852, et a été en grande partie démoli (fronts de terre nord et ouest) en 1859, du fait de la construction de l’extension nord (1852-1861) 1 – Bastion du Las (Disparu) En place et achevé en 1691 ; bastion de l’enceinte Vauban de la nouvelle darse, sans terreplein intérieur, formé d’un quai et d’un revêtement à niches-arcades, qui était adossé en continu d’ une série de magasins. Détruit dans l’entre-deux guerres. 1-2 – Courtine et entrée de la chaîne neuve (Disparues) ou porte d’eau de la darse Neuve ou Darse Vauban en place et achevée dès 1691, avec série de magasins adossés en continu vers l’intérieur du revêtement à niches-arcades. Détruites dans l’entre-deux guerres. 2 –Demi-bastion de la Darse. (Vestiges de superstructures) Demi-bastion de l’enceinte de la nouvelle darse, en place et achevé en 1691, adossé au redan gauche du front tenaillé de l’enceinte de la vieille darse : « joignant l’ancienne fortification » (1738). Sans terre-plein intérieur, formé à l’origine d’un revêtement ou mur épais portant chemin de ronde simplement porté par une série continue de niches-arcades structurantes vers l’intérieur, donnant sur un quai. Les niches-arcades étaient adossées d’une série continue de magasins de désarmement. Ce demi-bastion accueille en 1774-1778 dans son aire intérieure, adossé au quai entre darse neuve et darse vieille, le premier bassin de radoub du port de Toulon (et de l’ensemble des ports français de la Méditerranée), conçu par l’ingénieur Antoine Groignard (Fig.1-2). A ce bassin, deux autres sont ajoutés selon un projet de 1832, réalisé pour l’essentiel avant 1840, entraînant le terrassement complet de l’aire du demi-bastion, sans changer les autres dispositions d’origine, si ce n’est par la construction d’un magasin supplémentaire à la tête des bassins de radoub, détaché des magasins adossés. Ces derniers étaient réaffectés, depuis l’Empire, au bagne de Toulon. Ces dispositions demeurent inchangées jusque l’entre-deux guerres mondiales. Alors, l’enveloppe extérieure du demi-bastion est incluse dans une grande plate-forme fondée pour l’essentiel hors œuvre de la darse, de plain-pied avec les quais, destinée à accueillir deux nouveaux bassins de radoub très allongés à double entrée (dits improprement « les grands bassins Vauban ») à l’emplacement de l’entrée primitive de la darse neuve. L’ancien revêtement et les magasins adossés du demi-bastion sont alors maintenus en place, mais ils sont en majeure partie détruits par les bombardements de 1944. Le seul vestige architectural de l’élévation émergée de ce demi-bastion est un tronçon du revêtement de sa face droite. Cette face droite, fondée dans les eaux de la petite rade à 70 Pour chacun des trois sous ensemble I-II-III, l’illustration photographique de l’état actuel des lieux est spécifique et numérotée à partir d’une Fig. 1. 49 laquelle elle fait face, comportait dans son développement rectiligne, entre l’angle d’épaule flanquant l’entrée de la darse et l’angle de capitale, une série de vingt-huit niches-arcades, chacune percée d’une embrasure frontale pour le tir à fleur d’eau. Le tronçon conservé, plus proche de l’angle de capitale que de l’angle d’épaule, comporte six niches-arcades, dont une arrachée (Fig. 3), trois défoncées. Le niveau du sol actuel autour de ce tronçon est surhaussé d’au moins 1,50m (apport de remblais de démolition sur le terrassement ancien ?) par rapport au niveau de l’ancien quai de la fin du XVIIe siècle, en sorte que la partie inférieure des niches-arcades, qui comportait les embrasures, est ensevelie. La face intérieure du mur est parementée en blocage enduit. Elle garde une trace d’appui de la série des magasins de désarmement entièrement détruits, dont chaque travée correspondait à deux niches-arcades : l’arrachement d’un mur de refend entre deux niches, et un corbeau d’appui d’une pièce de charpente au-dessus d’une niche (Fig. 4). Le parement du revêtement extérieur (Fig. 4), en assises réglées de moyen appareil, laissées rustiques (non dressées mais sans bossage saillant nettement délimité par une ciselure) reste visible dans la moitié supérieure de son élévation (l’inférieure, fondée directement dans les eaux de la rade, est masquée par la plate-forme établie dans l’entre-deux guerres), jusqu’au cordon inclus ; la hauteur actuelle du sol au cordon est d’environ 3m, celle d’origine du niveau de l’eau au cordon était d’environ 6m (18 pieds). Le parapet a disparu, mais le chemin de ronde d’arase demeure. 2-3 – Front tenaillé, porte d’eau de la vieille darse, et plates-formes d’artillerie casematées. Le plan général de ce front, formant un môle ou quai tenaillé centré sur l’entrée ou passe de la darse vieille, demeure reconnaissable, car peu modifié depuis l’origine, excepté par un élargissement du quai. Le revêtement ou mur d’enceinte d’origine du môle côté rade, qui comportait des embrasures et des arcades aveugles côté quai, et un chemin de ronde encadré de deux parapets maigres, celui vers la rade crénelé, a entièrement disparu. Vers l’extrémité de la branche ou redan gauche (ouest) du front tenaillé du môle, est conservée en élévation le « fortin de l’angle Robert »71 (Fig. 6), une des deux plate-forme d’artillerie casematées de plan grossièrement rectangulaire (de grand axe sensiblement estouest), qui encadraient l’entrée de la vieille darse, en dégageant à la gorge un passage étroit continuant le quai, et, du côté de la passe ou porte d’eau, un espace ou terrasse à ciel ouvert, plus large que le quai, ou se faisait la manoeuvre de la chaîne (dite « la chaîne vieille »). Cette plate-forme ne remonte pas à la construction initiale de Raymond et Jean de Bonnefons, peu après 1600, mais a été construite vers 1638 -1640, D’après le dessin détaillé de la darse, avec projet d’arsenal, fait par Pierre Puget vers 1670, la terrasse d’artillerie supportée par un rez-de-chaussée casematé, était bordée d’un gros parapet avec quatre embrasures face à la rade, souligné à la base par un cordon continuant celui du mur d’enceinte du môle. Vauban mentionne les plates-formes dans son mémoire de 1679, en proposant de convertir les « vieux corps de garde enfoncez dans le centre de la platte forme » en magasins à poudres, en les voûtant selon les mêmes principes que les magasins à poudres à construire à neuf. Des plans des années 1760, confirmés par des relevés détaillés de 1818-1820, indiquent l’ajout d’un corps de garde de trois travées de pièces, sur la terrasse de la chaîne vieille, devant la face est de la plate-forme casematée, séparé d’elle par un étroit passage découvert. D’après ces plans, la plate-forme d’artillerie proprement dite était desservie par le 71 Appellation relativement tardive (XXe siècle) et assez impropre. 50 chemin de ronde d’arase du revêtement ou mur d’enceinte du môle, légèrement plus bas, encadré de deux parapets maigres. Le quart nord-ouest du rectangle de plate-forme était constitué d’un corps de maison enclavé, non casematé, à deux niveaux, percés d’une porte et de fenêtre en façade nord, sur le quai, et couvert d’un toit à deux versants. Le parapet d’artillerie sud est indiqué avec trois embrasures au lieu des quatre figurées par Puget. Les plans indiquent plus précisément que la quatrième embrasure frontale est remplacée par une large ouverture dans l’angle nord-est, regardant l’approche de la passe, et tenant lieu d’embrasure d’angle. Dans l’état actuel, la plate-forme est conservée pour l’essentiel, dans sa partie principale massive et casematée, mais la maison enclavée a entièrement disparu, laissant un renfoncement en angle rentrant dans le rectangle de base devenu plan en L (Fig. 7). Le corps de garde ouest a également entièrement disparu, de même que les murs de garde de la terrasse de la chaîne côté rade. La moitié est (vers la passe) du rectangle de base de la plateforme abrite deux casemates transversales jumelles, du type casemate de logement de troupes, voûtées en berceau segmentaire (Fig. 8-9), dotées chacune de deux baies (porte et fenêtre) au nord vers le quai, et communiquant par une porte dans le mur de refend. Les voûtes étaient brutes de décoffrage, ce qui est encore visible pour l’une, masqué pour l’autre par un enduit couvrant. Le quart sud-est subsistant du rectangle abrite une ancienne citerne désaffectée, voûtée en berceau avec enduit hydrofuge, devenue casemate aveugle accessible de plain-pied depuis le quai par une porte du XXe siècle. L’élévation est très remaniée par rapport à l’état documenté par le dessin de Puget. Le cordon et le parapet d’artillerie qui régnaient seulement sur le sud (vers la rade) et le côté est (vers la passe), dont le revêtement accuse un léger fruit, ont entièrement disparu (Fig. 6). Le parapet de la plate-forme actuelle, ordinaire et sans créneaux ni embrasures, est dérasé sur presque tout le côté sud et sur le quart sud-ouest ; le niveau de sol d’origine de la plate-forme était sans doute plus haut d’un mètre que dans l’état actuel, du fait d’une recharge de remblais sur les reins des voûtes des casemates, sur lequel portaient les pièces d’artillerie. Les parements extérieurs sont revêtus d’un enduit couvrant uniforme au ciment ne démasquant que les chaînes d’angles en pierre de taille blanche (reprises au XIXe s), sauf sur la face est, vers la passe. Cette face (Fig. 11) a conservé son parement d’origine, en blocage de pierres de tout venant, encoignure en pierres de taille grise à l’angle nord-est. Deux baies murées à encadrement en pierre de taille, couvertes d’un arc segmentaire, condamnées dès avant 1760 du fait de la construction du corps de garde masquant cette face, restent lisibles sur ce parement : elles semblent correspondre à deux embrasures regardant la passe, jadis desservie depuis la casemate est. L’escalier actuel à deux volés à ciel ouvert qui s’adosse hors oeuvre à cette face pour accéder à la plate-forme, est contemporain de la construction du corps de garde aujourd’hui disparu, donc antérieur à 1760 ; il était, jusqu’à la suppression du corps de garde, logé au fond du passage étroit régnant entre ce corps de garde et la plate-forme, et invisible de l’extérieur 3 – Redan dit « Pointe du Mourillon » (dérasé) Partie de l’enceinte ou môle tenaillé de la darse vieille conçue par Raymond de Bonnefons. Il n’en reste que le soubassement, formant le môle actuel, sans aucun vestige en élévation du mur d’enceinte ou revêtement défensif. 4 – tenaille (dérasée) Partie rentrante de l’enceinte ou môle tenaillé de la darse vieille conçue par Raymond de Bonnefons. Il n’en reste que le soubassement, formant le môle actuel, sans aucun vestige en élévation du mur d’enceinte ou revêtement défensif. 51 5 – Demi-bastion de la Poncherimade et porte Neuve (disparus) Ouvrage sans terre plein intérieur, participant de l’enceinte de la darse vieille, conçu par Raymond de Bonnefons au début du XVIIe siècle pour faisant raccord avec les fronts bastionnés de l’enceinte de la fin du XVIe siècle. Son aire intérieure, formant quai, accueillait, dans la seconde moitié du XVIIIe s, un magasin aux vivres et un poste de garde relevant de la Marine et la boulangerie relevant de la Guerre, pour la garnison La « porte neuve » avait été percée dans la face gauche de ce bastion en 1832-1834, précédée de dehors dont un nommé « bastion de la Rode ». 5-6 – Courtine (disparue) Participait de l’enceinte de 1589, remaniée au XVIIIe siècle. Comportait une tenaille. 6 – Bastion des Minimes Le bastion définitif résulte de la refonte intégrale, en lieu et place, de 1770 à 1787, d’un bastion à orillons semi-circulaires de l’enceinte urbaine de 1589, d’abord nommé bastion de Saint –Jean, ensuite renommé en référence au couvent des Minimes implanté en ville près de sa gorge. Le magasin à poudres projeté dans l’aire intérieure du bastion primitif en 1694, était en place en 1699 et le resta jusqu’au démantèlement consécutif au déclassement de la place. A partir de 1710, l’organisation interne du bastion fit l’objet de projets, en premier lieu un gros cavalier pentagonal revêtu avec batterie d’embrasures, qui devait remplacer ou recouvrir le magasin à poudres. Le projet général Milet de Monville de 1764 proposa l’agrandissement de ce bastion et du bastion 7 (Saint-Bernard) en chemisant le revêtement de 1589 par un nouveau revêtement à contreforts intérieurs reliés par des arceaux, qui ménageait dans l’intervalle des souterrains à l’épreuve sur deux niveaux, théoriquement utilisables comme galeries de contremines. Ces souterrains, au niveau du fond des fossés, devaient communiquer à des poternes discrètement ménagées dans la face intérieure de l’orillon selon le modèle des bastions édifiés sur le projet de Vauban à l’ouest de l’enceinte (bastions 10 et 11). Le nouveau plan du bastion des Minimes copie précisément le modèle de Vauban, particulièrement dans la forme des flancs retirés plus larges que ceux de 1589, en hémicycle rentrant derrière des orillons semi-circulaires, et imposant la brisure rentrante de l’axe des courtines attenantes. En 1772, le nouveau revêtement était monté jusqu’au-dessous du cordon, avec un flanc gauche à orillon conforme au projet, et un flanc droit en retour d’angle obtus, sans orillon. L’aire intérieure devait recevoir des souterrains casematés adossées au revêtement, sous la banquette d’artillerie, et ouvrant sur une place d’armes occupée par le magasin à poudres. Ce projet était abandonné dès 1776, cédant place à un simple rempart avec parapet d’artillerie, amorti vers l’aire intérieure, autour du magasin à poudres, en talus de terres coulantes. En 1787, le parapet étant achevé, il n’était plus question que de bâtir un mur en pierres sèches pour soutenir et arrêter les terres coulantes du talus intérieur. Cet état des lieux ne subit aucun changement jusqu’en 1846, date à laquelle les parapets en terre du bastion furent reformés, en ajoutant deux traverses sur la face gauche. Le bastion demeura dans cet état jusqu’au déclassement de la place, et subit à la suite du démantèlement les lourdes mutilation qui ont détruit les trois quarts de sa surface. Il n’en reste aujourd’hui en élévation que le flanc gauche, avec son orillon (Fig. 12), et un tiers environ de la face gauche, supportant un petit jardin en terrasse établi sur l’ancienne banquette d’artillerie. Les parements extérieurs accusant un léger fruit, appareillés à bossage rustique, sont bien conservés jusqu’au cordon inclus (Fig. 13), qui n’est pas surmonté d’un parapet 52 d’artillerie en pierre, à la différence de ce qu’on observe au bastion Saint-Bernard (7), mais d’un large parapet en terre. Cette différence est une disposition d’origine, liée à un changement de parti intervenu dans le traitement des « dessus » (parapets et banquettes) entre l’époque de la construction du bastion Saint-Bernard, soit 1762-1775, qui comporte un parapet d’artillerie maçonné, et celle du bastion des Minimes, qui, comme la courtine intermédiaire, n’en a jamais comporté. Le flanc retiré de plan en hémicycle assez large, et l’orillon comportant un pan coupé droit du côté du flanc, sont par ailleurs identiques à ceux du bastion Saint-Bernard. La modeste portion subsistante du bastion des Minimes a été séparée après 1930 du reste de l’ancienne emprise, rasée, par la percée d’une ruelle dite « passage des fortifications » ; la tranchée coupée dans le terre-plein est refermée par un mur de soutènement dont la mise en œuvre imite trompeusement celle des parements du revêtement fin XVIIIe siècle, avec bossages et cordon, en plus régulier (Fig. 14). Au point de raccord de ce mur de terrasse avec le pavillon à étages de 1820 qui termine au sud les casemates de la courtine 6-7, en limite de la gorge du bastion, un escalier en pierre à deux volées fermé sur la rue par un portail permet d’accéder au jardin suspendu, réservé à l’usage des appartements d’étage du pavillon (Fig. 15). Le reste de l’emprise du bastion, soit la majeure partie, de l’autre côté de la ruelle, a été rasé, mais son plan est pérennisé par celui des grands immeubles d’habitation qui en occupent l’emplacement et ont été bâtis sur ses fondations. Un vestige de maçonnerie de la face droite subsisterait dans le rez-de-chaussée commercial d’une des barres d’immeuble. 