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Intervention du
Général Amadou-Toumani Touré
Ancien Président de la République
Président de la Conférence nationale du Mali
L’EXPÉRIENCE
DE LA TRANSITION DÉMOCRATIQUE AU MALI
(26 mars 1991-8 juin 1992)
Monsieur le Président,
Il m’est facile de raconter ce à quoi j’ai participé comme :
– Président du Comité de réconciliation nationale (militaire)
– Président du Comité de transition pour le salut du peuple
– Chef de l’État et Président du gouvernement,
Mais mon rôle est difficile, puisque je parle sous le contrôle de
Maître Demba Diallo, père spirituel de cette révolution malienne
en 1991, et celui de S.E. l’ambassadrice Madina TALL, viceprésidente de la Conférence nationale du Mali, (juillet et
août 1991).
Les événements du Mali : rétrospective
Il faut remonter au 19 novembre 1968, date du coup d’État contre
la première République de S.E. Modibo Keïta (mort en prison en
1977 tandis que ses collaborateurs ont été retenus dix ans en
prison sans jugement).
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De 1968 à 1978 : régime d’exception dirigé par les militaires.
1974 :
référendum pour une constitution, qui consacre
un parti unique (militaro-civil).
De 1979 à 1990 : naissance d’un parti unique – l’Union
démocratique du peuple malien (UDPM).
• Des signes annonciateurs
– L’Union nationale des travailleurs du Mali, pendant son
Conseil national, réclame le multipartisme (mai 1990).
– Le Barreau malien (août 1990).
– Lettre ouverte au Président de la République pour
demander le multipartisme, publiée par le journal Les Échos
dont le directeur de publication était à l’époque l’actuel
Président du Mali, S.E. Alpha Oumar Konaré.
La société civile s’organise en Comité de coordination des
associations et organisations démocratiques, regroupant l’AMDH,
le Barreau malien, l’UNTM, l’ADEMA association, la CNID
association, l’AEEM, la JLD, l’ADID, l’AJDP. Une presse engagée,
dont Les Échos, la Roue, Cauriset, Aurore, informe avec
détermination.
Le Comité de coordination, présidé par le secrétaire général du
syndicat, est animé et géré par Maître Demba Diallo, figure de
proue de l’insurrection pour l’obtention de la démocratie.
À partir de janvier 1991, la situation se dégrade (violence,
répression, morts d’hommes et dégâts matériels considérables).
Le Comité de coordination, installé à la Bourse du travail, avec
courage et détermination impose au régime de Moussa Traoré un
dialogue qui échoue. La violence continue.
La violence atteint son comble le vendredi 22 mars 1991 (Vendredi
noir). L’État est impuissant, la rue s’impose (destruction d’usines,
banques, centre des impôts, Trésor public, saccage de la base
industrielle, pillage, ouverture de la prison de Bamako, libération
des détenus). Le chaos s’installe.
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Le 26 mars 1991
Face à la violence, une partie de l’armée se désolidarise du régime.
Regroupée en Conseil national de réconciliation, elle prend le
pouvoir dans la nuit du 25 au 25 mars 1 991.
– Le Comité de coordination et le Conseil national de
réconciliation se rencontrent et fondent le Comité de
transition pour le salut du peuple (10 militaires et 15 civils).
• Décisions importantes
– Élaboration d’un Acte fondamental ;
– Mise en place d’un gouvernement de transition, avec un
Premier ministre chef de gouvernement (21 membres dont
16 civils et 5 militaires) ;
– Multipartisme intégral ;
– Organisation d’une conférence nationale (29 juillet-12 août
1991).
•
Une conférence préparatoire propose les textes initiaux :
– Projet de constitution ;
– Projet de code électoral ;
– Projet de charte des partis ;
– L’état de la Nation.
•
La Conférence nationale décide l’ouverture de
négociations avec la rébellion arabo-touarègue
(novembre 1991).
Premier trimestre 1992, organisation de différentes élections
libres :
– Référendum pour la nouvelle constitution ;
– Municipalités ;
– Législatives (2 tours) ;
– Présidentielles (2 tours).
11 avril 1992 : signature d’un Pacte de réconciliation nationale au
nord du Mali.
Autres missions de la transition
– Ouverture plus incitative de l’économie malienne aux
investisseurs ;
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– Éclosion d’une presse libre et privée – journaux supplémentaires
plus libres, radios libres (six radios). En 1999, il y a 89 radios libres
reconnues;
– Suppression des juridictions d’exception (Cour de sûreté de
l’État) ;
– Renforcement des mesures en faveur des droits de l’Homme ;
– Défense des libertés publiques et individuelles ;
– Ouverture du dialogue social.
• États généraux :
– Commerce et industrie ;
– Des transports ;
– De la jeunesse ;
– Du monde rural.
Originalités de la Conférence nationale et transition vers la
démocratie au Mali.
Selon certains, la Conférence nationale au Mali commence là où
finit celle des autres.
ORIGINALITÉ DE LA TRANSITION DÉMOCRATIQUE AU MALI
• Originalité
Le 26 mars 1991 commence la fin de la IIe République, le Comité
de transition, organe législatif, est mixte (15 civils et 10 militaires).
• Originalité
Le président du CTSP est un militaire, élu après vote par le Comité
de transition.
Il devient chef de l’État et Président du gouvernement,
conformément à l’Acte fondamental, et nomme un Premier
ministre, chef de gouvernement.
• Originalité
Un gouvernement de transition mixte, 21 membres dont 16 civils
et 5 militaires, sous l’autorité d’un Premier ministre.
• Originalité (neutralité des “constituteurs”)
Aucun membre des instances de la transition, législatif comme
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exécutif, ne peut participer aux élections qu’elles organisent
(sinon démissionner six mois avant la date des élections).
• Originalité
Le Comité de transition convoque et organise une conférence
nationale ; elle est présidée par le président du CTSP, chef de l’État.
Quatorze jours pour mettre en place :
– Un projet de constitution ;
– Un projet de code électoral ;
– Un projet de charte des partis ;
– L’état de la Nation.
Cette Conférence nationale regroupe 1 200 délégués, plus de 500
venus du monde rural, des Maliens de l’extérieur sont conviés à
participer.
La Conférence est politique et sociale.
Le 8 juin 1992, investiture du Président élu S.E. Alpha Oumar
Konaré. Cela consacre la fin de la transition démocratique au Mali.
Elle commence face à une révolution sociale et politique très
douloureuse, elle gère une rébellion au nord du Mali, négocie et
signe un pacte de réconciliation nationale.
Je vous remercie.
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