6-7 – Courtine et porte Saint-Lazare, ensuite porte d’Italie. Demi-lune Saint-Lazare : Ce secteur allant du bastion 6 au bastion 7 constitue le vestige monumental le plus remarquable et le plus dense de l’ancienne enceinte urbaine antérieure aux extensions du second Empire. Il cumule, outre les deux bastions en partie conservés, une courtine et son rempart, et une porte de ville précédée des restes d’une demi-lune, porte et courtine étant des ouvrages de fortification, mais aussi des bâtiments militaires, par les trois pavillons d’officier, dont celui de la porte proprement dite au centre, reliés entre eux par des casemates sous le rempart. La courtine et la porte de ville qui la traverse faisaient partie de la première enceinte bastionnée de 1589, mais, dans ce cas comme dans celui des deux bastions attenants, les reconstructions systématiques échelonnées de la décennies 1760 à 1791 ont substitué de nouveaux ouvrages aux anciens, qui ont été recouverts et masqués, et dont ne reste plus de ce fait aucun vestige archéologique apparent. Dès son projet de 1691, Vauban avait proposé de remplacer l’ancienne porte Saint Lazare, décentrée, par une porte neuve dans l’axe de la courtine, ce qui ne fut réalisé qu’un siècle plus tard. Un projet dessiné en 1710 sous influence des fronts bastionnés de Vauban créés quinze ans plus tôt au nord-ouest de l’enceinte, tendait à créer une brisure rentrante dans l’alignement de la courtine, à la rencontre des flancs retirés des bastions, permettant d’élargir les flancs existants de la fin du XVIe s, trop étroits derrière l’orillon, qu’il était prévu d’amaigrir en créant un pan coupé. Des casemates portant plate-forme d’artillerie ou chemin de ronde étaient également proposées au revers de la courtine, en remplacement du rempart sommaire et étroit en terre coulante. Ces deux propositions ont trouvé une réalisation tardive, la première dans le programme de la reconstruction du revêtement en 1787-1791, la seconde vers 1820. L’état actuel de la courtine, de part et d’autre de la porte d’Italie (Fig. 16), est conservé sur toute l’élévation créée en 1790, caractérisée par son parement à bossages 53 rustiques de moyen appareil profilé en fruit, terminé par un cordon, et surmonté d’origine par un parapet en terre profilé en glacis. Dans la partie centrale de cette courtine, de chaque côté de la porte, ces profils de terre ont été supprimés après le déclassement de 1921, pour faire place à des jardins sur le rempart, avec muret de clôture ou parapet maigre construit au-dessus du cordon. On remarque les deux brisures ou pans coupés rentrants caractéristiques formés par ce revêtement quelques mètres avant le raccord aux flancs retirés des bastions attenants (Fig. 17). Du fait du comblement presque complet du fossé, destiné faire régner le sol extramuros de plain-pied avec le sol extra-muros, seuls les deux tiers supérieurs du nu extérieur du parement restent visibles Comme dans le cas des bastions, le nouveau revêtement de la courtine avait été appuyé à l’ancien en laissant d’étroits vides intermédiaires entre les contreforts intérieurs, mais, dans la réalisation de 1787-1791, plus tardive que celle des bastions, ces vides n’avaient pas été mis en communication pour former une galerie de contremine. Les dix casemates de casernement établies vers 1820 sous le rempart de la courtine, à raison de cinq de chaque côté du pavillon de la porte d’Italie, jusqu’au droit des flancs des bastions contigus, sont toujours en place (Fig. 18), complètes de leur voûte en berceau bâtie en blocage enduit, décapé dans certaines casemates (Fig. 19). Cependant, deux des cinq situées à gauche (nord) de la porte, la troisième et la quatrième en partant du flanc du bastion 7, sont défoncées (l’une depuis 1889, l’autre depuis 1975) et transformées en passage routier réservé au trafic automobile, ce qui a entraîné la disparition de leur façade côté ville (Fig. 20) et la percée de deux arches en plein-cintre dans le revêtement extérieur de la courtine (Fig. 16). La profondeur des casemates traverse tout le rempart et atteint la face intérieure du revêtement de 1787-1791 ; c’est du fait de leur construction, vers 1820, que furent démolis l’ancienne porte Saint-Lazare et de la partie supérieure de l’ancien revêtement de 1589, qui avaient été conservés « fossilisés » en 1791 dans la masse du rempart (le passage voûté de l’ancienne porte condamnée y avait été réutilisé en 1791 comme casemate unique). Chaque fond de casemate correspond précisément au nu intérieur du revêtement de 1791, mais sans les contreforts intérieurs portant voûte, qui, démasqués par le déblaiement des terres du rempart, furent supprimés en 1820, pour céder place aux murs de refend et aux voûtes en berceau des casemates formant contrebutement. Ces fonds de casemate sont équipés de deux créneaux à ébrasement intérieur (pour la fusillade à courte portée et pour la prise de jour) traversant le revêtement de 1791, qui n’en comportait aucun dans l’état d’origine (faute de galerie d’escarpe). Les façades des casemates face à la ville sont constituées d’une série de murs de remplage, bâtis en décharge sous les voûtes en berceau, ce qui se remarque peu de l’extérieur, les limites de chaque casemate n’y étant pas marquées par une arcade apparente inscrivant le remplage, mais au contraire masquées par la continuité des assises du parement en pierre de taille appareillée (Fig. 18). Chaque façade de casemate est percée au centre d’une porte de plain-pied couverte d’un arc plein-cintre avec claveaux à crossettes extradossés en escalier, encadrée symétriquement de deux fenêtres rectangulaire (Fig. 21). Le mur de remplage ne monte pas jusqu’en haut de la voûte, ce qui permet de réserver dans l’intervalle une ouverture de jour horizontale dont l’appui est directement couvert d’un arc de décharge segmentaire habillant en façade le débouché de la voûte (Fig. 22). Un bandeau carré saillant horizontal court d’un bout à l’autre des façades, recoupé par les portes, régnant au niveau des sommiers de l’arc de celles-ci, et soulignant la base de la plate-bande des fenêtres. Dans les casemates qui ont conservé leur menuiserie ancienne, ce bandeau est prolongé par un linteau de bois dans la porte, isolant l’ouvrant à deux battants d’un tympan fixe vitré. Ce niveau de bandeau horizontal correspond, à l’intérieur, à celui d’un plancher qu’il aurait été possible d’établir pour entresoler les casemates, en cas de nécessité. Les portes de communications entre casemates ménagées dans les murs de refend en deux points -au revers de la façade et au 54 ras du mur de fond- (Fig. 19), et les créneaux du mur de fond, règnent sous ce niveau de plancher optionnel, dont les casemates visitées ne conserve pas trace d’exécution. L’élévation en pierre de taille de la façade des casemates dépasse d’un bon tiers de l’élévation totale le niveau d’extrados des voûtes (arcs de décharge apparents), pour masquer la banquette de terre couvrant les reins des voûtes à l’épreuve : elle comporte un bandeau continu marquant l’arase, qui est l’équivalent, côté ville, du cordon de la courtine, à niveau égal ; au dessus règne un muret d’appui ou parapet aveugle couronné d’une tablette, le tout dérobant aux vues la banquette d’artillerie du rempart. La façade des deux casemates transformées en passage routier a été supprimée en conservant le jambage des deux fenêtres côté mur refend, qui a été prolongé verticalement pour former les piédroit d’une grande arcade couverte en arc segmentaire. La série de casemates est terminée de chaque côté, au revers des flancs des bastions 6 et 7, par un gros pavillon carré en forte saillie hors œuvre, élevé sur trois niveaux planchéïés, dont deux étages carrés logeables, le tout couvert d’un toit à quatre versants, à faible pente, revêtu de tuiles-canal. Ces pavillons (Fig. 23, 18) contrastent avec les façades des casemates par leur plastique murale sobre, civile d’aspect, avec double bandeau entre le rez-de-chaussée et les étages, à parements enduits (emploi de la pierre de taille limité aux encoignures). Ils ont cependant été construits en phase avec ces casemates, afin de composer, côté de la ville, à partir du pavillon préexistant de la porte d’Italie, un ensemble axé et symétrique de façades monumentales. Celui de droite (sud), attenant à la gorge du bastion 6, accueillait des latrines collectives et une cuisine au rez-de-chaussée. Un escalier à volée droite unique à ciel ouvert, ménagé d’origine entre le pavillon de gauche (nord) et la première casemate contiguë, permet d’accéder accessoirement au premier étage du pavillon (régnant à mi-hauteur du rempart), puis à la banquette du rempart régnant au-dessus des casemates, de plain-pied avec le second étage. Un autre escalier, en bois, à rampes droites, intégré dans chaque pavillon, assurait la communication verticale interne des trois niveaux. Les étages de ces deux pavillons, comme celui de la porte d’Italie proprement dite, étaient affectés à des logements d’officiers ou de personnel administratif ; après le déclassement de 1921, ils ont été aliénés pour y aménager des appartements privés. Cette relative transgression d’usage, ou plutôt de statut, s’est accompagnée de l’aménagement de jardins sur le rempart, aux dépens des banquettes et parapets d’artillerie en terre, avec cloisonnements des parcelles. Les façades des casemates étaient isolées de la place publique par une ruelle, aujourd’hui très légèrement encaissée en « cour anglaise », fermée d’une grille à mur-bahut et piliers carrés en pierre de taille régnant entre l’angle saillant du pavillon de la porte d’Italie et celui des deux pavillons d’extrémités ; l’entrée de la ruelle était ménagée dans l’axe du développement de la clôture, formant une porte-grille de gabarit piéton entre deux des huit piliers libres de la grille. Cette grille est conservée, mais remaniée (rythme des piliers modifiée, porte supprimée, grilles changée) devant trois des cinq casemates de gauche (nord), en partant du pavillon (Fig. 23), et s’interrompt net au droit des deux casemates devenues passage routier. Du côté droit (sud) de la porte d’Italie, les façades des casemates sont mieux conservées, mais la grille de la ruelle a presque entièrement disparu. La porte d’Italie proprement dite est composée classiquement d’une façade extérieure en pierres de taille intégrant un pont-levis à flèches (Fig. 24), suivie d’un passage d’entrée voûté traversant le rempart, débouchant côté ville sous un vaste pavillon de plan barlong à deux étages, engagé dans le rempart. Son aspect actuel, à quelques remaniements près, est en tous points conforme, aux dessins du projet établi par l’ingénieur Vialis en 1787. Elle était achevée en 1791, et le seul véritable changement apporté à ses dispositions d’origine est l’adjonction, au-dessus de l’étage unique du pavillon d’origine, d’un second étage en attique (Fig. 25), qui a remplacé le toit d’origine à croupes, étant lui-même couvert par un toit à plus 55 faible pente, revêtu de tuiles-canal, actuellement largement replacée par des panneaux de couverture en fibro-ciment ondulé. Cet étage attique a été réalisé vers 1820, en phase avec la construction des deux pavillons carrés qui terminent la série des casemates logées sous le rempart. Il s’agissait d’aligner l’élévation et le nombre d’étages du grand pavillon central préexistant à ceux des deux pavillons latéraux. Le second étage est incorporé en partie dans le volume du toit, sans comble, à la faveur d’un plafond surhaussé sous les entraits retroussés, formant une voûte déprimée en plâtre (Fig. 26). Ce type de couvrement se retrouve à l’identique dans les deux pavillons carrés. Le passage d’entrée traversant le rempart forme un souterrain de quatre travées carrées voûtées en berceau, avec arcs-doubleaux (Fig. 27); la première travée, derrière la façade d’entrée à pont-levis, est plus haut voûtée que les autres, pour accueillir, à l’horizontale, le bâti de charpente formant contrepoids des flèches du pont-levis (Fig. 28) lorsque celui-ci était baissé, comme il l’est aujourd’hui de manière permanente. Ces flèches et cette charpente de contrepoids sont conservées en place, calées par une potence pivotante en ferronnerie scellée aux murs, témoignant de leur dernier état historique (état refait ou réparé au XIXe siècle). L’arcade charretière unique de la porte n’a jamais comporté de vantaux, le tablier du pontlevis, doublé du bâti du contrepoids, étant jugés une fermeture suffisante. Le passage débouche dans un porche voûté décloisonné (Fig. 27), ménagé au rez-dechaussée du pavillon, formant trois travées, la médiane se confondant avec la cinquième travée de passage, flanquée de deux autres un peu moins larges. Chacune des trois s’ouvre par une grande arcade en plein-cintre au bas de la partie centrale de la façade du pavillon (Fig. 25), l’arcade centrale, très légèrement plus grande, seule accueillant une chaussée carrossable étant flanquée de chasses-roues (Fig. 29). Cette partie centrale de la façade se distingue parce qu’elle forme un léger avant-corps, à ce niveau entièrement bâti en pierre de taille appareillée à refends (ou bossages continus plats). La stéréotomie soignée de ces trois travées de porche voûtées d’arêtes (Fig. 30) -arêtes en pierre, voûtains en briques enduites- (Fig. 31) contraste avec les voûtes en berceau en blocage enduit un peu lourdes des autres travées du passage. Ces voûtes grossières ne sont pas d’origine : elles ont remplacé en 1816 les voûtes d’arêtes de 1791, qui étaient tombées en ruines, sapées par la filtration des intempéries dans leurs reins, que l’inachèvement de la banquette de terre du rempart avaient laissé dégarnis, en forme de cuvette. De chaque côté du porche, le rez-de-chaussée du pavillon, de plan barlong allongé, comporte encore deux travées de locaux voûtés ; celles du côté droit (sud) seules sont divisées par un mur de refend. La première de ces deux travées de droite, ayant sa porte sous le porche abritait le corps de garde, tandis que celles de gauche, décloisonnées, ayant aussi leur porte d’entrée sous le porche, auraient été en partie utilisées comme prisons. Chaque travée prend jour en façade par une fenêtre rectangulaire à chambranle, sauf la seconde travée, la fenêtre y étant remplacée par une porte surmontée d’une imposte, faute d’un autre accès. Il n’existe aucune communication entre ce rez-de-chaussée voûté et le premier étage, qui n’est accessible que par deux volées d’escalier à ciel ouvert disposées symétriquement de chaque côté du pavillon, montant sur le rempart le long des deux murs-pignons (Fig. 25). Cette disposition d’origine, figurant au projet de 1787, sans doute restaurée lors de la construction des casemates vers 1820, a été copiée à cette dernière époque, on l’a vu, au pavillon latéral de gauche (nord). A la transition du rez-de-chaussée et de l’étage, la façade et les murs-pignons offrent un registre de trois assises de pierre de taille entre deux bandeaux saillants, tranchant avec les parements courants enduits, et soulignant fortement les horizontales. Les verticales sont surtout marquées aux angles du bâtiment, dont les chaînages en pierre d’appareil forment un dosseret saillant. Recoupé par deux murs de refends et des cloisons tardives, entièrement dénaturé par les aménagements contemporains des bureaux qui l’occupent, le premier étage n’a plus de son 56 état d’origine que ses fenêtres, réparties sur ses quatre côtés, et sa porte donnant de plain-pied sur le rempart. Encore ces baies à chambranle ont-elles été remaniées, notamment par abaissement de l’appui. Les fenêtres de la grande façade côté ville, superposées en travées régulières aux sept baies du rez-de-chaussée, ont été augmentées en nombre (à une date inconnue, après 1921 ?) par la percée de deux fenêtres supplémentaires dans les trumeaux séparant les trois fenêtres d’origine de la partite centrale en avant-corps. Le premier étage, unique à l’origine, est couronné d’un entablement à corniche à réglet, vigoureusement profilée, qui terminait l’élévation primitive. Cet entablement est surmonté par l’étage attique de 1820, doté de sa propre corniche en doucine, étage attique dont les petites fenêtres carrées reprennent le rythme des travées des façades. Au dessus de la partie centrale du bâtiment, qui forme un léger avant-corps en façade, le toit sur charpente à deux versants et croupes s’interrompt et fait place à un surcroît d’élévation murale de plan carré un peu plus haut que la faîtière, portant une plate-forme ou toit terrasse, égoutté côté façade par une série de goulottes en zinc. La maçonnerie de ce surcroît, terminée par une tablette, semble correspondre à un second remaniement du XIXe siècle, postérieur à l’étage attique de 1820. La communication interne entre l’étage attique, cloisonné en petites chambres et appartements aujourd’hui à l’abandon (Fig. 32), et le toit terrasse, est assurée par un petit escalier tournant en pierre avec rampe en fer forgé (Fig. 33). La façade d’entrée de la porte à pont-levis, entièrement bâtie en pierre de taille blanche, offre une ordonnance assez lourde, dépourvue de fronton (Fig. 34). Selon une disposition très classique, son soubassement, en parement lisse de pierre de taille ébauchée, forme une légère saillie sur le mu du parement à bossages de la courtine, dont il reprend le fruit, et se termine par un cordon. Au dessus, la façade de la porte passe au plan vertical, se décollant progressivement du plan incliné de la courtine, et dépasse le cordon supérieur de celle-ci d’environ 2,50m. L’arcade d’entrée, en plein-cintre, avec claveaux à crossettes, est inscrite dans un encadrement rectangulaire en retrait destiné à l’encastrement du tablier du pont-levis en position fermée. De part et d’autre, une paire de pilastres d’ordre toscan, dont les chapiteaux règnent au niveau du cordon de la courtine, portent un entablement lui-même surmonté d’un attique, dont la première assise faisant transition avec le haut de la corniche, est profilée en talus. Les engravures verticales des flèches du pont-levis recoupent l’entablement et la moitié inférieure de l’attique, sur trois assises. Selon le projet Vialis de 1787, de part et d’autre des pilastres jumelés, le parement des angles de la façade et du grand cadre bordant le côté intérieur des pilastre et le dessous de l’entablement, devait être traité en bossages continus tabulaires. Cette finition n’a pas été réalisée, pas plus que le décor emblématique qui devait être sculpté sur la table rectangulaire laissée nue au-dessus de l’arcade d’entrée. Il s’agissait classiquement des armes de France surmontées de la couronne royale : cette emblématique, logique en 1787, n’était plus pertinente en 1791, date de finition de cette façade, la Révolution étant passée entre temps. De même, le motif de trophées prévu en trois points de l’attique n’a pas été réalisé. L’ornementation signifiante se limite strictement à l’inscription « Porte d’Italie » en lettres de bronze scellées sur la première assise de l’attique qui ne soit pas recoupée par les engravures des flèches, inscription sans doute non antérieure à 1820, voire plus tardive. Le pont dormant reliant la coupure du pont-levis de la porte d’Italie à la gorge de la demi-lune est parfaitement conservé, et a été dégagé (Fig. 35), d’une part, de l’encombrement des toits terrasses enherbés du parking souterrain aménagé dans le fossé en 1975, d’autre part du remblai de comblement portant la chaussée routière actuelle à deux voies qui entre en ville du côté gauche (nord) de l’ancienne porte, par les deux casemates défoncées pour servir de passage (Fig. 36). Ce pont comporte sept arches voûtées en plein-cintre, qui n’étaient pas prévues dans le projet de 1787, parti sur le principe de piles portant un tablier de charpente. 57 Les arches actuelles pourraient avoir remplacé les piles à l’occasion de travaux exécutés vers 1840, à la suite de la réfection du pont-levis. La demi-lune définitive de la porte d’Italie est le résultat d’une évolution complexe, retracée dans la partie historique ci-dessus. Commencée dès 1710 et alors médiocrement adaptée à la position décentrée de la porte Saint-Lazare, elle comportait un souterrain axé conçu pour traverser le fossé en capitale, et surmonté d’une grande traverse. Longtemps laissée inachevée, elle fut rectifiée dans son tracé en 1787-1790, selon une variante des projets successifs d’Aumale (1776) et de Vialis (1787) afin de l’élargir du côté gauche et de la rendre plus symétrique, pour accueillir dans l’axe de sa gorge la culée du pont dormant de la nouvelle porte. Cette reconstruction partielle déplaça l’avant-porte à pont-levis, vers le milieu la face gauche et non plus près de l’angle d’épaule. La réalisation de ces travaux laissa subsister une certaine asymétrie, la face droite restant moins longue que la droite. Dans l’état actuel, il ne reste que des vestiges mutilés et défigurés de cette demi-lune, sauvée cependant d’une destruction complète que la logique des plans d’urbanisme et de voirie de la fin du siècle dernier semblait rendre inéluctable. Ses vestiges discontinus se composent, d’une part, de la totalité du revêtement de la face droite (Fig. 37), depuis l’angle d’épaule (Fig. 38)jusqu’à l’angle de capitale, suivi d’un tronçon du revêtement de la face gauche encore long d’une dizaine de mètres(Fig. 39), et d’autre part d’un fragment de contrescarpe du fossé de la face gauche, avec une arche et demi du pont dormant de l’ancienne avant-porte (Fig. 40), éléments conservés en lisière de la voie rapide basse qui passe en partie dans l’ancien fossé, au niveau de son sol. Ces arches de pont sont un peu différentes de celles du pont dormant entre demi-lune et porte d’Italie, et il est difficile de préciser si elles datent de 1791 ou d’une campagne de reconstruction de la première moitié du XIXe siècle. L’élévation extérieure du revêtement de la face droite, et de l’amorce de la face gauche en retour de l’angle de capitale, conservée jusqu’au dessus du niveau du cordon, est enfouie, dans sa moitié inférieure, sous le remblai de comblement du fossé qui porte la ruelle dite « passage des fortifications ». Du côté intérieur, le déblaiement complet des terres qui formaient la banquette et le parapet d’artillerie a mis à jour la série des contreforts structurants (Fig. 41) qui ne semblent pas avoir été reliés à la tête par des arceaux. Ils sont construits en blocage de tout-venant, étant destinés à être enterrés. En revanche, le parement du revêtement, profilé en fruit, présente seulement en partie inférieure et sur toute l’élévation des angles le moyen appareil à bossages rustiques caractéristique des ouvrages de fortification toulonnais du dernier tiers du XVIIIe siècle (Fig. 42), les assises des chaînages d’angles étant plus hautes que celles du parement courrant. Celui-ci, dans la partie supérieure de l’élévation, est traité plus économiquement en blocage de moellons sommairement dégrossis et dressés, à joints gras. La réalisation de la demi-lune avait donc été traitée avec moins de luxe de mise en œuvre que celle des bastions. 7 – Bastion de Saint-Bernard. Le bastion définitif, comme celui des Minimes (6) résulte de la refonte intégrale d’un bastion à orillons semi-circulaires de l’enceinte urbaine de 1589, d’abord nommé bastion Sainte Catherine (d’après le plan de 1666 publié par Tessier).Cette refonte du bastion SaintBernard, à la différence de celui des Minimes, était déjà programmée, au moins pour le côté gauche, dans le projet de 1755 pour 1756, signé de l’officier ingénieur Boniface, concernant la réfection des bastions 7-8-9 avec des flancs droits remplaçant les flancs retirés à orillons, Ce parti avait été préconisé quelques années plus tôt par Cauchy de Chaumont, pour élargir 58 les flancs du XVIe siècle jugés trop étroits pour accueillir les trois embrasures en batterie que l’on projetait d’y installer depuis 1710. L’amélioration des flancs avait alors été proposé une première fois, en maintenant les orillons, sous l’influence des bastions récemment réalisés sur le front nord-ouest selon les principes de Vauban. Dès 1759, alors que les travaux n’avaient pas commencé pour le bastion 7, le projet était critiqué par Milet de Monville, directeur des fortifications de Provence, qui pointait l’agrandissement insuffisant procuré aux bastions par ce parti de reconstruction, rejetant le principe des flancs droits pour réhabiliter les flancs retirés en hémicycle « à la Vauban », et projetant un chemisage complet de l’anciens revêtement par le nouveau, permettant un gain de surface important et l’aménagement de souterrains casematés ou galeries d’escarpe dans l’intervalle, à la faveur de percées en corridor dans les contreforts intérieurs. Ces souterrains, au niveau du fond des fossés, devaient communiquer à des poternes discrètement ménagées dans la face intérieure de l’orillon, comme celles qui existaient dans les bastions de Vauban. Le bastion Saint-Bernard fut presque entièrement reconstruit selon ces principes entre 1762 et 1768. Le flanc droit fut refait sur l’emplacement de l’ancien, démoli, la face droite un peu en avant de l’ancienne, avec galeries d’escarpe intermédiaires et le côté gauche, face et flanc, beaucoup plus en avant du revêtement de l’ancien, en sorte que le nouveau revêtement, avec ses galeries casematées, était totalement indépendant de l’ancien, séparé de lui par un important remblai de terre et non plaqué contre. Les galeries d’escarpes furent réservées sur deux niveaux voûtées, celle du bas seulement ventilée de « ventouses » traversant le revêtement comme le montre un plan de détail du front nord-ouest pour le projet de 1764. Les dispositions internes prévues, très élaborées, déjà réalisées pour le côté gauche (construit jusqu’au cordon), étaient celles de galeries de contremines, avec étais intérieurs en bois, planchers, puits et fourneaux dans la galerie basse prévues à la fois pour limiter les dégâts au cas ou le revêtement serait battu en brèche par l’artillerie ennemie, et pour permettre au défenseur de miner volontairement l’ouvrage en cas de prise par l’ennemi. En 1776, l’organisation interne du bastion n’était pas achevée, laissée en attente de la réalisation d’un cavalier établi sur des souterrains casematés qu’il était prévu d’aménager dans l’aire intérieure. Ce projet ayant été abandonné, le principe du cavalier fut maintenu sous une forme moins ambitieuse : il prit la forme d’une banquette de plan en chevron, parallèle aux faces du bastion, avec parapet en terre, et angle de capitale abattu, enveloppé par le chemin de ronde ménagé à son pied pour assurer (côté gorge) la continuité des communications sur le rempart, et (côté extérieur) desservir les postes de tir ménagés dans le parapet maçonné du revêtement, soit cinq embrasures autour de l’angle de capitale, et une embrasure à la tête des orillons. Ce cavalier étant ouvert à la gorge et formé seulement de deux faces, le terrassement destiné à le porter n’avait pas lieu de remplir la totalité de l’aire intérieure du bastion, d’où l’aménagement d’une cour de plan polygonal bordée par le mur de soutènement de la terrasse, dans lequel n’était percé aucun souterrain. L’accès au chemin de ronde du bastion et de la courtine attenante 6-7, puis au cavalier, se faisait tant à droite qu’à gauche par une rampe de roulage pour les canons, de plan incurvé, partant de la rue du rempart, au revers de la courtine, et desservant d’abord la partie de la terrasse bordant le flanc retiré courbe du bastion, percé de quatre embrasures convergentes. Un escalier plaqué au mur de soutènement permettait de monter directement de la cour à la partie du chemin de ronde longeant la gorge du cavalier. Avant 1816, un magasin de Génie, simple hangar en appentis, fut construit dans la cour intérieure du bastion, devenue dépôt de chantier du service des fortifications et fermée côté ville d’un mur de clôture avec petit corps de garde; le magasin était adossé au mur de soutènement de la terrasse, dont il reproduisait le plan en chevron avec angle abattu. Un projet plus ambitieux, au même emplacement, d’une boulangerie pour la garnison, bâtiment à trois ailes au carré sur cour, haut de trois niveaux, proposé en 1792, était resté sans suite. 59 Vers 1820, la construction des casemates sous le rempart de la courtine 6-7 et du pavillon qui les termine au nord, adossé à la terrasse du bastion au droit du flanc retiré, entraîna la suppression de la grande rampe de roulage d’origine montant au flanc droit du bastion. Une petite rampe fut néanmoins réservée sur la cour, contre le mur de soutènement incurvé du flanc, à l’emplacement de l’ancien escalier de 1768. Le cavalier fut doté vers 1840 d’une traverse dans sa face droite. Le flanc gauche du bastion fut démoli en 1852 en supprimant l’orillon, remplacé par un flanc droit en retour d’angle obtus, conforme au tracé défini en 1848, raccordé non plus, vers l’ouest/nord-ouest, à la courtine 7-8 (démolie en 1859) mais vers le nord/nord-ouest à la courtine 7-M participant du nouveau front bastionné de l’extension nord du corps de place. Ce changement modifia aussi la rampe d’accès à la terrasse du bastion et à ses aménagements, et entraîna la refonte de la face gauche du cavalier, en la prolongeant sur le nouveau flanc par un parapet d’artillerie. C’est probablement vers cette époque ou peu après que le mur de soutènement bordant la cour fut surhaussé à un niveau équivalent à celui de la banquette du cavalier, pour masquer la gorge de ce cavalier, surélévation percée de trois grands arcs de décharge. Dans son état actuel, le bastion Saint-Bernard est plus largement conservé que le bastion des Minimes (6). Il n’a subi qu’une amputation affectant son emprise au sol : celle de son angle de capitale, détruit et remplacé par un pan coupé lors de la création de la voie rapide semi souterraine qui passe dans les anciens fossés remblayés (Fig. 43-44). L’élévation extérieure de son revêtement de 1768, complète de son parapet maçonné surmontant le cordon, est conservée sur tout le côté droit (Fig. 45), flanc retiré en arc de cercle, orillon et face (Fig. 17), et sur la majeure partie de la face gauche (Fig. 44). Le parement de moyen appareil à bossages rustique se distingue par la présence de zones formant un large chaînage, dans lequel les assises, proche du grand appareil, sont deux fois plus hautes que celles du parement courrant, notamment au raccord de la courbe de l’orillon avec la face droite (Fig. 46). La partie inférieure de l’élévation est masquée par le remblai de comblement du fossé, ce qui ne permet plus de vérifier la présence des évents ou ventouses et de la poterne de la galerie d’escape basse, et à fortiori de reconnaître ces galeries inaccessibles et insoupçonnables derrière le revêtement en l’état actuel des lieux. L’organisation interne du bastion est devenue à peu près méconnaissable, du fait des aménagements contemporains qui l’ont investi, en l’occurrence une école primaire bâtie à la fin du XXe siècle dans la cour et surtout à l’emplacement du cavalier, dont les terres ont été préalablement déblayées. Les seules dispositions bien conservées sont le chemin de ronde de la face droite et, du même côté, les deux plates-formes d’artillerie à parapet maçonné, cloisonnées l’une de l’autre, d’une part celle de l’orillon (Fig. 47), à embrasure unique (Fig. 48), d’autre part celle –un peu plus haute- du flanc curviligne, à quatre embrasures (Fig. 49-50). Des tubes de canons de marine ont été placés de façon aléatoire dans ces embrasures à des fins décoratives et évocatrices. Au-dessus et à l’arrière du chemin de ronde de la face droite du bastion, le mur de revêtement extérieur de l’ancien cavalier déblayé existe toujours, dominant le chemin de ronde de son élévation deux à trois fois supérieure à celle du parapet (Fig. 51) ; l’architecte concepteur de l’école y a seulement ménagé deux larges entailles ou créneaux. Le mur de soutènement du terrassement du bastion, bâti en blocage de moellons de tout venant sommairement calibrés, est entièrement conservé sur toute son élévation surhaussée au XIXe siècle. Il domine d’une part, côté gorge du bastion, l’ancienne cour encaissée, d’autre part l’emplacement du cavalier déblayé, aujourd’hui occupé par l’école et par sa cour. Les grands arcs de décharge largement ouverts animant ce haut mur (Fig. 52), y procurent des clairesvoies contribuant à la clarté de l’établissement scolaire, invisible de l’extérieur. Cet établissement, fondé sur le terrassement à un niveau un peu inférieur à celui du chemin de 60 ronde, est accessible par la petite rampe d’accès des années 1820, adaptée, régnant entre la cour et le mur de soutènement incurvé de la plate-forme d’artillerie du flanc droit (Fig. 53). 7-8- Courtine (Disparue) Courtine de l’enceinte de 1589 remaniée vers 1760, démolie en 1859 et remplacée en 1852 par la nouvelle courtine 7-M. 8 – Bastion de Sainte-Ursule (Disparu) Bastion à orillons de 1589, d’abord nommé bastion Saint Vincent (d’après le plan de 1666 publié par Tessier). Magasin à poudres du projet Vauban, en place en 1693, puis parc d’artillerie. Ecroulé en 1755, puis remanié à la suite en supprimant les orillons. Démoli en 1859. 8-9 – Courtine (Disparue) Courtine de l’enceinte de 1589 démolie en 1859. 9- Bastion de la fonderie (Disparu) Bastion de 1589, d’abord nommé bastion Saint Roch (d’après le plan de 1666 publié par Tessier). La moitié gauche a été reconstruite avant 1691 selon le projet Vauban de 1679-1681, pour faire raccord avec le nouveau tracé de l’extension de l’enceinte, avec flanc gauche « à la Vauban » (flanc retiré courbe) , conformément au projet. La fonderie, à l’usage de la Marine, est en place dans l’aire intérieure du bastion, avant 1691. Elle n’est qu’une extension en longueur de la fonderie existant antérieurement dans le bastion de 1589. 9-10 – Courtine (Disparue) Courtine de l’extension de Vauban, bâtie avant 1691 selon le projet Vauban de 1679-1681, démolie en 1859. 10- Bastion du Roy (Disparu) Bastion de l’extension Vauban , bâti avant 1691 selon le projet Vauban de 1679-1681, flancs « à la Vauban » (flanc retiré courbe), conformément au projet. Faisait face au « jardin du Roy » extra muros. Démoli en 1859. 10-11 – Courtine et Porte Royale (Disparues) Courtine, porte de ville et dehors (demi-lune « Royale » avec avant-porte) de l’extension Vauban , bâtis en priorité de 1681 à 1686 selon le projet Vauban de 1679-1681 (voir détails p. 14). La porte royale, ainsi nommée dès sa construction (et sur les plans Niquet donnant l’état des lieux en 1702 et 1707), est aussi nommée sur certains documents de la même époque « porte neuve » (plan des attaques du siège de 1707) et, après la Révolution, « porte de France », appellation maintenue sous la monarchie de juillet. Ensemble démoli en 1859. 11- Bastion de l’Arsenal (Disparu) Bastion de l’extension Vauban réalisé avant 1691 sur un plan asymétrique, la moitié droite régnant sur le fossé sec du front de terre, et la moitié gauche sur le début de la partie du fossé ouest inondée par les eaux de mer; le flanc du côté droit est « à la Vauban » (flanc retiré courbe), et le flanc gauche rectiligne, sans orillon ni retrait, conformément au projet. Dès 1691, le magasin aux goudrons, la goudronnerie et le parc de l’artillerie de l’Arsenal sont en place dans l’aire intérieure de ce bastion, le pavillon ouest de la corderie étant au revers du 61 flanc droit. La moitié droite de ce bastion est démolie en 1858-1859, la moitié gauche, donnant sur la nouvelle darse Castigneau, peu après. 11-12 – Courtine précédée de la demi-lune ou place d’armes de la Boulangerie (Disparue) Courtine du front de mer ouest de l’extension Vauban. En 1691, la courtine n’est montée qu’au niveau des fondations ; une petite porte d’eau y est ménagée, entre la darse neuve et fossé ouest inondé. Un bâtiment adossé A, entre les hangars du bastion 12 et la porte d’eau, est projeté de 1691 à 1701, non réalisé. La demi-lune n’était pas prévue au projet de 1679, toujours pas en 1693, à peine amorcée en 1699 : revêtement de gorge ; aile gauche des fours construite ; en 1701 la boulangerie en capitale est bâtie ; en 1707, la boulangerie et ses deux ailes de fours,de plan en chevron est achevée (sauf l’étage de l’aile droite), mais la demi-lune n’a pas été réalisée, elle est remplacée par une sorte de grande place d’armes du chemin couvert. (pour la boulangerie, voir dossier sur les bâtiments militaires de l’Arsenal) 12- Bastion du Marais (infrastructure conservée, élévation du revêtement et des bâtiments adossés disparus); bastion de l’enceinte Vauban de la nouvelle darse, commencé en 1691, au stade des fondations, en cours d’achèvement en 1699, avec terre-plein ou plate-forme intérieure, régnant au niveau des quais et vouée à l’entreposement des canons ou parc d’artillerie ; le revêtement à parapet banquette en terre, était adossé intérieurement tant le long des face que des flancs, d’un bâtiment continu servant de magasins ou halle aux affûts, réalisée en 1701, toujours en place au début du XXe siècle. 12-1 Courtine-quai (Disparue) Courtine du front de mer ouest de l’extension Vauban, en place et achevée dès 1691, avec série de magasins de désarmement adossés en continu vers l’intérieur du revêtement à arcades-niches.) Détruite dans l’entre-deux guerres. II - La grande extension nord et ouest de 1848-1861 enveloppant la ville neuve, (secteur Sainte-Anne et gare), et la darse Castigneau. Les bastions de ce sous-ensemble n’ont aucune dénomination particulière, hors le lettrage de la nomenclature. Le front intérieur entre darse Castigneau et darse Missiessy a disparu précocement, du fait de son inutilité défensive dès 1868. Les parties disparues des fronts de terre, à l’est et au nord-ouest, ont été démantelées à la suite du déclassement de la place. Les fronts bastionnés échelonnent des bastions de vastes dimensions, pour la plupart très développés en largeur, à flancs droits et angle de capitale obtus, alternant avec des courtines dont la longueur est en moyenne inférieure ou égale à la largeur des bastions. Seul le bastion K, de plan très original, se démarque et fait figure d’unicum. Plusieurs de ces bastions comportaient un cavalier, mais n’avaient pas de souterrains. La mise en œuvre du revêtement est très soignée, dans la filiation de celle des ouvrages de la seconde moitié du XVIIIe siècle de l’enceinte de ville antérieure : elle se caractérise par les assises réglées à bossages rustiques du parement, avec liseré, et par des chaînes d’angle et encadrement de baies en pierre de taille blanche deux fois plus hautes que les assises du parement courrant, traitées en bossage tabulaire lisse ou en bossage tabulaire adouci et 62 bouchardé, ce qui se différencie nettement des chaînages en gros bossages rustiques des ouvrages du XVIIIe siècle. L’arase est systématiquement couronnée d’une d’un cordon avec assise d’appui profilée en cavet. A – bastion (Disparu, infrastructure conservée) Bastion du front de mer de l’extension Castigneau, conservé et intégré en 1868 dans la continuité des fronts de l’extension ouest Missiessy-Malbousquet, séparé du bastion 1 de la darse neuve par la passe d’entrée de la darse de Castigneau. Le contour du large quai actuel (ancien parc au charbon) conserve celui de la face gauche du bastion, dont ne reste cependant aucun vestige significatif en élévation. A-B – courtine-quai (Disparue, infrastructure incluse dans le quai actuel) B – bastion (Disparu, infrastructure conservée) Bastion du front de mer de l’extension Castigneau conservé et intégré (partie droite littorale surtout) en 1868 dans la continuité des fronts de l’extension ouest Missiessy-Malbousquet. Le contour du large quai actuel (ancien parc au charbon) conserve en grande partie celui du bastion, dont ne reste cependant aucun vestige significatif en élévation. B-C – courtine (Disparue) Occupée par une porte d’eau couverte, dans le prolongement de l’ancien canal du parc au charbon de la darse de Castigneau, devenu issue découverte entre les darse de Castigneau et de Missiessy. C – bastion (Disparu) Bastion du front ouest de l’extension Castigneau, resté en partie inachevé en limite est de la nouvelle darse Missiessy en 1864, supprimé après1868 parce que inclus dans l’extension ouest Missiessy-Malbousquet. C-D – courtine (Disparue) Courtine du front ouest de l’extension Castigneau, restée en partie inachevée en limite est de la nouvelle darse Missiessy en 1864, supprimée après1868 parce que incluse dans l’extension ouest Missiessy-Malbousquet. D – bastion (Disparu) Bastion du front ouest de l’extension Castigneau, resté en partie inachevé en limite est de la nouvelle darse Missiessy en 1864, supprimé après1868 parce que inclus dans l’extension ouest Missiessy-Malbousquet. D-E – courtine (Disparue) Courtine du front ouest de l’extension Castigneau, restée en partie inachevée en limite est de la nouvelle darse Missiessy en 1864, supprimée après1868 parce que incluse dans l’extension ouest Missiessy-Malbousquet. E – bastion (Disparu) Bastion du front ouest faisant transition entre l’extension Castigneau et l’extension urbaine nord (bâties en continuité selon le projet Picot de 1845-1847), et faisant également transition avec le front nord de l’extension ouest Missiessy-Malbousquet, bâtie de 1860 à 1868, avec suppression du front ouest Castigneau. Détruit après 1933. 63 E-F – Courtine et porte Impériale, puis Nationale (Disparues) Porte la plus occidentale de l’extension nord de l’enceinte urbaine, donnant également accès indirectement à la porte nord de l’arsenal de Castigneau. Créée en 1858 : l’unique porte ouest du projet Picot de 1845 était prévue à cet emplacement, avec demi-lune cotée F ; le projet modifié de 1847 avait déplacé cette nouvelle « porte de France » entre G (devenu FG) et H. La décision de créer une seconde porte entre E et F, soit la porte Impériale, ne fut prise qu’après 1856. Ensemble détruit (courtine et dehors compris) entre 1930 et 1933. FG – bastion (Disparu) Bastion du front ouest de l’extension urbaine nord. Le chiffre F de la nomenclature était attribué, dans le projet de 1845, à la demi-lune projetée de la nouvelle porte de France, prévue alors dans la courtine EG. Le transfert de cette porte dans la courtine G-E dans le projet révisé en 1847, et la suppression des demi-lunes rendant la cote F vacante, le bastion G fut renommé FG. Bastion détruit après 1933. FG-H – Courtine et porte de France (Disparues) Porte prévue au projet de 1847 dans l’axe de l’ancienne porte de France de l’enceinte Vauban condamnée (courtine 10-11), après avoir été projetée en 1845 dans la courtine E-G. Réalisée entre 1853 et 1856 conformément au projet de 1847. Ensemble détruit (courtine et dehors compris) en 1923. H – bastion (Disparu) Bastion du front ouest de l’extension urbaine nord, réalisé avant 1856 selon le projet de 1847 traversé par le passage du chemin de fer en 1858. Bastion détruit entre 1926 et 1928. H-I – Courtine (Disparue) Courtine du front ouest de l’extension urbaine nord, réalisé avant 1856 selon le projet de 1847, percée en 1887 d’une issue non défensive, la « coupure Montéty ». Détruite entre 1926 et 1928. I – bastion Bastion du front ouest de l’extension urbaine nord, réalisé vers 1856 selon le projet de 1847. C’est l’un des plus grands bastions de l’extension nord, conforme au plan-type des autres bastions toulonnais bâtis sous Napoléon III : large, avec flancs droits relativement courts, angle de capitale obtus. Son revêtement est conservé sur les deux faces et sur le flanc droit, sur une hauteur réduite par le remblaiement partiel du fossé ; il est, comme tous les autres ouvrages de cette extension nord, réalisé en appareil régulier à bossages rustiques, recoupé aux angles de capitale et d’épaule, à raison de deux assises pour une, par des chaînes à bossages en table émoussée. Ce revêtement est en majeure partie masqué à la vue par une haie en bordure du parking qui s’étend devant sa face droite, ou, devant le face gauche, par le rehaussement du revêtement de la contrescarpe formant un mur de clôture entre l’ancien fossé réservé en terrain privé et un parking. Le flanc gauche du bastion est détruit, de même que l’organisation des terrassements intérieurs, qui comportaient un cavalier doublant le parapet d’artillerie, rasés pour faire place à un court de tennis et à un ample bâtiment de construction récente affecté à un club sportif. I -K– Courtine et poterne dite Porte Sainte-Anne Cette courtine de l’extension urbaine nord, est formée d’un rempart qui portait banquette et parapet d’artillerie, avec revêtement extérieur réalisé en appareil régulier à 64 bossages rustiques. Elle est intégralement couverte au-dehors par une longue tenaille asymétrique, bien conservée. Le principe de la porte nord est présent au projet Picot de 1845 pour l’extension nord, et dans sa variante de 1847-1848, mais son emplacement définitif n’a été fixé que peu avant le début du lancement du chantier de la nouvelle enceinte, en 1852. La porte Sainte-Anne n’est à proprement parler qu’une poterne majeure initialement conçue à l’usage des communications entre le quartier militaire au nord de la gare et l’extérieur de la place. Elle se différencie des poternes ordinaires ménagées dans certaines courtines parce qu’elle ne se borne pas à procurer une sortie logistique piétonne dans le fossé, abritée par les dehors, mais constitue l’ issue carrossable nord de la place, communiquant au chemin couvert et au-delà, aux chemins desservant le Mont Faron. Le fort pendage naturel du terrain du nord au sud fait que cette partie I-K-L du front bastionné formant l’angle nord de la place, domine considérablement le terrain intra muros sur lequel est établi le quartier militaire, et en particulier l’arsenal de terre, profondément encaissé sous le niveau non seulement du rempart, mais aussi sous celui de la rue du rempart (actuels boulevard Louvois et boulevard du 112e régiment d’infanterie). Celle-ci, longeant à la gorge des trois bastions et des deux courtines, est portée dans ce secteur sur un terrassement avec murs de soutènement (casematés dans leur partie participant de l’enceinte de l’arsenal de terre). Devant ce front I-K-L, le fond du fossé n’est pas creusé plus bas que la rue du rempart, mais règne au même niveau qu’elle. Il en résulte l’une des caractéristiques typologiques qui différencie nettement la porte Sainte-Anne des autres portes du corps de place de Toulon : à savoir que le passage est de plain-pied avec le fond du fossé, ce qui dispense la porte de l’équipement habituel des pont dormant et pont-levis. A l’extérieur du revêtement d’escarpe, la chaussée ne passe donc pas sur un pont au-dessus de la tenaille, mais traverse celle-ci, non par une simple coupure, mais en formant un passage voûté, véritable avant-porte ménagée dans le revêtement de cette tenaille. A l’extérieur de la tenaille, la chaussée remonte en tournant à gauche dans la contrescarpe pour rejoindre le chemin couvert et se prolonger dans une route passant sur le glacis, en direction du Faron. Les autres caractéristiques typologiques qui apparentent la porte Sainte-Anne à une poterne plutôt qu’à une porte à part entière, sont : le passage d’entrée voûté unique et non double, à la différence des portes de ville réalisées à Toulon dans la même extension nord de l’enceinte (d’ouest en est portes Impériale, de France, Notre-Dame), l’absence d’une façade extérieure monumentale et de pavillons plus ou moins monumentaux adossés au côté intérieur du rempart et abritant des corps de garde et logements. Ces caractéristiques la différencient des portes purement militaires de l’extension ouest de 1860-1868, porte du Las et porte Malbousquet, aussi à passage unique. Vers l’intérieur de la place, la « façade » de la porte Sainte-Anne se limite à l’équivalent de celle d’une poterne ordinaire, dans de plus amples proportions : soit un haut et large mur de revêtement à bossages rustiques engagé en retrait ou renfoncé dans le rempart, encadré par deux murs de profil en retour d’angle obtus, habillant la coupure dans le talus intérieur du rempart à terres coulantes, le tout terminé par une tablette (Fig. 1). Ces deux murs de profil divergents portent chacun un escalier procurant un accès piéton au chemin de ronde sur le rempart. L’arcade du passage, percée au centre du mur de revêtement, est encadrée de bossages tabulaires en pierre blanche (une assise pour deux assises du parement courrant), harpés sur les piédroits et formant, pour l’arc plein-cintre, des claveaux à crossettes extradossés en escalier (Fig. 2). Au-dessus de la clef de l’arc, en pointe de diamant, un cartouche en pierre blanche isolé dans le parement rustique, porte le millésime intaillé 1856. L’arcade extérieure du passage, dans le revêtement d’escarpe à bossages rustiques, est tout à fait identique, mais le cartouche qui la surmonte, plus développé, affiche l’appellation 65 « PORTE Ste ANNE », en relief, la pierre étant taillée en réserve des lettres (Fig. 3). Le revêtement est couronné par le cordon massif qui court sur l’ensemble de ce front. Le voûtement du passage d’entrée comporte six travées séparées par des piédroits (Fig. 4). Quatre d’entre elles -la première en partant de l’intérieur du corps de place (ville), puis les 3eme, 4eme et 5eme- sont de plan carré couvertes d’une voûte d’arêtes avec chaînes harpées en pierre de taille et voûtains en blocage enduit (Fig. 5). Les deux autres travées, de plan barlong, donc plus courtes, sont couvertes l’une -celle de l’arcade d’entrée extérieured’une une arrière-voussure à pendentifs, proche du type « de Marseille » (Fig. 6), l’autre d’une voûte identique à cette arrière-voussure, forme adaptée à la rotation de paire de vantaux cintrés par le haut qui étaient placés dans ces deux travées, et dont restent les gonds en fer sellés dans les parois murales. La première travée côté intérieur de la place est encadrée de deux petites casemates aveugles logées derrière le revêtement, l’une (à droite, est) accessible par une porte ménagée dans cette travée formant porche, l’autre par une porte cintrée percée dans le mur de façade ou revêtement intérieur (Fig. 1). L’avant-porte traversant la tenaille présente des caractéristiques analogues, sur un moindre développement en profondeur et une moindre monumentalité des deux « façades » : mêmes arcades d’entrées à bossages tabulaires et arc à crossettes extradossé en escalier, celui de le façade extérieure (Fig. 7) -vers la contrescarpe et le chemin couvert- ménagée dans une sorte d’avant-corps en bossages rustique, couronné d’un cordon, se détachant du revêtement de la tenaille, plus bas, moins bien parementé (sans régularité d’assises ni bossages) et couronné d’une tablette. L’arcade de l’avant-porte regardant vers la porte Sainte-Anne (Fig. 8) est ménagée en revanche dans un renfoncement encadré de deux ailes ou murs de profil. Le voûtement du passage ne comporte que trois travées, celles au revers des arcades formant arrière-voussure, la médiane, barlongue, étant un simple berceau. Là encore, piédroits et arcs sont en pierre de taille lisse, les parois ordinaires et voûtes en blocage. Le revêtement de la tenaille, côté corps de place, terminé en tablette, comporte à gauche de la porte un escalier en « pas de souris », très bien conservé qui permettait de monter au parapet de ladite tenaille (Fig. 9). Le revêtement ou mur de terrassement de la partie courbe de la chaussée montant de la porte de la tenaille à l’ancien chemin couvert disparu, comporte une coupure condamnée par murage, d’où partait un escalier par lequel les piétons pouvaient monter au chemin couvert (Fig. 10). K – Bastion nord Ce bastion occupant l’angle extrême de l’extension nord de l’enceinte de ville diffère sensiblement des autres par sa forme plus longue que large, avec angle de capitale aigu, et aussi par sa structure plus complexe, échelonnée en profondeur. Ces caractéristiques sont sans doute en partie liées à une part d’héritage des précédents projets d’ouvrages situés à cet emplacement : d’abord une lunette mise en place en 1839 à l’angle du « retranchement Sainte Anne » et jamais achevée, qu’il était prévu de remployer en la remaniant (sous la cote L) dans le projet Picot de 1845, et dans sa version revue et corrigée de 1847-1848, pour couvrir le premier projet de porte Sainte-Anne, plus à l’est que la porte actuelle. L’état réalisé en 18581860, compromis entre un bastion à flancs retirés complexes de plan tenaillé et un dehors, du fait d’un étroit fossé interne ou coupure donnant à l’ouvrage la capacité de se retrancher du corps de place), résulte dans ses grandes lignes d’un projet alternatif proposé en novembre 1847, affiné par la suite. En réalité, l’ouvrage se décompose en deux parties distinctes : l’angle nord de l’enceinte urbaine, obtus mais tendant à l’angle droit à la convergence des courtines I-K et K- 66 L, est occupé par un ouvrage peu saillant que l’on pourrait qualifier de « cornichon » en reprenant le vocabulaire des XVIIe et XVIIIe siècle, encore que ce terme désigne ordinairement un dehors. Dans le cas présent, il s’agit de deux demi bastionnets symétriques séparés par une courtine également sous dimensionnée, le tout formant un ouvrage à cornes adhérent au corps de place. A la tête de ce petit ouvrage à cornes, et retranché de lui par une coupure ou fossé étroit, règne un second ouvrage dont la gorge forme contrescarpe de la coupure, et dont le plan s’apparente à la fois à un as de carreau et à un as de pique. Les deux faces et le départ des deux flancs forment les deux tiers d’un losange, qu’un retour d’angle obtus du revêtement des flancs évase à la base. En soubassement, ces flancs se raccordent à l’angle de capitale des deux demi bastionnets de l’ouvrage à cornes par un bâtardeau haut de 3 à 4m au-dessus du fond du fossé du corps de place. Ce dispositif n’est plus apparent aujourd’hui que du côté droit (est), ou le fossé entre la tenaille de la courtine K-L et le flanc du bastion a conservé sa profondeur initiale. Du côte gauche, dans la coupure (et devant la face droite du bastion) le fossé est remblayé sur une hauteur équivalent a celle du bâtardeau et à celle de la contrescarpe, ce qui a entraîné leur ensevelissement. La coupure sert aujourd’hui de chaussée d’accès de service à la cour intérieure de la préfecture du Var, dont les bâtiments, organisés sur un plan pentagonal citant celui du bastion, sont installés dans la moitié sud de l’aire intérieure dudit bastion ; l’entrée de cet accès de service est marqué par une grille moderne quelconque, régnant au-dessus de l’emplacement du bâtardeau de gauche (Fig. 11). La construction des bâtiments de la préfecture a entraîné la disparition des banquettes, parapets d’artillerie et souterrains du bastion (les galeries de contremines sont peut-être en partie conservées sous le terre-plein de la moitié nord, ou règne une aire engazonnée non bâtie). Ont disparu également la petite courtine entre les deux « cornes », et surtout la caserne-cavalier casematée (dite « Caserne Gardanne ») qui s’élevait sur cette courtine et dans l’aire intérieure de l’ouvrage à cornes, à l’emplacement de l’actuel bâtiment principal de la préfecture. Du fait de ces démolitions importantes, il ne reste des dispositions anciennes du bastion que les revêtements extérieurs bien conservés notamment sur les faces formant l’angle de capitale aigu (Fig. 12), mais aussi sur les flancs au tracé brisé (Fig. 13, 14), y compris faces et flancs des demi bastionnets du petit ouvrage à cornes dont le revêtement continue celui de la courtine I-K (Fig. 15). Il reste aussi une partie des terrassements, nivelés, et, à la gorge, partant de la rue du rempart (actuels boulevard Louvois et du 112e régiment d’infanterie), les deux rampes d’accès convergentes qui desservaient la cour de la caserne et qui, bitumées, desservent aujourd’hui le parking de la préfecture. Le revêtement présente les même caractéristiques que sur le reste des ouvrages de l’extension nord : parement en appareil régulier à bossages rustiques, recoupé aux angles de capitale et d’épaule, à raison de deux assises pour une, par des chaînes à bossages en table émoussée, fort cordon couronnant l’arase. Sur les faces latérales des demi-bastionnets, le cordon n’est pas nivelé à l’horizontale, mais assez fortement rampant, montant vers le nord dans le sens de la pente du terrain naturel (Fig. 11), et surmonté d’un parapet maigre maçonné coiffé d’une tablette ; ce cordon s’interrompt à l’angle de capitale, car il n’était pas utile sur les faces nord, invisibles de l’extérieur de la place. Le revêtement a été percé sur la face gauche, au ras de l’angle d’épaule, de l’entrée de prestige de la préfecture du Var côté jardin : cette entrée est fermée d’une imposante « grille d’honneur », création d’un styliste contemporain. Les dehors voisins du bastion sont en partie conservés et apparents, malgré le remblaiement de la majeure partie du fossé. C’est le cas des deux tenailles couvrant les courtines I-K et K-L, l’extrémité nord de chacune d’entre elle défilant complètement les flancs du bastion et la coupure (Fig. 13, 14). Le revêtement de ces deux extrémités est plus haut que celui du reste des faces des tenailles côté corps de place, un décrochement avec 67 tablette rampante assure la transition (Fig. 16). Les deux chaînes d’angle de l’extrémité des tenailles voisine du bastion K, comportent des bossages en table dans le cas de la tenaille I-K (Fig. 14, 16), alors qu’elles sont lisses sur la tenaille K-L (Fig. 13). La tenaille I-K est en partie dérasée (banquette d’artillerie), en partie enterrée côté extérieur par le remblai du fossé (Fig. 14), et traversée par l’accès à l’entrée de service de la préfecture, face à la coupure. La tenaille K-L a conservé son revêtement, en partie enterré dans le remblaiement du fossé vers l’extérieur, et son terre-plein diminué en hauteur. Le chemin couvert a été supprimé, mais son tracé est pérennisé par une allée de promenade, le secteur de l’ancien fossé comblé et des anciens glacis, au nord et à l’est, étant transformé en espace vert public municipal. Du côté est (à droite du bastion K) subsistent des vestiges maçonnés de l’ancien chemin couvert, à savoir la partie supérieure émergeante du revêtement de la contrescarpe, surhaussé à intervalles réguliers pour former le mur de profil des anciennes traverses (Fig. 17) qui jalonnaient le chemin couvert. Les traverses ont été complètement déblayées pour laisser passer l’allée actuelle, mais le mur de profil de quatre d’entre elles, en blocage, existe encore en élévation, dégarni en majeure partie de ses tablette d’arase en pierre de taille grise (Fig. 18). K-L– Courtine Cette courtine de l’extension urbaine nord, est formée d’un rempart qui portait banquette et parapet d’artillerie, avec revêtement extérieur réalisé en appareil régulier à bossages rustiques. Elle est intégralement couverte et défilée au-dehors par une longue tenaille asymétrique, en partie enterrée vers l’extérieur dans le remblai du fossé principal, mais dégagée du côté de la courtine, où la profondeur d’origine du fossé intermédiaire (utilisé comme chemin à l’usage des services techniques) est maintenue. Le revêtement de la courtine, conservé de fait sur toute son élévation, jusqu’au cordon, qui accuse un léger pendage du nord au sud, présente le parement régulier à bossages rustiques commun à l’ensemble des ouvrages de l’extension nord. Cette courtine est percée vers le milieu de son développement d’une poterne logistique débouchant dans le fossé, à l’abri de la tenaille, sous une arcade en plein-cintre encadrée de bossages adoucis bouchardés en pierre blanche avec claveaux à crossettes extradossés en escalier, selon un modèle analogue a celui des arcades de la porte Sainte Anne (dans la courtine I-K) et de son avant-porte (avec une différence dans le traitement des bossages). Cette poterne comporte une casemate souterraine traversant une partie du rempart de la courtine, de plain-pied avec la rue du rempart sur laquelle elle s’ouvre par une arcade identique à celle du revêtement d’escarpe. Cette arcade (Fig. 19, 20) est ménagée dans un mur de revêtement engagé dans le rempart et encadré de murs de profil évasés couronnés d’une tablette, ce dispositif d’accès depuis la rue du rempart étant semblable, en beaucoup plus réduit, à celui de la porte Sainte-Anne. La casemate proprement dite, voûtée en berceau segmentaire, est actuellement occupée par le Club varois de modélisme ferroviaire, et sa communication avec l’arcade de sortie dans le fossé est condamnée. L– bastion Bastion du front est de l’extension urbaine nord, réalisé vers 1856 selon le projet de 1847. Un peu moins grand que le bastion I, il est, comme ce dernier, conforme au plan-type des autres bastions toulonnais bâtis sous Napoléon III : large, avec flancs droits relativement courts, angle de capitale obtus. Son revêtement est conservé sur ses deux faces et ses deux flancs, sur une hauteur réduite par le remblaiement du fossé ; il est, comme tous les autres ouvrages de cette extension nord, réalisé en appareil régulier à bossages rustiques, recoupé aux angles de capitale et d’épaule (Fig. 21), à raison de deux assises pour une, par des chaînes 68 à bossages adoucis bouchardés, et couronné d’un cordon avec assise de transition profilée en doucine. Les « dessus » de ce bastion comportaient un parapet d’artillerie en terre au-dessus de l’escarpe et du cordon, en continuité de celui des courtines, et un cavalier assez petit avec parapet d’artillerie en terre à quatre pans, un chemin de ronde intermédiaire desservant les postes de tir du parapet extérieur. L’ensemble était desservi à la gorge par deux rampes de roulage convergeant depuis la rue du rempart. Dans l’état actuel, les profils de terre des parapets et du cavalier n’ont pas été rasés délibérément mais se sont dégradés naturellement et ont « fondu ». Le chemin de ronde entre cavalier et parapet extérieur a été élargi aux dépens des ouvrages de terre pour former un parking bitumé en arc de cercle, desservi par les anciennes rampes adaptées. Du cavalier reste, en bordure du chemin de ronde de gorge, desservi par les rampes, le haut mur de profil qui terminait la branche droite de la banquette et du parapet, mur parementé en bossages rustiques avec tablette. Le parapet extérieur du bastion, très déformé, a conservé une petite traverse-abri (l’entrée de l’abri est murée) ajoutée dans les années 1880-1890, caractérisée par son parement en opus incertum polygonal (Fig. 22). A la gorge du bastion, donnant sur la rue du rempart, au droit du flanc gauche et sous la rampe gauche, est aménagé un petit abri ou magasin casematé dont la façade d’entrée adopte la forme classique, appliquée pour les poternes, du mur de revêtement engagé dans le rempart et encadré de deux murs de profil en retour d’équerre (Fig. 23). Dans le parement à bossages rustique, s’ouvre une petite porte couverte sous arc segmentaire extradossé encadrée en pierre de taille blanche lisse, et des évents suggérant un magasin à poudres ou à munitions. Bien que ces dispositions et cette mise en œuvre s’apparentent à celles de la campagne de construction initiale des ouvrages de l’extension nord de l’enceinte, on note que ce petit magasin ne figure pas sur les plans d’état des lieux en 1870, ce qui oriente vers une adjonction postérieure (l’absence de millésime gravé ne permet pas de la dater). La « salle » ou casemate voûtée en berceau segmentaire abrite aujourd’hui le mémorial toulonnais de la déportation et de l’internement. L-M– Courtine (détruite) Courtine du front ouest de l’extension urbaine nord, qui était traversée par la voie de chemin de fer. Démolie après 1933. M– bastion (Vestiges) Bastion du front est de l’extension urbaine nord, réalisé vers 1856 selon le projet de 1847. Il était analogie au bastion L par ses dimensions, mais ne comportait pas de cavalier. Il n’en subsiste que l’élévation en ruines du revêtement du flanc gauche, dont le parement à bossages rustiques est conforme à celui des autres ouvrages de cette extension (Fig. 24). Ce vestige anachronique, abondamment tagué, complété par celui de la face gauche, dérasée, est dégarni, du côté intérieur cimenté, des remblais de l’ancien terre-plein (Fig. 25). Il domine les voies du chemin de fer, à proximité d’un pont routier qui les traverse, et à l’arrière d’une barre d’immeubles. Le reste de l’emprise au sol du bastion reste lisible dans le parcellaire et subsiste en sous-sol. M-7 – Courtine et porte d’Antibes ou porte Notre-Dame (Disparues) Porte la plus orientale de l’extension nord de l’enceinte urbaine, construite en 1857-1858 selon le projet de 1847. Ensemble détruit (courtine et dehors compris) en 1923. 69 III - La grande extension ouest de l’enceinte, de 1860-1868, dans le secteur Missiessy-Malbousquet. Ce sous-ensemble de l’enceinte définitive du corps de place n’enveloppe que des terrains militaires, à l’exclusion de tout habitat urbain. Les bastions n’ont aucune dénomination particulière, hors les chiffres de la nomenclature. Le retranchement intérieur dit « grand cavalier » qui devait séparer la partie ouest de l’aire, attribuée à la Marine autour de la darse Missiessy, de la partie ouest, au pied du fort Malbousquet, attribuée à la guerre, n’a jamais été réalisé. Les parties disparues, à l’est du front de terre nord, ont été détruites après le déclassement de la place forte, sous la pression des projets d’urbanisme et non à l’initiative de la Marine, qui n’avait pas motif d’étendre le parc de l’Arsenal de ce côté. Les dehors, excepté une partie de la contrescarpe du fossé (qui était relativement étroit), ont été rasés pour faire place à une route passant dans l’ancien fossé (Fig. 1), et à l’autoroute, passant sur l’emprise des glacis. En revanche, la disparition du front de mer (sud) et du secteur sud-ouest de l’enceinte, dont le bastion d’angle n° 9 était resté inachevé en 1870, est liée en partie à des destructions de guerre, en partie au développement de la zone d’activité de l’Arsenal vers Milhaud et Lagoubran. Les fronts bastionnés de cette extension ouest se caractérisent, comme ceux de l’extension nord de l’enceinte urbaine, par des bastions de vastes dimensions, pour la plupart très développés en largeur (les plus grands sont larges de 200m), à flancs droits et angle de capitale obtus, alternant avec des courtines dont la longueur est en moyenne inférieure ou égale à la largeur des bastions. Comme pour l’extension nord, plusieurs de ces bastions comportaient un cavalier. Deux caractéristiques architecturales bien affirmées différencient toutefois ces fronts de ceux de l’extension nord : La première tient à la mise en œuvre du revêtement, dont les parements sont moins soignés : les assises ne sont pas réglées, et le traitement plutôt brut, ébauché, de la face vue des pierres d’appareil diffère des bossages rustiques par une faible saillie et par l’absence de liseré. De même, les chaînes d’angle harpées en pierre de taille blanche deux fois plus hautes que les assises du parement courrant sont lisses, en relief sur le parement courrant, et l’arase est couronnée d’une simple tablette et non d’un cordon (Fig. 2). La seconde caractéristique, structurelle, a déjà été évoquée ci-dessus dans les développements historiques exposant les notions de typologie générale : il s’agit de la galerie d’escarpe continue et crénelée aménagée dans la moitié supérieure de l’élévation du revêtement. Ce dispositif est formée par une juxtaposition de petites casemates perpendiculaires au revêtement, prenant jour côté fossé par deux créneaux et un soupirail haut (Fig. 3) réservé au ras de la voûte en berceau (formant une fente horizontale cintrée couverte au dehors par un arc de décharge). Les casemates sont reliées entre elles par la galerie de circulation en corridor, le long du mur de fond (Fig. 4), ce qui leur donne un module de base carré de 4,50m de côté, sujet à variations (certaines casemates sont d’un quart à deux fois plus profondes, d’autres plus courtes) pour une hauteur sous voûte de 3,50m. Ce dispositif, destiné à des magasins d’approvisionnement de guerre et au logement de troupes, utilisé plus tard pour des prisonniers de guerre -avec mise en place d’un mur séparatif entre cellule et galerie(Fig. 5) est qualifié après 1870 sur certains plans de « voûtes en décharge à entresol », parce que les casemates pouvaient être divisées par un plancher, avec un entresol bas sous voûte. La série des casemates desservie par la galerie d’escarpe, de plain-pied ou rampante, ou en escalier selon le relief du terrain, était conçue théoriquement comme continue sur les fronts bastionnés nord et ouest, depuis le bastion 1 jusqu’au bastion 8, mais elle a été réalisée de façon discontinue, du fait de contraintes aléatoires ou de choix non explicités dans les 70 sources d’archives. Les deux solutions de continuité se situent l’une dans la partie droite du bastion 3, qui chemise en partie un rocher naturel (Fig. 2), et l’autre, beaucoup plus étendue, depuis le bastion 6 jusqu’au bastion 8, le bastion 6 et la courtine 6-7 étant couverts par la gorge du fort Malbousquet transformé en dehors. Le bastion 6 accueille par ailleurs à sa gorge un casernement casematé de sept grandes casemates. Le total de 289 casemates annoncé dans les documents de la fin du XIXe siècle correspond à celles effectivement réalisées (ce que j’ai pu vérifier par comptage croisé sur les plans d’archives et dans l’état actuel des lieux), à l’exclusion de celles du bastion 9, projetées mais non réalisées excepté une (comptée) dans l’amorce du flanc droit ; si ce bastion avait été achevé, le nombre total de casemates d’escarpe aurait été porté à 305. Ces casemates avaient plusieurs issues partant de la rue du rempart et traversant le rempart perpendiculairement, au revers de certaines courtines, en plus des débouchés dans le passage des portes et poternes. On observe que les casemates des bastions 3 et 4 et de la courtine intermédiaire, ont vu leur soupirail haut agrandi par abaissement de l’appui, formant un jour carré, tandis que ceux conservés de la courtine 4-5 à la courtine 8-9 n’ont pas été remaniés. 1– bastion (disparu) Bastion adossé à l’extrémité nord de la darse Missiessy, de plan presque plat, le plus large et le moins saillant du front nord , qui se greffait, par l’intermédiaire d’un court renfoncement ou courtine, sur l’angle d’épaule du bastion E de l’extension nord de l’enceinte urbaine de 18521861. Dans le revêtement de ce bastion courrait la galerie d’escarpe continue à casemates en série (7 casemates pour le renfoncement faisant raccord à droite, 48 casemates pour le bastion) Détruit après 1933. 1-2 – Courtine et porte Missiessy ou porte du Las (Disparues) Dans le revêtement de cette courtine courrait la galerie d’escarpe continue à casemates en série (20 casemates) recoupées vers le milieu de la courtine par la porte Missiessy. Celle-ci était l’entrée côté terre de la partie de l’Arsenal créée autour de la darse de Missiessy. Elle fut supprimée en 1925, et la courtine détruite. 2– bastion (disparu) C’était le plus petit des bastions de l’extension ouest. Dans le revêtement de ce bastion courrait la galerie d’escarpe continue à casemates en série (33 casemates). Détruit après 1933 à une date mal définie du XXe siècle. 2-3 – Courtine (Disparue) Cette courtine comportait une poterne près du flanc droit du bastion 3. Dans la partie du revêtement régnant à droite de cette courtine courrait la galerie d’escarpe continue à casemates en série (16 casemates). Détruite en majeure partie (des restes du revêtement subsistent à proximité et en raccord au flanc droit du bastion 3) à une date mal définie du XXe siècle. 3– bastion Ce large bastion (Fig. 6) était défilé par deux dehors, une contregarde de plan en chevron, cotée 11 et, devant la face gauche de cette contregarde, une petite lunette asymétrique, cotée 12. Si le bastion est conservé, les dehors ont disparu, à l’exception du revêtement de gorge de la contregarde (qui formait contrescarpe du fossé devant les faces du bastion), montrant encore le profil du parapet (Fig. 7) et un escalier « en pas de souris » (Fig. 8, fig. 1). 71 La galerie d’escarpe à casemates en série est discontinue dans ce bastion : elle ne concerne que le flanc gauche (5 casemates), ou elle continue celle de la courtine 3-4 (Fig. 9), et la majeure partie de la face gauche (Fig. 10) (10 casemates échelonnées, desservies par une galerie montant régulièrement en pente douce de l’angle d’épaule à l’angle de capitale), mais s’interrompt avant l’angle de capitale (Fig. 2), disposition bien d’origine, visible sur les plans des travaux en cours en 1865. Tout le côté droit du bastion est dépourvu de galerie d’escarpe à casemates (Fig. 6). Cette lacune est due à la présence à l’intérieur du bastion, près des revêtements d’un important rocher naturel (de même nature, en plus petit, que l’ancienne butte de Missiessy, située plus au sud-ouest), directement chemisé par le revêtement de l’angle de capitale et de la moitié droite ; il n’avait pas été jugé utile de miner ce rocher pour permettre de poursuivre la série des casemates. L’arête supérieure du rocher, de plan allongé et d’axe à peu près nordsud, régnant de la gorge à l’angle de capitale, affleure et dépasse sensiblement la hauteur du revêtement et du terre-plein (Fig. 2) : elle avait été mise à profit pour former une grande traverse qui devait se prolonger, en-deça de la gorge du bastion, dans le merlon du retranchement ou « grand cavalier » défensif jamais réalisé, projeté pour séparer, dans l’aire de la grande enceinte, la zone Malbousquet au nord-ouest, dévolue à la guerre, de la zone Missiessy, au sud-est, réservée à la Marine. La contregarde (11) disparue était elle-même recoupée sur sa face gauche par une grosse traverse de nature rocheuse mais abritant un souterrain en caverne avec issue à la gorge dans le fossé, en prolongement de l’axe de la grosse traverse du bastion. L’affleurement rocheux se continuait au devant de la face gauche et de l’angle de capitale de la contregarde, occupé et aménagé pour la lunette, elle-même traversée ; il était taillé en tranchée pour les fossés enveloppant ces dehors, et restait apparent sur le glacis. Le bastion comportait un cavalier, aujourd’hui aplani, dont le parapet des deux faces surmontait directement le revêtement, celui des flancs seul étant retiré ; dans l’aire intérieure de la moitié droite était réservé un renfoncement de plain pied avec la rue du rempart, en partie excavée dans le rocher, destinée à abriter un magasin à poudres dont le parti initial, non réalisé en 1872, était alors remplacé par un projet de deux petits magasins caverne, abandonné en 1875. Les casemates ont été utilisées à partir de septembre 1944 pour enfermer les prisonniers de guerre allemands (450 environ, repartis dans les casemates des bastions 3 à 5) ; à cette occasion, elles ont été isolées de la galerie par une cloison mince en briques. Leurs parois murales sont ornées de compositions peintes en couleur ou en camaïeu, ou dessinées au trait par certains des prisonniers, à savoir 6 tableaux distincts. 3-4 – Courtine La galerie d’escarpe à casemates en série règne de façon continue sur toute cette courtine, traversant au passage une poterne ménagée vers son centre (Fig. 11, fig. 9) . Elle comporte 21 casemates, à raison de 9 à droite de la poterne, 12 à gauche. Pour l’essentiel nivelées à l’horizontale en moitié supérieure de l’élévation, galerie et casemate plongent de chaque côté pour déboucher latéralement dans le passage de la poterne, qui communique au fond du fossé ; quatre des 21 casemates, soit deux de chaque côté de la poterne, sont donc étagées en descente, et desservies par un tronçon de galerie en escalier. La poterne traverse le rempart, de plain pied avec la rue du rempart, comportant côté intérieur une arcade d’entrée renfoncée dans le talus à terres coulantes de revêtement entre deux petits murs de profil évasés, suivie d’un couloir rectiligne voûté en berceau. Elle débouche dans le revêtement extérieur par une arcade, aujourd’hui murée, couverte d’un arc plein-cintre en pierre de taille blanche extradossé en escalier. 72 Dans l’état actuel, le fossé est remblayé sur un peu plus d’un mètre, en appui contre le reste de l’ancienne tenaille en terre sommaire qui couvrait la courtine ; une voie rapide parallèle à l’autoroute A50 passe dans ce fossé, en bordure du revêtement de contrescarpe, qui est conservé, avec sa tablette et un escalier en pas de souris qui montait sur le chemin couvert (Fig. 11). 4– bastion Ce bastion est à peu près semblable dans son volume et son plan au bastion 3, et comportait un cavalier analogue, qui a été nivelé. L’aire intérieure est en partie élargie et occupée par deux bâtiments construits dans le dernier quart du XXe siècle. La galerie d’escarpe à casemates en série règne de façon continue dans les faces et les flancs, prolongée par celle des courtines voisines. Elle comporte 47 casemates, 7 dans le flanc droit (Fig. 11), 20 dans la face droite (Fig. 12), 14 dans la face gauche (Fig. 13) et 6 dans le flanc gauche (Fig. 14). La profondeur des casemates augmente insensiblement dans le flanc droit, puis vers la partie centrale de la face droite, pour revenir au module carré de base du côté gauche. Un accès aux casemates depuis la rue du rempart est assuré par un étroit couloir casematé légèrement ascendant traversant perpendiculairement le rempart au droit de l’angle rentrant entre le flanc droit du bastion et la courtine 3-4. Un autre accès, depuis la banquette d’artillerie du flanc gauche, descendait en escalier de deux volées voûtées dans la casemate de la face gauche attenante à l’angle d’épaule du bastion. Il est aujourd’hui condamné. Les casemates ont été utilisées à partir de septembre 1944 pour enfermer les prisonniers de guerre allemands (450 environ, repartis dans les casemates des bastions 3 à 5) ; à cette occasion, elles ont été isolées de la galerie par une cloison mince en briques. Leurs parois murales sont ornées de compositions peintes en couleur ou en camaïeu, ou dessinées au trait par les prisonniers, à savoir 49 tableaux distincts répartis dans les différentes casemates. 4-5 Courtine et porte Malbousquet La galerie d’escarpe à casemates en série règne de façon continue sur toute cette courtine (Fig. 15), traversant au passage d’abord la porte Malbousquet, qui est ménagée non au centre, mais entre le premier et le second tiers du développement de la courtine, traversant ensuite une poterne peu distante du flanc gauche du bastion 5. Il y a en tout 24 casemates, dont 8 entre le bastion 4 et la porte Malbousquet; la 4e et la 5e ont été défoncées dans le denier quart du XXe siècle pour créer un passage routier à double sens. Symétriquement, la 4e et la 5e des 12 casemates situées entre la porte Malbousquet et la poterne ont subi le même traitement. Les arcades de ces passages routiers, ouvrant entièrement le volume de la casemate, ont un encadrement plaqué en fausse pierre de taille (Fig. 16) imitant les claveaux extradossés en escalier du XIXe siècle. Le sol des trois dernières casemates, entre la poterne et le bastion 5, règne à un niveau un peu inférieur, de plain-pied avec cette poterne dont le seuil, plus bas que celui de la porte Malbousquet, n’est pas tout à fait au fond du fossé. Le soupirail haut des casemates est agrandi a posteriori dans le cas de celles régnant entre le bastion 4 et la porte Malbousquet, et dans son état d’origine après la porte Malbousquet. La poterne est analogue à celle de la courtine 3-4, mais son arcade extérieure est devenue peu visible, du fait du murage dont elle a fait l’objet, et du rehaussement du fond du fossé par remblaiement. Le passage d’entrée à voie unique de la porte Malbousquet, d’une largeur équivalente à celle d’une casemate, est sobrement voûté en berceau, et l’encadrement architecturé de ses 73 arcades d’entrée et de sortie est d’un style néo-classique minimaliste, sans recherche d’ornementation ou de monumentalité. La façade côté fossé (Fig. 17) , intégrant l’arcade d’entrée adaptée à un pont-levis « à la Poncelet », est encadré de deux piliers en faible saillie (cette saillie permettait l’encastrement du tablier du pont-levis en position fermée) avec chaînages d’angle harpés en pierre de taille blanche lisse et trumeau en assises réglées deux fois moins hautes, de pierres appareillées grises, de même nature que les parements courants du revêtement, mais mieux dressées, à l’instar de celles réservées à l’encadrement des créneaux des casemates. Ces piliers reposent sur un soubassement de même saillie par l’intermédiaire d’un corps de moulure torique ou cordon. L’arcade proprement dite avait un encadrement en pierre de taille blanche lisse avec arc plein cintre aux claveaux extradossés en escalier, comme pour les poternes, mais cette arcade d’origine a été agrandie au XXe siècle aux dépens de ses piédroits en retaillant un arc plein cintre plus ample dans la maçonnerie audessus de l’ancien, démonté. Les fentes de passage de la chaîne du pont-levis vers les poulies du mécanisme de levage étaient percés en haut des jambage et au niveau des sommiers de l’arc d’origine ; elles ont été supprimés et des simulacres, laissant passer des chaînes non fonctionnelles, ont été repercés plus haut, de chaque côté de l’arc actuel. L’entablement de cette façade est formé d’une corniche simple soutenue à la frise par des modillons profilés en doucine et surmontée d’un couronnement en retrait ou en attique, équivalent en hauteur à un garde-corps ; sur la partie centrale se détache, en lettre découpées métalliques, l’inscription « Porte Malbousquet ». La façade du côté intérieur de la place (Fig. 18) est plate, sans piliers, et offre le même entablement et couronnement. Les jambages sont entièrement en pierre de taille blanche, un corps de moulure formant imposte au niveau des sommiers de l’arcade fait transition avec la partie médiane de la façade, encadrée de chaînes d’angle harpées, et parementée en blocage enduit (crépi actuel jaune clair). L’arcade a aussi été élargie de ce côté, elle offre un arc pleincintre percée à l’emporte-pièce, remplaçant l’arc primitif moins ample, qui était souligné de fasces. Cette façade s’ouvre dans un mur revêtant de la face postérieure du rempart, sur toute la hauteur de celui-ci, en fort retrait de la rue du rempart ; ce mur renfoncé, terminé de chaque côté par un mur de profil en retour d’angle droit, bordé d’une volée d’escalier montant sur le rempart, est assez large pour accueillir deux pavillons carrés adossés encadrant symétriquement l’arcade d’entrée, et décollés du mur de profil par les escaliers précités. Ces pavillons en simple rez-de-chaussée abritent chacun un corps de garde divisé en deux travées inégale par un mur de refend, et prenant jour chacune par trois baies cintrées -une porte encadrée de deux fenêtres- ouvrant sous un petit portique de trois arcades plein-cintre en façade. L’ordonnance de cette façade, à piliers en pierre de taille, impostes, chaînes d’angle, arcs à fasces, entablement et couronnement, adopte le même style que l’arcade de la porte, avec une différence pour la frise de l’entablement, lisse et dépourvue de modillons. On notera que ce style, nullement novateur en 1862, s’inspire très directement et précisément de celui du projet non réalisé de 1840 pour la porte de France de l’ancienne enceinte de ville ; c’était aussi le style employé pour la façade côté ville de la porte Notre-Dame et de la porte de France, édifiées entre 1855 et 1860. Le muret de couronnement masque le toit de chaque pavillon, sur charpente à quatre versants à faible pente. Les hautes banquettes et parapets de terre qui couvraient le rempart et mettaient le passage voûté de la porte à l’épreuve des bombes, ont été dérasées. 5– demi-bastion et contregarde 13 Ce demi bastion comportant un flanc et une face droites, et une demi face gauche, est lié symétriquement au demi bastion 6 ; l’un et l’autre sont reliés par leur demi face, et le cumul des deux s’apparente par les dimensions et par le plan aux bastions 3 et 4, à cette 74 différence près que l’angle de capitale y est remplacé par deux angles saillants reliés entre eux par les deux demi faces formant un angle rentrant (Fig. 19). La face droite de ce bastion est fortement et régulièrement pendante ou rampante sur tout son développement (18m de dénivelé pour 80m de long), car implantée sur le versant oriental, artificiellement régularisé, de l’éminence dont le fort Malbousquet occupe le sommet. Les dessus comportaient deux banquettes d’artillerie avec parapet en terre échelonnées en crémaillère, dont les profils sont aujourd’hui dégradés. La galerie d’escarpe à casemates en série règne de façon continue dans les revêtements de ce demi bastion, en prolongement de celle de la courtine 4-5, comptant 19 casemates, dont 4 dans le flanc droit, 11 dans la face droite, échelonnées en crémaillère, et 4 dans la demi face gauche. Ces dernières casemates diffèrent des autres parce qu’elles sont équipées de créneaux de pied, sorte de mâchicoulis percé au sol contre le mur de fond crénelé et débouchant sous un arc segmentaire ménagé dans la partie inférieure du revêtement, le tout surplombant un fossé diamant creusé dans le fossé de l’angle rentrant formé par les deux demi faces des demi bastions 5 et 6 (Zone actuellement rendue impénétrable par la végétation). Les casemates du demi bastion 5 ont été utilisées à partir de septembre 1944 pour enfermer les prisonniers de guerre allemands ; elles comportent, depuis le début du XXe siècle, un mur de fermeture les isolant de la galerie (Fig. 5), et un mur de refend dans l’axe de la voûte les divisant en deux cellules (Fig. 20, 21), chacune dotée d’une porte surmontée d’un jour carré, et, au ras du sol, d’un passe-plat à vantail de fer avec grosse targette de verrouillage (Fig. 22, fig. 5). Leurs parois murales sont ornées de compositions peintes en couleur ou en camaïeu par les prisonniers : paysages, scènes animées « folkloriques » ou fantaisistes avec personnages (Fig. 23), à savoir 29 tableaux distincts répartis dans les différentes casemates, principalement celles de la face droite. Le décor peint s’étend aussi à des plinthes en grisaille ou faux marbres sommaires courant autour des créneaux ou jusqu’aux piédroits des portes. Une grande contregarde (chiffrée 13) pendante dans le sens de la pente ouest-est, à haut revêtement à bossages bruts (comme ceux du corps de place), portant trois étages de banquettes et parapets d’artillerie (actuellement dégradés) échelonnés en crémaillère, couvre la face du demi bastion 5, qu’elle outrepasse un peu de son extrémité est, et forme un retour d’équerre couvrant et défilant les deux demi-faces rentrantes des demi bastions 5 et 6, imposant au fossé intermédiaire un plan en chicane (Fig. 24) . A l’extrémité inférieure (est) de cette contregarde, le revêtement incorpore un escalier voûté à deux volées droites qui relie les dessus (banquettes) au fossé, côté corps de place. En outre, le revêtement intérieur de la contregarde comporte trois escaliers en pas de souris échelonnés, chacun correspondant à un étage de banquette d’artillerie. La partie du fossé extérieure à la contregarde a conservé sa contrescarpe, qui se prolonge vers l’ouest pour envelopper le fort Malbousquet. Les reliefs de terre du chemin couvert sont aujourd’hui aplanis, mais le glacis subsiste, couvert de bois taillis. 6– demi bastion et casernement casematé En plan, ce demi bastion est presque symétrique au précédent, auquel il est directement lié par sa demi face droite. Il s’en différencie toutefois par diverses caractéristiques. Son niveau d’arase (soit la tablette) de son revêtement règne 7 m plus haut que celui de la demi face du demi bastion 5 (Fig. 19). Sa demi face, en partie pendante, en partie nivelée à l’horizontale (Fig. 25), est plus longue que celle du demi bastion 5 ; elle renferme la suite de la galerie d’escarpe à casemates en série, avec 6 casemates ; les trois premières, logée dans la partie pendante du revêtement, sont, comme celles de la demi-face du demi bastion 5 équipées de créneaux de pied, débouchant sous un arc segmentaire ménagé dans la partie inférieure du revêtement, dans la suite, en retour d’équerre, du fossé diamant 75 (lui-même en pente). Les 3 casemates suivantes, dans la partie du revêtement arasée à l’horizontale, règnent près de 2m plus haut. Ces trois dernières casemates du front nord de la grande enceinte ouest sont les plus profondes de toute l’enceinte. En revanche, la continuité de la galerie à casemates en série, s’interrompt en ce point, la face et le flanc gauche du bastion en étant dépourvus (Fig. 26). Les dessus du demi bastion, composés d’une plate-forme d’artillerie à 5 côtés et d’un parapet en terre sont surhaussé par un fort talus pour former, avec ceux de la courtine 6-7, un cavalier permettant des tirs d’artillerie à longue portée au-dessus du fort Malbousquet. Aujourd’hui dégradés, ces dessus en terre élevés recouvrent un casernement casematé dont le mur de façade (Fig. 27) occupe la gorge de l’ouvrage, formant mur de soutènement des talus en terre, et donnant sur une cour ou terrasse ouverte en belvédère vers l’ouest, ce qui rend cette façade visible de loin (Fig. 28). Ce casernement palliait l’absence de locaux adaptés au logement de troupes dans le fort Malbousquet, depuis sa transformation en dehors de l’enceinte (dans son état primitif d’ouvrage détaché, le fort en comportait un, détruit préalablement à la construction du front 6-7 de la grande enceinte). Les sept amples casemates du casernement, entresolées, pénétrant profondément dans le terre-plein du demi-bastion, définissent chacune une travée de la façade du casernement. Chaque façade de casemate (Fig. 27) comporte classiquement une porte flanquée de deux fenêtres de même largeur, encadré d’un chambranle en pierre de taille blanche avec couvrement en plate-bande appareillée, les encadrements se détachant sur le parement courant en blocage revêtu d’un enduit couvrant. Dans l’état actuel, les fenêtres et la partie supérieure des portes sont toutes murées. Au dessus de chacune de ces travées à trois baies, le profil de la voûte des casemates est exprimé en façade par un grand arc en segment de cercle (environ 1/3 de cercle), avec appui régnant au niveau du plancher de l’entresol des casemates (Fig. 29). Arc et appui également en pierre de taille blanche, formaient à l’origine une grande baie ouverte, aujourd’hui refermé par un mur de remplage au centre lequel s’ouvre une petite fenêtre carrée. Les casemates communiquaient entre elles, aux deux niveaux, par des passages en corridor percés dans les murs de refend, vers le fond. Chaque mur de refend était également équipé d’un conduit de cheminée débouchant sur les dessus en terre du bastion. Les robustes solives du plancher d’entresol des casemates ne sont pas empochées dans le mur, mais assemblées à une poutre de rive portant sur une série de corbeaux en pierre (Fig. 30). L’accès à l’entresol se fait par un escalier en charpente ménagé au fond de la casemate centrale, avec deux courtes volées convergeant dans une volée centrale (Fig. 31, 32), avec garde-corps en bois (poteaux alternant avec des croix de Saint André). L’ensemble des casemates est isolé du terre-plein du bastion par un haut couloir voûté enveloppant permettant d’assainir le casernement, à la manière d’un couloir d’isolement de magasin à poudres (Fig. 33). Les entresols comportent une baie en demi-cercle ouvrant sur la partie supérieure de ce couloir. La branche latérale gauche du couloir débouche sur la cour du casernement dans le mur de profil faisant retour d’angle obtus de la façade (parement à bossages bruts). A cet endroit existait un petit bâtiment de douches pour la garnison, disparu. Du côté droit, l’issue du couloir d’isolement débouche dans la façade même, près du retour d’angle droit avec un mur de revêtement plus bas auquel s’adossait le bâtiment de la cuisine du casernement, également détruit. Cette branche droite du couloir d’isolement se confond avec la galerie d’escarpe à casemates en série au droit des trois premières casemates de la demi-face droite du demi bastion 6. 6-7 – Courtine-cavalier et poterne vers le fort Malbousquet Cette courtine, tout comme le bastion 6, est bâtie sur le sommet de la hauteur de Malbousquet, à un emplacement antérieurement occupé par le front de gorge du fort 76 Malbousquet, détruit en partie pour céder place à ce front 6-7 de l’enceinte. Dans le prolongement du bastion 6, et continués au même niveau à la gorge du bastion 7, les dessus de la courtine, banquette et gros parapet d’artillerie, formaient le « cavalier 7bis », soit la position de tir de batterie de défense terrestre la plus haute en altitude de toute l’enceinte de Toulon, dominant notamment les ouvrages conservés du fort Malbousquet, transformés en dehors. Ces superstructures en terre sont aujourd’hui très diminuées tant sur la courtine qu’à la gorge du bastion 7. A la gorge de du « cavalier », c'est-à-dire au revers de la courtine, s’étendait une petite place d’armes de plan triangulaire dominant en terrasse l’aire intérieure de l’enceinte, à laquelle donnaient accès deux chemins militaires convergents gravissant les pentes de la hauteur Malbousquet à partir de la « rue du rempart » des fronts nord et ouest de l’enceinte. Cette place triangulaire existe encore, élargie, desservie aujourd’hui par un chemin différent de ceux d’origine. Depuis cette place, une poterne traversant la courtine à peu près en son centre assure la communication avec le fort Malbousquet. La courtine est protégée d’une haute tenaille revêtue, en partie taillée dans le roc, qui est elle-même traversée par la poterne (Fig. 34). Le passage de la poterne traversant le rempart de la courtine, très allongé, est voûté en berceau dans une maçonnerie de blocage assez grossière revêtue d’un enduit aujourd’hui largement dégradé et tombé (Fig. 35) ; elle est terminée à ses deux extrémités par une arcade en pleincintre encadrée en pierre de taille lisse se détachant sur les bossages bruts du revêtement, à l’image des autres poternes de l’enceinte, comme celle de la courtine 3-4. A droite de la poterne, le revêtement abrite un court segment de galerie d’escarpe en cul-de-sac, desservant seulement 3 casemates. La partie de la poterne passant au centre de la tenaille pour déboucher à la gorge du fort Malbousquet est également voûtée en berceau (non enduit), mais beaucoup plus courte, faisant raccord avec l’arcade de sortie (plus basse) et l’arcade d’entrée par l’intermédiaire d’une arrière voussure segmentaire (Fig. 36). Ces arcades d’entrée et de sorties sont du modèle déjà évoqué à propos des poternes en général, caractérisé notamment par les claveaux de l’arc extradossés en escalier (Fig. 37). Cet encadrement très soigné se détache sur un revêtement dont le parement, accusant un fruit, est plus négligé que celui de la courtine et du corps de place, composé de moellons sommairement équarris et assisés, revêtant par endroit la masse rocheuse. A la clef de l’arcade de la poterne ménagée dans revêtement postérieur de la tenaille, est intaillé le millésime 1868, commémorant l’achèvement du chantier (Fig. 38). La tenaille parait inaboutie, du côté extérieur, face au fort Malbousquet : de part et d’autre de l’arcade de la poterne, ménagé dans un revêtement en retrait du front principal de la tenaille, ce front est matérialisé par une terrasse basse, qui se raccorde mal aux extrémités couvrant les flancs des bastions (Fig. 39), celle de gauche étant brute de taille dans le rocher, avec quelques remaillages de maçonnerie. 7– bastion Ce bastion, dont on a vu, à propos du fort Malbousquet, qu’il remployait une partie du volume, un flanc et une face du bastion 7 de l’ancien fort, a cependant été entièrement reparementé lors de la campagne de 1863-1868, comme le montre la régularité de son appareil à bossages bruts. Son flanc droit est arasé à l’horizontale (Fig. 39), ainsi que sa longue face gauche (plus de 100m) tandis que sa courte face droite et son flanc gauche sont fortement pendants dans le sens de l’escarpement naturel du terrain, (pentes sud / sud-ouest de la hauteur Malbousquet). La majeure partie de son aire intérieure est fermée à la gorge par l’épais rempart du « cavalier 7 bis », formé par les dessus de la courtine 6-7 et son prolongement à gauche, 77 infléchi de deux pans rentrant, et terminé par un pan sortant en retour d’angle droit formant une grosse traverse qui sépare la partie droite de la plate-forme d’artillerie du bastion de la partie gauche, plus petite, entre traverse et flanc gauche, et ouverte à la gorge. L’accès à la partie haute de la plate-forme d’artillerie du bastion est assuré par une poterne en passage souterrain voûté traversant le rempart, en tous points comparable à la poterne de la courtine 67. Les revêtements de ce bastion sont entièrement dépourvus de galerie d’escarpe à casemates en série. 7-8 – Courtine Cette courtine en partie défilée par une traverse n’offre aucune particularité remarquable, étant sans galerie à casemates. Son arase est légèrement pendante. 8– bastion Ce bastion médian du front ouest de la grande enceinte présente un plan comparable à celui du bastion 7, caractérisé par l’asymétrie entre une face droite courte et une face gauche allongée ; il a été construit autour du Château Védeaux, maison noble à tourelles et ailes basses maintenue en place dans l’aire intérieure jusqu’en 1869, empêchant l’achèvement du parapet d’artillerie de la face gauche. Dans son état actuel, le revêtement du bastion est privé de la tablette qui couronnait l’arase nivelée à l’horizontale (Fig. 40). La galeries d’escarpe à casemates en série, interrompue dans le bastion 6, avec un court segment isolé dans la courtine 6-7, ne recommence de façon continue que dans le flanc gauche de ce bastion 8 (Fig. 41), qui n’abrite que deux casemates, l’une bien conservée dans son état d’origine avec ses deux créneaux encadrés en briques à l’intérieur et le soupirail haut en fente horizontale cintrée immédiatement sous le sommet de la voûte en berceau (Fig. 42). On note le « fantôme » du plancher d’entresol disparu, trahi par la différence de traitement des parements entre la partie inférieure de la casemate, dont le blocage est apparent et nu, tandis que la voûte et les deux parois sous le cintre de cette voûte sont revêtus d’un enduit couvrent. Dans l’angle rentrant du flanc du bastion avec la courtine 6-9 -démolie dans cette partie contiguë au bastion- (Fig. 41), l’épaisseur du revêtement abrite encore la casemate aveugle carrée qui servait de rotule (présente dans certains seulement des angles de l’enceinte), caractérisée par sa voûte en arc de cloître, en gros moellons équarris et soigneusement bloqués en partie inférieure, en blocage plus grossier à joints beurrés au-dessus (Fig. 43). 8-9 – Courtine Cette courtine et l’ensemble de son rempart, qui comportait quatre traverses séparant 5 sections d’artillerie, sont fortement pendants (Fig. 44), répercutant un dénivelé de près de 20m sur un développement de moins de 200m. Le fossé est en partie comblé et la tenaille qui masquait la partie basse du revêtement a disparu. La galeries d’escarpe à casemates en série, continuant le court segment du flanc gauche du bastion 8, desservait 28 casemates. Les deux premières d’entre elles ont disparu, du fait de la démolition d’un tronçon de la courtine sur une largeur d’environ 10m (Fig. 41), opérée après la seconde guerre mondiale pour faire déboucher hors enceinte le chemin militaire transversal qui séparait la partie de l’aire intérieure de l’enceinte dévolue à la guerre de celle attribuée à la marine. Les casemates conservées sont en état, mais le reste de la courtine est délabré (parapets envahis de taillis, tablette en grande partie manquante). 78 9– bastion et porte Lagoubran (Détruit) Ce bastion disparu n’avait jamais été achevé dans sa moitié droite, entre l’amorce de son flanc droit et la porte Lagoubran, mi ferroviaire, mi routière. 9-10– courtine (Détruite) 10– bastion (Détruit) Bastion du front de mer. 10-B– courtine (Détruite) 11- contregarde du bastion 3 (Détruite) Voir ci-dessus, bastion 3 12- lunette devant le bastion 3 (Détruite) Voir ci-dessus, bastion 3 13- contregarde du bastion 5 Voir ci-dessus, bastion 5 Fort Malbousquet (Hors nomenclature) Le fort Malbousquet, on l’a vu, n’est plus un ouvrage détaché autonome depuis que la construction du front 6-7 de l’enceinte, achevé en 1868, l’a amputé de son front de gorge et l’a annexé en le réduisant à un dehors complexe. Sa complexité même, et le réemploi -non sans importantes transformations- des ouvrages existants construits en partie en 1814 (lunette), mais surtout en 1843-1848 (enceinte du fort enveloppant la lunette) en font un dehors atypique, ce qui lui a valu de conserver le qualificatif, somme toute impropre, de « fort ». A cet égard, le casernement du demi-bastion 6 a remplacé fonctionnellement la caserne casematée du front de gorge du fort Malbousquet, construite en 1844-1846 et rasée en 186272. Le fort achevé en 1848 avait sa propre nomenclature chiffrée de 1 à 12, nomenclature dont l’usage s’est maintenu après 1868, les éléments chiffrés de 1 à 6, et une partie de celui chiffré 8 étant conservés, à la différence des suivants, détruits. Il ne s’agit pas ici de décrire à nouveau l’ensemble du fort de 1848 et revenir sur les campagnes de construction qui ont abouti à l’état final de cet ouvrage, ceci étant détaillé ci-dessus dans l’exposé d’histoire architecturale et de typologie générale. Il s’agit au contraire de décrire l’état actuel, d’une compréhension malaisée et d’une lecture très embrouillée, du fait du couvert végétal et de la difficulté d’accès et de visibilité de certaines zones. L’ouvrage actuel conserve deux des quatre fronts du fort d’origine, enveloppant de près dans l’aire triangulaire qu’ils définissent, l’ancienne lunette pentagonale de 1814 (6), conservée comme réduit défilant le magasin à poudres (de temps de paix, n° 10) niché à sa gorge. Le front principal est le front de tête, face au nord / nord-ouest, composé d’un rempart formant deux angles, celui de droite obtus (2) l’autre droit (3), avec banquettes d’artillerie, angles épaulés de deux demi bastions plus bas, de modestes dimensions (1, 4), faisant saillie exclusivement sur les fronts latéraux. Au milieu de ce front de tête, un ouvrage plus grand, 72 La légende des photographies éditées en carte postale en 1900 représentant la hauteur Malbousquet vue de l’intérieur de l’arsenal Missiessy, avec la façade du casernement du bastion 6, sont légendées : « le fort Malbousquet ». 79 fortement saillant, dit « l’As de pique » (5) en forme de bastion à flancs fortement retirés, est aussi haut que le rempart (2 -3) qu’il défile entièrement. En retour d’angle droit de ce front de tête (1-2-3-4-5), le front gauche de l’ancien fort est conservé sur les trois quart de son développement d’origine, formant une courtine (4-7) défilée et masquée par une grande et haute tenaille, sans doute reconstruite vers 1868 pour lui donner une plus grande hauteur que dans l’état d’origine. Au-delà du fossé retranchant le fort du corps de place, la face droite du bastion 7 de la grande enceinte, et le départ de sa longue face gauche, occupent l’emprise au sol exacte du flanc droit et de la face droite de l’ancien bastion du fort également chiffré 7, qui terminait ce front latéral gauche marquant l’angle de transition avec l’ancien front de gorge détruit. Une partie du terrassement et du revêtement de l’ancien bastion 7 du fort sont donc réemployés et adaptés dans le bastion 7 de la grande enceinte. Le rempart ou courtine 4-7 de l’ancien fort, et l’extrémité gauche de la tenaille, ont été amputés et recoupés par le fossé retranchant le fort du corps de place, fossé au sol fortement déclive vers l’extérieur (dans le sens de l’escarpement naturel sud-ouest). La tranchée percée à travers la courtine 4-7 pour créer le fossé est en grande partie taillée dans le roc, ce qui prouve que l’élévation de cette courtine ne fait qu’utiliser le rocher naturel, retaillé et revêtu. Le revêtement extérieur de la courtine, de 1843-1846 est médiocrement mis en œuvre en blocage de moellons. Celui de la tranchée de 1868, ou mur de profil du rempart (Fig. 45), habillant le rocher en le laissant largement affleurer par place, est en moellons équarris remployés des démolitions du front de gorge du fort. Le revêtement extérieur de la tenaille est parementé en bossages bruts, typique des années 1860, tandis que son imposant mur de profil (Fig. 46), joignant à la base celui de la courtine en fermant le fossé intermédiaire, est aussi en moellons équarris remployés des démolitions du fort ; on y remarque, vers l’emplacement du fossé intermédiaire un grand arc de décharge muré dans une maçonnerie différente, qui pourrait correspondre à une entrée de casemate réservée dans le fossé intermédiaire, inaboutie. Ce mur de profil de la tenaille est contrebuté hors emprise de cet arc, de quatre contreforts massifs, saillants mais bas. Le fossé extérieur à la contrescarpe est occupé par un hangar à engins en pierre et béton datant probablement de la seconde guerre mondiale. Le rempart de la courtine de gauche (4-7) n’est pas continu, mais divisé en deux zones bien distinctes, celle vers l’angle 3 (nord-est), la plus courte, participant de la défense du front de tête, celle vers le fossé du corps de place et le bastion 7 délimitant une plate-forme d’artillerie indépendante cotée 8. Cette partition, qui devait permettre au front de tête de continuer à se défendre, avec des postes de tir vers le sud-ouest, en cas de prise du front de gorge par l’ennemi, remonte à la conception du fort de 1842-1848. Elle est matérialisée par une coupure dissociant nettement les deux segments du rempart, coupure que referme, audessus du revêtement de la courtine, un mur maigre percé de trois créneaux de fusillade encadrés en brique sous niche couverte d’un arc segmentaire en pierre (Fig. 47), coiffé d’un chaperon en bâtière lui-même sommé d’une dame, ce qui empêchait toute communication d’une partie à l’autre du rempart au niveau du parapet d’artillerie (Fig. 48). Entre le revêtement intérieur du rempart et le revêtement de la lunette (réduit central du fort), le chemin de ronde desservant les rampes et les escaliers en pas de souris qui accèdent aux banquettes, est lui-même intercepté au droit de la coupure par un petit fossé intérieur revêtu (Fig. 49), jadis doublé d’un mur aujourd’hui disparu. C’est depuis le chemin de ronde du front de tête exclusivement que l’on accédait à la coupure entre remparts, au mur crénelé à dame (Fig. 50), et, de là, par une petite porte (à gauche) aujourd’hui murée, à un étroit chemin de ronde d’infanterie longeant la plate-forme 8, au dessus du revêtement de la courtine, qui allait jusqu’à l’ancien bastion 7 du fort. 80 L’ « As de Pique » (5) est accessible de plain-pied depuis les banquettes du rempart, par l’isthme réservé entre ses deux flancs retirés. Le revêtement des faces de cet ouvrage (5) est assez bas (comme celui des demi-bastions) proportionnellement à la hauteur des banquettes et parapets en terre, qui font l’objet de hauts murs de profil (Fig. 51); les maçonneries sont médiocrement parementé en blocage (avec angles d’épaules arrondis sans chaînage), caractéristique des revêtements ordinaires du fort des années 1842-1848. La contrescarpe du fossé bordant ses faces existe encore, comportant ça et là des arcs de décharge. L’accès aux deux demi-bastions bas 1 et 4 adossés au rempart des fronts latéraux au droit des angles (1, 4) du front de tête, est assuré par des poternes voûtées traversant le rempart, l’une (secteur 3-4) au niveau de la banquette, l’autre (secteur 1-2) à un niveau intermédiaire entre chemin de ronde et banquette. Les démolitions partielles subies par le fort en 1863 ont supprimé son front latéral droit en le coupant au ras du flanc du demi-bastion 1 et au ras de l’entrée de la poterne qui y donne accès, laquelle se trouve de ce fait près d’un angle créé par la coupure du rempart (Fig. 52). Là encore, le rempart est fondé sur un rocher, que la coupure n’a fait que tailler, en y ajoutant un revêtement partiel de maçonnerie, limité en un point à un arc de décharge au-dessus du roc brut (Fig. 53). Cette poterne (1-2) est couverte d’une voûte en berceau segmentaire en blocage enduit, légèrement rampante, pour descendre dans le demi-bastion 1, qui se termine à chaque extrémité par arcades ménagées dans les revêtements du rempart. Ces arcades sont encadrées en pierre de taille, avec arc à claveaux extradossés en escalier (Fig. 54), dispositif remontant à la construction des années 1842-1848. Elles comportent une feuillure dans laquelle s’ajustaient des vantaux (en fer ?) ouvrant vers le dehors. Celle donnant sur l’aire intérieure du demi-bastion est encadrée de deux goulottes en pierre qui évacuaient les eaux pluviales du rempart dans cette aire (Fig. 55). La poterne (3-4) présente des dispositions analogues. Le revêtement extérieur des faces et flancs de la lunette remployée de 1814, domine le chemin de ronde du rempart qui occupe l’emplacement de son ancien fossé (Fig. 56). Ce revêtement n’est manifestement pas resté dans son état d’origine : la mise en œuvre des chaînes d’angle harpées en pierre de taille blanche lisse, et la tablette, trahissent une reprise des maçonneries dans les années 1863-1868. La gorge de la lunette conserve son tracé « à cornes », soit formé d’un revêtement rentrant à trois côtés, enveloppant le magasin à poudres engagé en tenaille dans cette gorge et dégageant un fossé d’isolement. Ce magasin est lui-même bâti sur un soubassement un peu surhaussé par rapport au fossé d’isolement, et attenant à une terrasse (Fig. 57) qui le sépare du fossé du corps de place, terrasse dont le revêtement, participe du front de gorge du fort, en partie , taillé dans le rocher(Fig. 58). On accède à la porte du magasin par un escalier en pas de souris longeant le soubassement en moellons équarris (Fig. 59). Le sol de la salle des poudres du magasin (Fig. 60-61) repose sur un vide sanitaire formé de deux voûtes parallèles logées dans le soubassement, comme le montrent les plans d’archive. La salle elle-même était divisée en deux niveaux par un solide plancher d’entresol régnant au niveau des sommiers de la voûte en berceau. La salle haute seule prenait jour par deux baies classiques sous arc segmentaires (extradossé en escalier) à feuillure de volets intérieure et extérieure. La porte, couverte d’un arc identique, était la seule baie de la salle basse. Le ressaut ou épaulement formé par les murs latéraux, légèrement inclinés, et les corbeaux de pierre présents au même niveau dans les murs pignon, témoignent de l’appui de ce plancher disparu. Ces murs latéraux sont percés des classiques évents en chicane caractéristiques des magasins à poudres, et les murs pignons, fait moins fréquent, présentent en partie basse des « ventouses », conduits muraux verticaux débouchant dans la salle par des orifices carrés, contribuant eux aussi à réguler la ventilation de la salle. Voûte et parois murales sont revêtues d’un enduit couvrant. 81 A l’extérieur (Fig. 62), les parements ordinaires sont en blocage de moellons grossier, sur lequel subsistent les restes d’un enduit également couvrant. La pierre de taille blanche est réservée à une plinthe courrant à l’extérieur au-dessus du soubassement et à l’encadrement des fenêtres, porte et évents.Les pannes portant les chevrons de la couverture en tuile-canal (ruinée), reposent sur des murets montés sur les reins épais de la voûte, les intervalles étant remplis de terre. A l’arrière du magasin à poudres, du côté droit du revêtement rentrant de la gorge de la lunette, ou fossé d’isolement, une porte donne accès à deux casemates parallèles, voûtées en berceau très surbaissé (Fig. 63), occupant en soubassement tout l’espace interne de la « corne » droite de la lunette. On accède à la seconde casemate, plus proche de l’angle rentrant du revêtement et équipée d’un jour, par deux passages ménagés dans le mur qui la sépare de la première. Elle est aussi reliée à un petit passage en coude qui débouche dans le mur de fond du revêtement, près de l’angle, formant une porte étroite couverte en plein cintre (Fig. 64). Ces portes et jour sont en pierre blanche, avec claveaux extradossés en escalier. Dans le même mur de fond du revêtement de gorge, près de l’angle rentrant de gauche et de la façade d’entrée du magasin à poudres (Fig. 65), une large arcade couverte en pleincintre, également en pierre de taille avec claveaux extradossés en escalier (Fig. 66), dessert une rampe de roulage montant sur la plate-forme d’artillerie de la lunette, en s’incurvant légèrement droite. Les parapets d’artillerie de la lunette sont aujourd’hui dégradés (muret de genouillère conservé), mais celui de la face gauche comme celui de la face droite conservent une traverse abri (magasin à munitions), dont la mise en œuvre du mur de façade (Fig. 67) en opus incertum polygonal, et la porte à arc segmentaire extradossé, trahit une adjonction des années 1880-1890. 82